Présentation d’un colloque
p. 7-16
Texte intégral
1Je n’étais pas sans doute le plus qualifié, à tous égards, pour ouvrir ce colloque du C.N.R.S. organisé à Naples dans les locaux de l’Institut Français par le Centre Jean Bérard. Cependant, obéissant aux instructions de Madame Cébeillac-Gervasoni et de Madame de La Genière qui ont eu la charge de toute l’organisation du colloque, j’ai accepté très volontiers de prendre le premier la parole.
2D’abord parce que je suis l’hôte le plus ancien de nos hôtes. Je m’explique : comme je le rappelais récemment à l’occasion de la table ronde qui s’est tenue ici même sur la céramique grecque et de tradition grecque au VIIIe siècle1, voici plus de dix ans que le Centre Jean Bérard est, par l’intermédiaire de l’Institut Français, l’hôte de Naples et de l’Italie ; voici plus de dix ans que des chercheurs français ont la chance de pouvoir y travailler dans les meilleures conditions sur les problèmes de l’Italie méridionale, et, plus précisément, sur la colonisation grecque en Italie du Sud et en Sicile. Le cercle peu à peu s’est élargi : aujourd’hui nos collègues et amis italiens accueillent, avec nous, venant de nombreux pays étrangers, les spécialistes de ces céramiques de la Grèce de l’Est qui vont nous occuper pendant trois jours. Avant de retracer avec vous les objectifs de ce colloque, je tenais à rappeler ces circonstances, qui, pour nous, restent exceptionnelles et sont devenues banales, et je voudrais prier P.E. Arias, représentant ici du CNR, de dire a nome del Direttore Generale del CNRS, e se lo permette, anche a nome mio, il profondo riconoscimento del CNRS per la collaborazione amichevole e proficua che da anni esiste tra i nostri due Centri ; ti prego dunque di trasmettere questo messaggio al Presidente del CNR ed ai membri delle Commissioni che hanno le responsabilità scientifiche delle nostre discipline.
3La seconde raison qui m’a poussé à accepter la proposition de Madame Cébeillac-Gervasoni, c’est que, depuis longtemps les centres d’intérêt qui sont les miens m’ont amené à aborder, plus ou moins directement suivant les circonstances, le problème des céramiques de la Grèce de l’Est ; il y a en effet un peu plus de vingt ans que paraissait cet article, qui, comme bien des choses, a besoin aujourd’hui d’être « aggiornato » sur la chronologie des coupes ioniennes2 et nos travaux — je parle au nom de Villard et de Vallet — sur les cités chalcidiennes du Détroit de Messine et sur Marseille nous ont confrontés, marginalement pour moi mais directement pour F. Villard, avec ces céramiques cosiddette « ioniennes ». Evidemment, nos approches ont toujours été occidentales, même quand elles visaient à établir une typologie et une chronologie d’une série de l’Est ; et cette perspective occidentale, nous la retrouvons dans le colloque d’aujourd’hui dont le titre est significatif : « Les céramiques de la Grèce de l’Est et leur diffusion en Occident ».
4Vu le nombre des rapports, la quantité des informations qui doivent être apportées, la nécessité de procéder à des échanges de vues avec de véritables discussions, je m’efforcerai d’appliquer à moi-même une des règles que nous préciserons tout à l’heure en définissant ensemble les modalités de ce colloque et de présenter le plus brièvement possible ce que je crois être les principaux objectifs de notre rencontre.
5Au départ, il s’agit de céramiques, à définir, à distinguer, dont il convient de faire un inventaire et dont notamment il faudrait dresser la carte de diffusion en Occident. On voit tout de suite les deux niveaux auxquels se situe l’enquête ; pour paraphraser un titre de L. Breglia3, notre thème, c’est « le ceramiche della Grecia dell’Est e il loro valore documentario per la presenza ionica in Occidente » ; mais, dans l’étude de L. Breglia, il s’agissait en fait d’un type monétaire précis (« la monetazione tipo Auriol »), d’une ville précise (Phocée) et d’un phénomène historique déterminé (la colonisation de Phocée dans l’Ouest), alors que, pour nous, il s’agit d’un ensemble de séries, de provenance trop souvent indéterminée, et de phénomènes historiques qui peuvent prendre des formes bien différentes (colonisation, contacts commerciaux, directs ou indirects, etc...). C’est dire que ce colloque en recouvre au moins deux. Je le dis tout de suite, et clairement, nous l’avons voulu tel : plutôt que d’aborder dans deux démarches séparées, ici avec des spécialistes plus orientés vers la céramologie, là avec des archéologues plus tournés vers l’histoire, d’un côté le problème de la définition de ces céramiques et de l’autre celui de leur inventaire (ou de l’inventaire d’une partie d’entre elles) en Occident, il était souhaitable de provoquer, avec des risques inévitables de confusion, une rencontre unique de tous ceux qui travaillent, fût-ce avec des perspectives diverses, sur un même matériel archéologique, qu’il faudra d’abord préciser. Laissant de côté provisoirement les articulations de mon propre rapport qui ont été indiquées de façon un peu schématique dans le programme, je dirai d’abord que nous avons voulu — pour l’étude de ces céramiques — partir des données fournies par les recherches effectuées sur les sites où elles ont pu être fabriquées. Autrement dit, même si un certain souci de symétrie a donné aux regroupements des rapports l’apparence d’une répartition purement géographique, l’idée essentielle est de partir des lieux possibles de production pour passer ensuite aux lieux de diffusion, de la Mer Noire au lointain Occident. Le point de départ, c’est donc le Nord de l’Ionie, l’Ionie du Sud, les îles et, en conséquence, les informations que nous attendons des recherches conduites récemment dans ces régions sont fondamentales ; cela d’autant plus que ces recherches ont été assez nombreuses, bien menées et que des publications essentielles et récentes nous montrent tout ce que nous pouvons en attendre4. Il est certain que, au cours des dernières années, notre connaissance de ces céramiques s’est considérablement enrichie.
6Encore faut-il bien nous entendre sur ce dont nous parlons, et c’est pourquoi il est nécessaire, sans au demeurant les dramatiser, de prendre conscience des difficultés ou des problèmes qui existent au niveau même des définitions, des terminologies, ou si l’on veut, du vocabulaire. Je ne me réfère pas aux variantes auxquelles on se heurte toujours plus ou moins quand on définit les phases des grandes séries céramiques, par exemple aux discussions sur les noms à donner à nos vases de la première moitié du VIIe siècle : doivent-ils être appelés subgéométriques (ce qui n’est pas heureux), orientalisants (ce qui, comme le notait récemment J. Ducat, est après tout justifié) ou préarchaïques comme le propose H. Walter dans sa belle publication de Samos5. Ces discussions ne sont pas spécifiques aux céramiques de la Grèce de l’Est et je n’en traiterai pas ici ; en revanche, quand on essaye de définir, donc de dénommer, les différentes séries dont nous devons parler, on se réfère — et c’est naturel — à des critères soit descriptifs (couleur de la surface ou de la pâte), soit techniques (bucchero), soit stylistiques, soit enfin plus ou moins historiques : ainsi quand nous parlons, en Occident, de la céramique phocéenne, nous parlons en fait non pas d’une céramique que nous savons ou que nous supposons fabriquée à Phocée, mais d’une céramique liée à l’expansion de la colonisation phocéenne dans l’Ouest ; quand au contraire nous parlons de bucchero éolien, nous supposons, au niveau de la production, que cette céramique a pu être fabriquée en Eolide, et en Eolide seulement (il faudrait d’ailleurs connaître l’opinion de nos amis d’Asie Mineure à ce sujet) ; on retrouve ici, dans la terminologie, les deux niveaux que nous évoquions tout à l’heure : lieux éventuels de production, agents probables de diffusion. On pourrait penser que l’idéal serait d’attribuer une série à un atelier localisé et de donner le nom du lieu ainsi défini à la série correspondante. Mais, dans l’état actuel des choses, nous sommes loin de cet idéal apparent. Plus même, deux observations montrent qu’une telle démarche peut être dangereuse : il n’est pas toujours raisonnable de vouloir définir d’après des critères stylistiques des écoles ou des centres d’art. A cet égard, la démarche de H. Walter, qui cherche à distinguer son style samien de celui des autres centres d’art de la Grèce de l’Est, est en soi exemplaire ; dès lors, les réserves émises par J. Ducat dans l’article déjà cité prennent toute leur force et elles soulignent bien l’ampleur du champ laissé libre aux appréciations subjectives6.
7D’autre part, même si ces écoles ne risquaient pas d’apparaître comme des créations artificielles, des « fausses fenêtres », serait-il raisonnable, en l’état actuel des fouilles, de les « attribuer à cette cité plutôt qu’à cette autre. Une provenance ou deux, pour tout un groupe, ne suffisent pas » (6) ; d’où la conclusion à laquelle arrive Jean Ducat, et à laquelle, pour mon compte, je me rallierais : « peut-être serait-il plus sage d’abandonner momentanément l’ambition de définir des styles locaux (qui sûrement ont existé), pour constituer patiemment à la base, de petits groupes incontestables (du type « peintre » ou « atelier »), auxquels on se garderait d’imposer la moindre étiquette géographique »7.
8Ce type de problème avec, comme conséquence, la difficulté de constituer de vrais groupes et de leur donner un nom, se posait, dans les cas que je viens d’évoquer, pour des céramiques à décor : c’est bien le cas des céramiques de l’Est étudiées dans la perspective de leur production. Mais il se pose maintenant d’une façon, différente sans doute, mais qui ne suscite pas moins de difficultés, si l’on passe aux céramiques de l’Est qui ont eu la plus grande diffusion dans la Méditerranée et notamment en Occident et qui ne sont pas évidemment les séries décorées. L’étude de F. Villard sur la céramique grecque de Marseille a bien confirmé que, à Marseille comme un peu partout en Occident, la grande majorité des importations de la Grèce de l’Est est formée de céramique grise monochrome, de céramique commune à bandes peintes, avec une production importante de coupes ioniennes. Pour la définition de ces différentes séries, les critères ne relèvent donc plus d’observations stylistiques —sauf, théoriquement, d’éventuelles remarques sur les formes —, mais de particularités techniques qui pourraient permettre de préciser des ateliers. Mais les interférences ici se multiplient du fait des « imitations locales· ». Il n’est pas question d’aborder ici ce problème en détail, mais seulement d’en souligner quelques aspects et surtout d’en rappeler la complexité. Il y a évidemment le premier degré, le plus facile à définir et le plus difficile à identifier, celui de l’imitation qui, en copiant la forme et la technique, cherche à reproduire plus ou moins exactement son modèle ; on pourra introduire à l’intérieur de cette grande catégorie tous les cas particuliers qu’on voudra, tous les sous-groupes que l’on retiendra nécessaires (par exemple imitations coloniales, imitations indigènes, etc...), on pourra rencontrer parfois beaucoup de difficultés pour identifier ces imitations comme telles par rapport à leur modèles, mais la catégorie est claire : l’imitation est globale, elle concerne également la forme et la technique. Mais voici qui va venir compliquer le problème : à côté de cette imitation globale, il peut y avoir l’imitation de la forme, et non de la technique, c’est-à-dire qu’une forme empruntée est exécutée délibérément dans une technique que l’on pourrait appeler locale (le cas est fréquent pour certains types de coupes ioniennes) ; il peut y avoir aussi imitation de la technique, mais non de la forme, c’est-à-dire qu’on utilise une technique nouvelle pour une forme ancienne : citons par exemple les gobelets carénés, caractéristiques de la civilisation du premier âge du fer, que des ateliers du Sud de la France vont produire au VIe siècle en pâte grise monochrome8. Il peut y avoir enfin l’association nouvelle d’une technique (imitée) à une forme (imitée) : telles ces coupes ioniennes, bien attestées également dans le Midi de la France, tournées elles aussi en pâte grise monochrome9. Exemple intéressant, car il faut bien se demander si ce genre d’association relève effectivement et exclusivement d’un fait d’imitation : en effet, tout le raisonnement suivi jusqu’ici suppose que ces variations sur la forme et la technique sont nécessairement le fait d’imitations effectuées dans des ateliers périphériques, alors qu’il faut bien se demander si elles ne peuvent être aussi le fait d’interférences qui pourraient se produire au départ. Madame P. Zancani Montuoro rappelait récemment10 que les lécythes dits samiens, qui normalement sont tournés dans une pâte rougeâtre, existent aussi en bucchero éolien : il s’agit bien, semble-t-il, d’une vraie variante de technique et non d’une imperfection de cuisson. C’est dire que la même forme peut exister dans deux techniques différentes. On voit alors la difficulté de désigner toutes ces variantes, puisque les critères qu’on pouvait considérer comme caractéristiques d’une classe ou d’un groupe peuvent être « empruntés » par une autre classe ou un autre groupe, qu’il s’agisse d’une « imitation » à partir d’un modèle importé ou « d’interférences » entre les ateliers ou des centres de la Grèce de l’Est : bel exemple de confusion dans le vocabulaire que ces lécythes dits samiens, qui pourraient être fabriqués à Rhodes et qui existent en bucchero éolien ! Second exemple qui atteste bien ces interférences dans les productions des ateliers de la Grèce de l’Est : pour la série des lydions, la forme normalement attestée est la forme peinte ; mais il y a aussi, dispersés un peu partout dans la Méditerranée (Tocra, Tarente, Syracuse, Mégara, etc....) des exemplaires en pâte buccheroïde11. Ce n’est pas tout ; il faut rappeler ici l’existence de ces vases dits d’inspiration ionienne ou pseudo-ioniens, pour lesquels on ne saurait parler de reproduction ou de tentative de reproduction, mais d’adaptation ; dans certains cas, il peut s’agir de négligence, de maladresse, d’incapacité à reproduire, mais dans la plupart des cas, il s’agit d’un « air de famille » (l’expression est mauvaise, mais je n’en vois pas d’autre) qui oblige à rapprocher ces vases des productions ioniennes, sans pour autant qu’on puisse les intégrer vraiment à l’intérieur de celles-ci.
9De toutes ces indications fragmentaires, retenons pour le moment ceci : connaissances lacunaires, séries présentant de nombreuses variantes, surtout difficulté de fixer des critères pertinents de définition et de dénomination étant donné l’importance des imitations et l’existence des interférences. Alors comment procéder ? Se référer à des critères purement techniques ou descriptifs ? Oui et non : en effet, le critère de couleur lui-même est ambigu, puisque, comme on l’a noté récemment « le terme de céramique grise monochrome qui tend de plus en plus à être adopté de préférence au terme de phocéen ou de pseudo-phocéen pose également un problème car les productions de ces types peuvent varier au niveau des couleurs de la pâte et de la couverte entre l’ocre jaune et le gris... Si l’on conserve ce terme de grise monochrome, il est bien entendu qu’il s’agit d’une appellation conventionnelle12 ». Ne faut-il pas alors, pour définir, classer et dénommer, utiliser seulement le critère des formes, avec, par exemple, un clivage premier entre les vases-récipients (amphores) et les autres ? Il faudrait alors établir et fixer, comme pour la campanienne par exemple, par formes et à l’intérieur des formes, une typologie précise. Certes, ces typologies sont toujours incomplètes, nécessairement subjectives, encore que l’on puisse mettre au point des classifications ouvertes, par exemple, suivant les modèles proposés par J.-P. Morel dans son travail d’ensemble (à paraître) sur la céramique campanienne. Recherches sur les productions à vernis noir de l’Italie et de l’Occident méditerranéen ; alors on peut définir les types fondamentaux et intégrer les variantes au fur et à mesure que l’exigent de nouvelles découvertes. Pour mon compte, je pense qu’il est difficile d’éviter ce genre de typologie : par exemple, pour les coupes ioniennes, si la répartition en groupes A et B, en sous-groupes A 1 et A 2, Β 1, Β 2 et Β 3, telle qu’elle a été proposée par F. Villard et moi-même dans l’article auquel je faisais référence tout à l’heure, a été assez suivie depuis une vingtaine d’années, ce n’est pas parce qu’elle était meilleure qu’une autre, c’est que, avec tous ses défauts, elle permettait d’identifier, de classer et surtout de dénommer des vases. Ce n’est donc pas cette typologie que je défends, mais je pense que, vu l’importance de la sériel il était nécessaire d’en proposer une.
10Après ce rappel un peu long des difficultés, si l’on veut proposer sinon un schéma, du moins une méthode de travail, on pourrait, reprenant certaines suggestions contenues dans le rapport de P. Guzzo, dire ceci :
111. — Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons qualifier une série en fonction d’une prétendue provenance ; il est arbitraire et dangereux de définir a priori une céramique comme phocéenne, pour la seule raison qu’elle a connu une certaine diffusion dans les zones de la colonisation de Phocée.
12C’est dire que les critères empruntés à la diffusion des pièces ou des séries ne peuvent être utilisés pour classer ou localiser des productions ; il n’est pas de bonne méthode de partir des exportations, ou de ce que nous retenons tel, pour prétendre localiser des ateliers et définir des chronologies. Les indications provenant des lieux de production sont des données premières par rapport à celles provenant des lieux de diffusion.
132. — Il faut donc pour le moment rassembler tout le matériel provenant des fouilles et le définir, le ficher, comme dit P. Guzzo, en tenant compte seulement des critères objectifs. Mais en fonction de ce qui précède, il faut partir des données des fouilles effectuées en Asie Mineure.
143. — Pour classer tout ce matériel, définir et dénommer des catégories, il faudra avoir recours à la fois à un système de classement du type de celui qui va être mis au point pour la campanienne et sans doute aux méthodes formelles, du genre de celles qu’on s’efforce aujourd’hui d’utiliser pour les amphores.
15Programme ambitieux, mais qu’il faudra bien un jour mettre au point et en application... Faute de quoi, l’importance et la multiplication des nouvelles découvertes ne fera que rendre inextricable une situation déjà compliquée.
16C’est également dans une perspective Est-Ouest, ou plus exactement sous l’angle des rapports entre les données concernant la production et celles qui nous renseignent sur la diffusion de nos céramiques, que j’aimerais présenter plus rapidement quelques observations concernant la chronologie. Je laisserai de côté la question — pourtant essentielle — des systèmes de référence sur lesquels on va établir, en soi, donc au niveau de la production, les repères chronologiques. Il est clair que, pour nous en tenir au cas privilégié des céramiques de Samos, toute la chronologie est fondée par référence à la céramique corinthienne et que, pour cette dernière, H. Walter suit une chronologie très basse ; dans le rapport qu’il a bien voulu présenter ici sur la céramique archaïque de Samos, H. P. Isler remonte un peu cette chronologie, mais de toute façon les dates restent nettement plus basses que celles de Payne. Il y a donc là un problème d’ensemble dont les conséquences concernent les céramiques de la Grèce de l’Est mais qui, en amont, touche l’ensemble de la chronologie des céramiques grecques. Ce problème, il n’est pas question de l’aborder ici, mais les différences qui en découlent pour nos datations devaient, je crois, être rappelées.
17Cela fait, je me limiterai à quatre observations :
181. — Comme repères possibles pour une chronologie absolue, nous disposons sans doute de plus d’éléments précis pour le monde colonial d’Occident que pour l’Asie Mineure ou la Grèce. Je me bornerai ici évidemment à l’époque qui nous intéresse ; par ailleurs, il faut laisser de côté les dates de fondation de Sélinonte et de Marseille puisque l’existence, dans les deux cas, d’une double tradition exclut, au moins de manière théorique, que l’on puisse les utiliser comme des points de repère absolument sûrs ; en revanche, nous avons les dates de fondation d’Himère (648), de Camarine (598), de Lipari et d’Agrigente (580), puis, en 565, Aleria et, vers 540, Velia, encore que celle-ci fasse, vous le savez, problème. Dans quelle mesure — je pose ici la question de manière théorique, et non pas en fonction des informations concrètes que peut nous donner actuellement l’un de ces sites — ces dates de fondation, que l’on doit considérer comme à peu près sûres, peuvent-elles nous fournir des repères utilisables pour la chronologie des céramiques de la Grèce de l’Est ? La réponse théorique suppose, je crois, les conditions suivantes : d’abord, il faut admettre, au départ, la possibilité de distinguer les importations et les imitations locales, et ne s’occuper que de celles-là (je reviendrai tout à l’heure sur ce problème, eu égard à la chronologie, des céramiques locales et des céramiques importées) ; ensuite, dans la mesure où nos céramiques de la Grèce de l’Est peuvent provenir d’assez nombreux ateliers ou centres différents, on devra admettre, toujours de manière théorique, que, pour chacun, l’exportation de ses produits peut se placer soit plus au début, soit plus vers la fin, soit s’échelonner tout au long de sa production ; autrement dit, le fait seul de l’exportation apporte un certain élément d’incertitude chronologique, mais dont l’ordre de grandeur n’est pas de nature à rendre vaine cette perspective de recherches. Je pense donc qu’il serait opportun, pour toutes les formes de toutes les séries des céramiques de la Grèce de l’Est, de regrouper les indications précises que peuvent nous donner les sites pour lesquels nous avons des dates de fondation et d’établir ainsi une sorte de grille dont on pourra confronter les données avec celles qui viennent de l’Est : par exemple, celles dont R. M. Cook faisait l’inventaire en 196913, comme la destruction de Bayrakli autour de 600-590 ou l’abandon du site de Mezad Hasavyahu en Palestine en 609, qui donne un terminus ante quem pour la céramique du Wild Goat II qu’on y a recueillie.
192. — Comme repères possibles pour des chronologies relatives, nous avons dans le monde colonial beaucoup de données fournies par des associations précises dans les tombes ; bien entendu, nous devons, là encore, nous occuper d’abord exclusivement des importations ; nous devons aussi nous rappeler les marges d’incertitude que comporte ce genre d’associations : s’agissant d’importations, nous sommes là, si je peux dire, tout à fait au bout de la chaîne, puisque toutes les phases de l’existence du vase (production, exportation, utilisation, dépôt dans la tombe) viennent ajouter leurs incertitudes chronologiques. On rappellera également les mises en garde faites récemment par M. Gras : il y a la possibilité, pas toujours suffisamment observée, de la réutilisation d’une tombe dans un délai assez court pour laisser au matériel une apparente homogénéité mais assez long tout de même pour provoquer des erreurs de datation. Il y a surtout le fait que certains types de vases peuvent avoir eu une durée beaucoup plus longue que d’autres, en raison de l’originalité de leur forme ou de leur technique, ou bien encore de leur rareté14. Tout cela est vrai ; il n’en reste pas moins que, pour l’établissement de chronologies relatives, certaines associations dans le domaine colonial de vases provenant de la Grèce de l’Est avec d’autres séries peuvent donner, compte tenu des marges d’incertitude que nous venons de rappeler, de précieux points de repère. Je ne parle pas ici volontairement de chronologie absolue, en rapport avec les dates de fondation, parce qu’on ne peut pas toujours être sûr d’avoir la nécropole la plus ancienne et que, d’autre part, on discutera toujours sur l’existence d’un décalage possible entre l’arrivée des premiers colons (des hommes jeunes, rappelle-t-on volontiers) et la date des premières sépultures.
203. — Laissons de côté ces vieux problèmes, non sans avoir souligné que pour les questions de chronologie, à la différence de ce que nous avons noté tout à l’heure pour la localisation des centres de production, les données occidentales peuvent être utilisées pour leur compte, hic et nunc. Mais elles donnent en principe des points de référence, plutôt que des éléments de durée : si l’on y réfléchit bien, l’article de Villard et Vallet sur la chronologie des coupes ioniennes (que l’on m’excuse de le citer encore, mais c’est pour le critiquer) devait s’intituler chronologie de la diffusion des coupes ioniennes en Occident; en effet il est possible a priori de remonter le début de la-production des séries plus anciennes (il y aurait un décalage après tout normal entre leur apparition et leurs premières exportations), comme il est également possible a priori, encore que cela pose un autre type de problème du point de vue de l’histoire économique, de supposer, que, pour les dernières séries, l’exportation s’arrête avant la fin de la production. Il me semble au demeurant — je le suggère plus que je l’affirme — que ce genre de décalage risque d’être plus important pour les séries mineures que pour les séries à grande diffusion comme les coupes ioniennes : le bucchero éolien n’apparaît pas dans l’Ouest avant la fin du VIIe siècle, alors qu’il est attesté à date plus haute en Eolide où il est l’aboutissement d’une tradition plus ancienne15. Mais pour les séries importantes, ces décalages possibles peuvent affecter, sans doute de manière mineure, le début et la fin d’une série plus que son évolution. Encore faut-il s’entendre — et c’est le point essentiel — sur ce que recouvre le mot série : si les coupes ioniennes, pour parler encore d’elles, peuvent avoir été produites par un certain nombre d’ateliers ou de centres, n’est-il pas arbitraire de les traiter comme formant une série sinon unitaire, du moins homogène, avec une évolution linéaire que l’on pourrait en quelque sorte retracer indépendamment des apports singuliers de ces centres ou de ces ateliers ? Cette question, je la pose aux spécialistes, et je ne prétends pas pouvoir personnellement y répondre. Il me semble cependant que les productions d’une aire culturelle homogène sont elles-mêmes suffisamment homogènes pour que, au moment d’apprécier leur évolution, on puisse les considérer comme étant les parties d’un même ensemble.
214. — Il n’en va pas de même pour les imitations locales ; puisque dans ce cas, les aires culturelles peuvent présenter de très grandes différences, on ne pourra pas toujours, en terme de chronologie, confronter valablement une imitation et son modèle, pas plus qu’on ne devra confronter l’une par rapport à l’autre deux imitations, appartenant à des aires géographiquement, économiquement ou culturellement différentes. Cela dit, on rappellera ici les termes du débat sur les rapports chronologiques qui peuvent exister, pour les céramiques qui nous occupent comme pour d’autres, entre les séries importées et les imitations locales. Quelles sont, théoriquement parlant, les marges possibles de décalage ? Il n’y a pas de réponse à donner à cette question théorique : tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il est impossible de soutenir comme une règle que l’apparition ou le développement des céramiques locales coïncide plus ou moins — cause ou effet — avec la fin des importations. Pour aller plus loin, il faut faire du coup par coup et envisager les cas particuliers. Inutile de dire que ce qui n’est pas facile pour les imitations de la céramique corinthienne sera difficile, pour ne pas dire, dans l’état actuel des choses, à peu près impossible pour celles des céramiques de la Grèce de l’Est.
22Toutes ces incertitudes, jointes aux lacunes plusieurs fois rappelées de nos connaissances, rendent hasardeuses les interprétations historiques ; ce n’est évidemment pas le moment de les aborder, et c’est seulement après que les fouilleurs et les céramologues nous auront fait part de leurs découvertes et de leurs observations que notre ami E. Lepore pourra voir comment encadrer ces données dans ce que nous savons des grands mouvements (colonisation, commerce) entre l’Est et l’Ouest de la Méditerranée au VIIe et au VIe siècle. Je me limiterai ici à poser quelques questions ; ce ne sont pas nécessairement les plus importantes, mais ce sont celles auxquelles on ne peut répondre sans l’aide des archéologues. C’est pourquoi je me permets dès maintenant, et avant vos rapports, de les soumettre à votre attention.
231. — Est-il vrai que le facies des exportations de la Grèce de l’Est en Occident et celui de ses exportations dans l’Orient méditerranéen sont profondément différents ? F. Villard, avec d’autres, a beaucoup insisté sur ce point en soulignant à plusieurs reprises l’absence en Occident des séries à décoration figurée, qui en revanche sont « largement présentes de la Mer Noire jusqu’à l’Egypte »16. Si l’on songe par exemple à l’abondance des importations clazoméniennes à Panticapée, des vases de Fikellura à Histria17, on est frappé, il est vrai, par la rareté de ces séries dans l’Ouest et, pour reprendre le mot de F. Villard, par la médiocrité de cette céramique ionienne que l’on trouve sur les sites d’Occident. Mais, pour juger pleinement de cette différence entre l’Est et l’Ouest, si toutefois les rapports que nous allons entendre la confirment, il faudrait également savoir dans quelle mesure la céramique sans décoration figurée, amphores, vaisselle de table, coupes ioniennes notamment, que l’on trouve, je ne dis pas dans tout l’Occident, mais sur les sites coloniaux ioniens d’Occident, se retrouve aussi ou non sur les sites les mieux connus des zones orientales.
242. — Pour nous limiter maintenant aux problèmes que posent les céramiques de la Grèce de l’Est en Occident, la question fondamentale reste, je crois, de confronter le domaine colonial, c’est-à-dire celui de Phocée, et le reste. Cette question revêt de nombreux aspects que je ne peux ici même énumérer en totalité. Pour m’en tenir à ce qui me semble l’essentiel, je poserai d’abord la question sous l’angle chronologique. Nous pouvons admettre pour la fondation de Marseille la date de 600 : or, avant 600, il y a des importations de la Grèce de l’Est en Occident, par exemple certains types de coupes ioniennes. Quelle est la signification de leur présence du point de vue des rapports entre l’Est et l’Ouest ? Il y a également, je le rappelle pour mémoire, ce problème, souvent discuté par J.-P. Morel, des Rhodiens dans l’Ouest. Bref, il conviendrait que, de notre bilan, sortent des indications précises sur ce qu’étaient les relations de la Grèce de l’Est avec l’Occident avant la fondation des colonies phocéennes.
253. — Après 600, nous avons un certain nombre de colonies phocéennes en Occident. Je serai maintenant volontairement schématique, donc sans doute inexact : comment résumer et interpréter les différences qui existent — et qui elles aussi ont été fortement soulignées par F. Villard dans l’article déjà cité — entre le facies des importations de la Grèce de l’Est sur les sites coloniaux de Phocée et dans les villes non phocéennes ? Est-ce que, en fin de compte, en plus de différences quantitatives, l’opposition essentielle n’est pas — je pose la question aux archéologues d’Occident — la présence nombreuse sur les sites phocéens et la rareté relative ailleurs (Sicile orientale, Italie du Sud) du bucchero éolien, c’est-à-dire de ces plats, ou mieux de ces assiettes, qui sont précisément cette vaisselle de table coloniale médiocre dont parle F. Villard, et dont la diffusion d’ailleurs semble bien surtout se placer dans les premières décennies de la colonisation ? A-t-on d’ailleurs suffisamment observé que, si l’on admet d’une part la disparition rapide des importations de bucchero éolien et d’autre part la chronologie proposée par nous pour le début des coupes Β 2 (vers 580), on implique — je laisse pour le moment de côté toutes les interprétations possibles que la diffusion des coupes Β 2 en Occident commence quand la céramique grise cesse d’être exportée par les Phocéens ? Quoi qu’il en soit, les autres composantes essentielles des importations de l’Est sur les sites coloniaux, les amphores à vin, dans la mesure où elles sont identifiées, les calices de Chios, les coupes ioniennes, on les retrouve bien, me semble-t-il (mais là encore je pose la question), en Italie du Sud et en Sicile. S’il en est ainsi, qui a diffusé ce matériel de l’Est en dehors des colonies phocéennes ? Les Phocéens eux-mêmes ou d’autres ? Mais, avant de se lancer dans de grandes reconstitutions historiques, il faut poser une autre question, aux archéologues d’Asie Mineure cette fois : ces coupes ioniennes peuvent-elles ou non venir, comme lieu de production, de la région de Phocée (y a-t-il des coupes ioniennes en Eolide ?). C’est la question que je posais tout à l’heure et c’est cela, je crois, le point fondamental, avant de savoir si les coupes ioniennes ont été plus ou moins imitées dans le, domaine colonial phocéen. J’insiste bien sur le sens de ma question : vu la pluralité, ou la multiplicité des ateliers et des centres que l’on entrevoit pour la fabrication de ces coupes, peut-il y avoir aussi un ou des ateliers localisés en Eolide ? Si oui, on ne voit pas pourquoi a priori les Phocéens n’auraient pu être, pour ce type de céramique, que « des clients comme tous les autres Grecs d’Occident » et non des agents de transmission18. On le voit, tous les problèmes se tiennent et de même que, pour reprendre une formule de J.-P. Morel19, il ne faut pas « mettre tous les Ioniens dans le même sac » quand il s’agit de la production de la céramique de l’Est, de même, au niveau de la diffusion, il faudrait essayer de distinguer le rôle qu’ont pu jouer les uns et les autres. Et ici, comment ne pas évoquer le problème de Gravisca : quels sont ces Ioniens qui s’installent dès 580 dans le port de Tarquinia et qui y restent jusqu’au début du Ve siècle ? On connaît les observations, et les conclusions très mesurées de nos amis italiens à ce sujet, qui penchent pour y reconnaître des Samiens plutôt que les Phocéens. Les arguments avancés par M. Torelli20 ne manquent, certes, pas de poids, mais on approuvera cependant sa prudence, car, dans le fond, nous ne pouvons parler qu’en termes de probabilité21.
26Colonies, ports-francs, mouvements commerciaux directs ou indirects... On n’en finirait pas de poser aux uns et aux autres des problèmes. Par exemple, il faudrait pouvoir aborder vraiment le problème des amphores ; leurs lieux de fabrication d’abord (on parle toujours d’amphores de Chios, ce qui est en effet une catégorie importante, souvent d’amphores ioniennes, ce qui veut tout dire, ou ne rien dire, jamais d’amphores « phocéennes ») ; leur rapport avec les autres formes de la céramique (est-il vrai par exemple, et si oui, dans quels cas, que, suivant une idée chère à M. Gras, certains vases peuvent en quelque sorte accompagner des amphores, comme des objets mineurs en apparence, mais en fait comme des signes d’une provenance, j’allais dire de l’authenticité d’un produit : en d’autres termes, la coupe ionienne est-elle aux amphores ioniennes ce que le calice de Chios est aux amphores de Chios ou le canthare étrusque aux amphores étrusques ?) ; leur importance surtout du point de vue de l’histoire économique (mais il faudrait être sûr que les données archéologiques ont été recueillies avec une claire vision de l’importance du problème).
27Autre type de question : il y a dans ce colloque, un rapport de R. Martin sur « Les influences de la Grèce de l’Est dans les domaines de l’architecture et de la sculpture ». La raison est simple : nous permettre de reprendre cette vieille question des rapports entre la présence du matériel ionien et les influences ioniennes dans l’Ouest : il y a certes des aires communes, et en gros le polygonal coïncide assez bien avec la diffusion des céramiques de l’Est. Mais, il n’en reste pas moins vrai qu’il y a un « dislivello» certain entre la médiocrité de ces importations et la qualité des influences ; qu’on pense par exemple au temple ionique de Syracuse ou au parapet éolique de Mégara récemment publié par P. Auberson22.
28Un autre type de question — le dernier, ou presque, de ceux que j’énumérerai ici — : puisque nous avons la chance d’avoir parmi nous les archéologues d’Asie Mineure, il serait important qu’ils nous disent les réactions, les chocs en retour que, d’après leurs observations, les mouvements de colonisation et de commerce vers l’Ouest ont pu provoquer non seulement sur la vie des ateliers, mais sur la vie de ces cités qui ont joué un rôle prépondérant dans ce commerce ou cette colonisation. A défaut de pouvoir toujours saisir concrètement les causes d’une colonisation, il serait important de déceler des traces matérielles de ses effets : la colonisation a-t-elle provoqué la création ou le développement d’ateliers avec tout ce que cela peut entraîner pour la modification des structures économiques d’une cité ? Enfin, y a-t-il eu un changement dans l’équilibre économique entre les différentes cités d’Ionie ?
29Dernière remarque, en contre-point aux questions précédentes qui révélaient un certain optimisme : réussirons-nous à distinguer sans trop d’arbitraire les céramiques importées de la Grèce de l’Est et les imitations locales ? Je pose cette question maintenant, ce qui est maladroit, car tout ce que j’ai dit plus haut supposait explicitement ou implicitement que cela était possible. Nous disposons aujourd’hui pour aborder, sinon résoudre le problème, des observations des archéologues et de l’aide de la science (cf. le rapport de P. Dupont sur « Une approche en laboratoire des problèmes de la céramique de l’Est »), Les observations des archéologues reposent sur des données particulièrement difficiles pour deux ordres de raisons : nous avons certainement en Asie Mineure, à la différence de ce qui se produit pour la plupart des autres séries grecques, une pluralité non seulement d’ateliers, mais de centres de production, ce qui crée à l’intérieur d’un ensemble, des groupes, des sous-groupes avec vraisemblablement des données techniques à chaque fois différentes ; par ailleurs, la plupart des séries ioniennes ne sont pas protégées par un vernis comme le vernis attique par exemple, ce qui provoque souvent la corrosion de la surface ; le travail de vases sans décor figuré ne permet pas non plus de se référer à des critères de qualité stylistique ; j’ajoute que souvent les argiles elles-mêmes semblent assez fragiles, susceptibles plus que d’autres d’être corrodées par un long séjour dans la terre, pour peu qu’elle soit acide ; c’est dire qu’au niveau de nos observations d’archéologues, les distinctions ne seront pas toujours aisées.
30Pour les analyses de laboratoire, auxquelles personnellement j’ai toujours attaché la plus grande importance, la pluralité des ateliers soulève là aussi non seulement des difficultés d’ordre pratique, mais un problème de méthode. Si nos céramiques de la Grèce de l’Est présentent techniquement un « air de famille » lié à un ensemble de facteurs techniques et culturels, il ne faut pas en conclure pour autant qu’il peut y avoir dans cette aire géographique des constantes techniques ou minéralogiques qui permettent, au niveau des analyses, de déterminer un ensemble. Je pense que P. Dupont a parfaitement raison quand il dit qu’il sera sans doute « vain d’escompter résoudre les problèmes archéologiques en cherchant à définir a priori des traits géochimiques régionaux, permettant de subdiviser la façade occidentale de l’Asie Mineure en un certain nombre de domaines ». Mais cette prudence, précisément, et cette sagesse m’incitent à croire que l’optimisme de tous ceux qui, avec lui et comme lui, procèdent aux analyses de laboratoire méritent toute notre confiance. Simplement, pour eux et pour nous, il faut une longue patience. C’est là, par chance, une vertu dont les archéologues ne manquent pas. Les quatre jours qui viennent vont, s’il en était besoin, en fournir une preuve.
31Et maintenant, au travail.
Notes de bas de page
1 La céramique grecque ou de tradition grecque au VIIIe siècle en Italie centrale et méridionale, Naples, Centre Jean Bérard (27-29 mai 1976). Actes à paraître.
2 F. Villard et G. Vallet, Mégara Hyblaea V. Lampes du VIIe siècle et chronologie des coupes ioniennes, MEFR, 1955, p. 7-34.
3 L. Breglia, La monetazione « tipo Auriol » e il suo valore documentario per la colonizzazione di Focea dans Nuovi Studi su Velia, PP, XXV, 1970, p. 153-165.
4 Par exemple pour Chios : J. Boardman, Excavations in Chios 1952-1955, Greek Emporio, ABSA Suppl. 6, London, 1967. Pour Samos : H. Walter, Samos V, Frühe samische Gefässe, Bonn, 1968 ; E. Walter-Karydi, Samos VI, 1. Samische Gefässe des 6. Jahrhunderts v. Chr., Landschaftsstile österiechischer Gefässe, Bonn, 1973.
5 H. Walter, Samos V, op. cit., (compte-rendu de J. Ducat, La céramique de Samos et les céramiques de la Grèce de l’Est du Xe au VIIe siècle, RA, 1971, 1, p. 81-92).
6 J. Ducat, loc. cit., p. 91.
7 J. Ducat, loc. cit., p. 92.
8 J. J. Jully et Y. Solier, Les gobelets gris carénés, faits au tour, à l’Age du Fer languedocien, Hommages à F. Benoît, 1, 1972 (= RSL, 33, 1-3, 1967) p. 217-224.
9 A. Nickels-P.-Y. Genty, Une fosse à offrandes du VIe siècle avant notre ère à La Monedière, Bessan (Hérault), RAN, 7, 1974, p. 25-57.
10 P. Zancani Montuoro, Lekythoi « samie » e bucchero « eolico », ArchClass, 24, 2, 1972, p. 372-377.
11 Pour Tocra : Cf. J. Boardman-J. Hayes, Excavations at Tocra 1963-1965, The Archaic Deposits I, ABSA Suppl. 4, London, 1966, n° 836 et 1469 ; pour Tarente, indications dans le rapport de P. Guzzo, infra, p. 110 et n. 44-49 ; pour Mégara, G. Vallet-F. Villard, Mégara Hyblaea II, La céramique archaïque, 1964, p. 91 et pl. 80, 7.
12 A. Nickels-P.-Y. Genty, loc. cit., p. 31, n. 2.
13 R. M. Cook, A Note on the Absolute Chronology of the Eighth and Seventh Centuries B.C., ABSA, 64, 1969, p. 13-15.
14 M. Gras, Nécropole et histoire : quelques réflexions à propos de Mégara Hyblaea, Kokalos, XXI, 1975, p. 37-53, et La céramique étrusque de Mégara Hyblaea. Contribution à l’étude des relations entre la Sicile et l’Etrurie à l’époque archaïque (Mémoire de l’Ecole française de Rome, inédit), 1976, p. 76-79.
15 W. Lamb, Grey Wares from Lesbos, JHS, 52, 1932, p. 2. C. Boulter, Troy IV, p. 252 sq.
16 F. Villard, Céramique ionienne et céramique phocéenne en Occident, dans Nuovi studi su Velia, PP, XXV, 1970, p. 109.
17 P. Alexandrescu, infra, p. 57.
18 F. Villard, op. cit., p. 118.
19 J.-P. Morel, Colonisations d’Occident (A propos d’un récent colloque), MEFR(A), 84, 1972, 1, p. 727.
20 M. Torelli, Il santuario di Hera a Gravisca, PP, 136, 1971, p. 44-67 ; M. Torelli, F. Boitani, G. Lilliu et alii, Gravisca (Tarquinia). Scavi nella città etrusco-romana. Campagne 1969 e 1970, NSA, 1971, p. 195-299.
21 Cf. J.-P. Morel, L’expansion phocéenne en Occident : dix années de recherches (1966-1975), BCH, 99, 1975, p. 863.
22 P. Auberson, Le parapet éolique d’un autel de Mégara Hyblaea, Mélanges P. Collart (Cahiers d’archéologie romande n° 5), Lausanne, 1976, p. 21-29.
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