Les ruses de guerre d'Artémis
p. 51-67
Texte intégral
1Qui s’interroge sur les rapports d’Artémis et de la guerre est amené tôt ou tard à rencontrer une série de témoignages convergents qui attestent sans ambiguïté que l’action de la déesse en ce domaine passait aussi par la ruse.
2C’est une partie de ce dossier des ruses de guerre d’Artémis que je voudrais présenter ici. Mon attention, à l’origine, avait été attirée sur cette question par un groupe de stratagèmes dont l’action se déroulait autour d’un très important sanctuaire de la déesse, le sanctuaire d’Artémis Elaphèbolos d’Hyampolis1. Ce sanctuaire horscité, qui a été découvert en 1970 et fouillé depuis avec des résultats considérables2, était situé, à la frontière de la Phocide, à l’entrée de la passe d’Hyampolis, la principale passe donnant accès, pour tout envahisseur venu du Nord, à ce pays3. Les événements guerriers eux-mêmes appartiennent à un vaste conflit qui, d’après la tradition, aurait opposé, dans le courant du vie siècle, les Phocidiens à leurs puissants voisins les Thessaliens, et abouti à l’indépendance définitive de la Phocide. Le caractère de cette guerre, sur lequel il faut insister, se lit le mieux à travers son épisode principal que les Grecs appelaient le « Désespoir phocidien ». Les Thessaliens, en effet, s’étaient proposé d’exterminer le peuple phocidien, de tuer tous les hommes et de réduire les femmes et les enfants en esclavage. Devant cette menace, les Phocidiens rassemblèrent en un même lieu, sur un immense bûcher, toutes les femmes et tous les enfants du pays, avec l’or et toutes les richesses, et aussi les images des dieux. Ils avaient résolu, en cas de défaite, d’égorger les femmes et les enfants et de les faire brûler avec tout le reste; eux-mêmes de périr tous ensemble en se battant jusqu’au dernier contre la terrible cavalerie thessalienne. Dans ces conditions, ils engagèrent la bataille décisive, aux environs d’Hyampolis, très probablement devant la passe et le sanctuaire, et remportèrent, « avec l’aide des dieux », la plus grande victoire de ce temps. Pour la commémorer, ils fondèrent, en l’honneur d’Artémis, la principale fête de la Phocide, les Elaphèbolia, que l’on célébrait, encore à l’époque de Plutarque, en ce même sanctuaire d’Hyampolis4.
3On est, dans cette affaire, très loin de ce qui constitue la norme idéale de la guerre à l’époque archaïque, c’est-à-dire la guerre hoplitique, l’agôn réglé où deux phalanges s’affrontent pour la valeur. D’une part, à cause de l’inégalité des adversaires, hoplites contre cavaliers, mais surtout du fait de ce qui est en jeu: non pas la victoire simplement, la démonstration de la force, de l’excellence, mais bien la vie ou la mort de tout un peuple, la menace d’extermination totale étant rendue crédible par la disproportion des forces. J’ai proposé ailleurs d’appeler guerre d’anéantissement ce type de conflit où l’existence même d’une communauté humaine est mise en péril5. Telle est donc la nature de la guerre contre les Thessaliens et l’ambiance générale de toute cette Légende nationale phocidienne dont font partie les épisodes de ruse auxquels j’en viens maintenant.
4Ces ruses des Phocidiens sont au nombre de quatre. Elles se disposent autour de l’épisode central du Désespoir selon un schéma très particulier qui donne à cet ensemble de récits un caractère unique: elles s’opposent en effet deux à deux, chacune étant comme l’envers exact de l’autre, et chaque couple comportant à la fois un échec et un succès.
5Deux de ces stratagèmes se déroulent de nuit et engagent des groupes d’hommes d’élite, de ces bataillons de « choisis », en général au nombre de 300 (ou un multiple de 300), que les récits archaïques présentent le plus souvent comme voués à vaincre ou à mourir tous ensemble6. Le premier est dû à l’initiative d’un devin, Tellias d’Elis, le devin de l’armée phocidienne. Sur ses conseils, les Phocidiens, qui étaient alors refoulés sur le Parnasse, ayant attendu que le cercle de la lune soit plein, envoyèrent contre le camp ennemi 600 « choisis » dont le corps et les armes avaient été recouverts d’un enduit blanc de « gypse »7. Ils leur avaient prescrit de tuer quiconque ils verraient non blanchi. Les Thessaliens, devant cette apparition nocturne, à la lumière de la pleine lune, la prirent pour autre chose que ce n’était, un prodige ou une manifestation divine. Terrifiés, quatre mille d’entre eux se laissèrent massacrer8.
6Au contraire, par une nuit qu’il faut supposer noire, les Phocidiens, quelque part aux environs d’Hyampolis, avaient envoyé en reconnaissance contre les positions thessaliennes 300 autres « choisis », sous la conduite d’un chef nommé Gélon. Ces hommes, à l’inverse des précédents, ne devaient pas apparaître, mais rester absolument invisibles. Ils ne devaient pas attaquer, mais aller et revenir par la plus secrète des routes en évitant à tout prix d’engager le combat. Ils périrent tous ensemble, piétinés par les chevaux, massacrés par les cavaliers thessaliens9.
7Dans l’autre couple de ruses, l’action ne se déroule plus de nuit mais de jour; le lieu en est à chaque fois une passe; enfin, ces nouveaux stratagèmes n’engagent plus des bataillons de « choisis », mais ont recours à des obstacles matériels.
8Le premier est encore un échec. Aux Thermopyles, au plus loin possible de leur pays, les Phocidiens, « mettant tout en œuvre (πάν μηχανώμενοι) pour éviter l’invasion thessalienne, barrèrent l’étroite passe d’un mur (le « mur des Phocidiens ») et devant celui-ci amenèrent en les détournant les eaux des sources chaudes. Les Thessaliens, arrêtés par ce double obstacle parfaitement évident... le contournèrent par la montagne, en découvrant les premiers le sentier de l’Anopaia que devaient rendre célèbre ultérieurement les Perses10.
9Le succès correspondant, et en tous points contraire, a pour théâtre l’autre grande passe de la région, qui est celle d’Hyampolis – située non plus au loin de la Phocide, mais à son entrée même. Les Phocidiens, s’attendant à ce que la cavalerie thessalienne fasse irruption sur leur territoire en ce lieu, ne barrèrent pas cette fois la passe d’un mur, mais creusèrent en travers une tranchée, où ils n’amenèrent pas de l’eau, mais qu’ils remplirent d’hydries, ou d’amphores, vides de leur contenu liquide. Ils les recouvrirent d’une mince couche de terre pour les rendre invisibles et égaliser le sol, puis ils se postèrent derrière, attendant l’assaut. Les Thessaliens, sûrs de les exterminer, chargèrent. Les chevaux se brisèrent les jambes dans les hydries, les cavaliers, jetés à bas, furent tous massacrés11.
10Je ne me livrerai pas ici à une analyse détaillée de ces ruses, des rapports de similitude et d’opposition qu’elles entretiennent les unes avec les autres. Je me suis simplement contenté, au passage, en les racontant, de souligner certains traits particulièrement saillants de la comparaison. Donc, je m’en tiendrai à quelques remarques qui vont nous permettre de progresser.
111) Tous ces événements se déroulent dans des espaces de marge, de frontière: ce sont, au Sud, les abords du Parnasse, aux confins internes du pays; au Nord, les Thermopyles et l’Oeta à la limite des zones d’influence phocidienne et thessalienne, et surtout, à mi-chemin, entre les deux, la passe d’Hyampolis et ses environs immédiats, avec le sanctuaire d’Artémis, aux frontières mêmes de la Phocide12. Partout on est dans les eschatiai, les extrémités, les « terres au bout » qu’affectionne la déesse13. L’espace des combats n’est donc pas la chôra, le territoire sur lequel s’affrontent normalement les hoplites: au terrain dégagé où se déploient les phalanges s’opposent les endroits resserrés, les passes, où l’on a disposé des obstacles. Et quand, au lieu d’obstacles, la ruse engage des guerriers — non pas l’armée civique dans son ensemble, mais des corps d’élite, de « choisis » — c’est le temps de l’action qui a changé: non plus le grand jour hoplitique, mais la nuit.
122) Dans chacune des ruses qui réussissent, une chose est prise pour une autre, une apparence pour la réalité. Autour de signes factices, offerts à la vision dans la distance, s’organise tout un jeu de brouillage, ou plus exactement de la distinction et de la confusion.
13Ainsi la ruse du « gypse » fait passer des guerriers blanchis extraordinairement visibles dans l’obscurité pour des êtres sortis de l’invisible et jette la confusion dans l’esprit des Thessaliens, en effaçant pour eux la limite de l’humain et du surnaturel. En revanche, cette confusion des Thessaliens a pour envers, du côté des Phocidiens, une parfaite distinction, cette fois sur un plan strictement humain: grâce à leur déguisement blanc, les Phocidiens se différencient, sans aucun risque d’erreur, de leurs ennemis qui, eux, apparaissent en noir, parfaitement visibles dans leur obscurité même.
14La ruse des amphores déposées dans la tranchée d’Hyampolis utilise elle aussi un camouflage, la couche de terre qui les masque, mais qui fonctionne en sens inverse par rapport à la ruse précédente. Au lieu de montrer quelque chose d’extraordinaire, le dispositif ne laisse voir rien que de banal, de très ordinaire, un sol bien égalisé, propice à la charge de la cavalerie, et au fond la ligne des Phocidiens, apparemment en position de faiblesse, qui va agir comme un leurre, attirant à la fois l’ennemi et lui dissimulant encore mieux, en focalisant toute son attention, le piège caché14. Le stratagème n’induit plus cette fois la terreur, il joue de la trop grande confiance. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est l’évaluation du danger qui se trouve complètement faussée.
153) Les échecs fournissent une sorte de contre-épreuve. Les hommes de Gélon, partis en reconnaissance, au lieu de se rendre miraculeusement visibles, cherchent au contraire à être invisibles, indistincts, à se fondre et disparaître dans la nuit. Pourtant tous périssent. Pourrait-on dire qu’eux-mêmes sont entrés dans l’univers de la confusion au lieu de la jeter chez l’adversaire? Mais dans le cas des Thermopyles, tout est clair, distinct, visible, la fortification, les eaux chaudes barrant la passe, et c’est encore l’échec.
16Qu’y a-t-il donc de commun entre ces deux épisodes? Précisément l’accumulation des précautions, ici la nuit, l’invisibilité, la fuite du contact, la plus secrète des routes; là, la passe étroite, l’obstacle redoublé du mur et de l’eau, placé au plus loin du territoire civique, non pas sur la frontière, mais bien au delà de la zone de marge. Il y a dans les deux cas la même recherche d’une protection absolue qui dispenserait d’affronter l’ennemi, alors même que l’on veut s’opposer à lui.
17En fait, pour comprendre véritablement la signification de ces ruses, les échecs comme les succès, il faut les replacer dans leur contexte général: une guerre d’anéantissement où sont violées, transgressées par un adversaire fort de sa supériorité, toutes les règles, les limites que fixe la guerre civilisée, la guerre hoplitique.
18Face à la menace, deux tactiques sont mises en œuvre: la première, qui échoue, consiste en vérité à fuir l’affrontement. De fait les deux stratagèmes, celui des « choisis » qui veulent se cacher dans la nuit, tout comme ce mur doublé de l’eau chaude auquel le peuple phocidien croit pouvoir faire toute confiance et qui le dispenserait de se battre, sont aux antipodes exacts de la guerre hoplitique, de l’affrontement au grand jour où l’on prouve sa valeur. L’autre tactique qui au contraire réussit en est beaucoup moins éloignée. Elle accepte le fait de l’affrontement mais dans des conditions spéciales, par des moyens adaptés qui retournent l’infériorité initiale. Pour finir, la nécessité de se battre est pleinement assumée dans la bataille suprême du Désespoir devant Hyampolis. La disproportion des forces est alors compensée par l’énergie que donne aux Phocidiens leur résolution désespérée qui de surcroît leur assure l’appui décisif des dieux.
19On peut dès lors reconstituer le raisonnement implicite à ces récits et y lire une morale archaïque de la guerre et de l’action: ce n’est pas parce que vous a été imposée une guerre qui transgresse les règles qu’il faut adopter soi-même une attitude exactement contraire à celle prescrite par le code hoplitique. Cela voudrait dire se laisser dicter sa loi par l’autre, se prendre à son piège, entrer dans le système de la guerre d’anéantissement. Ce serait admettre que l’ennemi est vraiment ce qu’il prétend être, invincible, et se conduire face à cette invincibilité comme s’il s’agissait d’un destin qu’on ne peut éviter. On se comporterait alors comme ces personnages (Polycrate, Crésus, etc.. .) à qui un oracle a prédit un destin funeste, qui font tout pour le fuir, et qui bien sûr n’y arrivent jamais.
20Au contraire, les Phocidiens l’emportent lorsqu’ils refusent l’invincibilité de l’adversaire, et assumant le risque du combat, retournent contre lui sa propre transgression, le fait qu’étant sorti des limites de la guerre normale, il se trouve comme en situation de porte-à-faux, de déséquilibre. C’est particulièrement clair dans la ruse des amphores à Hyampolis qui joue de la présomption des Thessaliens, de leur excessive confiance dans l’écrasante supériorité de leur cavalerie. Ce l’est moins pour la ruse du « gypse ». Etait-il obligatoire que les Thessaliens tombent dans le piège et se laissent terroriser en prenant des hommes blanchis pour des êtres surhumains? Mais précisément, il faut retourner la question et se demander si l’erreur des Thessaliens n’était pas le signe, la preuve d’une distorsion déjà présente dans leurs rapports avec les dieux, une distorsion corrélative à l’hybris de leurs buts de guerre. Pour monter un tel piège, c’est ce qu’il fallait avoir décelé. On comprend dès lors que l’instigateur de la ruse ne soit pas n’importe quel chef de l’armée phocidienne, mais bien son devin, Tellias d’Elis15.
21En définitive, la ruse réussit car elle renvoie à l’ennemi son aveuglement même, sa propre hybris — les êtres d’hybris n’échappent pas à leur destin.
22Mais, dira-t-on, qu’en est-il dans tout cela d’Artémis?· Certes, ces événements se déroulent dans son domaine, sur les marges, aux limites du territoire de cité et de l’espace sauvage; son sanctuaire de la frontière phocidienne à Hyampolis est, pour ainsi dire, le centre de gravité géographique des récits16 et la grande fête des Elaphèbolia, qui y est célébrée en l’honneur de la déesse, commémore l’épisode principal de la Légende, la bataille du Désespoir. Pourtant, si l’on peut supposer que toute la Légende phocidienne baigne dans une atmosphère artémisiaque, nulle part les épisodes de ruse ne sont mis explicitement en relation avec la déesse. Or il existe, comme on va le voir maintenant, plusieurs récits mythiques qui attribuent des ruses exactement du même type directement à Artémis.
23Le premier exemple que j’étudierai est un mythe d’Achaïe, de la cité d’Aigeira, rapporté par Pausanias. En ce temps-là, nous dit celui-ci, les Ioniens habitaient encore en Achaïe et la cité d’Aigeira s’appelait Hyperèsia:
24« Une armée ennemie de Sicyoniens était sur le point d’envahir le pays. Les Hyperésiens, ne se sentant pas de taille à combattre contre eux (ἀξιόμαχοι), rassemblèrent toutes les chèvres qu’ils avaient sur leur territoire et, après les avoir regroupées, attachèrent des torches à leurs cornes. Puis quand la nuit fut bien avancée, ils allumèrent les torches. Les Sicyoniens, se figurant (ἤλπιζον) que des alliés venaient à l’aide des Hyperésiens et que les lueurs des flammes qu’ils voyaient étaient les feux de cette armée de secours, firent demi-tour et retournèrent chez eux. Quant aux Hyperésiens, ils changèrent le nom de leur cité pour lui donner celui d’Aigeira, qui vient des chèvres, et là où la plus belle des chèvres, celle qui guidait le troupeau, s’était couchée, ils firent un sanctuaire d’Artémis Agrotéra, estimant que leur ruse contre les Sicyoniens ne leur était pas venue à l’idée sans l’aide d’Artémis »17.
25On est à nouveau ici dans une région frontalière, à la frontière de l’Achaïe et de la Corinthie, plus exactement du territoire de Sicyone, une région qui abonde aussi en sanctuaires d’Artémis: sur un total de 9 sanctuaires de la déesse que mentionne le Périégète dans sa description de l’Achaïe, 5 appartiennent aux deux seules cités de Pellenè et d’Aigeira qui commandent cette frontière avec Sicyone18.
26Dans la relation de Pausanias, le récit est privé de contexte. On peut simplement déduire de la narration qu’il s’agit d’une guerre inégale. Mais ce pourrait bien être aussi une guerre d’anéantissement. Certains savants, en effet, ont proposé de rapprocher cette légende, que Pausanias renvoie à des temps véritablement mythiques, des traditions concernant les conflits, à l’époque archaïque, entre Sicyone et ses voisins d’Achaïe. On discerne une très longue guerre de frontières entre éphèbes, péripoles, en suite de quoi les Sicyoniens, sous la conduite du tyran Clisthène, prennent et détruisent Pellenè, la cité achéenne immédiatement voisine d’Aigeira, entre elle et Sicyone, massacrant tous les hommes, réduisant femmes et jeunes filles libres à l’esclavage, et qui plus est à la prostitution19.
27Une accumulation de détails dans le récit renvoient à Artémis: d’abord les chèvres, animaux au statut marginal, domestiques mais fort proches du sauvage, qui sont consacrées à l’Artémis Agrotéra. Il suffit de rappeler, pour s’en tenir à un contexte militaire, la chèvre que les Spartiates sacrifiaient à Agrotéra au début de chaque combat20, ou encore les 500 chèvres qu’immolaient annuellement les Athéniens, toujours à Artémis Agrotéra, pour commémorer leur victoire sur les Perses à Marathon21. Deuxièmement, les torches qui évoquent les torches de l’Artémis Phosphores.22. Troisièmement, le rôle même de la chèvre-guide (ηγουμένη τῶν ἄλλων), qualifiée aussi de « la plus belle » (ϰαλλίστη), où l’on peut voir une double allusion, d’une part à Artémis Kallistè, mais surtout à Artémis Hegémonè, l’Artémis-Guide23.
28Enfin, et c’est là le principal, la ruse, encore une fois nocturne, est directement attribuée à l’inspiration d’Artémis. Or elle est du même type que les ruses victorieuses des Phocidiens: faire prendre à l’adversaire une chose pour une autre, lui donner à voir un signe qu’il interprétera de la manière pour lui la plus évidente, alors qu’il est construit tout autrement.
29La différence, qui n’est qu’apparente, tient à la stratégie, non plus d’affrontement mais de dissuasion à distance. En fait, le même problème de l’évaluation du danger se retrouve: un agresseur qui venait tout confiant dans son écrasante supériorité n’ose plus tenter l’aventure quand il voit ce qu’il prend pour des alliés de ses adversaires. Dans les deux moments de l’expédition, aussi bien lorsqu’il s’approche en agresseur que lorsqu’il fait piteusement demi-tour, ce dont il cherche à faire l’économie, c’est de l’affrontement loyal, à égalité, l’épreuve de la valeur qui est le sens même du combat agonistique. Simplement, ici, à l’inverse de la guerre entre Thessaliens et Phocidiens, c’est l’agresseur qui cède le premier au jeu de la dissuasion. Ce que la légende affirme ainsi, c’est que la vérité de l’agression dans la guerre d’anéantissement, c’est la lâcheté.
30Mon deuxième exemple sera un mythe mégarien, qui lui aussi est rapporté par Pausanias. L’histoire se passe pendant la deuxième guerre médique:
31« On raconte que des soldats de l’armée de Mardonios, après avoir fait une incursion en Mégaride, voulaient se replier à Thèbes auprès de leur chef. Mais par la volonté (γνοώμῃ) d’Artémis, la nuit tomba alors qu’ils faisaient route: ils se trompèrent de chemin et s’enfoncèrent dans la partie montagneuse du territoire. Cherchant à savoir s’il y avait des ennemis à proximité, ils tirèrent quelques flèches. La roche voisine, frappée, fit entendre un gémissement. Eux de décharger leurs arcs de plus belle. A la fin, ils épuisèrent tous leurs traits croyant tirer contre des ennemis. Le jour se leva et les Mégariens passèrent à l’attaque; combattant en hoplites contre des hommes sans armures (ἀνόπλους) et qui n’avaient plus de flèches, ils en massacrèrent la plupart »24. Pour commémorer cet événement, les Mégariens firent ériger, par le sculpteur Strongylion, une statue en bronze d’Artémis Sôteira25.
32Là aussi, on est dans le cadre d’une guerre, la guerre contre les Perses, dont on sait à quel point elle a débordé les limites anciennes des conflits entre cités. L’ennemi est particulièrement redoutable et ces archers perses — il faut le préciser clairement pour éviter tout contre-sens possible — ne sont pas à considérer comme des guerriers inférieurs, mais comme des super-guerriers, « ces archers triomphants et ces cavaliers, formidables à voir, terribles dans la lutte » qu’évoque Eschyle, ainsi que « l’irrésistible Arès à l’arc triomphant », parfait symbole de la guerre d’anéantissement perse26. Un célèbre poème mégarien dépeint la terreur qui avait envahi la cité à l’approche de « l’armée pleine d’hybris des Mèdes »27. Le contexte de ce récit, c’est bien le mythe de l’invincibilité perse, étudié récemment par O. Picard28, et il ne faudra rien moins que l’intervention d’Artémis pour mettre en échec cette invincibilité et opérer le renversement du super-guerrier en une misérable proie.
33Pour ce faire, la déesse attire les Mèdes sur son propre terrain, les eschatiai, l’espace sauvage, la montagne des confins mégaro-béotiens, non loin des lieux où a péri Actéon. Elle les égare dans les deux sens du terme, l’errance et l’erreur. En faisant tomber la nuit, tout d’abord elle les désoriente, leur fait perdre leur chemin, en même temps qu’elle les aveugle, les empêche de voir ce qu’il y a autour d’eux. D’où les flèches qu’ils tirent, espérant au moins entendre, à défaut d’y voir. Mais ce qu’ils entendent n’est pas ce qu’ils croient. Et c’est là le deuxième sens de cet égarement, dont Artémis les frappe en jetant la confusion dans leur esprit: l’erreur.
34Le tout se produit par un enchaînement rigoureux, on pourrait même dire tragique, où la flèche se substitue au regard, l’ouïe à la vue, et finalement la pierre à l’homme29. Là encore, il y a un signe, non plus donné à voir, mais à entendre dans la distance, et qu’on ne sait pas lire. Les Perses se révèlent pour ce qu’ils sont, semblables à ces êtres qui se découvrent incapables de comprendre les signes que la divinité leur tend par des oracles, parce qu’ils sont pleins d’hybris. On se demandera si l’errance, l’aveuglement, la méprise infligés aux Perses ne sont pas ici précisément la mise en acte, par la déesse, des métaphores de l'hybris30.
35La question de l’évaluation du danger, de l’attitude adoptée face au risque, à la menace, qui était présente dans tous les autres récits, l’est ici aussi. C’est parce qu’ils ne peuvent supporter l’insécurité de leur position que les archers perses provoquent leur propre destruction, en se paniquant, en tirant frénétiquement sur cette roche. Ils auraient été sauvés s’ils avaient accepté de ne pas savoir ce qu’il y avait autour d’eux. Une nouvelle fois, l’épisode fait l’épreuve de la véritable valeur.
36Il reste enfin à souligner un paradoxe qui ne concerne pas le mythe pris en lui-même, mais qui surgit si on le confronte à la représentation figurée, à l’image de culte qui le commémorait. A Aigeira, on s’en souvient, la ruse avait pour instrument des torches; or les Hyperésiens honoraient la déesse à l’arc, l’Agrotéra. Ici au contraire, à Mégare, la ruse d’Artémis porte sur l’arc des Perses, en tout cas sur leurs flèches. Or la statue d’Artémis Sôteira érigée par les Mégariens, à la fois à Mégare et à Pagai. était, on le sait de façon certaine par les représentations monétaires des deux cités, une Artémis aux torches31. Comment expliquer ces torches dans une histoire où au contraire il régnait une obscurité totale? C’est qu’Artémis n’a pas éclairé les Perses, ne les a pas guidés de sa torche, qu’elle leur a refusé ses lumières.
37Ce qui confirmera, sans plus de doute possible, cette interprétation, c’est le récit suivant où l’on va voir à l’inverse Artémis guider avec sa torche, éclairer des chemins plongés dans les ténèbres, au sein même d’un monde qui a perdu toute orientation. Il s’agit d’une légende athénienne conservée dans les Stromates de Clément d’Alexandrie et qui renvoie aux événements miraculeux qui accompagnèrent la chute des Trente Tyrans et la restauration de la démocratie. L’affaire se passe cette nuit de l’hiver 404/ 403 où Thrasybule et les exilés démocrates, qui s’étaient emparés de la forteresse de Phylè, dans le Parnès, marchèrent sur le Pirée. « Tenant à ne pas être découvert, Thrasybule avançait hors des routes », lorsqu’une clarté surnaturelle produite par Artémis vint à son aide. « Ils allaient par une nuit sans lune, dans le mauvais temps, quand une flamme se fit voir au devant d’eux, les guida et les amena sans erreur jusqu’à Mounychie où elle les laissa: à cet endroit se dresse encore l’autel de la Phôsphoros »32 (celui-ci était situé dans l’enceinte même du sanctuaire d’Artémis Mounychia).
38Le contexte, dans ce dernier épisode, n’est plus la guerre d’anéantissement, mais ce qui peut être considéré comme son équivalent à l’intérieur de la cité, la stasis, la guerre civile33. Il suffira d’évoquer les exactions des Trente.
39Au plan spatial, Artémis mène Thrasybule depuis les solitudes montagneuses du Parnès, où son culte est attesté, à Phylè même34, jusqu’à Mounychie, où son sanctuaire, à l’entrée du port de guerre, protégeait avant la défaite la flotte athénienne, symbole de la démocratie35. Elle conduit les proscrits d’une eschatia à une autre, de l’eschatia de la montagne à celle de la mer36.
40Pour aller de Phylè à Mounychie, c’est toute la chôra qu’il fallait traverser. Or précisément Artémis les fait passer en dehors des routes (δια τῶν ἀτϱιβῶν), comme si l'eschatia s’infiltrait à travers la chôra elle-même. Comme si Thrasybule, avec sa petite troupe d’exilés rejetés hors du territoire de la cité, ne cessait de circuler dans l’espace des marges qui lui a été symboliquement assigné et dont il s’est effectivement rendu maître en prenant Phylè.
41En fait, il faut aller beaucoup plus loin et se demander, dans la cité en crise, ce qui est encore chôra et ce qui est eschatia. Quelques jours auparavant, on le sait par Xéno-phon et par Diodore, la neige était tombée, provoquant le désordre appelé Panique, la confusion dans le camp des Trente qui depuis la plaine se préparaient à assiéger Phylè37. La clarté surnaturelle qui guide les démocrates s’oppose aussi à cette confusion qui frappe les Tyrans.
42Dès lors, on peut reprendre la question précédente. Cette nuit sans lune, cette nuit de tempête, ce territoire recouvert par la neige où tous les chemins s’effacent, où le seul bon chemin est hors des routes, n’est-ce pas l’image même d’Athènes, une Athènes en proie aux Trente Tyrans, à la confusion de la tyrannie?
43C’est la chôra qui s’est ensauvagée, la polis qui s’est réfugiée dans l’eschatia, à partir de laquelle Artémis guide les démocrates et va jeter la mort sur ceux qui ont osé transformer la cité en un espace sauvage.
44Il convient, à présent, de tenter une synthèse des résultats obtenus.
45Premièrement, et c’est là le plus important, dans toutes ces interventions d’Artémis, le contexte est celui d’une guerre d’anéantissement ou d’une guerre civile, c’est-à-dire une guerre que l’on peut qualifier d’ensauvagée, où toutes les limites que les Grecs ont posées à leurs conflits pour qu’ils restent dans un cadre civilisé, sont transgressées.
46Deuxièmement, de même que l’on est passé de la guerre hoplitique à la guerre d’anéantissement, de même le lieu des conflits se déplace: ces guerres ensauvagées ne se déroulent plus dans l’espace et le temps de la guerre normale, civilisée, c’est-à-dire le grand jour de la plaine, de la chôra, sur le territoire civique, mais elles se situent aux limites ou au delà, dans l’espace des marges, aux eschatiai et souvent aussi au point de vue temporel dans ce qui peut être considéré comme l’équivalent de l’espace de marge, c’est-à-dire la nuit. Transcrite ainsi en termes concrets d’espace et de temps, c’est bien la question des relations et de la différence du sauvage et du civilisé qui se trouve au centre des récits. Ce qui correspond exactement au mode d’action d’une divinité qui n’est pas tant, comme on l’a souvent dit, la déesse de la sauvagerie, que celle qui contrôle les rapports et les frontières du sauvage et du civilisé, deux notions relatives qui ne peuvent exister l’une sans l’autre38.
47Troisièmement, face à ceux qui transgressent les limites dans le domaine de la guerre, le mode d’intervention de la déesse n’est pas spécifiquement guerrier. Il consiste à brouiller en retour les limites, les distinctions, les frontières, à jeter la confusion, égarer, aveugler. Inversement, Artémis guide (Hegémonè), éclaire (Phôsphoros) ceux qu’elle favorise, ceux qui sont menacés et c’est ainsi qu’elle les sauve et se fait Sôteira. Ce mode d’action a deux faces, qui sont entre elles comme l’envers et l’endroit, égarer et guider, aveugler et éclairer, perdre et sauver. On comprend alors, et il faut bien le préciser pour éviter toute erreur d’interprétation, à commencer celle qui pourrait naître du titre même de cette conférence, que l’action d’Artémis n’est pas spécifiquement la ruse, celle-ci n’en est qu’une face. Il ne s’agit pas non plus de toute la ruse, mais d’une forme très particulière qui joue des brouillages, des erreurs d’interprétation et qui engage un processus par lequel ce qui à l’origine était brouillé, déplacé, se trouve finalement remis à sa place correcte, le sauvage comme le civilisé, et ceux qui s’en étaient fait porteurs: celui qui a choisi l’hybris, l’agresseur, et celui qui est dans son bon droit, qui est resté dans la dikè.
48Erreur, égarement, confusion, aveuglement, tous ces termes sont en fait des métaphores de l’hybris de ceux qui osent engager de telles guerres sauvages, une hybris qui leur est renvoyée par les signes factices des stratagèmes comme par un miroir qui dénoncerait leur vérité. Une question ici se pose qui demanderait d’être approfondie et que je me contenterai simplement de formuler: n’a-t-on pas là une voie d’approche pour comprendre les rapports d’Artémis et de son frère jumeau, Apollon, le dieu ennemi de la démesure, Loxias, qui par la parole divine et non plus en actes tend les signes où se perdent les êtres d’hybris?
49Quatrièmement enfin, toutes ces situations extrêmes de guerre d’anéantissement posent de manière encore plus aiguë que dans la guerre normale le problème du danger, de son évaluation correcte d’abord, de l’attitude à adopter face à lui ensuite, la fermeté dont on doit faire preuve, le risque qu’il faut savoir choisir et affronter, l’audace enfin à montrer, le plus bel exemple en ce qui concerne cette dernière étant peut-être celui de Thrasybule qui allant de Phylè au Pirée se jette au coeur du dispositif ennemi39. C’est cette audace, cette manière d’affronter ce qui est dangereux et plus généralement de se conduire en homme face à ce qui est sauvage que favorise Artémis.
50Pour terminer, je voudrais essayer d’examiner, à la lumière de ces conclusions, une dernière question, qui, si on parvient à la résoudre, peut être riche d’enseignements sur le rôle et le vécu de la religion dans l’histoire grecque: pourquoi la victoire de Salamine a-t-elle été consacrée par les Athéniens à Artémis40
51Ainsi Plutarque écrit-il: « Le 16 de Mounychion, les Athéniens le consacrent à Artémis parce que ce jour-là pour les Grecs qui vainquirent à Salamine, la déesse brilla en pleine lune »41. En ce jour de la fête d’Artémis Mounychia, qui coïncidait avec la pleine lune, on offrait à la déesse l’amphiphôn, un gâteau plat garni en cercle sur son pourtour de petites torches allumées évoquant la clarté lunaire42, et il y avait aussi une procession, un sacrifice et des régates auxquels participaient les éphèbes43.
52En fait, précisons-le d’emblée, la bataille de Salamine n’a pas eu lieu le 16 Mounychion, au printemps, mais à la fin de l’été44. Quant à savoir si la pleine lune brilla la nuit avant la bataille, ce qui pose la question de sa date dans le mois, l’accord sur ce point est loin d’être fait chez les modernes45. En cas de réponse négative, le plus simple est de supposer qu’on a là une explication-type, conforme au mode d’action de la déesse sous son aspect de Phôsphoros, produite en fonction de la date de la fête, qui, elle, a bien lieu à la pleine lune, et projetée ensuite sur la bataille commémorée, au prix d’un déplacement en retour de la date de celle-ci. En tout cas, il n’y pas à douter que c’était bien la bataille de Salamine de 480 qui était commémorée le 16 à la pleine lune de Mounychion, et non une autre bataille — sur les circonstances de laquelle on ne sait quasiment rien — d’une autre Salamine, qui se serait déroulée ce jour-là46.
53D’autre part, et là il n’est plus question de la lune, en souvenir de sa victoire à Salamine, Thémistocle avait fondé, près de sa maison de Mélitè, à Athènes, un sanctuaire et un temple d’Artémis qu’il avait surnommée Aristoboulè. En honorant ainsi « la meilleure conseillère », il faisait allusion, nous dit Plutarque, à sa fameuse décision (βούλευμα), au conseil le meilleur possible (ἄριστα... βουλευσάμενος) qu’il avait donné aux Grecs de se battre dans le détroit de Salamine, et il en remerciait la déesse47.
54Cette fois, en revanche, il n’y a pas à mettre en doute l’explication de Plutarque, la décision de Thémistocle étant bien le centre de tous les récits de la bataille. Les termes τὰ βεβουλευμένα, les décisions, βουλεύομαι, délibérer pour décider, sont bien les mots-clefs du récit d’Hérodote, quand il raconte les jours précédant la bataille, ceux où l’on délibérait anxieusement pour savoir quel parti adopter48.
55Or le plan de Thémistocle s’accompagnant d’une ruse célèbre et Thémistocle lui-même étant souvent présenté par les Anciens, comme un personnage à métis — on le surnommait Ulysse49 — un article récent de Luigi Piccirilli50 a essayé d’expliquer la consécration de la victoire de Salamine par, entre autres, la notion de métis à laquelle la déesse Artémis aurait part.
56Il paraîtra toutefois étrange qu’à Athènes, la cité d’Athéna, ce soit Artémis qui ait été invoquée et non pas la fille de Métis elle-même, Athéna, si vraiment il était ici question avant tout de métis.
57Pour ma part, je proposerai donc de chercher dans une autre direction et je me demanderai si les analyses précédentes ne permettent pas de cerner le problème de plus près.
58Comme on l’a vu par tous les exemples étudiés, ce n’est pas un détail isolé, même significatif, et aisément détachable de la narration, qui commande l’attribution d’un épisode à Artémis, mais bien un ensemble de traits fortement articulés qui dessinent une situation globale dont l’essence même est rapportée à la déesse. On se donnera donc pour exigence, également pour Salamine, de chercher une explication qui prenne en compte les lignes de force de l’événement telles que nous les a conservées la tradition.
591) Tout d’abord, il s’agit là encore d’une bataille qui sort à l’évidence du cadre des conflits ordinaires. C’est la bataille décisive pour la survie d’Athènes en tant que communauté humaine liée à son territoire ainsi que pour le salut de la Grèce. Deux exemples suffiront: d’une part, les propos tenus par Mnésiphile, le maître de Thémistocle à ce dernier: si la décision des Péloponnésiens l’emporte de se retirer sans combattre de Salamine, « tu n’auras même plus, lui dit-il, de patrie pour laquelle te battre », « la Grèce périra victime des mauvais conseils » (ἀβουλι ῃσι)51 — ce qui est bien l’exact contraire d’Aristoboulè, le bon conseil, l’épiclèse d’Artémis. Et surtout, la fameuse invocation des Grecs dans les Perses d’Eschyle; « Allez, enfants des Grecs, délivrez la patrie, délivrez vos femmes et vos enfants, les sanctuaires des dieux de vos pères et les tombeaux de vos ancêtres, c’est la lutte suprême » (ύπερ πάντων ἀγών)52.
602) Comme dans toutes les situations extrêmes, la question du danger vient ici au premier plan. Hérodote évoque abondamment la terreur, la peur (δέος τε και ἀϱϱωδίη) qui s’empare des alliés devant le déploiement des forces de Xerxès, bien supérieures en nombre sur terre et sur mer, et qui atteint son paroxysme quand Athènes et l’Acropole sont brûlées53.
61La question est bien alors celle de la décision, du risque à prendre: soit se battre à l’Isthme, apparemment plus en sécurité sous la protection d’un mur qui barrera le passage et qui ressemble fort au mur des Phocidiens; soit combattre à Salamine où les eaux sont plus favorables, mais où le danger d’extermination est complet en cas de défaite54.
623) Le combat prend place dans des lieux voués à Artémis: entre la côte de Mounychie qui borde le détroit, « rivage sacré d’Artémis au glaive d’or »55 et Salamine elle-même qui est une eschatia de l’Attique, avec un sanctuaire d’Artémis, proche d’après Pausanias de l’endroit où sera élevé le trophée de la victoire, à l’extrémité de la pointe de Kynosoura56. Mais surtout à cette localisation vient se superposer la situation stratégique globale qui a pour clef l’opposition chôra/eschatia. Au prix de ce qui est là aussi une entorse à la stratégie traditionnelle57, la chôra elle-même a été entièrement abandonnée aux Perses, confiée à la seule garde d’Athéna « Protectrice d’Athènes » (’Αθηνών μεδεούση)58, les femmes et les enfants envoyés à l’étranger, à Trézène, les guerriers et les vieillards, la force combattante et pensante de la cité restant, elle, à Salamine Ainsi la chôra, abandonnée par ses citoyens, étant vouée à Athéna, la cité elle-même se retrouve tout entière réfugiée « aux extrémités de son territoire », ἐς έσχατα γαίης, comme le préconisait la Pythie59, dans l’espace et sous la protection d’Artémis.
634) Enfin, venons-y maintenant après l’avoir resituée dans un contexte dont elle ne peut être détachée, la ruse de Thémistocle, ruse encore une fois nocturne60, qui impose aussi bien aux Grecs qu’aux Perses la bataille à Salamine. A nouveau la ruse joue d’une erreur d’interprétation. Ce ne sont pas des signes factuels qui sont tendus à l’ennemi pour qu’il s’y trompe, mais un message verbal qui lui est envoyé; non pas ambigu comme un oracle, mais partiellement véridique et c’est en cela justement qu’il est fallacieux61 certains Grecs étaient réellement terrifiés et voulaient fuir. Là encore, comme tous les destinataires de ce type de ruse, le roi entend l’information conformément à son attente, ici son désir, son hybris dont il devient lui-même la victime. C’est, comme l’avait prédit Bakis, parce qu’il croit pouvoir « tout engloutir d’un seul coup », « plein d’une elpis devenue folle », que le violent Koros, fils d’Hybris, sera étouffé par la divine Dikè, entre Kynosoura et le rivage sacré d’Artémis au glaive d’or62. Le roi envoie sa flotte contre les Grecs, apparemment en position de faiblesse, qui jouent le rôle d’un leurre, exactement comme les Phocidiens derrière la tranchée dans la passe d’Hyampolis. C’est alors, et alors seulement, que le détroit lui-même peut fonctionner comme un piège, une nasse. On a, à ce propos, souvent et justement fait la comparaison avec la madrague dans la pêche au thon, en citant les métaphores d’encerclement, d’enveloppement, comme au filet, dans les Perses63, et surtout l’image célèbre où Eschyle, décrivant la fin de la bataille, évoque les scènes finales de la pêche, scènes bien connues de massacre, d’extermination qui se déroulent dans la chambre de mort64.
64Lutte pour la survie et l’existence d’une communauté humaine, terreur, audace de la décision, abandon de la chôra et combat dans l’eschatia, ruse fondée sur un piège interprétatif où l’ennemi est victime de sa propre hybris, massacre et extermination finale, tous les éléments d’une situation artémisiaque sont ici réunis. On comprend que les Athéniens, tout comme Thémistocle, se soient sentis justifiés d’honorer Artémis. Quant à la pleine lune, si elle a vraiment brillé cette nuit-là, elle venait confirmer, comme une signature, la présence attendue de la déesse65.
Notes de bas de page
1 Dossier réuni dans A. Brelich, Guerre, agoni e culti nella Grecia arcaica, Bonn, 1961, p. 46-52; P. Ellinger, Le gypse et la boue, I. Sur les mythes de la guerre d’anéantissement, Quaderni Urbinati di Cultura Classica, 29, 1978, p. 7-35.
2 Cf. R. C. S. Felsch, H. J. Kienast, Ein Heiligtum in Phokis;’Αρχαιολογικά ’Ανάλεκτα ἐξ Αθηνών, Athens Annals of Archaeology, 8, 1975, p. 1-24; R. C. S. Felsch, H. J. Kienast, H. Schuler, Apollon und Artemis oder Artemis und Apollon? Bericht von den Grabungen im neu entdeckten Heiligtum bei Kalapodi, Archaologischer Anzeiger, 95, 1980 p. 38-118.
3 P. Ellinger, Hyampolis et le sanctuaire d'Artémis Elaphèbolos dans l’histoire, la légende et l’espace de la Phocide, à paraître dans Archaologischer Anzeiger.
4 Polybe, XVI, 32, 1; Plutarque. Vertus des femmes, 244b-e; Propos de table, IV, 1, 660 d; Pausanias, X, 1, 6-10.
5 P. Ellinger, Le gypse et la boue, op. cit., p. 8.
6 Sur les « choisis », voir le dossier réuni par M. Detienne, La phalange: problèmes et controverses, dans Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, (sous la direction de J. -P. Vernant), Paris-La Haye, 1968, p. 134-138; N. Loraux, La « belle mort » Spartiate, Ktèma, 2, 1977, p. 117 sq.
7 « Gypse »: je transcris ainsi le terme grec γύψος, dans la mesure où il peut désigner, sans qu’ils soient distingués, le plâtre ou la chaux; cf. A. Orlandos, Les matériaux de construction et la technique architecturale des anciens Grecs, Paris, 1966, I, p. 136-148.
8 Hérodote, VIII, 27; Pausanias, X, 1, 11.
9 Pausanias, X, 1, 5-6.
10 Hérodote, VII, 176 et 215. Sur le mur des Phocidiens, cf. W. K. Pritchett, New light on Thermopy- lai, Journal of Archaeology, 62, 1952, p. 211-213.
11 Hérodote, VIII, 28; Pausanias, X, 1, 3.
12 La Légende est donc « décentrée » par rapport à la chôra phocidienne, située, elle, entre Hyampolis et le Parnasse. Le centre de la Légende, son axe de symétrie, est la frontière de la Phocide, entendue comme limite du territoire civique et de la zone de marge.
13 Cf. P. Ellinger, dans Dictionnaire des Mythologies (sous la direction de Y. Bonnefoy), Paris, 1981, I, p. 70. Sur les eschatiai, cf. L. Robert, Recherches épigraphiques, V. Inscriptions de Lesbos, Revue des Etudes Anciennes, 62, 1960, p. 304-306 (Opera Minora Selecta, II, Amsterdam, 1969, p. 820-822).
14 La passe elle-même joue son rôle: un couloir qui dirige l’ennemi droit sur le piège.
15 Ajoutons qu’une notion unifie en grec les deux moments opposés, la confiance et la crainte, sur lesquels jouent ces deux ruses, cette notion c’est elpis (cf. J. -P. Vernant, A la table des hommes, dans M. Detienne, J. -P. Vernant, La cuisine du sacrifice en pays grec, Paris, 1979, p. 121-132, en particulier, p. 125). En fait, ces ruses, comme toutes les autres que l’on va étudier, sont des pièges à elpis.
16 A remarquer que dans la version de Pausanias, l’affaire du mur des Thermopyles n’étant pas reprise, tous les épisodes, y compris le gypse, se passent près d’Hyampolis.
17 Pausanias, VII, 26, 1-5; cf. VII, 26, 11.
18 Pausanias, VII, 26, 5, 10 et 11; VII, 27, 3 (les autres sanctuaires se répartissent entre Patras (3) et Aegion).
19 Pap. Oxy., XI, 1365 (F Gr Hist, 105 F 2); Pap. Oxy., X, 1241, col. III, 2-12; Elien, Var. Hist., VI, 1, 8-11. Cf. E. Meyer, RE, XIX, 1937, c. 367, s. v. Pellene; J. K. Anderson, A topographical and historical study of Achaea, of the British School at Athens, 49, 1954, p. 80.
20 Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 8; Helléniques, IV, 2, 20.
21 Xénophon, Anabase, III, 2, 12; Elien, Var. Hist., II, 25.
22 Cf. RE, XX, 1, 1941, c. 655, s. v. Phosphores (J. Schmidt).
23 Cf. Pausanias, Viii, 35, 7 (Kallistè) ; III, 14, 6; VIII, 37, 1; VIII, 47, 6 (Hegémonè) ; RE, II, 1895, c. 1386 et 1388 s. v. Artemis (Wernicke).
24 Pausanias, I, 40, 2-3; également I, 44, 4; allusion dans Hérodote, IX, 14.
25 Strongylion est un sculpteur du dernier quart du ve siècle, cf. RE, IV A, 1931, c. 372-374 s. v. Strongylion (lippold). Sur le sanctuaire d’Artémis Sôteira à Mégare et pour une éventuelle localisation de l’épisode, voir en dernier lieu A. Muller, VII et IX, Bulletin de Correspondance Hellénique, 105, 1981, p. 222-225 et 106, 1982, p. 405-407.
26 Eschyle, Perses, 21-23; 86; cf. v. 102-107 pour la guerre d’anéantissement perse. Sur l’ambivalence de l’archer, mais dans un autre registre, celui du combattant individuel, cf. P. Vidal-Naquet, Le « Philoctète de Sophocle et l’éphébie dans J. -P. Vernant, P. Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, 1972, p. 170-172.
27 Théognis, 773-782.
28 O. Picard, Les Grecs devant la menace perse, Paris, 1980, p. 23-24.
29 Ces substitutions jouent sur des analogies qui existent dans l’esprit des Grecs: le regard est souvent conçu comme un rayon qui part des yeux vers l’objet (cf. Ch. Mugler, La lumière et la vision dans la poésie grecque, Revue des Etudes Grecques, 73, 1960, p. 40-72); quant à l’équation qui relie l’homme et la pierre, elle est aussi bien connue (cf. J. -P. Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs2, Paris, 1971, II, p. 73-76; voir aussi Pindare, Olympiques IX, 45; Apollodore, I, 7, 2).
30 Sur ces métaphores de l’aveuglement, de l’errance, cf. R. G. A. Buxton, Blindness and limits: Sophocles and the logic of myth, Journal of Hellenic Studies, 100, 1980, p. 22-37.
31 Cf. F. Imhoof-Blumer, P. Gardner, Numismatic Commentary on Pausanias, Chicago, 1964 (rééd.), p. 4, 8-9 et pl. A I et II; L. Lacroix, représentations de statues sur les monnaies grecques, Liège, 1949, p. 293-294 et pl. XXVI, 4-6; à noter qu’à Antikyra de Phocide, l’Artémis de Praxitèle associait l’arc et la torche (Pausanias, X, 37, 1; cf. F. Imhoof-Blumer, P. Gardner, cit. p. 124-125. L. Lacroix, cit., p. 309-310).
32 Clément D’alexandrie, Stromates, I, 163, 1-3.
33 Cf. Xénophon, II, 4, 22, à propos de ces événements: « la guerre la plus affreuse, la plus pénible, la plus sacrilège, la plus odieuse aux dieux et aux hommes ». Sur l’intervention d’Artémis dans la stasis, cf. F. Frontisi-Ducroux, bucolique, Revue de l’Histoire des Religions, 198, 1981, p. 46 sq.
34 IG2, II, 1299 (Syllogè3, 485), 1. 30.
35 Le sanctuaire a été localisé sur la petite presqu’île à l’entrée Sud-Est du port, cf. J. Threpsiades, Πραϰτιϰἀ, 1935, p. 159-195; N. Papachatzis, Παυσανίου’Ελλάδος Περιήγησις, I, Athènes, 1974, p. 119-122.
36 Sur cette double orientation de l’eschatia vers la montagne et vers la mer, voir Schol. ad Aeschin., p. 271 Schultz les autres textes rassemblés par D. M. Lewis dans Problèmes de la terre en Grèce ancienne (M. I. Finley Paris-La Haye, 1973, p. 211.
37 Xénophon, Helléniques, II, 4, 2-3; Diodore, XIV, 32, 3. C’est à ce propos que Thrasybule (Hell., II, 4, 14) peut dire: « Les dieux combattent visiblement avec nous. En plein beau temps ils font la tempête au moment où nous en avons besoin ». On peut soupçonner dans cet épisode une autre intervention divine, celle du Pan de Phylè, dieu de la neige et de la Panique, comme le montre Ph. Borgeaud, Recherches sur le dieu Pan, Genève, 1979, p. 147-148 et 230-231.
38 P. Ellinger, Artémis, Dictionnaire des Mythologies, op. cit., J. -P. Vernant, Annuaire du collège de France, 1980-1981, p. 391-405.
39 En l’occurrence, Thrasybule méritait bien son nom, « l’homme des décisions audacieuses ».
40 On pourrait également se demander pourquoi Artémis était aussi honorée pour la victoire de Marathon.
41 Plutarque, De la gloire des Athéniens, 349f; cf. Lysandre, 15, 1.
42 Athénée, XIV, 645 a-b; Pollux, VI, 75; Photius s. v. ἀμϕιϕόων (= Philochore, F Gr Hist, 328 F 86); Souda, s. v. ἀνάστατοι, ἀμϕιϕῶντες
43 Syllogè3, 717, 1. 21 sq.
44 Plutarque donne lui-même dans la Vie de Camille, 19,6 une date plus conforme, autour du 20 Boedromion.
45 Sur toute cette question de date, voir en dernier lieu C. Hignett, Xerxes’Invasion of Greece, Oxford, 1963, p. 212 et 452. Deux théories s’opposent: celle de G. Busolt, Griechische 2, II, Gotha, 1895, p. 702-704, qui estime que la bataille a eu lieu vers la fin du mois, et celle de W. Goodwin, Harvard Studies in Classical Philology, 17, 1906, p. 88-91, partisan d’une date compatible avec la traditionnelle pleine lune (acceptée par A. R. Burn, Persia and the Greeks, Londres, 1962, p. 436).
46 Salamine de Chypre (vers 450), comme l’ont proposé Ε. Badian et J. Buckler, The wrong Salamis?, Rheinisches Museum, 118, 1975, p. 226-239. J’exclus d’emblée l’explication que l’on rencontre parfois (mais pour chaque bataille séparément) selon laquelle la déesse est honorée pour une victoire parce que celle-ci aurait eu lieu le jour de sa fête. Ce serait un hasard vraiment miraculeux si toutes les batailles pour lesquelles on honore Artémis, le Désespoir Phocidien, Marathon, Salamine, Platées (Artémis Eukleia) etc…. s’étaient déroulées précisément un jour de fête de la déesse!
47 Plutarque, Thémistocle, 22, 2-3; De la malignité d’Hérodote, 37, 869 c-d. Le sanctuaire a été mis au jour en 1958, cf. J. Threpsiades, E. Vanderpool, Themistokles’Sanctuary of Artemis Aristoboule, Deltion, 19, 1964, p. 26-36. Mise au point sur la discussion suscitée par cette découverte dans A. J. Podlecki, The Life of Themistocles. A Critical Survey of the Literary and Archaeological Evidence, Montréal-Londres 1975, p. 174-176.
48 Cf. Hérodote, VIII, 49, 1; 57, 2, 10, 11; 60, 32-33; 74, 7 (éd. Legrand); Diodore, XI, 15, 3 et 4. De même Thucydide, I, 74, 1: « Thémistocle, qui, entre tous, fut cause de ce que l’on combattit dans le détroit-or c’est ce qui, de la façon la plus certaine, sauva la situation ».
49 Plutarque, De la malignité d’Hérodote, 869 f; cf. M. Detienne et J. -P. Vernant, Les ruses de l’intelligence, la métis des Grecs2, Paris, 1974, p. 301-303.
50 L. Piccirilli, Artemide e la « metis » di Temistocle, Quaderni di storia, 13, 1981, p. 143-156.
51 Hérodote, VIII, 57 (autres allusions au salut de la Grèce en VIII, 60; 62; 74).
52 Eschyle, Perses, 402-405.
53 Hérodote, VIII, 70, 5; cf. VIII, 56, 2; 74, 4 et 5; 75, 14. De même dans les oracles « effrayants et propres à jeter la terreur » donnés par la Pythie avant Salamine: « Les images des dieux, debout, ruissellent de sueur et tremblent d’épouvante » (VII, 140). Mêmes notations dans Plutarque, Thé- 6, 1; 7, 3; 11, 2 et Diodore, XI, 15, 2; 16, 1-3.
54 Hérodote, VIII, 49. La stratégie de défense à l’Isthme rappelle celle des Thermopyles, à propos de laquelle Hérodote raconte l’antique histoire du mur des Phocidiens. Les Spartiates de Léonidas se donnèrent d’ailleurs pour première tâche de remettre en état le mur (cf. Hérodote, VII, 176).
55 Hérodote, VIII, 77.
56 Pausanias, I, 36, 1: ce sanctuaire n’a pas été découvert; cf. P. W. Wallace, Psyttaleia and. the Trophies of the Battle of Salamis, American Journal of Archaeology, 73, 1969, p. 299 sq. Dans ces mêmes parages on retrouve Pan, familier lui aussi des rivages marins, sur l’îlot de Psyttalie, au milieu du détroit (Eschyle, Perses, 447-449; cf. Ph. Borgeaud, op. cit., p. 94-95, 147 et 202).
Je laisse de côté la question complexe des rapports d’Artémis et de la mer, pour laquelle, à mon sens, il faudrait partir de la notion d’eschatia marine (voir les matériaux rassemblés par L. Piccirilli, Le sopracciglia di Artemide, Civiltà Classica e Cristiana, 2, 1981, p. 223-252 et ses remarques p. 251).
57 O. Picard, cit., p. 34. Sur l’audace de la décision, voir, par exemple, Thucydide, I, 74, 2.
58 Plutarque, Thémistocle, 10, 4-5; cf. Hérodote, VIII, 40-41. De même les Phocidiens, dans la ruse du gypse, sont réfugiés sur le Parnasse, ayant abandonné la chôra.
59 Hérodote, VII, 140. C’est ce qu’a bien compris J. Elayi, oracles de Delphes: les réponses de la Pythie à Clisthène de Sicyone et aux Athéniens avant Salamine, Revue des Etudes Grecques, 92, 1979, p. 229.
60 La fuite prétendue des Grecs est annoncée pour la nuit, et c’est la nuit qu’a lieu l’acte irrémédiable que provoque le message, la mise en place de la flotte perse à l’entrée du détroit (Hérodote, VIII, 75; Eschyle, 355sq.).
61 Inversement, Thémistocle est l’homme qui sait lire les oracles.
62 ἐλπίδι μαινόμένη: Hérodote, VIII, 77.
63 Eschyle, Perses, 418.
64 Eschyle, Perses, 424-425, repris par Aristophane, 1087. Cf. M. Detienne, J. -P. Vernant, ruses de l’intelligence2, op. cit., p. 282-283.
65 Pour en revenir à Thémistocle, la métis et Artémis, je ne dirai donc pas qu’Artémis se révèle ici une déesse à métis, mais plutôt que la métis habituelle de Thémistocle a dû s’adapter à des circonstances très spéciales, extraordinaires, qui requéraient concurremment d’autres qualités d’âme, et qui, elles, relèvent directement d’Artémis. Il resterait à étudier pour lui-même le problème des relations d’Athéna et d’Artémis.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Recherches sur les cultes grecs et l’Occident, 2
Ettore Lepore, Jean-Pierre Vernant, Françoise Frontisi-Ducroux et al.
1984
Nouvelle contribution à l’étude de la société et de la colonisation eubéennes
Centre Jean Bérard (dir.)
1982
La céramique grecque ou de tradition grecque au VIIIe siècle en Italie centrale et méridionale
Centre Jean Bérard (dir.)
1982
Ricerche sulla protostoria della Sibaritide, 1
Pier Giovanni Guzzo, Renato Peroni, Giovanna Bergonzi et al.
1982
Ricerche sulla protostoria della Sibaritide, 2
Giovanna Bergonzi, Vittoria Buffa, Andrea Cardarelli et al.
1982
Il tempio di Afrodite di Akrai
Recherches sur les cultes grecs et l'Occident, 3
Luigi Bernabò Brea
1986