Position des problèmes
p. 11-19
Texte intégral
1Mes premiers mots seront de bienvenue et de gratitude. Ils s’adressent également à tous : à qui vient de loin, et pour la première fois, au Centre Jean Bérard, mais aussi à tous ceux qui sont désormais les habitués de ces réunions.
2Le Centre Jean Bérard, vous le savez, a un peu plus de dix ans d’existence. Naples a toujours été et reste à mes yeux un lieu privilégié de rencontre pour tous ceux qui travaillent sur la colonisation grecque, et plus spécialement en Occident, parce que, grâce à un concours heureux d.e circonstances, à la présence et à l’amitié d’un certain nombre de personnes (et je dois citer ici au moins le nom d’E. Lepore sans qui rien de ce qui a été fait n’aurait été possible), ces rencontres ont à chaque fois fourni l’occasion d’une véritable confrontation de faits, d’idées, avec ces discussions, parfois vives mais toujours amicales, qui sont la condition même du progrès de nos connaissances. Bref ces colloques n’ont jamais été une juxtaposition de monologues : ils ont voulu créer les conditions favorables d’un véritable dialogue.
3Je souligne ce mot, parce que le thème qui va nous occuper pendant ces deux jours avait fait l’objet d’un premier dialogue « l’incontro di studi sugli inizi della colonizzazione greca in Occidente », qui avait eu lieu en février-mars 1968 à Naples et à Ischia. « Nello sforzo di ottenere un vero e proprio dialogo, evitando i rischi dell’accademia, si è cercato di individuare alcuni pochi argomenti, enunciandoli in maniera che è parsa stimolante, e rigorosamente circoscritta », avait dit, en ouvrant nos débats, Bruno d’Agostino1.
4Ces débats auxquels assistait Ranuccio Bianchi Bandinelli furent publiés précisément dans le fascicule double des Dialoghi di Archeologia de 1969, auquel nous devrons sans arrêt nous reporter. Et puisqu’il s’agit bien aujourd’hui de reprendre ces discours, je ne peux pas ne pas évoquer tout ce que cette rencontre de Naples et d’Ischia, comme tant d’autres « dialogues », avait dû à R. Bianchi Bandinelli, qui fut pour beaucoup d’entre nous un ami très cher et dont les qualités d’homme et de savant resteront pour tous exemplaires. Le temps qui passe multiplie nécessairement ces occasions de mélancolie : la première rencontre du Centre Jean Bérard avait été organisée grâce à Domenico Mustilli et, dernière occasion de tristesse, nous savons tous ce que, depuis des années, nos conversations et nos travaux, ici même, à Tarente ou à Velia, devaient à Mario Napoli...
5Si Madame Cébeillac-Gervasoni a insisté pour que je prenne la parole le premier, ce n’est pas seulement pour que l’occasion me soit donnée d’exprimer un « cordiale saluto a tutti gli intervenuti ». C’est aussi parce qu’il était juste que je dise ce que nous attendions de cette rencontre (c’est le pourquoi du colloque), et que je précise la manière dont nous avons vu les articulations des différentes relations (c’est le comment de cette rencontre).
6Une première remarque d’abord, sur laquelle je reviendrai : il y a aujourd’hui un certain nombre d’éléments nouveaux qui nous amèneront peut-être sinon à faire table rase de ce qui a été dit ces dernières années, du moins à revoir tous les problèmes avec un œil nouveau. Mais, avant même de les évoquer, je voudrais insister sur la remarque suivante : les studiosi, comme on dit, qui ont la chance d’avoir à leur disposition, si rapidement et dans de si bonnes conditions, les éléments nouveaux révélés par les fouilles les plus récentes seront d’accord avec moi, je pense, pour dire toute leur gratitude et, je pèse mes mots, leur admiration à nos amis des Surintendances qui, au milieu des problèmes que nous connaissons, réussissent à concilier les devoirs de leur tâches, leur recherches personnelles, la disponibilité mentale ou mieux la générosité intellectuelle, bref toutes ces qualités qui rendent leurs efforts si fructueux et si précieux pour tous. Faut-il ajouter que cette admiration s’adresse également à la manière dont sont conduites aujourd’hui les recherches archéologiques qui, à tous égards, me semble exemplaire ?
7Les raisons de cette rencontre sont donc claires. Comme l’indique le titre même qui a été retenu pour orienter les rapports et les discussions de notre rencontre : « la céramique grecque ou de tradition grecque au VIIIe siècle en Italie centrale et méridionale », il s’agit donc de faire aujourd’hui (1976), le point sur toutes nos connaissances dans le domaine de la céramique grecque ou de tradition grecque en Sicile, en Grande Grèce, en Italie Centrale, à Rome et en Etrurie. C’est dire qu’il faudra établir un inventaire des données : ces données devront être parfaitement claires, tant du point de vue de leur contexte, de leur provenance que de leur date. Mais auparavant pour avoir à notre disposition tous les points de repère possibles, il était nécessaire de prendre le problème a monte et de demander d’abord aux spécialistes une mise au point, un « état de la question » de la céramique grecque du VIIIe siècle, vue de la Grèce, en insistant notamment sur les céramiques de Corinthe et d’Eubée. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup de reconnaissance envers J. N. Coldstream, C. W. Neeft et L. Kahil d’avoir accepté de fixer avec nous ces premiers paramètres. Puis viendra l’inventaire du matériel occidental réparti en trois grandes zones : le Latium et Rome, l’Italie méridionale, la Sicile.
8J’ai insisté sur le titre, moins pour rappeler le cadre historique et géographique qui a été fixé pour nos discussions, que pour souligner un aspect plus méthodologique. Si avec le groupe des amis du Centre Jean Bérard et particulièrement avec nos amis de la Sicile Orientale, nous avons pris l’initiative de promouvoir ce colloque (en laissant la charge de l’organisation à qui a la chance d’habiter Naples), ce n’est pas seulement parce que le temps est venu de procéder, vingt-cinq ans après, à une révision d’un certain nombre d’hypothèses qui ont été avancées alors sur les origines ou les premiers temps de la colonisation. En fait, nous devons être disponibles pour apporter, en fonction des données nouvelles, des solutions nouvelles à des problèmes anciens, mais surtout nous devons être prêts à aborder éventuellement des problèmes nouveaux. C’est pourquoi, pour le moment il faut renoncer à s’enfermer dans l’impostazione ancienne, ce qui ne veut pas dire, bien entendu, qu’on cherche des alibis pour éviter la discussion à ce sujet.
9Pour que les choses soient claires, je rappellerai moi-même sans vouloir faire l’historiographie de ces vingt dernières années, comment sont nées deux hypothèses lourdes de conséquences concernant « gli inizi » de la colonisation grecque en Occident et les premières fondations. La première se rapporte aux dates de fondation et plus particulièrement à la position relative de Mégara et de Syracuse : Mégara Hyblaea aurait été fondée non quelques années après Syracuse, comme le dit expressément Thucydide, mais une vingtaine d’années auparavant. Quelle fut la genèse de cette hypothèse ? Rappelons l’essentiel : en 1948, ouverture d’un chantier de l’Ecole Française de Rome à Mégara Hyblaea dont le but, clair et avoué, était, grâce à une fouille en milieu urbain, de permettre d’une part des observations précises sur l’organisation matérielle d’une cité coloniale (maisons, urbanisme, etc.), d’autre part, de donner, grâce à la date fournie par la tradition thucydidienne, un repère précis pour la chronologie du protocorinthien dans la seconde moitié du VIIIe siècle. C’est dans cette double perspective que s’orientent les premières conclusions du premier article de Mégara, signé de Villard seul, et publié en 1951. J’en extrais les passages suivants : « Le fait le plus surprenant est l’abondance extraordinaire de la céramique protocorinthienne... Tous les types et toutes les périodes. .. [de cette céramique] sont largement représentés à Mégara. Nous avons ainsi pour la fin du VIIIe siècle environ quatre-vingts fragments qu’on peut dater avec une assez grande certitude de la période 720/700 : une soixantaine de fragments de coupes-skyphoi géométriques à rebord mouluré, une douzaine de fragments de skyphoi « à files de hérons », trois fragments d’aryballes globulaires géométriques, trois fragments de grands cratères géométriques »2 ; et plus loin, arrivé aux conclusions historiques, F. Villard écrivait : « Le matériel assez abondant remontant au dernier quart du VIIIe siècle prouve qu’il faut placer l’arrivée des Mégariens aux environs de 720, ce qui correspond à quelques années près à la date traditionnelle de fondation (728) »3.
10Puis vint à Mégara l’époque des sondages effectués de manière dispersée sur le site, sondages dont on attendait que leurs données stratigraphiques fournissent des informations et pour l’histoire de la ville et pour son extension topographique. Pour faire court, il apparut très vite que sur tout le plateau nord, qui représente la majeure partie du site de la ville archaïque, il y avait, dans les niveaux les plus bas de tous les sondages, et cela depuis la mer jusqu’à l’emplacement où fut construite à la fin du VIe siècle la muraille archaïque, des fragments de céramique protocorinthienne d’un type qui n’avait pas encore de nom mais qui semblait ancien, et pour lequel il fallait chercher ailleurs des points de référence.
11Avant le début de la fouille en 1949, la connaissance du matériel archaïque de Mégara était limitée, à quelques exceptions près, au matériel provenant des nécropoles ; il n’y avait rien de plus ancien que le milieu du VIIe siècle ; au contraire, pour Syracuse on connaissait à la fois le matériel provenant des grandes nécropoles archaïques de la ville (Fusco, Giardino Spagna) et aussi un certain nombre de fragments provenant de la ville même, notamment d’Ortygie. Il était donc naturel de confronter le matériel le plus ancien de Mégara nouvellement révélé par les fouilles et le matériel le plus ancien de Syracuse, celui notamment qui avait été recueilli dans les niveaux les plus bas de la zone de l’Athénaion, au contact, semblait-il, avec les fonds de cabanes sicules, ainsi que celui, trouvé fortuitement pendant la guerre au Pozzo Ingegnere. Dès son premier article — celui où il acceptait la date de Thucydide pour la fondation de Mégara — à une époque où on connaissait encore assez mal ce matériel de Syracuse trouvé pendant la guerre, Villard avait écrit : « A ne considérer que ces mêmes tessons [ceux du dernier quart du VIIIe siècle], on serait tenté d’attribuer à Mégara une certaine antériorité sur Syracuse »4. C’est cette comparaison des trouvailles de Mégara et du matériel de Syracuse qui a été le point de départ de l’hypothèse exposée longuement dans le Bulletin de Correspondance Hellénique de 19525.
12Je laisse de côté ici le recours à la double tradition de Thucydide et d’Ephore sur l’ancienneté relative de Mégara et de Syracuse, je passe sur les références à la date de fondation de Sélinonte, je glisse sur les polémiques qui accompagnèrent cette hypothèse, non sans me réjouir de la présence ici aujourd’hui de mon ami René Van Compernolle avec qui il est agréable de rappeler, longtemps après, ces violences juvéniles ; mais je retiens et je souligne ceci : les coupes de Thapsos étaient nées. Voici leur acte de naissance dans l’article déjà cité de 1952 : « A côté de fragments de coupes assez fines, à rebord mouluré, analogues à ceux de Syracuse, nous trouvons [à Mégara] d’assez nombreux fragments de coupes d’aspect un peu plus lourd, à parois plus épaisses et que nous ne connaissons pas à Syracuse. Le profil est caractéristique ; la partie supérieure de la vasque se replie assez fortement vers l’intérieur, si bien que le rebord, très bas et dont la moulure est à peine marquée, se trouve en fort retrait par rapport à la vasque ; l’épaisseur des parois est renforcée en bas du rebord qui prend ainsi vers l’intérieur un aspect triangulaire. Enfin très souvent, un rectangle allongé interrompt vers le haut de la vasque la série des cercles : ce cadre, bordé de deux ou trois traits verticaux, est décoré d’ornements géométriques très simples, zigzags, lignes brisées... C’est le type même des deux coupes géométriques protocorinthiennes découvertes par Orsi à Thapsos »6 et dont il est possible d’affirmer sinon qu’elles appartiennent à la tombe de Lamis, du moins qu’elles marquent le passage des Mégariens à Thapsos, juste avant la fondation de la ville. A ces coupes de Thapsos, qui devenaient de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que les fouilles se développaient à Mégara, il fallait ajouter des fragments de cratères, d’oenochoès, bref tout un matériel sur lequel F. Villard aura l’occasion de revenir en détail demain.
13Les caractères et la quantité de ces trouvailles posaient, et posent, un certain nombre de problèmes. Ce qu’il faut regretter (et c’est l’aspect méthodologique que j’évoquais et sur lequel je reviendrai) c’est que l’étude de ce matériel ait été sinon orientée du moins trop limitée à une comparaison avec les trouvailles de Syracuse. Villard et Vallet qui a vaient insisté ensemble7 et séparément8 sur les dangers bien connus du cercle vicieux que provoquait la mise en parallèle des dates fournies par la tradition littéraire et des données de l’archéologie, figeaient en fait la discussion à l’intérieur de ce cercle vicieux, avec cet intervalle de 750 à 733, ces vingt ans pendant lesquels aurait eu lieu l’évolution de la céramique de Corinthe depuis les types présents à Mégara et absents à Syracuse jusqu’aux types présents dans les deux colonies.
14Cette erreur de méthode (il est toujours plus facile de raisonner avec le senno del poi), nous ne devons pas la refaire au moment où nous allons sans doute corriger une erreur de fait. Ce n’est un secret pour personne que l’on connaît aujourd’hui à Syracuse un certain nombre de coupes de Thapsos « identiques » à celles de Mégara ; cette nouveauté très importante, nous la devons à nos amis de Syracuse, P. Pelagatti et G. Voza, et ils nous en feront part, pièces en main, demain. D’ailleurs, même si je fais trop partie de l’équipe syracusaine pour en souligner comme je le devrais les mérites, je dois rappeler ici la quantité et la qualité des recherches touchant à nos problèmes, qui ont été effectuées depuis quelques années en Sicile Orientale. J’ai écrit récemment ce que les fouilles nouvelles dans le Latium apportent à l’histoire primitive de Rome et combien elles nous amènent à voir autrement les problèmes de la naissance de la Ville ; de même je dois dire ici aujourd’hui que les recherches exemplaires conduites récemment en Sicile Sud-Orientale enrichissent nos connaissances certes, mais surtout peuvent modifier l’impostazione des problèmes historiques. De plus ces recherches sur le terrain se sont accompagnées d’une révision des données archéologiques anciennes, parfois mal connues. C’est ainsi que pour revenir au matériel de Syracuse, nous saurons demain qu’il n’y a sans doute plus de données archéologiques conduisant à remettre en question la chronologie de Thucydide et à supposer l’antériorité de Mégara. Je ne veux pas anticiper pour le moment, mais s’il en est bien ainsi, tous les problèmes ne seront pas pour autant résolus. Je me rappelle ce que, avec sa finesse habituelle, avait dit d’Agostino, à Ischia ; vous avez 400 ou 500 coupes de Thapsos avec pannello ; cela pour le moment donne l’idée d’une antériorité sur Syracuse ; cet état de choses peut changer demain, si on trouve un matériel aussi ancien à Syracuse. Mais, et je cite son texte « questo ci metterebbe però in un certo imbarazzo riguardo alla cronología della ceramica corinzia stabilita dal Payne che ha nella data di fondazione di Siracusa e nel più antico materiale ivi rinvenuto il suo cardine »9.
15J’ai insisté sans doute un peu trop longuement sur ce premier point, mais c’est dans le but d’en tirer tout à l’heure des conclusions sur la méthode à suivre pour ne plus dramatiser ou surestimer des éléments isolés, comme l’écrivait Coldstream en 196810, mais pour voir les problèmes dans leur ensemble. J’envisage maintenant beaucoup plus rapidement la seconde hypothèse que le même d’Agostino avait rappelée au début des débats d’Ischia en citant une phrase de Rhégion et Zancle que voici : « Il n’est pas possible de parler d’une phase de précolonisation, si l’on entend par là une période de relations commerciales attestées par des documents archéologiques et qui aurait précédé le mouvement de colonisation ». Il est inutile de rappeler en détail la genèse de cette hypothèse, puisqu’elle a fait l’objet d’un chapitre entier de Rhégion et Zancle paru en 195811. Je dirai simplement qu’elle visait à procéder à une révision de théories anciennes de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle, que son point de départ avait été l’interprétation comme céramique coloniale (sicéliote) d’une céramique considérée jusqu’alors comme antérieure à la colonisation12. Mais dans la foulée, je suis allé plus loin, trop loin sans aucun doute, comme je l’ai dit clairement à Ischia, dans la discussion avec Ridgway, Johannowsky et d’Agostino13. Admettons au départ que, comme le suggérait Dunbabin avec sa sagesse habituelle, « la substance de Blakeway reste solide » même si la chronologie et les données sur lesquelles il se fonde doivent être révisées14. Mais là encore, avant de repartir en sens inverse et pour mesurer exactement de quoi on parle (protocolonisation, précolonisation, etc.) il convient de voir l’ensemble du matériel et notamment le matériel nouveau de Sicile Orientale, qui modifie la nature même des données utilisées par tous et oblige à rouvrir le dossier du Sud de la Tyrrhénienne au VIIIe siècle, dont une bonne présentation dans son état ancien avait été faite il y a huit ans par Coldstream15. Nécessairement nous allons nous trouver devant deux ordres de difficultés, qui ont souvent été évoquées : d’abord il n’est pas toujours facile — et Ridgway l’avait souligné avec humour en rappelant les « promotions » subies par certains vases16 — de distinguer importations et fabrications lolocales ; j’ai eu l’occasion de dire et d’écrire moi-même plusieurs fois ce qu’il disait alors à Ischia. « Mi chiedo se, a parte le ceramiche corinzie ed attiche, nell’VIII sec. la tecnica di lavorazione era così avanzata, raffinata e specializzata da rendere dalla stessa argilla grezza un’argilla figulina sempre identica e sempre facilmente identificabile de visu per colore e tecnica ». De plus, nous le savons bien, ce problème, en soi compliqué, est rendu plus difficile encore par les effets que la terre où ont été conservés ces fragments a pu avoir sur eux, si bien qu’il est souvent arbitraire de prétendre se prononcer sur l’origine d’un fragment (importé ou local), si l’on ignore cet aspect des choses, que seul le fouilleur peut révéler.
16A ce premier ordre de difficultés, s’en ajoute un autre : les problèmes de la chronologie. Quand il s’agissait de la fondation des colonies, l’essentiel dans la plupart des cas, était de pouvoir déterminer la chronologie des céramiques de Corinthe ; en revanche, quand il s’agit du matériel que l’on connaît maintenant de mieux en mieux pour la Campanie et l’Italie Centrale et que nous allons découvrir demain grâce à G. Voza pour la Sicile Orientale (c’est-à-dire de ce matériel qui provient non des cités grecques mais des sites indigènes), il y a des céramiques autres que celle de Corinthe et leur chronologie peut être plus difficile à cerner.
17Si j’ai rappelé, trop brièvement et trop longuement, l’origine de ces hypothèses sur la position relative de Syracuse et de Mégara d’une part et, d’autre part sur la période antérieure à la colonisation, c’est parce que, me semble-t-il, elles procèdent toutes deux de la même erreur de méthode : la thèse, ou l’hypothèse, a précédé un inventaire critique suffisant des données. D’où l’idée qui a été la nôtre de ne consacrer ce colloque ni aux dates de fondation des premières colonies grecques en Occident ni à la pré- — ou protocolonisation grecque en Occident, mais à la céramique grecque ou de tradition grecque au VIIIe siècle en Italie. La réhabilitation, si j’ose m’exprimer ainsi cum grano salis, de Thucydide ou de Blakeway pourra être la conséquence de nos échanges de vues ; elle n’en est pas l’objet. Qu’on me comprenne bien : je ne veux pas dire par là que je ne suis pas enclin à penser que Mégara ait été fondée un peu après Syracuse et que les Grecs aient pu fréquenter les côtes italiennes avant d’y installer des colonies. Cela, si l’on veut, je l’accepte comme hypothèse de départ. Ce qui me semble souhaitable, c’est que cette rencontre ait pour objet d’abord une mise au point des problèmes de la céramique grecque au VIIIe siècle, et nul mieux que Coldstream n’était capable de procéder à cette vue d’ensemble, puis une analyse des coupes de Thapsos et de la céramique corinthienne, enfin une confrontation avec les données de Lefkandi et d’Erétrie. Suivra, avec toutes les discussions que vous voudrez, l’inventaire des données occidentales, celles que l’on connaît depuis un certain temps et celles qui sont toutes récentes et encore très peu connues. Enfin, il n’y aura pas, quoi qu’en ait écrit Madame Cébeillac-Gervasoni, de rapport de synthèse fait par Vallet ; il y aura, si vous le voulez bien, je n’ose dire un constat d’accord après les discussions, mais un bilan précis dressé ensemble des discussions sur les points suivants :
181. — Le problème des coupes de Thapsos. Voici les points qui me semblent les plus importants :
les limites chronologiques de la série : apparition, disparition.
à l’intérieur de la série, y-a-t-il une évolution ? Si oui, quels en sont les critères (forme, décoration, etc.) ?
situation de ces coupes par rapport aux autres séries de Corinthe.
19Il faudra sans doute vérifier alors, comme l’a recommandé Villard à plusieurs reprises, la mise en place des chronologies proposées par rapport à l’ensemble des séries grecques de la seconde moitié du VIIIe siècle.
202. — Le matériel le plus ancien d’Ischia : vers quelle date ce matériel nous suggère-t-il de placer la fondation de Pithecoussai ?
213. — Inventaire complet du matériel antérieur au matériel le plus ancien d’Ischia. Je souhaiterais, si vous le voulez bien, que l’on procédât pour ce bilan final, comme W. Johannowsky l’a fait dans les Dialoghi de 1969, dans l’appendice à son rapport17, c’est-à-dire que, lorsque cela est possible, on établît une fiche concernant chaque vase ou chaque fragment, en le définissant et en le replaçant dans son contexte.
22Pour ces vases ou ces fragments, il conviendra de voir alors les dates proposées. Je demande à tous, et notamment à J. N. Coldstream, de fixer pour les séries une fourchette chronologique définissant non seulement l’approximation éventuelle de la datation mais son éventuelle durée ; par exemple (ce n’est qu’un exemple), quels sont les deux termini (apparition et fin de la série) que l’on peut établir pour les coupes à chevrons : cela bien entendu en utilisant de façon précise les données du contexte comme l’avait fait Ridgway dans son appendice aux « Coppe cicladiche da Veio »18.
234. — J’ajoute — mais là je ne peux pas préjuger l’orientation de nos conclusions — qu’il faudra aussi et surtout prendre la mesure exacte des éléments nouveaux apportée par les fouilles récentes, notamment en Sicile Orientale dans la Vallée du Marcellino ; c’est dans ce sens déjà que G. Voza a ouvert les problèmes quand il a fait le mois dernier, dans le cadre d’une rassegna des activités de la Surintendance, une présentation de ces trouvailles au Congrès de Palerme.
24Voilà me semble-t-il, les principaux objectifs que nous devons nous fixer. Je ne prétends pas d’ailleurs que cette liste soit exclusive, mais, si vous en êtes d’accord, un bilan précis de nos connaissances sur ces problèmes serait pour tous fondamental. Ce bilan ne peut se faire qu’ensemble. D’avance, je vous remercie.
Notes de bas de page
1 DdA, III, 1-2, p. 3-234 ; le texte de B. d’Agostino se trouve p. 5.
2 MEFR, 63, 1951, p. 33-34.
3 Ibidem, p. 49.
4 MEFR, Ibidem, p. 49.
5 BCH, 77, 1952, 2, p. 289-346.
6 BCH, loc. cit., p. 337.
7 BCH. loc. cit., p. 290.
8 F. Villard, MEFR, loc. cit., p. 23.
9 DdA toc. cit., p. 151.
10 J. N. Coldstream, Greek Geometric Pottery, p. 324 : « It seems to me that Vallet and Villard have overstated their case ».
11 G. Vallet, Rhégion et Zancle, p. 18-46.
12 Cf. Villard et Vallet, MEFR, 1965, p. 7-27.
13 Cf. Notamment Dialoghi di Archeologia, p. 169.
14 Dunbabin, JRS, 39, 1949, p. 138-139.
15 J. N. Coldstream, op. cit., p. 373-374.
16 Ridgway, DdA, toc. cit., p. 26.
17 DdA. 1969, p. 213-219.
18 SE, 35, 1967, p. 319-321.
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La céramique grecque ou de tradition grecque au VIIIe siècle en Italie centrale et méridionale
Ce chapitre est cité par
- Hodos, Tamar. (2020) The Archaeology of the Mediterranean Iron Age. DOI: 10.1017/9780511979316
La céramique grecque ou de tradition grecque au VIIIe siècle en Italie centrale et méridionale
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