Quel projet pour la ville ?
Le cas de Toulouse
p. 385-394
Texte intégral
1Le Projet de Ville pour Toulouse intitulé L'ambition d'une ville forte, l'équilibre d'une ville douce1 a paru en janvier 1993. Ce Projet marque la volonté de renouer ici comme ailleurs avec les exercices de planification physique. Les villes ne sont d'ailleurs pas les seules à se mobiliser pour réaliser des documents portant sur leur avenir. Ce regain d'intérêt pour les exercices de prospective est également perceptible au niveau des agglomérations, des régions et à travers le lancement des grands chantiers d'aménagement du territoire. Toulouse, son agglomération, sa région n'échappent pas à ce mouvement ; au début des années 1990, plusieurs documents de planification territoriale sont entrés en révision :
En 1991, le Syndicat Mixte d'Études en vue de la Révision du Schéma Directeur de l'Agglomération Toulousaine était créé. Le premier Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme, prescrit en 1969, avait été élaboré en 1975 et approuvé en 1982. Mais avant même que ne soit engagée la procédure de révision, le Syndicat Mixte décidait de se doter d'un projet d'agglomération pour 2015. Les premières synthèses ont été consignées dans un rapport intermédiaire, Bilan et perspectives2 publié en décembre 1993 ;
À partir de 1992, des équipes pluridisciplinaires ont livré leurs réflexions au cours d'un nouvel exercice de prospective pour la mise en œuvre du contrat de Plan État-Région 1994-1998 ;
En 1993, le Plan d'Occupation des Sols (pos) de Toulouse, publié en 1979, faisait l'objet d'une cinquième révision. À cette occasion, la Ville se dotait du projet urbain dont il est ici question et qui est la première initiative de ce genre menée par la municipalité.
2Ces mises en chantier successives, et la liste fournie n'a rien d'exhaustif, traduisent assez bien le besoin de prévision ; elles sont aussi des moments privilégiés où constats et bilans sont dressés et où se dessinent de nouvelles perspectives. Ce d'autant que le cadre urbain sur lequel portent ces projets est notablement différent de celui de la période antérieure, surtout dans les métropoles régionales. Partout les agglomérations se sont dilatées en prenant leurs aises dans les espaces ruraux les environnant. La croissance n'a pas été qu'extensive, certaines communes proches de celle qui est géographiquement la plus centrale, participent aujourd'hui largement au fonctionnement économique des aires métropolitaines. Des centralités d'une nature différente de celle traditionnelle et toujours réelle de la ville-centre y apparaissent. Dans ce nouveau contexte, qu'il faut préciser, l'analyse d'un projet urbain "porté" par la commune-centre n'est pas sans intérêt. Il s'agira alors d'y déceler comment la ville-centre souhaite s'affirmer face à la croissance multiforme des périphéries mais aussi se positionner à l'heure où un projet d'aménagement à l'échelle de l'agglomération est en cours d'élaboration.
le contexte de l'établissement du Projet de Ville
1. L'espace du projet, une position de ville-centre encore très active
3Au sein des aires urbanisées, le territoire de la ville-centre revêt une importance particulière. Espace singulier, il est celui qui est le plus anciennement urbanisé et celui qui a contenu durablement les équipements nécessaires à la vie de l'agglomération ou de la région. Il abrite aussi le centre-ville qui est, tant symboliquement que réellement, la référence commune à l'ensemble des habitants de l'aire urbanisée.
4Ces caractéristiques propres aux espaces centraux se vérifient d'autant mieux dans la commune de Toulouse que celle-ci dispose d'un vaste territoire (12 000 hectares). Cette étendue lui a permis de garder en son sein les développements universitaires des années 1960, de lancer à la même époque une opération de type "ville nouvelle" (le Mirail) ou encore de réaliser à la fin des années 1980 un anneau de voies rapides sur son seul espace alors que d'autres villes pour s'étendre et s'équiper mobilisaient des territoires communaux adjacents. L'accumulation qui s'y réalise en fait bien un appareil majeur et essentiel de l'organisme urbain.
5À l'heure où les espaces centraux de certaines métropoles perdent une partie de leur substance démographique ou économique, Toulouse fait au contraire preuve d'un dynamisme réel. Celui-ci peut se mesurer à l'aune de divers indicateurs :
Toulouse figure parmi les centres d'agglomération qui entre 1982 et 1990 enregistrent un gain de population (+ 10 000). Bien que le niveau de peuplement optimal atteint en 1975 n'ait pas été retrouvé, la ville a renoué avec la croissance démographique ;
le rythme de la construction n'y faiblit pas non plus puisque les 35 000 logements construits entre 1975 et 1990 représentent presque l'équivalent de ce qui a été construit, au cours de la même période, en périphérie (soit 38 000 logements pour les 62 communes du Schéma Directeur hors Toulouse) ; certaines années, les autorisations de construire ont été plus nombreuses à Toulouse que dans l'ensemble des communes périphériques ;
foyer de peuplement principal, la commune est aussi le pôle d'emploi majeur à l'échelle de l'agglomération : 75 % des emplois de l'Unité Urbaine (58 communes) y étaient recensés en 1990 et 65 % de ceux présents dans l'aire du Schéma Directeur (63 communes).
6Disposant encore de larges réserves foncières, la ville continue à accueillir sur son sol la venue d'entreprises étrangères et des établissements liés aux activités aériennes et récemment décentralisés (services d'Air Inter et d'Air France). Par ailleurs, si des établissements publics ou privés éprouvent la nécessité de s'agrandir, ils trouvent encore des terrains réutilisables, soit dans le péri-centre, soit aux marges de l'espace communal. D'autres qui avaient à l'origine opté pour des terrains éloignés du centre ont des possibilités d'extension sans migrer vers une périphérie plus lointaine. Le desserrement, s'il est réel, n'occasionne pas toujours de mobilité extra-communale.
7En 1995, le constat à dresser est bien celui du dynamisme effectif du territoire de la ville-centre. Il pourra encore trouver à s'affirmer au cours des prochaines années car l'espace central renferme des disponibilités foncières importantes (zones rurales ou zones d'urbanisation future).
2. Extension urbaine et affirmation de la proche périphérie
8Cependant, le recensement de 1990 témoignait, au-delà de la reprise de la croissance démographique interne de la ville-centre, du fort étalement de l'urbanisation dans l'espace alentour. L'Unité Urbaine se compose désormais de 58 communes, la Zone de Peuplement Industriel et Urbain de plus de 400 ; celle-ci a débordé sur des départements voisins et même sur ceux des régions voisines (Aude).
9Les travaux liminaires à l'établissement du nouveau Schéma Directeur, à la lumière d'autres indicateurs, relevaient une "consommation" record d'espace : 12 000 hectares supplémentaires urbanisés dans le périmètre des 63 communes du sdau, représentant un doublement de l'aire construite. Mais, ce périmètre institutionnel ne recoupe en aucun cas les limites de l'urbain, 30 % de l'accroissement démographique s'étant fait en dehors de l'aire du sdau (entre 1975 et 1990). Si ces données portent la marque du processus de périurbanisation toujours vigoureux, la périphérie ne se réduit pas à une "galaxie pavillonnaire"3.
10L'expression qui recouvre une partie du contenu des espaces périphériques paraît dans bien des cas largement adaptée, mais ne peut être généralisée à l'ensemble des communes hors Toulouse. Quelques-unes ont dépassé le stade de banlieue résidentielle selon divers degrés et selon différentes modalités. Pour certaines, c'est le développement de l'industrie aéronautique qui a orienté le contenu de leurs activités (Blagnac et Colomiers) ; d'autres ont précocement proposé des parcs d'activités d'une forme inédite pour l'agglomération au détour des années 1980 (Innopôle de Labège) ; d'autres encore ont, plus prosaïquement, accueilli des centres commerciaux articulés autour d'une grande surface (Portet, Fenouillet, Blagnac...).
11Si ces divers éléments pouvaient d'abord s'appréhender comme de nouveaux aspects de la croissance périurbaine, ils s'analysent rétrospectivement comme les ferments et les leviers de nouvelles polarités voire de centralités secondaires dans les espaces urbains. Il apparaît que ces éléments, parce qu'ils ont accru les moyens financiers des collectivités, leur ont permis par la suite de réaliser des équipements qui ne s'adressent pas à leur seule population mais à celle de l'agglomération entière (équipements culturels et infrastructures d'accueil de Blagnac et de Labège notamment). Il apparaît encore que ces territoires de la proche périphérie présentent aujourd'hui, les qualités requises satisfaisant à l'installation de sièges sociaux d'entreprises ou à celle d'établissements liés à l'enseignement et à la formation (IUT de Blagnac, École Supérieure d'Agriculture d'Auzeville au sein de l'Agrobiopôle...).
12Ainsi, à la faveur de ces évolutions, se constitue une proche périphérie qui est une sorte d'interface entre les communes résidentielles et celle du centre et qui invite à re-visiter des concepts durablement établis de la géographie urbaine, comme celui de la centralité intra-urbaine. La diffusion des éléments la constituant recompose le contenu des aires urbaines. Il y a donc bien une nouvelle réalité de la ville, de son fonctionnement et de sa structuration interne.
13Par nature, le Projet de Ville réalisé par la municipalité toulousaine se limite au seul territoire où s'arrête son impératif de gestion. Or cet espace est partie intégrante d'une agglomération plus vaste. Comment le Projet de Ville intègre-t-il ces nouveaux aspects ? Comment dessine-t-il les contours d'une ville qui restera morphologiquement le cœur d'une agglomération étendue ?
le projet de ville : centre, poles, portes et entrées...
14Sans trop entrer dans le détail, le Projet de Ville débute quasiment par l'affirmation suivante : "Toulouse doit en effet accueillir sur son territoire les ménages de plus en plus nombreux qui souhaitent y rester ou s'y installer, ainsi que les activités commerciales, artisanales, industrielles ou de bureau, nécessaires à ces habitants, à sa vitalité"4. Posée en préalable, cette remarque va orienter grandement le contenu du document où il va être surtout question de désigner des lieux où se fixeront activités et résidents nouveaux. Quelques sites, appelés à structurer la ville (cf. carte ci-contre), sont retenus :
Fig. 1 - Eléments structurants majeurs du projet de ville

Source : d'après Un projet de ville pour Toulouse□
Mairie de Toulouse - Janvier 1993
15■ tout d'abord le centre-ville, reconnu comme lieu spécifique, comme un "résumé de la ville"5 et où les objectifs essentiels sont le maintien de sa population, de son animation, de ses commerces, la protection du patrimoine ancien, le renforcement des équipements culturels par reprise et par réaménagement d'anciens édifices ;
16■ le tour de ville ; par ce vocable est désigné non pas le périmètre des voies circulaires héritières des anciens remparts mais le second anneau de boulevards enserrant le centre historique et ses extensions.
17Ce tour de ville est ponctué de quatre pôles dits de "développement" (Compans-Ponts Jumeaux, Marengo, Saint-Agne-Récollets, Arènes-Grande Bretagne). Certains sont déjà inscrits dans la réalité (Compans, Arènes) en ayant fait l'objet d'opérations d'urbanisme (zac) et recueillent administrations, bureaux, commerces, hôtellerie, programmes immobiliers à destination de l'habitat. Ces quatre pôles en même temps qu'ils contribuent à étendre les limites de l'hypercentre se localisent tous sur les tracés des lignes de métro existantes ou en projet ;
18■ les portes de ville ; cinq sont recensées, réparties sur le pourtour du territoire communal, le long de pénétrantes majeures au contact de l'anneau des rocades et de ses échangeurs (Lalande, Croix-Daurade, Rangueil, Saint-Simon, Saint-Martin du Touch). Le terme de porte recouvre des espaces étendus, principalement dévolus aux activités économiques (parcs d'activités). Si cet usage doit y être maintenu, il ne devra pas exclure l'habitat.
19Ainsi sont déclinés par une géographie sélective de l'espace les points forts du développement urbain à venir et qui démontrent le mieux l'effort de structuration urbaine à accomplir dans les années à venir. Cette volonté est encore perceptible quand il est question de rééquilibrer la ville à l'ouest (concentration d'habitat social) ou au nord (zone mixte mêlant entrepôts et habitat...) ou encore de revitaliser les centres de quartiers. La mixité des fonctions dans les quartiers et le traitement de l'espace public figurent parmi les actions à entreprendre pour y parvenir. Au-delà de cet effort de recomposition de la forme urbaine, un autre aspect du projet porte sur le renforcement des équipements de la ville afin d'affirmer son rayonnement de métropole régionale et universitaire notamment à travers les infrastructures liées à la culture (théâtre, centre d'art contemporain, auditorium...).
20"L'ambition de la ville forte" passe encore par le soutien au dynamisme économique. Si la nécessité de trouver de nouveaux espaces pour les activités économiques (pôles de développement, portes de ville...) figure comme un objectif souvent rappelé, d'autres actions sont susceptibles de conforter l'économie métropolitaine et son ouverture internationale. Bien que ce rôle soit déjà dévolu à des structures spécifiques (Technopôle de l'Agglomération Toulousaine) où est engagée la Ville de Toulouse, il est proposé de perpétuer les logiques technopolitaines à l'œuvre en facilitant l'accès des laboratoires aux grands programmes européens ou en développant les services aux entreprises.
21Si tous ces aspects se rattachent à "l'ambition de la ville forte", le cadre et la qualité de vie ne doivent pas être négligés, "l'équilibre de la ville douce" doit être garanti. À ce titre, les actions à mener se déclinent sur le mode de la préservation du patrimoine, du maintien de l'identité des quartiers, de la requalification des quartiers d'habitat social, de l'accès au centre-ville ; certaines imposent des aménagements spécifiques : pistes cyclables, coulées et zones vertes, traitements paysagers...
une charte plus qu'un projet...
22Le Projet de Ville toulousain n'est pas un plan dans la mesure où il ne comporte pas d'objectifs chiffrés à atteindre, mis à part celui du rythme annuel de production des logements. Il ne constitue pas non plus un document directement opérationnel, le Plan d'Occupation des Sols révisé étant l'outil de sa mise en œuvre. Il n'est pas davantage le fruit d'une démarche stratégique car il ne dit pas quels sont les choix à privilégier à court, moyen ou long terme. Il s'agit plutôt d'une démarche visant à donner une charte à la ville et une représentation commune de la ville pour ses habitants et pour le futur.
23Lors de la présentation du document en janvier 1993, le maire de Toulouse, le légitimait en faisant remarquer que l'équipe municipale était en place depuis dix ans. Le projet permettait alors autant de "regarder le chemin parcouru" que de "dessiner les perspectives pour les 12 à 15 prochaines années"6. Est-ce à dire que le document relève autant du bilan que du projet ? Sa lecture incite à retenir la première hypothèse ; en témoigne le fait qu'il intègre davantage d'opérations réalisées que de propositions nouvelles : il en va ainsi pour la première ligne du métro (ligne a), pour le pôle de développement tertiaire de Compans-Caffarelli, pour les quatre zones récréatives ou encore pour la plupart des parkings...
24Par ailleurs, le projet et les cartes qui l'accompagnent éludent quelques-uns des grands dossiers qui, ces dernières années, avaient suscité localement des polémiques, notamment celles relatives à l'implantation de la gare tgv dans l'agglomération ou encore celles ayant porté sur le prolongement de la ligne b du métro (à construire) dans le nord de l'agglomération, vers l'aéroport de Blagnac.
25En tout état de cause, le document fait clairement apparaître les espaces où pourra s'effectuer la croissance toulousaine que ce soit en terme démographique ou en terme d'activités nouvelles. Mais le parti retenu ne se justifie-t-il pas pour cette ville, qui inscrit son avenir dans le cadre d'une croissance démographique et économique ? Même si le document n'en fait pas directement état, les prévisions du Schéma Directeur en cours d'élaboration, établissent à 410 000 la population de la commune de Toulouse pour 2010-2015, soit 52 000 habitants de plus qu'en 1990. La croissance de l'emploi serait tout aussi importante puisque les prévisions situent à 265 000, le nombre d'emplois à l'horizon 2015-2020, soit un gain de 40 000 postes par rapport à 1990 (cf. tableau ci-après).
26À la question de savoir si le projet urbain intègre les changements en cours dans l'aire urbaine et notamment l'affirmation des communes de première couronne, la réponse paraît négative. Cette attitude transparaît de différentes manières :
prenant acte du fait que certains grands équipements d'agglomération se localisent en dehors du territoire communal comme le futur Eurocentre de fret de Castelnau, les promoteurs du projet souhaitent que son ouverture prochaine suscite "le développement d'une base avancée pour l'approvisionnement de Toulouse"7, en fait sur la zone d'activités toulousaine de Ginestous ;
le pôle scientifique et spatial du sud-est a mobilisé pour ses extensions non seulement le site initial de Rangueil mais a débordé sur les zones d'activités limitrophes des communes de banlieue (Ramonville et Labège), mais le document mentionne la nécessité de son développement circonscrit aux zones d'activités de la commune-centre : "au sud-est, le pôle scientifique et spatial doit se développer sur le site de la Marcaissonne"8 ;
le tracé de la ligne B du métro qui doit parcourir la ville du nord au sud, et à l'image de la ligne en service (ligne a), s'interrompt aux confins de l'espace communal toulousain, ignorant au nord la desserte de l'aéroport de Blagnac.
27Les intentions contenues dans le document traduisent plus de continuités que de ruptures dans la politique d'aménagement conduite par la ville-centre depuis plusieurs décennies, à savoir le choix d'un développement autocentré : le territoire toulousain étant vaste et offrant encore suffisamment de réserves foncières pour que s'y inscrive la croissance future.
28Cependant, tandis que la ville-centre proposait début 1993 son projet, elle se trouvait au même moment engagée au côté de 62 autres communes dans les réflexions conduisant à l'élaboration d'un autre document de planification : le Schéma Directeur de l'Agglomération toulousaine. Bien que celui-ci n'en soit encore qu'au stade des études préalables, le contenu d'un rapport d'étape laisse entrevoir les grandes lignes retenues pour l'aménagement de l'agglomération et pour les vingt années à venir9.
29Résumé à l'essentiel, ce premier ensemble de réflexions établit le constat de l'extension de la nappe urbaine et mentionne les dysfonctionnements occasionnés par cet étalement : dispersion de l'habitat, augmentation des migrations alternantes, multiplication des coûts d'équipement et finalement dilution des qualités urbaines. Le refus d'une accentuation de ces tendances rend inacceptable un scénario "au fil de l'eau" et impérative l'élaboration d'un nouveau projet. Aussi, le futur Schéma Directeur devra avoir des exigences plus qualitatives que quantitatives et devra concilier la poursuite du développement économique (prévoir les grandes infrastructures), la préservation de l'environnement, le maintien de la diversité sociale, la recomposition de la ville... tous thèmes ayant aujourd'hui la faveur des praticiens de l'aménagement et tous objectifs conduisant à prôner : "l'ambition d'une agglomération forte, l'équilibre d'une agglomération douce"10 ! Moins d'un an après sa publication, le Projet de Ville trouve un écho dans le projet d'agglomération qui prend en compte bien des desiderata de la commune-centre.
30En effet, l'équation de l'agglomération forte et de l'agglomération douce ne semble pouvoir se résoudre que si la métropole a un cœur musclé ; la ville-centre devant réserver des capacités d'accueil pour abriter un tiers de l'accroissement démographique prévu pour 2015 dans l'aire du Schéma Directeur, soit 52 000 habitants sur 189 000 attendus. Le rapprochement des lieux d'emplois et des lieux d'habitat, "priorité absolue", conduit à prendre en compte les cinq portes de villes (zones d'activités) toulousaines établies au contact du foyer de peuplement principal (Toulouse) et des communes de la première couronne. À l'horizon 2015-2020, Toulouse continuerait à détenir la majeure partie des emplois de l'agglomération soit 62 %.
Répartition des résidents et des emplois en 1990 et à l'horizon 2015-2020 entre Toulouse et sa périphérie (en valeurs absolues et en valeurs relatives)

Source : d'après Agglomération toulousaine, bilan et perspectives, smeat, décembre 1993.
31Ramenée à l'essentiel, on peut affirmer que l'ambition d'un projet urbain est de dessiner les grandes lignes de l'aménagement de la ville pour les 15 ou 20 années à venir. Quel profil de ville et d'agglomération laissent entrevoir les différents projets toulousains ?
32Leur analyse révèle la volonté d'une part de recentrer le développement urbain sur le territoire de Toulouse et d'autre part de conforter les centralités existantes (sans que leur localisation soit clairement explicitée) en périphérie. Cette volonté, dans le contexte toulousain, est à la croisée de plusieurs facteurs, certains étant redevables aux spécificités locales, d'autres témoignant de nouvelles conceptions urbanistiques :
Tout d'abord, la configuration particulière de l'agglomération toulousaine où la ville-centre est très étendue et entourée d'une myriade de petites communes encore modérément peuplées ;
ensuite, et en partie lié à ce premier facteur, le désir ancien qu'ont les gestionnaires toulousains de garder sur leur territoire une grande partie du dynamisme et que l'on s'est limité à traduire ici sous forme quantitative en terme d'emplois et d'habitants ;
enfin, une nouvelle manière de penser la ville plus intensive et moins extensive en mettant un terme au gaspillage d'espace, au fonctionnalisme et en privilégiant davantage la mixité et la recomposition de la forme urbaine.
Notes de bas de page
1 Municipalité de Toulouse, Un Projet de Ville pour Toulouse, l'ambition d'une ville forte, l'équilibre d'une ville douce, janvier 1994.
2 smeat, Agglomération toulousaine, bilan et perspectives, décembre 1993.
3 L'expression est employée dans le document Agglomération toulousaine, évolution 1975-1990, points de repères, auat, 1991.
4 Un Projet de Ville pour Toulouse, op. cit., p. 5.
5 Un Projet de Ville pour Toulouse, op. cit., p. 9.
6 Propos de D. Baudis, Maire de Toulouse, recueillis à l'occasion de la présentation publique du Projet de Ville, janvier 1993.
7 Un Projet de Ville pour Toulouse, op. cit., p. 30.
8 Un Projet de Ville pour Toulouse, op. cit., p. 30.
9 Agglomération toulousaine, bilan et perspectives, op. cit.
10 Agglomération toulousaine, bilan et perspectives, op. cit., p. 12.
Auteur
Doctorante, CIEU - Université de Toulouse-Le Mirail.
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