1 Cf. l’article 3 du titre III du projet de décret présenté en novembre 1792 par le girondin François Xavier Lanthenas, dans une ligne révolutionnaire qui aura cours jusqu’au rapport Grégoire : « Dans les contrées où l’on parle un idiome particulier, on enseignera à lire et à écrire en français ; dans toutes les autres parties de l’instruction, l’enseignement se fera en même temps en langue française et dans l’idiome du pays, autant qu’il sera nécessaire pour propager rapidement les connaissances utiles. » (Busse, 1985, p. 129).
2 Ainsi que le précise Winfried Busse : « Les membres du Comité de salut public sont bien d’accord pour ne s’attaquer qu’aux idiomes que la contre-révolution pourrait utiliser à son profit. Il n’y a donc pas lieu de généraliser le reproche de la glottophagie. L’occitan n’entre pas en ligne de compte, puisque en Occitanie, la contre-révolution ne se prévaut pas de l’idiome (ou de ses dialectes) pour gagner du terrain. » (Busse, 1985, p. 133).
3 Pour le détail, voir : http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/ (consultéle20/07/2015).
4 Dans les années 1860, l’idée d’une langue française généralisée et respectueuse des « langues provinciales », avec un regard porté sur la Suisse, l’Angleterre, animaient des philologues au fait des travaux de Théodore Hersant de La Villemarqué en Bretagne et du renouveau de la littérature d’oc autour du Félibrige et de Frédéric Mistral. En témoigne, entre autres, la pétition pour l’enseignement des « langues provinciales » destinée à être remise au printemps de 1870, après avoir reçu des soutiens de personnalités au Corps législatif dans un contexte de débats sur la décentralisation. Le destin de ce texte fut interrompu par la guerre de 1870. Ses auteurs, celtisants connus, étaient le Comte Hyacinthe de Charencey, Henri Gaidoz et Charles de Gaulle (promoteur entre autres de l’idée de langues littéraires pour le breton et les autres langues celtiques, il était le grand-oncle du personnage politique). Henri Gaidoz ne rendit public et ne fit éditer que plus tard, en 1903, cette pétition avec un long texte introductif (Gaidoz 1903). Les demandes qui figurent à la fin du texte préfigurent pour l’essentiel celles que l’on retrouvera 80 ans plus tard dans la loi Deixonne de 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux (cf. infra).
5 L’allemand n’est pas cité, sans doute parce qu’à cette époque, l’Alsace et la Lorraine étaient depuis 1871 sous domination allemande.
6 De la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe, plusieurs initiatives et prises de position tant de certains linguistes (Michel Bréal) que d’érudits ou enseignants régionalistes (Frère Savinien, Sylvain Lacoste,...) (Aurouze, 1907 ; Terral, 2005).
7 Par exemple, des affirmations péremptoires et sans fondement du genre : « Le Médoc disaient et dit sûrement : nap “navet” et au plur. nats “navets”, [...] » (Gilliéron, 1918, p. 180). Or, le Médoc, en l’occurrence, disait et dit nap [nap] et naps [naps]. Il s’inscrit, de ce point de vue, dans l’aire gasconne homogène à presque 100 %, en continuité avec une partie sud de la zone languedocienne, ainsi que le montra plus tard, en bénéficiant de davantage de données que l’ALF, l’Atlas linguistique et ethnographique de la Gascogne (Séguy, 1973, carte 2217).
8 Millardet, spécialiste du gascon, apporte une autre interprétation selon laquelle le Médoc a été une zone de conservatisme lexical favorisée par sa situation géographique et son mode de vie qui, sur une grande partie de son territoire, était en continuité géographique et culturelle avec la Grande Lande gasconne et son mode de vie pastoral (Millardet, 1923, p. 351-356). Quoique aps (f. s.) médoquin, ait continué le nom. fém. latin du même genre apis (v. aussi en Médoc, Dius < lat. Deus), le dictionnaire de gascon landais, élaboré à la fin du XIXe siècle (éd. en 2001) par le folkloriste Félix Arnaudin, signale dans la Grande Lande la forme ap au masc. : « Ap <ap> s.m. Abeille, considérée comme l’élément constitutif d’une ruche ou d’un essaim. Qu’es pigre aquere abelhe, i’a pa hort d’aps, cette ruche est médiocre, elle n’a pas beaucoup d’abeilles. [...] Étym et hist. : du lat. apis (apem à l’accusatif), mot très vieilli, à peine employé dans quelques dictons, et aujourd’hui remplacé par abelhe. Mais l’ancien parler distinguait l’ap, l’insecte en tant qu’individu, de l’abelhe, qui était proprement la colonie d’abeilles prise collectivement » (Arnaudin, 2001). Cette attestation confirme l’interprétation de Millardet en amenant une preuve d’une aire originelle plus vaste pour aps/ap sur une bonne partie du gascon occidental dont le Médoc aurait assuré la survivance, jusqu’à présent d’ailleurs.
9 Rapporté dans Bergounioux 1994, p. 305.
10 « Presque tous les idiomes ont des ouvrages qui jouissent d’une certaine réputation. Déjà « Presque tous les idiomes ont des ouvrages qui jouissent d’une certaine réputation. Déjà la Commission des arts, dans son instruction, a recommandé de recueillir ces monuments imprimés ou manuscrits ; il faut chercher des perles jusque dans le fumier d’Ennius » (Certeau, Julia et Revel, 1975, p. 307).
11 La notion de province, quoiqu’imprécise, a ici un sens plus concret et efficace pour une mise La notion de province, quoiqu’imprécise, a ici un sens plus concret et efficace pour une mise en contexte territorial de ces dialectes ou parlers que celle, résolument abstraite et strictement administrative, de département.
12 « Il s’agit bel et bien de convaincre l’enfant que seul le français est une vraie langue, quels que soient les services ponctuels que peut éventuellement rendre le patois. Par ailleurs, on devine que cette utilisation du “patois” ne peut fonctionner qu’avec une langue point trop éloignée du français dans ses structures. Du coup, l’occitan, langue romane, est favorisée par rapport par rapport au breton, ou au basque » (Martel, 1997, § 13).
13 Ainsi, la chaire de « Langue et littérature méridionales » à Toulouse, créée en 1886 et occupée successivement par Antoine Thomas, Alfred Jeanroy, Joseph Anglade et Henri Gavel, et celle de « Langue et littérature du Sud-Ouest de la France » à Bordeaux, créée à l’initiative de la ville en 1893, et occupée successivement par Édouard Bourciez, Gaston Guillaumie et Yves Lefèvre, et restée sans continuité depuis.
14 Plus couramment « langue standard », « variété standard », de nos jours.
15 Grâce aux travaux de l’Institut d’études catalanes et à la place que le catalan a toujours plus Grâce aux travaux de l’Institut d’études catalanes et à la place que le catalan a toujours plus ou moins conservé parmi les usages publics formels côté espagnol, hormis, en particulier, à partir de l’interdiction de son emploi dans les actes sous seing privé (Loi sur le notariat du 28/05/1862), qui sera suivie de nombreuses autres jusqu’à la fin du régime franquiste. Le basque ne connaîtra de façon décisive un tel processus de normativisation qu’à partir des années 1970.
16 « L’évolution naturelle reprendra son cours en faveur d’une langue de culture unique, qui, en « L’évolution naturelle reprendra son cours en faveur d’une langue de culture unique, qui, en face des patois finnois et tartares, et même de l’ukrainien, si proche parent, ne pourra être que le grand russe. Il y a déjà trop de langues de culture dans le monde. » (Dauzat, 1940, p. 251).
17 Ainsi, Millardet lui-même, néanmoins critique à l’égard de la méthode de l’ALF et tenant de la réalité d’une frontière linguistique entre domaines d’oc et d’oïl, en apprécie les apports (Millardet, 1923, p. 472-473).
18 Pour en témoigner, voir cette observation à la fin de son étude sur la pénétration du français en Béarn : « C’est l’originalité des Béarnais, d’avoir senti, les premiers en Europe, que la question de langue est une question politique, qu’une langue propre est un rempart contre les impérialismes. Or un siècle et demi après la réunion [1620], [...]. Au moment où se préparent les États Généraux de 1789, leurs déclarations sont séparatistes, et ils refusent de participer à ces assises du royaume. [...] La crise de 1789 provoquera une révolution des cœurs : ils avaient toujours contesté l’incorporation au royaume, ils acceptèrent l’incorporation à la nation. C’est alors et pas avant que le Béarn est devenu français » (Brun, 1923b, p. 58). Il attribue, par ailleurs, comme les autres linguistes français, un rôle implicitement positif à l’unification linguistique impulsée par la Révolution française (« révolution des cœurs »).
19 En témoigne de cette façon l’analyse suivante : « C’est ainsi que, depuis le haut moyen âge, En témoigne de cette façon l’analyse suivante : « C’est ainsi que, depuis le haut moyen âge, la ligne de démarcation que l’on s’est plu à tracer entre les dialectes du Nord [d’oïl] et ceux du Midi [d’oc] n’a cessé de s’infléchir vers l’Est et le Sud, et l’on peut prévoir que, s’il vit assez, le patois de Cellefrouin, supprimant sans relâche par un travail moitié volontaire, moitié instinctif, les traits limousins qu’il renferme, n’apparaîtra plus que comme un dialecte de pure langue d’oïl et entrera dans la classe du français du sud-Ouest » (Rousselot, 1891, p. 349).
20 Il préfaça (Bourciez, 1902) ainsi en 1902 le Il préfaça (Bourciez, 1902) ainsi en 1902 le Recueil de versions gasconnes de Sylvain Lacoste, destiné à être utilisé dans l’enseignement primaire.
21 Voir la notice biographique de Pierre Escudé dont nous nous sommes inspiré (Escudé, 2014).
22 Ainsi parmi les attendus de la pétition : « Remarquez, Messieurs, que notre projet, loin de combattre la suprématie du français, tend au contraire à lui assigner de plus en plus son rôle naturel de moyen de communication entre toutes les populations du territoire. Sa domination sera d’autant plus solide, ses progrès d’autant plus prompts, qu’il ne prétendra qu’à sa part de supériorité légitime, qu’il ne pourra plus aspirer à la tyrannie, ni être imposé aux populations comme le sceau de leur sujétion ».
23 Comme on l’a vu, durant notre période de référence qui précéda la loi Deixonne de 1951, il y eut quelques dérogations très marginales, et, essentiellement, celle qui concerna l’allemand en Alsace et Moselle germanophone durant l’entre-deux-guerres.
24 Leur présence n’y était pas concevable et, d’ailleurs, on ne peut parler d’exclusion car elles n’y figuraient pas plus sous l’ancien régime.
25 Nommés « Maris », de nos jours.
26 Sur les éventuelles origines allemandes de la méthode « directe » et de sa coïncidence avec celles basées, au XIXe siècle sur les principes de l’« intuition sensible » (Anschauung) ou, plus tard, en France de « leçon par l’aspect », en Allemagne pour enseigner le Hochdeutsch et en Alsace pour enseigner le français, voir Puren, 2003, p. 36-37.
27 Pour aborder le sujet plus précisément, voir par exemple Hemour, 2010, p. 19-42.
28 « Patois, (Gramm.) langage corrompu tel qu’il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois gascon, le patois provençal, & c. On ne parle la langue que dans la capitale. [...] » (Diderot & Le Rond d’Alembert, 1765, p. 174).
29 Cf. supra, A. Brun : « Le provençal ne deviendra pas langue écrite ».