1 La remarque de B.V. Iakovenko a un sens analogue : pour détacher le pur logique d’un vécu phénoménologique général, il est nécessaire qu’il soit pour ainsi dire « mêlé » au psychologique ou en lien avec lui. B.V. Iakovenko, Filosofija Ed. Gusserlja [La Philosophie d’Ed. Husserl], Novye idei v filosofii [Nouvelles idées en philosophie], recueil no 3, p. 143. Je pense que mes remarques contre Aster doivent éclaircir cette incompréhension de B.V.
2 Dans le chapitre précédent, nous avons parlé du rôle de la « totalité » dans le sens des modes de donation et en général de la totalité intuitive.
3 Et qui plus est « abstrait » non dans un sens logique, mais dans le sens de la réalité elle-même. Ontologiquement et métaphysiquement ceci signifie que par exemple la matière (au sens où l’entend la physique ou la chimie), prise comme la réalité du monde qui nous entoure, est une abstraction complète.
4 E. Husserl, Ideen…, p. 222 sq.
5 Paroles du Père Florenski (Stolp i utverždenie istiny [La Colonne et le Fondement de la vérité], Moscou, 1914), p. 5 ; « Oui, dans la vie tout se brouille, dit-il encore (p. 12), tout vacille dans les contours des mirages. Et des profondeurs de l’âme se lève un besoin irrésistible de prendre appui sur la “Colonne et le fondement de la vérité” » [trad. C. Andronikov : « Dans la vie, en effet, tout s’agite et tremblote comme les lignes floues d’un mirage. Du fond de l’âme, pourtant, s’élève le besoin irrépressible de s’appuyer sur la Colonne et le Fondement de la Vérité », Père Paul Florensky, La Colonne et le Fondement de la vérité, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1975, p. 15]. Mais pourquoi faut-il satisfaire ce « besoin » et se détourner de là où tout « se brouille » ? Parce que c’est un « crime » [NdT : pour « prestuplenie » qui peut aussi se traduire par « transgression »] ? Le Père Florenski nourrit « l’espoir d’un miracle », d’un « don, comme gratia quae gratis datur » (40-41) dans sa tentative de dépasser le scepticisme, − ce dépassement doit être aussi le dépassement de l’antinomie essentielle, de la contradiction qui pénètre tout. Si je comprends bien, cette contradiction se dépasse « lorsque le Consolateur est connu et sera connu comme hypostase » (p. 128) [trad. C. Andronikov, op. cit., p. 88]. Il n’est pas difficile de voir, que selon cette intellection « particulière », il s’agit d’une pensée que nous avons tracée. Et c’est précisément avec le « péché » que tout prend un autre tour. « Le péché est l’illicite » [trad. C. Andronikov, op. cit., p. 115], dit le Père Florenski en citant Jean le Théologien (168), et « le crime » est trans-gression de la frontière, du trait, de la limite, de la « loi », « comme l’adultère [NdT : pour « pre-ljubodejanie », qui comporte le même préfixe que « pre-stuplenie » indiquant la transgression, l’excès] est un acte sexuel au-delà de la limite, en dehors de ce que l’on doit faire » (700). Mais il y a aussi le très sage, le très bon, le très beau [NdT : dans tous ces adjectifs substantivés, « très » traduit le préfixe russe « pre »]… et c’est bien sûr une trans-gression ! Comment faire ? Et peut-être que la gratia quae gratis datur n’est pas une trans-gression ?… Et voilà encore un « péché » : « Le mari mort rendant visite la nuit à sa veuve éplorée ; le fils ou bien la fille revenant secrètement chez ses parents après une longue séparation, le fiancé, apparaissant à sa fiancée, ou bien l’inverse ; l’ange de lumière descendant sur l’athlète de la foi, fier d’avoir longuement jeûné ; tous ces cas de vampirisme et de phénomènes démoniaques… » (698, c’est moi qui souligne) ! [Pour la traduction de C. Andronikov, cf. p. 434]. Mais, alors, si… mais j’ai peur de le dire ! ?
Bien sûr, il peut certainement en être autrement, mais là je peux me tourner vers le Père Florenski avec une seule question. Première loi : Ne mange rien de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; ou bien le jour où tu en goûteras, tu mourras de ta mort ». Première trans-gression : l’homme a voulu mourir. « Yahvé Dieu dit : “Voilà que l’homme est comme l’un de nous pour la connaissance du bien et du mal ! Et maintenant il ne faudrait pas qu’il avance la main et qu’il prenne aussi de l’arbre de vie, qu’il en mange et qu’il vive à jamais”. » [NdT : Genèse 3, 22, traduction, E. Osty, Paris, Le Seuil, 1973, p. 42]. Mais il n’y avait pas là d’interdiction à prendre de l’arbre de vie. Ensuite vinrent les descendants de Caïn, ils construisirent des villes, vécurent sous des tentes avec leurs troupeaux, jouèrent des cordes et du pipeau, forgèrent d’autres instruments de cuivre et de fer, mais Caïn eut d’autres descendants, « une autre lignée à la place de celle d’Abel », et c’est d’eux que l’Homme est venu, le Fils de l’Homme, qui « prit de l’arbre de vie » et ainsi jus-tifia [NdT : pour « o-pravdal »] le monde. Mais vers quoi donc conduit l’Esprit, vers la jus-tification [NdT : pour « o-pravdaniju »] ou bien vers la « félicité » et la « mémoire éternelle » (p. 185) ?... [On dira peut-être que c’est une hérésie, de l’origénisme ? Mais non, ce n’est rien de tel !]
6 Lotze, Mikrokosmus, t. III, 5 Aufl. Lpz, 1909, p. 48.
* NdT : Chpet utilise, en russe, le mot sekira.
†† NdT : « par excellence », en français dans le texte.
‡‡ NdT : une bosse.
§§ NdT : pour « včustvovanie ».
** NdT : cf. lexique : attribution (donation) de sens.
†† NdT : pour « generifikacija », formé sur la racine « genre » parallèlement au mot « spécification » formé sur la racine « espèce ».
‡‡ NdT : ici, G. Chpet emploie le terme de « sensual’nyj » et non pas celui de « čustvennyj » habituellement utilisé pour « expérience sensible ».
§§ NdT : pour « o-pravdanie ».
*** NdT : pour obščnoe (appartenant à une communauté déterminée).