Espaces et territoires : fonctions des points d’accès publics à internet dans la construction des territoires numériques d’appropriation des connaissances
p. 41-51
Entrées d’index
Mots-clés : appropriation, courtage, dispositif, espace, territoire, territorialisation
Texte intégral
1. Contexte
1Depuis le début des années quatre-vingt-dix, de multiples initiatives nationales et régionales organisent un maillage territorial d’accès au cyberespace via la mise en place de structures proches d’une population éloignée des métropoles régionales et de leurs services.
2Rappelant leurs origines, les diverses dénominations de ces structures recouvrent une convergence d’objectifs focalisée vers le développement d’une culture et d’une pratique des dispositifs numériques par l’ensemble des acteurs d’un territoire. Rendre accessible une offre de formation diversifiée en s’appuyant sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, telle est la finalité récurrente de ces projets. Ces « points d’accès publics à Internet » proposent un ensemble de services (information, formation) à une population locale, gratuitement ou en s’acquittant d’une adhésion d’un faible montant.
3Le développement des infrastructures réseaux et des équipements personnels ne résument pas les raisons d’un constat mitigé de fréquentation de ces lieux. Une récente étude relative aux politiques nationales et régionales de ce maillage territorial pour la diffusion des connaissances au sein des territoires montre la prédominance de logiques de superposition entre des initiatives disparates qui rend difficile la construction d’un territoire numérique. La pluralité des acteurs engagés dans ces dynamiques (État, conseils régionaux, conseils généraux, associations, habitants des territoires) explique pour partie cette situation. L’analyse des stratégies à l’œuvre dans les déploiements de ces infrastructures et de ces structures montre combien la seule entrée par la réduction d’une distance géographique entre production de services et leurs bénéficiaires ne peut suffire à développer une culture et une pratique numériques. D’autres dimensions doivent être étudiées pour appréhender et comprendre la complexité des mises en usage de ces dispositifs. Tel est l’objet de cette contribution.
4La recherche en cours conduite sur un territoire régional qui accueille une population de plus de trois millions d’habitants et qui offre 702 points d’accès publics à internet tente de comprendre les relations entre l’inscription territoriale de ces lieux publics et leurs pratiques par les habitants. Les variations géographiques de densité démographique au sein de ce territoire et la répartition des aires urbaines sont propices à cette investigation qui permettra d’identifier d’éventuels invariants de ces dynamiques.
5Une hypothèse soutenant la nécessité d’une reconfiguration des espaces-temps sociaux de l’action est retenue pour comprendre la complexité de la construction de ces situations. En effet, la dimension numérique qui a fait émerger la notion de cyberespace traduit la dématérialisation d’un espace géographique, dont les contours ne peuvent plus être définis par des frontières physiques, mais par les frontières de l’action. Si ces points d’accès publics constituent une entrée dans un espace virtualisé aux multiples ressources, la concrétisation de la finalité originelle de ces projets sollicite des compétences de mise en liens d’éléments initialement épars et hétérogènes. Mobilisant des acquis de la géographie sociale qui appréhende le territoire comme la construction d’une identité collective (Di Méo)1, nous étudions les éventuels processus de reconfiguration des territoires sociaux de l’action, identifiant les fonctions de ces entités. Ces dynamiques d’appropriation mobilisent des relations sociales complémentaires au sein desquelles l’intermédiation semble avoir une fonction centrale. La figure du courtier, exerçant une fonction d’intermédiation entre différents acteurs (Moeglin, 2005), est convoquée comme prisme de lecture de ces dynamiques.
6Nous cherchons à identifier en quoi et comment ces points d’accès publics sont des nœuds potentiels d’un réseau d’action et d’acteurs qui configurent un territoire numérique dont les modèles socio-économiques articulent des composantes formelles et non formelles pour constituer un système territorial. Dans cette perspective nous analysons en quoi et comment ces points d’accès publics à internet participent à ces reconfigurations, agissant en tant qu’acteur d’intermédiation entre le local et le global, entre les ressources et les besoins d’un espace restreint et les ressources et potentialités d’un espace élargi (régional et national). Cette reconfiguration est étudiée dans ses dimensions info-communicationnelles à partir des supports et des actions de communication de ces lieux, de l’analyse des services.
7Nous conclurons notre propos par l’étude des fonctions d’intermédiation agissant au sein d’espaces hétérogènes et dont l’action contribue à la construction d’un territoire numérique pour la diffusion et l’appropriation des connaissances.
2. Points d’accès publics : problématique d’aménagement
8Le déploiement de points d’accès publics à Internet sur le territoire français relève de multiples initiatives conduites depuis 1992. Ce que nous nommerons PAPI (Points d’accès public à Internet), également appelés espace public numérique2, constitue un ensemble hétérogène que nous proposons d’analyser dans cette première partie. Les PAPI ont pour objectifs initiaux de répondre aux besoins de formation aux technologies de l’information et de la communication et d’individualisation de la formation pour des publics demandeurs d’emploi.
9L’origine de ces initiatives est multiple et toutes sont dirigées par une volonté politique de lutter contre l’exclusion en favorisant l’inclusion dans la société de la connaissance en mettant à disposition des équipements et des services.
10Nous distinguons trois types d’initiatives : les initiatives nationales, les initiatives régionales et les initiatives départementales. Ces trois cas de figures relèvent de la puissance publique, qu’elle soit ministérielle, ou bien qu’il s’agisse d’une collectivité territoriale (conseil régional ou conseil général). Elles expriment toute une volonté d’aménagement territoriale via le numérique. Dans la présente contribution nous présentons trois initiatives qui explicitement proposent des actions de développement d’une culture numérique : les P@T (points d’accès à la téléformation), les cyber-bases et les AMI (atelier multiservices informatiques). Nous appuierons le propos à partir de l’analyse conduite sur l’espace géographique de la région Aquitaine qui est l’objet dans le cadre du projet RAUDIN d’une étude transversale sur les processus de déploiement de dispositif de numérique de formation. En octobre 2009, 702 PAPI étaient recensés sur le territoire.
Les P@T
11Le PAT doit permettre à l’apprenant de réaliser un parcours de formation individualisé, principalement en autoformation assistée, en s’appuyant sur des ressources multimédias accessibles localement ou à distance. Ce parcours peut se réaliser pour partie en dehors du site PAT, à domicile ou en entreprise, à condition toutefois que des moyens d’accompagnement adaptés soient mis en place pour le suivi de cette formation (source http://www.espace-pat.org/portail/1276/?, dernière consultation le 24 octobre 2009).
12Parallèlement à la mise en place physique des P@T, un espace d’échanges et de services (EES) a été mis en place via un site portail3 qui poursuivait les objectifs suivants :
- présenter et compléter, selon un principe de subsidiarité, les services dispensés par les espaces régionaux d’information et d’accès à la téléformation (portails régionaux), et par les espaces des réseaux nationaux (AFPA, Agriculture, Éducation, offreurs privés, organisations professionnelles, etc.) ;
- mettre à disposition des P@T des services et des ressources pédagogiques distants en favorisant la mise en relation avec des offreurs nationaux, en donnant libre accès à des ressources ;
- mettre en commun la réflexion sur les ressources et leur production (analyse des besoins, conception, réalisation), ainsi que l’évaluation de leurs usages par les formateurs et les apprenants ;
- offrir un espace à l’ensemble des P@T en région leur permettant de s’identifier à une communauté de travail et de participer à un projet fédérateur.
13Les P@T sont définis comme des éléments potentiels d’en réseau, et par conséquent, le projet de formation peut se dérouler en dehors de la structure P@T, en entreprise ou à domicile.
Les cyber-bases
14Une cyber-base est définie par ses promoteurs comme « un espace public pour l’initiation aux technologies de l’information et de la communication, animé par des professionnels formés aux nouvelles technologies, aux techniques d’animation et à la médiation. La vocation de cet espace est d’aider tous les publics à s’approprier les usages numériques pour leurs projets personnels ou professionnels. Tout le monde peut ainsi bénéficier de conseils et d’une assistance sur les nouveaux usages de l’Internet, auprès d’une équipe d’animation professionnelle » (source http://www.cyber-base.org/cyberbase/internaute/utilisateur/services.do, dernière consultation 24 octobre 2009). Ce sont 840 cyber-bases qui sont aujourd’hui déployées sur l’ensemble du territoire national. Le département des Pyrénées-Atlantiques, retenu pour cette étude, compte 59 cyber-bases fixes et 7 cyber-bases mobiles, et 25 animateurs.
Les AMI
15Les ateliers multiservices informatiques (AMI) sont nés d’une volonté du conseil général des Landes visant à démocratiser l’accès à l’informatique. Il s’agit d’EPN (espaces publics numériques), à savoir des établissements ouverts au public, spécialement étudiés pour l’initiation à l’informatique et aux technologies de l’information et de la communication, favorisant ainsi le développement local et d’égalité entre les territoires. Ces établissements se veulent proches des Landais et sont donc répartis sur tout le département (20 sites). À chaque création d’un nouvel AMI, une convention tripartite est signée entre le Conseil général, une structure intercommunale et l’Agence landaise pour l’informatique (source http://www.alpi40.fr/article/archive/661/, dernière consultation 24 octobre 2009).
16Ces trois initiatives ont en commun de proposer des infrastructures et des services.
Tableau 1 – Répartition des PAPI selon leur origine
P@T | Cyber-base | AMI | |
Année de création | 2001 | 2001 | 1999 |
Effectif retenu pour l’étude (nombre de sites régionaux) | 21 | 65 | 20 |
Public cible | Demandeur d’emploi ou personne inscrite dans un cursus de formation | Tout public | Tout public |
Équipement conventionnel | Non défini | Non défini | 6 micro-ordinateurs |
Animateur | Oui | Oui | Oui |
3. Une répartition géographique hétérogène
17La première étape de notre démarche méthodologique a consisté à établir une cartographie de ces PAPI afin de tester l’hypothèse selon laquelle ces PAPI seraient des vecteurs d’aménagement numérique des territoires, intervenant sur l’accessibilité géographique à des infrastructures et des services. Nous avons retenus trois critères d’analyse de la spatialisation des PAPI : la densité démographique, l’activité géographique sectorielle et le type de structure d’accueil4.
18La cartographie des PAPI établie au cours du premier semestre 2009 montre qu’ils sont répartis selon un gradient de densité urbaine. Ils sont principalement regroupés dans les grandes villes départementales et dans les communes voisines. En cela, l’objectif premier d’aménagement du territoire via le numérique que traduit ce déploiement d’infrastructure est partiellement atteint, sauf dans un département dont la politique a été explicitement de veiller à l’équité d’une répartition des sites sur l’ensemble de son territoire. La profusion de ces structures dans les autres départements relève d’une diversité d’initiatives dont la faible concertation conduit à une concentration des moyens sur des mêmes aires géographiques, qui en grande majorité sont situées dans des communes très tertiarisées, où la présence d’activité de service est principale. Nous émettons l’hypothèse que ces PAPI, du moins sur quatre des cinq départements étudiés, sont installés dans des zones de flux de population qui se déplace pour des activités professionnelles, pour accéder à des services, pour réaliser des activités de consommation et de loisir.
19Cette dynamique d’implantation rejoint celle des opérateurs de téléphonie, qui se positionnent selon les marchés potentiels et délaissent quelque peu les zones blanches. En ce sens l’équité d’accès aux services numériques ne semble pas atteinte, et parler de désert numérique demeure d’actualité malgré des initiatives engagées depuis le début des années 1990. Ces infrastructures n’assurent pas à ce jour une contuinité, ni une contiguité qui assurerait une cohésion territoriale.
20Cet aménagement numérique du territoire est principalement constitué à partir des espaces socioculturels (bibliothèques-médiathèques, associations, centres culturels, établissements scolaires) qui accueillent 46,15 % des PAPI, soit 324. Les organismes de formation représentent 14 % des lieux d’implantation, ce qui tendrait à montrer l’absence d’ouverture vers des publics autres que ceux qui fréquentent habituellement ces lieux. Les règles d’accès aux établissements publics de formation (école, collège, lycée) explicitent pour partie cette situation.
21L’une des questions qui demeure est de savoir si ces dynamiques d’équipement et de services suffisent à constituer un territoire numérique d’accès à la formation pour les acteurs d’un territoire dès lors qu’ils sont installés dans des lieux dont la fonction initiale n’est pas la formation. Cette question sera traitée dans la suite de cette recherche au regard des pratiques d’autoformation de ces acteurs qui participeraient à leur capacité à mobiliser dans la réalisation de leur projet des ressources diversifiée, qui originellement ne sont pas dédiées à la formation. L’effet potentialisateur de situation de formation consécutif à cet aménagement numérique du territoire convoque d’autres composantes liées aux bénéficiaires potentiels, mais également au réseau d’acteurs de la formation, afin qu’une actualisation et une appropriation soient effectives.
4. Services et territoires
22Si la répartition géographique renseigne l’accessibilité territoriale via les PAPI à des infrastructures numériques, elle reste muette quant à la réalité des services proposés. Elle montre à l’évidence des discontinuités territoriales d’accès à des services. Pour compléter ce premier niveau d’analyse nous avons entrepris une démarche de qualification des services proposés5. Pour ce faire, un questionnaire a été envoyé par courrier électronique à l’ensemble des PAPI début septembre 2009. Le taux de réponse obtenu au 30 septembre a conduit à organiser une campagne de relance téléphonique entre le 2 et le 10 novembre 2009. Les données analysées sont issues des 112 questionnaires complétés (soit un taux de réponse de 16 %). Le taux de réponse est plus élevé pour les labels qui sont structurés en réseau départemental et qui bénéficient d’une animation (AMI, 73 %) (cf. tableau 2).
Tableau 2 – Répartition des réponses selon les « Labels » des points d’accès public à Internet
Label | Nombre de réponses | Fréquence |
AMI | 16 | 11,9 % |
P@T | 7 | 5,2 % |
Cyber-base | 19 | 14,1 % |
Point-Cyb | 11 | 8,1 % |
ECM | 1 | 0,7 % |
APP | 0 | 0,0 % |
NetPublic/EPN | 25 | 18,5 % |
Autre | 56 | 41,5 % |
TOTAL CITÉ | 135 | 100 % |
(Le nombre de réponse, supérieur au nombre de répondants, est lié au fait que certaines structures bénéficient de plusieurs labels.)
23Le taux de réponse ne paraît pas altérer la représentativité des PAPI comme en témoigne le tableau 3.
Tableau 3 – Localisation des PAPI
Lieu | Nombre cité | Fréquence |
Bibliothèque/Médiathèque | 53 | 44,5 % |
Mairie | 16 | 13,4 % |
Établissement scolaire | 1 | 0,8 % |
Local associatif | 12 | 10,1 % |
Office du tourisme | 1 | 0,8 % |
Maison de quartier | 0 | 0,0 % |
Autre | 36 | 30,3 % |
TOTAL CITÉ | 119 | 100 % |
24L’origine des publics qui fréquentent ces lieux confirme la restriction de l’aire d’attractivité des PAPI à un public de proximité : dans 62 % des cas, un bénéficiaire sur deux habite dans la commune d’implantation de la structure. La méconnaissance de l’existence de ces lieux peut être évoquée comme facteur de non-fréquentation6.
25Deux publics fréquentent majoritairement les PAPI : les demandeurs d’emploi (41,2 %) et les retraités (29,4 %), rappelant une fonction initiale de « liant social ». Les étudiants et les salariés sont moins assidus de ces services (15 %). Sur certains territoires, le PAPI demeure le seul lieu d’accès public ouvert quelques heures par semaine à la population, retrouvant là une dynamique sociale d’échange de communauté villageoise.
26L’objectif de lutte contre l’exclusion par le libre accès à la structure semble atteint dans une grande majorité de PAPI, pour lesquels la gratuité totale d’accès est exercée dans 48 % des cas, et la gratuité partielle à 26,1 %. Seul un PAPI sur quatre demande une cotisation au futur bénéficiaire quel que soit le service proposé.
2758,8 % des PAPI proposent des formations qui sont principalement des actions de qualification dans les domaines des technologies de l’information et de la communication et des langues, soit en accès libre en totale autonomie (47,1 %), soit en autoformation accompagnée (37,8 %), et plus rarement selon des modalités plus conventionnelles de formations encadrées (15,1 %). L’étude de l’origine des formations proposées indique que dans 89 % des cas, il s’agit d’une formation propre à la structure d’accueil et que seulement 7,1 % des répondants à cet item mentionnent qu’ils sont relais d’un autre organisme de formation. Ceci montre que le numérique est davantage utilisé comme objet d’apprentissage que comme une possibilité d’étendre le territoire d’accès à une offre de formation. Nous confirmons qu’en l’état des données disponibles, il n’y a pas de territoire numérique de la formation, mais davantage une territorialisation de l’accès à une offre de formation au numérique.
28La volonté d’être plus lisible, condition préalable à l’accès à une structure, est exprimée par 85 % des répondants, 15 % ne souhaitant pas paraître dans un support de communication public, ce qui en soi est un indicateur de difficulté de construction d’un territoire numérique.
5. Vers la notion de territoire numérique de la formation
29La superposition des couches infrastructures et services et la multiplicité d’initiatives ne suffit pas à créer un territoire numérique. Sans doute sommes-nous dans une période de transition qui permet de parler de territoire augmenté par le numérique, davantage que de territoire numérique. Cette approche quantitative que traduit la densité d’implantation et de diversification ne suffit pas à définir les nouvelles frontières territoriales dont, force est de constater, les contours demeurent encore imprécis.
30Par ailleurs, si nous analysons les sites web liés à ces activités, nous constatons d’une part une absence de mise à jour de ces outils de communication et une multiplicité de sites qui traitent d’une même initiative. Ce constat fait émerger de nombreuses discontinuités territoriales que le numérique n’atténue pas.
31En l’état actuel des données et de l’analyse conduite sur ce territoire, nous constatons une figure d’aménagement numérique des territoires qui correspond à une extension des services à partir d’aires à forte concentration urbaine et de services. Cette situation traduit l’absence d’un processus de déterritorialisation/reterritorialisation qui permettrait de reconfigurer les territoires actuels de l’action des porteurs de ces initiatives. Un tel processus supposerait l’évolution d’une logique de couches vers une logique de réseau pour laquelle le numérique serait mobilisé pour son potentiel de mise en continuité de services et non pas de renforcement de territoire d’action de certains acteurs. La nature des structures d’accueil de ces PAPI, principalement des lieux culturels, explicite, du moins c’est une hypothèse explicative, l’absence d’un véritable territoire numérique d’appropriation de la connaissance. Leur nature même, les fonctions qui leur sont assignées et qui sont reconnues par les publics potentiels ne sont pas directement liées à une activité de formation. La concentration dans des aires urbaines de ces structures les prédispose à d’autres activités, lieux où les éventuels besoins de formation peuvent être réalisés au sein d’organismes de formation plus conventionnels.
32Ce constat interroge le chercheur sur la question de la gouvernance des territoires numériques qui organiserait la mise en cohérence d’initiatives hétérogènes. Les questions liées aux infrastructures numériques et aux ressources numériques pédagogiques ne paraissent pas centrales dans cette problématique. Il s’agit davantage de réunir les conditions de mise en œuvre d’une politique concertée d’accès à des dispositifs de formation ouverte pour lesquels les PAPI seraient des nœuds, des points d’entrée, des lieux qui proposeraient un véritable accompagnement de proximité de l’idée à la réalisation concrète d’un projet de formation. La solution qui consisterait à dédier des lieux à cette fonction d’accès à la formation et la connaissance peut être rejetée. Le réseau initialement mis en place pour l’accès à la téléformation a vécu dans sa forme actuelle aux dires des acteurs interrogés (Lisowski et Garnier, 2009). Une évolution de cet état suppose que les acteurs engagés dans cette chaîne d’activité qui structure un processus de formation agissent de manière concertée. La première production commune serait la mise en place à la fois d’une offre lisible de formation, le portail régional actuel étant devenu obsolète, et une géolocalisation harmonisée de l’ensemble des PAPI qui présentent de manière harmonisée et actualisée l’ensemble des services et des conditions d’accès, et qui intégrerait la dimension identitaire de ces structures.
33Tout semble se passer comme si les acteurs se situaient dans une forme d’injonction paradoxale que traduirait ce double besoin à la fois de rendre lisible une offre commune tout en maintenant la lisibilité de l’identité des structures. D’où le constat actuel d’un fort ancrage territorial géographique des PAPI, que traduit par exemple l’accès aux informations relatives aux PAPI via le site de la communauté de commune. L’étude des sites de présentation des PAPI, lorsqu’ils existent, montre une extrême diversité que nous qualifierons de peu productive d’un point de vue communicationnel.
34L’objectif d’un territoire numérique de la formation ne pourra sans doute pas être atteint sans une inversion de la logique actuelle qui est dirigée par l’offre de services et non par la prise en compte des besoins. Nous n’avons pas repéré de formes organisationnelles formelles ou informelles qui soient des espaces-temps sociaux d’expression d’une demande d’accès à des dispositifs. La dynamique est de type top-down, d’aménageurs, et non d’animateurs territoriaux dont l’une des fonctions seraient de favoriser la co-émergence de besoins en agissant dans une posture d’intermédiation. Sans anticiper sur ce que pourrait être la dynamique d’un territoire numérique 2.0, la simple logique de l’offre est aujourd’hui à bout de souffle. L’hypothèse selon laquelle ces reconfigurations territoriales supposeraient des actions de courtage demeure posée, interpelle les acteurs dans leur capacité à œuvrer conjointement pour l’initialisation d’un processus d’industrialisation des biens culturels et de la connaissance ouvrant vers la possibilité de disposer de ressources et de services adaptables au contexte. Cette organisation actorielle agirait au-delà de l’exhaustivité rendue possible par le numérique en assurant une fonction de connexité, participant à la construction de « territorialité réticulaire » (Dupuy, 1991). L’enjeu actuel demeure dans la capacité des acteurs à développer une véritable démarche d’écologisation des territoires numériques, pour en assurer la mobilité et la flexibilité.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 G. Di Méo, 1998, Géographie sociale et territoire, Paris, Nathan, coll. U.
2 « Destiné à tous les publics, un espace public numérique propose à ses usagers des activités variées et encadrées, par le biais d’ateliers collectifs, mais également dans le cadre de médiations individuelles et de plages réservées à la libre consultation. » La Délégation aux Usages de l’Internet.
3 Source : http://www.espace-pat.org/portail/1276/
4 Les données mobilisées sont issues d’un travail réalisé par Gregory Moullec dans le cadre de l’UMR (unité mixte de recherche) ADES, sous la responsabilité de Marina Dufeal, chercheure responsable de l’axe « Atlas Numérique Aquitain » du projet RAUDIN (http://raudin.u-bordeaux3.fr).
5 L’enquête a été conçue et administrée par les membres de l’axe « dispositif numérique de formation » du projet RAUDIN : Camille Devisme, Clément Dussarps, Didier Paquelin, Soufiane Rouissi, Andres Sandoval.
6 En 2006, le diagnostic de l’Aquitaine numérique réalisé par Aquitaine Europe Communication révélait que 62 % des Aquitains n’utilisaient pas de point d’accès public à internet (PAPI) et ignoraient même que ce service existait à proximité de leur lieu de vie.
Auteur
Laboratoire MICA-GRESIC (EA4426), Université de Bordeaux. paquelin@u-bordeaux3.fr
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