Au quotidien et au fil de l’âge, pratiques radiophoniques de retraités
p. 141-154
Texte intégral
Cadre d’analyse et interrogation
1Les pistes de recherche, les interrogations concernant les pratiques radiophoniques1 de retraités présentées dans cet article font partie d’une problématique plus large développée dans le cadre de la préparation d’une thèse en cours centrée sur la télévision. Dans cette thèse, nous cherchons à mieux comprendre la place qu’occupent les médias dans la vie quotidienne de retraités et l’évolution de leurs usages au fil de l’âge. Notre analyse porte plus spécifiquement sur les temporalités en jeu dans la relation que ces usagers entretiennent avec les médias (repères temporels proposés par les médias à travers la programmation et gestion du temps, temporalités vécues par les usagers à la retraite). Elle se situe également dans le contexte actuel de numérisation de la diffusion des programmes et des services de radio et de télévision et vise à saisir les pratiques émergentes liées à cette innovation technique ainsi que les changements induits en termes de temporalités.
2La démarche générale concernant l’étude des pratiques médiatiques et celle présentée ici en ce qui concerne les pratiques radiophoniques s’inscrit clairement dans le paradigme sociologique interprétatif ou compréhensif et vise à saisir ces pratiques au niveau des représentations, des significations, du sens que donnent les usagers à leurs pratiques. Elle se situe donc du côté de la réception et s’appuie sur les apports de différents champs de recherche développés en sciences de l’information et de la communication, en sociologie de la vie quotidienne, des temps sociaux et des usages afin d’analyser la triade « Médias audiovisuels, temporalités et modes de vie des retraités ».
3Deux niveaux d’analyse des pratiques radiophoniques de retraités retiendront ici notre attention :
un premier niveau en termes de régularité, d’habitudes, de routines (suivant des perspectives développées pour d’autres objets par des sociologues comme Jean-Claude Kaufmann ou Dominique Desjeux2) dans le but de mieux comprendre la place que peut tenir ce média dans le quotidien de retraités. Se placer à ce niveau d’analyse, nous semble-t-il, c’est considérer la radio comme un objet social et technique, devenu banal, ancré dans le quotidien des retraités, ce qui permet d’avancer quelques éléments de réponse à la question : Pour des retraités, quelle place tiennent aujourd’hui les pratiques radiophoniques dans l’organisation de leur vie quotidienne ?
un deuxième niveau d’analyse en termes de continuité, de persévérance, d’adaptation ou au contraire de ruptures et de changements complets de leurs pratiques radiophoniques au fil de l’âge afin, là, de mieux comprendre l’évolution des pratiques à différentes étapes de leur cycle de vie (suivant les perspectives de sociologues de la vieillesse et du vieillissement comme Vincent Caradec3). Avec comme question principale : comment leurs pratiques radiophoniques ont évolué au fil de l’âge, en liaison avec différentes dynamiques et évolutions (notamment lors de phases de transitions de vie – passage à la retraite et veuvage… – ou encore liée à l’évolution technique des récepteurs) ?
4Dans ce but, nous avons réalisé quelques entretiens approfondis auprès de retraités âgés de 66 à 76 ans (notre population complète sera sélectionnée dans la tranche d’âge 60 à 80 ans), deux hommes, deux femmes, vivant dans une agglomération moyenne de 100 000 habitants ou en milieu rural, ancien petit commerçant, ancien double actif… dont une des caractéristiques communes a priori était qu’ils ne se sont pas réinvestis dans une activité à plein temps depuis leur passage à la retraite.
5Les caractéristiques de cette population d’étude limite les interprétations notamment en termes de diversité d’usage, mais ouvrent déjà de nombreuses pistes de recherche concernant les significations, le sens donné à ces usages. De même, la question des rapports entre pratiques radiophoniques et mobilité ne sera pas abordée dans ce travail car pour cette population, l’usage de la radio se limite principalement au domicile. De plus, les questions relatives à une pièce spécifique consacrée à l’écoute de la radio, en l’occurrence la cuisine, ainsi que celles consacrées à des heures dédiées à ces pratiques, principalement la matinée, ne seront pas traitées de façon spécifique, ces dimensions des pratiques radiophoniques correspondant plus à une approche de type ethnosociologique.
6Ainsi, en schématisant, les travaux portant sur les usages des médias ou d’autres technologies domestiques par des retraités, personnes âgées ou personnes du troisième âge (la désignation de cette population variant selon les travaux et leurs objectifs) peuvent être classés en deux catégories. Les premiers visent à décrire très finement les pratiques médiatiques de ces usagers suivant des perspectives de type ethnosociologique. Nous pensons notamment à la thèse de Gérard Derèze, Une ethnosociologie des objets domestico-médiatiques4. Les seconds ont pour objectif principal d’analyser la diversité de ces usages. C’est ainsi la perspective développée par Vincent Caradec dans un récent rapport portant sur La diversité des usages des technologies chez des couples à la retraite et des personnes veuves5. Ces approches sont essentielles pour mieux comprendre les pratiques médiatiques de retraités, mais il reste, nous semble-t-il comme l’explique très bien Claire Belisle, Jean Bianchi et Robert Jourdan dans leur ouvrage Pratiques médiatiques6, à approfondir l’étude des significations d’usage et du sens que revêtent pour les usagers leurs pratiques médiatiques.
La place des pratiques radiophoniques dans l’organisation de la vie quotidienne de retraités
7En ce qui concerne notre premier niveau d’analyse, cinq pistes ressortent principalement des entretiens. Les pratiques radiophoniques des personnes rencontrées sont « agglomérées » à d’autres activités de leur vie quotidienne, qu’elles accompagnent. Cette figure de l’accompagnement peut prendre une nouvelle dimension pour les personnes vivant seules : la compagnie. La valeur associée aux temps forts de leur écoute radiophonique peut varier, mais elle n’est jamais équivalente à celle des rendez-vous amicaux ou familiaux. De plus, ces usagers associent à ces « pratiques agglomérées » des sentiments, des affects qui changent leur relation à l’activité intégrée. Leurs pratiques radiophoniques se caractérisent par la fidélité à la radio, à une station.
Des pratiques « agglomérées »
8Les pratiques radiophoniques et une ou plusieurs autres activités quotidiennes (liées notamment aux repas – petit-déjeuner, déjeuner, préparation de ces repas – mais aussi entretien de l’habitation…) sont vécues comme étant combinées, voire « agglomérées » pour reprendre une des figures d’articulations des deux activités proposées par Gisèle Bertrand et Pierre-Alain Mercier concernant la télévision7.
9Cette figure de l’« agglomération » désigne le fait que les deux activités (écouter la radio et réaliser une autre activité de la vie domestique) sont tellement imbriquées entre elles qu’il serait faux d’essayer de les distinguer. Ainsi, comme l’ont proposé ces deux auteurs, il semble qu’« il n’y a pas juxtaposition mais véritable intégration, fusion des deux pratiques qui en constitue une nouvelle, spécifique, irréductible à ses constituants »8.
10Deux exemples illustrent bien cette « agglomération » des deux activités.
11« Je prends mon repas avec9 la radio. Ça c’est important », commente monsieur D. (74 ans, veuf, vivant seul)10
12« Je prépare à manger le matin. La radio tourne pratiquement en continu », explique madame B. (66 ans, mariée, vivant en couple).
13Ainsi pour ces usagers, il ne s’agit pas d’écouter la radio et de préparer le repas ou de manger (ce qui traduirait l’idée de juxtaposition) mais bien d’écouter la radio en préparant le repas, en mangeant, dans une « nouvelle » pratique combinant les deux premières qui devient une pratique « domestico-radiophonique » ou « radio-domestique » pour reprendre le type de formulation proposée par Gérard Derèze.
D’une forme d’accompagnement à une dimension de compagnie
14La radio accompagne différentes activités de la vie quotidienne. Cette idée d’accompagnement et l’analyse des différentes formes que ces retraités peuvent faire jouer à la radio est une entrée intéressante dans l’étude de la diversité des usages, mais dans la perspective qui est la nôtre, il semble plus intéressant de centrer l’analyse sur une autre fonction remplie par la radio, le passage d’une forme d’accompagnement à une dimension de compagnie, cette dernière est notamment utilisée par les personnes vivant seules. Elle peut néanmoins caractériser aussi la relation à la radio d’un auditeur seul à un moment donné qui aurait du mal à donner un sens à son activité. En fait, il nous semble que cette dimension de l’écoute radiophonique est certes liée à une situation d’isolement, à un état pour les personnes vivant seules, mais aussi à une difficulté qui peut être ponctuelle de donner un sens à l’activité intégrée. Nous reviendrons sur ce point en évoquant les situations propices à l’ennui et notamment les repas.
15Avant d’avancer dans l’analyse de cette idée de compagnie, quelques précisions doivent être apportées. Lorsque nous évoquons cette notion, nous ne la prenons pas dans le sens développé par Michel de Certeau et Luce Giard11 concernant la télévision (ce rôle de présence sans que l’auditeur tienne compte de ce qui est dit). De même, ce n’est pas la « télévision de compagnie » définie par Michel Souchon12 à savoir « une télévision de temps mort et de faible définition » concernant un certain genre de programmes dont l’objectif principal est d’accompagner les activités quotidiennes des usagers.
16Les retraités que nous avons rencontrés portent un grand intérêt aux émissions qu’ils suivent et aux contenus des programmes, lesquels répondent à leurs goûts et en partie à leurs attentes.
17« Le matin, commente monsieur D. je reste branché sur Europe13 et je prends les émissions de Yves Calvi. Là, il a des émissions qui sont toujours intéressantes. Jusqu’à 10 h 30. Puis après, il y a Fabienne Cramer qui a des émissions assez intéressantes aussi ».
18Pour approfondir cette notion de compagnie, il s’agirait en fait de voir si le média peut arriver à combler l’absence de l’autre, pour une personne veuve ou plus exactement, il serait intéressant d’évaluer le niveau de personnalisation de la radio chez des retraités qui lui font jouer un rôle de compagnie. Un premier élément de réponse peut être apporté par l’utilisation d’une forme grammaticale personnelle « elle » ou neutre « ça » par l’usager lorsqu’il parle de son rapport à la radio. Sur ce point, il semblerait que la radio reste pour ces usagers un objet. La radio n’est en tout cas, pas du tout perçue comme une personne. Ainsi, pour monsieur D., « c’est certain que ça tient une grande place. Il faut le reconnaître ». De même pour monsieur R. (70 ans, marié, vivant en couple), « je sais que moi, ça me manquerait ». Un autre élément de réponse peut être recherché dans la valeur qu’associent ces usagers aux temps forts de leur écoute radiophonique. Pour eux, ces « rendez-vous » radiophoniques sont-ils équivalents à des rendez-vous amicaux ou familiaux ?
Différents types de « rendez-vous »
19Pour ces retraités, les émissions qui ont un statut de « rendez-vous » sont des repères dans le déroulement de leur matinée. Ce rôle de repères, de balises est rendu possible par une intégration parfaite des horaires des programmes. Ces émissions ponctuent également le début et la fin de certaines activités, comme le petit-déjeuner. Par leur régularité et la fréquence de leur retour, elles participent à la constitution d’habitudes qui s’ancrent dans le quotidien de ces retraités.
20Certains « rendez-vous » sont attendus. Ainsi, madame B. explique « Je tiens à écouter l’émission de 9 h à 10 h et de 10 h 30 à 11 h 3014 ». D’autres, sont plus aléatoires : « L’après-midi j’écoute et selon s’il y a quelque chose d’intéressant à 13 h 30 j’attends pour aller faire ma sieste », poursuit-elle. Et pourtant, ces émissions intégrées comme nous l’avons vu à la réalisation d’autres activités quotidiennes, qu’elles soient attendues ou plus aléatoires, ces « rendez-vous » radiophoniques ne semblent pas entrer en concurrence avec les rendez-vous familiaux ou amicaux. Ils restent un second choix. Cette hiérarchisation étant « cachée » derrière les « bonnes manières » de recevoir.
21Ainsi pour monsieur D. en présence d’invités, la télévision est proscrite.
22« Un jour où je reçois, il n’est pas question, je ne vais pas mettre la télé parce que c’était exactement à ce moment là que… Non pas du tout, je laisse éteint et puis terminé ».
23Lorsqu’il reçoit, la télévision est proscrite, mais il n’impose à sa fille et à ses petites-filles lorsqu’elles viennent déjeuner le mercredi ni cette attitude, ni la façon dont seul, il organise son repas autour de son « rendez-vous » avec le jeu « Pyramides ».
24« Le mercredi, c’est pas pareil parce qu’on est en famille alors [évoquant une de ses petites-filles], elle fait comme elle veut, pas de problème ».
25S’il nous semble utile de nous intéresser à la valeur associée à ces « rendez-vous » radiophoniques, il nous paraît être tout aussi intéressant d’étudier les affects associés à la pratique « agglomérant » l’écoute de la radio à la réalisation de tâches quotidiennes.
Les sentiments en jeu dans ces pratiques
26Les personnes interrogées associent à leurs pratiques « agglomérées » des sentiments, des passions, des plaisirs qui semblent changer leur relation aux activités intégrées. Un même geste peut changer de signification et de représentation selon le contexte d’interaction. Ainsi, l’écoute de la radio accompagne des activités qui ont été analysées depuis longtemps15 comme des activités de temps semi-contraint (suivant une expression d’Abraham Moles désignant tout ce qui tourne autour des travaux ménagers, de l’entretien de la maison…) et une partie du temps nécessité (repas, soins) selon la distinction d’Henri Lefebvre avec le temps obligé (professionnel) et le temps libre (loisirs).
27Cependant les retraités rencontrés ne perçoivent pas du tout la réalisation de leurs tâches quotidiennes en écoutant la radio comme un temps semi-contraint ou un temps de nécessité. Il paraît donc être nécessaire pour poursuivre l’étude de cette combinaison de pratiques, de dépasser le niveau d’analyse en termes de statut de l’activité accompagnée et de prendre en compte les sentiments, les passions, les affects associés à la réalisation des activités domestiques en écoutant la radio.
28Ainsi, pour les deux personnes qui écoutent la radio en préparant le repas ou en mangeant, l’activité « agglomérée » à l’écoute de la radio est vécue comme un plaisir, une satisfaction qui renforce l’habitude.
29« À 20 heures, préparation du repas pour le dîner. Un dîner sympa parce que je prends mon temps. […] Avec radio bien sûr. Oui, oui. D’ailleurs c’est là que je reste toujours sur Europe [1] avec la chronique sportive. Oui, c’est bien », explique monsieur D.
30Outre la prise en compte de la dimension affective dans les pratiques radiophoniques, il s’agit aussi de mieux cerner la fidélité à la radio, à une station que développent ces usagers, afin de mieux comprendre l’importance que peut tenir l’écoute de la radio dans leur vie quotidienne.
La fidélité à la radio, à une station
31La relation qu’entretiennent ces retraités avec la radio est marquée par leur fidélité au média, à une station. Tous les jours, ils écoutent une et une seule station, le récepteur étant calé sur la même fréquence. La question du choix de cette fréquence s’est posée à un moment donné, mais elle ne se pose plus du tout au quotidien.
32L’exemple de monsieur R. illustre cette idée et permet de l’approfondir : « À 7 heures, je viens déjeuner et alors j’écoute un peu les informations […] Je prends bien la radio, les informations de 7 heures, France Inter ».
33Dans cet exemple, nous pouvons nous apercevoir que l’habitude est tellement ancrée que la question du choix ne se pose pas. « La radio, les informations de 7 heures, France Inter ». La fidélité à une station a introduit un caractère d’évidence dans l’écoute de la radio. Le fait d’écouter ce programme, comme la plupart des décisions de la vie quotidienne ne se vit pas comme étant complexe mais comme une évidence qui ne renvoie à aucune question. Et c’est bien ce caractère d’évidence qui nous semble être le plus important à ce niveau d’analyse. En effet, la situation de l’entretien a conduit la personne interrogée à justifier ce qui est évident pour lui. « Est-ce que c’est bien mieux que les autres ? Je ne sais pas mais c’est assez complet », a-t-il poursuivi. Sa pratique radiophonique n’étant plus un choix mais une évidence, elle devait être justifiée. « Or, c’est justement cette illusion de la simplicité et de l’évidence qui est la plus productrice d’habitudes »16. La fidélité à la radio, à une station participe pleinement à l’organisation de la vie quotidienne de ces retraités.
34En traitant de cette fidélité au média, à une station, nous avons ouvert la piste d’étude concernant l’évolution des pratiques radiophoniques. Il s’agit maintenant de l’explorer plus en détails en nous intéressant aux changements qu’elles peuvent connaître lors de différentes étapes du cycle de vie.
L’évolution des pratiques radiophoniques à différentes étapes possibles du cycle de vie
35Les phases de transition de vie sont des moments de renégociation des habitudes acquises progressivement, habitudes qui se sont figées dans l’évidence de la vie quotidienne. Deux étapes du cycle de vie seront étudiées afin de saisir quelques dynamiques, quelques évolutions en jeu : le passage à la retraite et le veuvage.
Le passage à la retraite
36Le passage à la retraite est cette phase importante de réorganisation forcée de la vie quotidienne des actifs devenus retraités. Les cadres sociaux, temporels, organisationnels fixés par le travail disparaissent. Pourtant, un cadre organisationnel est souvent maintenu, « plus discret mais presque aussi serré qu’avant »17. Il est intéressant alors d’analyser comment les pratiques radiophoniques peuvent participer à cette réorganisation de la vie quotidienne et si elles sont, elles-mêmes, modifiées. Comme nous avons commencé à le voir précédemment, il semble en fait que s’il y a un changement important dans le rythme de vie des personnes interrogées (lié notamment à une augmentation des heures consacrées au sommeil), ces personnes font preuve par contre d’une grande fidélité, d’une grande continuité dans leurs rapports avec la radio. Le cadre organisationnel fixé par ce média à travers sa programmation perdurerait. L’entretien avec monsieur D. illustre très bien cette idée. Pour lui, c’est « pareil » même s’il y a un décalage au niveau de la tranche horaire d’écoute, il explique qu’« en arrivant le matin, vers 5 heures, je branchais tout de suite la radio. C’était déjà Europe ».
37Ainsi, s’il est vrai que la tranche horaire d’écoute se déplace vers des heures pour lesquelles les personnes interrogées n’étaient pas disponibles pendant leur vie professionnelle et que la durée consacrée à l’écoute semble augmenter ; il est également vrai que ces personnes ne changent pas de station, continuent toujours à s’intéresser aux mêmes genres d’émissions et restent fidèles à certains « rendez-vous » déjà intégrés dans leur vie quotidienne.
38Une hypothèse qu’il s’agira de vérifier est alors de considérer cette fidélité, cette continuité à la radio, à une station, ces repères, comme un moyen pour ces personnes de passer cette phase de transition de vie, de réorganisation forcée de la vie quotidienne qu’est le passage à la retraite. Les changements dans les pratiques radiophoniques des actifs devenus retraités ne seraient pas à chercher dans cette phase de transition de vie mais à d’autres périodes du cycle de vie beaucoup plus personnelles et plus liées à la trajectoire biographique de chaque personne.
39De plus, au cours du passage à la retraite, il ressort des entretiens une forte autodiscipline par rapport au temps pour reprendre un thème cher à Elias18, autodiscipline qui persiste à la retraite. Cette continuité, cette persistance participerait à la réorganisation du mode de vie tout en évitant le risque du « laisser-aller », pour « rester dans la ligne » comme l’a indiqué monsieur D.
Le veuvage, la solitude
40La perte du conjoint est cette phase critique de la vie d’un individu qui ouvre sur un état de solitude plus ou moins important. En effet, la personne seule se trouve avec sa propre temporalité. Elle ne vit plus ces temporalités croisées, négociées avec l’autre même s’il reste souvent les enfants, les petits-enfants, les amis… leur présence est plus occasionnelle (tout du moins dans le mode de vie des personnes interrogées). Avec cet état de fait, on retrouve la fonction de compagnie que certaines personnes interrogées peuvent faire jouer à la radio. État de solitude qu’il faut distinguer du sentiment de solitude19, sentiment latent qui peut rejaillir selon les situations et les cadres des activités quotidiennes, notamment à différents moments de la journée, de la semaine… ou d’une manière qui peut être plus exacerbée lors de différentes phases de transition de vie comme le veuvage.
41Comme l’a bien analysé Christian Lalive d’Epinay20, le drame constitué par la perte du conjoint tend à recevoir des significations et à entraîner des conséquences différentes selon le moment de la vie dans lequel cette cassure se produit. Avant la retraite, ce drame impose un défi énorme pour le survivant, des nouvelles responsabilités à remplir. L’étude du groupe « Sol »21 consacrée à l’expérience du veuvage racontée par des veuves a néanmoins montré que celles-ci ont souvent la capacité de relever ce défi, celui de vivre sans l’autre précocement22. Pendant la retraite, ce drame peut être accepté et même apparaître comme une délivrance lorsqu’il intervient à la suite d’une longue maladie, comme c’est le cas de madame P. (76 ans, veuve, vivant seule). Différente est la situation du survivant qui a perdu le conjoint alors qu’ils avaient commencé à vivre un « nouvel âge de la vie », à partager des projets, des activités ensemble, comme monsieur D. Plus tard, lorsque l’autonomie de la personne commence à être menacée, la perte de l’autre peut alors signifier « le deuil de soi » et ouvrir les portes de la véritable vieillesse. À travers l’évocation de ces quelques cas, nous comprenons mieux que le sentiment de solitude peut être la conséquence de réalités très diverses.
42Il convient alors de souligner qu’à ce sentiment de solitude vient s’ajouter un renforcement du risque d’ennui. Le lien entre les deux sentiments n’est ni impératif, ni exclusif mais c’est sur l’ennui, sur cette « figure du temps » pour reprendre une formule d’Anne Wallemacq que nous aimerions maintenant mettre l’accent pour poursuivre l’analyse du veuvage. Avec l’ennui nous dit Wallemacq, « le temps semble se désagréger et en parallèle, on assiste à la désagrégation de l’univers de sens dans lequel vivent les individus »23.
43C’est bien cette idée qui ressort de l’entretien avec une personne vivant seule. À un moment de la journée, de la semaine… l’activité « ne signifie plus rien » pour elle. Deux moments semblent ainsi propices à la survenue de l’ennui : les repas et le dimanche.
44Les repas, ces moments de partage, de discussion, d’échanges, ou plus simplement de présence commune n’ont parfois plus de sens pour les personnes vivant seules. Elles peuvent s’ennuyer et chercher alors dans l’écoute d’un média le moyen de faire disparaître ce sentiment. Madame P. explique « Je regarde la télé en mangeant parce que je m’ennuie en mangeant. Étant toute seule, je m’ennuie ». Elle associe donc directement son état de solitude au sentiment de l’ennui or plus que cet état, c’est bien parce qu’elle n’arrive pas à donner une signification au repas qu’elle s’ennuie. En évoquant les repas, elle dit d’ailleurs : « Ce n’est pas très important pour moi le repas au final […]. ça allait tant qu’il y avait mon mari. Ce n’est pas qu’il aimait bien manger, mais il ne fallait pas que ça soit mauvais. Mais, maintenant pour moi toute seule… ». Ainsi, essentiellement tourné vers la satisfaction de son mari, le repas a perdu son sens avec le décès de celui-ci.
45Le dimanche est un second moment au cours duquel le risque d’ennui augmente. L’évocation du dimanche permet d’ouvrir sur le fait que toutes les personnes interrogées (et pas seulement celles vivant seules) perçoivent, considèrent, vivent leurs activités de la vie quotidienne comme un travail. « Je suis (la radio)… tout en bricolant, en faisant mon travail quoi », commente monsieur D. « A l’arrivée, je me couche fatiguée mais fière du travail accompli. Il faut travailler. C’est nécessaire », explique madame P. en évoquant sa journée. L’idéologie du travail semble donc persister fortement pour ces retraités. De même, s’il n’apparaît plus que la distinction « semaine/week-end » soit efficiente, en revanche, le dimanche garde un statut à part, que ce soit pour des raisons religieuses ou professionnelles qu’il faudrait éclairer. Pour ces retraités, le dimanche reste un jour de repos, un jour « chômé » avec des activités qui peuvent être réservées à ce jour mais qui, quelle que soit leur nature peuvent aussi ne plus avoir la même signification, le dimanche par rapport aux autres jours de la semaine. Ainsi, une même activité peut « ne signifier plus rien » le dimanche n’étant plus assimilé à un travail. Le dimanche continuerait donc à être un jour à part dans la semaine, du fait que les activités accomplies ce jour-là n’ont pas la même signification que les autres jours.
Conclusion
46Nous avons essayé de mettre en lumière différents facteurs permettant de mieux comprendre la place que peut tenir la radio dans la vie quotidienne de retraités. L’écoute de la radio est une activité « agglomérée » à d’autres activités de la vie quotidienne. La relation radio/auditeurs peut même dépasser la forme de l’accompagnement et prendre une dimension de compagnie, notamment pour les personnes vivant seules. Les temps forts de l’écoute de la radio se différencient par la valeur que les usagers leur associent sans que celle-ci ne soit jamais équivalente à des rendez-vous amicaux ou familiaux. De plus, ces usagers associent à ces « pratiques agglomérées » des sentiments, des affects qui changent la relation à l’activité intégrée. Enfin, leurs pratiques radiophoniques se caractérisent par la fidélité à la radio, à une station.
47Dépassant ensuite cette dimension de la vie quotidienne nous nous sommes intéressé à l’évolution des pratiques radiophoniques de ces retraités au fil de l’âge et plus précisément lors de phases de transition de vie. Le passage à la retraite se caractérise par une grande fidélité aux « rendez-vous » radiophoniques déjà intégrés pendant la vie professionnelle. Quant au veuvage, il ouvre sur un état de solitude plus ou moins important. Cet état multiplie les situations dans lesquelles à la fois un sentiment de solitude mais aussi un sentiment d’ennui risquent de rejaillir. La pratique radiophonique prend alors pleinement une dimension de compagnie.
48D’autres facteurs d’évolution des pratiques pourraient bien sûr être pris en compte. Signalons simplement l’importance des relations sociales et principalement familiales, avec l’influence des jeunes (enfants et surtout petits-enfants) sur l’évolution des pratiques. Les analyses esquissées dans cet article demandent aussi à être prolongées, comme celle concernant les sentiments liés à cette « pratique agglomérée ».
49Les analyses développées dans cet article seront approfondies dans le cadre de notre thèse. Concernant l’étude de la place des pratiques médiatiques dans l’organisation de la vie quotidienne de retraités, la comparaison des pratiques radiophoniques avec les pratiques télévisuelles permettra de mieux comprendre les spécificités de chacune d’entre elles. De plus, l’analyse de l’évolution des usages de ces médias, liée à l’avance en âge sera complétée par l’étude des pratiques émergentes liées aux services dits « interactifs ».
Bibliographie
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Annexe
Notices biographiques
Madame B. 66 ans, vivant en couple
Retraitée depuis septembre 1993, madame B. est une ancienne institutrice. Son mari est retraité double actif, ancien employé municipal et agriculteur. Ils ont deux enfants, dont un fils qui a repris l’exploitation agricole. Dans la cuisine, ils possèdent un récepteur de radio sans affichage de la fréquence de la station, ni possibilité de programmation des stations. Comme pour monsieur D. l’écoute de la radio est ainsi étroitement liée à la cuisine et aux activités qui s’y déroulent. « Dès que je suis dans ma cuisine, il y a la radio qui tourne pratiquement », évoque-t-elle. Il existe bien un tuner sur la chaîne hi-fi de son fils mais elle ne l’utilise pas. Le téléviseur est situé dans la salle à manger. La réception des chaînes hertziennes peut parfois être de mauvaise qualité selon les conditions météorologiques. Elle écoute exclusivement RCF (Radio Chrétiennes de France). Son écoute quotidienne de la radio tranche avec une consommation occasionnelle de la télévision. Les deux types d’écoute se différencient principalement en ce que l’écoute radiophonique est individuelle alors que celle de la télévision est collective.
Madame B. « tient » à écouter plusieurs émissions dans la matinée en préparant son repas. L’émission de 9 h à 10 h aborde des sujets plutôt psychologiques. Celle de 10 h 30 à 11 h 30 change de thèmes chaque jour de la semaine. Ces émissions sont véritablement ancrées dans ses habitudes d’écoute et ne nécessitent plus de choix quotidiens. Elles sont attendues, ciblées et participent pleinement au marquage temporel de la matinée et même de la fin du repas. Par contre, d’autres émissions n’appartenant pas à ce programme « de base » sont sélectionnées selon l’intérêt porté au thème abordé, comme celle de 13 h 30.
Le passage à la retraite s’est caractérisé à son début par un maintien de l’heure du lever équivalente à celle de la vie professionnelle. Ce n’est que progressivement, presque insensiblement que cette heure a été retardée. Vivant à la campagne, les périodes d’écoute l’après-midi sont marquées par une forte saisonnalité, augmentant sensiblement au cours de l’hiver par rapport à l’été.
Monsieur D. 74 ans, veuf, vivant seul
Ancien petit commerçant, monsieur D. est retraité depuis début juillet 1992. Il a perdu son épouse à la fin de l’année 1999 à la suite d’une longue maladie et vit seul depuis. Il a deux enfants, deux petits-enfants et il s’est forcé à entretenir un réseau amical et relationnel fort. Dans son foyer, il a à sa disposition plusieurs récepteurs de radio mais il n’en utilise qu’un, celui de la cuisine. Ne le déplaçant pas dans d’autres pièces, sa pratique radiophonique à son domicile demeure liée à ce lieu spécifique, la cuisine. Lieu de préparation des repas, l’écoute de la radio est étroitement liée, « agglomérée » à cette activité. Les autres récepteurs étaient soit utilisés par ses enfants et sont tombés dans un état de désuétude pour lui, soit leur usage ne correspond pas à ce qu’il présente comme ses principes de vie, excluant ainsi l’écoute de la radio allongé dans son lit. Il possède également un téléviseur situé dans la salle à manger et est abonné au câble. Il a gardé cet abonnement à la suite du départ de ses enfants qui en avaient été les instigateurs. La relation qu’il entretient avec les deux médias se distingue fortement. Concernant la radio, il n’écoute qu’une seule station : Europe 1, alors qu’avec la télévision, il considère qu’« il y a le choix » traduisant ainsi dans un cas, une fidélité à une station et l’absence de question relative au choix du programme lorsqu’il allume son récepteur alors que dans l’autre cas, il choisit son programme parmi un ensemble de chaînes qu’il a progressivement sélectionnées.
Monsieur D. allume la radio au moment du petit-déjeuner vers les 8 heures et la « laisse tourner » en continu jusqu’à sa sieste vers 13 h 15. Au cours de cette période, il sera parti faire ses courses vers les 11 heures et surtout, au moment du déjeuner, il aura interrompu son repas pour suivre un jeu télévisé « Pyramides » à 12 h 30 avant de revenir en cuisine pour terminer son repas. Son « rendez-vous » avec ce jeu télévisé est vécu comme une coupure dans le déroulement continu de ses activités et de son repas accompagnés par l’écoute de la radio. Cette dernière reprend le soir au moment du repas entre 20 heures et 21 heures puis la soirée se poursuit devant la télévision. Cette organisation habituelle de ses activités liée à son écoute de la radio est modifiée en fonction de ses relations familiales et amicales et notamment le mercredi pour la venue de sa fille avec ses petites filles.
Son passage à la retraite s’est traduit logiquement par un changement de rythme de vie. Monsieur D. a désormais la possibilité de prendre son temps, ce qu’il apprécie fortement. Il consacre plus de temps à l’écoute de ce média, mais c’est sa grande fidélité à la radio, à une station, qui caractérise le plus sa pratique radiophonique. Cette fidélité lui permet de « continuer comme si [il] n’était pas à la retraite », en organisant sa matinée autour d’émissions connues. Pour lui, un changement radical dans ses habitudes de vie n’est envisageable que lorsque des problèmes physiques apparaîtront. Ce changement sera alors synonyme d’entrée dans la vieillesse.
Madame P. 76 ans, veuve, vivant seule
Madame P. est veuve depuis 1994. Son époux était ouvrier dans le bâtiment. Elle a eu pour sa part plusieurs périodes d’activité professionnelle dont un emploi à l’usine dès l’âge de 13 ans. Elle a deux filles, trois garçons et de nombreux petits-enfants. Elle habite seule dans une maison individuelle au sein d’un quartier devenu résidentiel dans une ville faisant partie d’une agglomération de 100 000 habitants. Au domicile, elle possède un récepteur de radio qu’elle n’utilise pas et deux téléviseurs (cuisine et salle à manger).
Ses activités quotidiennes s’articulent essentiellement autour du jardinage la matinée et de la lecture et/ou de la réception d’amis, des membres de sa famille, l’après-midi. Madame P. a de nombreux « rendez-vous » avec la télévision et notamment un, avec le jeu « Questions pour un Champion », en fin d’après-midi.
Son mode de vie, ses habitudes de vie ont été bouleversés par la mort de son époux dans un sens d’ouverture vers l’extérieur parce comme elle l’exprime, « la maladie de mon mari, ça été chaotique, le parcours du combattant ». En effet, l’épreuve de la longue maladie est venue s’ajouter à des relations de couple déjà « chaotiques ». Depuis le décès de son mari, madame P. reçoit beaucoup, ce qui renforce l’opposition avec sa vie précédente repliée sur le couple. Cet épanouissement identitaire s’appuie également sur des programmes télévisuels, vécus comme « une ouverture d’horizons ». La radio est pour sa part proscrite car Madame P. aspire au calme, à la quiétude et la radio est associée au bruit. Ce rejet vient également du fait que la radio reste un média qu’elle ne s’est pas approprié.
Monsieur R. 70 ans, vivant en couple
Monsieur R. a pris sa retraite en mars 1991. C’est un retraité « actif » dans le sens où son emploi du temps à la retraite ressemble à celui d’une personne en activité professionnelle. D’ailleurs nous a-t-il dit avec humour, « les gens qui travaillent n’ont pas une minute et les retraités pas une seconde ». Monsieur R. est un ancien double actif (employer dans une usine de métallurgie et agriculteur). Sa femme a élevé leurs cinq fils dont un a repris l’exploitation agricole. Au domicile, il possède un poste de radio dans la cuisine et un téléviseur dans la salle à manger. Des problèmes de réception peuvent advenir selon les chaînes recherchées. Il écoute les informations de 7 heures sur France Inter.
Son écoute de la radio est très ponctuelle et se résume à cette séquence d’information matinale durant une vingtaine de minutes. Monsieur R. rentre prendre son petit-déjeuner après avoir vérifié la bonne santé de ses animaux. Il écoute un module d’information routière puis le bulletin d’information de 7 heures. Viennent ensuite des rubriques auxquelles il ne prête pas d’intérêt. Il décroche, terminant son petit-déjeuner et partant pour d’autres occupations. C’est le seul contact qu’il a de la journée avec le média radiophonique car d’un commun accord avec son épouse, ils rejettent toute idée d’écouter la radio pendant les repas. « J’ai horreur de ça », exprime-t-il. Monsieur R. se couche en général tôt, autour de 21 heures sauf s’il regarde un ou deux « rendez-vous » hebdomadaires à la télévision qui sont surtout des magazines d’information.
Le passage à la retraite s’est traduit par un allongement du temps consacré au sommeil, tout en gardant un horaire de coucher proche de celui de la vie professionnelle. Il ne s’est pas traduit par un changement dans l’écoute de la radio car sa place dans la journée avait déjà été supplantée par la télévision depuis son entrée dans le foyer.
Notes de bas de page
1 Par pratiques radiophoniques, nous entendons à l’instar de Claire Belisle et alii concernant les pratiques médiatiques, des conduites stables routinisées, des « usages », qu’il faut distinguer des simples « utilisations » sans lendemain provoquées par des circonstances non significatives (Belisle et alii, 1999).
2 Voir notamment, Kaufmann, 1992 et Desjeux, 1998.
3 Voir notamment, Caradec, 2000.
4 Dereze, 1994.
5 Caradec, ibid.
6 Belisle et alii, ibid.
7 Bertrand et Mercier, 1994 repris dans Bertrand, Dereze et Mercier, 1995.
8 Bertrand, Dereze et Mercier, ibid., p. 144.
9 Nous soulignons.
10 Pour une présentation détaillée des personnes interrogées, se reporter aux notices biographiques en fin d’article.
11 De Certeau et Giard, 1983.
12 Souchon, 1990.
13 Monsieur D. évoque Europe 1, station de radio privée généraliste.
14 Madame B. évoque des émissions diffusées sur RCF. Radio Chrétiennes de France est une station thématique diffusant un programme chrétien à vocation généraliste.
15 Voir les travaux de Joffre Dumazedier (1968), Claude Javeau (1968), Henri Lefebvre (1968) et Abraham Moles (1989) repris par Gérard Derèze dans sa thèse.
16 Kaufmann, 1992, p. 67.
17 Kaufmann, 1997, p. 69.
18 Elias, 1996.
19 Voir Lalive D’Epinay, 1996.
20 Lalive D’Epinay, ibid., p. 148-153.
21 Groupe « Sol » de l’Université du 3e âge de Genève, 1992.
22 Une autre étude a été consacrée au cas des hommes veufs. Groupe « Sol », 1996.
23 Wallemacq, 1991, p. 15.
Auteur
jcdomenget@ina.fr
Doctorant CIFRE en Sciences de l’Information et de la Communication. Travaillant sur les temporalités médiatiques, il prépare une thèse à la direction de la recherche de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), intitulée « Les temporalités médiatiques au quotidien. Personnes âgées et nouvelles télévisions ». Il est membre du Centre d’Études des Médias à l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3.
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