Chapitre 1. Qu’est-ce que la transphobie ?
p. 33-71
Texte intégral
1Nous souhaitons commencer ce livre par une tentative de définition qui prendra la forme non seulement d’une définition classique, au sens universitaire du terme, mais surtout celle d’une définition expérientielle en s’attachant à ce que vivent les personnes qui rencontrent la transphobie. Dans ce chapitre, nous ne parlerons pas de chiffres, pas de statistiques. Nous esquisserons une définition « par le bas », d’après les expériences des personnes concernées et de par les témoignages recueillis.
À l’épreuve de la transphobie
2En avril 2014, une association d’auto-support trans organisait une réunion autour du thème de la transphobie. En s’y rendant, nous1 avons pu constater que les expériences de la transphobie étaient non seulement variées, singulières, parfois même discordantes dans leurs réceptions, mais également largement partagées par tou.te.s les personnes présentes. Voici tout l’enjeu d’une retranscription des émotions, des catégories, des stratégies face à la transphobie : les restituer sans en perdre les spécificités.
3Sophie a 42 ans. Cadre dans la grande distribution, elle était à la recherche d’un emploi depuis quelques mois déjà. Si le CV de Sophie ne pose pas de problème, elle rencontre de nombreuses difficultés du fait d’un état civil inchangé ; ce que les employeurs ne manquent pas de lui faire remarquer :
La dernière fois lors d’un entretien, ils ont plus passé de temps à me poser des questions sur ma transidentité que sur mes compétences et ma formation. Je ne vois pas trop en quoi le fait que mes parents soient au courant ou le fait que je prenne des hormones depuis trois ans ou dix ans change quelque chose à mon CV.
4Caroline a 31 ans. Elle non plus n’a pas pu bénéficier d’un changement d’état civil. « Pour l’instant je me suis toujours débrouillé sans » nous dit-elle. La question de la transphobie la gêne profondément :
Y’a des transphobes comme y’a des racistes ou des homophobes, même s’il y en a peut-être un peu plus qui ne nous aiment pas, notamment parce qu’on parle très peu de la question trans ou alors très mal. J’ai surtout l’intime conviction que le premier transphobe de France c’est l’État. On peut toujours dire untel ou untel est transphobe, tant qu’on n’a pas d’état civil qui correspond à notre identité de genre, forcément on est plus attaquable.
5À l’inverse, Clément avoue « avoir eu de la chance » et ne « jamais avoir connu la transphobie ». À 24 ans, il reconnaît que « de nombreux amis trans se font insulter ou discriminer » mais que « sûrement du fait de son passing2 » il n’a jamais eu à subir de propos ou d’actes transphobes. Quand ses phrases sont partagées, elles semblent immédiatement étonner une collègue militante assise à ses côtés qui lui dit : « Qui sont les trans qui ne connaissent jamais la discrimination. Je ne dis pas forcément les coups ou même les insultes, mais déjà le fait d’être traité différemment… Ils sortent jamais de chez eux ? Et chez eux ils vivent seuls ? Tu dois être une des rares exceptions3 ». Pour Sandrine, 62 ans, nouvellement retraitée de la fonction publique, « on vit dans un monde transphobe ». Elle ajoute :
Quand tu entends qu’il y a eu des agressions transphobes, c’est toujours d’une extrême violence. Nous, les trans, quelque part, on n’appartient pas à l’humanité aux yeux des gens. Et ils pensent qu’ils ont raison puisque l’État confirme qu’on peut nous discriminer sans être inculpé.
6Marie a 65 ans. Elle a milité toute sa vie dans diverses associations trans ou homosexuelles et elle estime qu’« être une victime c’est trop facile ». Elle précise : « Il faut continuer à se battre et à être visible pour lutter contre les discriminations. Moi quand je me fais insulter ou que les gens me regardent mal dans la rue j’en rigole et alors c’est eux qui se sentent gênés. » De nombreuses expériences, visiblement récentes, semblent venir contredire ce point de vue : « C’est ce que j’ai tenté de faire dans mon école », rappelle Catherine, une enseignante de 45 ans.
Mais au bout d’un moment j’ai jeté l’éponge et j’ai changé de bahut […] On ne peut pas passer notre vie à en rire, à faire comme si de rien n’était. On ne peut pas non plus faire de la pédagogie toute la journée devant chaque personne qu’on rencontre. Toujours dire qu’on dit « elle » et pas « il », qu’on ne dit pas « transsexuelle », qu’on est même pas obligé de dire que je suis trans d’ailleurs… C’est fatigant au bout d’un moment.
7De ces témoignages pourrait ressortir une typologie du phobisé. Une des premières figures, la plus marquante, renvoie à ce que François Dubet nomme « les expériences totales4 ». Pour les personnes, il n’existe pas d’extérieur à la transphobie. La discrimination est « complète » et les explications relatives aux traitements différenciés entre une personne trans et une autre ne renvoient qu’à la transphobie ou à la transphobie en première instance. Le monde est transphobe. Et les interactions du quotidien sont marquées du sceau de la transphobie. Ce type de justification est rarement convoqué seul. Il se mêle de référence au racisme, au sexisme ou à l’homophobie. C’est par exemple ce qu’évoque Stéphanie (64 ans) :
La société est sexiste et homophobe. « La manif pour tous » nous l’a violemment rappelé. Pourquoi ne serait-elle pas non plus transphobe ? Il n’y a aucune raison. La transphobie, c’est un petit peu un mélange entre sexisme et homophobie. Peut-être même que c’est la discrimination première la transphobie. Tu sais, cette idée bizarre que les filles et les garçons doivent rester à leur place au fond.
8À l’opposé, d’autres personnes auront tendance à mettre à distance les discriminations. Ces « intouchables » de la discrimination proposent un discours moins systémique, plus individuel, mais tout aussi fort et protecteur. Dans la réunion à laquelle nous faisions référence au début de ce chapitre, ce qui revient le plus, c’est l’envie de tenir à distance le statut de victime : « Être une victime c’est bien devant le juge, mais dans la vraie vie, il faut continuer à vivre et ne pas baisser les bras. C’est pas parce qu’on vous insulte, que vous pleurez, que vous ne vous relevez pas », note Jeanne, 42 ans, nouvelle dans l’association. Un second type de mise à distance suggère de relativiser l’expérience de la transphobie : « Tout lire au prisme de la transphobie c’est quand même sacrément réducteur », dit Laure, 38 ans.
9Mais entre ces deux figures, celle qui revient le plus, c’est celle du « bricoleur ». Le discours du bricoleur n’est jamais « totalement total », mais il ne nie pas l’existence d’écueils liés à la transition. L’image du « champ de mines » revient à plusieurs reprises dans la bouche de nos interlocuteurs. « La transphobie au fond, c’est comme un champ de mine. Tu sais que ça peut sauter mais tu ne sais pas si ça va sauter ni même si ça va faire très mal ou juste t’égratigner », suggère Arnold, 26 ans. Il ajoute : « Et puis tu ne sais pas non plus d’où ça provient la transphobie. Parfois tu crois que ça va venir de la famille ou de d’un voisin ou je ne sais quoi, et puis en fait non, ça vient de ton collègue de travail avec qui t’avais pourtant de super relations. » Cette imprévisibilité de la discrimination transphobe est toutefois relativisée dans les témoignages. Le fait de ne pas avoir de papiers d’identités conformes à son état civil, le fait de juste débuter sa transition, ou, pour les MtF (Male to Female), le fait de transitionner tard, après une socialisation et une vie « en garçon » de plusieurs années, semblent des facteurs vite relevés pour expliquer des comportements transphobes. Dans la réunion à laquelle nous avons assisté, et sur ce point en particulier, les comparaisons sont nombreuses. « C’est assez injuste » dit l’une personnes présentes « car tu choisis pas le corps que tu as lorsque tu veux faire ta transition, et ça change tout pourtant. » En interpellant son voisin, une autre rebondit : « quand tu fais du bodybuilding ou quand tu fais l’armée et qu’après tu veux faire ta transition et assumer ta féminité c’est quand même plus compliqué que lorsque tu décides de prendre de la testostérone à même pas 18 ans. Mon corps à moi il était déjà marqué par mon passé et je ne pouvais pas le nier ». Une quatrième personne ajoute :
Et puis on doit tout apprendre. Moi ce que je savais des femmes c’est ce que je savais en tant que garçon hétérosexuel. De mon point de vue, maintenant, être une femme, c’est complétement différent. Pour autant, je dois toujours faire attention quand je porte des talons [éclat de rire].
10Ces interprétations de la discrimination engagent différemment les subjectivités. Pour certaines des personnes rencontrées, les discriminations sont trop lourdes et trop fréquentes. Olivia (46 ans) raconte : « Parfois on a envie de tout arrêter quand on nous appelle sans cesse “monsieur”. On a envie de se faire toute petite, que personne ne nous voit, et puis rentrer chez nous et ne plus en sortir. » De ce point de vue, le sentiment d’avoir affaire à une discrimination « totale », présente dans les moindres plis des interactions, n’est pas forcément synonyme de fatigue ou d’abandon. Au contraire, la discrimination peut être un terreau fertile à la rébellion, à l’engagement associatif ou au renforcement des convictions. À l’inverse, une rencontre rare ou tardive avec la transphobie peut s’avérer tout aussi violente. C’est ce que nous raconte Estelle (37 ans) :
Depuis mon opération, je ne me suis jamais faite insultée ou quoique ce soit. Au travail, dans la famille, c’est beaucoup de chance, tout se passe bien. Mais la semaine dernière, un client m’a imité en prenant une grosse voix et une posture virile. Je n’étais pas sensée voir ça et pour tout dire je ne m’y attendais pas du tout. Je ne peux pas dire que j’avais oublié ce que c’était la discrimination, ou la moquerie, mais j’ai vécu cette dernière fois comme la première. Je vous jure, ça m’a anéantie.
11Un dernier point semble symptomatique de l’expérience transidentitaire et de l’expérience de la transphobie. Les personnes interrogées font remonter très tôt dans leur enfance le sentiment d’être vulnérable et les premières stratégies de défense, d’esquive ou d’affrontement. De ce point de vue, les stigmates du genre, de la sexualité, du handicap ou de la couleur de peau, bref, de tous ces marqueurs fortement corporels qui ne peuvent pas (toujours) être dissimulés, signent précocement et durablement la subjectivité et les parcours des individus qui, pour reprendre les mots d’une interviewée, « apprennent qu’ils sont différents en se faisant insulter5 ».
Transphobie : une tentative de définition
12De récentes recherches ont mis l’accent sur la dimension chiffrée des discriminations dont sont victimes les personnes trans6 (Whittle, 2007). Mais il s’agit également de travailler les aspérités définitionnelles du concept de « transphobie ». Pour ce faire, nous rappellerons que la transphobie est le fruit d’un mécanisme complexe de sanctions institutionnalisées (par le droit, mais aussi par la médecine) ayant des conséquences directes sur la vie des personnes trans, en termes de discriminations, de mises à l’écart et de honte7 (Espineira, 2014). C’est dans cette optique que nous suggérons un mouvement d’intériorisation de la transphobie, c’est-à-dire la cristallisation, au plus profond des subjectivités trans, des sentiments de honte, d’anormalité ou d’inconnu (Thomas, 2010). Cette transphobie intériorisée peut s’exprimer de différentes manières : soit l’individu ne parvient pas à concevoir sa transidentité, soit il l’enfouit ou la rejette. Cette première forme de transphobie fait écho à ce qui est également nommé « l’homophobie intériorisée8 », c’est-à-dire que le sentiment d’être infâme, impur ou innommable, à ses propres yeux ou aux yeux d’autrui, ou pour le dire autrement quand cet « autre en soi » éloigne l’individu de lui-même. Toutefois, la transphobie intériorisée se différencie nettement de l’homophobie intériorisée dans le contexte actuel de sous-visibilité et de pathologisation des identités et des corps trans.
13Dans un article de 20149, Karine Espineira propose une histoire du mot « transphobie » en France à travers quelques dates clés. Elle rappelle ainsi qu’en 2003, dans Le Dictionnaire de l’homophobie, Gaëlle Krikorian donnait une première définition de la transphobie dans une entrée dédiée : « Le rapport entre sexe, genre et apparence sur lequel ces identités se construisent contribuant à ébranler les références de l’ordre hétérocentriste, la transphobie exprime l’hostilité, l’aversion systématique, plus ou moins consciente, à l’égard de ces individus dont l’identité brouille les cartes des rôles sociosexuels et transgresse les frontières entre sexes et entre genres10 ». Poursuivant son archéologie, Karine Espineira souligne que, trois ans plus tard, Stéphanie Nicot et Alexandra Augst-Merelle écrivaient dans Changer de sexe : identités transsexuelles que la transphobie était le plus souvent indémontrable. Les auteurs qualifiaient alors la transphobie comme suit : « Peur irrationnelle des personnes transgenre et par extension, haine des personnes transgenre11 ». La définition de la transphobie s’étoffe d’une nouvelle dimension tenant à l’expression « subie ou intériorisée », cette transphobie comprendrait « la honte de soi »12 dont nous avons déjà parlé et elles précisent : « À force de s’entendre dire qu’elles sont malades, certaines trans finissent d’ailleurs par le croire et par réclamer des “standards de soin” ; en fait, la seule “maladie” des trans, c’est la transphobie intériorisée. On songe à ces homosexuels des années 1960, classés parmi les malades mentaux et traités de “fléau social” qui finissaient par avoir honte d’eux-mêmes13 ». L’idée que la transphobie dite intériorisée peut être traduite par une honte de soi ou qu’elle ait pour conséquence cette même honte de soi, peut être considérée en prenant en compte le sentiment d’isolement, de vulnérabilité voire d’anormalité et de clandestinité dans une société qui a conféré aux personnes différentes un statut de paria. Mais il semble difficile de suivre les auteures sur l’idée que « la seule maladie » des transsoit « la transphobie intériorisée »14. La part spéculative d’une telle affirmation porte sur l’intériorité des personnes et fait penser à un diagnostic très hasardeux. Plus prometteuse est la piste que les auteures donne avec le verbe « subir ». Pour parler des phobies, ne faut-il pas commencer par décriminaliser les victimes ?
14Coïncidant avec l’annonce de la « dépsychiatrisation » par Roselyne Bachelot, le comité Idaho15, dans son appel du 17 mai 2009, inscrit la transphobie à la suite de l’homophobie : « Partout dans le monde, les personnes qui vivent leur identité de genre en dehors des normes en vigueur sont confrontées aux violences, abus, viols, tortures et crimes de haine, aussi bien dans leur vie privée que dans la sphère publique »16. Pour mémoire, les personnes trans se mobilisent lors du Transgender-Day of Remembrance17 (T-DoR ou Journée du souvenir trans) né du projet Remembering Our Dead (San Francisco, 1999). Cette journée se déroule chaque 20 novembre. En premier lieu, en mémoire de Rita Hester assassinée le 28 novembre 1998 et dont le meurtre n’a jamais été élucidé comme c’est souvent le cas quand les victimes sont des personnes trans, souligne Gwendoline Ann Smith qui insiste sur l’inclusion puisque cette journée appartient aussi bien aux personnes transgenres, transsexuelles, travesties, gender variant, etc. Il s’agit bien d’une journée de commémoration de toutes les victimes de transphobie. L’inscription de la transphobie dans la journée Idaho met en lumière une ambivalence. D’un côté, la transphobie et les violences exercées sur les personnes trans sont mieux visibilisées (moyens de communication, infrastructures de la journée Idaho, etc.) mais, d’un autre côté, c’est la journée trans (le T-DoR) qui court le risque de l’invisibilisation. On pense au précédent de l’héritage des émeutes de Stonewall dont les personnes trans furent dépossédées. Il n’est jamais inutile de rappeler que les personnes travesties, transgenres et drag-queens18 fréquentaient le Stonewall Inn et qu’elles furent en première ligne et souvent des victimes durant ces émeutes. L’invisibilisation des personnes trans avait causé beaucoup de peine à Sylvia Rivera, laquelle avait lancé, la première, une bouteille sur les policiers dans un mouvement de révolte. L’activiste prendra ses distances en raison justement de l’invisibilisation des travestis, transgenres et drag-queens19. Dans un hommage à Sylvia Rivera, Riki Anne Wilchins dira qu’elle aura eu au moins le bonheur de voir naître Transsexual Menace (1994) et NYAGRA (The New York Association for Gender Rights Advocacy, 1998), la qualifiant de Rosa Parks du mouvement transgenre moderne20.
15Dans son même article sur la « transphobie », Karine Espineira propose que la notion de transphobie soit une nouvelle fois étendue. Au-delà des violences physiques et morales, il y a l’effacement pur et simple de l’histoire. Minimiser les actions, les savoirs et les productions trans, c’est les inférioriser, leur donner un statut minoritaire voire anecdotique au profit de réseaux et de savoirs cisgenres (non-trans). La non-reconnaissance de cultures trans et le cantonnement des personnes aux rôles dits subalternes semblent être aussi des formes de violences à inscrire dans la transphobie ; devant ainsi aussi être appréhendée comme instrument de pouvoir et de soumission.
16Montons en généralité afin d’interroger, au-delà de la question trans, les normes et les polices de genre21 qui s’organisent autour d’une imposition cisgenre22. Dans leur article « Gender differences in correlates of homophobia and transphobia » (2008), Julie Nagoshi et Katerine Adams23 proposent d’envisager l’homophobie et la transphobie par le prisme de l’altérité de genre comme élément perturbateur dans les interactions ; revenant ainsi sur la définition précédente de Hill. Il existe selon elles une double expression de ce rejet : d’un côté, une transphobie qui s’exprime à l’encontre des personnes trans et, de l’autre, une logique plus diffuse, mais tout aussi dangereuse de rejet de l’altérité de genre qui vient corréler l’homophobie au sexisme et le sexisme à la transphobie.
17Au total, nous distinguerons une transphobie « directe », découlant immédiatement d’un rejet de la transidentité et une transphobie « indirecte » mettant en scène des allants de soi cisgenres en défaveur des trans (sans pour autant que la transidentité soit connue). Ces deux figures de la transphobie pourraient être nommées « relationnelles » et portent sur l’ensemble des mots et des représentations quotidiennes dans un monde cisgenré (non-trans). Mais il faudrait souligner un autre type de transphobie, « institutionnelle » celle-ci, et qui, en limitant l’accès au changement d’état civil et aux opérations remboursées, rend vulnérables l’ensemble des personnes souhaitant transitionner selon leurs propres modes de transition (chirurgicale, hormonale, nominale, etc.) Dans la transphobie, le premier rouage de la discrimination est donc directement imputable à la transidentité : c’est le fait d’être reconnu ou perçu comme trans qui concourt à l’acte discriminant. Mais bien souvent, les représentations s’amalgament et c’est alors la suspicion, découlant du doute, qui devient le principal moteur du traitement différencié, voire de l’agression. Il n’est donc pas facile de distinguer ce qui relève d’un rejet face au changement de sexe ou d’un rejet face à l’altérité de genre en général.
18Si nous revenons sur notre typologie24 plusieurs points méritent un meilleur éclairage. Ce que nous avons nommé la « transphobie directe », prend appui sur l’idée que la personne discriminante est au courant de la transidentité de la personne discriminée. Des papiers non-conformes ou la connaissance factuelle de la transition permettent alors à la transphobie de s’appliquer directement à l’encontre de la personne labélisée. À ses côtés, la « transphobie indirecte », qui élargit le champ définitionnel de la transphobie met en scène ce que nous avons nommé « des allants de soi cisgenres », c’est-à-dire une myriade des stéréotypes de genre qui font appel à l’association entre « sexe » et « genre » ou, pour le dire autrement, entre le sexe pressenti par l’interlocuteur, le sexe marqué sur les papiers d’identité, et le « bon genre » attendu de l’individu. Cette grille de lecture des corps s’opère, dans la « transphobie indirecte », en défaveur des personnes trans, sans pour autant, nous le répétons, que la transidentité soit forcément connue25. Ici, des suspicions, une réputation, un éloignement à la norme de genre ou de corps suffisent à développer un comportement transphobe. Ces deux figures de la transphobie, nous les avons nommé « relationnelles ». Ce sont par exemple toutes ces questions que met en scène Calpernia Addams dans son court-métrage « Bad questions to ask a transsexual26 » (nous en traduisons quelques-unes ci-dessous accompagnées d’extraits de réponses) :
Quel est ton « vrai » nom ? ; Quel est ton « ancien » prénom ?
C’est la plus courante. Mon vrai prénom est Calpernia Addams. Qu’est-ce que tu veux me demander au juste ? Réfléchis-y. Beaucoup de personnes posent cette question car ils ne me considèrent pas vraiment comme une femme et alors qu’ils sont prêts à rire de moi en m’appelant « Calpernia », ils veulent connaître « la vérité » sur « qui je suis ». Ils considèrent « vraiment » mon identité actuelle comme une fabrication. Ou bien ils veulent détenir une preuve comme quoi je suis « vraiment » quelqu’un d’autre en réalité. Ils utilisent nos vieux prénoms pour blesser et pour contrôler les femmes trans. Se moquer d’elles en utilisant leur ancien prénom, les remettre à leur place […] Mais tout le monde sait que le vrai nom de Marilyn Monroe était Norma Jean : quelle différence. Eh bien, révéler le vrai nom de Marilyn ne change pas son genre à tes yeux. Elle reste toujours une femme. Mais révéler le prénom de naissance d’une personne trans invalide ou interroge immédiatement son genre.
Je peux voir une photo de toi avant ?
Encore une fois : pourquoi ? Pour satisfaire ta curiosité morbide ? Je sais que tu as l’air bien maintenant mais est-ce que je peux voir une photo de toi quand tu étais une enfant obèse ? Est-ce que je peux voir une photo dans le moment le plus humiliant, le plus misérable, de ta vie ?
N’importe quoi sur ma vie sexuelle / N’importe quoi sur mes organes génitaux
Ce ne sont pas vos affaires. […] C’est la question favorite des hommes gays ou hétérosexuels. Mon sang ne fait qu’un tour lorsque j’entends ça. Le plus souvent, le mot « couper » est associé à cette question. […] Le chirurgien ne « coupe » pas les organes durant la vaginoplastie […] il retourne et remodèle les tissus existants pour créer un vagin sensible et fonctionnel. Accessoirement, la féminité n’est pas définie par l’absence du pénis. […] Si vous enlevez le pénis d’un homme, à un homme qui sait qu’il est un homme, ce dernier reste un homme… Avec ou sans pénis…
Es-tu un homme ou une femme ?
Réfléchis un instant. Poser cette question, à n’importe qui, est forcément insultant.
19Nous pourrions compléter par de nombreux autres exemples de questions, que les vidéos de Calpernia n’évoquent pas, mais qui reviennent souvent dans la bouche des non-trans (comme dans celle de certain.e.s trans d’ailleurs). Deux reviennent particulièrement souvent dans les débats publics auxquels nous participons : « Mais pourquoi es-tu aussi caricatural.e ? Les vrais hommes / les vrai.e.s femmes, ne sont pas comme ça ! ». Cette question, qui est également une interpellation à la normalité (souvent vestimentaire ou comportementale), est d’autant plus étrange qu’il est fréquent de l’entendre à destination des personnes évoquant leur transition tardive, leur entreprise vaine afin de coller au mieux à ce qui est attendu d’une « femme » ou d’un « homme ». Cette question révèle alors deux éléments distincts : premièrement, la difficulté à admettre que le genre est un apprentissage et qu’à ce jeu les nontrans naissent avec l’avantage de pouvoir piocher immédiatement dans la bonne boîte à outils du genre. Deuxièmement, l’insistance des polices de genre et des sanctions qui leur sont associées. Une seconde question revient toute aussi souvent : « Pourquoi les trans cherchent-ils à tout prix à être un homme ou une femme ? C’est très binaire. » Assez étrangement, cette question est autant posée par des trans que des non-trans. Elle renvoie à l’idée suivante : pourquoi, alors qu’ils transitionnent, les trans ne sont-ils pas plus subversifs ? Face à cette question, il conviendrait de faire remarquer deux choses : d’une part, qu’il est étonnant de demander à des personnes qui doivent affronter des écueils dans de nombreux domaines (professionnels, familiaux etc.) d’être subversif à la place des autres, et encore plus, de l’être plus que les autres. D’autre part, en posant cette question, on fait l’hypothèse que les trans ne sont pas comme tout le monde, à savoir qu’ils ne souhaitent pas avoir une vie « vivable », loin des quolibets et de l’opprobre.
Y’a-t-il un placard trans ?
Dans l’imaginaire collectif, le « placard » est un espace de honte et de secret, un espace qui aurait pour vocation de cacher, de mettre à part. Les productions cinématographiques ont elles aussi contribué à développer cette idée d’un « dehors » hostile et d’un « dedans » simultanément protecteur, infamant et invisibilisant. Le placard dit alors spontanément deux choses. La première, que l’articulation entre rapports sociaux spécialisés (sexualité, identité de genre) et rapports sociaux de la vie quotidienne est une articulation complexe. Cette mise en évidence de la dimension relationnelle peut renvoyer à ce que Ricœur souligne, à travers l’expression « soi-même comme un autre27 ». Il faudra alors comprendre la double signification de ce « comme », renvoyant, d’une part, à l’idée d’une comparaison (soi-même semblable à un. e autre, c’est-à-dire invisible à autrui), et, d’autre part, à l’idée d’une implication (soi-même en tant qu’autre, c’est-à-dire invisible à moimême). Cette délimitation entre ce qui considéré comme « dévoilable » et « indévoilable », mais également comme normal ou anormal, s’élabore sur un mécanisme de différentiation hiérarchisante qui peut sembler net, bien délimité, mais qui, sous la plume d’Eve Kosofsky Sedgwick28, apparaît comme complexe et mouvant. En effet, se penser soi-même comme un autre signifie que l’autre est évidemment constitutif de ma propre identité. Didier Eribon, dans son Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes souligne alors : « Le placard est une structure complexe et mobile : on n’est jamais complétement dehors ou dedans29 ». L’auteur propose alors deux exemples. Le premier s’appuie sur le fait que l’individu peut être « out » (en dehors du placard) dans certaines sphères sociales et demeurer « dans le placard » dans d’autres. Le second relève de l’aspect répétitif de la sortie du placard, dans les nombreuses interactions du quotidien. L’ajout majeur d’Eve Kosofsky Sedgwick réside dans la politisation du placard. Ce dernier, note-t-elle, est souvent bien plus transparent qu’opaque. Autrement dit, on ne sait réellement jamais ce qu’on montre ou ce qu’on cache. Le « placard » homosexuel n’est donc plus seulement ce lieu servant à délimiter une « honte » ou un « secret », mais bien ce « privilège épistémologique » qui instaure plus amplement un dispositif sous-jacent à toutes les identités sexuelles30.
Mais qu’en est-il du placard trans ? Opère-t-il les mêmes processus que le placard homosexuel ? Quelques témoignages nous permettent de mettre en lumière les parallèles et les différences nettes avec le placard homosexuel. Un premier élément, qui fait écho à ce qui vient d’être dit, permet d’appréhender le placard comme un espace d’invisibilité (à soi comme envers autrui) et de protection. Quelques témoignages propres aux périodes de scolarisation nous l’indiquent : « J’avais parfois l’impression que je le criais [en parlant de sa transidentité] mais que la seule réponse, au fond, c’était “on ne t’entend pas”. Les gens ne te disent pas qu’ils s’en foutent, c’est juste qu’ils ne comprennent pas ce que tu veux leur dire » (Laura, 22 ans). Si Laura signe une interpellation, un geste ou une parole à destination d’autrui, restée sans réponse, d’autres rejoignent immédiatement les rangs du placard dans une stratégie de silence ; traduisant simultanément le répit et le harcèlement. Le placard, bien connu des biographies homosexuelles, est également présent dans les récits de jeunes trans. Parce qu’ils n’ont pas les mots ou parce que ces derniers sont irrecevables, les jeunes trans restent souvent dans l’ombre d’une identité malmenée : « Dès le plus jeune âge je savais que j’étais une fille. Mais je l’ai refoulé. Et puis je ne savais pas ce que c’était. Au début j’ai cru que j’étais un garçon homosexuel. J’ai mis du temps à m’assumer. En fait, j’ai surtout mis du temps à savoir qu’on pouvait être transsexuelle » (Marie, 52 ans). Dans le processus qui mène à se nier, les personnes LGB et les trans déploient des grammaires par défaut. Il s’agit aussi « de ne pas paraître » ou « de ne pas être » celui qu’on perçoit ou celui qui serait susceptible d’être démasqué : « J’ai à peu près tout fait comme il fallait. Pour qu’on me laisse tranquille, mais surtout parce que je me trouvais anormale. J’ai fait “sciences”, puis une école d’“ingé”. J’ai aussi fait l’armée. Un mec quoi, un vrai. Mais plus j’étais ensevelie sous des couches plus je me sentais loin de qui j’étais vraiment » (Lætitia, 44 ans).
Il apparaît déjà une différence avec l’homosexualité. Si cette dernière a aujourd’hui gagné en visibilité, la question trans reste majoritairement dans l’ombre. La grammaire trans, les possibilités de transitions, les supports de visibilité, sont parfois ignorés par les personnes elles-mêmes. Contrairement à l’homosexualité, et malgré Internet, la connaissance du monde trans et de sa propre transidentité est un chemin semé d’embûches. Une seconde différence se fait jour sur la question de l’outing ou de la nécessité du coming out trans. Dans le contexte actuel du droit, et pour les personnes trans qui n’ont pas pu bénéficier d’un changement d’état civil, chaque sortie des papiers d’identité pose la question du coming out et de l’outing. « J’étais à la caisse d’un supermarché et j’ai voulu payer avec mon chéquier. Lorsque j’ai sorti ma carte d’identité, la caissière a refusé de prendre mon chèque. J’ai donc dû lui expliquer la situation. Les gens autour de moi nous regardaient avec étonnement, ils n’avaient sûrement jamais entendu ça » (Christian, 60 ans). Un autre témoignage rappelle les outing fréquents et mal maîtrisables. « À Pôle Emploi, j’avais rendez-vous avec une conseillère. Comme elles changent tout le temps, je dois toujours m’expliquer sur ma situation. Et la dernière fois, j’étais assise en train d’attendre quand j’entends mon nom : “Monsieur X”. Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? J’ai pris sur moi, je me suis levée, j’ai été suivie du regard par l’ensemble des personnes présentes et j’ai dû expliquer de nouveau ma situation… » (Emmanuelle, 51 ans).
La transphobie institutionnelle : rappel du contexte médical et juridique français
20Là est peut-être le mètre étalon de la transphobie, dans tout ce qui éloigne, par la force, les personnes trans d’une vie viable ou d’une citoyenneté pleine. Sur ce point précis, nous souhaitions souligner un autre type de transphobie, « institutionnelle » cette fois, qui laisse aux discriminants une latitude large dans ses agissements. Comme nous nous apprêtons à le voir, le droit ne défend qu’à la marge les personnes trans victimes de discriminations, d’autant plus que ces dernières sont toujours considérées, dans les représentations mais également dans les catégories psychiatriques, comme des malades mentales. Cette transphobie institutionnelle est double et sa définition nous permettra de revenir sur le contexte de la question trans en France.
21D’une part, elle renvoie à l’idée d’une « transphobie juridique ». En France, il n’existe pas de loi sur la question trans. Changer d’état civil est une démarche qui dépend donc de chaque tribunal même si des circulaires orientent les décisions. Si dans les textes, une stérilisation n’est pas demandée, c’est néanmoins ceci qui est entendu par de très nombreux tribunaux français pour accorder au requérant un changement d’état civil. En effet, après un rapport de la HAS31 dont les conclusions seront fortement critiquées par les associations concernées, une circulaire du ministère de la Justice, datée du 14 mai 2010, stipule que :
La notion de traitement médico-chirurgical […] a été entendue comme exigeant l’ablation des organes génitaux d’origine et leur remplacement par des organes génitaux artificiels du sexe revendiqué (opération de réassignation sexuelle). Toutefois, certaines juridictions de fond considèrent que les exigences posées par la Cour de cassation32 visent essentiellement à démontrer le caractère irréversible du processus de changement de sexe. […] Au vu de ces éléments, vous pourrez donner un avis favorable à la demande de changement d’état civil dès lors que les traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique et physiologique définitive, associés, le cas échéant, à des opérations de chirurgies plastiques […] ont entraîné un changement de sexe irréversible, sans exiger, pour autant, l’ablation des organes génitaux33.
22Au-delà de l’aspect « irréversible » de tels changements, dont on est en mesure de questionner le sens, cette circulaire (qui ne fait pas office de droit, mais qui donne une indication quant à l’application du droit) ouvre la possibilité, pour des personnes non opérées, de pouvoir bénéficier d’un changement d’état civil. Des demandes ont alors été formulées, et même avant cette circulaire quelques tribunaux avaient accepté, à de très rares occasions, de fournir un changement d’état civil à des personnes non opérées. Cependant, la brèche ouverte par cette circulaire qui suggère une dégénitalisation de la mention du sexe sur l’état civil est vite refermée. À l’approche de jugements, s’appuyant sur le caractère vague de la notion « d’irréversibilité », le garde des Sceaux, Michel Mercier, précise les critères d’application du droit. En réponse à la question écrite no 1452434 de Mme Maryvonne Blondin (sénatrice PS), datée du 22 juillet 2010, le ministre écrit :
La notion de changement de sexe irréversible évoquée dans la circulaire du 14 mai 2010 fait référence à la recommandation n ° 1117 du Conseil de l’Europe relative à la condition des transsexuels, citée par le rapport de la Haute autorité de santé « Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge du transsexualisme en France » de novembre 2009. Cette notion est d’ordre médical et non juridique et, selon certains spécialistes, le caractère irréversible peut résulter de l’hormonosubstitution, ce traitement gommant certains aspects physiologiques, notamment la fécondité, qui peut être irréversible. Il appartient aux personnes concernées d’en rapporter la preuve, notamment par la production d’attestations de médecins reconnus comme spécialistes en la matière (psychiatre, endocrinologue et, le cas échéant, chirurgien) et qui les ont suivis dans le processus de conversion sexuelle. Le procureur fonde ensuite son avis, au cas par cas, sur les pièces médicales produites par le demandeur35.
23Deux circulaires contradictoires donc, et qui autorisent une double lecture. Premièrement, des changements physiques irréversibles et non génitaux peuvent suffire au changement d’état civil. Deuxièmement, seule la stérilisation chirurgicale ou l’hormonothérapie à long terme ouvrent le droit à un changement d’état civil. Cette injonction à la stérilité des personnes trans fait écho à la figure de l’homme enceint, incarnée par Thomas Beatie, et dont la France ne veut pas entendre parler. Pour mémoire, Thomas Beatie est un FtM connu mondialement pour avoir enfanté trois fois depuis 2009, remédiant ainsi à l’impossibilité de sa femme de porter des enfants. La stérilisation exigée comme les refus d’autoconservation des gamètes par le Centre d’Études de Conservation des Œufs et du Sperme (CECOS). L’image de « l’homme enceint » trouble-t-elle plus le politique, le législateur et le monde médical plus que le grand public ?36 (Hérault, 2014).
24La demande de stérilité semble être le point culminant d’une médicalisation des parcours et d’une psychiatrisation de ces derniers. Ainsi, en France, les opérations de changement de sexe et leur remboursement restent soumis à l’obligation d’un suivi psychiatrique long et décrié37 (Alessandrin, 2011 ; Sironi, 2011). Au total, les trois espaces de constructions du « programme transsexuel français » (le droit, la psychiatrie et les corps trans eux-mêmes) deviennent alors trois espaces de débordements38. La psychiatrie d’abord, qui en définissant un cadre (celui du transsexualisme), finit surtout par définir un « hors cadre » qui foisonne d’acteurs contrariant le programme trans non opérés, hommes portant des enfants…). La tradition du « transsexualisme » apportait avec elle des réponses, de « bonnes raisons », dont le sens est aujourd’hui érodé. Les trans se confrontent alors non plus au « transsexualisme » historique mais à leurs histoires propres, ouvertes. Le droit ensuite, dont on verra qu’il est débordé par des jurisprudences locales, mais aussi par des actions militantes qui tentent de le forcer et d’en dénoncer les contradictions. Les trans eux-mêmes enfin, qui « bricolent » et innovent de nouveaux agencements, de nouveaux rapports entre normes et transgressions. Ils comparent les offres locales et internationales de changement de sexe en créant des marchés et des réseaux de soins non hégémoniques. En devenant experts, les trans imposent au débat un fait accompli transidentitaire, irréductible au binarisme transsexuel d’hommes devenant des femmes et de femmes devenant des hommes. Il en découle également une tension forte entre les acteurs médicaux et les personnes concernées.
Bastien a 25 ans, il a vécu un an aux États-Unis où il a commencé à prendre des hormones. Il est revenu en France pour ses études et pour travailler, mais il a vite décidé de se consacrer à sa transition. Avec son autorisation, nous restituons notre conversation.
Tu n’avais pas un rendez-vous avec ta psychiatre ?
J’ai vu le professeur X cette semaine. Elle m’avait promis mes hormones, mais elle m’a annoncé, comme ça, sans explications, qu’il fallait attendre le prochain rendez-vous pour voir… J’ai appelé son secrétariat et je n’ai pu obtenir un rendez-vous que dans deux mois. Je l’ai appelé en lui disant : « J’ai pris un an de chômage pour pouvoir effectuer ma transition, je ne peux pas attendre deux mois… bientôt je serai au RSA. » Elle a répondu qu’en effet nous n’avions pas les mêmes temporalités. Évidemment, j’ai arrêté mes études pour me consacrer à plein-temps à cette transition !
Tu vas faire quoi ?
Comme j’avais initialement prévu : je vais aller voir un endoc’ dans le privé. Je ne vais rien lui dire et je vais reprendre mes shoots de T tout seul. Après, ça va être chaud de lui cacher ça, mais moi, en septembre 2014, je reprends mes études, mon travail, je ne peux pas mettre ma vie entre parenthèses comme ça. Elle est en CDI, elle s’en fiche de comment je paye mon loyer… pas moi. […] Ça fait vraiment chier, mais je ne me vois pas non plus galérer pour payer mes opé et pour avoir des papiers.
Dimitri a 22 ans. Pour bénéficier d’une torsoplastie et assumer au mieux sa transition, il décide de quitter le village dans lequel il est né pour s’installer dans une grande ville, de préférence dans une ville qui comporte un protocole hospitalier de changement de sexe. Une fois son déménagement réalisé, il s’inscrit dans l’association trans de sa région pour, dit-il, « trouver des amis et faire quelque chose pour les trans. » [Ici tous les éléments biographiques (âge, ville, prénom) ont été changés]. Après 6 mois de suivis psychologique et psychiatrique avec l’équipe protocolaire de sa ville, Dimitri parvient à obtenir des hormones. L’hormonothérapie se passe bien. Il la décrit même fréquemment dans un groupe de FtM sur Facebook. Un an se passe avant que le psychiatre facilite sa rencontre avec le chirurgien en vue d’une opération. Afin d’accompagner au mieux sa transition, Dimitri décide d’arrêter ses études et s’engage, pour gagner de l’argent et continuer d’être actif, dans des stages rémunérés auprès d’associations de lutte contre les discriminations. Nous rencontrons ainsi souvent Dimitri dans des colloques, dans des réunions et suivons son parcours de près. Un jour de juin 2014, ce dernier nous contacte [nous retranscrivons rétrospectivement, après sa relecture et avec son accord, notre discussion] :
- Dimitri : Ça n’a pas marché.
- Qu’est ce qui n’a pas marché, lui avons-nous demandé.
- L’opération, nous répond-il sanglotant. Ils m’ont viré, ils veulent plus de moi dans l’équipe.
Interloqués de ce changement brutal de situation, nous le questionnons et il nous apporte les précisions suivantes :
« Tout ça à cause d’une information qui ne m’a jamais été transmise. Je voulais une hystérectomie et ils m’ont annoncé, alors le psy ne m’en avait jamais parlé, qu’ils pratiquaient en réalité une colpo-hystérectomie [ablation chirurgicale de l’utérus (hystérectomie) et la partie supérieure du vagin]. J’ai dû alors mettre au grand jour ma sexualité alors que je n’avais jamais eu l’occasion de l’aborder dans autant de détails. Je me suis retrouvé à venir avec ma copine à qui on a dit : “Si vous êtes lesbienne vous n’êtes peut-être pas avec la bonne personne !” Et quand j’ai annoncé que je voulais garder mon vagin, que je m’en servais, ils m’ont simplement dit que j’aurais pu être plus honnête sur mon homosexualité. J’étais bloqué pendant qu’on me reproche de ne pas avoir été assez sincère alors que justement c’était pour éviter cette mésaventure que j’ai dû limiter certains dires (surtout que déjà pour moi, ça ne me posait pas de souci et que je ne voyais pas l’intérêt d’en parler). C’est comme si on me rendait coupable d’avoir songé à profiter de leurs services pour faire de mon corps un élément philosophique, politique, créatif… comme si d’un coup ils ne prenaient plus du tout en considération ma demande, ou qu’ils ne me permettraient plus jamais de mieux vivre au quotidien. »
La semaine dernière, alors que nous lui faisions parvenir cette retranscription afin qu’il puisse relire ses propos, Dimitri nous a demandé d’ajouter ceci :
« Personnellement, j’aimerais que les médecins comprennent que pour être en paix citoyennement et socialement, nous sommes en partie dépendant. e. s de leurs actes médicaux. Qu’il peut y avoir un décalage entre ce qu’il me suffirait (hormonothérapie, mammectomie), ce que la jurisprudence demande (la stérilisation) et ce que les équipes proposent sans discussion. Comme dit une amie, conclut-il, la médecine se moque du psychosocial, en rendant illégitime et donc facultative toute prise en charge incomplète malgré le consentement du/de la patient.e. ! »
Aujourd’hui Dimitri songe à une torsoplastie dans le privé et économise pour pouvoir se la payer. À 22 ans il avoue, toujours sous le choc, « que son début dans la vie n’est pas facilité avec des décisions médicales comme celle-ci. » « En faisant cela, ils me marginalisent encore un peu plus » ajoute-t-il.
25Le constat est chiffré : dans l’enquête Homosexualité et Socialisme (H&S), portant sur les jeunes trans, on peut lire que sur les 30 % des personnes sondées ayant au moins commencé l’hormonothérapie, 70 à 80 % ne sont pas suivies par ces équipes hospitalières. De plus, sur l’ensemble des plasties réalisées par ces jeunes trans, seules 10 % sont faites au sein des protocoles. L’enquête réalisée par Alain Giami et son équipe souligne les mêmes tendances : « Plus de la moitié des individus (56,9 %) qui ont suivi une démarche diagnostique auprès d’un psychiatre pour l’obtention du certificat l’ont fait auprès d’un psychiatre libéral, et seulement 34,6 % auprès d’une équipe hospitalière. Parmi les individus ayant eu recours à une ou plusieurs interventions chirurgicales génitales, 32,1 % en ont réalisé au moins une dans un hôpital public en France, 12,1 % dans une clinique privée en France et 66,4 % à l’étranger. » Selon Alain Giami :
Ces résultats, qui font apparaître l’inadéquation relative de l’offre de soins, témoignent également de l’urgence d’une réflexion sur le protocole public « officiel » de prise en charge des trans en France, notamment en le mettant en regard avec l’offre de soins proposée dans d’autres pays39.
26Dans ce contexte, trois couples se font face ou se chevauchent : la (dé)psychiatrisation, la (dé)pathologisation, la (dé)médicalisation. Pour le dire autrement, la question posée par le mouvement trans est la suivante : comment dépsychiatriser et dépathologiser des parcours sans les démédicaliser ou plutôt en les médicalisant autrement, sans les dérembourser. « Dépsychiatriser ». Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Premièrement, dépsychiatriser c’est déclassifier administrativement. Par un décret de 2010, Roselyne Bachelot a fait croire à une « dépsychiatrisation » du « transsexualisme ». Cette dépsychiatrisation est toute relative. Elle ne concerne en réalité que le type d’ALD (Affection Longue Durée) qui permet un remboursement des frais médicaux engendrés lors des transidentités. Bref : les trans ne sont plus pris en charge sous des motifs « psychiatriques » mais « hors liste ». Dans ce cas précis, on est plus proche du déremboursement partiel que de la dépsychiatrisation totale. « Dépsychiatriser », est bel et bien autre chose. Premièrement, c’est ne plus considérer les transidentités comme des maladies mentales. Les classifications américaines (DSM pour l’APA) et internationales (CIM pour l’OMS), qui ont « psychiatrisé » le « transsexualisme » l’année où l’homosexualité était dépsychiatrisée, sont ici convoquées. Si le verdict du nouveau DSM est tombé (psychiatrisation toujours), on attend les réécritures de la CIM desquelles on pourrait espérer certaines améliorations. « Dépsychiatriser » a aussi pour corolaire de dépathologiser. Porter notre attention aux mots qui blessent, qui « pathologisent », c’est-à-dire qui légitiment le fait d’un type d’identité de genre soit soumise au diagnostic quand les autres (les « cis ») sont encouragées. « Dépsychiatriser » c’est donc, aussi, soustraire les parcours de changement de genre à l’injonction d’un suivi psychiatrique. C’est, dans le même temps, décorréler le changement d’état civil de toute procédure médicale. Les blouses blanches ont-elles à ce point muselé les robes noires pour que le droit se réfugie derrière psychiatres et chirurgiens pour autoriser une personne à avoir des papiers ou pas, une vie vivable ou pas ?
Ce que dit le droit français
27Nous nous sommes engagés dans une définition multiple de la transphobie qui ne soit pas uniquement, même prioritairement, une définition juridique. Néanmoins ne nous pouvons pas passer sous silence les quelques textes et les quelques propositions de loi qui ont tenté de prendre en considération la question de la transphobie en l’intégrant dans des textes ou des dispositifs juridiques. Ce bref panorama nous indiquera des éléments factuels sur le droit français et européen, et tentera un parallèle avec une loi souvent prise en modèle par les militant.e.s trans, celle de l’Argentine.
Les recommandations de la Halde
28Avec la création de la Halde40 quelques discriminations sont mises à jour. Si la « transphobie » ou les discriminations relatives aux « identités de genre » ne sont pas reconnues en France, la discrimination liée au « sexe » est quant à elle combattue. Dès lors, les insuffisances du droit font place à ses paradoxes : seules les personnes trans « transsexuelles », c’est-à-dire atteintes de dysphories de genre, reconnues comme telles et opérées, peuvent se voir appliquer la législation relative à la lutte contre les discriminations. Dans ce cadre, il n’est pas, par exemple, envisagé que l’inadéquation entre papiers d’identité et apparence physique soit source de problèmes pour l’employé et l’employeur. À ce titre, selon une délibération de septembre 2008, la Halde « rappelle à l’employeur les dispositions relatives au principe de non-discrimination. »41 De plus, selon cette même autorité, il y a discrimination lorsque l’employeur invoque « sans justification recevable » l’inaptitude au travail (délibération n ° 2008 du 18 février 2008). Si l’on se pose la question de savoir comment la Halde a-t-elle pu relever une discrimination alors que la loi ne reconnaît pas explicitement la transphobie, il sera intéressant de remarquer l’utilisation de textes européens dans l’élaboration de la recommandation. En fait, la Halde s’appuie sur une jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), qui établit qu’une personne est discriminée du fait d’une conversion sexuelle si elle « fait l’objet d’un traitement défavorable par rapport aux personnes du sexe auquel elle était réputée appartenir avant cette opération. »
29On retiendra surtout que la lutte contre les discriminations faites aux trans n’inclut que les personnes « réassignées », c’est-à-dire, nous y reviendrons, une minorité de trans. Plus précisément, le droit ne s’applique qu’aux hommes et aux femmes dont le sexe à l’état civil correspond au genre revendiqué. Pour le cas des personnes trans non opérées, puisque les discriminations liées à l’identité de genre ne sont pas reconnues, le droit ne s’applique qu’après l’intervention d’un tiers médical – le psychiatre et le chirurgien – pour justifier d’une discrimination « liée au sexe ». Là encore, le droit (français tout du moins) ne semble pas s’être émancipé de la médecine, même pour traiter d’une question non médicale : celle des discriminations.
La loi de juillet 2012 et le rapport de la CNCDH
30Après un long débat concernant « Le mariage pour tous », la question trans fut, elle aussi, mais très brièvement, discutée. En juillet 2012, la loi française reconnaissait le critère de « l’identité sexuelle » comme motif de discrimination. Au même titre que les autres critères de discrimination, comme l’homophobie par exemple, celles fondées sur l’identité sexuelle de la personne, sont punies par la loi. Selon le Code pénal (article 225-1) « constitue une discrimination toute distinction opérée entre personnes […] à raison de leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité sexuelle… ». Ainsi, depuis la loi de 2004, les sanctions encourues peuvent atteindre trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Le Code du travail interdit lui aussi toute forme de discrimination à l’égard d’un salarié en raison des motifs reconnus par la loi (article L 1132-1).
31Fortement contestée, la notion d’identité sexuelle » est remplacée dans de nombreux textes européens, et dans l’avis rendu en 2013 par la CNCDH42, par le terme d’identité de genre, reconnu dans le droit international. C’est du moins ce que demande la CNCDH qui préconise d’abord de faire entrer la notion « d’identité de genre » dans le droit français. Les principes de Jogjakarta43 définissent l’identité de genre comme « faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre » qu’elle « corresponde ou non au sexe assigné à la naissance ». C’est-à-dire qu’on se construit tou(te)(s) une identité en fonction du sexe auquel on s’identifie mais aussi en fonction du genre qui nous correspond le mieux. Cette « identité de genre » doit être distinguée de la sexualité, souligne l’avis de la CNCDH et ne peut se résumer sous la forme « il existe des garçons masculins et des filles féminines » mais plutôt « qu’il existe autant de formes et d’expressions singulières de son genre qu’il y a d’individus ». Ce rapport, dans les termes du communiqué de la CNCDH, visait à « rétablir la dignité des trans44. »
32CNCDH, HALDE et maintenant Défenseur des droits : l’arsenal juridique français est-il suffisant ? Les chiffres qui vont suivre tendent à prouver le contraire. Mais il convient également de souligner le faible nombre, l’absence même de plaintes et de jugements allant dans le sens de la reconnaissance des actes et des propos transphobes. Dans ce contexte, un regard sur la situation internationale nous éclaire considérablement sur le retard pris par la France en matière de lutte contre la transphobie45.
Ce que dit le droit européen et international
L’avis de la CEDH (1992)
33En France comme dans d’autres pays, le droit ne se prononce pas de manière autonome et indépendante de la médecine sur le changement de sexe. Très longtemps même, le droit ne s’est pas prononcé du tout. Par une décision du 25 mars 1992 (Affaire B. contre France), la Cour européenne des droits de l’homme condamna la France. Saisie d’une plainte, la Cour européenne décida « que le droit français, en exigeant une révélation constante de son sexe officiel, plaçait quotidiennement la requérante dans une situation globale incompatible avec le respect dû à sa vie privée. » La France a de ce fait été condamnée pour violation de l’article 8 CEDH. La même année, en décembre, la Cour de cassation rend ses conclusions46. Elle se base alors sur la définition proposée en 1982 par le professeur René Küss, urologue, ancien président de l’Académie nationale de médecine pour laquelle il avait rendu un rapport sur le transsexualisme. Les conclusions de la Cour de cassation précisent alors que :
Selon René Küss, dont la communication, adoptée à l’unanimité le 29 juin 1982 par l’Académie de médecine, fait autorité dans les milieux scientifiques – le transsexualisme se caractérise par le « sentiment profond et inébranlable d’appartenir au sexe opposé à celui qui est génétiquement, anatomiquement et juridiquement le sien », accompagné du « besoin intense et constant de changer de sexe et d’état civil ». Le transsexuel – qui est le plus souvent un homme – se sent victime d’une erreur insupportable de la nature dont il demande la rectification tant physique que civile pour parvenir à une cohérence de son psychisme et de son corps et obtenir ainsi une réinsertion sociale dans le sexe opposé.
34La Cour de cassation se calque précisément sur la psychiatrie pour dire ce qu’est la transidentité, réduite au phénomène transsexuel. À l’opposé, la psychiatrie voit parfois d’un mauvais œil le fait que la justice donne un avis sur un fait médical : ainsi, en 1994, Marc Louis Bourgeois, psychiatre au sein du protocole de Bordeaux, écrivait un article intitulé « Le changement de sexe est-il un droit de l’homme ?47 », dans lequel il trouvait étonnant que ce soit à la justice de traiter de cas médicaux. Nous sommes un an après la condamnation de la France par la Cour européenne de Justice, condamnation qui permettra aux personnes trans d’obtenir un changement d’état civil, conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme portant sur le respect de la vie privée. Aujourd’hui la question trans n’est plus dissociable de la question juridique. L’affaire « B. Contre France » permet de noter que la France prend acte de la condamnation : « la France doit modifier son système actuel, du triple point de vue des actes d’état civil, des pièces d’identité et des autres documents d’usage courant », mais elle souligne immédiatement que le changement d’état civil ne pourra se faire qu’à la condition que, « pour le requérant comme pour la collectivité, un minimum de garanties » soit établi. Il reviendra à la médecine et aux protocoles de fournir ces garanties. À l’exception d’une loi proposée le 9 avril 1982 par Henri Caillavet48, « tendant à autoriser les traitements médico-chirurgicaux pour les anormalités de la transsexualité et à reconnaître le changement d’état civil des transsexuels », il n’y a pas eu de proposition de loi visant, précisément, à améliorer les conditions de vie des personnes trans avant la condamnation de la France. Depuis, seule la lutte contre les discriminations permet d’apprécier l’audace timide du législateur face au changement de sexe.
Droits de l’Homme et identité de genre
35Une des pierres angulaires du mouvement associatif Trans actuel repose sur les recommandations de Thomas Hammarberg, Commissaire européen aux droits de l’homme. Son texte, intitulé « Droits de l’homme et identité de genre49 », marque une rupture avec les pratiques juridiques françaises. Il préconise aux États membres de :
Droits de l’homme et identité de genre
1. Mettre en œuvre les normes internationales des droits de l’homme sans distinction et interdire expressément la discrimination fondée sur l’identité de genre dans la législation nationale antidiscrimination. Cette mise en œuvre au niveau national devrait s’inspirer des principes de Yogyakarta50 sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre ;
2. Adopter une législation relative aux infractions motivées par la haine offrant une protection spécifique aux personnes transgenres contre les infractions et les incidents inspirés par la transphobie ;
3. Instaurer des procédures rapides et transparentes de changement de nom et de sexe sur les extraits d’acte de naissance, cartes d’identité, passeports, diplômes et autres documents officiels ;
4. Dans les textes encadrant le processus de changement de nom et de sexe, cesser de subordonner la reconnaissance de l’identité de genre d’une personne à une obligation légale de stérilisation et de soumission à d’autres traitements médicaux ;
5. Rendre les procédures de conversion de genre, telles que le traitement hormonal, la chirurgie et le soutien psychologique, accessibles aux personnes transgenres et en garantir le remboursement par le régime public d’assurance maladie ;
6. Supprimer les dispositions portant atteinte au droit des personnes transgenres à demeurer mariées à la suite d’un changement de genre reconnu ;
7. Élaborer et mettre en œuvre des politiques de lutte contre la discrimination et l’exclusion auxquelles font face les personnes transgenres sur le marché du travail, dans l’éducation et dans le système de santé ;
8. Consulter les personnes transgenres et leurs organisations et les associer à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et de dispositions juridiques les concernant ;
9. Promouvoir les droits humains des personnes transgenres et lutter contre la discrimination fondée sur l’identité de genre au moyen de l’éducation aux droits de l’homme, de programmes de formation et de campagnes de sensibilisation ;
10. Dispenser aux professionnels de santé, notamment aux psychologues, psychiatres et médecins généralistes, une formation sur les besoins et les droits des personnes transgenres et l’obligation de respecter leur dignité ;
11. Intégrer les questions relatives aux droits humains des personnes transgenres dans les activités des organes de promotion de l’égalité et des structures nationales des droits de l’homme ;
12. Développer des projets de recherche pour recueillir et analyser des données sur la situation des personnes transgenres au regard des droits de l’homme, y compris sur les problèmes de discrimination et d’intolérance, et ce sans porter atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes concernées.
36Ce texte n’est pas seul dans l’archipel naissant des supports juridiques favorables aux personnes trans qui ne se rabattent pas sur une définition médicale liée au « transsexualisme ». Il précède un texte juridiquement plus significatif et intitulé « Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre51 », souvent repris par les militants sous l’appellation « résolution 1728 ».
Le Conseil de l’Europe appelle les États membres à :
- Adopter et appliquer une législation anti-discrimination incluant l’orientation sexuelle et l’identité de genre parmi les motifs de discrimination prohibés et des sanctions pour les infractions ;
- Traiter la discrimination et les violations des droits de l’homme visant les personnes transgenres et, en particulier, garantir dans la législation et la pratique les droits de ces personnes […] à des documents officiels reflétant l’identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir une stérilisation ou d’autres procédures médicales comme une opération de conversion sexuelle ou une thérapie hormonale.
37Si l’on peut se demander quel impact peut avoir le texte de Thomas Hammarberg (non contraignant, mais très contrariant), on peut néanmoins rappeler les tentatives nationales, parfois avortées, pour importer ce texte52. Dans son article intitulé « Transsexualisme et Droit : état des lieux », Georges Fauré note que : « La question du transsexualisme a posé et pose toujours une difficulté aux juristes » et qu’« une possible attitude restrictive du Droit français est à nouveau susceptible de passer sous les fourches caudines de la Convention européenne des droits de l’homme53. » Dans cette perspective, les militants trans saisissent l’opportunité de ces contradictions juridiques pour mettre à mal le traitement français du « transsexualisme ». En activant des logiques de comparaisons à l’échelle européenne, soit en utilisant le droit européen soit en utilisant celui d’un pays voisin, les personnes trans recomposent la carte des possibles en termes de changement de sexe comme de changement de genre. La question intersexe entre ici en résonance avec la question trans. Lire par exemple : Guillot Vincent et Janik Bastien Charlebois (2013) « Géographie de l’intersexualité54 ».
L’exemple argentin
38En 2012, revenant sur la loi argentine relative à l’identité de genre, Philippe Reigné explique qu’« en 2002, la Cour européenne des droits de l’homme admit que le sexe ne pouvait plus être déterminé selon des critères purement biologiques », précisant qu’il « est proposé de tirer toutes les conséquences découlant de cette jurisprudence et, notamment, d’autoriser le changement d’état civil des personnes transidentitaires par simple déclaration devant l’officier d’état civil, à l’instar des solutions consacrées par la récente loi argentine du 30 novembre 201155. » Le juriste parle de « compromis » pour qualifier une approche possible dans le contexte français si l’on adhère à l’idée qu’une loi serait profitable aux personnes. Il détaille les points clés de la loi et de l’esprit de la loi en Argentine : « Après avoir consacré le droit de toute personne à la reconnaissance de son identité de genre, cette loi permet de demander la modification de la mention du sexe et des prénoms indiqués sur les registres de l’état civil sans qu’il soit “nécessaire de prouver une opération chirurgicale de réassignation génitale totale ou partielle, une thérapie hormonale ou tout autre traitement psychologique ou médical”56. » « Le changement d’état civil est effectué par l’officier d’état civil sans qu’il y ait lieu de saisir une juridiction57. » Malgré de nombreux avis en faveur de cette loi et le travail des associations, le dossier d’une loi progressiste en France piétine.
39Un flashback pourrait s’avérer éclairant sur cette loi et ses effets symboliques : « Quelques jours avant l’adoption de la loi en Argentine, l’interview de Pedro Paradiso Sotille (CHA : Comunidad Homosexual Argentina), sur ABS-CBN News58, nous rappelle que cette loi est soutenue par les sénateurs et la présidente, qu’elle permet des changements d’état civil sans opération de réassignation et sans stérilisation, et qu’elle va aussi bénéficier aux personnes souhaitant l’opération59. » Le traitement médiatique en France n’est pas moins intéressant, le quotidien Le Monde titre : « En Argentine, choisir son genre devient un droit » et l’article développe : « Ce texte autorise les citoyens argentins à déclarer le sexe de leur choix, et ainsi de changer d’état civil selon leur bon vouloir, sans nécessiter l’accord d’un médecin ou d’un juge. L’identité de genre ne dépend plus que du “vécu intérieur et individuel du genre, tel que la personne le perçoit elle-même”60.» Le Figaro explique : « Le sénat argentin a approuvé dans la nuit d’hier à aujourd’hui un projet de loi sur l’identité sexuelle qui autorise les travestis et transsexuels à déclarer le sexe de leur choix auprès de l’administration, endossant ainsi définitivement le texte adopté en première instance par la Chambre des députés61. » Le 12 mai 2012, on peut lire dans Le Nouvel Observateur : « L’Argentine, premier pays d’Amérique latine à avoir légalisé le mariage entre personnes du même sexe, a encore étonné cette semaine en autorisant le libre choix de l’identité sexuelle et l’euthanasie, des avancées possibles en l’absence de contrepoids conservateur et grâce à une opinion publique urbaine […] Ils interviennent après la loi sur le mariage entre homosexuels adoptée en 2010 et restée un cas unique en Amérique latine. » L’AFP cite la sénatrice du parti au pouvoir Sonia Escudero : « Les deux thèmes constituent une réaffirmation de l’autonomie et des droits individuels, ils reflètent un élargissement de la conscience des citoyens62. » Dans l’article que consacre le magazine Têtu à cette actualité on retient que c’est sur « simple requête [intertitre de l’article] au Registre national des familles que la demande devra être effectuée. Les mineurs devront la faire par le biais de leurs parents […] La confidentialité est également respectée, puisque l’acte de naissance initial ne sera consultable qu’avec l’autorisation de l’intéressé ou sur demande d’un juge63. » Sur Yagg, on partage la joie de Mauro Cabral (de GATE : Global Action for Trans* Equality) expliquant que la « nouvelle loi permet aussi aux mineur. e. s de modifier leur genre, avec le consentement de leur représentant.e légal.e. En cas de désaccord, un juge devra trancher pour assurer la protection des droits de l’enfant. « Ce soir, nous sommes vraiment heureux/ses et fièr.e.s de notre mouvement et de nos allié.e.s et prêt. e. s à faire que cette loi fonctionne pour changer notre réalité64. »
40Toujours dans une volonté d’analyse antéchronologique, revenons sur les analyses de l’anthropologue Corinne Fortier et la juriste Laurence Brunet, elles écrivent en 2012 peu avant l’adoption définitive de la loi : « Le projet de loi le plus progressiste en la matière ne vient pas d’un pays européen, mais d’un pays d’Amérique latine, l’Argentine, où aucun diagnostic psychiatrique ni médical n’est exigé pour le changement d’état civil ; au moment où nous écrivons ce texte, il semble que cette loi du 30 novembre 2011 n’ait pas encore été votée par le Sénat, mais elle a déjà été approuvée par une majorité de députés en décembre 201165. » Elles précisent : « Cette loi sur “l’identité de genre” (gender identity law) affirme très clairement dans son article 4 qu’aucun traitement médical ou psychiatrique n’est nécessaire pour changer à la fois “d’identité de genre”, de prénom, et de photo sur ses documents d’identité : “En aucun cas il ne sera nécessaire d’attester de la réalisation d’une procédure chirurgicale de réassignation génitale totale ou partielle, de thérapies hormonales, ou de tout autre traitement psychologique ou médical”66. » De Philippe Reigné à Daniel Borillo, de Corinne Fortier à Laurence Brunet, des médias internationaux aux médias français, les effets de la loi argentine sont bien mesurés comme « une vraie rupture avec la manière classique et médico-psychiatrique d’aborder la transidentité, et plus largement l’identité sexuée, et pourrait légitimement inspirer d’autres législations, y compris européennes67. »
41Avec la référence à Daniel Borillo, nous revenons à un temps « post loi argentine » et au plus proche de la pensée de Philippe Reigné donnée en introduction de ce chapitre. L’un des effets de la loi argentine a été de lancer un débat en France. La Commission nationale des droits de l’homme s’est ainsi engagée dans une série d’auditions durant l’année 2013. À cette occasion, les analyses de Borillo se sont révélées toujours plus éclairantes dans l’exposé de « L’expérience argentine » : « La loi argentine 26 743, du 23 mai 2012, crée un nouveau droit subjectif de l’individu dénommé “droit à l’identité de genre”. Selon l’article 2 de la loi : “On entend par identité de genre l’expérience intime et personnelle de son genre vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps. Celle-ci peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens pharmacologiques, chirurgicaux ou autres”68. » Borillo s’attache à détailler les différentes implications de la loi la prise en compte « d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire. » Le juriste considère « que sur le plan juridique, le sexe a quitté le corps pour s’installer dans l’âme ». L’idée d’une réappropriation du genre ou de sa libre disparition est avancée : « Le genre devient ainsi un élément de la personnalité disponible par l’individu en tant que composante essentielle de sa vie privée. Le genre cesse donc d’être une question d’ordre public pour devenir une variable dépendante exclusivement de la volonté et de l’autonomie individuelles ». Borillo définit alors les trois autres prérogatives découlant du droit à l’identité de genre : « a) le droit à la reconnaissance de l’identité de genre, b) le droit au libre développement de la personnalité conformément à l’identité de genre et c) le droit à être traité en accord avec son identité de genre, en particulier sur les aspects de registre de l’état civil69. »
42On a vu précédemment que la loi conduit ici à une démédicalisation totale de la question trans et que l’appel aux outils et techniques de la médecine revient aux initiatives individuelles, aux besoins et souhaits spécifiques des personnes. La question des remboursements est-elle même affranchie de la pathologisation (la psychiatrie) et répond aux principes de bienveillance et d’équité en médecine et sur les principes du droit consacrés par la loi. L’expérience argentine est bien plus complexe que ne laisse entendre la narration médiatique des faits. La lecture des juristes cités ici par exemple est à encourager. Les acteurs de l’associatif et du juridique en Argentine travaillent sur les effets de cette loi sur la vie des personnes trans et sur la société argentine. Nous attendons les premiers rapports avec une certaine impatience. La nouvelle donne sur l’identité de genre a-t-elle elle-même produit des effets sur la transphobie ?
Notes de bas de page
1 Nous faisons ici référence aux observations et entretiens réalisés par Arnaud Alessandrin au début de l’enquête.
2 On nomme « passing » l’action qui consiste à « passer vers » un genre.
3 Nous avons parfois légèrement reformulé le langage parlé suivant les règles grammaticales, sans altérer le sens des propos.
4 Dubet François et al., Pourquoi moi ?, Paris, Le Seuil, 2013, p. 19.
5 De ce point de vue, les travaux sur l’insulte de Didier Eribon, Réflexion sur la question gay, Paris, Flammarion, 2012, nous semblent tout à fait éclairants.
6 Whittle Stephen, Engendred Penalties, Londres, ed. Cabinet Office, 2007.
7 Espineira Karine, « Transphobie », dans Bellebeau B. et Alessandrin A. (dir.), Genre !, Paris, Des ailes sur un tracteur, 2014, pp. 70-73.
8 Bourdet Sylvie, Purgnière Jean-Michel, « Attirance sexuelle, suicidalité et homophobie intériorisée. Étude chez 210 jeunes hommes », dans Welzer-Lang D., Zaouche C. (dir.), Masculinités : états des lieux, Paris, Eres, 2011, pp. 113-122.
9 Espineira Karine, art. cit., pp. 70-73.
10 Tin Louis-Georges (dir.), Dictionnaire de l’homophobie, Paris, PUF, p. 406.
11 Nicot Stéphanie et Augst-Merelle Alexandra, Changer de sexe : identité transsexuelles, Paris, Le Cavalier Bleu, 2006, p. 183.
12 Ibid., p. 43.
13 Ibid., p. 44.
14 Ibid.
15 International Day Against Homophobia : Journée mondiale contre l’homophobie (et la transphobie, depuis 2009).
16 Comité Idaho, Refusons la transphobie, respectons l’identité de genre !, 17 mai 2009. En ligne : http://idahofrance.fr/presse-idaho-france_lire_o_67_156_5.html?PHPSESSID=b1d81702a8d06b311c5577093919e6c4 (consulté le 20 mai 2013).
17 http://www.transgenderdor.org
18 Stonewall de Nigel Finch, BBC, Royaume-Uni, 1995.
19 Voir : Duberman Martin, Stonewall, Plume, 1994 ; Sylvia Rivera, « Queens in Exile, The Forgotten Ones », dans Joan Nestle, Clare Howell, Riki Wilchins (dir.), Genderqueer : Voices from Beyond the Binary, New York, Alyson Publications, 2002, pp. 67-85 ; Paisley Currah, Richard M. Juang, Shannon (dir.), Transgender Rights, Price Minter, University of Minnesota Press, 2006.
20 « A woman for her time, In Memory of Stonewall Warrior Sylvia Rivera », « A woman for her time, In Memory of Stonewall Warrior Sylvia Rivera », 26 février 2002, http://www.villagevoice.com/2002-02-26/news/a-womanfor-her-time (consulté le 10 février 2011).
21 Anne-Charlotte Husson définit la police du genre « comme un ensemble d’instruments de contrôle sexiste, une régulation du féminin qui vaut évidemment aussi pour la catégorie des hommes. » Pour Husson, la police du genre « se fonde sur le poids de la norme et du tabou que constitue la transgression des limites traditionnellement assignées au féminin et au masculin. » Husson Anne-Charlotte, « Police du genre », dans Bellebeau E. et Alessandrin A. (dir.), Genre !, Paris, Des ailes sur un tracteur, 2014, pp. 52-54.
22 La frontière estimée étanche et décisive entre hommes et femmes, masculin et féminin, déploie un régime de genre que nous appelons, à la suite de Serano, un régime cisgenre. En 2007, Serano introduit ce concept dans la littérature universitaire et revient sur ce qu’elle nomme : « le privilège de la naissance cissexuelle ». Nous entendons « cisgenre » comme la caractéristique d’une personne pour qui l’assignation de genre à la naissance correspond à son identité de genre. Lire aussi : Alessandrin Arnaud, « La question Cisgenre », dans ¿Interrogations ?, no 15. Identité fictive et fictionnalisation de l’identité (I), décembre 2012 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/La-question-Cisgenre (consulté le 29 décembre 2014).
23 Nagoshi Julie, Adams Katerine, et al., « Gender differences in correlates of homophobia and transphobia », Sex Roles, 2008, vol. 59, no 7-8, pp. 521-531.
24 Cette typologie est déjà présente, même esquissée, dans nos précédents écrits comme La Transyclopédie (avec Thomas Maud-Yeuse), Paris, Des ailes sur un tracteur, 2012.
25 On voit à cet endroit que ce qui est nommé transphobie indirecte rejoint le concept de cisgenrocentrisme.
26 http://www.youtube.com/watch?v=BOjeZnjKlp0
27 Ricœur Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1990.
28 Kosofsky Sedgwick Eve, Épistémologie du placard, Paris, Éditions Amsterdam, 2008 (1990). Traduit par Maxime Cervulle.
29 Eribon Didier, Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Paris, Larousse, 2003, pp. 365-366.
30 Pour une lecture du livre, lire : Perreau Bruno, « Eve Kosofsky Sedgwick », Genre, sexualité & société [En ligne], 1 | Printemps 2009, mis en ligne le 29 juin 2009, http://gss.revus.org/378
31 Disponible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000209/0000.pdf
32 En référence aux conclusions rendues en 1992 par la Cour de cassation (décision discutée dans le chapitre suivant).
33 Ministère de la Justice, Circulaire CIV/07/10, 14 mai 2010.
34 « Demandes de changement de sexe à l’état civil par les personnes transsexuelles ou transgenres ». Question écrite no 14524 de Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC), publiée dans le JO Sénat du 22/07/2010, p. 1904.
35 Réponse du ministère de la Justice publiée dans le JO Sénat du 30/12/2010, p. 3373.
36 Hérault Laurence, La parenté transgenre, Aix-Marseille, Université de Provence, coll. « Penser le genre », 2014, 146 p.
37 Alessandrin Arnaud, La transidentité, Paris, L’Harmattan, 2011 ; Sironi Françoise, Psychologie(s) des transgenres et des transsexelles, Odile Jacob, 2011.
38 Alessandrin Arnaud, « Droit, psychiatrie et corps trans : un triple débordement », dans Aux frontières du genre, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 141-155.
39 Alain Giami, Emmanuelle Beaubatie, Jonas Le Bail, « Caractéristiques sociodémographiques, identifications de genre, parcours de transition médicopsychologiques et VIH/sida dans la population trans. Premiers résultats d’une enquête menée en France en 2010 », BEH, no 42, pp. 433-438, 2011.
40 Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, remplacée par « le Défenseur des droits ».
41 Délibération relative à l’inadéquation entre l’apparence physique d’une personne transsexuelle et son numéro de sécurité sociale no 2008-190 du 15/09/2008.
42 Commission nationale consultative des droits de l’homme.
43 http://www.yogyakartaprinciples.org/principles_fr.pdf.
44 Pour lire le rapport : http://www.cncdh.fr/fr/actualite/la-cncdh-souhaiteretablir-la-dignite-des-trans.
45 Au moment où nous écrivons ce livre (décembre 2014-janvier 2015), aucune proposition de loi n’a encore été défendue par le gouvernement et ne semble pouvoir l’être. Si des pré-projets de loi ont été dévoilés (mais également critiqués par les associations trans), les demandes concernant un débat sur « l’identité de genre » et sur l’accès facilité à un changement d’état civil sont au point mort. Lire à cet égard : http://yagg.com/2014/10/14/droitsdes-trans-un-vrai-changement-detat-civil-libre-et-gratuit-cest-possible-par coline-neves/
46 Jeol Michel, Bulletin d’information de la cour de cassation - Jurisprudence et doctrine - Communications, publication bimensuelle, no 360, 1er février 1993, Journal Officiel.
47 Bourgeois Marc-Louis, « Le changement de sexe est-il un droit de l’homme ? » Synapse, 105, 1-5, 1994.
48 Lire à ce propos la préface du livre de Maxime Foerster, Histoire des transsexuels en France, Saint-Martin-de-Londres, H&O, 2006.
49 Hammarberg Thomas, Droits de l’homme et identité de genre, Document thématique. Commissaire européen des Droits de l’Homme, octobre 2009.
50 Les principes de Yogyakarta sont des principes internationaux basés sur les droits Humains relatifs à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre : http://www.yogyakartaprinciples.org/principles_fr.htm
51 Texte adopté par l’Assemblée le 29 avril 2010 (17e séance) et disponible en intégralité sur : http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta10/FRES1728.htm
52 Cf : la proposition de loi PS préconisait la prise en compte des discriminations liées à « l’identité de genre ».
53 Faure Georges, « Transsexualisme et droit : état des lieux », Ethique & Santé, 1, Paris, Masson, pp. 159-161, 2004.
54 Guillot Vincent et Bastien-Charlebois Janik, « Géographie de l’intersexualité », in Géographie des homophobies, sous la dir. de Arnaud Alessandrin et Yves Raibaud, Paris, Armand Collin, 2013, p. 241-268.
55 Reigné Philippe, « Le sexe et l’état civil », Le laboratoire politique, Think Tank Different, juin 2012, en ligne, www.thinktankdifferent.com, p. 12 (du pdf).
56 Art. 4, al. 5, de la loi du 30 novembre 2011.
57 Art. 6 de la loi du 30 novembre 2011.
58 « Gender change law soon in Argentina rights group », Ryan Chua, 21 avril 2012.
59 Nous reprenons dans ce chapitre des éléments de notre contribution aux « Actes de la table ronde du 7 juin 2013 sur les transidentités », table ronde organisée par L’Inter LGBT et Id Trans : Espineira Karine, « L’identité de genre. L’impensé sociojuridique dans les sociétés de droit », en ligne, http://www.inter-lgbt.org/IMG/pdf_Actes_droits_des_trans_7_Juin_2013_vfinal.pdf, pp. 48-57. Note : sur cette version en ligne, ma bibliographie a été modifiée sans mon accord.
60 . Valérie Pasquesoone, Le Monde, 10 mai 2012.
61 « Argentine : une loi sur l’identité sexuelle », 10 mai 2012.
62 « L’Argentine étonne encore en autorisant le libre choix de l’identité sexuelle et l’euthanasie », AFP, 12 mai 2012. « En Argentine, il est maintenant possible de choisir son genre », Mathilde Guillaume, 11 mai 2012.
63 « En Argentine, il est maintenant possible de choisir son genre », Mathilde Guillaume, 11 mai 2012.
64 « L’Argentine adopte une loi historique sur l’identité de genre », Maëlle Le Corre, 10 mai 2012.
65 Fortier Corinne et Brunet Laurence, « Changement d’état civil des personnes “trans” en France : du transsexualisme à la transidentité », Paris, Anthemis, 2012, pp. 63-113, p. 82-83.
66 Cf. http://reloaded.e-llico.com/article.htm?articleID=27597 et www.transactivists.org. La personne doit être âgée de plus de 18 ans, mais la loi prévoit aussi une procédure particulière pour les mineurs. « In no case will it be needed to prove that a surgical procedure for total or partial genital reassignment, hormonal therapies or any other psychological or medical treatment has taken place. »
67 Fortier Corinne et Brunet Laurence, art. cit.
68 Borillo Daniel, « L’identité de genre et le droit : entre ordre public et vie privée », Audition de Daniel Borrillo devant la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le 19 mars 2013.
69 Ibid.
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