La mise en œuvre en région : Le cas du CREPS Aquitaine
p. 431-442
Texte intégral
I. Le C.R.E.P.S. Aquitaine – un creuset d’initiatives multiples pour la formation et l’entraînement du jeune athlète
1Gérer le sport de Haut niveau est une mission difficile car il s’agit d’un domaine à compétence partagée entre l’État, le mouvement sportif et les collectivités.
2Le cadre institutionnel, législatif et réglementaire
- loi du 16.07.1984
- décret du 31.08.1993
- instruction du 24 mars 1995
- circulaire M.E.N. – M.J.S. du 12 octobre 1995
3s’il précise parfaitement la responsabilité de chacun des acteurs demeure d’une grande complexité dans la mise en œuvre des dispositifs locaux.
4Le sport de Haut niveau ne pouvant être considéré pour certains d’entre eux comme leur mission essentielle, la responsabilité fixée à chacun par les textes ne peut garantir à elle seule le bon fonctionnement de l’ensemble des structures en charge, au final de la mise en œuvre d’un projet global et concerté qui a l’ambition d’amener de jeunes athlètes au plus haut niveau en leur permettant de poursuivre leurs études, de favoriser leur intégration socioprofessionnelle et de permettre leur accès à la vie adulte et citoyenne.
5Le C.R.E.P.S. Aquitaine est une de ces structures d’accueil de jeunes athlètes dans 11 pôles rassemblant près de 250 athlètes où émergent toutes les actions et les initiatives d’origine diverses tendant à qualifier le système.
6La multiplicité et la diversité des intervenants sont nécessaires pour contribuer à tisser autour de l’athlète l’environnement le plus favorable à sa réussite, chacun apportant sa spécificité et sa culture.
7C’est dans l’animation du dispositif que se situe le rôle du C.R.E.P.S. et dans sa fonction de médiation entre les acteurs institutionnels afin de favoriser au mieux leur investissement dans le projet.
8C’est aussi de coordonner l’action individuelle de chacun pour préserver la cohérence du projet.
C.R.E.P. S. AQUITAINE UN PROJET INTERACTIF POUR METTRE UE SPORTIF AU CŒUR D’UN DISPOSITIF DE QUAUITÉ

1. Pour ce qui concerne la formation
9Le rôle attribué à l’Éducation nationale est fondamental, toutefois l’existence de textes précis fixant les orientations ne peut à elle seule rendre le système efficient sans l’implication forte des responsables.
10En effet si les services de l’Éducation nationale sont directement concernés par le sport de Haut Niveau, il reste qu’à Bordeaux c’est bien la volonté des Recteurs successifs qui a permis la mise en œuvre d’un tutorat de qualité ; c’est bien aussi l’engagement constant des lycée et collège Victor Louis et du lycée Alfred Kastler qui a permis la création de classes spécifiques, c’est bien la motivation particulière des enseignants affectés à ces classes qui permet de faire vivre le projet.
11Grâce à cette culture tissée au fil des années depuis la création des C.P.E.F (Centre permanent d’entraînement et de formation) en 1985, le rôle du responsable du suivi scolaire, formateur au C.R.E.P.S. a progressivement évolué pour devenir un rôle de médiation et de coordination entre tous les acteurs de la vie scolaire en interface avec l’entraîneur.
2. Pour ce qui concerne la prévention de la santé
12Dans l’établissement le service médical est un lieu privilégié pour les sportifs : lieu de repos, de détente, voire lieu d’expression et d’écoute tout autant que lieu de soins.
13Dans ce secteur aussi interviennent de nombreux acteurs qui ont en charge une responsabilité commune liée à l’intégrité physique et morale de l’athlète.
14Autour du médecin gravitent podologue, diététicien, kinésithérapeutes. C’est à lui qu’il appartient de contacter les familles, le médecin traitant, le médecin fédéral, les entraîneurs, les formateurs du C.R.E.P.S. en charge de l’évaluation des athlètes.
15Au cœur de ce dispositif, l’infirmière joue aux côtés du médecin, un rôle social fondamental.
3. Sur la vie quotidienne et la citoyenneté
16Les jeunes dans l’ensemble ne perçoivent pas le rôle du C.R.E.P.S. comme une instance de médiation ; ils confèrent à l’entraîneur une toute puissance, un savoir absolu, tout comme au médecin. Tout cela entraîne une certaine déresponsabilisation qui ne va pas dans le sens du chemin qu’un adolescent doit emprunter pour accéder à la vie adulte.
17C’est pourquoi la vie quotidienne dans l’établissement a une valeur toute particulière car c’est là aussi que ceux qui ont en charge le Haut Niveau au C.R.E.P.S. Aquitaine peuvent favoriser l’initiative et associer les jeunes à la construction de leur parcours.
18Une commission « vie en internat », le dialogue avec les surveillants, la définition du choix de leurs loisirs, des entretiens individuels, un bilan trimestriel sont autant de moyens qui s’inscrivent dans cette démarche de citoyenneté.
4. Conclusion : richesse et faiblesse du dispositif
19Le sport de Haut niveau est un domaine complexe qui nécessite dans tous les domaines de grandes compétences.
20Nombreux sont les hommes et les femmes qui mobilisent leur talent. Loin de redouter la multiplication des intervenants, il appartient au C.R.E.P.S. d’organiser la mise en synergie et de favoriser les initiatives de chacun des acteurs. C’est à la fois la force et la faiblesse de tout un système.
21« Toute chose appartient à qui la rend meilleure », comme l’écrit Brecht dans Le cercle de craie caucasien.
22C’est bien cette cristallisation de compétences déclinées dans chacun des compartiments du Haut niveau au sein du C.R.E.P.S. Aquitaine qui doit lui permettre d’être véritablement un centre de ressources.
II. Les solutions au creps Aquitaine pour la formation initiale des sportifs de haut niveau
23J’aborderai tout d’abord la formation scolaire. Ce secteur m’apparaît déterminant pour l’avenir des jeunes sportifs. Je vous ferai part des solutions adoptées et des questions qu’elles soulèvent. Je ferai ensuite le point sur les études universitaires.
24C’est à partir de 1985 que les CREPS se sont vu confier une mission tout à fait nouvelle : celle d’accueillir ce que l’on a appelé à l’époque les Centres Permanents d’Entraînement et de Formation (C.P.E.F.). Confidentielle en 1985, cette mission est très rapidement devenue importante tant par les enjeux fixés par le Ministère que par le nombre de sportifs de haut niveau concernés.
25Le fonctionnement de ces premières années était très insatisfaisant : émiettement du suivi, emploi du temps éclatés, quasi-impossibilité de regrouper les sportifs en dehors des horaires du soir, etc.
26Très vite s’est imposée à nous l’idée qu’il fallait organiser la vie de ces jeunes d’une manière spécifique. L’environnement favorable du CREPS Aquitaine (2 lycées et 1 collège à proximité immédiate), le passé sportif de ces établissements (présence de sections sports-études) nous a orienté vers l’idée de créer, dans ces établissements, des classes réservées aux sportifs de haut niveau et dont les emplois du temps seraient spécifiques.
27Nous avons donc soumis ce projet aux proviseurs des lycées voisins, et M. Pitault proviseur du Lycée Victor Louis l’a trouvé cohérent et porteur pour son établissement. Il a donc pris le dossier à bras le corps et bénéficiant de l’appui capital et inconditionnel de M. Leguillou, Inspecteur Pédagogique Principal et chef de cabinet du Recteur, la Seconde sportive ouvrait ses portes en 1989 au Lycée Victor Louis, suivie les années suivantes de la Première et de la Terminale.
28Cette ouverture décidée, encore fallait-il organiser, les journées, les semaines en fonction du projet sportif. Nous sommes partis de l’analyse de ce qui existait dans ce domaine (sections sports-études, INSEP, Lycée de Font-Romeu, Toulouse, etc.) et pour rompre avec ce qui se faisait alors pour nous au quotidien, nous avons décidé, non plus de partir du temps scolaire, et d’organiser tant bien que mal le temps sportif, mais au contraire d’inverser le processus et de partir des souhaits et besoins des entraîneurs.
29Nous avons alors abouti à un projet d’organisation qui convenait à l’ensemble des disciplines sportives et qui fonctionne depuis 1991. Sans rentrer dans les détails, nous avons demandé au chef d’établissement si le programme scolaire pouvait être concentré sur 25 heures de cours maximum (par semaine, pour toutes les classes et toutes les sections) et si les emplois du temps pouvaient être établis en fonction des souhaits des entraîneurs (créneaux d’entraînement nécessaires : 1 séance le lundi, 2 séances les mardi et jeudi, le mercredi après-midi, et 1 ou 2 séances le vendredi).
30Le chef d’établissement et ses adjoints ont fait les choix pédagogiques pour permettre cette organisation :
- suppression des options ;
- aménagements des horaires/matière ;
- effectifs réduits pour rendre le travail plus efficace ;
- suivi pédagogique particulier, avec choix d’une équipe pédagogique impliquée dans un projet commun.
31Au fil des années, le nombre des Pôles augmentant et avec eux le nombre de sportifs, nous avons adopté la même démarche auprès du Lycée Alfred Kastler et du Collège Victor Louis. En 1995, une seconde sportive ouvrait au Lycée Kastler, puis une première S et une terminale S.
32Au collège Victor Louis, il ne s’agit pas de classes sportives mais d’élèves bénéficiant des mêmes aménagements que les autres sportifs.
33En résumé dans la structure actuelle et dans l’ensemble du dispositif : ce sont plus de 160 jeunes sportifs qui bénéficient de ces aménagements (rythmes de travail identiques, créneaux d’entraînement alignés quelles que soient la classe et la section).
34Tous ces aménagements font l’objet d’une convention Rectorat-Région-Établissements scolaires-CREPS. Tout cela a été possible grâce aux moyens mis à disposition pour le fonctionnement des classes sportives au Lycée Victor Louis et pour une véritable politique de suivi scolaire.
35En complément des cours dans les établissements, nous avons mis en place un accompagnement scolaire (études surveillées, cours de soutien, aide ponctuelle, cours de rattrapage). Cet accompagnement est un élément capital du dispositif. Cela a été possible grâce aux heures attribuées par le Rectorat de Bordeaux ; ce contingent d’heures est absolument indispensable pour assurer réellement une réussite dans la formation.
36Grâce à cela nous avons pu résoudre les difficultés au quotidien et au cas par cas, et nous avons fait le choix de l’aide aux élèves pour résoudre le problème n° 1 : la gestion du temps.
37Le Pôle France Tennis, (10 jeunes filles entre 13 et 16 ans) fonctionne tout à fait différemment. Pour rendre possible leur projet sportif et compte tenu des impératifs de la compétition en tennis féminin, nous avons été amenés à les scolariser au C.N.E.D. Là encore, l’accompagnement scolaire, le suivi, les moyens mis en œuvre restent décisifs dans la réussite.
38D’autres sportifs de haut niveau ont choisi également cette solution quand elle s’avérait judicieuse.
39Nous avons, également, été amenés à organiser pour deux sportives de haut niveau une planification du baccalauréat série S sur 2 ans : moitié du bac l’an dernier (avec succès d’ailleurs) et l’autre moitié cette année (montage très particulier au sein de l’Éducation nationale).
40Encore une fois, c’est le projet sportif et le niveau de compétition qui a déterminé ce choix concerté entre la famille, la fédération et les intéressées. Et le fait qu’une de ces deux sportives ait intégré cette année l’équipe de France A de natation est une satisfaction pour nous.
Après presque dix ans de fonctionnement, quel bilan, quelle analyse du dispositif ?
41La première remarque que l’on peut faire est que le sport de haut niveau a changé ces dernières années et que pour être concurrentiel sur le plan national et surtout international, le sportif de haut niveau ne peut faire l’impasse sur les impératifs d’entraînement, sur la participation aux compétitions de plus en plus nombreuses et sur le temps passé au médical, au paramédical, à la récupération, en fait, tout ce qui fait l’apprentissage du haut niveau. Tout cela au moment de l’adolescence avec un temps scolaire contraignant et une ambition sportive en devenir.
42Ne pas tenir compte de ces paramètres serait irréaliste même si l’on peut parfois avoir des réserves face à cette évolution.
43La future carrière sportive se joue en partie dans beaucoup de sports à ce moment-là. Faire du sport de haut niveau entre 15 et 18 ans, c’est assumer des semaines de 60 à 70 heures, c’est consacrer les week-ends aux déplacements et compétitions, les vacances aux stages...
44Le choix du sport professionnel ne se pose pas encore chez nous et nous devons donc avoir de l’ambition pour la formation. Elle ne doit être ni un alibi, ni un leurre mais s’intégrer dans un projet individuel concerté et à long terme. La possibilité de s’appuyer sur un projet sportif fort et cohérent nous semble un véritable atout pour engager une perspective sociale.
Comment évaluer ?
45Les résultats au baccalauréat ? L’analyse sur ces cinq dernières années montre un pourcentage de plus de quatre-vingt pour cent. Et si on prend en compte ceux qui l’ont obtenu en deux ans, on approche des cent pour cent. On a bien sûr quelques échecs, en cours ou en fin de cursus scolaire, ce qui nous oblige à être vigilants. Ces échecs seraient sûrement intéressants à analyser mais pour l’instant ils ne l’ont pas été de manière précise, même si j’ai des éléments de réponse (antériorité, temps passé dans la structure, famille...). Mais plus que les résultats au bac ou aux examens, nous avons vraiment le sentiment que grâce aux parcours proposés, au cadre fourni, aux moyens mis en œuvre nous avons souvent évité que la pratique sportive amène à la marginalisation et souvent permis à de nombreux jeunes de se récupérer et de préserver leur avenir.
46Autre élément d’analyse : la poursuite des études, le devenir social ; là encore, l’analyse reste à faire. Il nous paraîtrait intéressant qu’un travail de recherche soit mené sur ce point. Que sont devenus au plan sportif et au plan social les sportifs qui ont fréquenté ces structures ? Comment ont-ils vécu leur parcours ? Les aspects positifs l’ont-ils emporté sur les aspects négatifs ?
47En conclusion de cette partie, je dirai qu’à notre échelle, nous avons essayé de raisonner et d’agir par rapport aux besoins de l’individu dans un fonctionnement collectif. Nous avons différencié les approches (classes sportives, C.N.E. D, parcours individuels) pour répondre aux besoins spécifiques DU sportif de haut niveau.
48Quelles interrogations sont les nôtres après ces 10 ans ? Celles qui reviennent le plus souvent sont :
- assistanat et autonomie ;
- ghettoïsation et socialisation ;
- responsabilisation ;
- projet éducatif ;
- quel est le prix à payer pour ces jeunes ?
- le rassemblement des élites sportives est-il nécessaire surtout chez les jeunes ?
49Nous n’avons évidemment pas de réponses définitives. Des risques existent mais, si c’est le sportif en tant que personne qui reste au centre des préoccupations, de son environnement (famille, entraîneur, club...), les dangers sont faibles.
50Même si le tableau décrit semble quelque peu idyllique, il faut avouer que les difficultés quotidiennes de tous ordres, les problèmes individuels, les difficultés relationnelles et institutionnelles demeurent. Rien n’est gagné ! Il s’agit bien d’un challenge permanent et il suffit qu’un des éléments de cet environnement ne fonctionne pas ou fonctionne mal pour que tout s’enraye.
51Le coût du dispositif reste élevé (classes sportives, H.S.A du rectorat) mais les moyens mis en œuvre en amont ne compensent-ils pas largement les moyens nécessaires pour la reconversion, la réinsertion ou pour la prise en charge des « laissés pour compte ».
Qu’en est-il des études universitaires ?
52Évidemment l’analyse du sport de haut niveau et de ses contraintes reste la même que celle évoquée précédemment. On peut rajouter que c’est le moment où tout va très vite dans la carrière sportive et où les objectifs majeurs (Jeux olympiques, Championnats du monde et d’Europe) surviennent. Autant le temps scolaire est contraignant, autant le cursus universitaire paraît possible à moduler, à aménager et semble plus facile à approcher en terme d’objectifs individuels. Pourtant la situation sur le terrain apparaît plus difficile.
53Bien sûr le sportif de haut niveau est identifié, reconnu et bénéficie d’un statut lui donnant des droits (tutorat, statut de salarié, aide pédagogique). Il n’en reste pas moins que c’est souvent le parcours du combattant. De nombreuses formations universitaires sont fermées au sportif de haut niveau, l’obligeant soit à un choix radical, soit à se déterminer essentiellement sur des critères sportifs.
54L’aménagement réel du cursus, l’accompagnement mais surtout la gestion du temps (au quotidien, à l’année, ou sur les années) sont les éléments à prendre en compte. Nous ne raisonnons plus en terme de double projet (sportif et formation) mais sur un projet unique : celui du développement de l’individu dans la voie choisie.
55Ce qui se fait à Bordeaux, dans les I.U.T., par l’intermédiaire de la cellule Phase, ce qui est en place à Bordeaux I (contractualisation du sportif), l’existence d’un B.T.S. Action Commerciale au Lycée Victor Louis (réservé aux sportifs et aménagé en trois ans – Modèle INSEP), ce qui est en projet à la Faculté des Sports, me paraît aller tout à fait dans ce sens. C’est d’ailleurs ce qui s’est développé ou se développe à l’échelon national (INSA, Alès, Nancy, Grenoble, Poitiers...). De nombreuses universités proposent des parcours aménagés et individualisés. L’étudiant s’engage alors en connaissance de cause, peut planifier son parcours, se fixer des objectifs tantôt sportifs, tantôt universitaires, tantôt les deux. Il lui est alors plus facile de se responsabiliser.
56Concernant les universités de Bordeaux et le nombre de sportifs sur les listes ou bénéficiant du statut de sportif de haut niveau, ne serait-il pas utile de traiter ce dossier d’une manière transversale en réservant un poste d’enseignant responsable de l’ensemble des sportifs de haut niveau. Cela pourrait éviter l’émiettement des moyens (insuffisants actuellement), la dilution des responsabilités et des missions. Il me semble que cela est déjà en place dans certaines villes universitaires.
57En conclusion, je m’interroge toujours sur la place du sport de haut niveau dans l’éducation nationale. De nombreuses incompréhensions demeurent :
- incompréhension sur ce que vivent au quotidien les sportifs de haut niveau ;
- incompréhension sur les privilèges qui leur sont accordés ;
- incompréhension sur les moyens, (est-ce utile et nécessaire ?).
58Au niveau scolaire, l’édifice reste fragile malgré les textes (c’est vrai que la Circulaire d’octobre 1995 est une avancée puisque signée par les deux ministères), mais tout repose en fait sur la volonté des individus et notamment :
- le Recteur ;
- la Région ;
- le Chef d’établissement ;
- l’Équipe pédagogique (rôle capital dans la gestion du quotidien).
59Au niveau universitaire, j’ai la conviction que le sport universitaire peut mieux se positionner dans le contexte du sport national et que la reconnaissance du sportif au sein des universités deviendra réalité.
60J’ai enfin le souhait que le ministère, les fédérations et les régions à travers la labellisation des pôles jouent vraiment la carte du sport de haut niveau. Il en va de la crédibilité de tous et particulièrement de celle du sportif lui-même.
III. Une conception de l’évaluation dans un service public
61Le CREPS Aquitaine, que nous représentons, possède une structure d’évaluation (ou Centre Étude et Aide à la Performance) qui a pour mission de satisfaire la demande d’information des entraîneurs sur les capacités énergétiques des athlètes qu’ils entraînent. Ces informations obtenues après passage d’un test, étaient initialement centrées sur la consommation maximale d’oxygène ou V02 max. Ils se sont diversifiés et couvrent désormais l’ensemble des sources d’énergie à l’exercice. Une plaquette disponible dans l’établissement mentionne ces services et leur tarification.
62L’analyse quantitative de nos actions sur les athlètes des pôles et des structures associatives sur les quatre dernières années porte sur 1 000 personnes environ. Ce nombre paraît faible au regard du potentiel « de clientèle des licenciés sportifs locaux » mais cela représente une somme de travail considérable pour l’équipe qui anime la structure.
63L’analyse qualitative met en exergue les disciplines aérobies (cyclisme, course à pieds, triathlon). Nous attendons dans un futur proche l’extension des demandes d’évaluation à un plus grand nombre de disciplines sportives.
Démarche de l’entraîneur : luxe ou nécessité
64Les entraîneurs peuvent trouver dans les innombrables tests de terrain ceux qui leur semblent appropriés à leur discipline et leur effectif. Ils s’adresseront à nous pour plusieurs raisons :
- obtenir une information plus fine sur l’athlète, information que les tests de terrain ne donnent pas. L’analyse de la zone aérobie-anaérobie et des FC associées en est un exemple pour le métabolisme aérobie, la puissance moyenne exprimée lors d’une série de sauts au test de Bosco en est un autre. Nous sommes alors en présence d’entraîneurs experts ;
- désir de rationaliser le travail en conjuguant les savoirs théoriques et pratiques ;
- donner plus de poids au diagnostic que nos mesures corroborent ;
- recherche de partenariat avec une équipe désintéressée, transparente dans les missions qu’elle s’assigne (pas de clientélisme).
65Ces informations nécessitent des mesures répétées aux mêmes moments d’entraînement. Elles autorisent alors la comparaison.
66Le CEAP est une structure originale et relativement méconnue qui fonctionne depuis une quinzaine d’années.
Une structure encore méconnue
67Le CEAP se fixe pour objectifs d’aider le compétiteur dans un cadre d’optimisation de la performance. Ainsi, le pratiquant d’une association voisine, satisfait des formations et conseils qui lui sont donnés fait connaître nos services à autrui. C’est pratiquement la seule forme de publicité qui assure notre équilibre économique. Étant déjà partenaires de fédérations, nous sommes contactés par d’autres afin que le plateau technique devienne le lieu de rassemblement de l’élite pour évaluation à un moment précis de la saison.
Une structure originale
68Du point de vue des entraîneurs, l’évocation d’un laboratoire est souvent associée à la présence de médecins et de scientifiques et à des aspects fondamentaux de l’exercice. Notre stratégie prend en compte des sentiments opposés telles la fascination ou la répulsion que peut générer la représentation habituelle du lieu.
69Dès lors, les conditions d’efficacité d’une telle stratégie pour éviter ces extrêmes nous semblent être :
- Exprimer notre philosophie de l’évaluation aux kinésithérapeutes du sport, médecins, entraîneurs et étudiants que nous recevons, avant toute opération. C’est peut-être pour cette raison que nous avons le sentiment d’agir avec une assez grande liberté, les fédérations ne nous imposant pas l’usage de protocoles contraignants.
- La présence d’évaluateurs qui partagent le désir d’accompagner le performer et qui communiquent avec lui dans une langue accessible.
- La capacité d’écoute des problèmes, des doutes de l’évalué.
- La mise en confiance de l’évalué lors de la préparation du test (énoncé de la tâche protocole).
- Une recherche de sens lors de l’interprétation du résultat.
- Un dialogue qui permettra d’entrevoir des orientations d’entraînement.
Cohésion et compétences de l’équipe d’intervenants
70Elle se compose de duos formés à partir d’un effectif de quatre personnes en relation constante avec le médecin de l’établissement.
71D’évidence une bonne cohésion entre les acteurs facilite la répartition des tâches autour du test. Elle se traduit aussi par la complémentarité des savoirs sur les différents aspects de l’exploration énergétique. La compétence de l’évaluateur, de notre point de vue se manifeste par :
- Une connaissance approfondie du vivant.
- La capacité à modéliser les disciplines à partir de leur spécificité.
- Une large expérience d’entraîneur.
- La maîtrise absolue des outils du laboratoire.
- Des connaissances méthodologiques sur les divers modes de préparation à la performance.
- La capacité à formuler un diagnostic immédiat et prudent.
Phénomènes auxquels les évaluateurs doivent faire face
72Si dans une majorité de cas nous n’avons pas d’observations particulières à émettre sur les couples athlète-entraîneur qui viennent au CEAP, il nous faut cependant signaler le repérage de zones d’ombre dans le domaine de la « préparation physique », notion quotidiennement évoquée.
73Les efforts de clarification et de mise en structure des exercices de préparation nous paraissent insuffisants, les disciplines trop peu interrogées.
L’hétérogénéité des évaluations sur les divers plateaux techniques
74Il se peut que les athlètes produisent un résultat d’épreuve d’effort passé en CHU. Le protocole de l’épreuve n’est hélas jamais le même, et le commentaire n’est pas assorti de conseils pour la préparation. Il est alors difficile d’exploiter ces documents, de procéder par exemple à des comparaisons.
L’invitation à l’ingérence
75Nous sommes sensibles à la notion de couple entraîneur-entraîné et constatons quelquefois la fragilité de l’union. Nous pouvons aussi percevoir une défaillance du modèle d’entraînement. Notre discours « éclairé » peut alors amener l’entraîneur, ou l’athlète quand il est seul, à nous donner le pouvoir de redéfinir, recomposer les exercices. Pour éviter ces perversions, il est indispensable de fixer les limites de notre action.
Les croyances
76L’information obtenue par le test n’est qu’un point de l’image photographique obtenue par l’évaluation. Ce point peut focaliser l’attention et laisser croire que la clé de la performance est liée au développement de la capacité explorée. Il faut donc pondérer, relativiser le résultat.
La mésestime de soi
77Il n’est pas rare que l’athlète avant l’épreuve se déclare mal en point, insuffisamment préparé, comme s’il percevait en nous les détenteurs de la vérité et craignait l’annonce d’un mauvais résultat. Cela se confirme par l’inquiétude que porte la question « c’est mal ou c’est bien ? » posée après l’épreuve. Une évaluation est efficace si l’entraîneur la didactise. Le résultat n’est jamais « bon ou mauvais » ni comparé à une norme. Il est par contre un élément de comparaison de soi à deux moments différents de l’entraînement.
La détresse
78L’athlète peut sembler manquer totalement de repères et assimiler notre discours à une révélation. Il a le sentiment d’avoir été trahi jusqu’à lors par ceux qui prétendaient le conseiller et d’avoir de ce fait perdu son temps.
Le rejet des évidences
79L’épreuve imposée à un athlète qui doit la subir ne peut aboutir à un résultat fiable. Ce type de situation inconfortable peut s’exprimer aussi par le déni de l’évidence, le sujet contestant le portrait qu’on fait de lui.
Perspectives et conclusion
80La fonction d’évaluation en laboratoire dans le domaine du sport de compétition concerne peu de personnes en France. Elle requiert dans notre structure des capacités relationnelles, pédagogiques et techniques et se décline par des tâches complexes et délicates menées à bien par des professeurs de sport essentiellement.
81Il faut pour assumer ces tâches une volonté personnelle, et une capacité à s’autoformer.
82Nous essayons de faire en sorte que les pratiquants quittent le CEAP confiants et rassurés. Connaissant les difficultés inhérentes à l’optimisation de la performance, nous pensons que l’évaluation prend tout son sens dans un cadre de suivi qui nécessite une continuité dans l’action. Nous avons alors l’assurance d’accompagner le compétiteur dans son voyage vers la performance.
83La création d’un site CREPS Aquitaine sur internet nous donnera très bientôt la possibilité de mieux faire connaître nos services, de communiquer à distance avec les entraîneurs et de partager notre culture au moyen de publications on line, voire d’ouvrir un forum.
Auteurs
Directeur du Centre Régional d’Education Populaire et de Sport (CREPS) Aquitaine.
Responsable du suivi scolaire et universitaire des sportifs de haut niveau – Centre Régional d’Education Populaire et de Sport (CREPS) Aquitaine.
Centre d’Etude et d’Aide à la Performance – Centre Régional d’Education Populaire et de Sport (CREPS) Aquitaine.
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