Introduction
p. 375-376
Texte intégral
Les sciences humaines face à la performance et au spectacle sportif
1Peut-on dresser un tableau des recherches en sciences humaines traitant du sport de haut niveau et du sport professionnel en région ? La tâche peut paraître bien périlleuse. P. Chifflet, en s’y attelant, insiste justement sur le caractère incomplet de son travail. Son texte est surtout l’occasion de réfléchir sur les raisons du petit nombre de travaux dans ces domaines. Mais la faiblesse numérique ne tient-elle pas aux contraintes mêmes du questionnement ?
2Sans doute le triptyque « sport de haut niveau », « sport professionnel », « région » impose-t-il de nombreuses limites à la réflexion. L’espace du sport professionnel peut en effet se conjuguer partiellement avec la notion de « région », aux plans politique, administratif, voire identitaire, comme le démontrent par ailleurs les communications d’A. Smith et de N. Hourcade. Mais son « territoire » est plus largement celui de la diffusion des spectacles sportifs. Quant au sport de haut niveau, il diffère du sport professionnel, bien qu’il se soit fortement professionnalisé dans ses méthodes d’entraînement et ses modes d’organisation. Dans bien des cas, l’espace du sport de haut niveau est plutôt national ; l’appartenance à l’équipe de France – être le représentant de la France au niveau international – étant la référence centrale. Par extension, pour des raisons de gestion de carrières sportives le plus souvent, on parle de « haut niveau régional », par exemple pour l’aménagement d’études universitaires. Cela ne signifie pas que le sportif de haut niveau soit un « déraciné », l’implantation régionale, voire locale, des clubs et des centres d’entraînement pouvant favoriser son intégration sociale (le cas du rugby dans le Sud-Ouest en étant l’exemple typique).
3Ainsi, des objets d’étude en sciences humaines articulant l’espace régional avec le sport professionnel ou le sport de haut niveau, peuvent paraître limitatifs De fait, nombre de travaux abordent de manière à la fois élargie et spécifique, des éléments de ce triptyque.
4Comment les objets d’étude sont-ils alors définis ? Souvent à partir de « problèmes », générés par le sport professionnel ou le sport de haut niveau (la violence, l’argent, le dopage...). Dès lors, les études recèlent une dimension critique qui renforce la méfiance déjà forte des responsables de ces secteurs à l’égard de chercheurs en sciences humaines, perçus comme agents de désenchantement d’un monde qui se voudrait enchanté. Les seules recherches acceptables aux yeux de ces dirigeants ou cadres, seraient celle appliquées à l’optimisation de la performance, ou visant explicitement à résoudre des dysfonctionnements organisationnels ou sociaux. Pourtant la dimension critique est nécessaire aux sciences humaines, elle est même à la base de la démarche analytique. Mais elle peut prendre des formes diverses. Dans certains cas, une description rigoureuse des comportements individuels ou sociaux peut avoir une portée critique plus forte qu’une analyse se réclamant explicitement d’une démarche d’élucidation de mécanismes cachés de domination sociale.
5Entre la critique radicale de la performance et du spectacle sportif, d’une part, et les sciences de la gestion du sport de haut niveau et du sport professionnel, d’autre part, existe un vaste espace de recherche, encore peu exploré. Des incitations institutionnelles des ministères concernés et des organismes de recherche, pourraient favoriser leur développement. Elles impliqueraient sans doute le dépassement de certaines concurrences paralysantes, entre des filières universitaires dominées par des enjeux corporatifs, et entre ministères, plus soucieux de défendre leur pré carré que de s’associer sur des programmes de recherche.
Auteur
Professeur des Universités, Directeur du département de sociologie – Université Victor Segalen Bordeaux 2.
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