Les effectifs de la noblesse en France sous l’ancien régime
p. 19-43
Texte intégral
1Les effectifs de la noblesse, et leur évolution, présentent un enjeu historiographique important à des titres multiples. De par leur supériorité sociale, les nobles étaient en situation de constituer un encadrement de l’ensemble de la société, et notamment des populations rurales, mais celui-ci n’était réel que si des nobles relativement nombreux résidaient dans le pays. Du fait de leurs prétentions à participer prioritairement à l’exercice de toute autorité, le nombre des nobles affectait la répartition du pouvoir local, qu’il s’agisse des offices de justice ou du pouvoir municipal. Les nobles étaient appelés aussi à servir l’État ; comme ils avaient vocation, en premier lieu, à fournir à l’armée des soldats d’élite (dans la gendarmerie française ou dans les tercios espagnols), ou son encadrement, leur nombre était une condition fondamentale dans le processus de construction des moyens d’action de l’État. D’un point de vue socio-culturel, la noblesse était un « modèle social »1 : les élites roturières l’imitaient, et y entrer est resté, pendant tout l’Ancien Régime, la première forme d’ascension sociale, si bien que les effectifs nobiliaires à diverses dates constituent un paramètre fondamental pour mesurer les phénomènes de mobilité sociale. Enfin, les effectifs nobiliaires présentent une forte baisse dans plusieurs pays d’Europe au XVIIIe et parfois dès le XVIIe siècle. À Venise par exemple, le nombre des nobles est passé de 6 500 en 1568 à 3 400 à la fin du XVIIIe siècle ! Toutes ces questions présentent en France un enjeu d’autant plus important que c’était le plus grand et le plus peuplé pays d’Europe.
2Or la mesure de l’effectif nobiliaire a longtemps posé des problèmes difficiles à cause de plusieurs circonstances : les problèmes posés par les sources, la dispersion de celles-ci, les vastes dimensions du territoire et la diversité de l’espace peuplé. Longtemps le débat a varié entre une évaluation haute, de l’ordre de 300 000 individus, adoptée par Robert Dauvergne2, et une évaluation basse, de l’ordre de 130 000 individus, avancée par Taine et, plus récemment, par Guy Chaussinand-Nogaret3. Sans viser une exactitude absolue (les historiens songent trop rarement qu’une exactitude absolue n’est accessible à aucune science, même aux sciences dites exactes), des mesures moins approximatives et plus assurées peuvent être obtenues en reprenant l’ensemble de toutes les sources et en posant le problème dans le temps, c’est-à-dire en tentant des mesures à diverses dates.
SOURCES ET MÉTHODES
LES PROBLÈMES DE SOURCES
3Ce n’est pas ici le lieu de reprendre longuement la critique des sources. Pour le XVIe siècle, nous disposons surtout des rôles du ban et de l’arrière-ban4 qui, en fait, sont des listes non pas des nobles mais des chefs de ménage teneurs de fiefs. Parmi ces derniers s’étaient déjà glissés des roturiers enrichis et ayant acquis un fief. Il faudrait donc identifier ces roturiers et les éliminer, ainsi que les nobles ne résidant pas dans le bailliage5 ; on obtient alors la liste des nobles résidents, à condition que ces rôles incluent aussi les nobles ne possédant pas de fiefs. En attendant que ce long travail d’identification des individus soit généralisé, retenons que les rôles de l’arrière-ban permettent de mesurer les effectifs des feudataires.
4Puis, pour les années 1666-1673, nous disposons des listes résultant de la grande réformation de la noblesse6 voulue par Colbert et Louis XIV. Chacune de ces listes, élaborées dans les généralités dans des conditions diverses, relève d’une critique spécifique, et nous ne nous y attarderons pas ici.
5Enfin, pour le XVIIIe siècle, j’utilise surtout les rôles de la capitation, impôt institué en 1695 et auquel la noblesse n’a pas échappé. Le premier intérêt de ces rôles est de fournir les noms des chefs de ménages. Dans certaines provinces en effet, comme la Provence, les sources disponibles n’indiquent que des lignages7, et nous ignorons le nombre de ménages par lignage, et donc le nombre total de ménages. Des rôles de capitation sont conservés dès 1700. En outre, pour quelques généralités pour lesquelles les rôles ne sont pas conservés, je pense avoir montré que certains chiffres récapitulatifs donnés dans diverses sources, notamment plusieurs Mémoires pour l’instruction du duc de Bourgogne, ont été élaborés à partir de la capitation8. On tenait des rôles distincts des « nobles », des « privilégiés » et des « officiers », si bien que, sauf cas particuliers, il n’y a guère d’incertitudes sur le statut9 des individus : mes chiffres résultent du comptage des cotes sur les rôles du premier type. Mais les nobles qui étaient officiers étaient capités avec les officiers, et il faudra tenter d’évaluer le nombre des officiers qui étaient nobles dans chaque juridiction, ce qui n’a pu être fait ici. On retiendra donc que tous nos chiffres pour le XVIIIe siècle n’incluent pas les officiers et sont donc des approximations par défaut. Un dernier avantage important des rôles de capitation, c’est qu’ils étaient censés être exhaustifs, ce qui n’est pas le cas des listes d’électeurs nobles ayant comparu aux assemblées de bailliage pour les élections aux États généraux de 1789, car les non possédant fiefs n’ont été convoqués que collectivement, et il est à penser que des mécontents se soient tenus à l’écart10. Certes les rôles de capitation n’étaient pas absolument complets, et j’ai pu vérifier, pour la Bretagne11, en comparant les rôles avec d’autres sources comme les registres paroissiaux, qu’un nombre non négligeable de nobles pauvres étaient omis dans les rôles dès 1710. Cependant, je pense que ces omissions n’étaient pas nombreuses au point d’empêcher de fonder une approximation. Pour l’élection de Vire, en Basse Normandie, Amaury Du Rosel vient de reconstituer tous les foyers nobles aux XVIIe et XVIIIe siècles d’après les sources les plus diverses12 ; la comparaison avec les chiffres fournis par la capitation (voir le graphique 1) montre que le rôle de 1789 est un peu incomplet, mais que l’ordre de grandeur de ces données est tout à fait convenable. Dans toutes les sciences, une mesure est une approximation : on retiendra qu’en l’occurrence, il s’agit d’une approximation par défaut.
Graphique 1 - Les effectifs nobiliaires des élections de Bayeux et Vire

MÉTHODES
6Énumérons rapidement quelques considérations de méthodes. Tout d’abord, les travaux sur les effectifs nobiliaires devraient préciser s’ils présentent des nombres de ménages ou de lignages (voire d’autres objets clairement définis), ce qui malheureusement n’est pas toujours le cas ; ici, comme pour d’autres problématiques, le mot « famille » est très vague et devrait être évité.
7Une inconnue supplémentaire est celle du nombre d’individus par ménage, qui n’est pas fourni par les rôles fiscaux, et que les registres paroissiaux ne permettent pas vraiment de reconstituer. Ce nombre dépend et de la structure des ménages, et de faits démographiques comme le nombre de naissances, le nombre d’enfants décédés, le décès des conjoints, etc. Dans l’idéal, cette variable peut être observée dans les recensements, qui, dans la France d’Ancien Régime, ne sont pas tout à fait aussi rares13 qu’on le pensait. Dans la ville de Lyon14, parmi les ménages de « nobles et sieurs », c’est-à-dire surtout des familles de marchands vivant noblement après leur passage à la charge d’échevin, le nombre d’habitants par feu était de 4,7 en 1597 et 6,3 en 1636, serviteurs inclus ; comme, dans l’ensemble de la population, la proportion des serviteurs était respectivement de 13 % et 27 %, le nombre moyen, par feu, d’individus apparentés est passé de 4,1 à 4,4. En Savoie en 1702, Jean Nicolas15, après plusieurs soigneuses corrections, évalue l’effectif à 3 400 individus pour 795 capités, ce qui implique un nombre moyen de 4,3 individus par ménage. Ces évaluations nous paraissent valables pour la noblesse française à la même époque ; en attendant des études spécifiques sur ce problème, et dans le but de comparer les effectifs nobiliaires à ceux de l’ensemble de la population, nous affectons indifféremment à tous nos nombres de ménages un coefficient de 4,5.
8La collecte de données numériques n’a d’intérêt que si l’on en tire un travail de comparaison et de synthèse. À cette fin, et comme l’a proposé Jean-Marie Constant16, nous calculons systématiquement des densités, c’est-à-dire des nombres d’individus par km2, car ce sont les densités qui permettent des comparaisons et dans l’espace et dans le temps. Les densités, notamment, rendent comparables des données fournies en un même lieu à des dates différentes et dans le cadre de circonscriptions différentes. En outre, dès lors que l’on dispose de deux mesures pour un même lieu à deux dates différentes, il est intéressant de calculer le taux de variation annuel17, car seul cet indicateur, dont il est paradoxal que les historiens l’utilisent si peu, permet de comparer des variations connues sur des périodes de durées différentes.
9Enfin, puisque nous ne disposons pas de données pour l’ensemble du territoire, une extrapolation est nécessaire, de l’espace connu à l’espace total. Cette extrapolation ne saurait consister en une simple règle de trois sur le nombre des bailliages, en raison de l’extrême variabilité de la superficie de ceux-ci ; Manfred Orlea18 a procédé ainsi pour le XVIe siècle, et c’est une des raisons qui invalide complètement le résultat qu’il a proposé (l’autre étant l’absence totale de critique des rôles). Il faut, lorsque la géographie administrative est assez bien connue, fonder l’extrapolation sur la superficie de l’espace sur lequel existent des données. Plus celui-ci est vaste, plus la marge d’incertitude sur le résultat est étroite. Pour le XVIIIe siècle, les données disponibles pour les décennies 1690-1700 couvrent 55 % du territoire (dans les frontières actuelles) ; pour les décennies 1770-1780, les rôles de capitation existant en couvrent 60 %. Les conditions d’extrapolation sont donc relativement satisfaisantes et elles permettent même de calculer un taux de variation.
10Pour le XVIe siècle en revanche, nous sommes pour l’instant dans l’incapacité de présenter un tel bilan à cause de notre méconnaissance de la géographie administrative à cette époque. Il devrait être possible de réaliser une carte des bailliages au milieu du XVIe siècle, dont il résultera les mesures de leurs superficies19. Pour l’instant, le chiffre de Manfred Orlea n’étant pas recevable, il m’a paru nécessaire et possible de proposer des estimations provisoires pour la fin du XVe et le XVIe siècle. La première est d’ailleurs cohérente avec celle qu’a avancée Philippe Contamine20. Vers 1560, la marge d’incertitude de mon évaluation est grande puisqu’elle se situe entre une hypothèse basse de 41 000 ménages et une hypothèse haute de 50 000 (dans le royaume du temps), mais mieux vaut un intervalle raisonné qu’une mesure fausse.
RÉPARTITIONS DANS L’ESPACE
GÉOGRAPHIE DU PEUPLEMENT
11Les extrapolations donnent une densité de 0,41 noble par km2 vers 1700, et de 0,26 dans la décennie 1780. En 1700, les 49 000 foyers nobles (Paris et officiers non compris) constituaient 1 % de la population. Nous sommes loin, on le sait, de la nombreuse noblesse polonaise (au moins 6 % de la population).
Tableau 1 - Extrapolations à l’ensemble du territoire
vers 1698 | vers 1785 | |
Nombres de cotes dans les sources | 26 734 | 18 519 |
Superficie des régions documentées (km2) | 293 836 | 320 841 |
Densité (nb nobles/km2) | 0,409 | 0,260 |
Nombre de cotes calculées21 | 48 678 | 30 882 |
Source : Nassiet, 1995, p. 107 et 109 (avec des compléments).
12Considérons les résultats d’abord de façon synchronique, car les phénomènes de peuplement présentent souvent une grande inertie, c’est-à-dire qu’ils changent lentement et constituent des faits de structure. Jacques Dupâquier l’a constaté à quatre siècles d’intervalle pour la population du Vexin entre 1332 et 171322. Il en est de même de la noblesse. En Bretagne, à trois siècles d’intervalle et malgré la forte diminution de l’effectif, la répartition géographique de la noblesse entre 1426 et 1710 est restée sensiblement la même23. Pour la France, nos résultats sont synthétisés par deux cartes, par élections ou diocèses, en 1700 et dans la décennie 1780. Dans les régions où nous avons des données aux deux dates, le Nord et le Nord-Ouest notamment, la géographie du peuplement est la même, ce qui révèle un phénomène analogue d’inertie.
13L’intérêt d’une étude au niveau de l’ensemble de la France est aussi de révéler des continuités entre deux généralités, c’est-à-dire des phénomènes de peuplement dont certains semblent indépendants des institutions et des histoires provinciales.
14Une grande région de densités maximales est constituée par tout le littoral de la Manche, depuis le Boulonnais au nord jusqu’au Léon (à l’extrémité de la péninsule bretonne). La densité y était supérieure à 0,7 en 1700 et 0,32 vers 1780. Il se confirme que les densités les plus élevées se trouvaient en Normandie, et surtout, outre l’élection de Rouen, en Basse Normandie (plus de 1,4 et de 0,7 aux mêmes dates). En Bretagne, seule la côte nord avait des densités élevées, et seul l’évêché de Saint-Brieuc avait une noblesse aussi nombreuse que celle de la Basse Normandie.
15Une seconde région de densités relativement élevées (plus de 0,17 vers 1780) est constituée par le littoral atlantique, depuis Quimper jusqu’au Bordelais (l’élection de Bordeaux présente une densité seulement moyenne, mais c’est parce que les fortes densités du Bordelais sont compensées par les basses densités du Médoc et des pays de landes)24. À proximité de ce littoral, des densités assez élevées apparaissent particulièrement au niveau des grandes vallées : celles de la Loire (circonscriptions de Nantes et Angers), de la Dordogne (élection de Sarlat) et de la Garonne (Condom, Agen, Montauban et, surtout, Toulouse). Le Languedoc présente aussi des densités relativement élevées, notamment au bord de la Méditerranée (Montpellier, Nîmes).
16Une troisième tendance consiste en un phénomène de continentalisation, avec des densités moindres dans l’intérieur du pays. En 1700 elle apparaît dès l’extrémité orientale de la Picardie. La généralité de Paris présente une diminution continue du nord-ouest au sud-est. Des densités faibles se retrouvent en Champagne, en Bourgogne, en Haute Alsace.
17Enfin certains pays étaient presque vides de nobles (moins de 0,1 vers 1780) à cause de conditions naturelles difficiles. C’étaient notamment les pays aux terroirs stériles, faits de sols sablonneux (Landes, Sologne) ou perméables (Champagne pouilleuse), ou couverts de vastes forêts (l’Argonne, c’est-à-dire l’élection de… Sainte-Menehould). C’étaient aussi certaines montagnes faisant frontières, Alpes (élection de Gap) et Jura.
18De ces variations du peuplement nobiliaire, il faut considérer les conséquences et chercher des explications.
19Cette variation des densités avait des conséquences et pour la vie de relations, et pour les types d’habitat et de résidence. Ainsi en Basse Normandie et dans l’évêché de Saint-Brieuc, les hautes densités de peuplement nobiliaire correspondent étroitement à la fréquence élevée des manoirs. En outre, dans un pays de noblesse nombreusse comme la Bretagne, chaque paroisse comptait plusieurs seigneuries, et un nombre plus élevé encore de gentilshommes ; ceux-ci se rencontraient fréquemment et souvent de façon conflictuelle, notamment parce qu’ils entraient en compétition pour les prééminences honorifiques dans l’église paroissiale. C’est pourquoi plusieurs auteurs d’ouvrages sur le duel aux XVIe-XVIIe siècles sont des Bretons. Par ailleurs, les relations avec les paysans étaient fréquentes et familières. En Bretagne comme en Normandie existait une plèbe nobiliaire dont les membres échangeaient des femmes avec les paysans aisés. Lors de la révolte des Bonnets rouges en 1675, un de leurs textes revendicatifs montre que les paysans considéraient les nobles comme membres à part entière de la communauté. En revanche, dans un pays de densité nobiliaire moyenne, comme l’élection de Vendôme (0,197 en 1785), il n’y avait des nobles que dans 45 % des paroisses rurales, et quand il y en avait, ils étaient au nombre de deux, trois ou quatre25. Dans plus de la moitié des paroisses rurales, il n’y avait donc aucun encadrement de la population par la noblesse. Dans le Maine, Jean-Marie Constant trouve des nobles beaucoup moins nombreux dans la vallée du Loir, qui allait être très républicaine au XIXe siècle, qu’à l’ouest de la rivière Sarthe, région politiquement conservatrice26.
Carte 1 - Densité de la population nobiliaire vers 1698

Sources : Michel Nassiet, 1995.
Cartographie : D. Digout, LARHRA, UMR 5190
Carte 2 - Densité de la population nobiliaire vers 1785

Sources : Michel Nassiet, 1995.
Cartographie : D. Digout, LARHRA, UMR 5190
20Pour tenter d’expliquer les variations du peuplement, il faut distinguer la répartition à grande échelle, d’une part, et les variations locales, de l’autre. À l’échelle de toute la France, la géographie que nous venons d’observer n’était pas fondamentalement différente de celle de l’ensemble de la population27. La proximité de la mer et les grandes vallées offraient des facilités et d’approvisionnements et d’exportations des grains qui intéressaient la noblesse encore plus que le reste de la population. Cependant il faut toujours se défier de tout déterminisme géographique. Si les conditions naturelles les plus défavorables déterminaient une présence nobiliaire très faible, la fertilité des terroirs céréaliers ne déterminait pas nécessairement un peuplement noble très dense : la densité de l’élection de Chartres, la Beauce, n’était que de 0,18, bien inférieure à celle du Perche voisin.
21C’est que l’explication de cette répartition doit être recherchée aussi dans la dimension historique et un passé lointain. Les densités élevées de la Normandie et du littoral breton septentrional existaient déjà au XVIe ou même au début du XVe siècle, et remontent sans doute au milieu du Moyen Age. J’ai déjà avancé l’hypothèse que cette noblesse littorale nombreuse descende d’une population de limitanei que les grands feudataires auraient jadis installée sur de petits fiefs littoraux pour assurer la défense de la côte28. De même, par opposition aux conditions naturelles favorables qu’offraient les vallées de la Dordogne et de la Garonne, la forte densité nobiliaire du Béarn semble renvoyer à une specificité institutionnelle, puisque la noblesse y avait eu une définition particulière. Sans oublier que tous les nobles n’étaient pas des seigneurs, les variations du peuplement doivent être reliées aux modalités du régime seigneurial. Dans le Jura, par exemple, beaucoup de fiefs appartenaient au domaine royal ou à des bénéfices ecclésiastiques, ce qui en laissait peu à la noblesse.
22Si, à l’échelle de tout le pays, il y avait une corrélation entre le peuplement nobiliaire et l’ensemble de la population il n’y en avait pas à l’échelle régionale. En Basse Normandie par exemple, l’élection de Domfront avait une population très dense (19 feux par km2) mais, pays montueux et assez peu fertile, elle présente une densité noble (0,54 en 1695) moindre que maintes élections voisines ; à l’inverse c’étaient des élections bien moins peuplées (11 à 12 feux par km2, Saint-Lô et Carentan) qui avaient les densités nobles maximales. Comme les élections étaient hétérogènes du point de vue des conditions de subsistance, le mieux est de considérer les régions naturelles telles que la géographie les identifie, et recalculer les densités au sein de ces régions, comme le font Jean-Marie Constant et Laurent Bourquin. Dans le Limousin du XVIe siècle, la densité de la noblesse était étroitement corrélée à celle de l’ensemble de la population29. On serait tenté de penser que le type d’habitat, concentré ou dispersé, influait sur la densité nobiliaire. Ainsi dans le bailliage de Troyes en 1558, la « Champagne humide » avait à la fois un habitat relativement dispersé, la noblesse la plus nombreuse, et il y existait une noblesse pauvre, tandis que la Champagne crayeuse et sèche avait une densité nobiliaire trois fois inférieure30. En revanche, dans le diocèse de La Rochelle en 1667, étudié par Louis Pérouas31, le plat pays de plaines et de champs ouverts n’avait pas une présence nobiliaire supérieure au bocage (0,28 noble/km2 pour chacune des deux régions).
23Enfin, des densités plus fortes existaient souvent dans l’élection des capitales provinciales, ce qui révèle déjà l’attraction exercée par celles-ci.
L’URBANISATION DE LA NOBLESSE
24En effet les rôles permettent aussi d’étudier le niveau d’urbanisation32. Dans beaucoup d’élections, ils permettent de mesurer, parmi les nobles (non officiers rappelons-le), la proportion de ceux qui demeuraient dans la ville chef-lieu. Après s’être amorcée dès le XVIIe, l’option pour une résidence principale en ville a été une tendance forte parmi la noblesse du XVIIIe siècle. Cependant, la proportion de nobles vivant au chef-lieu de l’élection restait dans les années 1780 extrêmement diverse, puisqu’elle varie de 77 % à 7,9 % dans les capitales de généralités, et de 76 % à 2 % dans les chef-lieux inférieurs. En second lieu, le niveau d’urbanisation dépendait de tendances régionales. La Picardie était une province de population nobiliaire fortement urbanisée33. En revanche, en Bretagne, la part de population nobiliaire vivant aux chefs-lieux de diocèses était très faible, sauf à Nantes (45 %)34. Un niveau intermédiaire se trouve dans plusieurs généralités comme celles de Bourges, La Rochelle et Caen35. Finalement, la proportion de population noble dans la ville pouvait être supérieure à ce qu’elle était dans l’ensemble de la population : dans deux villes moyennes et en stagnation démographique comme Abbeville et Alençon36, respectivement 2,1 et 6 %.
25Le taux d’urbanisation dépendait d’abord de la force d’attraction des villes en raison de leurs fonctions. Les villes qui étaient à la fois chefs-lieux d’élection et de généralité étaient habitées souvent par une moitié de la noblesse de l’élection, comme Rouen, Caen, Châlon et Besançon (graphique 2). Les fonctions de très grandes villes comme Rouen et Bordeaux, à la fois ports et sièges d’un parlement, en ont fait de fortes concentrations nobiliaires (Rouen : 73 % des nobles de l’élection), non sans conséquences sur le bâti urbain, présentant des hôtels fastueux. Ici particulièrement il ne faut pas oublier que les rôles de capitation des nobles ne comprennent pas les officiers dont certains étaient nobles et qu’il faudra donc rajouter aux présentes statistiques. Ainsi dans la ville de Toulouse en 1695, aux 97 seigneurs et 232 autres gentilshommes s’ajoutaient 199 nobles officiers, présidents et conseillers des cours souveraines37, qui formaient donc en fait 38 % de la noblesse de la ville. À Pau de même, tous les parlementaires étaient nobles38. Quant à Paris, on ne sera pas étonné que l’ordre privilégié et dominant s’y soit implanté tout particulièrement, mais la différence entre les présences nobiliaires dans la grande capitale et dans une grande ville comme Rouen est pourtant impressionnante : à la fin de l’Ancien Régime, d’après une récapitulation qui pourrait être fondée sur une source fiscale, il pourrait y avoir eu jusqu’à 8 385 foyers nobles à Paris, contre 299 à Rouen39.
Graphique 2 - Part de la noblesse des chef-lieux de généralité par rapport à celle de l’élection

densité nb/km2
26Plusieurs des chefs-lieux rassemblant les plus fortes proportions de nobles de leur élection étaient des villes de noblesse de cloche40, c’est-à-dire ayant le privilège que l’exercice des charges municipales confère la noblesse (ou dont on disait qu’elles l’avaient) : Angers (76 %), Abbeville et Bourges (75 %), La Rochelle et Niort (74 %). Un autre facteur de forte urbanisation, négatif celui-là, était éventuellement le caractère difficile des conditions naturelles du pays environnant ; dans l’élection d’Issoudun en Berry, la densité nobiliaire n’était que de 0,166 en 1698 et 0,076 en 1788, et à cette date la ville d’Issoudun comptait 39 % des nobles de l’élection.
27Une population assez nombreuse à venir habiter en ville était celle des femmes nobles « seules », c’est-à-dire en fait veuves ou célibataires. Dans l’élection de Poitiers41 par exemple elles constituaient 40 % des foyers nobles dans la ville chef-lieu, et seulement 21,3 % dans le reste de l’élection, soit presque deux fois moins. Les requêtes pour obtenir un dégrèvement fiscal décrivent la situation parfois difficile de ces femmes, comme, à Caen, cette veuve d’un écuyer qui a dû se retirer dans une chambre « où elle travaille journellement »42. À Paris les veuves nobles étaient nombreuses mais la part des femmes seules était moindre en termes relatifs car la capitale attirait aussi beaucoup d’adultes masculins.
Tableau 2 - Statut matrimonial des chefs de foyers

VOCATION MILITAIRE ET INTÉGRATION AUX STRUCTURES ROYALES
28La connaissance des densités nobiliaires provinciales permet de mettre en perspective d’autres données quantitatives, comme les effectifs des militaires, et ceux des membres des institutions royales établies au niveau central.
29La vocation militaire des noblesses donnait lieu à de grandes variations d’une province à l’autre. Ainsi l’intendant de Languedoc constate en 1698 que les nobles de son gouvernement « ne sont pas même fort attachés au métier de la guerre », et le montre par une comparaison avec la Guyenne : il compte que cinq maréchaux de France ont été originaires de Languedoc, contre 23 maréchaux et deux connétables qui provenaient de Guyenne ; « il est surprenant, conclut-il, que les gentilshommes de deux provinces si voisines ayent des inclinations si différentes »43. J’ai proposé de construire des indices de la vocation militaire des noblesses des provinces en rapportant les effectifs d’officiers militaires au nombre de ménages de chaque province. Ainsi les lieutenants de l’armée44 en 1763 : 49 provenaient du Lyonnais, et cette généralité avait alors 400 ménages nobles, ce qui donne un ratio de 0,12. Les rapports ainsi calculés sont très variés, allant de 0,156 pour la Champagne à 0,03 pour la Bretagne, c’est-à-dire presque de 5 à 1. Les rapports les plus élevés signalent les noblesses qui établissaient le plus de fils dans les cadres de l’armée, et qui s’avèrent être surtout les noblesses frontalières de l’Est : Champagne, Bourgogne, Franche-Comté (0,152), Lyonnais (0,122), Dauphiné (0,117)45. Effectivement, l’intendant de Franche-Comté témoigne en 1698 à propos des gentilshommes « qu’il y en a peu qui fussent en état de servir qui n’ayent pris party dans les troupes du roy pendant cette guerre, et qu’ils y ont servy avec distinction ». Et pour revenir à la Guyenne, la généralité de Bordeaux se signale elle aussi par un indice élevé (0,126), conforme à la vieille tradition de service des Gascons dans l’armée. En revanche, les trois généralités normandes présentent des rapports presque aussi bas (0,05 à 0,004) que celui de la Bretagne.
30Ces études quantitatives peuvent contribuer à fonder une typologie des noblesses régionales en conjuguant plusieurs critères : la densité de population, la proportion de noblesse petite ou pauvre, le niveau d’urbanisation, la vocation militaire. Les noblesses de Normandie et de Bretagne avaient en commun trois caractères qui étaient liés : les densités les plus élevées, une forte proportion de noblesse pauvre, et enfin c’étaient elles qui établissaient le moins d’hommes comme officiers militaires, notamment parce que beaucoup de familles ne pouvaient pas faire face aux coûts du service, sauf comme officier de milice. La noblesse bretonne était un peu moins nombreuse que la noblesse normande, et, cependant, encore plus rurale. À l’inverse, les noblesses des provinces de l’Est avaient des densités assez faibles, mais établissaient de fortes proportions d’hommes comme officiers dans l’armée. Cela implique, comme c’était le cas en Bourgogne à la fin du XVIIe siècle, que de nombreuses familles établissent deux46 ou trois47 fils dans l’armée ou la marine, et jusqu’à cinq et même sept48 ; et que ce type d’établissement fût gardé par plusieurs branches d’un même lignage49. Les conditions de la vie militaire retardaient l’accès de ces hommes au mariage et leur infligeaient une mortalité élevée50, à cause des maladies autant que des combats. L’établissement de plusieurs frères comme militaires risquait donc de compromettre les chances de reproduction des lignées, ce qui reste à mesurer spécifiquement.
31Considérons aussi les effectifs d’enfants nobles placés dans des institutions éducatives royales. Les pages de la Grande Écurie51 provenaient surtout de Normandie et de Bretagne (respectivement 13,9 % et 13,8 %), c’est-à-dire les deux grandes provinces au peuplement nobiliaire le plus dense. Quant aux 3 160 filles nobles placées à Saint-Cyr, leurs origines géographiques52 se répartissent selon un modèle centre-périphérie centré sur Versailles, mais qui présente plusieurs distorsions très significatives. En premier lieu, dans le Bassin parisien, les Normandes et les Picardes sont beaucoup plus nombreuses que les filles des provinces au sud et au sud-est de Paris, ce qui est bien conforme à la décroissance des densités nobiliaires dans ces directions. En second lieu, les filles de l’Angoumois et du Périgord sont plus nombreuses que celles de provinces moins éloignées du centre, ce qui correspond à un maximum local des densités dans ces provinces. Enfin, sur l’axe Ouest-Est, à égales distances du centre, la noblesse bretonne n’avait pas plus de filles à Saint-Cyr que les noblesses de l’Est, aux densités beaucoup plus faibles. C’est que les demoiselles devaient être filles de militaires ; or la noblesse bretonne, on vient de le voir, eu égard à ses effectifs, établissait peu de fils dans l’armée. La plèbe nobiliaire ne satisfaisait pas aux conditions d’accès à Saint-Cyr parce qu’elle n’avait pas les moyens d’établir des fils comme militaires, et, au surplus, parce qu’elle devait manquer d’appuis pour présenter la demande. On pourrait s’étonner alors que la noblesse normande, qu’on vient de voir relativement peu militarisée, ait pu placer tant de fillettes à Saint-Cyr : or justement, la prépondérance normande dans cette institution a diminué progressivement tout au long de la période.
32Dans l’ensemble, la capacité à établir des fils dans l’armée et à placer des fillettes à Saint-Cyr, dès lors qu’elle est replacée dans le cadre des densités, devient extrêmement significative des relations entre les noblesses provinciales et le pouvoir central et de leur intégration différentielle aux structures royales.
DE FORTES FLUCTUATIONS
33Si les variations du peuplement dans l’espace étaient assez amples pour avoir les conséquences que nous venons de voir, les évolutions des effectifs constituent un phénomène de première grandeur. Celles-ci peuvent être mesurées dès lors que l’on dispose de deux rôles successifs pour une même circonscription.
AU XVIe SIÈCLE
34Au XVIe siècle, entre les décennies 1470 et 1560, pour lesquelles on dispose de rôles de l’arrière-ban, le nombre des feudataires dans l’ensemble a augmenté de façon considérable : le taux annuel de croissance est de 8,7 pour mille en Haut-Limousin, et de 12,7 dans le bailliage de Troyes (10,2 en excluant les habitants de Troyes, bourgeois ayant acquis des fiefs)53. Cette croissance est d’abord un rattrapage après la longue crise démographique des deux derniers siècles du Moyen Age. Ces taux très élevés, d’autant qu’ils sont calculés sur une période très longue de 90 ans, ne sont pas dûs seulement au croît naturel ; ils résultent aussi de l’entrée, au sein du groupe des feudataires, de bourgeois ayant acquis des fiefs et tentant de s’immiscer dans la noblesse.
35Cependant, si une telle croissance constitue le phénomène sans doute le plus fréquent, elle n’a pas été absolument générale. Dans le bailliage de Haute-Auvergne, le nombre des feudataires a d’abord été stationnaire (188 en 1503, 198 en 1533, 184 en 1554)54. Enfin la province ayant justement les densités les plus élevées, la Bretagne, a connu au contraire une baisse sensible des effectifs nobiliaires postérieurement aux montres générales de 1480. Entre les revues de l’arrière-ban de 1480 et de 1503, le nombre des feudataires a diminué de 28 % dans l’évêché de Tréguier et de 27 % dans celui de Léon55. Il semble que les plus modestes teneurs de fiefs aient renoncé à leurs quelques terres nobles parce que les charges militaires pesant sur celles-ci étaient excessivement lourdes pendant la période de tension entre le duché et le roi. Dans l’archidiaconé de Dinan, qui s’étendait jusqu’à Saint-Malo, entre 1480 et 1534 la baisse n’a été que de 9,6 %, parce que la disparition de certaines familles nobles a été compensée par l’acquisition de fiefs par des bourgeois enrichis56. C’est cette baisse du XVIe siècle qui a amené les densités nobiliaires bretonnes au-dessous des densités normandes.
36Pour en revenir au cas général, la hausse pourrait bien avoir continué jusqu’au XVIIe siècle, comme J.B. Wood57 l’a montré dans l’élection de Bayeux. Dans l’élection de Vire, selon les reconstitutions d’Amaury Du Rosel (graphique 1, p. 21), et en cohérence avec les divers rôles disponibles, la croissance se maintient jusqu’à la décennie 1690, après quoi une décroissance est continue jusqu’en 1789. Si l’on considère les chiffres disponibles d’après la réformation de la noblesse de 1666-1673, qui ont fait l’objet de décomptes précis, en Normandie58 et en Poitou notamment, il semble qu’entre ce moment et la capitation de 1695-1698, une hausse a continué en Anjou et dans la généralité d’Alençon, mais qu’une baisse se soit déjà amorcée dans les généralités de Rouen et de Caen, ainsi que dans deux élections poitevines. Le règne de Louis XIV serait ainsi le moment du retournement de la tendance. Car, au XVIIIe siècle, la baisse fut aussi générale que massive.
AU XVIIIe SIÈCLE
37Entre 1700 et 1785, la baisse du nombre des cotes de capitation (tableau 1, p. 24), sur l’ensemble du pays (dans les frontières actuelles), est de 37 %. Sur dix généralités pour lesquelles nous avons deux effectifs à comparer, la baisse apparaît dans huit d’entre elles, soit, dans l’ordre des variations croissantes, Bordeaux, Rennes, Alençon, Grenoble, Bourges, Rouen, Caen, Orléans. N’ont connu une hausse que les généralités de Lyon et d’Amiens. Au niveau des élections, la baisse se retrouve dans 84 % de celles pour lesquelles la comparaison est possible. Ne font exception que les élections picardes et les évêchés de Quimper et Nantes.
38La Picardie se trouve non loin de Paris et sa noblesse, nous l’avons déjà souligné, avait un caractère très urbain. Il y avait peut-être là des traits d’attractivité et ce pourrait être la mobilité géographique qui expliquerait cette croissance de la noblesse picarde. Quant au Lyonnais, l’intendant La Michodière59 écrit explicitement en 1762 que l’augmentation du nombre des nobles y est due aux anoblissements que favorisait la prospérité commerciale. Cette dernière explique aussi la hausse du nombre des nobles dans l’évêché de Nantes, du fait non seulement d’anoblissements de négociants, mais aussi de l’attraction géographique exercée par le grand port sur des nobles bretons désireux de s’adonner aux activités maritimes.
39En revanche, la mobilité géographique ne peut expliquer la baisse, puisque celle-ci est presque générale. Le doute serait permis dans le cadre d’une étude locale, mais pas à l’échelle de la France, puisque la noblesse française ne s’est pas livrée à une émigration massive avant la Révolution. Il est vrai qu’un autre phénomène peut contribuer à expliquer la baisse du nombre des cotes : le fait que n’aient pas été inscrits sur les rôles de capitation des nobles pauvres ou dérogeants. Sur les rôles de Haute-Bretagne de 1710, nous avons observé l’omission de petits nobles figurant pourtant dans les registres paroissiaux, et dont les descendants iraient jusqu’à siéger dans l’ordre de la noblesse aux assemblées des états provinciaux. Dans l’élection de Cognac, où sont conservés des rôles très rapprochés, le nombre des capités passe de 83 à 44 entre 1716 et 1724 ; sur 39 disparus, 25 ne payaient que 6 livres ou moins, soit le tiers de l’imposition moyenne60. Quand des nobles pauvres n’étaient inscrits sur aucun rôle de capitation, ils jouissaient d’une exemption fiscale de fait. Dans la généralité de Limoges, maints nobles sont inscrits seulement « pour mémoire », dont, en 1780, quelques-uns sont qualifiés explicitement de « pauvres ». Ainsi, la chute de lignées pauvres ou dérogeantes dans la roture pourrait contribuer à expliquer la baisse du nombre des capités nobles.
40Cependant la baisse du nombre des cotes recouvre surtout une baisse de l’effectif. Elle implique un taux de variation annuel de 5,3 pour 1 000 pendant environ 85 ans. Cette baisse était due à un solde naturel fortement négatif, c’est-à-dire au comportement démographique des familles. Au milieu du XVIIe siècle, le nombre moyen d’enfants atteignant l’âge adulte dans l’ensemble des familles (et non dans les seules familles complètes) était encore élevé, de l’ordre de 3,6 (dans la noblesse viroise, tableau 3, p. 36) à 3,8 (chez les conseillers de la cour des aides61). Or les familles de certaines strates ou de certaines provinces ont abaissé leur fécondité, soit en retardant le mariage des femmes, soit en avançant l’âge de leur dernière maternité en adoptant une méthode contraceptive par arrêts des pratiques fécondes (coït interrompu). Comme l’a montré Louis Henry62, les ducs et pairs ont pratiqué cette contraception d’arrêt très tôt, dès la première moitié du XVIIIe siècle incontestablement, voire dès la seconde moitié du XVIIe. Mais les ducs et pairs constituaient la strate supérieure de l’aristocratie, et on ne peut généraliser leur comportement à l’ensemble de la noblesse. Dans les Ardennes, le docteur Sardet63 a précisément montré qu’une baisse de la fécondité par avance de l’âge à la dernière maternité est intervenue dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et non avant. Dans la noblesse de l’élection de Vire, le nombre des enfants nés par couple a diminué dès le tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, et cette noblesse normande et rurale est donc devenue malthusienne au même rythme que les élites rouennaises. Une évolution analogue est intervenue parmi les parlementaires.
41En outre, les mêmes familles ont abaissé leur nuptialité en augmentant notamment la fréquence du célibat masculin ; les historiens français ont tendance à négliger cet autre comportement, accoutumés qu’ils sont aux études classiques consacrées à la baisse de la fécondité. L’hypothèse d’une baisse de la nuptialité est d’autant plus importante que sa réalité a été démontrée dans le cas de l’Italie64, où le modèle du mariage d’un seul fils s’est généralisé de façon spectaculaire au XVIIIe siècle. Or les conséquences du célibat masculin sont beaucoup plus importantes pour la noblesse que pour l’ensemble de la population, parce que la noblesse, du fait de sa définition patrilinéaire, ne se reproduit que par les hommes. Dans l’élection de Vire, la proportion des hommes restés célibataires, déjà supérieure au tiers dans la première moitié du XVIIe siècle, est passée à une moitié au tournant du XVIIIe (tableau 4, p. 37), notamment à cause de la hausse de la fréquence des carrières militaires. Ainsi les familles mariaient peu de cadets, et donc il était rarement donné naissance à une branche cadette. Il est même arrivé que certaine famille ne marient aucun fils, ce qui constitue un véritable suicide lignager65.
Tableau 3 - Nombres moyens d’enfants par couple (noblesse de l’éléction de Vire)
Périodes | 1600-1669 | 1670-1739 | 1740-1789 |
Enfants nés | 6,25 | 5,50 | 3,95 |
Survivants à 20 ans | 3,61 | 3,16 | 2,28 |
Garçons à 20 ans | 1,83 | 1,61 | 1,17 |
Garçons mariés | 1,18 | 0,82 | 0,67 |
Source : Du Rosel, op. cit., p. 338-339.
42Plusieurs thèses récentes, fondées sur des reconstitutions généalogiques, synthétisent de façon quantitative ces abaissements de la nuptialité et de la fécondité, et permettent de raisonner en nombres moyens d’enfants par couple. Dans la noblesse de l’élection de Vire, la baisse de la fécondité et la hausse du célibat masculin ont conduit à un effondrement du nombre moyen de garçons mariés, à tel point que la simple reproduction a été compromise dès le règne de Louis XIV (tableau 3). Ces résultats sont du même ordre que ceux que l’on connaît pour les parlementaires de Besançon, d’Aix et de Bordeaux66.
Tableau 4 - Le célibat masculin dans la noblesse de l’élection de Vire ( %)
Périodes | 1600-1669 | 1670-1739 | 1740-1789 |
Ecclésiastiques | 13 | 10,3 | 4,8 |
Garçons célibataires | 22,8 | 38,7 | 37,6 |
Totaux | 35,8 | 49,0 | 42,4 |
43Source : Du Rosel, op. cit., p. 339.
44À un homme marié succédait en moyenne, à la génération suivante, 0,67 fils marié dans la noblesse viroise du milieu du XVIIIe siècle, ou 0,75 parmi les parlementaires bordelais. On voit la conséquence du résultat final de ces mesures : en deux générations, soit une soixantaine d’années (les gentilshommes de l’élection de Vire se mariaient en moyenne à 28,7 puis 31,7 ans), chaque génération ayant marié successivement 0,82 puis 0,67 fils, un homme marié avait pour successeur 0,55 petit-fils agnatique et marié. Ce calcul implique donc une diminution de l’effectif du groupe de 45 % en une soixantaine d’années. En trois générations, la baisse serait de 55 % ! Or dans l’élection de Vire, le nombre des capités est passé de 352 en 1695 à 137 en 1780, soit 61 % en 85 ans. Dans ce cas, l’abaissement de la nuptialité et de la fécondité suffit donc presque à expliquer la chute, pourtant intense, de l’effectif.
45On pourrait raisonner aussi en pourcentages de familles ayant tel nombre d’enfants, à la naissance et à l’âge adulte. Dans la noblesse des Ardennes, 10,2 % des familles ne donnaient naissance à aucun enfant ; en Lyonnais, à l’âge de vingt ans, c’est dans 27 % des familles que ne survivait aucun enfant. Parmi les membres du parlement de Bordeaux, 18,5 % des couples ne mariaient aucun garçon. De ce fait, des lignées s’éteignaient. Or, comme l’ensemble des familles mariaient en moyenne moins d’un fils, elles ne donnaient qu’assez rarement naissance à une branche cadette. L’extinction des lignées, assez fréquente, n’était que rarement compensée par l’éclosion d’une branche cadette. Ce phénomène démographique n’aurait pas été fatal si les extinctions de lignées avaient été compensées par un flux d’anoblissement suffisant. Au XVIe siècle, les anoblissements, relativement faciles et nombreux, ont beaucoup contribué à la croissance de la noblesse. Mais après la réformation de 1666-1673, le flux d’anoblissement a été beaucoup plus réduit parce qu’il a été contrôlé plus étroitement par le pouvoir royal. Les pratiques malthusiennes commençant à se répandre et multipliant les cas d’extinctions de lignées, celles-ci n’étant remplacées ni par des branches cadettes ni par des anoblis en nombres suffisants, la décroissance du groupe était programmée. Il n’est donc pas étonnant que le règne de Louis XIV, après la réformation de 1666-1673, soit le moment de retournement de la tendance. D’autres causes plus particulières, ou conjoncturelles, comme les difficultés agraires des années 1690-1700, semblent s’être ajoutées à ce processus.
46Pour conclure, rappelons que les variations géographiques du peuplement nobiliaire et le taux d’urbanisation s’avèrent deux des paramètres pour fonder une typologie des noblesses régionales. Une forte hausse au XVIe siècle, qui semble s’être prolongée au XVIIe, a été suivie d’une baisse au XVIIIe, amorcée çà et là dès le dernier tiers du XVIIe. De ces variations dans l’espace et le temps, il résultait que dans certaines campagnes il n’y avait plus aucun encadrement de la société par la noblesse. La baisse est bien expliquée à la fois par la baisse de la nuptialité et de la fécondité, et par le frein mis par le pouvoir royal à l’anoblissement. Il faudra que d’autres études précises de démographie historique soient menées sur les élites, par régions et par milieux socio-professionnels, pour préciser dans quelle mesure, où et quand ces comportements malthusiens se sont étendus. Quant au XVIe siècle, pour lequel nos connaissances sont encore bien générales, celles-ci progresseront lorsque la géographie administrative des bailliages sera mieux connue.
Notes de bas de page
1 La noblesse de la fin du XVIe au début du XXe siècle, un modèle social ? J. Pontet, M. Figeac, M. Boisson (éd.), Atlantica, 2002.
2 R. Dauvergne, « Le problème du nombre des nobles en France au XVIIIe et au XIXe siècles », Sur la population française au XVIIIe et au XIXe siècles, Hommage à Marcel Reinhard, Paris, Société de Démographie historique, 1973, p. 181-192.
3 G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse en France au XVIIIe siècle, (1976), rééd. Complexe, 1984, p. 44-49.
4 Pour une critique de ces sources, M. Nassiet, « La noblesse en France au XVIe siècle d’après l’arrière-ban », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, 46-1, janvier-mars 1999, p. 86-116.
5 Comme le fait Laurent Bourquin dans « Les espaces nobiliaires du bailliage de Troyes au milieu du XVIe siècle », Château et village, Bordeaux, CAHM-CNRS (UMR 5648), 2003, p. 131-143.
6 J. Meyer, La noblesse bretonne au XVIIIe siècle, Paris, SEVPEN, 1966 ; L. Bourquin, « La noblesse de Champagne dans son espace régional vers le milieu du XVIIe siècle », Mélanges offerts à Arlette Jouanna, Montpellier, 1996.
7 Ainsi en Provence, d’après le nobiliaire d’Artefeuil, Monique Cubells distingue 849 « souches nobiliaires », nombre auquel l’effectif des ménages est supérieur sans qu’on sache de combien (M. Cubells, La Provence des Lumières. Les parlementaires d’Aix au 18e siècle, Paris, Maloine, 1984, p. 34).
8 M. Nassiet, « Le problème des effectifs de la noblesse dans la France du XVIIIe siècle », Association des historiens modernistes des universités. Bulletin no 18, 1995, p. 97-121. Voir un résumé de cet article dans L’Histoire, no 194, 1995, p. 27.
9 Pour le Roussillon, j’ai retenu les « gentilshommes » et les « bourgeois nobles », ces derniers ayant été faits nobles par la ville de Perpignan (Archives départementales des Pyrénées orientales, 1C 803-804).
10 G. Lefebvre, Contributions à l’étude des structures sociales à la fin du XVIIIe siècle, Paris, 1962, p. 190-192.
11 M. Nassiet, Noblesse et pauvreté. La petite noblesse en Bretagne, XVe-XVIIIe siècles, Rennes, Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1993, p. 210, p. 384 et suivantes.
12 A. Du Rosel, La noblesse de la région de Vire, 1598-1789. Étude sociologique et démographique, thèse, Université de Rennes 2, 2002, p. 50 et p. 39-44.
13 Pour une liste des recensements en France à l’époque moderne, ainsi que des travaux qui leur on été consacrés, O. Zeller, « Structures sociales et pauvreté dans une petite ville. Le recensement de Beaujeu en 1790 », Cahiers d’histoire, tome 43, no 3-4, 1998, p. 523-546 (voir p. 524-526). Ajoutons-y celui de Bayonne, étudié par Josette Pontet, et celui d’Angers en 1769.
14 O. Zeller, Les recensements lyonnais de 1597 et 1636. Démographie historique et géographie sociale, Presses universitaires de Lyon, 1983, p. 282 et 303. À Bayonne, le recensement de 1730 permet de dénombrer 78 ménages nobles et 245 individus, soit seulement 3,1 individus par ménage, à cause du nombre élevé de prêtres et de militaires. En excluant les célibataires, le nombre d’individus par ménage monte à 4,1 (communication de Josette Pontet, que je remercie chaleureusement).
15 J. Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle. Noblesse et bourgeoisie, Paris, Maloine, 1978, p. 11.
16 J.-M. Constant, « Une voie nouvelle pour connaître le nombre des nobles aux XVIe et XVIIe siècles : les notions de densité et d’espaces nobiliaires », La France d’Ancien Régime. Études réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Paris-Toulouse, 1984, p. 149-156.
17 Soit B la variable, B 0 sa valeur initiale, et B p sa valeur au bout de p années. Le taux sur p années, t, est : t = ; le taux annuel, a, est donné par la formule : t = (1 + a)p ; d’où :
log t = p. log (1 + a) et donc log (1 + a) = log t
Pour un exemple d’application, J. Dupâquier, « Sans mariages ni sépultures, la reconstitution des familles est-elle possible ? », Annales de Démographie historique, 1980, p. 53-66 (voir p. 55-56).
18 M. Orlea, La noblesse aux états généraux de 1576 et 1588, Étude politique et sociale, Paris, PUF, 1980. Cet ouvrage se veut une étude essentiellement politique et, en tant que telle, il est du plus haut intérêt.
19 Ce travail est un des éléments d’un projet du LARHRA à l’Université de Lyon.
20 P. Contamine, La noblesse au royaume de France de Philippe le Bel à Louis XII, Paris, PUF, 1997.
21 En comptant une superficie totale de 535 021 km2.
22 J. Dupâquier, Histoire de la population française, tome 2, PUF, 1988, p. 417.
23 M. Nassiet, Noblesse et pauvreté…, ouvrage cité, cartes p. 240-241.
24 M. Figeac, L’automne des gentilshommes, Paris, Champion, 2002, p. 53-59.
25 J. Vassort, Une société provinciale face à son devenir : le Vendômois aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 113.
26 J.-M. Constant, « Les mutations de l’espace nobiliaire dans le Maine et la vallée du Loir du XVIe au XVIIIe siècle », Château et village, Bordeaux, CAHM-CNRS (UMR 5648), 2003, p. 145-156.
27 J. Dupâquier, Histoire de la population française, tome 2, PUF, 1988, p. 78.
28 M. Nassiet, Noblesse et pauvreté..., ouvrage cité, p. 74.
29 M. Cassan, Le temps des guerres de Religion. Le cas du Limousin (vers 1530-vers 1630), Publi-sud, 1996, p. 45-72 ; « Une approche de la noblesse du Bas-Limousin (XVIe-XVIIe siècles) », Travaux du Centre de recherches sur les origines de l’Europe moderne, Université de Bordeaux 3, 1986, p. 4-27.
30 L. Bourquin, « Les espaces nobiliaires du bailliage de Troyes… », ouvrage cité.
31 L. Perouas, Le diocèse de La Rochelle de 1648 à 1724. Sociologie et pastorale, Paris, SEVPEN, 1964, p. 92-123.
32 Voir aussi, dans ce volume, la contribution de Josette Pontet, p. 163.
33 Abbeville 75 %, Amiens 58 %, Péronne 43 %, Saint-Quentin 40 %, Montdidier 32 %, Boulogne-Calais 24 %, Doullens 10 %.
34 Saint-Pol-de-Léon 17 %, Vannes 9,6 %, Tréguier 6,7 %, Saint-Malo et Dol 4,1 %, Quimper 2,1 %.
35 Caen 34 %, Bayeux 31 %, Valognes 26 %, Coutances 25 %, Vire 20 %, Saint-Lô 19 %, Mortain 7,4 %, Carentan 7,2 %.
36 Sur ces deux villes, F.-J. Ruggiu, Les élites et les villes moyennes en France et en Angleterre (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, L’Harmattan, 1997.
37 F. Cadilhon, La France d’Ancien Régime. Textes et documents, 1484-1789, Presses universitaires de Bordeaux, 2003, p. 138.
38 À Grenoble en 1725, il y avait 86 magistrats du Parlement, 40 de la Chambre des comptes et 26 de la chancellerie (Esmonin, ouvrage cité, p. 451).
39 M. Marraud, La noblesse de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Seuil, 2000, p. 32 (j’exclus du total les « épouses à domicile », qui très probablement faisaient partie du foyer de leur mari). Archives nationales P 5795.
40 J. Meyer, ouvrage cité, p. 290. Voir dans ce volume la contribution de Laurent Coste, p. 185.
41 Archives départementales Vienne C 628. À Alençon de même, veuves et demoiselles forment 39 % des ménages nobles (F.-J. Ruggiu, ouvrage cité, p. 148).
42 Archives départementales Calvados, C 4681.
43 F. Moreil, L’intendance de Languedoc à la fin du XVIIe siècle. Édition critique du mémoire pour l’instruction du duc de Bourgogne, Paris, CTHS, 1985, p. 163.
44 A. Corvisier, L’armée française, Paris, PUF, 1964, p. 440.
45 M. Nassiet, « La noblesse à l’époque moderne : une « démilitarisation » ? », Enquêtes et Documents, CRHMA, Université de Nantes, 1998, p. 91-103.
46 En Bourgogne en 1698, des deux frères de Sirvinge, l’un est capitaine dans le régiment Lyonnais, l’autre sert « sur les vaisseaux » (D. Ligou, L’intendance de Bourgogne à la fin du XVIIe siècle. Édition critique du Mémoire pour l’instruction du duc de Bourgogne, Paris, CTHS, 1988, p. 310-311) ; de même, un Feillens est lieutenant dans un régiment et son frère enseigne de vaisseaux (ibidem p. 499). Un Aubert de la Ferrière est capitaine de dragons et son frère lieutenant de vaisseau (p. 401). Les deux frères Lazare et Guy de Coninguant sont capitaines dans des régiments (p. 372), tandis que Charles a deux fils « au service » (p. 474) ; les deux frères de Tennarre sont officiers dans des régiments (p. 199), les deux frères de La Rode y ont servi (p. 309) ; les deux frères Perreau sont lieutenants dans le régiment de la Marine (p. 373) ; deux frères de Rouvray sont « dans le service » (p. 225), de même que deux de La Pierre (p. 336), deux de Beauvais (p. 403), les sieurs de Pise et Vitry, deux frères de La Baume Montrevel (p. 431), le comte de Chigy et son frère (p. 435) ; un Guillevert du Verger « a servy longtemps » et son frère est capitaine dans le régiment lyonnais (p. 421) ; les deux frères d’Estrelin « ont très longtemps servy » (p. 402) ; le marquis du Palais « a un fils dans le service et un frère capitaine de vaisseau » (p. 434) ; l’aîné de La Menüe « a un fils dans le service » et un frère cadet capitaine de milice (p. 285). Deux frères de Romanet ont été capitaines d’infanterie (dont un tué au siège de Barcelone, p. 336) ainsi que deux frères de Bissé (p. 499) ; un ancien capitaine d’infanterie, Morot, a un fils et un neveu dans le service (p. 354). L’aîné Thibaut, tué à la bataille de Nervinde, a eu son premier frère pour héritier, tandis que son frère cadet a été pourvu de sa compagnie (p. 436).
47 En Bourgogne en 1698, Guy de Montessu et de Ruilly a été capitaine au régiment de Conti et a deux frères capitaines de dragons, et un représentant d’une autre branche est capitaine de carabiniers (Ligou, ouvrage cité, p. 227-307). Trois frères de Joly ont longtemps servi dans l’infanterie (p. 498). Trois frères Riollet ont servi dans l’armée (p. 225 et p. 365 note 26). Certaines familles ont pu établir trois fils non seulement dans l’armée, mais aussi dans la marine : les trois frères de Fresne ont été capitaine et lieutenant de vaisseau et capitaine dans un régiment (p. 334) ; parmi les frères Chatelus, deux sont officiers dans des régiments, « le 3e sert sur mer » (p. 352) ; il en est de même des trois frères Bachet, une « bonne maison venue de la robe » (l’un des trois est enseigne de vaisseau, p. 510). (Ligou, ouvrage cité).
48 En 1698, les Palatin de Dio sont quatre frères « dans le service » ; Michel Bataille, « de bonne noblesse de Bourgogne… a 7 fils qui sont tous dans le service » (Ligou, ouvrage cité, p. 284, 225).
49 En Bourgogne en 1698, ont servi, au moins trois Damas (p. 198, 435, 438) ; deux de Jaucourt, cousins issus de germains (p. 371) ; deux de Clugny, dans l’armée (p. 387) ; deux Chatenet ont été capitaines de cavalerie (p. 386) (Ligou, ouvrage cité).
50 Au milieu du XVIIe siècle en Bourgogne, cinq frères de Riolet ont servi dans la cavalerie ou l’infanterie, dont deux ont été tués en 1674 ; seul l’aîné semble avoir laissé une descendance (Ligou, ouvrage cité, p. 225 note 17). Le sieur Drée de la Sarrée a eu « quantité d’enfans, plusieurs de ses fils sont morts dans le service » [deux capitaines de cavalerie et un capitaine d’infanterie, tous morts sans descendance] ; « il en reste un seul », chevalier de Malte, qui allait avoir des fils (Ligou, ouvrage cité, p. 437). Aimé de Salornay est estropié après avoir « beaucoup servy », tandis que son frère aîné a été tué au siège de Salins (p. 436).
51 F. Bluche, Les pages de la Grande Écurie, Paris, Les Cahiers Nobles, 3 vol., 1966.
52 D. Picco, « Origines géographiques des demoiselles de Saint-Cyr (1686-1793) », dans L’Éducation des jeunes filles nobles en Europe, XVIIe-XVIIIe siècles, C. Grell et A. Ramière de Fortanier (dir.), Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2004, p. 107-126 ; D. Picco, « L’intégration des Aquitains aux structures royales à l’époque moderne », dans À la recherche de l’Aquitaine, J. Pontet, J.-P. Jourdan, M. Boisson (dir.), Centre Aquitain d’Histoire moderne et contemporaine, 2003, p. 205-239 ; Fleury Vindry, Les demoiselles de Saint-Cyr (1686-1793), Paris, Champion, 1908.
53 M. Nassiet, 1999, tableau XIII, p. 112.
54 Sartiges-d’Angles, « Notice historique sur les ban et arrière-ban de la province d’Auvergne », Mémoires de l’Académie des Sciences, Belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, nouvelle série, tome VI, 1864, p. 489-571 (rôles de 1503, p. 499-506 ; de 1533, p. 535-553) ; A. Bruel, « Rôle des nobles sujets au ban et arrière-ban du bailliage et Haut pays des Montagnes d’Auvergne (31 mars 1554) », Revue de la haute Auvergne, 1899, I, p. 57-74.
55 M. Nassiet, « Dictionnaire des feudataires de l’évêché de Tréguier en 1481 », Société d’Émulation des Côtes d’Armor, Histoire et Archéologie, tome CXXVII, 1998, p. 3-76 (p. 18).
56 M. Nassiet et G. Sèvegrand, « Les montres de l’archidiaconé de Dinan en 1534-1535 », Bulletins et Mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, tome CV, 2002.
57 J.-B. Wood, The Nobility of the Election of Bayeux (1463-1666). Continuity Through Change, Princeton, Princeton University Press, 1980.
58 G. d’Arundel de Condé, Anoblissements, maintenues et réhabilitations en Normandie (1598-1790), Paris, Sedopols, 1981.
59 J.-P. Gutton, L’intendance de Lyon en 1698. Édition critique du mémoire pour l’instruction du duc de Bourgogne, Paris, CTHS, 1992, p. 69.
60 Archives départementales Charente maritime, C 113.
61 M. Duranton Bennini, Les conseillers à la cour des aides au XVIIe siècle (1635-1691). Étude sociale, thèse de l’EHESS sous la direction de Robert Descimon, 2004, p. 368.
62 C. Levy et L. Henry, « Ducs et pairs sous l’Ancien Régime. Caractéristiques démographiques d’une caste », Population, no 5, octobre-décembre 1960, p. 807-830.
63 Sardet, thèse de l’université de Paris-Sorbonne Paris-IV, p. 232-255, notamment p. 236.
64 G. Delille, Le maire et le prieur. Pouvoir central et pouvoir local en Méditerranée occidentale (XVe-XVIIIe siècles), Rome-Paris, École française de Rome/Éditions de l’EHESS, 2003.
65 Du Rosel, ouvrage cité, p. 159, 180, 252 (carrières militaires), p. 370 (cadets), p. 150 (suicide lignager).
66 Voir dans ce volume la communication de Stéphane Minvielle, p. 327.
Auteur
Université d’Angers
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