Conclusion
p. 58-61
Texte intégral
1Eyrans, comme les paroisses voisines, a connu une croissance démographique soutenue, dans la seconde moitié du xviiie siècle. L'accroissement naturel repose sur le maintien de la natalité à un taux élevé, voisin de 36 %, et sur un léger recul de la mortalité jusqu'à la veille de la Révolution. Ces villages du Blayais n'échappent pourtant pas aux crises démographiques majeures qui ont frappé la Guyenne, aussi bien celle de 1747-1749 que celle de 1789. Mais le sous-enregistrement manifeste des décès entre 1760 et 1780 ne nous permet de vérifier si Eyrans en a connu une de la même ampleur que celle qui a frappé Saint-Ciers-la-Lande en 1772 et 1773. Le mouvement saisonnier ne révèle aucune originalité. Les mariages se concentrent pendant la morte saison des travaux agricoles et les Eyranais respectent les interdits de l'Avent et du Carême (aucun mariage n'est célébré au mois de mars entre 1740 et 1789 !). L'été est la période dangereuse. La mortalité sévit surtout en août et septembre. Les attaques périodiques des épidémies font à ce moment-là le plus de ravages mais la mortalité reste souvent à un niveau élevé pendant l'automne et la majeure partie de l'hiver. Si la croissance démographique est indéniable, elle n'en demeure pas moins fragile.
2L'agriculture y est routinière avec la prédominance d'outils traditionnels, marres ou pioches, serpots et faucilles, toujours mentionnés dans les constitutions de dot ou les apports au mariage. Le Blayais est avant tout un pays de polyculture où les céréales, seigle et maïs notamment, occupent une place importante. Il est plus difficile d'établir le rôle joué par le froment, même si certains villages, comme Eyrans, ont cherché à développer sa culture. Quoiqu'il en soit, la région n'échappe pas à des disettes périodiques. Intendants et subdélégués sont obligés d'organiser les secours en faisant assurer, à partir du milieu du xviiie siècle, des distributions de riz.
3L'essor de la vigne y est indéniable, en dépit de la volonté de répression des intendants Boucher et Tourny et les deux tournées du commissaire Duval. Cependant, le vignoble joue un rôle mineur par rapport aux céréales dans la partie orientale de la subdélégation de Blaye alors que sa domination est incontestable dans la zone ouest, de Plassac jusqu'à Eyrans. Il s'agit partout de très petites parcelles. Pourtant, certains indices accréditent l'hypothèse d'une concentration de la propriété foncière au bénéfice de laboureurs aisés et surtout de riches marchands. Deux figures dominent dans la paroisse d'Eyrans : celles de René Marchant et d'Arnaud Gornet. Ce dernier, en 25 acquisitions dépense près de 4 000 livres. A sa mort, survenue sans testament, en décembre 1777, il est qualifié de bourgeois et laisse un patrimoine estimé, malgré une sous-estimation évidente, à 100 000 livres. Il n'en demeure pas moins que le vigneron blayais est avant tout un micro-propriétaire, qui s'efforce de faire front en toute circonstance. Après une petite amélioration de sa condition dans la seconde moitié du xviiie siècle, il est soumis à une terrible épreuve : la crise qui caractérise les débuts de la période révolutionnaire, dont il reste à écrire l'histoire...
figure 5 : MOUVEMENTS SAISONNIERS DES VENTES ET DES CONTRATS DE MARIAGE EN PAYS EYRANAIS

Source : A.D.G (Archives notariales étude de Cartelègue)
figure 6 : MUTATIONS FONCIÈRES À EYERANS (1740-1789)

Source : A.D.G. (Archives notariales, étude de Cartelègue)
figure 7 : TRANSACTIONS VITICOLES EN PAYS EYRANAIS (1740-1789)

Source : A.D.G. (Archives notariales, étude de Cartelègue).
figure 8 : MUTATIONS DE PARCELLES VITICOLES EN PAYS EYRANAIS (1740-1789)

Source : A.D.G. (Archives notariales, étude de Cartelègue).
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