III - Caractères climatiques et importance des boisements
p. 39-52
Texte intégral
1Il nous reste à voir un dernier point dans ce chapitre consacré au milieu physique : les types de temps que peut connaître la commune et nous inclurons dans cette dernière partie la répartition et les types de boisements que nous pouvons rencontrer.
A - UN CLIMAT OCEANIQUE
1) Caractéristiques générales
2Les informations que nous avons pu recueillir sur le climat sont assez réduites3. Il est en effet très difficile d’aboutir à une description précise de celui-ci. La commune de Soulignac subit un climat océanique avec toutes les caractéristiques que ce dernier peut présenter : douceur et humidité, prédominance des vents d’ouest chargés de pluies, etc. L’ensoleillement annuel est supérieur à 2 000 heures. En ce qui concerne les températures, la moyenne des minima de janvier (mois souvent le plus froid) est inférieure à 4°C, mais supérieure tout de même à 0°C. Cette douceur hivernale est donc favorable à la culture de la vigne. La moyenne des maxima de juillet tourne autour de 27°C. Le nombre de jours de brouillard, dans une année, est supérieur à 80 jours. Soulignac se trouve en effet à proximité de la vallée de la Garonne où les nappes de brouillard sont fréquentes. On compte entre 150 et 160 jours de pluie par an. La région de Targon reçoit en moyenne 830 mm d’eau. La pluviosité est plus importante pendant la période hivernale (cf. croquis p. 40) : autour de 100 mm en janvier - mois le plus arrosé. Les mois les plus secs sont les mois de juin, juillet, août - donc la période estivale - mais aussi le mois d’avril (55 mm environ). Ceci est d’autant plus visible que le mois de mai reçoit environ 75 mm d’eau.
REGIME PLUVIOMETRIQUE DU CANTON DE TARGON

Source : J. L. Fournier. "Les espaces boisés de l’Entre-deux-Mers". 1983
2) Les contrastes printaniers
3Au début du siècle, on relève une succession d’années où les pluies printanières ont été abondantes, comme en 1909,1908 et même 1953. L’importance de ces précipitations a souvent été néfaste pour le milieu agricole : exemple, en 1894, où la persistance des pluies pendant cette saison a entraîné le pourrissement des grains - blé, avoine - mais aussi l’apparition de certaines maladies cryptogamiques comme le mildiou pour la vigne.
4Les contrastes entre les mois d’avril et mai sont à l’origine d’autres dégâts sur le vignoble. L’exemple le plus probant est le printemps 1984, qui a été une période d’excès avec une alternance de sécheresse/chaleur (en avril) et d’humidité/froid (en mai). En effet en avril 1984, la Météorologie Nationale a enregistré une moyenne des températures maximales égale à 19,5 °C (3 °1C de plus que la normale), ainsi qu’une insolation de 263 heures (66 heures de plus que la normale). Les précipitations ont été extrêmement faibles. Toutes les conditions étaient ainsi réunies pour que la vigne se développe rapidement. Mais le mois de mai est venu compromettre tout cela : record de température la plus basse depuis 1921 (autour de 12 °C, soit 2°4 C de moins que la moyenne), forte pluviométrie (plus du double de la normale). La floraison de la vigne s’est trouvée retardée. Ces alternances de temps ont été très néfastes à l’activité physiologique de cette plante et ont été à l’origine de l’apparition de la coulure qui a touché en Gironde 30 000 ha de vigne.
5On se rend compte ici que les brusques déséquilibres climatiques peuvent avoir de graves conséquences sur le milieu agricole.
3) La grêle et ses conséquences
6Les orages et la grêle sont également à mentionner. On compte plus de 30 jours d’orage par an - ceux-ci étant répartis souvent sur la période estivale (juillet-août). Ils peuvent occasionner d’importants dégâts lorsqu’ils s’accompagnent de grêle. En général, seuls les secteurs les plus élevés de la commune - secteur du Cousseau par exemple - sont les plus touchés. L’extrême est du territoire (Barthalot, Lusseau) est généralement épargné. Mais il existe des années d’exception, 1985 par exemple, où la grêle a touché presque toute la commune (80 % exactement). Le nuage de grêle a touché Soulignac du nord-est vers le sud-ouest. La commune voisine de Cardan a été encore plus durement concernée par ce phénomène.
7La grêle touche régulièrement ce finage et peut provoquer d’importantes catastrophes comme, en particulier, en 1904 où le vignoble a été détruit à 50 %, ou encore en 1952, aux mois de mai/juin.
8L’ampleur des dégâts causés par celle-ci n’a pas convaincu les viticulteurs de l’utilité de s’assurer face à un tel sinistre. Nous en avons un exemple en 1928, où au mois de juin, la grêle a ravagé sept exploitations ; or un seul exploitant était assuré. Aujourd’hui encore, très peu de viticulteurs soulignacais souscrivent à une assurance. La vigne étant leur principale source de revenus, un tel comportement peut paraître paradoxal.
4) L’importance des gelées
9Le nombre de jours de gelée par an est supérieur à 40. Dans le domaine agricole, les gelées printanières sont les plus dangereuses ; le printemps étant la période de développement des plantes. Elles ont occasionné de sérieux dégâts sur la commune, au cours de l’histoire. En voici quelques exemples : en 1892, les gelées ont atteint plus de la moitié du vignoble communal et les pertes ont été considérables. En 1899, les gelées du mois de mars ont compromis une partie de la récolte car la végétation de la vigne, en avance cette année-là, a été complètement détruite. En 1912 enfin, un tiers de la commune environ a souffert de la gelée qui a causé de sérieux dégâts, surtout dans les parties basses.
10Les secteurs les moins hauts (nord-est du territoire, fond de vallons) sont en général les zones les plus durement touchées par les gelées. Si l’on regarde la localisation actuelle de la vigne, nous constatons qu’elle ne descend que rarement au-dessous de 65-70 m d’altitude.
11Au XIXe et au début du XXe siècle, on pouvait constater une certaine périodicité des gelées importantes, celles-ci se répétaient à peu près tous les 3,7 ans. mais nous devons rester prudents et ne pas généraliser un tel phénomène pour la période actuelle. En 1956, les dégâts causés par la neige et des températures négatives n’ont pas été trop catastrophiques pour le vignoble soulignacais. Les pertes dans ce domaine ont été moindres que dans certaines communes du Sud-Ouest.
12Le climat joue un rôle considérable dans cette commune rurale où la monoculture de la vigne apparaît bien fragile face aux intempéries. Nous pouvons retenir de tout ceci une chose : l’existence d’une saison particulièrement difficile pour les viticulteurs, le printemps. Cette période, par son irrégularité climatique, est à l’origine de bien des surprises.
B - LA VARIETE DES BOISEMENTS ET LEUR PLACE DANS L’EXPLOITATION AGRICOLE
1) Evolution des surfaces boisées depuis le début du XIXe siècle
13Les boisements occupent une surface relativement importante de l’Entre - Deux-Mers ; on relève notamment des espaces boisés assez denses autour de Créon et de Targon. Soulignac fait partie de ce secteur. En effet, si la vigne occupe la plus grande superficie de la commune avec 647,10 ha en 1988, soit 57,4 % du territoire soulignacais, les boisements - toutes essences confondues - occupent 239,3 ha, soit 21,2 % de la commune. Ce pourcentage est loin d’être négligeable, même s’il est en baisse constante depuis les années 1950.
14Mais les surfaces boisées ont beaucoup évolué depuis le début du XIXe siècle.
a) De 1830 à 1895
15Une période de lent déclin des boisements : ceux-ci passant de 260 ha en 1830 à 206 ha en 1895. Ce déboisement progressif correspond à un fort développement des surfaces plantées en vigne. Ces dernières ont touché encore plus durement les terres labourables. Ces boisements occupaient alors une place capitale dans l’économie locale. Les métiers du bois étaient nombreux : tonneliers, charpentiers, scieurs de long, venus de départements fortement boisés comme la Corrèze. Dans l’exploitation agricole du XIXe siècle, le “bois de ferme” - nom donné par l’I.F.N. (Inventaire Forestier National) à ce type de bois - était totalement intégré à la vie quasi-autarcique de cette époque. Il était utilisé pour la vigne (carassons, tonneaux) mais aussi comme bois de chauffage, bois de construction pour les abris où l’on parquait les quelques têtes de bétail, pour les hangars de stockage, et également pour les charpentes des maisons. Les essences étaient beaucoup plus variées qu’aujourd’hui et adaptées à des types particuliers d’utilisation.
b) De 1896 à 1940 (stabilité des surfaces boisées autour de 206 ha, soit 18,2 % de la commune)
16Pendant cette période, les bois perdent peu à peu leur utilité. Si le bois de chauffage occupe toujours une place importante, les autres utilisations disparaissent petit à petit. La superficie en vigne est plus faible que pour la période précédente, mais contrairement à ce que l’on aurait pu croire, les boisements n’ont pas regagné leurs anciennes positions. Ce sont les terres labourables dans un premier temps, mais surtout les surfaces en herbe par la suite qui ont accru leur superficie.
c) De 1940 à 1954 (progression des surfaces boisées)
17Les surfaces passent alors de 206 ha à 305 ha, soit 27 % du territoitre communal. Cette période correspond à une période de troubles : difficultés économiques liées à la seconde guerre mondiale. Les surfaces en vigne ont légèrement chuté. On assiste à une sorte de retour en arrière, avec la renaissance d’une économie rurale assez fermée, semblable à celle du XIXe siècle. Cette période de pénurie a fait à nouveau redécouvrir les anciennes utilisations du bois.
d) De 1954 à 1989 (nouvelle chute des espaces boisés)
18Les boisements passent ainsi de 305 ha à 239,4 ha. Ceci s’explique en grande partie par l’augmentation des surfaces plantées en vigne. En effet, en 1954, l’appellation “Entre-Deux-Mers - Haut-Benauge” est créée, ce qui incite les viticuleurs à défricher et à accroître l’espace réservé à la vigne - faible accroissement ici. Les années 1970 - à la suite de la flambée des prix du vin (1972 notamment) - sont la deuxième grande phase de défrichement au profit de la vigne (le viticulteur ne cherche qu’une chose, accroître sa production et par là son profit). Les bois sont désormais localisés sur des terroirs inadaptés à la vigne comme nous allons le voir. Mais chaque exploitation comprend quelques hectares de bois. Cette permanence est due en grande partie à la prédominance de l’exploitation familiale traditionnelle, attachée à la possession de boisements. Les meilleurs terroirs étant déjà occupés par la vigne, il semblerait que la superficie boisée se stabilise autour de ces 240 ha dans l’avenir, voire même tende à s’accroître légèrement.
EVOLUTION DES SURFACES BOISEES A SOULIGNAC DE 1830 A 1989

Sources : Enquêtes agricoles et Matrice cadastale révisée pour 1988
2) Evolution dans la variété des essences
19On constate aujourd’hui un certain appauvrissement des espaces boisés par rapport au XIXe siècle. Des essences ont, en partie ou totalement, disparu ; par contre, des espèces nouvelles font leur apparition.
a) La richesse des forêts du XIXe siècle
20En 1830, la composition des boisements communaux était la suivante (nous y inclurons les friches qui jouaient alors un rôle dans l’économie rurale) :
Types de boisements | Superficie en ha |
Bois et taillis de chêne et autres essences | 198,3 ha |
Pinède | 35.9 ha |
Châtaigneraie | 24.9 ha |
Oseraie | 1,1 ha |
Friches, jaugats*, Broussailles | 37 ha |
N.B. : Jaugat : endroit planté de “jaugues” (ajoncs d’Europe).
21L’essence dominante est sans aucun doute le chêne. Mais une espèce l’emporte sur les autres, il s’agit du chêne pubescent - Quercus pubescens. Il dépasse rarement 15 à 20 m de haut. Sa croissance est assez lente. Il forme avec des arbres de petites tailles, des taillis peu denses. C’est un arbre qui a besoin de beaucoup de lumière et qui supporte bien la sécheresse, il est bien adapté aux sols lessivés à pseudogley qui présentent une certaine sécheresse estivale. Il se rencontre principalement sur les versants bien exposés, là où la vigne n’a pu s’implanter à cause de l’importance des pentes.
22Ce chêne, exploité en taillis, servait essentiellement de bois de chauffage. Son utilisation comme bois de construction est difficile du fait de l’irrégularité de son tronc - souvent tortueux. Ce chêne appartient à l’étage subméditerranéen et est, de ce fait, concurrencé par les essences de l’étage atlantique. Faisant partie de ce dernier groupe, on rencontre le chêne pédonculé ou Quercus pedonculata. Il est beaucoup plus haut que le précédent de l’ordre de 35 à 40 mètres. Sa croissance est assez lente. A la fin du XIXe siècle, 10 hectares de chênes pédonculés existaient sur la commune sous forme de fûtaie. Cet arbre servait essentiellement de bois de charpente, et surtout de bois pour la fabrication des barriques. Cette essence a été considérablement exploitée par l’homme du fait de la grande qualité de son bois.
23Quelques charmes - Carpinus betulus - peuvent être associées aux chênes pédonculés. Cette essence appartient à l’étage Collinéen. Il est très résistant aux gelées, mais aussi à la chaleur. Il dépasse rarement 20 mètres de haut ; sa croissance est très lente. Rejetant vigoureusement de souche, il est exploité en taillis. Son bois, dont la valeur calorifique est élevée, constituait un excellent bois de chauffage. Sur la commune de Soulignac, il était sans doute utilisé pour la fabrication d’outils, mais aussi comme matériau pour la fabrication des roues dentées des moulins (présence, en effet, de deux moulins à vent au XIXe siècle, dont un aujourd’hui restauré, au lieu-dit “Grand-Jean”). Quelques ormes - Ulmus procera salisb - se mêlaient à toutes ces espèces ou formaient des haies le long des chemins ruraux. L’orme trouvait là aussi son utilité dans le domaine agricole : fabrication d’outils agricoles, de charrettes, etc.
24Le châtaignier - Castanea sativa - a joué également un rôle important dans l’économie agricole du XIXe siècle. Il était exploité le plus souvent en taillis pour son bois qui servait à la fabrication des piquets, des échalas et des merrains. La commune comptait aussi 8 hectares de châtaigniers cultivés en peuplement clair, destinés à fournir des fruits aux habitants. Mais cet usage restait très limité. Cet arbre sera concurrencé un peu plus tard par l’acacia.
25Les derniers types de feuillus que l’on pouvait rencontrer sur la commune étaient ceux des bords des eaux - forêt hygrophile.
26Ces espèces étaient beaucoup plus variées qu’aujourd’hui. On y trouvait les saules - Salix atrocinerea - qui rejettent beaucoup et ont une rotation relativement rapide. Là aussi, ils étaient utilisés dans le domaine viticole pour la fabrication des échalas, mais aussi des cerceaux pour la tonnellerie - activité importante à Soulignac au XIXe siècle. La deuxième essence hygrophile était l’osier - Salix viminalix. Il occupait au siècle dernier les endroits où les sols sont hydromorphes (vallée de l’Euille à l’est de Lusseau et valley du Carney au sud-ouest de La Joussière) et demandait un entretien suivi et durait environ 8 à 12 ans. Il faisait également l’objet d’une exploitation régulière pour fournir les matériaux indispensables à la vannerie.
27Nous constatons donc que la composition des boisements répondait entièrement aux besoins de la ferme. Les bois étaient alors totalement “intégrés” à l’économie de l’exploitation rurale ; même les landes et les jaugats étaient utiles. Ils servaient de combustible. Les ajoncs, par exemple, étaient coupés et séchés pour servir de petit bois.
28La dernière essence présente était le pin maritime - Pinus maritima. Il était généralement localisé sur les sols les plus pauvres et les plus acides. C’est le seul résineux que l’on rencontre sur la commune. Il était sans doute utilisé comme bois de charpente et de menuiserie. La production de résine ne semble pas avoir été un objectif pour les exploitants soulignacais. Déjà présent en 1830, cet arbre ne semble pas devoir son implantation sur la commune au boisement voisin des Landes qui a commencé au milieu du XIXe siècle.
b) La dégradation des boisements actuels
29Tous les boisements actuels sont les vestiges d’une époque aujourd’hui révolue. En 1988, ils étaient constitués par les essences suivantes :
Types de boisements | Superficie en ha |
Bois et taillis simples dont : | 216,76 ha |
- acacias | 26,24 ha |
- châtaigniers | 10,02 ha |
- taillis divers | 180,56 ha |
Futaie résineuse en Pins | 14,6 ha |
Peupleraies | 7,8 ha |
Sources : Matrice cadastrale révisée pour 1988
30La forêt n’est pratiquement plus entretenue. Toutes les espèces sont mélangées. Le chêne pubescent reste dominant, quelques charmes et chênes pédonculés sont encore visibles. Certaines espèces comme l’orme ont totalement disparu. L’orme doit, en effet, sa disparition à un champignon - le Ceratostomella - transporté par un coléoptère, le Scolyte. Ce champignon bloque le transport de la sève et entraîne ainsi la mort de l’arbre.
31Le pin maritime a également perdu du terrain en un siècle et demi, passant de 435,9 ha à 14,6 ha, contrairement à ce qu’on aurait pu penser. En effet, après la crise phylloxérique du XIXe siècle, beaucoup de communes ont planté des pins sur les terres abandonnées par la vigne. Or, à Soulignac, cela ne semble pas être le cas, car les pinèdes actuelles sont localisées dans les mêmes secteurs que celles du XIXe.
32Pour le XXe siècle, deux faits nouveaux apparaissent : l’introduction de l’acacia et celle des peupliers.
33Le châtaignier a perdu sa place au profit de l’acacia (Robinia pseudoacacia). Mais ce recul est peut-être moins marqué que dans les communes voisines. Dans la région de Cadillac - important foyer d’introduction de cette essence - l’acacia semble avoir concurrencé le châtaignier dès 1810. Il offrait en effet un meilleur rendement. Or, à Soulignac, il n’occupait que 6 ha en 1901. Il n’a gagné du terrain qu’un peu plus tard. Il peut paraître étonnant qu’il n’ait pas totalement remplacé le châtaignier si l’on sait que les rotations de coupes sont plus rapides et que la quantité de bois fournie par l’acacia est supérieure d’un tiers à celle du châtaignier. Son extension a sans doute été freinée par le taux d’imposition : plus de 25 % de plus que le châtaignier. Le calcul financier est en général de second ordre pour l’ensemble des bois possédés, mais il devient “spéculatif’ lorsqu’il s’agit de l’acacia. De nombreux viticulteurs préfèrent acheter un “carasson”4 d’acacia - il dure 4 fois plus que celui en châtaignier lorsqu’il est récolté à maturité, c’est-à-dire à 25 ou 30 ans. Un piquet coûte en moyenne entre 10 et 12 francs. L’acacia semble donc être l’un des arbres encore le mieux adapté à l’économie viticole de la commune, même s’il ne fait pas l’objet d’une grande exploitation. L’avenir de cette essence pourrait être compromis par l’introduction sur le marché de piquets de pins traités et de carassons d’eucalyptus venus du Portugal. Mais pour l’instant, l’acacia offre un prix plus avantageux que ces nouveaux produits.
TRANSECT PHYTOGEOGRAPHIQUE SW-NE DE LA COMMUNE VIA LA JOUSSIERE ET MERLET

34L’introduction du peuplier est beaucoup plus récente. Elle date d’une vingtaine d’années. Il occupe généralement les fonds de vallons humides et permet ainsi de valoriser ces secteurs trop difficiles à mettre en culture (cf. croquis phytogéographique). Il a une croissance très rapide, ce qui a attiré certains exploitants désirant pratiquer des plantations les plus productives possibles. En effet, ceux-ci veulent aujourd’hui obtenir le maximum de gains en un minimum de temps. Ils le vendent, soit pour la fabrication de la pâte à papier, soit pour celle des allumettes, etc. mais ce type de plantation est encore très restreint sur la commune et ne concerne que quelques gros propriétaires forestiers.
3) Evolution dans la localisation, le parcellement et les propriétaires de ces boisements
a) Les localisations anciennes et actuelles des boisements : permanences et transformations
35En observant le cadastre dit “napoléonien” de 1830, nous constatons que la majorité des boisements sont situés dans le sud de la commune - très exactement au sud du ruisseau de Soulignac. Ils occupent généralement les versants des terrasses alluviales. Les versants nord-nord-est sont les plus boisés. Cette répartition est liée, comme il a été dit plus haut, à la différence d’exposition des versants : les versants Nord sont plus arrosés et moins ensoleillés que ceux exposés au sud et donc moins favorables à la culture. Au nord de la commune (secteur nord du Cousseau), nous relevons également une surface boisée importante, celle-ci est installée sur un versant, mais nous pouvons également nous demander si elle n’est pas un vestige des forêts médiévales qui servaient souvent de limite entre les communes - ici commune de Toutigeac. Au Moyen-Age, en effet, les cultures étaient regroupées autour du bourg central et les bois étaient, au contraire, rejetés à la périphérie. Cela pourrait se retrouver à Soulignac5.
36Aujourd’hui, les boisements sont encore situés sur les pentes. Il y a donc permanence dans leur répartition. Les grands blocs ont peu évolué. Seuls les boqueteaux que l’on rencontrait au sommet des terrasses perdues au milieu des terres labourables, ont disparu - exemple des lambeaux boisés au nord-est du bourg de Soulignac.
37Dans le paysage de la commune, si la vigne est devenue l’élément principal, les boisements sont devenus complémentaires. Il y a désormais une sorte de bipolarité végétale : vigne - bois.
b) Evolution du parcellement et de la structure forestière
38Les boisements apparaissent extrêmement morcelés au XIXe sècle. Comme nous pouvons le constater sur le premier cadastre, les parcelles inférieures à un hectare ne sont pas rares. Le nombre des propriétaires est extrêmement élevé : 350 en 1892. Pour cette même année, la superficie moyenne des propriétés boisées était de 0,59 ha. Les plus grandes parcelles étaient situées essentiellement dans le sud de la commune. Les plus petites, au contraire, étaient localisées près des hameaux. On rencontrait là, généralement, les châtaigneraies. Chacun ou presque possédait son “bois” pour les besoins domestiques - chauffage, etc - ou simplement pour la cueillette des champignons ou la chasse. Nous aurions pu penser que le parcellement allait, au fil des siècles, se morceler davantage à la suite des découpages lors des successions. Mais, du fait de l’exode rural, ceci ne s’est pas produit. En effet, le plus souvent, un seul enfant - généralement le fils - reste sur l’exploitation et le morcellement s’est ainsi atténué. Aujourd’hui, on ne compte plus que 129 propriétaires forestiers. La superficie moyenne des propriétés boisées est désormais de 1,85 ha. Il y a donc eu “remembrement” de certaines parcelles. Mais cela reste encore insuffisant. Et cette moyenne cache des contrastes importants. Si 4 ou 5 gros propriétaires possèdent des propriétés supérieures à 15 ha, d’autres au contraire - le plus grand nombre - possèdent moins d’un hectare de boisement.
39On peut distinguer deux types de bois. Les bois au sein de l’exploitation concernent 66 % des propriétés boisées. Ils sont souvent complémentaires de la vigne et moins exposés à la pression agricole, mais généralement mal entretenus. Le deuxième type de bois est celui constitué par des lambeaux de forêt. La propriété se confond alors avec la parcelle. Ces boisements sont le plus souvent aux mains de propriétaires étrangers à la commune et, de plus, citadins.
40Les propriétaires forestiers de la commune sont à 95 % des propriétaires particuliers. Les 5 % restant sont des groupements fonciers agricoles des communes voisines, Targon et Ladaux, deux sociétés civiles et une SARL dont le siège est à Talence.
41Parmi les propriétaires particuliers, on compte plus de 90 % de ruraux et seulement 10 % de citadins. La plupart de ces ruraux sont des agriculteurs habitant dans la commune de Soulignac (plus de 53 %) ou dans les communes voisines, telles qu’Escoussans (15 %) ou encore Cardan. Les propriétaires citadins, quant à eux, viennent pour 46 % de la Communauté Urbaine de Bordeaux ou encore des régions parisienne ou grenobloise.
42Enfin, notons l’existence de boisements de superficie infime (0,10 ha) constituant des communs près des hameaux de Cousseau et du Pont (survivance des traditions passées).
c) Une exploitation souvent passive
43On trouve essentiellement deux types d’exploitations - si nous pouvons ici employer ce terme, car exploitation signifie entretien et cela n’est pas toujours le cas à Soulignac. Le taillis est dominant à plus de 90 %, les essences présentes s’y prêtant parfaitement : acacias, châtaigniers, chênes pubescents. La coupe n’est pas effectuée régulièrement : celle-ci coûte en général beaucoup trop cher. Le bois sert généralement de bois de chauffage : les habitants possèdent souvent une chaudière mixte (bois-fuel) ou une cheminée. Si la quantité de bois n’est pas suffisante (un bois de taillis de 20-25 ans fournit environ un stère de bois par an - mais il faudrait 8 à 10 stères pour se chauffer pendant une année entière), l’agriculteur préfère utiliser le fuel ; l’achat du bois revient en effet trop cher. Comme nous l’avions déjà vu, l’acacia, et secondairement, le châtaignier, sont exploités pour fournir des piquets de vigne.
44La deuxième forme d’exploitation assez fréquente est celle du taillis sous futaie. Il n’est pas rare de rencontrer des taillis de châtaigniers sous des futaies résineuses. Ce dernier type est le témoin des multiples utilisations passées des boisements.
45Actuellement, la forêt est un lieu de loisirs : elle apparaît en effet, en 1988, en seconde position derrière le sport dans les sources d’attraction de la commune : endroit des promenades dominicales, cueillette des champignons, mais aussi de la chasse. Cette dernière joue un rôle important dans l’Entre-Deux-Mers (traditions du Sud-Ouest). Le territoire de chasse s’étendait sur 495 ha en 1979-80. En 1987,116 permis ont été délivrés. Quelques palombières sont installées sur la commune. Certains auteurs, comme Fournier, voient en la chasse une “des causes de l’inertie qui marque ces bois”. En saison de chasse, les promeneurs se font rares car il est parfois dangereux de se promener en forêt et le brouillard ne fait qu’accentuer le danger en période automnale.
46Les boisements soulignacais ont donc perdu, au XXe siècle leur splendeur passée et surtout leur place économique. Ils ne doivent leur présence qu’à la survie des traditions paysannes de l’Entre-Deux-Mers qui ont fait de ceux-ci “le complément de l’agriculture”. La petitesse des parcelles est parfois un frein à une meilleure gestion de ces “forêts”. Un remembrement forestier serait, dans certains cas, souhaitable, mais le poids des traditions et surtout le peu d’avantages économiques semblent être un obstacle à une telle entreprise.
*
47Avec une topographie relativement douce, des sols assez favorables et un climat présentant douceur et humidité, le milieu physique de la commune ne semble pas être répulsif à l’homme et à la mise en valeur des terres par l’agriculture. Il convient donc de voir maintenant le comportement démographique de ses habitants et les activités socio-professionnelles de ces derniers dans un secteur où la vigne joue aujourd’hui un rôle capital.
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