Le Stade Bordelais U.C. : ambitions et réussite sportive (1901-1919)
p. 61-106
Texte intégral
1L'ambition des-dirigeants du club est bien de constituer une grande équipe de football-rugby pouvant s'imposer face aux clubs parisiens. Le titre conquis en 1899 a prouvé que la chose était possible. Le ton est donné. De plus, le succès sportif des Bordelais a engendré un courant de sympathie et, progressivement sans doute, un sentiment de mobilisation identitaire dans la Capitale girondine. Le club est sur la bonne voie. Tel est le mode de raisonnement que tiennent les responsables du Stade Bordelais. Une question les préoccupe ouvertement. Comment renforcer durablement l'équipe de rugby tout en élargissant le recrutement des effectifs du club ?
2L'organisation d'un grand club se caractérise par plusieurs traits dont la complémentarité est évidente : des dirigeants efficaces et motivés, des installations sportives de qualité et un minimum de confort matériel (vestiaires, douches, conditions de déplacement des équipes...), des entraîneurs et des techniciens compétents et écoutés, un minimum de ressources financières indispensables à la vie du club, un renouvellement régulier des effectifs de jeunes sociétaires.
3C'est incontestablement le dernier aspect qui cause bien des inquiétudes aux dirigeants stadistes. Une grande partie des lycéens et des étudiants sportifs échappe au Stade Bordelais...
4Depuis deux ou trois saisons, les étudiants bordelais intéressés par le sport de compétition se sont constitués en association. En 1897-98, le Bordeaux Université Club dispute les championnats régionaux de l'U.S.F.S.A. dans les deux disciplines suivantes : athlétisme et football-rugby, mais il rassemble aussi des adeptes avec l'escrime, le lawn-tennis, l'équitation et le canotage.
5Cependant, l'organisation administrative du B.U.C. est des plus fragiles, du fait d'un manque évident de ressources et compte tenu du renouvellement annuel des étudiants sociétaires.
I. DU STADE BORDELAIS AU S.B.U.C. : PÉRIPÉTIES D'UNE FUSION...
6En 1901, le Stade Bordelais fusionne avec les étudiants du Bordeaux Université Club (fondé en 1897 comme section sportive de l'Association Générale des Etudiants de Bordeaux), sous l'appellation de Stade Bordelais Université Club. Les raisons habituellement évoquées pour expliquer ce regroupement sont d'une part les "problèmes financiers", d'autre part "la difficulté à disposer d'un véritable terrain de jeu, avec vestiaires" auxquels se heurtaient les athlètes du B.U.C. Le Stade Bordelais avait résolu ces problèmes depuis quelques années1.
7La seconde hypothèse n'est sans doute pas dénuée de fondement mais la principale raison de l'alliance entre les deux clubs est bien celle que fournit un stadiste de l'époque, Jacques Dufourcq :
« Le Stade Bordelais avait été champion de France de Rugby à la fin du siècle précédent mais au début du XXème, sa prééminence était bien contestée ».
8En d'autres termes, le Sport Athlétique Bordelais, le Burdigala, Talence, le Bordeaux Université Club s'acharnent « à déboulonner le doyen » et le championnat de Guyenne donne lieu à de farouches batailles. La concurrence entre clubs locaux est déjà forte, sans concessions...
La recherche d'un compromis avec le B.U.C.
9Le Bordeaux Université Club est constitué en décembre 1898. Il prend la suite de l'Association Sportive des Etudiants de Bordeaux fondée l'année précédente. L'accroissement sensible des effectifs de jeunes sportifs à l'Université ainsi que dans les lycées et collèges de Bordeaux explique la structuration du « sport étudiant » dans la capitale girondine.
10Les débuts sportifs du B.U.C. sont marqués par les prouesses accomplies sur les terrains de jeu. Le public se déplace volontiers pour applaudir les exploits des "diables rouges" confrontés à d'autres clubs locaux. Certains dirigeants, comme ceux du Stade Bordelais ou du Sport Athlétique Bordelais, qui siègent également au Comité du Sud-Ouest de l'U.S.F.S.A., ne voient pas nécessairement d'un bon œil l'essor d'un club "universitaire" à Bordeaux : le renouvellement des effectifs et le recrutement des jeunes pourraient s'en trouver singulièrement compromis. Par ailleurs, l'organisation matérielle du B.U.C. est assez inconfortable. Il n’a pas les moyens de louer un véritable terrain de sport. Il change souvent de lieu d'exercice, dans l'agglomération bordelaise, en fonction d'accords ponctuels... La pelouse de "Saint-Augustin" ne lui est pas attribuée de façon régulière. Ces locations, les cotisations et autres frais d'engagement des équipes, les frais de déplacement des équipes ou des athlètes sont autant d'obstacles au développement du club. Les difficultés s'accentuent au cours de la saison 1900-01.
11Les dirigeants de Stade Bordelais vont proposer aux Bucistes de rassembler les deux clubs au sein d’une nouvelle société sportive. Certains rugbymen étudiants sont favorables à cette solution. L’épisode est particulièrement délicat à "reconstruire" dans la mesure où peu d’éléments fermement établis peuvent être invoqués. Bien des récits passionnés livrés plus tardivement restent subjectifs et pour le moins imprécis.
12Quatre types d'argumentation se dégagent de l'ensemble des témoignages relatifs au "compromis" établi entre les deux clubs de Bordeaux. Examinons-les brièvement :
- les difficultés financières et matérielles dans lesquelles se débat le B.U.C. vont rendre quelques responsables du club universitaire attentifs aux propositions du Stade Bordelais, et à "l'attirante et chaude promesse de douches confortables" ;
- le manque de soutien des « maîtres des Facultés et des Hôpitaux » à l'entreprise du B.U.C. (voir par exemple le journal Le Bec du 16 avril 1921) ne saurait être retenu comme une raison valable. Jusque-là, les étudiants sportifs bordelais se sont toujours montrés enclins à l'exclusivisme... ;
- un accord passé entre les deux sociétés est de nature à augmenter considérablement l'effectif et le potentiel sportif du « nouveau club » qui résultera de la fusion. C'est le raisonnement que tiennent effectivement plusieurs dirigeants du Stade ;
- l’ambition sportive affichée par quelques athlètes fameux du club étudiant est à l'origine de l'accord promptement conclu avec le Stade Bordelais. Un titre de « champion de France de football (rugby) » se trouve ainsi à portée de main des intéressés...
13Le premier argument est pertinent. Le club étudiant, sans relation avec le monde économique local, connaît des difficultés financières chroniques. Il est sans le sou. Toutefois, ce sont les deux dernières raisons avancées qui méritent notre attention, d'autant plus qu'il est possible de confronter pareilles argumentations avec deux documents écrits. Le premier est un témoignage de l'international du Stade Bordelais : le docteur Jacques Dufourcq, évoquant la fusion entre le S.B. et le B.U.C. Le deuxième document est un ensemble de correspondances paru dans le journal Le Bec.
14Examinons d'abord le propos du docteur Dufourcq. Pour ce dernier, les rencontres de rugby qui mettent aux prises l'équipe du Stade Bordelais avec les clubs locaux donnent lieu à de farouches batailles.
« Le choc de 1901, entre le Stade et le B.U.C., fit des étincelles. Le Stade en sortit vainqueur par un timide 3 à 0. Les joueurs des deux équipes s'étaient livrés de tout leur cœur, de toutes leurs forces. La partie avait été assez dure et fertile en incidents, pour qu'ils aient gardé les uns des autres l'estime certaine de leurs moyens réciproques.
Déjà, à cette époque lointaine, les dirigeants étaient intelligents. Je pense que MM. Shearer et Lange, du côté du Stade, Rachou et Lannes, du côté du B.U.C., furent les grands artisans de l'entente. Ils surent prévoir qu'en unissant les efforts du Stade et du B.U.C., on pourrait créer un club tout neuf auquel seraient promises les plus belles destinées. »
« De cette fusion Stade-B.U.C., naquit le Stade Bordelais Université Club. Dare-dare, avec les éléments des deux sociétés, on forma une équipe et lorsque sonna l'heure de la finale du championnat de France, allègrement, on monta à Paris ; j'en étais2 ».
Le titre du S.B.U.C. est contesté…
15La suite est connue. Le S.B.U.C. est vainqueur du Stade Français mais ce dernier porte une réclamation auprès de l'Union et fait disqualifier le club bordelais qui a réalisé en cours de saison une alliance contraire au règlement de l'U.S.F.S.A. Voyons cela dans le détail.
16En cette année 1901, les équipes parisiennes tiennent toujours la vedette. Pourtant, en finale du championnat de France, la détermination des quinze représentants de la Garonne fait merveille.
17Le S.B.U.C. aligne l'équipe suivante :
18arrière : M. Kürtz ; trois-quarts : P. Laporte (capitaine), B. Cartwright, P. Moyzès, P. Cazala ; Mazières (ouverture), Whelon (mêlée) ; avants : L. Soulé, M. Giaccardy, J. Rachou, C. Deltour, J. Dufourcq, M. Laffitte, P. Terigi, L. Lannes.
19L'équipe bordelaise bouscule toutes les tactiques... Le S.B.U.C. sort vainqueur, par 3 points à 0. L'Anglais Bertie Cartwright est l'auteur du bel essai qui donne la victoire aux provinciaux.
20Le Stade Français battu invoque — à juste titre — le règlement. Les joueurs du B.U.C. ayant déjà disputé le championnat du Sud-Ouest contre le Stade Bordelais ne peuvent pas jouer ensemble la finale nationale contre un autre club.
« Une réclamation fut portée nommément contre le très brillant trois-quart aile Cazala »
21ajoute Dufourcq. En fait, deux autres joueurs de l'ancien B.U.C., Lannes et Moyzès, étaient également en faute. Logiquement, le S.B.U.C. est disqualifié au bénéfice du Stade Français déclaré champion de France. Le club bordelais ne devait pas tarder à remettre les choses au point, toujours avec le Stade Français, sur le terrain de jeu. en 1904, 1905, 1906 et 1907...
Les termes de l’accord passé entre les deux clubs
22Revenons à l'épisode de la fusion du Stade Bordelais et du B.U.C. Le témoignage inédit de Jacques Dufourcq est utile car il apporte des données précises sur cet événement. En outre, il laisse à penser que le « protocole d'accord » n'a sûrement pas mobilisé une majorité d'étudiants sportifs mais seulement quelques excellents joueurs de l'équipe première de football (rugby). L'athlétisme ne paraît pas directement concerné et plusieurs bucistes vont d'ailleurs rejoindre les rangs du Sport Athlétique Bordelais, où les lycéens et étudiants sont déjà nombreux.
23Dans quelles circonstances exactes a été conclu l'« accord » de fusion entre les deux clubs ? Une série d'articles publiés dans le journal du Bordeaux-Etudiants-Club, une vingtaine d'années plus tard, fournit de précieuses informations à ce sujet.
24André Cassagnau, président du S.B.U.C., fait valoir son « droit de réponse » avec un article intitulé : « UC » (Le Bec, no 70, 16 avril 1921). Il entend couper court à certaines insinuations publiées dans un communiqué signé par "la commission de Football Rugby du BEC" (Le Bec, no 69, 6 novembre 1920). Cette dernière insiste sur l'usurpation du titre universitaire pratiqué par le Stade Bordelais et l'invite à abandonner « loyalement » un titre qui ne lui appartient pas... Des documents d'archives sont exhumés pour la circonstance. Ils sont essentiels pour éclairer cet épisode.
25Cassagnau rappelle qu'une lettre du 4 juin 1901, signée de Paul Fourni al, « secrétaire général du BUC », précise les modalités de l'entente. Il l'a faite reproduire pour la circonstance.
« Dans sa séance du 3 juin, le Bordeaux Université Club, sur la proposition de la commission chargée de s'entendre avec le Comité du Stade Bordelais, a voté la fusion avec cette dernière société.
Puisque cette fusion a déjà été votée chez vous, à partir d'aujourd'hui "Bordeaux Université Club" et "Stade Bordelais" ne font plus qu'une seule et même société.
Je vous prie de faire ce qui sera nécessaire auprès de l'Union à Paris et du Comité du SO. »
26Le Président Cassagnau, qui défend preuves à l'appui la cause du S.B.U.C., prend soin de préciser le point suivant :
« L'original de cette pièce est, comme de droit, déposé aux archives de l’U.S.F.S.A. à Paris et nous en possèdons aux archives propres de notre club, une copie certifiée conforme par le Chef du Secrétariat de l'Union. »
27Au moment de l'accord, les responsables du Stade Bordelais se sont entourés d'un maximum de garanties... Ceci étant, Cassagnau juge utile de souligner que la lettre de Fournial fait allusion à la « séance » où le B.U.C. s'est prononcé pour la fusion et à « l'Assemblée Générale du Stade », en date du 21 mai 1901. La désignation précise des deux réunions confirme que celle relative au B.U.C. n'avait aucune valeur statutaire d'assemblée générale.
28Par ailleurs, les avis sont partagés quant à la désignation exacte du « nouveau » club qui résulte de la fusion. Certains Stadistes insistent pour qu'elle se fasse en dehors de toute adjonction d'initiales. Au contraire, quelques sociétaires du club étudiant, qui pratiquent le rugby, tiennent à conserver la mention « universitaire » : Giaccardy et Simounet, par exemple, « en mémoire du BUC ». L'argument, rapporté par Cassagnau, est avancé par Moyzès. Il met plutôt l'accent sur la phase initiale de la négociation.
« C'est le Comité de ce club qui a sollicité la fusion au Stade Bordelais et il tient absolument à ce que le nom de UC (sic) soit ajouté au titre de Stade Bordelais. »
29Notons tout de même que Moyzès évoque plutôt une fusion du club universitaire au sein du Stade Bordelais et non, à proprement parler, une fusion entre les deux clubs. C'est d'ailleurs dans ce sens que tranche l'U.S.F.S.A. lorsqu'elle fournit le motif de la disqualification du S.B.U.C., à l'issue de la finale du championnat de France de football-rugby de 1901. La présence d'ex-bucistes est considérée comme relevant de mutations (d'un club à un autre) non conformes au règlement. Ceci étant, l'organe officiel de l'Union, le journal Tous les sports, mentionne la fusion des deux clubs « sous le nom de Stade Bordelais Université Club », dans son numéro du 29 juin 1901.
30Indépendamment de cette disqualification qui le prive d'un titre de champion de France, le Stade Bordelais vient de réaliser une bonne opération pour sa politique de développement du club, de la même manière qu'il avait su intégrer l'essentiel du Bordeaux Athletic Club, en janvier 1895. Il accueille plusieurs étudiants, sportifs de haut niveau, qui renforcent la section de football (rugby) au point d'en faire "le premier club français" dans cette discipline. Conjointement, le Stade Bordelais efface le club universitaire qui compromettait son propre recrutement, tout en ajoutant à son sigle l'« Université Club ». Enfin, il met ses installations de Sainte-Germaine à la disposition de l'équipe des Muguets du Lycée de Bordeaux, le jeudi après-midi. Le docteur Rousseau-Saint-Philippe, président honoraire de l'Association des Anciens Elèves du Lycée de Bordeaux, se réjouit de cette animation sportive proposée aux élèves de l’établissement.
« En dehors du Lycée, les élèves font beaucoup d'exercices physiques. Ils sont divisés en plusieurs sections qui jouent le jeudi sur le terrain du Stade Bordelais gracieusement mis à leur disposition. »
(Le Centenaire du Lycée de Bordeaux, 1802-1902, cit. p. 260).
Bordeaux : capitale du rugby !
31D'un point de vue strictement sportif, la fusion entre le B.U.C. et le Stade Bordelais a des résultats positifs. Bordeaux s'impose comme un grand foyer sportif, immédiatement après Paris.
32Le docteur René Cruchet, ancien lendiste, ancien membre de l'Association Générale des Etudiants de Bordeaux, Vice-Président du S.B.U.C., insiste sur ce point à l'occasion d'une causerie faite devant les étudiants en mars 1934. « J'ai été mêlé à toutes les luttes historiques du sport chez les étudiants, depuis le légendaire Bordeaux-Université-Club ». Il conclut en soulignant que, sans la fusion du B.U.C. avec le Stade Bordelais, « la renaissance des sports en France en aurait été retardée ». Le rugby, dit-il, a pu être ainsi « acclimaté » et, par la suite, il s'est imposé comme « un moyen de propagande admirable ».
33Dans une notice publiée bien plus tard, l'historiographe anonyme du club3 reconnaît très sportivement l'effet bénéfique de l'alliance du Stade Bordelais avec le B.U.C.
« (...) la fusion qui avait été faite avec le Bordeaux Université Club, en 1901, galvanisa les athlètes et, sous le titre du Stade Bordelais Université Club, cette nouvelle association fut à l'origine de nombreux succès ».
L'esprit sportif et l’associationnisme
34L'année 1901 est également marqué par la fameuse loi sur les associations dite "loi du Ier juillet 1901". A partir de ce moment-là, le S.B.U.C. va vivre selon le régime des "associations déclarées" disposant d'une personnalité juridique restreinte. Depuis plusieurs saisons déjà, la fraternité née du sport pratiqué en commun, le désir de remporter la victoire sur les clubs adverses, l'amour de l'équipe et du groupement familier ont contribué à définir une communauté de membres. La culture sportive apporte sa note originale à la dynamique associative. Incontestablement, l'associationnisme sportif est un facteur d'enrichissement de la vie locale et de modernisation des relations sociales.
Le S.B.U.C. est encore finaliste du championnat
35Au début de l'année 1902, le S.B.U.C. rencontre à nouveau le Stade Français, dans le cadre du championnat de France, à Bécon-les-Bruyères. Les Bordelais alignent l'équipe suivante :
36« Arrière : Guiraut ; trois quarts : P. Laporte (cap.), Soulé, Moyzès, Cazala ; demis : Naud, Mazières ; avants : C. Deltour, Rachou, Dufourcq, Branlai, Giaccardy, H. Verdier, Mabille, Terigi ».
37On retrouve plusieurs ex-bucistes, instigateurs de la fusion des étudiants avec le Stade Bordelais : Rachou, Moyzès et Cazala.
38Les Parisiens gagnent le match sur un score de 9 points à 6. Dans l'esprit de certains journalistes, la victoire des Bordelais, obtenue sur le terrain, l'année précédente, était incontestable, si l'on en juge par le commentaire suivant.
« Le Stade Français (1) a pris dimanche à Bécon-les Bruyères, sur le Stade Bordelais (1), la revanche de la défaite que ce dernier lui avait infligée dans la finale du Championnat de France »...
(Supplément du Journal de la Jeunesse, no 1519, 1er semestre 1902, p. 6).
39Bien sûr, l'équipe présentée par le S.B.U.C. pour disputer la finale méritait d'être disqualifiée au regard du réglement fédéral. Ajoutons cependant que divers journalistes sportifs se montrent critiques à l'égard du poids hégémonique des clubs parisiens sur le bon déroulement des phases finales du championnat ou encore sur les sélections de joueurs concernant les matches internationaux telles qu'elles sont opérées par l'Union...
Les étudiants retrouve leur autonomie…
40En 1903, deux ans après la fusion, les étudiants reprennent congé avec, à leur tête, Paul Fournial, étudiant en médecine revenu du service militaire et dernier secrétaire du B.U.C. Ils fondent le Bordeaux Etudiants Club. Par la suite, certains Bécistes voudront changer l'histoire, en affirmant que « S.B.U.C. » signifiait « Stade Bordelais Union Club »... En vain.
41Les étudiants sportifs souhaitent retrouver leur autonomie et leur identité. Ceci est la principale raison de leur départ. Les rugbymen stadistes sont d'une moyenne d'âge plus élevée que les Bucistes (à l'exception de Jean Rachou et de plusieurs autres joueurs qui restent au S.B.U.C.). Les stadistes sont déjà engagés dans des habitudes de vie active. Ce sont dans l'ensemble de solides gaillards. Cette différence d'âge, conjuguée avec celle du gabarit, au sein d'une équipe privilégiant nettement le jeu d'avants, a dû jouer un rôle assez déterminant dans la décision des étudiants. Enfin, on peut avancer l'idée que les étudiants ne s'estiment pas tout à fait à leur place dans un club marqué par l'afflux d'adhésions venues des milieux populaires, ainsi que le note Georges Dupeux4. En ce début des années 1900, ce fait devait être surtout sensible en athlétisme (pour les courses de fond et de demi-fond, en particulier), pour la natation et dans les équipes 3ème et 4ème de rugby ou de football... Néanmoins, c'est semble-t-il un peu plus tard que les Bécistes vont faire valoir cette « différence d'instruction », que souligne Georges Dupeux et que détaille Eugen Weber5 en citant un extrait du journal Le B.E.C. du 23 décembre 1911.
42Les étudiants sociétaires du nouveau S.B.U.C. vont constater que l'union entre les deux clubs locaux se traduit en fait par une simple absorption de l'effectif buciste au sein de la structure du Stade Bordelais. Par ailleurs, ils découvrent que l'autorité y est exercée par des notables bien plus âgés qu'eux. Deux générations d'acteurs composent le club. Cette organisation garantit l’efficacité sportive. Or, jusque-là, les étudiants s'administraient en toute indépendance, entre jeunes. Les dirigeants du Stade appartiennent surtout au monde du négoce dont les caractéristiques ne recoupent pas nécessairement la culture dispensée à l'Université. Plus que jamais, la jeunesse étudiante tend à se constituer en classe d'âge relativement autonome, y compris pour la pratique de la compétition sportive.
43Par ailleurs, en cette période de réel engouement pour le rugby, il faut noter que la sécession des étudiants en 1903 n'affecte pas outre mesure les résultats obtenus par le S.B.U.C. De même, dès 1905-06, le B.E.C. s'affirme déjà comme un club de valeur. A l'issue de la saison suivante, il gagne le championnat régional de 2ème série. Vainqueur du match de classement disputé contre la Section Bordelaise, le B.E.C. accède au championnat de France de 1ère série.
Une différenciation symbolique des «territoires» sportifs
44Au début du siècle, le Sport Athlétique Bordelais est contraint de trouver un nouveau terrain de sports. La procédure d'expropriation liée au projet d'aménagement du chemin de fer de ceinture est fatale aux installations sportives de la route du Médoc. Par ailleurs, on peut penser que la trop grande proximité géographique du stade de Sainte-Germaine n'est pas faite pour faciliter la tâche des dirigeants sabistes.
45Les responsables du S.A.B. optent pour le sud-ouest de l'agglomération bordelaise, à l'image du Bordeaux E.C. installé alors à Gradignan puis à Mérignac. Après avoir expérimenté plusieurs solutions de précarité, les Sabistes louent un vaste terrain libre aux limites des communes de Talence, Pessac et Gradignan, non loin de la route de Bayonne (en retrait de l'actuel Relais de Compostelle). Désormais le S.A.B. bénéficie de la proximité du petit lycée de Talence, dont les élèves effectuent ensuite leur scolarité de deuxième cycle au lycée national de Bordeaux. Puis les dirigeants sabistes songent à se rapprocher de Bordeaux tout en préservant la bonne emprise acquise dans la partie sud de l'agglomération. Le S.A.B. utilise les terrains du Vélodrome de la Côte d'Argent, aménagé en 1912, situé à proximité du boulevard de Talence, au niveau du pont de chemin de fer de Cauderès. Quelques temps plus tard, ce vélodrome est acheté par Jules Loze, alors Président du S.A.B. Après aménagement d'une piste d'athlétisme, de courts de tennis, d'un fronton de pelote basque et de terrains de grands jeux, ce complexe prend l'appellation de Stadium. Le club s'assure le soutien des commerçants du quartier des Capucins. Progressivement, la géographie de l'agglomération bordelaise montre une différenciation des espaces sportifs, de par la localisation des installations de sports des clubs et de leurs foyers privilégiés de recrutement.
46Quant au S.B.U.C., il s'apprête à dominer de façon magistrale le rugby français.
II. LA GRANDE ÉPOQUE DE LA « MÉTHODE BORDELAISE » EN RUGBY (1901-1912)
47Incontestablement, les deux grandes équipes parisiennes voient plutôt d'un mauvais œil ces intrus provinciaux venus troubler leurs habitudes... De là à insinuer ou à soutenir que les Bordelais s'imposent seulement par leur jeu brutal, entaché d'irrégularités, il n'y a qu'un pas à franchir. Et c'est vrai que les allusions parisiennes vont souvent dans ce sens...
48Pourtant, le spécialiste de football-rugby de la grande revue sportive : La vie au grand air, ne s'y trompe pas. Déjà, en finale du championnat de France de l'année 1899, le Stade Français était tombé, face au Stade Bordelais.
« C'était une alerte. La province avait fait voir qu'elle était plus dangereuse qu'on ne voulait bien se le figurer »
(G.L., La vie au grand air du 16 décembre 1900).
49Le journaliste précise que les clubs parisiens doivent compter dorénavant avec la province.
50Les Bordelais réussissent même à tenir en échec les "Racing-men" à Paris, à la fin de l'année 1900, à l'occasion d'une rencontre amicale. Quelques mois plus tard, l'équipe du S.B.U.C. est disqualifiée, après une finale gagnée sur le terrain de Sainte-Germaine contre le Stade Français. Va suivre une magistrale série de succès : contre le Stade Français, à l'occasion de la finale nationale ; contre le Stade Toulousain, d'abord en championnat de province et même en finale du championnat de France, plus tard en 1909. Durant onze années consécutives, de 1904 à 1911, le S.B.U.C. va disputer toutes les finales du championnat de rugby.
51La section de rugby du club est un modèle d'organisation. Au sein des quatre équipes engagées en championnat, le travail technique, la recherche d'efficacité dans les constructions tactiques, l’entretien de la condition physique des joueurs correspondent à des types de tâches d'encadrement bien individualisées. Dans la région, les clubs nouvellement créés font la cruelle expérience de cette efficacité. Fondée en février 1902, l'Union Sportive Bergeracoise (équipe première) est opposée au S.B.U.C. (équipe troisième). A l'occasion de ce match ouvrant le championnat, les Bergeracois subissent une cuisante défaite : 73 points à zéro... Mais les progrès vont vite. Le 21 mars 1903, l’U.S.B. ne concède plus que 23 points aux Stadistes Bordelais parmi lesquels figurent notamment André Cassagnau et Félix Eboué. Le dernier cité, âgé de 19 ans, qui prépare l'Ecole Coloniale, n'est autre que le futur Gouverneur Général de l'Afrique Equatoriale Française.
Une suprématie contestée par les dirigeants parisiens
52Pourtant, tout au début, bien des responsables parisiens du sport français se refusent à admettre la valeur rugbystique du Stade Bordelais. Ainsi Frantz Reichel ne jure-t-il que par le Racing Club de France (Almanach des Sports, 1901, p. 363-375). Sans doute le R.C.F. a-t-il une bonne équipe. Celle-ci bat d'ailleurs les Bordelais en finale du championnat de France en 1902. Mais par la suite, elle doit se contenter des places d'honneur. La partialité de Reichel, ajoutée au "parisianisme" qui préside à la désignation des joueurs sélectionnés pour disputer les rencontres internationales, ne saurait dissimuler longtemps la valeur incontestable des Stadistes Bordelais. Donnons ici une simple illustration relative à la saison 1903-04.
« Le match de Swansea F.C. contre une équipe de France a été le grand event de la saison. La composition de l'équipe française souleva quelques discussions, les Bordelais ayant été écartés. Ils terminèrent la polémique en gagnant le Championnat quinze jours après, prouvant ainsi qu'ils avaient droit à quelques places dans l'équipe nationale »
(Commentaire d'Ernest Weber, Almanach des Sports, 1905, cit. p. 452).
53Désormais le S.B.U.C. est incontestablement le premier club de football-rugby du pays. Il lui aura fallu cinq saisons de succès sportifs pour imposer cette évidence aux dirigeants parisiens de l'U.S.F.S.A.
54En janvier 1904, le R.C.F. est battu 6 points à 3 par le S.B.U.C., au Parc des Princes. « Les Bordelais taillés en force » ont fait la loi avec leur pack d'avants et la cohésion de leur équipe. Au mois de mars, le Stade Français connaît un sort analogue en finale du championnat de France : 3 points à 0 pour le S.B.U.C.
« Dans l'équipe, tout le monde joue avants, sauf l'arrière qui joue trois-quarts et charge consciencieusement avec le ballon chaque fois qu'il le peut, excepté cependant les trois-quarts qui, une fois seulement, et comme par dilettantisme, montreront à la galerie qu'ils savent jouer le jeu en exécutant une passe admirable »
(André Foucault, La vie au grand air du 31 mars 1904, p. 253-254).
55L'équipe championne de France 1904 se compose comme suit :
56Arrière : J. Guiraut ; trois-quarts : Pascal Laporte, Maurice Bruneau, Gorry, Thil ; demis (ouverture) : Rachou ; demis (mêlée) : A. Lacassagne ; avants : Froustey, Mulot, Galliot, Deltour, Terigi, Branlat (capitaine), J. Dufourcq, M. Giaccardy.
57En mars 1905, le S.B.U.C. reçoit une sélection irlandaise de rugby, sur son terrain de Sainte-Germaine. Deux jours auparavant, elle a battu une sélection française à Paris. Les Irlandais gagnent le match par 5 points à 3.La vie au grand air consacre un long article au déplacement effectué par l'équipe irlandaise à Bordeaux (no 340, 16 mars 1905, p. 204-206). Une des photographies montre le Président Shearer et le Viceprésident R. Vandercruyce commentant les résultats de la partie dans la salle d'honneur du club où le champion de France conserve le prestigieux "bouclier".
58La leçon irlandaise est bénéfique. Cette année-là, l'équipe du « Stade » est à nouveau championne de France, battant le Stade Français par 12 points à 3, sur son terrain de Sainte-Germaine. 6 000 spectateurs assistent à la rencontre. Plus de 2 000 places ont été louées à l'avance et la recette du match atteint le chiffre record de 4 385 francs.
59Pour le grand journaliste sportif Maurice Martin, il s'agit bel et bien d'« une seconde révolution sportive », que connaît Bordeaux, « exactement vingt ans après l'apparition de la bicyclette (1885) ». Les sports de ballon tiennent la vedette !
« Le tout récent spectacle offert le dimanche 16 avril par le terrain de football de la route du Médoc, à Bordeaux, où la finale du grand championnat de France de 1905 s'est jouée devant près de 10 000 spectateurs entre les équipes du Stade Bordelais, champion de la province, et le Stade Français, Champion de Paris, est pour le Sud-Ouest une preuve désormais irrécusable de ce triomphe définitif d'un sport hier encore parfaitement inconnu, parfaitement incompris »6.
60L'équipe victorieuse du championnat de France 1905 est la suivante :
61Arrière : J. Guiraut ; Trois-quarts : Pascal Laporte, Maurice Bruneau, Marc Giaccardy, Thil ; demis : (ouverture) Cartwright, (mêlée) A. Lacassagne ; avants : Jauréguiber, Mulot, Max Kürtz (capitaine) ; H. Gross-Droz, Dachicourt I ; J. Dufourcq, Dachicourt II.
62Le nouveau capitaine du quinze stadiste, Max Kürtz, est un athlète complet, ex-sociétaire du Sport Athlétique Bordelais (de 1895 à 1897).
63La saison suivante, 1905-1906, confirme la suprématie bordelaise, toujours face au même Stade Français : nouveau titre de champion de France, sur le score de 9 points à 0. Débordés, les Parisiens ne parviendront jamais à donner la réplique aux Sbucistes. Le commentaire de Fernand Bidault est des plus élogieux. Le journaliste souligne le désarroi des Parisiens.
« Etonnés, dès le début, par la fougue des avants bordelais, cahotés, débordés par l'effort d'ensemble de cette admirable collection d'athlètes, ils n'ont su, à aucun moment, reprendre leurs esprits ».
(La vie au grand air du 13 avril 1906, p. 314).
64Aux anciens sont venues s'ajouter des recrues de valeur donnant au groupement bordelais un pack dynamique, puissant et d'une grande habileté technique.
65L'équipe des champions de France 1906 se compose comme suit :
66Arrière : Martin ; trois-quarts : Maurice Leuvielle, Maurice Bruneau, Pascal Laporte, Thil ; demis : (ouverture) Mazières, (mêlée) A. Lacassagne ; avants : Blanchard, Mulot, Lannes ; Deltour, Soulé ; Lafitte, Alphonse Massé, Jacques Dufourcq.
67Le "doyen" Carlos Deltour fête ce jour-là son quarante-deuxième anniversaire, sur le terrain, au milieu de ses coéquipiers. A. Massé, plaqueur sans égal, est un transfuge du S.A.B.
68Au cours de cette saison 1905-06, trois Bordelais : J. Dufourcq, A. Lacassagne et A. Branlat, disputent une rencontre internationale contre les All Blacks (Nouvelle Zélande), le jour de l'an 1906. Il s'agit du premier match officiel de l'équipe de France. Dufourcq va également jouer le match qui oppose la France à l’Angleterre, sur la pelouse du Parc des Princes, à Paris, le 22 mars de la même année.
La passion populaire pour le ballon ovale
691907. Le S.B.U.C. est à nouveau opposé au S.F., sur son terrain de Sainte-Germaine, en finale du Championnat de France. Le public s'est déplacé en nombre. « Peut-être 12 000 spectateurs », précise un journal bordelais.
« Du monde, beaucoup de monde, une foule considérable, bruyante, remuante, pittoresque »,
70peut-on lire dans La vie au grand air du 30 mars 1907 (p. 220). Le Stade Bordelais U.C. l'emporte une nouvelle fois, sur un score de 14 points à 3. Bordeaux est déjà au sommet de son art. Sa suprématie est incontestable. Le match a déplacé un public considérable. La recette est de 10 780 francs. Un nouveau record !
71L'équipe championne de France 1907 rassemble les joueurs suivants :
72Arrière : Martin ; Trois-quarts : Maurice Leuvielle, Maurice Bruneau, Pascal Laporte, Thil ; demis : (ouverture) J. Gommés (capitaine) (mêlée), A. Lacassagne ; avants : Blanchard, Mulot, H. Gross-Droz ; Lafitte, Hourdebaigt ; J. Dufourcq, Massé, M. Giaccardy.
73Jacques Gommès, le capitaine bordelais, n'est autre que l'ancien joueur du R.C.F. ayant disputé la finale de 1902 contre le S.B.U.C. Il fait un match remarquable et, ce jour-là, il gagne la faveur des sélectionneurs de l'équipe nationale.
74Les succès du Stade Bordelais sont symboliquement réappropriés, retraduits par la population de Bordeaux en termes d'identité locale ("Bordeaux" face à "Paris", face à "Toulouse"...), teintés d'un brin de chauvinisme et d’identification émotionnelle. Le parcours rugbystique du club, en championnat, a des accents épiques. La passion est désormais aux sports collectifs. Une culture sportive méridionale est en train de naître, autour du rugby7. La presse ne s'y trompe pas, dans sa façon de retranscrire les événements et autres exploits sportifs !
75Le Stadiste Jacques Dufourcq, international en 1906 et 1907, a des mots justes pour définir cet état d'esprit.
« Alors apparurent les signes des temps nouveaux. Sur plusieurs colonnes, la presse publia les résultats des rencontres ; les photos des joueurs, pour la première fois dans l'histoire de France, parurent dans les journaux. Les taxis connurent le chemin de Sainte-Germaine et les coiffeurs, dédaignant le théâtre, parlèrent sport. Le peuple ceintura les pelouses des stades.
Le rugby avait conquis la foule... »
(Ibid).
76Le prétexte sportif favorise le renouvellement des rites de communication. Il s'impose comme un objet de discussion, un thème à argumentation et un support aux relations interpersonnelles. En d'autres termes, il renouvelle le registre de l'échange social tel qu’il se développe dans les formes élémentaires de la sociabilité. Conjointement, le « sport » suscite des formes d'expressivité identitaire avec l'émergence d'une pensée "classificatoire", aux critères géographiques et culturels précis, ouvrant sur une anthropologie de la localité.
Le rôle de la presse de sport
77La presse sportive est en train de se structurer et de changer de registre d'écriture. Jusque-là, l'information était assez laconique et descriptive. Les rubriques des deux revues de l'U.S.F.S.A. et bon nombre d'articles de La vie au grand air sont de ce genre. Les journaux mondains se mettent au goût du jour. Désormais, le registre change avec l'apparition de nouveaux journaux sportifs ou de pages sportives dans les journaux d'information générale. Le ton devient épique, dramatique. Il privilégie la communication. Par son expressivité, le style frappe l'imagination et suscite la mobilisation collective autour de l'équipe du « Stade ». La presse de sport devient un élément de médiation indispensable entre le grand public et l'équipe ou la vedette sportive.
78Dans la capitale girondine, l'actualité sportive est fort bien couverte. Le Mondain Bordelais et du Sud-Ouest et la Vie Sportive réunis, issu de la fusion de plusieurs feuilles locales, paraît à partir de 1908. Son litre, quelque peu compliqué, porte également la mention "Journal du High-life". La Petite Gironde bénéficie du talent de Maurice Martin et de René Herbert. Le Nouvelliste de Bordeaux, La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, La liberté du Sud-Ouest (à partir de mars 1909) ouvrent des rubriques sportives. Bordeaux-Sport a également R. Herbert comme rédacteur en chef. Le Sportsman est fondé en octobre 1909 avec, à sa tête, Henry Hoursiangou. A partir de janvier 1909 paraît la revue mensuelle Théâtre-Sport qui couvre surtout l'actualité sportive des patronages catholiques de l'U.R.P.S.O. et celle de la Vie au Grand Air du Médoc (V.G.A.M.) animée par les frères Gasqueton. L'Autocycle voit le jour en 1906, etc. La presse sportive s'impose comme une des composantes du sport moderne. Elle met en valeur les événements sportifs. Elle contribue, directement ou non, à l'organisation des manifestations de sport.
79La séquence chronologique qui s'étend de mai 1899 à mars 1907 correspond à la quatrième phase d'épanouissement du club bordelais. La compétition s’impose comme le registre majeur. La suprématie des provinciaux est désormais incontestable : quatre titres consécutifs en championnat de France de rugby ! Cette réussite se justifie par une organisation des plus efficaces. La communication sociale, qui accompagne les prouesses du club, doit beaucoup au rôle de la presse sportive locale et le stade de Sainte-Germaine accueille un public de plus en plus nombreux. Le sport fournit un prétexte exceptionnel à l'expression culturelle et emblématique de l'identité bordelaise. Les registres de la communication et de l'expression se renouvellent et s'amplifient dans leurs formes de manifestation collective et symbolique.
80Le S.B.U.C. va encore disputer la finale du championnat de France quatre fois consécutives : 1908, 1909, 1910 et 1911. Il s'incline en 1908 contre le Stade Français et en 1910 contre le Football Club de Lyon. Le club-phare de Guyenne et Gascogne et des territoires de langue d'oc participe de l'affirmation des identités culturelles "régionales" et urbaines ! Le Midi triomphe. Le journaliste sportif Edouard Pontié, ancien joueur du Racing, qui n'est pas toujours tendre dans ses commentaires sur le rugby Bordelais, est sans détour à ce sujet.
« En province, Bordeaux, avec ses nouveaux joueurs, s'affirme toujours en tête (...)
Les progrès en France du rugby sont prodigieux en tant qu'intérêt donné au jeu par la province. Dans le Midi cela devient véritablement le grand sport national ».
(Dans tous les sports, Touche à tout, A. Fayard éd., no 12, 15 décembre 1910).
81En début de saison, le S.B.U.C. a fait imprimer de petits dépliants sur lesquels figurent tous les calendriers des matches de championnats dans lesquels sont engagées les quatre équipes du club. Sur la première page, est mentionné le nom des principaux dirigeants : le Président J. S. Shearer, les membres de la commission de rugby, avec R. Blanchard, ingénieur diplômé de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures, le docteur Cruchet et trois "jeunes" de l'équipe 1ère. Il s'agit de M. Giaccardy, E. Lange et H. Gross-Droz. Les supporters du Stade peuvent noter chaque score de manière à suivre la progression de chacune des équipes de rugby du club.
Bordeaux contre Toulouse…
82Les rencontres de championnat qui opposent le Stade Bordelais U.C. au Stade Olympien des Etudiants de Toulouse contribuent à inscrire le rugby dans la culture sportive du grand "Sud-Ouest". Depuis plusieurs années, le rugby s'est développé à Toulouse, d'une manière comparable à ce qu'on peut observer à Bordeaux. La prédominance du Midi se précise ; le Sud-Ouest est devenu le théâtre de rencontres passionnées, souvent qualificatives pour la Finale du championnat de France. Le Toulousain Paul Voivenel conserve un souvenir très précis de ces rudes rencontres et des acteurs en lice.
« L'âpre bataille que se livrèrent le 12 Mars 1905, sur les bords du fleuve, les deux équipes garonnaises, le S.B.U.C. et le S.O.E.T., restera inscrite dans les fastes du rugby méridional.
De beaux athlètes de part et d'autre.
S.B.U.C. Arrière : Guiraut - Trois-quarts : Thil, Giaccardy, Bruneau, Laporte - Demis : Cartwright, Mazières - Avants : Noël, Laffitte, Dufourcq, Mulot, Jauréguiber, Gross-Droz, Dachicourt, Massé.
S.O.E.T. Arrière : Jacoubet - Trois-quarts : Pujol, Willy, Soubrié, Bories - Demis : Gaubain, Faulong - Avants : Lagaillarde, Ramondou, Huggins, Cuillé (cap.), Pujol, Olive, Artigue, Durand.
Rutherford, du R.C.F., arbitrait »8
83L'invention du Toujours selon le docteur Voivenel, le Stade rugby moderne Bordelais va mettre au point, durant cette période des années 1900, la première des trois méthodes fondamentales qui feront progresser le rugby français : la bordelaise, la toulousaine et la bayonnaise.
« Nous aurons à ce moment connu trois méthodes réelles qui menèrent leurs adeptes sur le pavois : la méthode bordelaise où prédominent le jeu d'avants, le dribbling si effectif, et si oublié aujourd'hui, et surtout le jeu extrêmement difficile d'une troisième ligne qui tournait parfaitement les mêlées »...
(op. cit., 1940, p. 131).
84En 1909, l'U.S.F.S.A. rompt définitivement le monopole parisien en organisant un véritable championnat de France. Désormais, le meilleur club de la capitale n'est plus qualifié d'office.
85Le 4 avril 1909, l'équipe de Toulouse succombe sous les assauts de cette redoutable et méthodique machine par un score sans appel : 17 points à 0, en finale du championnat de France, qui se déroule sur le terrain des Ponts-Jumeaux du Stade Toulousain9.
86Pour la première fois dans l’histoire de France du rugby, il s'agit d'une finale garonnaise. Un train spécial a permis aux supporters bordelais de faire le déplacement à Toulouse. En nombre : 15 000 spectateurs. Du jamais vu, et une recette incroyable : 15 784 francs ! La maîtrise technique des Stadistes Bordelais est impressionnante. Ils bénéficient de toute la science de leur nouveau coach, le Gallois de Cardiff W. Priest. Le placement sur le terrain, les passes croisées, la rapidité d'exécution sont devenus autants d'atouts supplémentaires dans le répertoire de jeu des Bordelais.
87En cette année 1909, la Garonne est devenue le fief du rugby : les quatre équipes du Stade Bordelais et du Stade Toulousain vont éliminer toutes les autres et se partager les quatre titres en jeu : équipe 1ère et 4ème pour Bordeaux, 2ème et 3ème pour Toulouse.
88En demi-finales du championnat, le Stade Bordelais U.C. (Sud-Ouest) avait battu le Racing-Club de France (Paris) et le Stade Olympique de Toulouse (Sud) avait éliminé le Football Club de Lyon (Sud-Est).
89De l'avis des spécialistes du ballon ovale, ce n'est que justice. Charles Gondouin précise :
« Ces résultats heureux pour les Bordelais ne sont d'ailleurs que la très légitime récompense des efforts qu'ils font, d'une façon beaucoup plus sérieuse que tous leurs rivaux, pour progresser sur tous les points du jeu. »
(Ch. Gondouin, Le football, 1910, cit. p. 40).
90L'équipe championne de France 1909 comprend :
91Arrière : H. Martin ; Maurice Leuvielle, Fernand Perrens, Hunter, M. Bruneau ; demis : (ouverture) Delaye, (mêlée) Jean Tachoires ; avants : Blanchard, Monier, H. Gross-Droz ; Thil, Hourdebaigt ; Laffitte, Massé, M. Giaccardy (capitaine).
92L'année suivante, l'équipe 1ère est battue en finale du championnat par le Football Club de Lyon, par 13 points à 9. L'équipe 2ème sauve l'honneur, face au Stade Toulousain. Pourtant, le Stade Bordelais ne peut pas aligner sa meilleure équipe seconde ; certains joueurs sont nécessaires ce jour-là à la "première" qui opère contre Lyon.
« Il faut aux Meilhan-Bordes, Miailhe, Ricard, Chevalier, Tachoires (H.), Guiraut, etc., un courage extraordinaire et une infatigable activité pour endiguer les assauts constants des attaquants adverses »,
93se souvient Jean Gibert qui opère d'abord, ce jour-là, en troisième ligne. Le vétéran William Spaulding, 44 ans !, tient le poste de seconde ligne. Le jeune Pascarel fait ses débuts comme talonneur. Le « soccer » Boyau débute en rugby à cette occasion. Le métier des anciens, la vitesse des jeunes vont faire la différence, face aux Toulousains, battus sur un score de 11 points à 3.
94C'est également en 1910 qu'une première rencontre militaire de rugby Armée anglaise contre Armée française est conclue. Elle doit être disputée à Londres. Le S.B.U.C. compte alors trois représentants sous les drapeaux : Maurice Boyau, H. Tachoires et Henri Sainte-Marie. Le match est annulé au dernier moment, le Ministre de la Guerre refusant que les joueurs fassent le voyage en tenue militaire alors que les Anglais tiennent à recevoir une équipe de soldats sportifs et non de civils...
95Ces quelques considérations techniques montrent bien que le rugby moderne naît avec la suprématie du Stade Bordelais. Le club peut compter sur un effectif nombreux (4 équipes engagées en championnat dès 1906). Pour autant, l'équipe fanion n'est pas à l'abri de cruelles déconvenues, ainsi qu'en témoigne la défaite concédée en 1910 face au Football Club de Lyon en finale du championnat de France...
96La section de rugby est remarquablement structurée. L'entraînement porte à la fois sur le perfectionnement de la condition physique individuelle, sur la recherche de combinaisons efficaces et sur la répétition des phases de jeu collectif. Les dirigeants du rugby disposent des ouvrages techniques paraissant en Angleterre. Le recrutement d’un manager (pour l'équipe première) est entouré de soins tout particuliers.
97En 1911, l'équipe fanion se compose de dix-sept joueurs et d'un grand manager W. Priest, ex-joueur de l'équipe 1ère de Newport. Au S.B.U.C. depuis l'année précédente, il a été choisi « entre quatorze concurrents, parmi lesquels figuraient Percy Bush et Williams, de Cardiff », apprend-on dans la presse sportive bordelaise.
La formidable équipe du Stade
98Voivenel, en une vision fugitive et presque émouvante, restitue pour nous les visages des héros du Stade Bordelais... Autant de caractères forgés sur les terrains de sports, contrastés sans doute, mais également complémentaires dans leur engagement sportif face à l'adversaire du jour.
« Ceux du S.B.U.C. s'appellent Guiraut, l'arrière. Regardez-le, ramassé, attentif, fermant ses bras sur le sprinter qu'il semble casser comme un jouet. Carlos Deltour, long, osseux, aussi britannique qu'un Girondin peut l'être quand il s’y met, recordman de canotage, inlassable avant alors qu'il frise la quarantaine, Cartwright, le demi Lacassagne, le crâne tondu, rageur, moqueur, Laporte, chicaneur en diable, Massé à l'allure de polichinelle, dit « la faucheuse » parce qu'il déquillait ses adversaires aux chevilles, Thil, au cou de taureau, sanguin, vite comme un coureur de cent mètres et qui se jetait sur l'obstacle à la façon d'un bélier contre un mur ; plus tard Martin, l'élégant et souple arrière au coup de pied précis... A la période où ce club régna, Giaccardy capitaine avisé, tacticien hors ligne qui devait tomber au champ d'honneur, composant avec Branlat et Dufourcq la merveilleuse et légendaire troisième ligne qui savait dribbler et tourner les mêlées, le Basque Ihnigoué, l'universitaire Boyau, as de l'aviation, qui donnera sa vie pour la France, le rude Monier dont les pieds meurtriers s'oubliaient sur le visage des opposants »10.
99Le Stade Bordelais U.C. dispute encore la finale en 1911, battant largement le club parisien du Sporting Club Universitaire de France (S.C.U.F.), par 14 points à 0. La partie se dispute à Sainte-Germaine devant 16 000 spectateurs. On enregistre 23 000 francs de recette, une somme jamais atteinte jusque-là pour un match de finale.
100L'équipe victorieuse du championnat de France 1911 se compose des joueurs suivants :
101Arrière : H. Martin ; trois-quarts : Maurice Bruneau, Ströhl, J. Ihingoué, G. Dufau ; demis (ouverture) Fernand Perrens, (mêlée) J. Anouilh ; avants : Monier, R. Pascarel, Canton ; André Perrens, Laffitte ; Conilh de Beyssac, M. Leuvielle (capitaine), Maurice Boyau.
102C'est à l'occasion de la saison 1910-1911 que le « championnat de la Côte d'Argent » prend la suite du championnat « Guyenne et Gascogne ». Les stadistes s'affirment toujours comme les meilleurs spécialistes du ballon ovale.
Un tableau d’honneur impressionnant
103Le palmarès du Stade Bordelais est impressionnant : Champion de France (des équipes 1ère) en 1899, 1904, 1905, 1906, 1907, 1909 et 1911, et finaliste en 1900, 1901 (vainqueur mais disqualifié), 1902, 1908 et 1910 ; Champion de France des équipes secondes — Prix Jean Borie — en 1902, 1903, 1905, 1908, 1910, 1914 ; Champion de France des équipes troisièmes — Coupe Marguerite — en 1905, 1907, 1910 ; Champion de France des équipes quatrièmes — Prix Rodochanachi — en 1906, 1907, 1909, 1912.
104Le club possède une pléiade d'internationaux : Dufourcq (1906, 1907, 1908), Lacassagne (1906, 1907), A. Branlai (1906, 1908), H. Martin (1907, 1908), M. Giaccardy (1907), Leuvielle (1908, 1913, 1914), Massé (1908, 1909, 1910), Hourdebaigt (1909, 1910), Bruneau (1910, 1913), Monier (1911, 1912), Conilh de Beyssac (1912, 1914), Boyau (1912, 1913).
Une équipe qui incarne le dynamisme de Bordeaux
105Un rapide examen de la situation professionnelle des vedettes qui ont contribué aux exploits de l'équipe première n'est pas inutile. Envisagée sur une douzaine d'années, elle montre les relations — concrètes et/ou symboliques — qui se nouent entre le rugby et le monde économique local.
106L'ailier Maurice Leuvielle, qui devait devenir capitaine de l'équipe du « Stade », huit fois international et capitaine de l'équipe de France, n'est autre que le frère du cinéaste Max Linder (pseudonyme de Gabriel Leuvielle). Existerait-il quelques "séquences sportives" sur l'équipe du Stade Bordelais filmées par Linder ? On se plaît à le penser... D'autant que Max Linder réalise entre 1909 et 1912 sept films "sportifs", dont un Max pratique tous les sports, particulièrement goûtés du public.
107Leuvielle, dont les parents possèdent une propriété viticole, est ingénieur chimiste spécialisé dans 1'oenologie. Tout comme son coéquipier Maurice Bruneau. Plusieurs rugbymen des Stade exercent des professions importantes, liées surtout au monde du négoce et des élites "traditionnelles". Hermann Gross-Droz, distillateur liquoriste et ressortissant Suisse, s'apprête à diriger l'entreprise familiale. L'Allemand Max Kürtz, né à Stuttgart, est le fils du directeur des haras du prince de Wurtemberg. Plus tard, il achèvera sa carrière sportive sous les couleurs du Stuttgart F.C. Robert Monier est armateur-négociant (mandataire morutier), lié d'amitié avec Daniel Lawton. Le secteur du négoce est également représenté par Louis Soulé, Charles Robert (mort prématurément au Sénégal), Pascal Laporte, Pierre Terigi (diplômé de l'Ecole supérieure de commerce de Bordeaux et membre du Sport Nautique de la Gironde), Henri Lacassagne. Il s'agit pour partie d'une bourgeoisie d'encadrement et de direction au sein des affaires maritimes et coloniales. Carlos Deltour, né à Guadalajara, au Mexique, est agent commercial. Certains commis-négociants sont encore en tout début de carrière : Roger Saint-Bonnet, Jean Guiraut (qu'on retrouvera plus tard en poste à Haïphong), l'anglais O.P. Jones (qui étudie à Bordeaux le français et le commerce), par exemple. La "colonie anglaise", liée aux affaires maritimes du comptoir bordelais, fournit de remarquables techniciens du ballon ovale : Eastman, Yorke, Arthur Harding et son frère, Campbell, Williamson, Stanley Hutchinson, Bertie Cartwright, W. Whelon, etc. Paul Meilhan-Bordes est un industriel. Ingénieur chimiste de formation, il exploite une importante tannerie située à Villenave d'Ornon. La bourgeoisie de service est représentée par des ingénieurs comme Robert Blanchard et Jacques Gommès (diplômés de l'Ecole Centrale), par des médecins comme l'anglais Hunter, Jacques Dufourcq, Pierre-Félix Moyzès, Edmond Froustey, Jean Rachou (né à Campinas, au Brésil) et Jean Jauréguiber. Les deux derniers cités soutiennent en 1905 leur thèse de médecine, consacrée à un thème de recherche sportive, ainsi que leur camarade François Moussy qui opère en équipe deuxième du club. René Gorry et André Perrens sont docteurs-vétérinaires. Fernand Perrens est avocat. Laffitte est entrepreneur des travaux publics et Louis Mulot directeur d'une coopérative d'alimentation. Charles Lauga est écrivain. Albert Branlat, qui a suivi les cours de l'Ecole des Beaux-arts de Bordeaux, est artiste-peintre. Son père, Louis de son prénom, est le fondateur de l’hebdomadaire mondain La Vie Bordelaise. Marc Giaccardy se destine à la profession de journaliste. L'anglais Jack Hird (finaliste en 1908) est assistant diplômé au lycée de Bordeaux. Jean Casamajor (finaliste en 1910) est un scientifique issu de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm. En 1911, alors qu'il accomplit son service militaire à Bordeaux, il retrouve un autre normalien, adepte de gymnastique aux agrès : Maurice Genevoix. Ce dernier livre dans ses mémoires un portrait précis de son camarade de caserne "Casa".
C'était un Pyrénéen du haut Béarn, assez petit de taille, dur de muscles, ample des pectoraux, au beau visage fortement modelé, le regard bleu, clair, direct, une courte moustache brune taillée au ras de la lèvre.
(Trente Mille jours, 1980, p. 115-121).
108D'autres joueurs occupent une position plus modeste. Veillet (champion en 1899) est commis aux écritures ; Emile Strohl est employé à l'usine Motobloc ; Henri Martin est receveur des P.T.T. ; Jean Anouilh est un sous-officier de carrière ; Julien Dufau est ouvrier d'art.
109Quelques titulaires de l'équipe première comme R. Pascarel, Daniel Ihnigoué, Delaye, René Canton, Georges Rieu ou Conilh de Beyssac sont encore étudiants.
110Les rugbymen du Stade Bordelais représentent, d'une certaine manière, le dynamisme socio-économique de la capitale girondine. La population sportive de Bordeaux est fière de sa grande équipe de rugby, qui remplit véritablement une fonction d'ambassadrice.
111Bien plus tard, en 1949, le « Stade Bordelais » fête son soixantenaire. Plusieurs anciens stadistes sont honorés à cette occasion. Jean Roy, alors responsable de la section de tennis, se souvient pourtant d'un oubli bien coupable.
« Le Stade aurait dû témoigner sa reconnaissance à un merveilleux joueur de la grande époque du rugby : l'international Maurice Bruneau. Lui qui avait été le seul à marquer un essai aux Afrikaners, le 11 janvier 1913 à Sainte-Germaine (...) Eh bien, on se contenta de remettre la médaille... au gardien du stade ».
112Bruneau avait eu l'honneur de marquer le premier essai français aux Springboks. Le fait mérite d'être souligné lorsqu'on sait que le second devait se faire attendre cinquante et un ans.
113Dans leur hâte, les dirigeants avaient-ils confondu Stade et stade ? Un grand gardien de l'esprit du jeu avec le gardien des grands terrains de jeux ? Ce jour-là, le rugbyman M. Bruneau resta seul avec ses souvenirs...
114Mais revenons aux années 1900. Au début du siècle, le « Stade » est devenu l'un des principaux club français, en grande partie grâce au rugby. Nous savons cependant que les autres sections ne sont pas en reste. On détaillera plus loin les titres de gloire du Lion Bordelais conquis dans les diverses disciplines.
Le rayonnement social des dirigeants du S BU C
115Quelle est, à ce moment-là, le type d'organisation qui gouverne le S.B.U.C. ? Il s'agit véritablement d'un club sportif notabiliaire dans lequel cohabitent deux générations : les sportifs, qui remportent les succès, et les aînés, qui patronnent le Stade tout en assurant le financement des sections (achat d'équipements sportifs, frais de déplacement, mise en jeu de trophées...) et, le cas échéant, en plaçant tel ou tel jeune sportif à la recherche d'un emploi ou d’une amélioration dans sa vie professionnelle. Les membres honoraires, anciens membres actifs ou sympathisants déclarés, sont de plus en plus nombreux. Le club met en œuvre un système de solidarité caractéristique.
116Le « Comité du Stade Bordelais » est présenté au grand complet, dans la presse locale, à la veille de la finale de 1911. On comprend tout le bénéfice symbolique que peuvent tirer les dirigeants d’un grand club... Représentants de la puissance économique d'une ville, ils mettent au service de la collectivité leurs capacités d'action et leurs deniers, en favorisant le développement du sport de compétition et de spectacle. Constatons également que les autorités publiques (Préfecture, Municipalité, Université, Armée...) ne sont plus directement présentes, alors que c'était le cas en 1892-93.
« Comité du Stade Bordelais U.C. (1910).
Président : J.S. Shearer, agent général pour la France de la Compagnie de navigation Hutchinson,
Vice-Présidents : Dr Demons, Professeur agrégé à la Faculté de médecine ; Robert Vandercruyce, courtier maritime ;
Emmanuel Lange, agent commercial et industriel.
Secrétaire Général : O. Bardet, négociant en vins, correspondant de l'Auto,
Secrétaire Adjoint : André Cassagnau, négociant,
Trésorier : Lajoux, principal clerc de notaire.
Membres du Comité :
MM. le Dr Cruchet, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine ; Ferval, professeur au lycée ; Gimeaux, entrepreneur de chargement et de déchargement de navires ; H. Gross-Droz, négociant, fabricant de liqueurs ; Maxwell, propriétaire viticulteur ; Parrot, rédacteur à la préfecture de la Gironde ; Fernand Perrens, docteur en droit ; Rejou, pharmacien ; Spaulding, chirurgien-dentiste ; de Zangroniz, négociant en vins »11
117La "carte de visite" du Stade Bordelais U.C. — tant pour le statut social des dirigeants que pour le palmarès sportif — est véritablement impressionnante. Le S.B.U.C. incarne le modèle du grand club notabiliaire.
118La bourgeoisie de direction et d'encadrement se trouvant à la tête des affaires maritimes et commerciales est bien représentée. Mieux encore, elle est majoritaire au sein de l'appareil de direction du club. De même, quelques noms montrent une appartenance aux élites économiques traditionnelles composant le monde du négoce des Chartrons. Les professions de santé sont présentes, en particulier avec l'implication active de deux professeurs agrégés de la Faculté de médecine. La composition du Comité du Stade témoigne d'un réseau d'influence qui opère à l'articulation du monde économique et du monde sportif, et à l'intersection de divers groupes constituant l'élite sociale locale.
La « vocation » de dirigeant sportif
119La prise de responsabilités, qui caractérise les dirigeants du club, mérite d'être détaillée. Comment doit-on comprendre le sens de cette démarche ? Ce rôle spécifique se définit comme un engagement situationnel et finalisé qui comporte à l'évidence une dimension consciente, volontaire, et une dimension de maîtrise des ressources, liées, d'une certaine manière, à une sollicitation de l'entourage. Incontestablement, l'essor associatif des sports athlétiques permet d'innover et d'enrichir le répertoire des rôles publics disponibles à l'échelle de la société bordelaise. La production de rôles sportifs, qui résulte en partie d'une diversification des tâches et de la division du travail au sein du club, est par elle-même génératrice d'invention sociale et/ou culturelle.
120L'individu, capable de combiner les situations et de dépasser de manière originale les limites qui séparent ses engagements respectifs (d'ordre professionnel, social, culturel, idéologique, familial...), fait naître un rôle inédit — celui de dirigeant sportif — à l'intersection de ces situations. Toute l'imagerie de L'esprit d'entreprise" trouve ici sa pleine justification. Et la croyance partagée au sujet de "la concurrence sportive" opérant entre les clubs renforce les motifs et réactive les motivations nourrissant cet engagement.
121Pour les acteurs se situant dans un processus d'ascension sociale, la réussite professionnelle et l'implication associative dans le sport forment deux aspects complémentaires d'une expression singulière. Autrement dit, la « vocation » de dirigeant contribue à la construction progressive, psychologique, raisonnée et symbolique, d'une identité sociale personnelle. Et pareil engagement dans le cadre du domaine sportif suscite la définition positive d'une reconnaissance collective locale.
Le club : une organisation complexe
122En quelques années, le club est devenu une organisation complexe, ordonnée rationnellement, en vue d'objectifs déterminés. Il est caractérisé par une division des tâches, du pouvoir, de l'autorité, des responsabilités, des réseaux de communication (entre membres) relativement codifiés et quelquefois redondants, et avec un contrôle de l'ensemble pour ne pas dévier des objectifs prévus et pour maintenir et si possible améliorer l'efficacité de l'organisation. Le S.B.U.C. constitue un système, en ce sens qu'il réalise l’intégration de ses membres et qu'il parvient à la meilleure adaptation possible au "monde" sportif administré par l'Union. Le club concilie efficacité (en atteignant les buts qu'il s'est fixés) et efficience (en donnant satisfaction aux mobiles et aux motifs individuels des acteurs).

Lettre d'admission au titre de membre honoraire du club.
Les membres honoraires, anciens membres actifs ou sympathisants déclarés, sont de plus en plus nombreux. Ils constituent un réseau efficace qui opère à l'articulation du monde économique et du monde sportif.
Voir p. 86.

en haut : Commission de courses à pied. Programme des réunions en 1911.
en bas : Commission de foot-ball rugby : calendrier de rugby 1911-1912.
En début de saison, le S.B.U.C. fait imprimer de petits dépliants sur lesquels figurent tous les calendriers des compétitions et des matches de championnats dans lesquels sont engagées les équipes du club.
Voir p. 78.
123Au sein du club, les sociétaires sont tenus par un certains nombre de règles et d'engagements. Si l'action se déroule dans un champ déjà délimité par les structures formelles du club, il est vrai que ce dernier est inséparable de son environnement. Il convient ainsi de ne pas se limiter aux frontières institutionnelles du S.B.U.C. pour comprendre le rayonnement du club et pour dégager l'ensemble des relations qu'il entretient avec le contexte bordelais. Evidemment, les données rassemblées dans cette étude ne sont pas suffisantes pour rendre véritablement compte de la complexité d'organisation du club, avec les spécificités concernant telle ou telle section.
124Les équipes — première et seconde — de rugby ainsi que l'équipe première de football montrent un recrutement social plutôt aisé, au moins jusqu'à cette époque. Dans ce cas, le « patronage » du comité du Stade Bordelais U.C. repose essentiellement sur une différence de générations. Par contre, pour les autres équipes et sections (l'athlétisme, le crosscountry, la natation...), cette différence de générations tend à se doubler progressivement d’un clivage social, dans la mesure où le club étend son recrutement aux milieux modestes.
125Donnons un aperçu plus précis des autres disciplines sportives pratiquées dans le cadre du club, durant les années 1900, et jusqu'à la déclaration de guerre, avant d'aborder certains revers de fortune essuyés par le Stade.
III. LES AUTRES SECTIONS SPORTIVES DU S.B.U.C.
126Les succès obtenus par les équipes de rugby du Stade Bordelais U.C. ne doivent pas nous faire oublier les excellents résultats acquis dans les autres disciplines pour une période qui s'étend du tournant du siècle jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale. C'est semble-t-il vers 1905 que les sections s'individualisent clairement au sein du club. Il est vrai que l'émulation sportive incite à la spécialisation progressive des athlètes. D'autre part, l'effectif numérique du club nécessite une organisation secondaire, à l'échelle des diverses activités.
Une grande section d’athlétisme
127L'athlétisme, qui est la plus ancienne activité du club, reste une section importante, ainsi qu'en témoigne la liste des champions de France du Stade Bordelais, dont plusieurs vont disputer des matches internationaux.
100 mètres | Ch. Robert, | 1898 | en 11 sec. 2/10 |
Parenteau, | 1914 | en 11 sec. 2/10 | |
200 mètres | Parenteau, | 1914 | en 22 sec. 8/10 |
Hauteur | Molinié, | 1905 | 1,71 m (1er ex aequo) |
Labat A., | 1911 | 1,80 m (1 er ex aequo) | |
Labat A., | 1912 | 1,73 m | |
Labat A., | 1913 | 1,75 m (1er ex aequo) | |
Labat R., | 1913 | 1,75 m (1er ex aequo) | |
Longueur | Leconte, | 1903 | 6,56 m |
Campana, | 1912 | 6,80 m | |
Longueur sans | Estang, | 1914 | 3,185 m |
élan (disputé de | Legall, | 1917 | 3,05 m |
1905 à 1920) Perche | Grelet, | 1902 | 3 m |
Pascarel, | 1908 | 3,25 m | |
Gonder, | 1913 | 3,30 m | |
Poids | Kürtz, | 1898 | 10,72 m |
128Quelques stadistes vont représenter la France aux Jeux olympiques : Pascarel (perche), le frère aîné du rugbyman (?), aux J. O. dé Londres (1908), André Labat (hauteur) et Campana (longueur) aux J.O. de Stockholm (1912), René Labat (hauteur) aux J.O. d'Anvers (1920).
129Le Stade Bordelais a constitué une bonne école de saut (hauteur, longueur, perche) et le constat vaudra également un peu plus tard, pour l'Entre-deux-guerres. André Labat est, avec son frère René, un des premiers sauteurs à pratiquer le "retournement intérieur" que perfectionne quelques années plus tard le fameux Pierre Lewden, du Stade Français. Labat franchit 1,89 m. Il partage le titre de champion de France 1911 avec Géo André (R.C.F.). Fernand Gonder n'est autre que l'ex-sabiste, faisant une brève incursion au S.B.U.C., ancien recordman du monde du saut à la perche et médaille d'or aux Jeux olympiques de 1906 (Athènes) dans cette spécialité avec un saut de 3, 50 m. On sait que l'histoire officielle de l'olympisme moderne a délibérément — et injustement — oublié cette IIIe Olympiade organisée par la Grèce en marge du rythme olympique, et contre la volonté de Pierre de Coubertin et de son Comité...
130D'autres sbucistes se distinguent en athlétisme : H. Cassagnau, Corbinaud, Raisque, Ribot, Piraube, Passai, Larrieu, Fleury, Lacombe, Dacosta...
131En outre, le Stade Bordelais possède une bonne équipe de crosscountry. C'est la meilleure de la région. En 1901, le « Stade » remporte le cross-country national de 2ème série.
132En 1911, la « commission de courses à pied » est dirigée par Octave Bardet, A. Samenayre et A. Cassagnau.
133La vélocipédie (le cyclisme), qui était apparue dès les années 1892-93, est encore présente. En 1905, G. Menjou et G. Merkes se classent respectivement 1er et 2ème du championnat Sud-Ouest de vitesse amateur. La section de cyclisme s'est restructurée en 1903, à l'initiative de Léonce M. Gimeaux. Par la suite, le Stade Bordelais U.C. ne tient plus une place importante dans cette discipline sportive, contrairement au S.A.B. qui possède une belle section de coureurs amateurs.
La natation de compétition
134La natation était apparue dès 1895, de même que le water-polo, activement soutenus par le Président Shearer. Après l'incendie accidentel des « Bains Russes », en 1896, les nageurs du « Stade » se retrouvent sur le "plan d'eau" du bassin à flot et, plus tard, à la piscine de l'American Park... En 1896, on note les noms de Williamson, Jonneau, Eastman dans les épreuves de vitesse. Vovard, M. Mabille et Shearer participent également aux premières compétitions. L. Gimeaux préside aux destinées de la section qui va totaliser plusieurs succès d'importance. La natation sportive est apparue très tôt à Bordeaux, dès 1895, grâce à l'effort déployé par les dirigeants du Stade Bordelais, et avec le soutien de l’Union, tandis que les premiers véritables championnats de France de natation (U.S.F.S.A.) datent de 1900.
135L'Exposition universelle de 1900, avec ses premiers championnats du monde (Jeux olympiques de Paris), marque le véritable départ de la natation française. Les épreuves de nage libre permettent d'admirer des étrangers pratiquant différentes techniques inconnues en France à cette époque.
La traversée de Bordeaux à la nage
136L'épreuve la plus populaire est sans conteste la fameuse Traversée de Bordeaux à la nage dans laquelle va s'illustrer plus tard Rebeyrol sociétaire de la Bacalanaise Athlétic Club12.
137La formule proposée dès 1905 est l'exacte réplique de la première traversée de Paris à la nage, organisée par L'Auto, disputée le 10 septembre du Pont National au viaduc d'Auteuil. La presse sportive soutient activement ces manifestations quand elle n'en est pas l'instigatrice directe : tirage oblige...
138L'année 1909 voit se concrétiser les efforts déployés en France, à Paris et en province, pour développer la natation sportive. Le sbuciste Bonzom appartient à cette nouvelle génération de champions.
Bonzom : meilleur nageur français de grand fond
139Créée en 1905, la « Traversée de Bordeaux » ne devient épreuve officielle qu'en 1906. Elle s'ouvre en juin 1912 aux "indépendants". Dans la catégorie "amateurs", le S.B.U.C. se distingue particulièrement dans cette épreuve, puisque plusieurs sociétaires du club remportent la compétition : 1906, 1er : Schwetckart ; 1907, 1er : Bonzom ; 1910, 1er : Barras ; 1911, 1er : Bonzom. Ce dernier récidive en 1912, couvrant les 5 kilomètres en 37'51" 3/5 (record battu !). Par la suite, ce sont les nageurs de l'A.S.P.T.T. et de la B.A.C. (avec Lacabanne et le fameux Roger Rebeyrol) qui vont imposer leur loi.
140Grande révélation de l'année 1909-10, Bonzom s'impose comme un des meilleurs spécialistes français de natation sur longue distance. Le 30 juillet 1911, il se classe 3ème de la Traversée de Paris amateur, derrière Ooms (Hollande) et Maes (Belgique). L'année 1912 lui apporte la consécration. Le 23 juin se disputent, dans le bassin de Juvisy, en eau morte, les Championnats de France de l'U.S.F.S.A. servant de sélection pour les Olympiades de Stockholm. Dans l'épreuve du 1 500 mètres (spécialité non olympique à l’époque), Bonzom se classe 2ème du championnat de France derrière le Lillois Caby, sociétaire du grand club de natation des Pupilles de Neptune.
141Un mois plus tard, le 21 juillet 1912, la Traversée de Paris à la nage, réservée aux amateurs, est disputée d'Ivry au Pont Alexandre. En l'absence des champions étrangers, le Bordelais Bonzom remporte une belle victoire sur ses dix-huit concurrents.
142Le 28 juillet 1912, l’U.S.F.S.A. organise son premier championnat de France de grand fond, sur 8 kilomètres. L'épreuve se dispute à Nogent-sur-Marne. Bonzom confirme sa victoire de la traversée de Paris en battant les scufistes Vieilledent et Drigny. Il est crédité d'un temps de 2 heures et 2 minutes. Le Sbuciste Bonzom est le premier Bordelais à conquérir un titre de champion de France en natation, en 1912, après avoir été vice-champion de France, l'année précédente, sur 1 500 mètres. Le mérite de Bonzom est grand car la natation de compétition se développe assez difficilement, à Bordeaux comme dans diverses villes de province. En effet, plusieurs organismes fédéraux se trouvent en concurrence directe : l'U.S.F.S.A., la Fédération des Sociétés Athlétiques de France (professionnelle) et ses sécessionnistes, au sein de l’Union Française de Natation (regroupement des professionnels et des amateurs mécontents...), ainsi que la Fédération Nationale des Sociétés de Natation et de Sauvetage. Cette dispersion des bons nageurs nuit à la constitution locale d'un grand club de natation et d'une élite sportive.
143Le water-polo s'est mis en place à l'instigation du Président Shearer dès 1895. Depuis cette année-là, le Stade possède toujours une excellente équipe engagée dans le championnat de Côte d'Argent. Les rencontres ont lieu à la piscine de l'American Park.
144En 1912, l'équipe est la suivante :
« but : Beillé, arrières : Barras, Mansié, demi : Bonzom, avants : Ceré, Vallé, Milhet ».
145Toutefois, dans cette spécialité sportive, l'équipe du S.B.U.C. est trop isolée pour prétendre jouer un rôle important en championnat de France.
Premières victoires en lawn-tennis
146Le lawn-tennis s'est développé au sein du club à partir de 1895. Le premier titre de champion du Sud-Ouest, disputé l'année suivante sous l'égide du Comité de l'U.S.F.S.A., est conquis par le Stade Bordelais. Au sein du club, les responsables élus en octobre 1896 sont les suivants : Jean Robert, Eastman, Charles Robert. Les frères Robert sont des transfuges du Saint-Georges Athlétic Club, de Royan.
147Les deuxièmes championnats vont se disputer dans les deux catégories : simple et double messieurs, le 11 juillet (en "single") et le 25 juillet (matches de double).
148Les documents manquent pour retracer la suite des activités tennistiques au Stade Bordelais13. Plus tard, vers 1905-1910, le S.B.U.C. va se porter acquéreur d'un assez vaste domaine, 57, avenue de la République, à Caudéran. Il y installe confortablement sa section de tennis qui va prospérer d'année en année. Le Stade Bordelais occupe très honorablement le second rang, derrière la S.A.V. Primrose. Il devance le Burdigala.
149La saison 1910 semble marquer un renouveau de la section. Le tournoi du club est très disputé, en simple, double et double mixte. En messieurs, on trouve les noms de Delaye, Boyau (le rugbyman), Neau, Cazaux, Michaels, Rioux et, chez les dames, de Lalaune, Bastien...
« Nos charmantes joueuses ont fait cette année des progrès étonnants, et les matches de championnat qui leur étaient réservés furent très disputés »
("Sports", 22 juin 1912).
150Quelques semaines plus tard, les sbucistes se retrouvent au tournoi du Garden Tennis Club de Royan. En mai 1914, le S.B.U.C. (Neau, Delaye, Boyau, Guiraut) remporte brillamment le « Critérium de France » (Interclubs). Il doit accéder à la première série la saison suivante...
151En pelote basque, on sait que des "championnats de Bordeaux" ont été organisés, vers 1910, sous l'égide du Comité de l’U.S.F.S.A. Un article paru dans Le Sportsman du 30 juillet 1910 annonce l'événement, qui doit se dérouler au "Fronton bordelais" (quartier de Lescure). Ce fronton sera détruit à la fin des années vingt (il se trouvait à l'ouest de l'actuel garage des autobus de la C.U.B.). Six clubs sont mentionnés, pour deux tournois : à main nue avec le Burdigala, l'Union Athlétique Libournaise et le B.E.C. ; à chistéra avec le S.B.U.C., le S.A.B. et le B.E.C.
La section de préparation militaire
152La préparation militaire reste une section importante au sein du club. Disons quelques mots de cette activité tout en reconnaissant qu'elle ne bénéficie pas du prestige associé aux exploits sportifs. Cet objectif de « préparation militaire » était explicitement formulé dans les statuts du club datés de 1890. Par la suite devait se mettre en place une véritable section de Préparation Militaire. La série 1 R 102 conservée aux Archives Départementales comprend une proposition de "lettre de félicitations", datée du 12 juin 1914 pour deux Sbucistes : Alexandre Cinquaille, commis-greffier au tribunal civil, instructeur de tir et de topographie ; Henri-Pierre Gevereau, courtier en grains et farines, qui exerce des responsabilités au sein de la section de P.M. du S.B.U.C. On trouve dans cette même série une demande de renseignements en date du 13 mai 1913 à l'endroit de Gérald de Sarrau pour une "proposition de distinction". Il s'agit d'un des fils du comte Aurélien de Sarrau. Employé d'assurances, il est également instructeur à la section de préparation militaire du S.B.U.C.
153Sur la fiche de Gevereau, le commissaire central a jugé utile d'ajouter :
« Tous les membres dirigeants sont honorablement connus et passent pour être partisans du régime républicain. »
154La section du Stade Bordelais payera son lourd tribut à la guerre de 14-18 par toutes ses héroïques victimes, restées à jamais anonymes pour beaucoup d'entre elles.
IV. LES SUCCÈS DU « STADE » EN FOOTBALL-ASSOCIATION
155Le football-association est incontestablement le second des deux grands sports d'équipe pratiqué au Stade Bordelais. Le ballon rond est apparu dès 1894. Il convient de s'attarder sur les débuts de cette discipline quelque peu éclipsée, au sein du club, par le rugby, et tombée dans l'oubli, faute d'archives14. Maurice Hauret, qui fut un des meilleurs footballeurs stadiste d'avant-guerre (à partir de 1910), note :
« Comme il n'existe pas d'archives, surtout pour la période la plus ancienne, je suis dans l'obligation de faire appel à mes souvenirs ».
(article cité).
156Pour les premières équipes formées dans le cadre du Stade Bordelais, on retrouve les mêmes noms que pour le football-rugby.
Le meilleur club de la région
157Le Stade Bordelais s'impose comme la principale équipe locale dès 1895. De 1902 à 1914, il va remporter par huit fois le championnat du Comité Guyenne et Gascogne, après des luttes sévères avec le Bardigala, La Comète et Simiot, le S.A.B. et le Sporting club de la Bastidienne. Un peu plus tard, la Vie au Grand Air du Médoc (V.G.A.M.) des frères Gasqueton viendra jouer les trouble-fête. En 1908, le Stade réussit le triple exploit d'être champion de la Côte d'Argent des séries 1, 2 et 3. Il récidive en 1910 et en 1911. De 1902 à 1910, le S.B.U.C. conquiert tous les titres de Champion de France de l'U.S.F.S.A. des équipes secondes. Soit neuf titres consécutifs. C'est dire le niveau d'organisation atteint par la section au sein du club.
158En 1910, le S.B.U.C. possède trois équipes de football inscrites en compétition. Jamais la section n'a été aussi forte. Elle a formé de nombreux joueurs de talent et les grandes rencontres disputées à Sainte-Germaine rassemblent souvent plus de 10 000 spectateurs. Les footballeurs sbucistes remportent la « Coupe nationale » de l’U.S.F.S.A. (on dirait aujourd'hui la « Coupe de France ») en 191015, en battant à Paris le Racing Club de Calais par 4 buts à 2. L'équipe du S.B.U.C. est d'ailleurs redoutable dans ce genre d’épreuve et elle va récidiver en s'inscrivant au « Challenge du Sud de la France ».
159En 1909, un richissime sportif toulousain, du nom de Paul Labat, avait créé une épreuve opposant les meilleurs clubs espagnols à ceux du Sud de la France, dans le but de développer la pratique du ballon rond16.
« Cette épreuve, dotée d'un magnifique objet d'art, portait le nom de « Challenge du Sud de la France » et se disputait en fin de saison ».
(Maurice Hauret, ibid.)
Une équipe de niveau européen
160Au mois de mars 1911, après la fin des championnats, Fernand de Zangronitz, qui préside aux destinées du football au S.B.U.C., réunit une très bonne équipe pour disputer le fameux challenge. Celle-ci va réussir d'ailleurs un superbe parcours.
« goal : Bollack ; arrières : Lucas et Batier ; demis : Binot, Harders et Mimaud ; avants : Cazaux, Bedey, Gros, Hauret, Lassalle ».
(M. Hauret, ibid.)
161Après avoir battu les clubs régionaux, l'équipe du « Stade » réussit à éliminer le S.C. Irun, à Dax, et perd la Finale disputée à Toulouse contre le F.C. Barcelone (déjà détenteur de la Coupe) par 4 buts à 2 ; l'année suivante, l'équipe du Stade Bordelais accomplit le même parcours et se fait à nouveau battre par le F.C. Barcelone, sur le même score. L'équipe du Stade est composée comme suit :
« goal : Glenck ; arrières : Plault et Hauret ; demis : Binot, Tebbuth et Mimaud ; avants : Cazaux, Greggi, Gros, Fuentes, Lassalle ».
(Ibid.).
162Fuentes et Greggi sont deux "avants" argentins qui viennent de signer au « Stade » en début de saison.
163En 1912, le SBUC est encore champion de la Côte d'Argent (U.S.F.S.A.) des équipes 1, 2 et 3 ; en 1913 et 1914, il récidive avec les équipes 1,3 et 4.
164Le Stade Bordelais va également disputer quelques matches contre des équipes étrangères : Athletic-Club de Bilbao (février 1910), Hampstead Football Club (avril 1911), etc.
165Dans un pays de Garonne largement dominé par le rugby, le football des années 1900 n'est pas à négliger et, là encore, le Stade Bordelais a joué un rôle déterminant pour faire connaître cette spécialité, par ses résultats et en accueillant de fameuses équipes de clubs étrangers (Football-Association, 24 juillet 1920, p. 275).
166I1 faut insister sur le rôle des dirigeants du « Stade » qui s'emploient à développer le football. F. de Zangronitz, passionné de football, est négociant en vins de son état. Il dirige la section stadiste d'« association » ; il est également secrétaire de la Commission de Football-association du Comité de Côte d'Argent de l'U.S.F.S.A., arbitre officiel et collaborateur au journal Sports. Maurice Hauret dirige habituellement les opérations sur le terrain de jeu. Il exercera un peu plus tard la profession d'agent de change. En outre, il sera conseiller municipal du Bouscat, administrateur de la Chambre des propriétaires de Bordeaux et Président général du S.B.U.C. à partir de 1937.
167En fait, le recrutement social de l'équipe première de football est relativement élevé. C'est dans les équipes seconde et troisième que le recrutement est, semble-t-il, plus populaire17.
La popularisation du ballon rond
168Le football-association est apparu au Stade Bordelais en 1894. Il se limite alors à un petit groupe de pratiquants... Une dizaine d'années plus tard, la popularité du ballon rond a grandi. En dehors de l’U.S.F.S.A., d'autres fédérations organisent leurs propres championnats. Les patronages catholiques, regroupés sous l'égide de la Fédération Gymnique et Sportive des Patronages de France, possèdent de bonnes équipes. L'Union régionale est présidée par Edouard Glotin (directeur des Etablissements Marie Brizard et Roger), également vice-président de la F.G.S.P.F. Entre 1909 et 1914, les Bons Gars de Bordeaux (paroisse Saint-André) disputent plusieurs finales et conquièrent un titre national en 1909. De même, l'équipe de la Vie au Grand Air du Médoc, affiliée à la Fédération Cycliste et Athlétique de France, se distingue en 1913 et en 1914. Elle est qualifiée pour jouer la finale du Trophée de France.
169Sous l'action de ces trois puissants groupements que sont l’U.S.F.S.A., la F.G.S.P.F. et la F.C.A.F., le football est en train de se développer assez largement dans divers milieux sociaux. Le S.B.U.C. contribue à cette démocratisation.
Expérimentations techniques et pédagogiques
170L'essor des disciplines sportives au sein du club se traduit par la structuration d'une culture technique et s'accompagne d'une solide expérience pédagogique.
171Les techniques sportives sont des manières de faire, des procédés visant à l'efficacité maximale dans le contexte spécifique de la compétition. Il s'agit d'acquis relativement stables, sujets à description et à commentaires, ouverts à des réaménagements ; des perfectionnements ou servant des stratégies d'action. En outre, la transmission des techniques suppose des modalités pédagogiques relativement formalisées.
172Dans le cadre du « Stade Bordelais », les domaines de l'expérimentation technique et pédagogique semblent expliquer bien des réussites et des performances sportives enregistrées par les équipes ou les athlètes du club. D'autres facteurs permettent de caractériser cette culture sportive propre au Stade :
- l’expérience sportive des "anglais" du B.A.C. et l'éducation sportive acquise outre-Manche par quelques jeunes Bordelais favorisés ;
- la capacité du club à rassembler des sportifs de talent dont le regroupement se traduit par la création d'une "école" ou d'une "méthode" bordelaise (football-rugby, sauts, course de fond...) ;
- l'émulation sportive suscitée par les bons résultats obtenus par le Sport Athlétique Bordelais et le Bordeaux Etudiants Club ;
- l'effort constant des dirigeants du club pour doter les sections d'un encadrement technique de qualité, en vue d'obtenir des résultats sportifs de premier plan ;
- la notoriété du Stade Bordelais favorisant les contacts réguliers avec d'autres clubs, français ou étrangers, et permettant de comparer les méthodes et les résultats.
173Ceci étant rappelé, les documents manquent aujourd'hui pour présenter les modèles pédagogiques utilisés, privilégiés ou écartés, au sein des sections du club. De même, on ne sait pas grand chose des conditions précises de l'entraînement des athlètes et/ou des équipes du S.B.U.C. : procédures didactiques, programmes techniques, intensité, priorités, innovation... Le sport repose essentiellement sur une culture d'expression orale.
174Il n'en est pas moins évident que les sections du club ont été les terrains privilégiés d'expérimentations techniques et pédagogiques dont la maîtrise a permis de façonner la grande « expérience » du Stade Bordelais U.C. et le « métier » de ses vedettes sportives.
Une diffusion progressive des pratiques sportives
175Incontestablement, à la veille de la Première Guerre mondiale, on constate une popularisation des divers sports. Le S.B.U.C. recrute ses effectifs dans un milieu social plus élargi. Grâce au club, les spécialités sportives s'ouvrent aux classes moyennes et, pour quelques unes au moins, aux classes modestes. Le Stade développe de nombreuses spécialités : football-rugby, association, athlétisme, cross-country, vélocipédie (que l'on nomme désormais cyclisme), natation, water-polo, lawn-tennis, pelote basque... Avant la lettre, il s'annonce déjà comme le grand club omni-sports du Sud-Ouest.
176Quelques vedettes du club contribuent même au lancement des sports d'hiver. En 1913, les stations pyrénéennes de Cauterets et des Eaux-Bonnes connaissent une animation sans précédent. Dans ses Carnets, le dessinateur humoriste Paul Mirat croque les célébrités mondaines ou sportives du moment. Les internationaux Jacques Conilh de Beyssac et Maurice Boyau figurent en bonne place parmi les pionniers du ski.
177En juin 1914, le siège du club est situé 5, allées de Tourny, à Bordeaux. Bientôt, quelques jours plus tard, le S.B.U.C. va faire l'acquisition d'un vaste immeuble avec cour, au 147 de la rue du Palais-Gallien.
V. UNE TÉNÉBREUSE AFFAIRE : LE S.B.U.C. SANCTIONNÉ PAR L'U.S.F.S.A.
178Revenons sur les dernières saisons de la section de rugby du Stade Bordelais qui font suite au titre de champion de France 1911. Le club de Bordeaux est alors le maître incontesté de la spécialité.
179Pourtant, aux yeux de certains (parisiens !), le Stade Bordelais U.C. paraît trop puissant et trop bien organisé... Sa réussite, sa suprématie paraissent insolentes. A Bordeaux, par contre, les sportifs bordelais sont fiers de leur équipe.
180Gorce, photographe-éditeur installé à Talence, publie une série de cartes postales numérotées, à la gloire du Stade. L'établissement Tunmer, le grand magasin d'articles de sports, fait également imprimer des cartes postales-réclame reproduisant la grande équipe du Stade Bordelais U.C., au grand complet. Les Nouvelles Galeries ne tardent pas à en faire autant en 1911. La légende de l'image a des accents épiques : au terme de la finale du championnat de France, le S.B.U.C., avec ses huit internationaux, compte
« 24 matches - 24 victoires. 547 points marqués contre 83 encaissés »...
181Qui dit mieux ?, est-on tenté d'ajouter. Le rugby de la capitale ne tient plus que les seconds plans. La légitimité parisienne de l'Union est-elle compromise ?
182A la fin de l'année 1912, un incident permet à l'U.S.F.S.A. de sanctionner le club de Bordeaux. Le prétexte est le suivant : la Scottish Rugby Union vient d'attirer l'attention de son homologue français sur une courte annonce publiée dans le Journal The Referee, de Glasgow, du 5 novembre 1912. En voici la formulation :
« Football.- The Stade Bordelais rugby, champions of France, wish a good stand off half (left half) for their team ; a good business situation will be found in Bordeaux for a capable player. Write with full particulars and references to M. Bonnet, 56, Leslie Street ».
Un verdict bien sévère...
183L'U.S.F.S.A. décide de sanctionner durement les dirigeants du club. Le verdict tombe à la veille des fêtes de fin d'année. Il est particulièrement sévère. M. Bonnet, la « boîte aux lettres » de l'annonce, qui exerce sa profession à Glasgow, est radié. Le président de la commission de rugby du « Stade », Robert Vandercruyce, est également radié de l'Union. Le président J. Shearer et le secrétaire général O. Bardet sont suspendus : l'entraîneur W. Priest est renvoyé. Seul J. Maxwell, au titre de sa position de président du « Comité de rugby » de l'U.S.F.S.A. (du Sud-Ouest), échappe à la punition. C'est la consternation dans les rangs du S.B.U.C. Maurice Martin, Gaston Bénac, les frères Herbert et d'autres journalistes de renom prennent la défense du Stade Bordelais, en alertant l'opinion publique. Pour tous ces journalistes, le sport entre dans une nouvelle phase de son évolution et ce constat ne vaut pas que pour le rugby. Le haut niveau de pratique est de plus en plus exigeant. Les clubs s'efforcent de mobiliser les ressources adéquates pour prétendre au succès. La décision prise par l'Union n'est pas appropriée au contexte sportif qui tend à s'imposer.
184La démarche engagée en cette fin d'année 1912 par les dirigeants du Stade Bordelais n'a rien d'exceptionnel. En accord avec les dirigeants du club, l'entraîneur Priest cherche à améliorer, saison après saison, les points faibles de l'équipe. Il lui faut prospecter... Ailleurs, la formule est déjà utilisée. L'Ecossais Alfred Russel avait été le conseiller technique de l'Aviron Bayonnais quelques années auparavant et, dès 1910, le Gallois Harry Owen Roë est entraîneur-joueur dans ce club. Il suffit de lire — entre les lignes — la chronique historique du club, rédigée par Claude Duhau. De même, un autre Gallois, du nom de Tom Potter, est responsable de la Section Paloise à partir de 1911. Il succède à son compatriote Crockwell. Enfin, le Stade Nantais U.C., grâce à l'ex-stadiste bordelais Pascal Laporte, va s'assurer les bons services du Gallois Percy Bush. L'équipe de Tarbes a recruté Hayward, un autre Gallois. On pourrait allonger la liste ! Le secret de polichinelle s'est transformé en procès d'intention à l'encontre du S.B.U.C. Le club bordelais s'était déjà attaché les services d'un coach : l'Anglais Herschell, en 1905, était venu prodiguer ses conseils, puis l'attaquant néo-zélandais Versfeld avait pris en main l'équipe girondine commandée par Kürtz, et personne à l'époque n'avait trouvé à redire...
185Par ailleurs, la sanction est d'autant plus injuste, précise Maurice Martin, que le « Racing » a visiblement bénéficié, pour sa part, d'un verdict de faveur pour un manquement caractérisé à l'esprit de l'amateurisme... Selon Martin, l'annonce publiée dans le journal écossais ne saurait être interprétée comme l'intention délibérée de recruter un « professionnel » du rugby. A Bordeaux, seul Henry Hoursiangou, alors Rédacteur en chef du journal Le Sportsman (et ex-stadiste !), soutient la décision de l'U.S.F.S.A. Quant à Paul Voivenel, alors vice-président de l'Union, il ne fait pas la moindre allusion à ces événements dans son ouvrage consacré à l'histoire du rugby...
186Les « Stadistes Bordelais » voient dans cette « affaire » une sorte de chasse aux sorcières, un procès parisien dirigé contre le "sud", orchestré par Frantz Reichel (Vice-Président et Secrétaire Général de l'Union) et les siens, qu'ils soient du Racing Club de France ou du S.C.U.F. !
187La polémique fait aussi figure, nous semble-t-il, de querelle entre des « anciens » et des « modernes » : les premiers nommés restant attachés à un idéal défini quelque vingt-cinq ans auparavant, les seconds exploitant logiquement les moyens qu'impose désormais la pratique sportive. Plus encore, ce sont bien les représentants de deux fractions des élites sociales qui manifestent leur divergence de point de vue : le vieil aristocratisme français, dans sa version sportive, contre le réalisme circonstantiel et l'esprit d'entreprise, « à la bordelaise »...
Un huitième titre manqué de peu
188La saison rugbystique 1911-12 accomplie par l'équipe première de rugby n'est pas mauvaise. L'arrivée de l'international Gallois William Morgan, sensationnel demi de mêlée, apporte du nouveau. Elle laisse probablement échapper un nouveau titre à sa portée, sur une décision d'arbitrage. En effet, le S.B.U.C. est stoppé dans son parcours par le R.C.F., en demi-finale du championnat de France, à la suite d'une mauvaise appréciation d'un arbitre de touche... Maurice Bruneau, directement intéressé en tant qu'acteur de la phase de jeu et capitaine des Bordelais, déclare :
« Même sur mon lit de mort, je dirai que je ne suis pas passé en touche ; j'ai marqué cet essai qui nous donnait la victoire. »
(témoignage rapporté par J.-G. Pomiès).
189Quelques jours plus tard, en finale, le Stade Toulousain bat le R.C.F. par 8 points à 6.
190Toujours est-il que le S.B.U.C. va faire une saison 1912-13 relativement discrète. Il est défait par l'Aviron Bayonnais en "demi-finale", sur son terrain de Sainte-Germaine, par 9 points à 0. La « manière bayonnaise » supplante la « méthode bordelaise » et le score est sans appel. Le S.B.U.C. n'est-il pas sur le déclin, après avoir dominé le rugby français pendant une douzaine d'années consécutives ? Quelques semaines plus tard, « l'Aviron » est sacré champion de France face au S.C.U.F.
191La saison suivante n'est pas meilleure pour le prestigieux Lion Bordelais... Les premiers matches joués par l'équipe première sont satisfaisants. Le Stade gagne bien les rencontres disputées contre l'U.A. Libournaise (32 points à 0), l'U.S. Bergerac (19 à 5), Biarritz. Olympique (13 à 3), contre la Section Bordelaise (6 à 0), le B.E.C. (14 à 0)... Mais il est battu ou accroché par les bons clubs du "Midi" : Section Paloise, A.S. Perpignanaise. L'essor du rugby rend chaque année le championnat plus difficile pour le club bordelais. Battre le S.B.U.C. sur son propre terrain ou à l'extérieur, à Sainte-Germaine, est le rêve que nourrissent la plupart des équipes...
192Toutefois, plusieurs Bordelais sont appelés en équipe de France. Maurice Leuvielle (1913, 1914), Maurice Bruneau (1913), Maurice Boyau (1913) et Jacques Conilh de Beyssac (1914) sont internationaux.
L'annonce d'une "crise" du sport ?
193Le S.B.U.C. vient de faire les frais de la première "crise" grave que connaît le rugby français. Il y perd plusieurs de ses dirigeants actifs. Les documents d'archives dont nous disposons ne permettent pas de préciser si le Président Shearer suspendu par l'U.S.F.S.A. retrouve par la suite sa place officielle à la tête du club. Il semble plutôt que Lajoux, jusque-là trésorier du Stade, lui succède à cette charge à partir de 1913. On ne saurait cependant affirmer formellement que ce remplacement n'est pas provisoire. James S. Shearer a pu reprendre officiellement la présidence générale du club, quelques mois plus tard, jusqu'en 1919 (?) ainsi que le consignent quelques documents de "seconde main". A partir de la saison 1913-14, le petit dépliant imprimé sur lequel figure le calendrier des championnats disputés par les quatre équipes de rugby ne mentionne plus aucun nom de dirigeants. La première page montre simplement l'écusson du club avec les sept années de victoires. On peut interpréter ce changement comme un indice des conséquences fâcheuses que les sanctions de l'Union ont eu sur l'organisation de l'appareil dirigeant du club...
194L'histoire officielle du rugby a délibérément omis cet épisode qu'il nous a semblé important d'exhumer de l'oubli : un faux débat et, de fait, une fausse solution sous la forme d'une sanction dont le Stade Bordelais est le seul club à faire les frais... Notons que Pierre Bodis évoque cet épisode douloureux, replacé dans son environnement social et culturel, dans son excellent ouvrage (1987, p. 156-157). Certains historiens du ballon ovale (comme le journaliste Paul Audinet, 1945, p. 39) précisent que, suite à cette affaire, le Stade Bordelais intenta un procès à l'Union, qu'il gagna... Au delà de l'événement local, c'est bien une "crise” du sport moderne qui se dessine.
195Ajoutons que la déclaration de la guerre de 14-18 va interrompre ce débat houleux portant sur le rugby, le recrutement des joueurs et des entraîneurs, l'amateurisme, l'organisation du club et la place de l'argent dans le sport.
196La question n'est pas pour autant résolue ; elle reviendra d'actualité pour le rugby dans le courant des années trente.
197A la veille de la déclaration de guerre, l'activité du Stade Bordelais U.C. se déploie selon les quatre composantes déjà identifiées : expression culturelle et associative, communication sociale, organisation (interne, au niveau du club et des sections, et externes, dans le cadre fédéral) et compétition (avec ses différents niveaux de performances). Le processus de développement du club implique désormais une interdépendance entre ces quatre registres qui composent un dispositif complet et dynamique. L'institutionnalisation — associative — du sport connaît ainsi sa forme la plus achevée.
VI. LA « COUPURE » DE LA GRANDE GUERRE DE 1914-1918
La « Grande Guerre »
198Le 3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France. Pendant plus de quatre ans, la tourmente ravage le pays. Les conscrits sont mobilisés dans une atmosphère de fièvre et d'exhubérance... Mais bientôt la terre de France se couvre de cimetières et l'effroyable tuerie emporte la moitié de la jeunesse.
199En cet été de 1914, une certaine forme héritée du XIXe siècle prend fin. Le Bordeaux de la Belle Epoque s'achève brusquement avec la Grande Guerre.
La « maison du Stade » devient hôpital complémentaire
200La Guerre va porter un coup fatal aux activités du club. Il sort meurtri et exsangue de la terrible épreuve. Au lendemain de l'Armistice, toute une « génération perdue », héroïque, manque à l'appel. Le monument aux morts du Stade Bordelais, à « Sainte-Germaine », porte les noms gravés de soixante-huit sbucistes tombés au champ d'honneur, pour les deux guerres. En fait, presque tous sont morts durant le premier conflit. D'autres noms devraient y être ajoutés. La perte est irréparable. Le constat vaut pour la plupart des sociétés sportives18.
201Peu avant la date de déclaration de guerre, le S.B.U.C. a fait l'acquisition d'un vaste ensemble immobilier, rue du Palais-Gallien, dont il entend faire la « maison du Stade », en pleine ville. Cette belle opération est à mettre à l'actif du Président Shearer. Compte tenu des circonstances dramatiques qui suivent, quelques mois plus tard, l'immeuble est transformé en hôpital complémentaire pour l'accueil des « poilus » blessés au Front.
La reprise des compétition sportives
202Ce n'est qu'à la fin de l'année 1917 que l'activité sportive renaît. Le journal Sports ne reparaît qu'en novembre 1917. Il présente l'actualité sportive, donne des nouvelles des blessés, rend hommage aux disparus.
203Pourtant, la mobilisation des aînés, partis à la guerre, a eu une incidence quelque peu inattendue sur le recrutement du club. Pour « faire la soudure », selon la formule utilisée à l'époque, on fait appel aux plus jeunes afin que le Stade Bordelais U.C. reste engagé dans les différentes épreuves des calendriers sportifs.
204En 1915 et 1916, peu de championnats sont disputés. En 1917 et l'année suivante, l'U.S.F.S.A. organise des « critériums nationaux ».
205L'effectif de plusieurs clubs bordelais est laminé. En septembre 1917, le Sport Athlétique Bordelais, le Burdigala et le B.E.C. concluent une entente provisoire de manière à pouvoir engager des équipes dans différents championnats de spécialités.
206De 1916 à 1919, le championnat de France de rugby est remplacé par la "Coupe de l'Espérance". L'équipe du S.B.U.C. ne joue plus les premiers rôles...
207Quelques jeunes se signalent. Le stadiste Legall, "champion de France" de saut en longueur sans élan, n'a pas 18 ans.
La conduite héroïquedes Sbucistes
208Les sociétaires du club appelés en première ligne des combats ont eu une conduite exemplaire. Certains d'entre eux sont tombés sous le feu de l'ennemi comme Marc Giaccardy (capitaine d'infanterie), Jules Ihnigoué (médecin major dans un régiment d'infanterie coloniale), Fernand Perrens, Jean Tachoires, Jean Anouilh (sous-officier d'infanterie), Julien Dufau (sous-lieutenant de l'infanterie coloniale, tué lors d'une reconnaissance au Niger), Jacques Conilh de Beyssac, Jean Casamajor et bien d'autres encore. Certains ont pu réchapper du massacre : Albert Branlat (adjudant), Pierre Terigi (souslieutenant, qui va décéder en octobre 1918 des suites de ses blessures), Charles Veillet (lieutenant en 1918), Robert Blanchard (capitaine de réserve en 1917), Edmond Froustey (médecin major), Jean Rachou et Jean Jauréguiber (médecins-aide major), Emile Strôhl (affecté dans l'aviation à l'escadrille d'Henri Decoin et de Maurice Boyau)...
209Des Stadistes ou anciens Stadistes de renom ayant appartenu à diverses sections du club ont également payé de leur vie : des footballeurs comme Pataa et Joseph Perpere, des athlètes comme le double champion de France De Ganderax, venu par la suite au Stade Bordelais. Et tant d'autres...
Après l'Armistice de novembre 1918
210Après la guerre, le S.B.U.C. possède des équipes de "jeunes" dans la plupart des spécialités. On assiste ainsi à une individualisation progressive des classes d'âge, au niveau des licenciés sportifs.
211Divers journaux sportifs ouvrent une rubrique "Jeunes". Cette initiative coïncide avec la formation des équipes inférieures. La formule d'un championnat pour les équipes de jeunes est inaugurée en rugby par le Comité de Paris à l'occasion de la saison 1918-19. La province ne va pas tarder à suivre l'exemple.
212Au lendemain du conflit meurtrier, le « Stade Bordelais » ouvre une nouvelle page de son histoire. La vie bordelaise paraît s'organiser désormais selon de nouvelles composantes et le rayonnement du Stade Bordelais U.C. en révèle certaines caractéristiques.
213Les activités reprennent au sein du club avec un enthousiasme accru. La prestation de l'équipe première de rugby est marquée par des hauts et des bas... Le dimanche 1er décembre 1918, le S.B.U.C. est battu par l'Aviron Bayonnais à Sainte-Germaine sur le score honorable de 12 points à 6 (2 essais, 1 but. 1 drop-goal contre 2 essais), devant un très nombreux public. Si le bayonnais Roë a été le meilleur homme sur le terrain, les sbucistes Maratin et Lascouret ont réalisé un excellent match.
« Les avants bordelais se sont réhabilités ; ils ont accompli d'énormes progrès et dans quelques semaines ils constitueront un pack de tout premier ordre ».
214Le jugement d'Henry Hoursiangou est de bonne augure. Il laisse présager de belles performances.
215Par ailleurs, le "vieux contentieux" qui existe entre le S.B.U.C. et les étudiants bécistes (et sabistes, réunis au sein du S.A.B.E.C. depuis 1917) renaît rapidement avec le début de la saison sportive. Le chroniqueur anonyme de la rubrique "autour des « grands »" de la revue Sporting y fait allusion.
« Les luttes d'antan ont repris leur acuité à Bordeaux, ou le SBUC et le SABEC rivalisent pour avoir les meilleurs joueurs. Deux stadistes sont passés à la fusion, mais en revanche Laulon revient au Stade. Les plaintes s'entrecroisent d'un camp à l'autre »...
(Sporting. Editions spéciales pendant la guerre, no 216, 4 décembre 1918, cit. p. 7052).
216Les passions ont repris leurs droits. Toutes ces péripéties contribuent à alimenter les potins sportifs de la capitale du Sud-Ouest. Et chacun peut y trouver son compte de certitudes et de convictions...
217Entre 1917 et 1919, divers "matches internationaux de guerre" sont disputés entre pays alliés, et en particulier contre des sélections de l'armée néo-zélandaise qui compte dans ses rangs de prestigieux joueurs. Les historiographes officiels du ballon ovale ont souvent négligé cette période qui marque pourtant une étape dans la maturation du rugby français. Plusieurs Bordelais figurent dans telle ou telle sélection : des sociétaires — ou ex-sociétaires — du S.B.U.C. comme Georges Rieu, le libournais Ströhl ou Pierre Petiteau, ou des clubs voisins (Mazarico et Loubatié, du S.A.B.E.C. ; Mauco, du C.A.B.). Cette période aujourd'hui assez mal connue s'achève avec les Jeux Interalliés, voulus par les Américains, qui se déroulent en 1919 au Stade Pershing, édifié pour la circonstance au bois de Vincennes. La finale de rugby est remportée par la France, opposée aux Etats-Unis, sur un score de 8 points à 3.
218En 1919, l'équipe de rugby du S.A.B.E.C. enlève le titre de champion de la Côte d'Argent (1ère série). Dans les semaines qui suivent, les « unionistes » parviennent en demi-finale de la "Coupe de l'Espérance" après avoir éliminé le Racing-Club de France.
219Avec ses millions de morts, la Grande Guerre a supprimé des générations de jeunes gens, des classes d'âge entières. A sa manière, l'activité sportive des clubs porte la marque de ce cruel sacrifice. Le S.B.U.C. n’échappe pas au constat et d'autres facteurs ont un effet non négligeable sur l'organisation du club lui-même. Une nouvelle époque s'ouvre pour le sport.
Notes de bas de page
1 Telle est la thèse avancée par Eugen Weber dans un article intéressant, Gymnastique et sport en France à la fin du XIXème siècle : opium des classes, Aimez-vous les stades ?, Recherches, Paris, no 43, avril 1980 (p. 185-220). Pour la naissance du S.B.U.C., voir p. 215. Cette étude est la traduction d'un article paru en 1971 dans l'American Historical Review.
2 Docteur Jacques Dufourcq, La naissance du SBUC, le SBUC, no 107, avril 1954, p. 1.
3 STADE BORDELAIS UNIVERSITÉ CLUB (S.B.U.C.). Des hommes et des activités autour d'un demi siècle, éd. B.E.B., 1957, p. 876.
4 Georges DUPEUX, chap. cit„ Les clubs sportifs... cit. p. 448. Voir également notre étude : La naissance du sport universitaire à Bordeaux et les débuts du B.E.C. (1880-1907), 116ème Congrès national des Sociétés savantes, Chambéry, 1991, Histoire moderne et contemporaine, t. 1, p. 65-87.
5 Eugen Weber mentionne un article du journal Le BEC de 1911 dans lequel son auteur insiste sur les qualités de l"’élite intellectuelle" qui compose l'effectif du club (art. cit., voir p. 215). Notons que l'article est postérieur de plusieurs années aux événements dont il est question.
6 Maurice MARTIN, "Un grand sport". Revue philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest, no 5, 1er mai 1905, p. 216-222.
7 Eclipsant quelque peu les progrès accomplis par le football-association qui s'implante alors à Bordeaux, principalement dans le cadre du S.B.U.C. et, pour les jeunes, à la V.G.A.M. et dans quelques patronages bordelais.
8 Paul Voivenel, Président d'honneur de la Fédération Française de Rugby, Mon beau rugby, Toulouse, éd. de l'Héraklès, 1942 (p. 57). De longs passages de l’ouvrage, qui composent un véritable hymne au pétainisme, ne sont pas utiles évidemment pour notre étude.
9 Voir le document no IV présenté en annexe, p. 173-174, qui restitue l'ambiance générale de cette rencontre mémorable.
10 Paul Voivenel, op. cit., p. 66.
11 Bordeaux-Sport, journal illustré de tous les sports. Organe officiel des principales sociétés sportives du Sud-Ouest, Samedi 18 mars 1911. A la présentation du « Comité du Stade Bordelais U.C. », fait suite la biographie détaillée des joueurs du club qui s'apprêtent à disputer la Finale du championnat. Nous reprenons celle-ci en document annexe no V, p. 175-177.
12 Cette société a probablement pris la succession d'un certain Bordeaux Athlétic Club, au recrutement très populaire, qui ne doit plus grand chose au B.A.C. très britannique dont l'effectif était venu s’ajouter à celui des sociétaires du Stade Bordelais.
13 Ajoutons qu'à ce moment-là se forme la Société Athlétique de la Villa Primrose (S.A.V.P.), en 1897. Désormais, c'est autour de ce club que vont s'organiser progressivement les compétitions et les tournois de tennis à Bordeaux. Plusieurs de ses sociétaires disputent des matches internationaux : Daniel Lawton (présélectionné pour participer aux Jeux olympiques de Stockholm, en 1912), Jean Samazeuilh, François Blanchy.
14 Voir à ce sujet l'article de Maurice HAURET, Trente ans de football, Le SBUC, no 7, mai 1940.
15 Retenons cependant que l’U.S.F.S.A., très élitiste à cet égard, privilégie le rugby au détriment de l'association. Sur ces aspects, se reporter à l'ouvrage de Maurice PEFFERKORN, le Football-association. Paris : Flammarion. 1921.
« Longtemps l'association fut considérée comme la sœur pauvre du rugby. Et l'Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (U.S.F.S.A.), qui régissait ces deux sports accusa sa préférence pour le ballon ovale ». (Chap. III) Le développement du football en France, p. 37-41, cit. p. 38).
16 En fait, dans la région bordelaise, l’institutionnalisation du football est, à l'origine, relativement complexe ; bon nombre de clubs, dont le S.B.U.C., le S.A.B., le B.E.C., etc. sont groupés au sein de l'U.S.F.S.A. Les patronages catholiques, qui comptent de bonnes équipes, forment l'Union Régionale des Patronages du Sud-Ouest (U.R.P.S.O.), opérant sous le contrôle de la Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France. Ensuite, la V.G.A.M. a pris la tête d’un troisième groupement local, sous l'autorité d’un autre organisme ; la Fédération Cycliste et Athlétique de France (F.C.A.F.). Il ne convient pas de s'étendre ici sur les considérations de toute nature, politiques, religieuses, institutionnelles et culturelles qui amenèrent ces Fédérations à se montrer jalouses de leur indépendance. Notons seulement que cette « dispersion des énergies sportives » a nui au football bordelais plus qu'à d'autres spécialités (athlétisme, tennis, cyclisme, natation). A partir de 1904, vont intervenir quelques accords pour que des rencontres puissent avoir heu entre les clubs appartenant à ces diverses Fédérations, et cela grâce à l'action du Comité Français Interfédéral (C.F.I.), surtout à partir de 1908.
17 Comme c'est d'ailleurs le cas dans d'autres clubs bordelais : La Comète et Simiot, le Sporting Club de la Bastidienne, le B.A.C., le Gaulois-Sport...
18 Rappelons que le C.A.B. fondé en juin 1907, champion de la Côte d'Argent en 1919, a perdu 59 sociétaires pour 161 partis au Front... 70 membres du Bordeaux Etudiants Club sont morts pour la France. Le bilan est terrible.
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