Quarante-trois versions pour un projet définitif
p. 102-117
Texte intégral
QUELLE DESSERTE POUR LE CAMPUS ? LA ROCADE ET LA PÉNÉTRANTE SUD-OUEST
1Les tracés de la rocade et de la pénétrante sud-ouest (P.S.O.) sont contemporains de la genèse de la zone universitaire. Ces deux axes routiers majeurs, dont seul le premier vit le jour, ont été mal pris en compte dans la conception du plan masse directeur du campus. À la décharge de Sainsaulieu, il semble que l’architecte coordonnateur n’ait pas été destinataire, systématiquement et rapidement, de toutes les évolutions du tracé de la P.S.O. qu’il découvre souvent lors de ses déplacements à Bordeaux1.
2La P.S.O., est initialement envisagée comme une voie future entre Arcachon et le centre de Bordeaux, au niveau de la Manufacture des tabacs et de la place Rodesse, cette liaison étant de moins en moins bien assurée par la route nationale 650, dans la traversée de Pessac et aux abords de la barrière, à l’approche des boulevards2. L’existence même du projet de P.S.O. aurait été, selon un rapport établi en 1982, l’une des raisons déterminantes, outre l’opportunité foncière, de la décision de regrouper, autour de la faculté des sciences, l’ensemble universitaire constituant le campus. « Il apparaissait clairement, en 1959, date d’approbation du plan d’ensemble du domaine universitaire, qu’une voie nouvelle, à grande capacité et à niveau de service élevé, devait obligatoirement relier les deux pôles majeurs de la métropole d’Aquitaine constitués par le centre-ville et le campus implanté à la périphérie de l’agglomération. » Si ce projet est certainement connu de Sainsaulieu, dès sa nomination en 1958, il convient cependant de relativiser ces propos tenus en 1982. En effet, la première mention connue de la pénétrante, dans la présentation que l’architecte coordonnateur fait de ses différentes versions du plan de masse directeur, ne remonte qu’à mai 1963, lors de la présentation de la troisième version, quasi définitive, de son étude. C’est d’ailleurs en 1963 que surgissent les premiers débats autour du tracé de ce nouvel axe radiant, débats dont la presse se fait l’écho.
3Un comité de défense contre « la pénétrante Sud-Ouest » s’est constitué à la suite des articles parus dans la presse régionale qui la qualifie de « colossale ». Le comité comprend la nécessité d’améliorer la desserte de ce campus depuis le centre-ville, mais il critique le projet envisagé pour son prix et les délais de sa réalisation3. Il critique également le tracé qui aboutirait à « un mur » et supposerait la création d’une « petite rocade » dont le financement n’est pas à l’ordre du jour.

P.S.O. Plan général du 19/08/1965 signé de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et du directeur départemental de la construction. A.R.B. 2008.22/2511.
4Le projet de la P.S.O. a été mis au point par le Groupe d’études techniques4. Il est soumis pour consultation aux maires de Bordeaux, de Talence, de Pessac et de Gradignan à la fin de l’été 1965. Le premier tracé établi longe la zone universitaire, le CHU et aboutit au centre de Bordeaux près du quartier Mériadeck, desservant ainsi trois des grands chantiers engagés alors à Bordeaux.

RS.O. Plan de situation et de zonage, 19 août 1965, signé de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et du directeur départemental de la construction. A.R.B. 2008.22.2511.

Tracé emprise P.S.O. sur fond de plan de la zone universitaire du 19 novembre 1964. A.R.B. 2008.22.2511.
5La création de la P.S.O. entraîne la suppression de la voie de contournement et de desserte de la zone universitaire par le nord et suppose la création de nombreux échangeurs5.
6En 1965, l’agglomération bordelaise compte 500 000 habitants, dont 90 % sont établis sur la rive gauche de la Garonne. Les prévisions d’extension tablent sur une population totale de 1 000 000 d’habitants, sans que le terme soit fixé. Entre les boulevards et la future rocade, les services de l’urbanisme de l’agglomération notent déjà, en 1965, le manque de liaison en « rocade » entre les boulevards et le futur périphérique. Le réseau des six routes venant du Médoc, du bassin d’Arcachon, de Bayonne et de Toulouse est alors à la limite de la saturation, et les hypothèses les plus optimistes de développement tenant compte du doublement de la population et de l’accroissement du taux de motorisation tablent sur un quadruplement du trafic. La solution de l’élargissement des voies existantes, d’une emprise moyenne de 15 à 16 mètres, est écartée en raison de la densité des constructions en continu de part et d’autre de ces voies. Il est donc envisagé, en 1965, de créer plusieurs pénétrantes autoroutières en exploitant au mieux les possibilités du tissu urbain où existent encore de nombreux terrains vides. La P.S.O. est l’une des trois ou quatre pénétrantes qui sont ainsi envisagées à cette époque. Les deux premières seraient constituées par des axes de pénétration nord-sud, sur tes quais de la rive gauche de la Garonne, en prolongement de l’autoroute Bordeaux-Paris, et de l’autoroute Bordeaux-Toulouse. La P.S.O. s’installe dans « une trouée verte » en parallèle avec la voie ferrée du Sud-Ouest et reprenant partiellement le tracé historique de la « voie romaine ». Elle est conçue dans le contexte de développement urbain de plusieurs grandes opérations qui, dans les décennies suivantes, vont changer le visage de l’agglomération : Mériadeck ; le quartier de la Chartreuse, le CHU Pellegrin, la zone universitaire T.P.G., mais également la zone industrielle de Pessac et la plaine des sports de Gradignan. La zone « non aedificandi » de cette pénétrante, prévue en tranchée, atteint une emprise de 100 mètres de large. Parmi les sept échangeurs prévus sur son tracé, trois intéressent directement la desserte de la zone universitaire, au niveau de la rocade périphérique, au niveau du quartier Fontaudin et au niveau de la voie dite « des Mairies » alors à l’étude et desservant l’université au nord.
7Le tracé de la P.S.O., tel qu’il ressort des plans de l’été 1965, porte atteinte à deux zones de parkings des futures extensions de la faculté des sciences, réduisant les capacités d’accueil de 700 places6. Une analyse plus poussée fait apparaître que ce sont sept hectares qui sont pris par la pénétrante sur la surface de la zone universitaire, non seulement sur les parkings mentionnés par l’architecte-coordonnateur, mais également sur les Villages 3 et 4 et sur l’emplacement réservé à la Magnéto-Chimie7. Le tracé de la pénétrante apporte également son lot de nuisances, l’un des échangeurs se trouvant à cinq mètres seulement d’un immeuble du Village 4, d’autres se situant à 10 ou 50 mètres seulement de la voie autoroutière. On craint aussi que la P.S.O. n’entraîne des vibrations préjudiciables aux expériences conduites dans les laboratoires scientifiques. Par ailleurs, la P.S.O. sectionne la voie périphérique du complexe universitaire en trois endroits et génère des surfaces inutilisables. Dans ces conditions, le tracé de la pénétrante est rejeté par les représentants universitaires réunis par le recteur le 22 septembre 1965. Une distance de 80 mètres avec les bâtiments est demandée, les services de l’urbanisme estimant que cette distance peut être ramenée à 60 mètres en raison de l’implantation de la pénétrante en tranchée. Il est rappelé, à cette occasion, que plusieurs variantes ont déjà été étudiées, dont une entièrement souterraine, sous le complexe universitaire, mais que celle-ci a été abandonnée pour des raisons financières8. Le tracé présenté est un compromis entre les contraintes imposées par la zone universitaire et celles émanant de l’existence de la clinique mutualiste. Une variante permettrait de satisfaire les demandes d’éloignement de quelques bâtiments universitaires mais amputerait la clinique mutualiste de son aile sud. Une autre solution envisagée passerait par l’acquisition de la clinique par l’Éducation nationale, en vue de sa démolition, mais cette solution est jugée, à juste titre, bien improbable.
8L’impossibilité de modifier le tracé de la P.S.O. est signifiée à Sainsaulieu lors d’une réunion qui se tient le 2 novembre 1965 en présence de l’ingénieur des Ponts et Chaussées et des représentants du ministère de la Construction9. Sur ce tracé que Sainsaulieu qualifie lui-même d’« immuable », seuls les raccordements et les parkings peuvent encore faire l’objet d’échanges. Les nuisances occasionnées aux bâtiments les plus proches ne peuvent être résolus que par des solutions techniques d’isolation contre le bruit et les vibrations ou par leur déplacement dans le plan masse. Sainsaulieu semble disposer à écouter sur ce point les propositions des gestionnaires de chaque bâtiment. Il est en revanche beaucoup plus préoccupé et réticent vis-à-vis des amputations que subissent les parkings et demande à ses interlocuteurs de revoir sur ce point leur copie en déplaçant l’échangeur près des facultés des lettres et de droit plus au nord sur le terrain du domaine Haut-Brion. Mais les urbanistes de l’État n’y sont pas favorables, ayant déjà prévu d’y placer des logements pour reloger les personnes expropriées par le tracé de la P.S.O.. La question des parkings en frange de la zone universitaire est d’autant plus importante pour Sainsaulieu qu’il n’envisage toujours pas laisser les automobiles pénétrer à l’intérieur de la zone universitaire. Concernant la seule extension de la troisième tranche de la faculté des sciences, Coulon ne se montre pas alarmiste, et propose des solutions alternatives pour déplacer ou modifier la partie du plan masse qui le concerne10.
9Le doyen de la faculté des sciences ne cache pas, en revanche, sa déception de constater que ses observations ne sont pas prises en cause dans le tracé de cette pénétrante qui menace les parkings et le bon fonctionnement de certains bâtiments comme celui de l’Institut de géologie du bassin d’Aquitaine. En tout, la P.S.O. ampute le territoire de la faculté des sciences de 2 hectares. Le directeur départemental de la Gironde pour le ministère de la Construction ne cache pas, quant à lui, son agacement devant les reproches faits à son tracé et affirme, non sans raison, que le dessin du plan de masse directeur a été réalisé sans tenir suffisamment compte des circulations périphériques. Il est bien évident, insiste le directeur départemental, que « le premier bâtiment de la faculté des sciences a été implanté beaucoup trop près de la RN 10 et sans qu’il soit tenu compte de l’importance que cette voie de circulation mériterait tôt ou tard, d’être élargie11. » Le directeur départemental espère, à cette époque-là, que les crispations autour de cette question du tracé de la P.S.O., permettront de provoquer une étude commune des circulations aux abords du campus.

Plan de raccordement de la P.S.O. (rouge) avec la voie des mairies (orange) et la voie de desserte de la zone universitaire (jaune) le long de la troisième tranche de la faculté des sciences. Plan du 21 décembre 1965 adressé par le directeur de la Construction au recteur le 23 décembre 1965. A.R.B. 2008.22.2511.
10À ces critiques, Sainsaulieu ajoute ses doutes sur la faisabilité financière de ce projet qui, à sa connaissance, n’a « pas le moindre financement dans un avenir prévisible12. » La P.S.O. est déclarée d’utilité publique en 1970, déclaration prorogée en 1975. Cependant, plus aucune note, ni aucun courrier, n’évoque ce projet dans les archives du rectorat pendant une quinzaine d’années, de 1966 à 1981, même si son tracé figure sur les 43 versions connues du plan de masse directeur définitif élaborés de 1963 à 1973.
11Les études ne reprennent qu’en 1980 alors que l’essentiel de l’université est construit. Le bilan établi à cette époque fait état de 42 propriétés acquises, dont la plupart sont bâties. Les acquisitions se poursuivent au rythme de la demande des propriétaires. Cependant, de 100 mètres de large, l’emprise moyenne de la P.S.O. a été réduite à 30 mètres, le maire de Pessac ne cessant de demander une réduction supplémentaire jusqu’à 25 mètres seulement de ce qu’il préférerait voir appeler un « boulevard » et non une « autoroute ».
12Au début de l’année 1981 est créé un nouveau groupe d’études en vue de la création d’une voie urbaine au nord du domaine universitaire T.P.G.13. L’étude est confiée au groupe CODRA (Bernard Schaefer) et au cabinet d’architectes Bouzou-Semondes, assistés de Christian Loir, sociologue rattaché au CETE de Bordeaux. Une analyse du secteur d’étude de la P.S.O. est établie en juillet 1981, avant mise au point d’un avant-projet, mais exclusivement sur le secteur de Pessac14. Ce projet, comme celui étudié de 1959 à 1965, ne vit jamais le jour. Privé d’une liaison rapide avec le centre de Bordeaux et la voie des mairies, mal raccordée à la rocade par un unique échangeur, la zone universitaire est restée fortement enclavée et difficile d’accès jusqu’à sa desserte récente par la ligne B de tramway (Pessac-Claveau), immédiatement saturée entre les stations Montaigne-Montesquieu et Hôtel-de-Ville.
LA VERSION DÉFINITIVE DU PLAN DE SAINSAULIEU APPROUVÉE LE 23/07/1963
13Début mai 1963, une nouvelle étape dans l’élaboration du plan masse est franchie, donnant lieu à troisième plan daté du 6 mai qui peut être considéré comme définitif. Ce plan nous est connu grâce aux commentaires qu’en font les différents intervenants de la réunion qui se tient au rectorat le 7 mai 196315, mais aussi16 grâce au plan maquette approuvé par le C.G.B.F. le 23 juillet 1963.
14Sainsaulieu précise que l’esprit du dernier plan approuvé par le C.G.B.F., le 9 février 1962, a été conservé. La principale modification porte sur le déplacement du stadium, sujet de débats importants depuis décembre 1961, et qui a été tranché dans un sens favorable à l’architecte coordonnateur : « Le stadium universitaire a été placé à la limite de la partie sud de la zone, près de la future autoroute. Il en est de même de la piscine qui sera attenante au stadium et qui sera desservie par une entrée distincte16. » La deuxième modification importante tient au plan de circulation qui intègre enfin le tracé de la rocade, mais aussi le projet de P.S.O., reliée par un échangeur à la rocade (l’actuel no°15).
15Les parkings restent implantés le long de la route périphérique nord du campus, mais, pour des raisons qu’il n’explique pas, Sainsaulieu envisage désormais d’ouvrir le cœur de la zone universitaire à l’automobile, d’une manière encore mesurée, mais qui va croître au fil des nouvelles versions du plan masse. À ce stade de son étude, l’architecte coordonnateur envisage seulement l’accès et le stationnement des véhicules des professeurs, tout en renforçant l’importance des parkings périphériques. Cette idée et celle de la distinction des parkings pour enseignants et étudiants rencontrent l’adhésion des représentants de l’université.
16Enfin, une opposition assez tranchée contre la création de villages mixtes d’étudiants et d’étudiantes se dégage parmi les présents à cette réunion. Le doyen Brus fait état d’une expérience à la Cité universitaire de Paris, près du parc Montsouris, où, selon ses informations, les problèmes soulevés par la mixité auraient été résolus « en logeant dans chacun des immeubles un ménage de professeurs dont l’influence sur les étudiants a été des plus heureuses. » Ce troisième plan connaît six modifications jusqu’au 5 septembre 1963, peut-être davantage encore, au cours des derniers mois de 1963, jusqu’au premier plan dit de « mise au point de détails » sur lequel seront ensuite portées toutes les modifications dues à la mise au point de chaque partie et de chaque bâtiment. De ce plan définitif initial daté du 15 janvier 1964, nous connaissons 43 modifications datées jusqu’au 23 juillet 1973.

Louis Sainsaulieu. Plan maquette du troisième plan de mai 1963, dans sa version approuvée par le C.G.B.F. le 23 juillet 1963. A.R.B. 2008.22.3081 (mise en couleur Gille Ragot, 2013).
Orange : voies périphériques automobiles – Jaune : voies traversantes – Bleu : villages universitaires – Rose : RU – Rouge : château d’eau – Vert : parkings Violet : Bibliothèques.
Plusieurs modifications majeures interviennent par rapport au plan no°2 du 11 décembre 1961 approuvé par le C.G.B.F. le 9 février 1962.
* Le territoire de la zone universitaire tel que nous le connaissons aujourd’hui est établi.
* La forme et la répartition des bâtiments restent, pour une grande part, l’expression d’un potentiel et non la représentation de projets en cours d’élaboration.
* La prise en compte dans le plan de voirie de la rocade et de l’amorce de la P.S.O. connectée par un échangeur à la rocade, mais dont le tracé n’est cependant pas précisé.
* Le stadium quitte sa position centrale et est repositionné sur le terrain de Roquencourt au sud du site ; à sa place est installée une piscine.
* Le Village 1 a été réduit de moitié (problème de mixité).
* Le Village 2 et son restaurant ont glissé un peu au sud-ouest du secteur 2 au secteur 3.
* Le village central est déplacé en bordure de rocade (Village 6), renforçant ainsi la disposition périphérique des villages universitaires.
* La disposition générale des bâtiments s’est simplifiée, probablement parce que les besoins et les projets se sont affinés entretemps. Coulon impose la figure, déjà employée dans la première tranche, de bâtiments en longueur reliés par des coursives extérieures et se refermant à certains endroits en figures de cloîtres.
* Deux perspectives sur les trois précédentes ont perdu de leur sens : l’aula magna située dans le secteur 2 en fond de perspective de la troisième tranche de la faculté des sciences a disparu ; le château d’eau a été déplacé plus au nord derrière la faculté de droit et l’IEP. Dans le secteur 2, au lieu de la grande perspective, Sainsaulieu et Coulon mettent en place une composition étagée (ou en quinconce) à redents successifs ; une figure semblable est envisagée en négatif en face, de l’autre côté de la coulée verte pour les extensions futures de la faculté des sciences. Ces extensions n’ont jamais été réalisées.
* Les facultés de droit et de lettres se font toujours face à face, de part et d’autre d’une des voies traversantes. Se met en place un axe vertical perceptible en plan mais illisible dans la réalité, s’achevant au sud par le terrain du nouveau stadium. La bibliothèque de Lettres et de Droit a pivoté de 45°. Elle ferme désormais la perspective de l’esplanade entre les deux facultés.

Louis Sainsaulieu. Plan no°3 du 6 mai 1963, version modifiée no°6 du 5 septembre 1963. A.R.B. 2008.35.79 (mise en couleur Gille Ragot, 2013).
Orange : voies périphériques automobiles – Jaune : voies traversantes – Bleu : villages universitaires – Rose : RU – Rouge : château d’eau – Vert : parkings Violet : Bibliothèques.
Sur ce plan, la principale modification tient au fait que la forme des bâtiments correspond à la réalité de projets en cours. Les zones réservées à des extensions sont laissées vides, en grisé, contrairement au plan maquette précédent destiné à séduire le C.G.B.F..
Le tracé de la P.S.O. est précisé et pris en compte. Les échangeurs, formalisés par de simples cercles, sont envisagés avec la rocade. La P.S.O. modifie la limite nord de la zone universitaire en amputant sur la voie périphérique de desserte. Trois carrefours sont prévus pour la raccorder au réseau qui dessert la ZU.
L’extension dans la zone Roquencourt, au sud, et le positionnement d’un village en bord de rocade à l’extrémité sud rendent nécessaire la transformation de la voie centrale latérale piétonne en voie de circulation automobile, ce que semblerait attester l’indication des carrefours (formalisés par des petits cercles) à créer à la rencontre des voies transversales dont le tracé n’a pas changé.
La surface et l’emplacement des parkings évoluent beaucoup d’un plan à un autre, comme une sorte de variable d’ajustement de la composition. Les parkings occupent les espaces résiduels que génèrent d’une part le tracé courbe des voies, et d’autre part l’implantation rigoureuse et systématique des édifices selon la trame orthogonale de 100 mètres qui régit tout le plan de Sainsaulieu. Beaucoup de parkings ont ainsi une forme de triangle aux bords plus ou moins arrondis.

Louis Sainsaulieu. Plan de détail, version modifiée no°34 datée du 18 février 1969. A.R.B. 2008.35.135 (mise en couleur Gilles Ragot 2013).
Orange : voies périphériques automobiles – Jaune : voies traversantes Bleu : villages universitaires – Rose : RU – Rouge : château d’eau Vert : parkings - Violet : bibliothèques – Noir : archives municipales
À cette date, l’ensemble universitaire de Talence-Pessac est inauguré depuis près de deux ans. La transversale ouest a été baptisée « avenue des Arts ». La voie qui longe la faculté des lettres porte désormais son nom actuel d’« esplanade des Antilles », probablement parce qu’à cette époque il est envisagé d’y construire le Centre national de documentation d’outre-mer (près du restaurant no°4), l’Institut de biologie tropicale et le Centre d’études tropicales (actuellement Maison des Sud).
Les principales modifications du plan de masse portent sur les points suivants :
* l’implantation des archives départementales est envisagée derrière le Centre d’études tropicales (actuellement un parking) ;
* la pointe sud-est du site est désormais occupée par l’IUT A et par une réserve foncière pour son extension (y prendra place plus tard l’IUT B). En conséquence, la contraction du Village no 6 est telle qu’à ce village se substitue une tour-résidence de 300 chambres en forme de tripode. Le restaurant no°3 est déplacé à côté de cette résidence ;
* deux autres tours-résidences, chacune de 150 chambres, sont implantées également au nord de l’ENIAM face à la bibliothèque des Sciences. Elles ne seront pas réalisées ;
* pour la première fois, un échangeur avec la P.S.O. est positionné au niveau de la clinique mutualiste.
Une conception paysagère tardive et finalement inexistante
17En septembre 1965, alors que plusieurs bâtiments sont déjà en service, Sainsaulieu se préoccupe tardivement des espaces verts et d’une conception paysagère : « Maintenant qu’un certain nombre de constructions et de voies de la zone universitaire sont soit en service, soit en cours de réalisation, il devient nécessaire de prévoir la réalisation des plantations et espaces verts et surtout leur étude d’ensemble17. » S’il a bien été prévu de faire réaliser certaines parties de ces aménagements et plantations dans les tranches de voirie alors à l’étude et dans les terrains affectés soit aux dernières opérations de construction, soit aux sports, il lui paraît indispensable « que certaines conceptions de “paysagisme”, des plantations et jardinages nécessaires soient étudiés et traités avec une suite de vue et de méthode. »
18Pour chaque opération, les crédits affectés aux aménagements extérieurs sont minimes et limités à ce qui subsiste quand tout le reste a été financé. Sainsaulieu en appelle néanmoins à une vue d’ensemble qui soit plus que la seule addition des aménagements réalisés autour de chaque bâtiment. L’absence de vue d’ensemble serait, selon lui, une « carence regrettable ». Aussi Sainsaulieu demande-t-il la nomination d’un « spécialiste paysagiste ». Il ajoute qu’il est, lors des réunions, souvent sollicité sur ces questions et qu’il fait ce qu’il peut, mais que cela ne suffit pas. Il ajoute que le même raisonnement devrait aussi s’appliquer à tout le mobilier urbain et aux constructions de service correspondantes. Il conseille aussi au recteur de se renseigner sur le mode et les charges d’entretien que cela représentera ensuite18.
19Probablement non entendu, Sainsaulieu revient à la charge auprès du recteur le 5 février 1966. En marge du paragraphe où il demande que soit établie une mission pour un paysagiste comparable à ce qui a été confié à la S.E.G. pour la voierie et les VRD, un lecteur, probablement le recteur, écrit « sur quels budgets, sous quelle appellation ?19 ».
20Un paysagiste est finalement désigné. Il s’agit d’André Larrègue20, paysagiste à Bordeaux. Mais, en mars 1968, Larrègue n’a toujours pas proposé de contrat à la S.E.G. qui doit le missionner, et Sainsaulieu se plaint très durement de son manque de travail : « En vous faisant désigner, après combien de difficultés, pour jouer un rôle de conseil - paysagiste pour l’ensemble du campus-, j’avais espéré trouver dans votre compétence une aide beaucoup plus active et efficace. » Il lui demande en conclusion de se mettre immédiatement au travail ou de renoncer21. Il semble qu’André Larrègue ait renoncé22, l’absence de paysagiste accusant davantage le morcellement ressenti sur ce campus.
Le dessin se substitue au dessein
21Après l’approbation du schéma directeur en 1963, les modifications ont été très nombreuses, générant, jusqu’au 16 juillet 1973, 43 versions officielles, sans compter toutes les études intermédiaires. Tout au long de sa mission, de sa nomination en 1958 jusqu’à son décès en janvier 1972 avant même l’achèvement définitif des études, Sainsaulieu n’aura eu de cesse de déplorer l’absence de vue d’ensemble : « Je crains que cette politique ne nous amène à beaucoup d’incohérence et, comme je me considère comme personnellement chargé de conserver à la composition d’ensemble de ce plan son “parti” primitivement approuvé avec le maximum de clarté et de simplicité, je pense qu’il faut dès maintenant prendre le problème d’une façon beaucoup plus large23. »
22Sainsaulieu explique que des feuilles cadastrales au 1/500e étaient régulièrement mises à jour ainsi que les règles d’utilisation et de construction, mais qu’il a fallu arrêter de réaliser ces documents devant les changements incessants, et le fait qu’on ne pouvait fixer les règles avant que les projets soient stabilisés. Sa mission évolue alors vers l’accompagnement des architectes chargés des opérations « en vue de conserver les principes directeurs, la composition et l’aspect général de la zone universitaire et à les adapter ».Tout cela, conclut-il, « s’est fait au fur et à mesure, d’après les besoins dans un but d’efficacité24. »La fréquence de ces modifications s’espace néanmoins à partir de 1966, lorsqu’une partie importante des bâtiments est désormais réalisée ou en cours25. En 1968, Sainsaulieu résumait lui-même le rôle qu’il avait joué en expliquant « que dans le cas prévu la conception et l’organisation primitive du plan masse n’ont été qu’une partie de la tâche du coordonnateur et que son rôle d’adaptateur et de mainteneur du parti adopté en face de l’évolution des exigences ont été au moins aussi importants26. »
23Les grandes données du schéma directeur ont été arrêtées après de nombreuses réunions, sous la haute autorité du préfet de Gironde, du recteur, des doyens des universités et des chefs d’établissement - en coordination avec les services de la Construction et des Ponts et Chaussées, la ville de Bordeaux et les collectivités concernées. Ces principes furent précisés et adoptés à Paris lors de réunions à la direction nationale des constructions scolaires et universitaires, en présence de représentants de la direction générale de l’enseignement supérieur27. Malgré cela, le schéma directeur de la zone universitaire résulte essentiellement d’une addition d’opportunités, hors de toute vision politique d’ensemble. La force du projet de Sainsaulieu réside ainsi principalement dans sa capacité, certes en grande partie formelle et artificielle, à donner, au moins graphiquement, une identité et quelques grands principes en dépit de ces conditions défavorables. Par défaut, le dessin s’est substitué au dessein.
Notes de bas de page
1 Cette situation est notamment avérée en septembre 1969. Lettre de Sainsaulieu au recteur le 15/09/1965. A.R.B. 2008.35.45
2 L’essentiel de cet historique provient du compte rendu d’une réunion tenue le 07/01/1982 à la mairie de Pessac. A.R.B. 2008.22.2511.
3 Lettre du comité de défense contre la « pénétrante Sud-Ouest », au recteur, le 26/11/1963. A.R.B. 2008.22.2511.
4 Ce Groupe d’études techniques a été constitué en application de l’instruction liée à la réforme des plans d’urbanisme. La pénétrante n’est pas le seul projet étudié par ce groupe d’études. Voir lettre du préfet au recteur le 31.08.1965. A.R.B. 2008.22.2511.
5 P.S.O. « Notice justificative », du 19.08.1965. A.R.B. 2008.22.2511.
6 Lettre de Sainsaulieu au Recteur le 15.09.1965.
7 Note du service des constructions du 21/09/1965 à l’attention du recteur en vue d’une réunion « pénétrante » prévue le 22/09/1965. A.R.B 2008.22.2511.
8 Compte rendu de la réunion du 22091965/au rectorat « concernant le nouveau tracé de la pénétrante sud-ouest » A.R.B. 2008.22.2511.
9 Lettre de Sainsaulieu au recteur le 05/11/1965. A.R.B. 2008.22.2511.
10 Lettre de Coulon au Recteur le 17/11/1965. A.RB 2008.22.2511.
11 Lettre du directeur départemental de la Gironde au préfet de région, le 25/11/1965. A.R.B. 2008.22.2511..
12 Compte rendu de la réunion du 14/01/1966 sur le tracé de la P.S.O.A.R.B. 2008.22.2511.
13 Lettre du président de l’université au recteur le 16041981. /A.R.B. 2008.22.2511.
14 Pessac : Pénétrante Sud-Ouest. Analyse globale du secteur d’étude. Bouzou-Semondes-CODRA-Juillet 1981. A.R.B. 2008.22.2511.
15 Voir Compte rendu de la réunion du 07/051963. A.R.B. 2008.35.135.
16 Idem.
17 Lettre de Sainsaulieu au recteur le 14/09/1965. A.R.B. 2008.35.45.
18 En marge de ce paragraphe, un lecteur, probablement le recteur lui-même, ajoute un point d’interrogation.
19 Lettre de Sainsaulieu au recteur le 05/02/1966. A.R.B. 2008.35.45.
20 André Larrègue, considéré comme un grand paysagiste bordelais, est notamment l’auteur des jardins du cloître de l’égtise Notr-Dame de Garonne, à Marmande en 1956-1959 inspiré des jardins de la Renaissance, d’un jardin public dans la ZUP du Mireuil Saint-Maurice à La Rochelle en 1964, du jardin japonisant aujourd’hui détruit de la Maison du Paysan à Bordeaux (1970).
21 En l’état actuel des recherches, aucun document ne le concernant n’a été inventorié dans les archives du rectorat à l’exception d’une mission sur le Stadium en 1968.
22 Lettre de Sainsaulieu à A.Larrègue le 22.03.68. A.R.B. 2008.35.79.
23 Lettre de Sainsaulieu au recteur le 16/12/1965. A.R.B. 2008.35.45.
24 Lettre de Sainsaulieu au Directeur de la S.E.G. le 27/09/1967. A.R.B. 2008.35.83.
25 Voir 2008.35/083 dossier Sainsaulieu.
26 Note de Sainsaulieu du 07/05/1968. Boîte d’archives non cotée conservée dans le bureau de Mme la Conservateur des archives du Rectorat
27 René Laroumagne, « L’expansion de l’université de Bordeaux » dans Le Moniteur des Travaux publics, no°29, 18/07/1964, p.17-22, avec préface du recteur Babin.
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