Introduction
p. 121-141
Texte intégral
1Les équipements qui structurent la vie sociale sont nombreux et variés : équipements du secteur public, dépendant pour la plupart des collectivités locales, équipements du secteur privé, à but lucratif ou non.
2Les éléments de voirie et de réseaux, ainsi que les équipements généraux (approvisionnement en eau et en énergie, assainissement), ont été par nécessité exclus du champ de nos recherches qui s’est limité à toute la gamme des équipements scolaires, culturels et cultuels, sociaux et sanitaires, sportifs et commerciaux.
3L’éventail est donc largement ouvert, si l’on songe qu’à la variété des formes et des fonctions, vient s’ajouter celle des modes de gestion et de fonctionnement.
4Dans l’espace péri-urbain, que nous avons limité pour l’agglomération bordelaise à la seconde et à la troisième couronnes de banlieues, les équipements semblent, par leur vocation et les activités qui s’y rattachent, appartenir à plusieurs catégories :
5Certains d’entre eux ont été conçus pour la ville-centre ou l’agglomération, et se trouvent en position péri-urbaine par suite du mouvement centrifuge qui les a rejetés en périphérie (aéroport, foire-exposition, campus universitaire, complexes hospitaliers, centres de commerce de gros, cimetières...). Ces emprises urbaines doivent être prises en compte car elles jouent un rôle important dans la structuration des espaces périphériques.
6D’autres, bien que destinés à l’agglomération tout entière, sont largement utilisés par les populations locales (grandes surfaces de vente, plaines de sports...).
7Enfin, un troisième niveau d’équipement s’est constitué en fonction des besoins spécifiques de la population péri-urbaine, qui varie selon les catégories socio-professionnelles, l’âge, la composition des ménages, les types d’habitat, etc... C’est à cette échelle que se posent les problèmes essentiels pour notre propos, c’est ici surtout que les équipements concrétisent les rapports sociaux par leur présence dans un tissu urbain inachevé.
8Une dernière remarque préliminaire s’impose : la prise en compte de la taille et de la structure des agglomérations est essentielle pour comprendre la localisation et l’utilisation des équipements, ou parfois l’absence de certains d’entre eux, comme c’est le cas dans la conurbation de la Côte Basque, où la proximité entre les noyaux urbains de Biarritz, Bayonne et St-Jean-de-Luz déforme la notion même de péri-urbain.
1 - CROISSANCE PERI-URBAINE ET APPARITION DES EQUIPEMENTS
9L’accentuation des contrastes de croissance entre centre et périphérie, a été mise en évidence par le dernier recensement de population (J. Pailhé, R.G.P.S.O., 1983).
10Entre 1975 et 1982, un grand nombre de villes-centres ont perdu de la population, les communes contiguës ont progressé lentement, repoussant dans l’espace rural péri-urbain les points de croissance maximale.
11Dans l’agglomération bordelaise, les plus fortes augmentations de population sont rejetées à la périphérie de la Communauté, et surtout au-delà de ses limites.
12Accompagnant l’urbanisation massive ou diffuse, les services de voisinage s’organisent à la périphérie des villes, ils nécessitent de plus en plus de supports qui prennent la forme d’équipements spécifiques et d’équipements polyvalents. Ces équipements sont dans la majorité des cas proposés par les municipalités qui trouvent là un moyen à la fois de répondre aux besoins précis des nouvelles populations, et d’affirmer leur vocation d’organisatrices de l’espace.
13Entre croissance péri-urbaine et apparition des équipements, les rapports nous paraissent s’établir :
- dans le temps, en terme de retard plus ou moins grand par rapport à l’habitat ;
- dans l’espace, en terme d’inégalités de répartition des équipements.
141.1. - Les besoins en équipements
15– Equipements scolaires :
16Les équipements scolaires, après les problèmes d’assainissement, sont la préoccupation principale des municipalités, dans la mesure où l’urbanisation entraîne dans la quasi-totalité des cas un apport d’enfants supplémentaires. Dans un premier temps, les municipalités aménagent et complètent les locaux scolaires existants ; dans un second temps, de nouvelles constructions s’imposent ; l’effort est généralement porté sur les écoles maternelles, les nouveaux groupes primaires et, dans quelques cas, les collèges.
17Les anciens locaux scolaires sont alors disponibles et peuvent servir de support aux services de voisinage qui s’organisent pour des activités socioculturelles et des activités sportives en salle (judo, gymnastique volontaire...), alors que des équipements spécifiques sont aménagés, notamment dans le domaine sportif.
18– Les équipements sportifs :
19Les équipements sportifs sont une constante préoccupation des municipalités qui les considèrent comme des éléments essentiels de l’animation communale.
20L’enquête réalisée par l’Agence d’Urbanisme pour la Communauté Urbaine de Bordeaux en 1982 dans 96 communes hors CUB, souligne l’importance de ces équipements et la forte demande de constructions nouvelles :
Communes équipées de terrains de sport | Communes équipées de salle couverte | Communes équipées de terrains de tennis | Communes équipées de plateau d’évolution | |
Existant | 90 % | 33 % | 40 % | 36 % |
En projet | 43 % | 26 % | 33 % | 23 % |
21Ce sont les terrains de grand jeu – en particulier de football – qui sont les mieux représentés, puisque 90 % des communes en possèdent, mais les besoins de nouveaux stades ou d’aménagement des anciens sont très soutenus et intéressent 43 % des communes. Les équipements du type salles couvertes, terrains de tennis ou plateaux d’évolution sont moins nombreux, bien que représentés dans plus de 33 % des communes ; là aussi, on assiste à une forte demande d’équipements, notamment en terrains de tennis.
22– Les équipements socio-culturels :
23Les équipements socio-culturels spécifiques sont moins nombreux que les équipements sportifs, mais des actions multiples sont organisées à partir de l’école et autour de l’école, à l’initiative des conseils de parents d’élèves, des municipalités et du secteur associatif. Ces actions se réalisent dans les locaux prêtés et aménagés par les municipalités. Ils prennent la forme d’écoles de musique, de ciné-clubs, de photo-clubs, de bibliothèques ou de centres de loisirs sans hébergement. Ces derniers (depuis la circulaire de 1970) ont pris la suite des centres aérés et s’organisent pour recevoir les enfants des résidents, alors qu’ils étaient conçus au départ pour accueillir les enfants de la ville-centre.
24Pour que des équipements spécifiques soient aménagés dans le domaine culturel, il faut généralement atteindre un seuil de population de 3000 à 5000 habitants.
25– Les équipements commerciaux :
26A l’intérieur des agglomérations, la prépondérance des communes-centres et de leur couronne est écrasante, et l’équipement commercial marque en règle générale un retard de trois ou quatre ans par rapport à la réalisation des programmes d’habitat.
27Dans l’agglomération bordelaise, le volume des équipements dans la zone hors C.U.B. est réduit : il représente seulement 7,2 % du nombre des établissements, contre 60,9 % dans la commune de Bordeaux et 31,9 % dans les communes de la C.U.B. (hors Bordeaux). Malgré la présence de grandes surfaces de vente, la densité commerciale n’est que de 36 m2 pour 100 habitants (contre 500 m2 à Bordeaux et 61 m2 dans la C.U.B.). Les commerces alimentaires l’emportent largement, et les commerces spécialisés (hygiène, santé, et surtout équipement de la personne) sont relativement rares. Parmi les services à caractère commercial, seules sont bien représentées les branches relatives à l’automobile et aux cycles, ainsi qu’aux débits de boisson. Les agences bancaires apparaissent dès que la population dépasse un certain seuil (source : Atlas Commercial de Bordeaux et de son agglomération. Chambre de Commerce de Bordeaux – CESURB - 1982).
28L’évolution du nombre d’établissements commerciaux de 1977 à 1980 fait ressortir un solde positif de 25 à 50 % dans les communes péri-urbaines, alors que inscriptions et radiations des établissements s’équilibrent seulement à Bordeaux et dans les communes de la première couronne.
291.2. - Les inégalités constatées dans la répartition péri-urbaine, et l’importance plus ou moins grande des diverses branches, semblent résulter d’un certain nombre de facteurs :
30– Le poids de l’histoire est considérable : beaucoup d’équipements actuels sont l’héritage d’équipements anciens, qui ont donné à certains espaces péri-urbains une sorte de vocation. A Bordeaux, les services hospitaliers, déjà bien implantés au Sud (hôpital militaire du Béquet) et à l’Ouest (Xavier Arnozan), ont installé à Pessac-Haut-Levêque une grosse unité moderne de cardiologie.
31Autres effets d’un héritage : au niveau scolaire, Ustaritz ne dispose d’aucun établissement secondaire public, mais possède, en revanche, deux établissements secondaires privés (1er et 2ème cycle), l’un féminin, rattaché à un couvent, l’autre ancien petit séminaire. Au niveau commercial, Urt, qui touche Urcuit, pour être depuis longtemps un village-centre ayant ses jours de marché et de foires, a un appareil commercial qui n’est pas seulement de proximité. Les structures foncières ont bien entendu joué un rôle essentiel dans la localisation des équipements, surtout de grande taille. Le Domaine Universitaire de Talence-Pessac a pu s’établir sur 250 hectares, grâce à l’acquisition des terres jointives de cinq anciens châteaux viticoles. A l’Ouest de Périgueux, dans la commune de Marsac, la libération d’une propriété de 120 hectares a facilité l’installation de grands équipements : foire-exposition, zone de loisirs, projet de lycée agricole.
32– La législation a joué un rôle incitatif, soit à travers la carte scolaire, soit à partir des grilles d’équipement qui donnent aux urbanistes une notion de seuils à partir desquels une installation doit être envisagée, et une notion de hiérarchie des équipements.
33Les sources de financement ressortissant à l’aide publique et les prêts des institutions publiques, jouent un rôle fondamental dans les diverses catégories d’équipements : les politiques contractuelles concernant les villes moyennes, nationale ou régionale, ont porté surtout sur la réhabilitation des centres anciens, mais certains aménagements ont cependant eu lieu en secteur péri-urbain.
34– Les politiques municipales jouent un rôle déterminant, et la gamme des équipements dans une commune péri-urbaine porte souvent la marque de la volonté d’un homme ou d’une équipe, de leur savoir-faire en matière de subventions et d’urbanisme, de leur orientation politique et socio-culturelle. La personnalité et le poids de certains maires, leur efficacité, liée parfois au cumul des mandats, peuvent expliquer certains processus d’équipement accéléré qui l’opposent au retard des communes voisines, aux municipalités moins dynamiques.
35Les syndicats inter-communaux ont permis, dans beaucoup de cas, la réalisation de stades, de salles polyvalentes ou de maints autres équipements. Inversement, l’absence de solidarité inter-communale entraîne souvent des concurrences ou des carences, tant sur le plan de la réalisation des équipements, que sur celui de leur gestion et de leur utilisation.
36– L’effet d’une demande spécifique et le rôle de la vie associative sont considérables aussi, et parfois étroitement liés à l’action municipale, qu’ils soutiennent ou qu’ils contrarient.
37L’urbanisation entraîne dans une commune péri-urbaine, avec l’accroissement de la population, une mutation de la composition socio-professionnelle, génératrice à son tour de nouvelles activités associatives. Sous la pression de ces associations, de nouveaux équipements sont réalisés, lorsque la municipalité y consent, en fonction de ses ressources et des programmes déjà engagés. Mais il arrive parfois, comme à Bouliac par exemple, que la réponse municipale prenne la forme d’une politique d’animation et d’intégration, avec le concours des associations. Les interrelations entre action municipale, vie associative et réalisation des équipements sont donc nombreuses et complexes (Ph. Garraud, R.G.P.S.O., 1980).
38– Le seul critère de l’opportunité est souvent la règle, surtout de l’opportunité foncière, ce qui entraîne un éparpillement des équipements qui empêche le développement d’une animation urbaine cohérente. Les études préalables font souvent défaut, ce qui aggrave le danger d’inéquation des équipements réalisés par rapport aux besoins des usagers. Par ailleurs, le recours quasi systématique à l’utilisation de « modèles » normalisés, conduit à la répétition des mêmes piscines, des mêmes salles, plus ou moins adaptés au milieu, et sans originalité.
391.3. - De la conception à l’utilisation : les déviances
40Les équipements visant une polarité secondaire en milieu périurbain sont particulièrement menacés de « déviance » par rapport à leur objectif. Il s’agit d’abord d’une déviance portant sur la conception elle-même : pas de prise en compte de la dimension spatiale (les équipements sont dispersés selon l’acteur dont ils dépendent), pas de prise en compte de la dimension temporelle (2 équipements voisins ne constituent pas un pôle, sinon de repérage et de symbolique, ce qui n’est pas nul, s’ils fonctionnent à des heures différentes).
41Il s’agit aussi, presque systématiquement, d’une dérive qui concerne l’équipement, son fonctionnement, son inscription dans le temps. L’origine de l’équipement est très diverse : parfois une demande claire d’usagers, parfois une initiative nationale (1000 clubs, Maison du Temps libre pour citer des phénomènes récents et anciens), parfois un projet né dans l’équipe municipale. Du projet brut, qui a souvent un corps précis, au projet tel qu’il peut être adressé aux instances susceptibles d’assurer plus ou moins sa réalisation, on constate une première dérive : il a fallu se soumettre aux règles multiples d’une « faisabilité », qui ne dit pas toujours son nom ; il y a certes tout le système règlementaire, mais aussi les modes, voire les orientations préférentielles de tel ou tel. La même demande deviendra ainsi, selon l’année où on la prend en compte, mais aussi selon qui la prend en main après l’avoir sélectionnée, des projets différents dont on ne voit pas immédiatement la parenté. Au cours du périple à travers les instances, ce projet, préparé pourtant selon les conseils de ceux qui décident, va être modifié et souvent réduit.
42Si l’origine était une demande d’une association ou d’un groupe d’usagers, la dérive fait que le demandeur se reconnaît souvent mal dans le projet, si du moins la dérive temps ne l’a pas fait disparaître par dispersion du groupe, ensomeillement de l’association, départ...
43Mais cet équipement pour lequel on a choisi un terrain (nouvelle dérive fréquente), et que l’on bâtit maintenant, lui donnant la stabilité de l’immobilier, n’a pas achevé sa dérive. Pendant tout ce temps, la municipalité a pu changer (ou seulement changer d’idée), ses possibilités budgétaires risquant de lui imposer des économies prudentes supprimant tel matériel coûteux, ou, de façon plus essentielle, faisant disparaître tel poste d’animateur. Mais même le jour de l’inauguration, on ne peut écouter avec tranquillité le discours, si soucieux de vérité soit-il. Restent à naître les règlements qui complètent le statut de l’aménagement réalisé. Enfin, une lecture attentive des réalités sociales concernées nous apprend qu’entre le statut et l’usage, le règlement et les pratiques, le fossé peut être grand, qu’il y ait détournement et confiscation par une population qui confisque à son usage l’équipement qui ne lui était pas destiné, ou du moins pas réservé, ou qu’il s’agisse d’un gauchissement qui rend cet « outil » de vie sociale inutilisable ou peu utilisable.
2 - LE ROLE DES EQUIPEMENTS DANS LA STRUCTURATION DES ESPACES PERI-URBAINS
442.1. - Desserte immédiate et pôles structurants locaux
45Un certain nombre d’équipements jouent un rôle dans le développement de la vie sociale au niveau local, surtout quand un noyau se constitue autour de l’école, de la mairie ou de l’église, maintenant ou reconstituant pour les habitants la notion de village.
46La mairie est devenue un pôle d’attraction de plus en plus fréquenté. Il s’y traite des affaires (permis divers, affaires sociales, affaires militaires...) de plus en plus nombreuses et complexes, fort éloignées des tâches traditionnelles d’état-civil. La mairie est, en outre, le symbole de l’autonomie communale, à la fois pour affirmer son identité et pour répondre aux besoins d’accueil des usagers. Autour de Bayonne, plusieurs d’entre-elles ont été transformées (ex. Tarnos) : construites (ex. St-Pierre-d’Irube) ou transférées dans d’anciennes bâtisses plus vastes (ex. Mouguerre).
47L’école et la mairie sont-elles les supports de développement d’autres activités et d’autres équipements ?
48Il faut souligner le développement récent d’activités autour de l’école, dans des locaux réaménagés ou dans les nouveaux équipements construits (locaux polyvalents, salles d’activités). Ces activités sont, par ordre d’importance : les écoles de musique, les écoles de danse, les bibliothèques, les photo-clubs, les ciné-clubs, les centres de loisir sans hébergement, les sections de judo.
49L’initiative vient généralement des groupes constitués autour de l’école (conseil de parents d’élèves, amicales, foyer, etc.), mais les municipalités interviennent en prêtant des locaux et en créant des structures de concertation ou de coordination, qui prennent dans certains cas la forme d’offices municipaux de la culture et des sports. Certaines activités sont réservées aux enfants et aux jeunes, mais de nouvelles activités s’organisent pour d’autres classes d’âge, comme la gymnastique volontaire adulte ; on les rencontre pour le troisième âge.
50Outre l’utilisation des églises et bâtiments religieux anciens dans les bourgs péri-urbains, rappelons la construction de chapelles dans les nouveaux ensembles d’habitation entreprise par les chantiers diocésains ; cette politique de construction d’édifices pour le culte et les activités confessionnelles a été soutenue de 1960 à 1970. Depuis cette date, on assiste à un net ralentissement des constructions spécifiques : les activités, en particulier celles liées à la catéchèse, se réalisant alors dans des lieux banalisés (appartements ou locaux prêtés par la municipalité). Des différences importantes existent entre les secteurs péri-urbains, quant à l’organisation de ces activités. De toute manière, l’équipement cultuel est essentiellement un lieu de rencontre et l’animation qu’il crée à certaines heures joue un grand rôle sur le plan local.
51Dans l’espace péri-urbain, l’apparition d’un noyau commercial marque un seuil dans l’évolution des conditions de vie des habitants, et en particulier des femmes : en dehors de la simple satisfaction des besoins quotidiens ou occasionnels, les commerces jouent un rôle d’animation, et des relations s’établissent en général avec les autres équipements de proximité, administratifs, médicaux ou socio-culturels...
522.2. - L’émergence d’une polarité secondaire, s’exerçant sur un bassin d’usage élargi, et généralement sur plusieurs communes, se manifeste à différents niveaux et avec des modalités différentes, en fonction de la taille des agglomérations et de la présence ou de l’absence de germes antérieurs (bourgs anciens).
53A la périphérie des agglomérations de taille moyenne, cette polarité secondaire apparaît au contact des zones rurales, sous forme de centres commerciaux, qui créent des flux nouveaux de fréquentation : c’est le cas à Périgueux pour le centre commercial Rond-Point de Boulazac, et pour le centre commercial Auchan en construction à l’Ouest, sur la commune de Marsac.
54Dans l’agglomération bordelaise, c’est à une distance moyenne du centre de 15 km, c’est-à-dire au-delà des grands centres commerciaux périphériques, situés au contact même de la rocade, que s’individualisent des noyaux plus importants, comme Blanquefort, St-Médard-en-Jalles, Cestas, Léognan, Ambarès, et à plus longue distance, Créon.
55Le volume de population de ces communes est généralement supérieur à 8000 habitants (St-Médard en a près de 20000), et ils rassemblent des équipements divers, d’un niveau supérieur à celui représenté dans les communes voisines : collèges mixtes et parfois LEP, supermarchés ou même hypermarchés, centres commerciaux, noyaux de commerces spécialisés (équipement de la personne, culture-loisirs, hygiène-santé), et de services (banque, assurances). Il s’agit de bourgs anciens, parfois chefs-lieux de cantons (Blanquefort, Créon), dotés en général d’un marché qui exerce une certaine attraction sur les communes environnantes (Ambarès, Créon, Léognan, St-Médard, Cestas). Leur émergence comme pôles secondaires est ancienne (St-Médard) ou plus récente ; elle est alors liée à une croissance accélérée de l’habitat (Cestas, Blanquefort), ou à une position favorable sur les axes de communication (Ambarès).
EQUIPEMENT DE 6 « POLES SECONDAIRES » DANS L’ESPACE PERI-URBAIN BORDELAIS

562.3. - Les équipements culturels et sportifs : leur rôle dans les rapports centre-périphérie
57La prise en compte des équipements culturels et sportifs fournit un éclairage intéressant, d’une part sur les caractéristiques de l’espace péri-urbain et, d’autre part, sur le rôle de ce dernier dans les rapports centre-périphérie. Des études de cas font apparaître, dans le champ du péri-urbain, des logiques très diversifiées qui vont de la satisfaction d’une demande effective (l’équipement suit ou accompagne l’installation des habitants) à, fait plus rare, une anticipation sur cette demande (l’équipement précède le public). Ces logiques, analysées plus en détail, mettent en évidence des choix, des priorités, voire des contraintes qui, dans certains cas, se traduisent par un sous-équipement culturel et/ou sportif.
582.3.1. - Espace péri-urbain : animation culturelle et sportive :
59– Bergerac : la polarisation de l’espace – du centre-ville – en matière d’animation culturelle, rendue possible par un contrat de ville moyenne régionale (création d’un centre culturel, restructuration des musées locaux, rénovation du Vieux-Bergerac...), a conduit les élus à repenser les équipements d’accompagnement du logement pour les secteurs d’habitation périphériques (Naillac, La Catte...), d’abord comme équipements de proximité et de relais, le cas échéant, à l’animation culturelle, ensuite comme pôles de structuration du cadre de vie immédiat (vie associative et animation de secteur).
60Les grands équipements sportifs se trouvent localisés dans l’espace périphérique bergeracois (à l’Est) : stades de Piquecailloux et Campréal, patinoire, piscine. Cette dernière a été remise en état et insérée dans un cadre de verdure (programme du contrat de ville moyenne régionale). Leur utilisation intéresse l’ensemble de la population. Le centre aéré de Pont-Roux est également implanté dans l’espace péri-urbain.
61– Villeneuve-sur-Lot : réalisé dans le cadre du contrat de ville moyenne régionale inter-communal (Villeneuve, Bias et Pujols), le Parc des Expositions des Fontanelles (animation polyvalente) est un bon exemple d’aménagement de l’espace péri-urbain, qui abrite d’autres équipements culturels ou sportifs (bibliothèque centrale de prêt, aire de loisirs sportifs et piscine, stade de Villeneuve).
62Le caractère polyvalent de l’équipement des Fontanelles (animation économique, sociale, culturelle, sportive), explique aussi sa localisation périphérique par rapport à la ville-centre. La non-polarisation de l’espace, en matière d’action culturelle (rénovation du collège Anatole France, prévue au contrat de ville moyenne et aujourd’hui non commencée, fonction mal définie de l’actuel centre culturel...), s’accompagne d’une non prise en compte de l’animation socio-culturelle dans les secteurs d’habitation périphériques. Certains responsables d’associations de cadre de vie regrettent cette « négligence municipale » (cité Rieus, Fontanelles...).
63– L’agglomération bordelaise : la ville de Bordeaux s’est réservé le secteur péri-urbain de Bordeaux-Lac, doté d’un grand hall d’expositions, d’une base nautique et d’une « plaine » des sports (tennis, aires couvertes, parcours « crapa »...). La commune de Bègles, au Sud, relève à bien des égards d’un espace péri-urbain. En matière d’action culturelle, la volonté municipale vise à renforcer une certaine centralité culturelle (musée de l’outil, projet d’une bibliothèque de prêt...). Ce recentrement de la fonction culturelle s’accompagne du souci d’articuler ce niveau d’animation avec le rôle des équipements de proximité. Dans le domaine sportif, la municipalité a opté pour la création, dans son espace périphérique, d’une plaine des sports avec lac artificiel. Elle ouvre également le Parc de Mussonville à des activités de pleine nature.
642.3.2. - Formulation générale : hypothèse :
65Pour les exemples évoqués, on retiendra plusieurs aspects. Les communes cherchent à se doter d’une gamme d’équipements culturels et/ou sportifs et ce, d’abord dans une volonté de répondre aux besoins de la population résidente. D’une manière générale, et en fonction des opportunités foncières, on observe que :
- les équipements culturels importants, créés ou recomposés, à la différence du sport, tendent à occuper une position centrale dans la commune, et se doublent d’équipements de proximité pour les aires résidentielles périphériques.
- les équipements sportifs importants (terrains de grands jeux, plaine de sports), occupent une position périphérique dans la commune. Pour les petits équipements, les choix sont plus diversifiés.
66. Quelques remarques complémentaires :
67Les dimensions retenues mettent en avant, à des niveaux différents, la question de la desserte immédiate des aires résidentielles périphériques, et celle de la dynamique des rapports centre-périphérie. Une analyse plus rigoureuse obligerait à mieux préciser, pour les logiques d’aménagement du cadre de vie et de mise en place des équipements (culturels et/ou sportifs) identifiées, les dimensions qui relèvent du champ socio-politique avec, dans certains cas, le poids incitatif du support associatif.
68Rappelons aussi, au-delà des exemples retenus, que les communes péri-urbaines (pour l’agglomération bordelaise), comme les villes moyennes d’Aquitaine (dotées d’un espace péri-urbain), n’ont pas nécessairement engagé une politique d’animation culturelle, socio-culturelle et/ou sportive. Cette présentation gagnerait donc à être nuancée par la prise en compte d’autres études de cas moins significatives à cet égard.
69Enfin, soulignons les difficultés de certaines communes pour envisager une véritable action dans les domaines de la culture ou du sport, compte tenu de facteurs comme la forte imprégnation rurale, la faible densité de population, la priorité – sociale – accordée à l’habitat locatif de type HLM, les effets de « halo » provoqués par des communes voisines, réputées dynamiques en matière de culture ou de sport, etc...
702.3.3. - Des constats à un essai d’interprétation :
71Les villes moyennes retenues, Bordeaux-Ville et les communes péri urbaines de l’agglomération bordelaise, semblent se caractériser, à des niveaux différents, par :
- une certaine recherche d’autonomie en matière d’offre culturelle et/ou sportive, visant en priorité à la satisfaction des besoins de la population résidente ;
- un souci, moins généralisé il est vrai, d’imposer une image « culturelle » ou « sportive » contribuant au rayonnement de la commune et à son effet attractif.
72Les supports en sont les équipements culturels ou sportifs eux-mêmes (l’incitation municipale) à la mise en place de grands clubs sportifs et le développement associatif, les grandes manifestations culturelles ou sportives. Retenons, par exemple, pour la culture :
- le centre culturel de l’Ouest Aquitain, à Saint-Médard-en-Jalles, les écoles ou conservatoires municipaux de musique et de danse ;
- le festival de la culture occitane, à Eysines ;
- le festival international de bandas y penas, à Lormont.
73Et pour le sport :
- les plaines de sports de Léognan, du Haillan ;
- les clubs omni-sports tels le S.A.M. ou l’U.S. C.R.D. ;
- les « jeux de bègles » ou de Villenave d’Ornon...
74Il est à rappeler que le niveau de structuration des communes ou des espaces péri-urbains n’atteint pas toujours un tel degré ; néanmoins, l’action municipale, en toute généralité, s’inscrit dans cette orientation globale.
75Cette vocation culturelle et/ou sportive s’affirme à la fois dans une logique municipale – explicite ou non – de renforcement d’une « image » valorisante de la commune, mais également dans une volonté de rééquilibration de l’offre culturelle ou sportive, compte tenu d’une certaine hégémonie de la ville-centre par rapport aux communes péri-urbaines, ou de Bordeaux par rapport aux villes moyennes d’Aquitaine.
76. Essai d’interprétation : vers la constitution de pôles structurants locaux :
77Les équipements culturels et sportifs, les pratiques sociales, peuvent être considérés comme deux supports importants de structuration de l’espace, à un double niveau, infra et supra communal. Cette régulation progressive s’inscrit en définitive dans la dynamique spatiale. Chronologiquement, et de manière schématique, elle débute avec la mise en place d’une desserte « périphérique » immédiate pour constituer, dans ses formes les plus achevées, de véritables pôles structurants locaux, qui jouent un rôle essentiel dans les rapports centre-périphérie. Deux plans peuvent être identifiés :
- équipements de proximité et pôles secondaires infra-communaux ;
- gros équipements et pôles structurants locaux.
78Les pratiques sociales, qui leur correspondent (directement ou par le relais associatif), mériteraient d’être étudiées plus en détail et en fonction des variables classiques (catégorie socio-professionnelle, classe d’âge, trajectoire résidentielle, composition familiale des ménages...), de façon à souligner certaines spécificités.
792.3.4. - Un mouvement de « relocalisation » du péri-urbain :
80La vie culturelle et la vie sportive s’imposent, de plus en plus, en relation directe avec la localité. Un projet d’action culturelle ou d’animation sportive – et dans leur dimension infra ou supra-communale – sont générateurs d’identité locale et d’attachement à la localité. Les acteurs politiques locaux semblent bien avoir dans l’idée que ces deux domaines d’expression peuvent apporter « cette part de dimension symbolique sans laquelle il n’y a pas de conscience émotionnelle d’appartenance ». Toutefois, cette « relocalisation » du péri urbain, dans les représentations et les pratiques des individus, peut être variable selon les contextes socio-géographiques. Deux cas sont assez typiques : investissement « actif » dans le cas d’une mobilité résidentielle librement assumée, investissement « passif » et impression d’isolement dans le cas d’une mobilité résidentielle contrainte. De telles réflexions, à peine esquissées dans le cadre de la présente note, mériteraient une analyse plus détaillée.
81L’approche proposée est loin de couvrir l’ensemble des espaces péri-urbains, dont elle ne retient que le thème des équipements culturels et sportifs en relation avec les pratiques sociales qu’ils suscitent. Elle ne traite pas du rôle de l’institution scolaire et de la place de l’animation péri-scolaire dans le domaine de l’animation culturelle, socio-éducative ou sportive. Elle ne dit rien non plus, des différences de rythme d’évolution et de structuration de l’espace – du cadre de vie – péri-urbain en fonction des communes (et du poids explicatif de certaines variables), dans l’étude de ce processus différencié et complexe qui marque, en définitive, le passage d’une péri-urbanisation à une véritable urbanisation.
3 - CARACTERES SPECIFIQUES DES EQUIPEMENTS DANS L’ESPACE PERI-URBAIN
82Les équipements jouent un rôle important dans l’organisation de l’espace. Dans les secteurs de croissance urbaine spontanée, ils peuvent être dans certains cas les éléments attractifs qui dirigent la progression de la ville. Dans les secteurs d’aménagement préconçu, ils sont en principe prévus dès l’établissement du plan-masse et devraient satisfaire l’ensemble des besoins des populations que l’on installe. En fait, dans l’un et l’autre cas, le rapport harmonieux entre les équipements et les besoins1 est rarement établi, et met parfois très longtemps à se réaliser.
833.1. - Le retard à l’équipement est caractéristique de l’espace péri-urbain. On peut l’apprécier non seulement par rapport à la ville-centre, mais encore par rapport à des villes isolées de même calibre. Une ville de banlieue comme Pessac (50 543 h) est moins bien équipée sur le plan commercial et scolaire qu’une ville « autonome » comme Libourne (23 312 h). La comparaison serait encore plus défavorable pour des unités urbaines de plus petite taille, comme Carbon Blanc (5733 h) dans l’orbite immédiate de Bordeaux et La Réole (4483 h) aux limites du département.
84Les causes de ce retard sont variables selon le type d’équipement et les effets en sont plus ou moins durables et plus ou moins marqués selon la période. On peut invoquer surtout :
85– le coût excessif des équipements d’infrastructure et de service en milieu péri-urbain. La création et l’entretien des VRD sont une très lourde charge pour les municipalités péri-urbaines, qu’il s’agisse du coût absolu lié à la faible densité de population, à la longueur exceptionnelle de certains réseaux, à la progression anarchique et non progressive des espaces bâtis qui impose la création de segments « inutiles » de voies d’accès et de réseaux d’adduction ; qu’il s’agisse corrélativement du coût relatif, le prix des équipements étant rapporté à un budget communal qui n’est pas dopé par des activités économiques suffisamment développées. Les communes-dortoirs qui ne disposent que de la contribution des ménages ont bien du mal à réaliser des investissements d’infrastructure ou des équipements socio-culturels.
86La situation fut à certaines époques beaucoup plus grave que de nos jours, lorsque les morcellements très dispersés de la fin du 19ème siècle ne s’accompagnaient d’aucune obligation de la puissance publique, ou même au moment des premières lois sur les lotissements qui ne faisaient pas encore au promoteur l’obligation de réaliser les VRD avant de pouvoir vendre les parcelles. Rues non revêtues, adductions insuffisantes ou inexistantes furent alors le fait de bien des lotissements modestes ; il en reste aujourd’hui une voierie médiocre, des trottoirs en mauvais état, une signalisation insuffisante et parfois même l’incohérence des réseaux (c’est le cas dans l’agglomération bordelaise pour certains no man’s land intercommunaux, par exemple entre Mérignac et Pessac).
87– l’absence d’une véritable planification de la croissance urbaine. Elle est encore plus criante pour les équipements que pour l’habitat. Pour celui-ci, c’est l’anarchie qui a longtemps présidé à la conquête de l’espace péri-urbain, au gré de mutations foncières essentiellement individuelles. La possibilité d’établir des réserves foncières a été mal exploitée et la politique des ZAD souvent inopérante. Les POS permettront peut-être, s’ils ne souffrent pas trop de dérogations, de rationaliser la consommation de l’espace ; mais la notion même d’équipement n’y est que très imparfaitement prise en compte.
88Dans les secteurs de croissance spontanée, les municipalités et les collectivités sociales et culturelles suivent comme elles peuvent la progression du parc immobilier : écoles, églises, centres sociaux, stades... ont parfois besoin d’être vigoureusement réclamés par des associations d’animation ou de défense des quartiers. Paradoxalement, les unités immobilières qui ont fait durant des décennies l’objet des plus vives critiques se sont révélées « porteuses » des seuls éléments structurants : rares sont les grands ensembles qui n’amenaient pas avec eux quelque centre commercial bien utile pour les zones voisines d’habitat individuel. L’exemple aidant, on a vu proliférer dans une deuxième phase, même associés à des ensembles de plus petite taille, les centres commerciaux de proximité (ils sont près de cinquante dans l’agglomération bordelaise). Mais compte tenu des distances liées aux faibles densités, le véritable équipement commercial de proximité manque encore et son succédané sentimentalement très apprécié, le marché de plein air caractéristique des banlieues, n’est tout de même qu’une forme temporaire et imparfaite d’équipement.
89Il faut bien entendu nuancer ces jugements en tenant compte des très fortes inégalités spatiales qui résultent de la diversité des politiques urbaines, de la plus ou moins grande aisance des budgets communaux, du degré d’endettement que les collectivités locales ont bien voulu accepter et de la pression fiscale que peuvent consentir les habitants. Le jugement passe nécessairement par une analyse serrée des finances communales.
90Dans les secteurs de croissance programmée (ZAC, ZUP), même lorsqu’en principe les équipements sont prévus selon des normes officielles ou selon une volonté démonstrative où l’électoralisme a souvent sa part, on constate souvent la non-exécution d’une partie des équipements prévus. Dans la ZUP des Hauts-de-Garonne par exemple, sans que la situation soit dramatique, loin de là, on est encore loin cependant de l’annonce publicitaire qui avait été faite lors du lancement de l’opération en ce qui concerne les équipements scolaires et socio-culturels ; celle de Talence II est à certains égards franchement démunie ; quant à l’opération de Bordeaux-Nord, même limitée aux ensembles des Aubiers et du Lauzun elle a connue au début ses principales difficultés par manque d’équipements commerciaux et insuffisance des liaisons de transports en commun. Les difficultés économiques récentes ont même conduit à abandonner les prétentions d’équipement que l’on avait eu pour des ZUP, pour adopter des formules d’équipement léger ou élémentaire dans le cadre des nouvelles actions programmées.
91– des cas exceptionnels d’inversion d’équipements doivent cependant être signalés. On a déjà noté l’importance des emprises urbaines que la ville-centre, par faute de place a implantées en milieu péri-urbain. Certains équipements lourds dont l’existence ne se justifie que par la taille de l’agglomération recherchent systématiquement les implantations péri-urbaines.
92Tel est le cas des hypermarchés, directement associés aux rocades périphériques ; ils deviennent un recours automatique pour les populations voisines, mais ils ont pour effet secondaire de neutraliser totalement dans les environs les commerces de proximité. C’est aussi le cas des gros équipements sportifs, piscines, stades omnisports, qui sont très adaptés aux besoins des populations « locales » où dominent justement les jeunes et les jeunes adultes, ou encore celui de certains gros équipements culturels dont le rayonnement dépasse largement le cadre communal, comme le centre culturel de St-Médard-en-Jalles.
933.2. - Le degré d’inadaptation des équipements est souvent élevé en milieu péri-urbain, qui présente de ce point de vue là de graves « défauts d’urbanisation », alors qu’on a voulu le présenter parfois comme le milieu idéal pour les genres de vie modernes. En fait, ce défaut d’urbanisation sera inégalement ressenti en fonction du niveau social des habitants et de leurs caractères propres ; les catégories les plus mobiles, les jeunes, les ménages possédant plusieurs voitures, ceux à qui une résidence secondaire en espace de loisir permet une évasion systématique ressentent moins les inconvénients des franges d’urbanisation récente. Les défauts principaux paraissent être :
94– la corrélation imparfaite des équipements commerciaux avec le niveau de peuplement.
95Les seuils d’apparition des niveaux de commerce et des spécialités (commerces anomaux, commerces rares, commerces de gros) sont systématiquement surélevés. Même s’il se forme des pôles secondaires d’attraction commerciale (groupements commerciaux spontanés ou dérivés des anciens bourgs ruraux, centres commerciaux de proximité), on n’y rencontre pas les mêmes degrés de différenciation que dans les villes isolées de même calibre.
96C’est que l’habitant de la grande banlieue, qui est le plus souvent un travailleur migrant journalier, a conservé une large possibilité de recours au commerce spécialisé ou de luxe de l’hypercentre ou aux puissants groupements commerciaux de certaines barrières par lesquelles il transite nécessairement. Le centre-ville conserve en grande partie son pouvoir d’attraction par le rôle ludique, concret ou inconscient, que la banlieue lointaine ne peut absolument pas tenir, sauf partiellement dans les hypermarchés.
97C’est aussi que les pôles secondaires périphériques n’ont qu’une influence médiocre ou nulle sur le secteur rural correspondant, qui sauf pour les approvisionnements en grandes surfaces, court-circuite les équipements péri-urbains au profit de la ville-centre.
98– l’inadaptation des équipements socio-culturels et de services aux structures d’habitat et aux structures de population.
99Les secteurs d’habitat pavillonnaire sont de trame trop lâche et de peuplement trop diffus pour que l’équipement (église, école, foyer social, centre culturel, terrain de sport, places aménagées et squares, etc...) puisse être perçu comme un véritable élément de polarisation. Les personnes seules, les gens âgés redoutent la distance et parfois l’insécurité.
100Dans les ensembles d’habitations, les équipements parfois plus abondants et de toute manière plus proches sont mal adaptés aux structures par âges et aux structures socio-culturelles. La déformation rapide de la pyramide des âges dans une population très homogène au départ, et par conséquent déséquilibrée, provoque de graves inadaptations des locaux scolaires ou de santé. La monopolisation des équipements socio-culturels par certains groupes ou classes d’âge en écarte une bonne partie des utilisateurs potentiels. Tous les animateurs savent aussi quel peut être le rôle négatif d’un site mal choisi pour un centre social ou un foyer de jeunes.
101En fait, on n’a pas encore inventé, ni sur le plan architectural, ni sur le plan de la gestion, de formes spécifiques d’équipements socio-culturels et de services pour le milieu péri-urbain : site choisi pour faciliter les rencontres et la polarisation de l’espace, rôle de signal capable de se substituer au clocher bien délaissé, structure interne réellement polyvalente et évolutive, accueillante à tous les groupes d’âges. Peut-être n’a-t-on pas suffisamment recensé les besoins réels, sur le plan des loisirs, de la santé, de l’éducation permanente, de la vie associative, de la politique urbaine... Peut-être a-t-on oublié ou craint-on les leçons venues d’au-delà de certaines frontières ?
102– Le rôle trop contraignant des grandes infrastructures modernes, voies ferrées, autoroutes urbaines, voies rapides, aéroports.
103Elles sont tout d’abord une source importante de nuisances, en particulier par le bruit, dans un espace où l’on venait chercher le calme et l’air pur. Les récents conflits dans la zone de passage de la rocade de Bordeaux montrent bien la gravité du problème, amplifié par la sensibilité particulière des immeubles élevés à ce genre de nuisance. Inconscience ou cynisme des pouvoirs locaux ? On le craint déjà pour l’habitat ; mais que dire alors de l’installation qui pourrait paraître systématique des cliniques et centres hospitaliers sur le bord même des voies à grand trafic ?
104Rocades et autoroutes de dégagement, conçues comme des espaces clos constituent des obstacles au lieu d’être des moyens d’accès et de desserte proche. Certes on ne niera pas leur utilité au regard des relations lointaines ; les seuls équipements que ces voies admettent sont d’ailleurs destinés à ces liaisons extra-urbaines : gares routières et centres de fret, groupes hôteliers, zones industrielles. Mais il faut bien convenir que l’on a perdu une fonction ancienne de la route péri-urbaine : épine dorsale des faubourgs, antenne commerciale, artère de desserte et de liaison des quartiers ; cette dernière fonction reste confiée le plus souvent à d’anciens chemins ruraux totalement inadaptés aux pulsations contrastées des circulations locales.
1053.3. - Les défauts constatés ne peuvent se résorber qu’avec le temps.
106L’espace péri-urbain n’est pas un espace fini, mais tout au contraire un milieu en formation, et l’on ne peut le définir comme stable ou figé. Il est nécessaire d’avoir une conception dynamique des équipements péri-urbains, dans l’espace et dans le temps. Ils nous donnent d’ailleurs certains exemples d’adaptation progressive.
107Le développement progressif des équipements s’accompagne généralement d’une migration centrifuge. C’est le cas des mairies de Talence, de Mérignac, etc... La nécessité de créer des annexes se fait aussi sentir, pour les équipements scolaires, administratifs et sociaux, beaucoup plus que dans le centre-ville. Cela donne parfois la possibilité d’accéder mieux que la ville-centre à des structures plus modernes et plus fonctionnelles, et de compenser le retard déjà signalé par une qualité technique non négligeable.
108Le degré d’intégration de la zone péri-urbaine à l’ensemble de l’agglomération doit s’élever per le perfectionnement des équipements. Il faut entendre par là non seulement leur croissance numérique et la mise aux normes de tous les éléments structurels : densité et état de la voierie, capacité des réseaux, mais encore l’amélioration pour tous des liaisons avec le centre-ville. De ce point de vue, l’amélioration des équipements de transport est essentielle : ramification du réseau, fréquence des dessertes, rapidité...
109Il faudrait enfin assurer la cohérence des implantations d’équipements, soit à l’occasion de remaniements, soit à l’occasion de créations nouvelles. Quels sont les équipements « locomotives » ? Comment faudrait-il associer et selon quel assortiment efficace les équipements commerciaux, scolaires, administratifs, culturels pour essayer de recréer dans ce milieu confus, ce que fut autrefois la place du village, ou plutôt ce qui pourrait créer aujourd’hui une autre relation de l’homme à l’espace capable de donner un certain degré de conscience collective ? Ainsi pourraient se réaliser progressivement des espaces emboîtés, hiérarchisés comme le sont devenus lentement des quartiers urbains centraux et péricentraux.
110Une solution en ce sens passerait sans doute par une certaine densification de l’auréole péri-urbaine, et au moins par la résorption systématique des friches urbaines et industrielles, et l’organisation rationnelle de la croissance urbaine. On voit l’importance que prennent à ce propos les problèmes fonciers, et l’âpreté des débats qui opposeraient les tenants de l’urbanisme volontaire aux champions de l’urbanisme libéral. Et les habitants, a-t-on pensé à ce qu’ils veulent, où même dans quelle proportion sont-ils à même de manifester des désirs non contradictoires ? L’homo péri-urbanicus est peut-être, après tout, un être satisfait ?
Notes de bas de page
1 On dit aujourd’hui l’adéquation....
Auteurs
Bordeaux, Centre d’Etudes des Espaces Urbains (CESURB). Equipe de Recherche Associée au C.N.R.S. 635.
Bordeaux, Centre d’Etudes des Espaces Urbains (CESURB). Equipe de Recherche Associée au C.N.R.S. 635.
Bordeaux, Centre de Sociologie Politique. Université de Bordeaux //.
Bordeaux, Centre d’Etudes des Espaces Urbains (CESURB). Equipe de Recherche Associée au C.N.R.S. 635.
Bordeaux, Centre d’Etudes des Espaces Urbains (CESURB). Equipe de Recherche Associée au C.N.R.S. 635.
Bordeaux, Centre d’Etudes des Espaces Urbains (CESURB). Equipe de Recherche Associée au C.N.R.S. 635.
Pau, Laboratoire de Recherches Industrielles et Urbaines. Equipe de Recherche Associée au C.N.R.S. 930.
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