Chapitre II. La presse et l'information
p. 145-177
Texte intégral
1« Les médias africains sont encore à la recherche d'une structuration qui doit cadrer avec une ligne typiquement africaine. A défaut de cela, seuls les domaines privilégiés d'aujourd'hui trouveront leur compte dans la structuration actuelle » écrivait Claude Bivoua, directeur général de la presse écrite, dans une communication à un séminaire du Conseil africain pour l'enseignement de la communication, en décembre 1989 à Brazzaville.
2Cette réflexion garde son actualité et la libéralisation —relative— de la presse écrite n'a pas encore permis de trouver une solution largement acceptée. Les fonctions de la presse sont multiples, mais dans l'Afrique d'aujourd'hui, ce sont les fonctions politiques qui donnent au journal plus de poids, comme moyen d'information et moyen d'expression d'une opinion. Or, la recherche d'un équilibre entre l'information et l'opinion est une des principales difficultés de la presse africaine actuelle partagée trop souvent entre la propagande gouvernementale et l'opposition systématique1.
3Les démêlés fréquents des journalistes et des gouvernements, anciens dans la zone anglophone, récents ailleurs (parce qu'auparavant la presse n'y était que gouvernementale) montrent bien que la presse peut être un contrepouvoir, surtout en raison de ses fonctions d'information. S'il y a une ouverture sensible de la presse écrite en zone francophone sur des sujets qui, longtemps, n'étaient pas abordés, la presse de langue française est bien plus une presse d'expression des opinions, surtout la nouvelle presse périodique.
4La presse d'opposition est le plus souvent une presse qui privilégie l'expression d'une opinion d'abord parce que cette liberté d'expression —en dehors de certains pays anglophones— est nouvelle, ensuite parce que l'accès à l'information lui est plus difficile et plus coûteux ; enfin s'ajoute parfois le fait qu'elle est rédigée par des militants (c'est le cas notamment au Sénégal, en Côte d'ivoire, au Gabon) et plus rarement par des journalistes.
5Mais inversement la nouvelle presse, en abordant des sujets sur lesquels se taisaient les journaux gouvernementaux, amena ces derniers à modifier leur contenu, à aborder de nouveaux sujets. Le pluralisme de l'information met fin à une fonction intégratrice de l'information qui éliminait toute mauvaise nouvelle. Par réaction, la nouvelle presse apparut d'abord comme une presse de dénonciation de tout ce qui n'allait pas et, à ce titre, renforça l'impression de crise ; crise qui était antérieure à son apparition et qui avait donné lieu à sa naissance dans plusieurs pays2.
6Les quotidiens et la presse périodique représentent deux approches différentes de l'information, mais les situations présentent une grande variété selon les pays. Dans la plupart des États, le développement de la presse écrite est essentiellement un fait urbain, lié même souvent à la capitale, ce qui nous amènera, dans la dernière partie à envisager son rapport avec l'opinion publique.
I - LES QUOTIDIENS
7Le tableau que nous donnons des quotidiens en Afrique sub-saharienne montre une très grande inégalité à la fois dans la répartition des titres et dans les chiffres de tirage.3
8Dans la plupart des pays, surtout francophones et lusophones, les quotidiens sont la plupart du temps aux mains des gouvernements ou des partis au pouvoir. Ce sont les journaux qui ont le plus de moyens techniques, qui drainent le mieux les ressources de la publicité et qui ont l'accès le plus facile à l'information ; ce qui leur amène le plus de lecteurs. Pour ces différentes raisons, ces quotidiens conservent un lectorat important même avec l'apparition de nouveaux journaux qui avaient fait baisser leur tirage, que ce soit Fraternité Matin à Abidjan, Le Soleil à Dakar ou l'Union à Libreville.
9Mais tous les États africains n'ont pas de quotidien ; dans certains existe seulement un bulletin quotidien de l'agence de presse, tiré à quelques centaines d'exemplaires. Nous ne retiendrons pas ces publications qui existent aussi dans des pays plus riches en journaux comme la Côte d'ivoire. La situation est si perturbée dans plusieurs pays qu'il est difficile de connaître la périodicité réelle de certains journaux ; ainsi au Libéria où existait une longue tradition de presse ou en Somalie ou au Rwanda. Il n'existe pas de quotidiens en Gambie, aux Comores, à Djibouti, au Cap Vert où le gouvernement publie, trois fois par semaine, Voz do Povo à 3 000 exemplaires. Des journaux qui se disent quotidiens ne le sont pas comme Mweti au Congo, Horoya (Liberté) en Guinée.
10Les différences les plus profondes ne sont pas entre quotidiens privés et gouvernementaux, car la participation gouvernementale à des quotidiens anglophones n'empêche pas une certaine liberté d'expression, consacrée par ailleurs par des sanctions contre des journalistes qui en usent ; inversement des journaux gouvernementaux privatisés en journaux de partis gouvernementaux en zone francophone n'en ont pas pour autant retrouvé une liberté d'information plus large. Plus significatives sont les différences entre les situations de monopole d'un quotidien et les situations pluralistes, ou les différences de structure, déjà abordées avec la présentation des groupes de presse dans le chapitre précédent.




1. Les situations de monopole
11Le quotidien dans une situation de monopole n'est pas — précisons-le — dans une situation de monopole de l'information ; la radio (nationale ou étrangère), la télévision, les périodiques (nationaux ou étrangers) rendent illusoire aujourd'hui tout monopole de l'information. Le quotidien de monopole est souvent dans une situation de faiblesse, il s'agit parfois d'exemplaires de peu de pages, 4 ou 6, de faible tirage et donc de diffusion restreinte. C'est le cas du Niger où même Le Sahel a été interrompu pendant plusieurs mois avant de reprendre, toujours gouvernemental. Depuis le début de la transition démocratique en février 1990 il avait dû tenir compte de l'existence de périodiques indépendants. Son tirage était de 3 500 en 1990 privilégiant dans ses 12 pages l'information politique et les discours du chef de l'État.
12Le Sahel en 1993 reparait sur 8 pages avec peu de publicité si ce n'est d'organismes comme les Nations Unies ou des communiqués ; une page d'info-services avec l'horoscope, le programme de Télé-Sahel, les mouvements d'avions, une page de sports, une page d'économie, une de culture, une de société, deux « Nation ». Bien que gouvernemental, le journal donne désormais une information politique assez générale. Par exemple le 30 novembre 1993 un article sur l'adoption de la loi de finances par 50 voix contre 30 tient compte des opinions exprimées par les partis gouvernementaux et par l'opposition. Dans le même numéro un article annonce l'ouverture d'un séminaire du SAINFO (Syndicat des Agents de l'Information) à Tahoua sous le titre « La liberté de presse en question », ouvert par le ministre de la Communication. De nombreux articles sont tirés de M.F.I. Il y a très peu d'articles sur l'étranger.
13Bien qu'unique et publié par le ministère Dikgang Tsa Gompieno (Botswana Daily News) qui parait du lundi au vendredi en setswana et en anglais tire à 35 000 exemplaires au Botswana.
14Dans plusieurs autres pays le quotidien unique doit prendre en compte l'existence de nouveaux périodiques, le plus souvent opposants. Le quotidien reste plus ou moins un instrument du gouvernement.
15Cameroon Tribune, publié à Yaoundé depuis 1978 est intégré à la SOPECAM, établissement public qui possède aussi l'agence de presse et l'imprimerie. Modernisé en 1983 avec une photocomposeuse, paraissant en quatre couleurs, il a toujours été très inégalement distribué à l'intérieur du pays. Il a eu longtemps une édition quotidienne en français et une, hebdomadaire, en anglais. Resté très gouvernemental dans la manière d'informer, il est une des cibles des périodiques de l'opposition. En 1991 La Nouvelle Expression l'appelait encore la Pravda. Le Messager du 20 juillet 1992 l'accuse d'être « un gouffre budgétaire », qualifiant le journalisme d'État de « journalisme de démenti » : « l'action de la presse officielle est une opération permanente de blanchissement du régime de Paul Biya ».
16Cameroon Tribune a une édition bilingue (10 pages en français, 6 en anglais) avec une page magazine-mots croisés-information service, une page A votre service et annonces légales, une à deux pages de publicité ; deux pages sur l'étranger, une en français, une en anglais, deux de sports.4
17Tout aussi gouvernemental à Lomé, La Nouvelle marche qui paraît avec 12 pages dont une, au moins, consacrée au sport, une page en langue africaine ; une d'avis de décès, deux d'annonces et communiqués, une d'information service, une sur les préfectures, une à trois sur l'étranger et des faits divers.
18La Une du 8 décembre 1993 est consacrée à la mort d'Houphouët Boigny avec une déclaration d'Eyadema en page 3. Les paroles du chef de l'État commandent toujours l'ordre des informations.
19Même lorsqu'il y a eu changement politique, le quotidien d'État reste gouvernemental. Ainsi au Bénin, après avoir abandonné l'ancien titre d'Ehuzu, La Nation, quotidien de 8 pages dont une de petites annonces et communiqués, une de publicité et annonces légales, une de sport, une d'actualité internationale (sur l'Afrique), continue à donner le point de vue gouvernemental face à une presse périodique active et surtout opposante.
20Le Renouveau du Burundi paraît sur 12 pages avec une à deux pages environ de publicité. Des pages sont consacrées aux nouvelles de province ou à la politique intérieure. L'information politique intérieure (5 à 6 pages) est surtout institutionnelle. L'information sur l'étranger comprend souvent trois pages dont deux sur l'Afrique. Une ou deux pages sont consacrées au sport, quotidien du ministère de l'information, il tire à 20 000 exemplaires.
21Au Gabon le journal l'Union est le seul quotidien face à de nombreux périodiques, en majorité opposants. Produit de la Sonapresse, une société parapublique dont le président est désigné en conseil des ministres, le journal a été dirigé entre 1975 et 1993 par Albert Yangari, journaliste et homme politique proche du président Bongo. Le journal a son agence de publicité ; il est doté d'un équipement très moderne, la rédaction est informatisée depuis 1992. La suppression de la subvention de l'État a été surmontée grâce à la bonne gestion.
22Si le journal soutient toujours le gouvernement, il a élargi son information et n'hésite plus à informer sur des situations de crise.
23Sur ses douze pages, deux au moins sont consacrées au sport, deux à l'étranger (dont une à l'Afrique), une aux provinces, une à la culture, une au moins aux faits divers. L'économie et la politique se partagent le reste. Annonces légales et publicité représentent au moins une page. Un article de Nebu Yemoko dans la Griffe du 28 septembre 1990 « guerre froide contre les médias » relevait la mise en garde du ministre gabonais de l'information contre l'Union, et louait au contraire « l'effort d'objectivité et d'impartialité de la presse écrite « étatique », rappelant que ce journal a donné la parole, au moment des élections au parti au pouvoir et autant aux opposants. Il parle aussi des accusations « même du temps du parti unique », contre les journalistes de l'Union.
24L'Essor au Mali est édité par le ministère de la Culture et de la Communication avec 6 à 8 pages. Sa première page est très illustrée ; la dernière est souvent consacrée au sport ou à la santé. Information-service et publicité ont 2 à 3 pages sur 8 ; une quand le numéro porte sur 6 pages. Il y a toujours au moins une page sur l'étranger et souvent une chronique sur les régions du Mali.
25Peu d'articles politiques mais l'Essor donne périodiquement une revue de presse, par exemple le 13 décembre 1993 citant l'Observateur, le Malien, Zanke, Nyeleni Hebdo, Janjo, La Griffe, Nouvel Horizon, Le Tambour, Le Miroir, Le Scorpion, Le Républicain, Aurore, L'Inspecteur, Week-end Tribune, La Cigale musclée, L'autre hebdo, Les Echos ; journaux d'opposition ou d'information générale à périodicité plus ou moins espacée.
2. Quotidiens concurrents et pluralisme des quotidiens
26Plusieurs quotidiens dans un pays peuvent correspondre à des situations très différentes.
a) La priorité de l'information politique
27Elle ne signifie pas qu'elle occupe le plus de place mais que les journaux se rattachent à des tendances politiques opposées.
28Elle apparaît surtout dans les pays où le débat politique entre partis politiques est à la fois récent et aigu dans la zone francophone.
29Le Sénégal a le premier connu cette situation. Ce n'est toutefois que récemment qu'un autre quotidien que Le Soleil a paru durablement. En 1983 le Parti Démocratique Sénégalais avait lancé Tukusaan (Le Soir) ; outre qu'à ses débuts il ne parut que trois fois par semaine, il ne put durer deux ans.
30Le Soleil reste le principal quotidien remontant à 1970, avec un capital entièrement sénégalais depuis 1979 (pour plus de la moitié à l'État)5. De format tabloïd paraissant avec un nombre de pages variable de 16 à 20 dont deux ou trois sur le sport (de beaucoup la rubrique la plus lue, qui fait vendre le journal), plus d'une sur l'étranger : deux ou trois sur les annonces, la publicité, l'information service, une ou deux pages sur la culture ; assez peu d'articles politiques, peu d'information sur l'intérieur du pays ; des faits divers et des dossiers bien faits, par exemple le 2 décembre 1993, deux pages sur les Sénégalais du Gabon.
31Face au quotidien officieux, Sud est un quotidien récent créé à la fin de 1992 par le groupe Sud Communication qui publiait déjà Sud-Hebdo, présidé par Babacar Touré qui est aussi le gérant du quotidien. Il est imprimé par la N.I.S. Paraissant le plus souvent avec 12 pages, il ne bénéficie pas d'une abondante publicité. Bien composé, il tire ses informations sur le reste de l'Afrique de la PANA.
32Il présente une page Santé bien documentée utilisant à l'occasion des fiches de MFI (par exemple le 30 septembre 1993 sur la présentation des maladies) ; des pages sont réservées à « culture et société », à « politique et social ». Wal Fadjri (L'Aurore) d'abord hebdomadaire lancé en 1984 par Sidi Lamine Niasse est devenu très récemment quotidien. C'est un journal islamiste libéral, ce qui lui valut les critiques du Khalife de la Confrérie des Layènes au début de 1994.
33La Côte d'ivoire connaît actuellement quatre quotidiens ; longtemps en position de monopole, Fraternité-Matin avec ses 24 pages reste un journal très politique. Les informations politiques avec illustration occupent la Une qui comprend aussi parfois un titre sportif.
34En plus d'une page de petites annonces, trois pages de nécrologie, trois pages d'informations services et de jeux, on trouve deux à trois pages sur les sports ; toujours une page sur la région de Bouaké et une page « d'une région à l'autre » sur les autres régions ; parfois un reportage d'une ou deux pages sur une ville, dans la rubrique « D'une commune à l'autre ».
35L'information sur l'étranger comprend au moins deux pages ; pour plus des trois quarts concernant l'Afrique. Quand il s'agit d'une relation avec la Côte d'ivoire, plusieurs pages lui sont consacrées, par exemple dans le numéro du 7 novembre 1991 la visite de Nelson Mandela à Houphouët-Boigny occupe outre toute la première page, trois autres pages. Sous la rubrique « Interview », ou « Les grandes rencontres », une ou deux pages sont consacrées à des interviews de ministres ou de personnalités politiques nationales ou étrangères. Trois pages en moyenne sont consacrées à l'économie ou aux problèmes d'équipement. Deux ou trois pages concernent les problèmes de société, faits divers, justice, culture qui s'appliquent surtout à la région d'Abidjan. Tout ce qui concerne l'enseignement et le monde étudiant est particulièrement suivi.
36Si le journal ne cache pas ses sympathies pour le PDCI, il présente aussi désormais une information sur les autres formations politiques et il ne cache plus ce qui fonctionne mal. Il n'en reste pas moins très lié aux héritiers politiques de Houphouët-Boigny, son fondateur.
37Il subit la concurrence de La Voie, un quotidien de 10 à 12 pages très proche du FPI et de Laurent Gbagbo, lancé à la fin de l'année 1991. Sur ses 12 pages, la dernière est consacrée à l'étranger, principalement au reste de l'Afrique. Il y a toujours au moins une page sur les régions, deux lorsque Laurent Gbagbo s'y déplace ; presque toujours une page de sport, une sur la culture et la communication, deux pages d'information-service et nécrologie : 5 ou 6 pages traitent d'économie et de politique. Les faits divers sont pratiquement absents. La publicité représente en moyenne une page.
38Très hostile au PDCI et aux dirigeants en place, même s'il rend hommage à Houphouët-Boigny après sa mort, le journal est très polémique. Il donne une large place aux problèmes de l'Université où il compte de nombreux lecteurs.
39Abidjan a aussi deux quotidiens du soir, Ivoir'Soirqui existe depuis 1987, du groupe Fraternité Matin, est considéré comme le meilleur exemple d'un quotidien populaire en Afrique francophone. Comprenant 12 pages, sa Une se partage entre le sport et les faits divers. Le sport occupe en moyenne trois pages intérieures et les faits divers au moins une. Au moins deux pages concernent la vie culturelle et les loisirs. Près de deux pages traitent de l'étranger, notamment des pays occidentaux. Il y a peu d'articles politiques, un intérêt porté à tout ce qui touche l'enseignement et généralement un reportage sur un problème de société ; par exemple dans le numéro du 25 novembre 1993 sur Anti-Laleca, un médicament contre le cancer lancé cinq ans plus tôt par un Angolais attaqué par les pharmaciens et le ministre de la santé, et défendu par le journal.
40Bonsoir qui a été lancé en 1993 compte aussi 12 pages. Le sport, les loisirs, les spectacles représentent un tiers du journal, les Echos (faits divers) une page et demie. Mais le journal consacre plus de place à l'économie et à la politique, même dans des informations générales. Ainsi dans un article du premier décembre 1993 « Asec Kotoko : comment on a frôlé la guerre », le journal parle des agressions dont furent victimes les joueurs de football et leurs supporters ivoiriens dans un match au Ghana, de la part du Roi des Ashantis voulant mettre en difficulté le président du Ghana, Rawlings.6
41Le Burkina Faso, qui a conservé la même structure politique a vu son dirigeant Blaise Compaoré se maintenir et même se renforcer ; d'autres quotidiens apparurent cependant à Ouagadougou à côté du journal gouvernemental Sidwaya. Celui-ci compte 10 pages. Sa Une est presque toujours politique de même que la moitié de son contenu. Deux pages sont consacrées à « culture et société », une aux avis, une à la publicité, la dernière page à l'étranger, parfois une rubrique sportive paraît.
42La ligne du journal est gouvernementale ; ce qui n'empêche pas le journal le 2 juin 1992 de titrer par exemple en première page « Biaise Compaoré est devenu trop puissant », une déclaration de Ram Ouedraogo, leader de la CFD (opposition), dont l'interview occupe toute la page 5 ; après des élections qui ont vu la défaite des opposants, le journal polémique avec les opposants et les syndicats. Le 3 juin 1992, près de deux pages contiennent une « Lettre ouverte à Monsieur le Directeur du journal du jeudi » (un journal opposant) par le directeur d'Air Burkina.
43Les journaux opposants ont parfois une vie mouvementée comme L'Observateur Paalga. Ce quotidien reprend la suite de L'Observateur lancé en 1973 dont les locaux avaient été incendiés dans des conditions suspectes, il y a quelques années. C'est actuellement un journal de 12 à 14 pages avec de nombreuses photos, dirigé par Edouard Ouédraogo. Sur 14 pages, il y a deux pages et demi environ d'annonces légales, appel d'offre ou communiqués, peu de publicité ; une page de sport ; des chroniques Art et culture, Développement ; deux pages sur l'Afrique ; des problèmes de société et de santé, parfois un article sur l'intérieur du pays, peu d'articles politiques.
44Le Pays a 12 pages en moyenne ; dirigé par B. J. Sigue, bien imprimé, sans publicité, peu d'annonces légales, il comprend beaucoup de faits divers mais aussi une page « Art et culture », des chroniques sur la technologie, des faits de société comme la dot (le 17 novembre 1993), une page de mots croisés, horoscope, information utile, prix, une de sport, peu d'articles politiques.
45Le Journal quotidien du soir, lancé en 1993 avec 12 pages, une ou deux sur le reste de l'Afrique, une sur la culture, deux au moins sur l'économie et le développement ; journal d'information, il n'affiche pas une opinion politique affirmée.
46Les deux principaux quotidiens de Madagascar sont :
- Madagascar Tribune qui paraît sur 12 pages en français et en malgache pour une partie de l'actualité nationale ; il compte trois pages d'actualités internationales dont un peu plus d'une sur l'Afrique, une de jeux et de renseignements pratiques, une de sport, une d'actualité culturelle, six d'actualités nationales.
- Midi-Madagasikara qui a aussi 12 pages ; avec davantage de publicité (l'équivalent de trois pages et demie) : bilingue, il a été lancé en 1983. L'information internationale y est réduite (une page).
3. Le pluralisme des quotidiens en Afrique anglophone
47L'existence de plusieurs quotidiens n'est pas seulement le résultat d'une longue tradition, d'une attitude plus combative des journalistes ; c'est aussi lié à la forte population de certains États : Nigéria (plus de 100 millions), Kenya (près de 26 millions), République d'Afrique du Sud (26 millions), mais aussi Ghana (15 millions et demi) et Ouganda (19 millions).
48L'Afrique du Sud, dont nous avons vu le poids des groupes de presse a le plus grand nombre de quotidiens d'Afrique après le Nigéria, quelque 19 quotidiens dont 7 publiés à Johannesburg, 3 à Port Elizabeth, 3 à Cape Town, 2 à Durban. Les journaux en afrikaans étaient gouvernementaux, appuyant le National Party, les deux plus importants sont le Beeld (hostile à la libération de Nelson Mandela) à Johannesburg où paraît aussi Die Transvaler, et Die Burger au Cap, mais il en existe aussi à Bloemfontein et à Port Elizabeth ; dans cette dernière ville il y a en outre deux quotidiens de langue anglaise. Les quotidiens de langue anglaise étaient opposés au gouvernement quand celui-ci défendait l'apartheid, à l'exception de Citizen de Johannesburg. Ils sont favorables à la politique actuelle de libéralisation ; le plus fort tirage est celui de The Star à Johannesburg entre 209 000 et 221 000, il en existe dans sept autres villes. Des journaux ont un lectorat composé en majorité de Noirs, The Sowetan à Johannesburg dont le tirage est passé de 157 000 en 1988 à 224 932 en 1992 ; llanga, un bihebdomadaire publié en anglais et en zoulou à Durban, tirant de 125 000 à 135 000 et des hebdomadaires cités plus loin. Les quotidiens sont souvent proches des partis politiques.
49Nous avons vu que la publicité jouait un rôle important, le directeur du Rand Daily Mail, Allister Sparks fut démis de ses fonctions en mai 1981 à la suite d'une campagne pour attirer les lecteurs noirs, ce qui avait indisposé des sociétés de Blancs qui avaient des contrats de publicité dans le journal ; celui-ci ne retrouva pas, pour autant, sa prospérité et dut s'arrêter en avril 1985. Business Day à Johannesburg chercha à gagner les milieux d'affaires auquel s'adressait le Rand Daily Mail. Les journaux de langue anglaise sont les plus lus, les lecteurs afrikaans lisent davantage les journaux anglais que les anglophones ne lisent les journaux en afrikaans ; les journaux de langue anglaise sont aussi très lus par les Noirs qui représentent 66 % des lecteurs du Star, 53 % de ceux du Citizen.
50La presse sud-africaine avec 5 000 titres, quotidiens, hebdomadaires, magazines et périodiques de toute nature est la plus abondante d'Afrique. Le Newspaper Press Union réunit les propriétaires et éditeurs de journaux. Outre les principaux grands journaux, elle compte parmi les adhérents 93 journaux locaux ou provinciaux et 54 magazines.7
51Le Kenya a une des presses les plus riches avec trois quotidiens en anglais et deux en swahili. Le parti au pouvoir, le Kanu, dispose de deux, le Kenya Leo en swahili et le Kenya Times en anglais. Ce dernier a été lancé en 1983 ; il succédait au Nairobi Times d'Hilary Ng'Weno. Le président Moi s'était associé à Robert Maxwell et au Mirror group britannique qui avaient investi 30 millions de livres en 1986. Soupçonné d'être trop gouvernemental, le journal se serait heurté à un sabotage des ventes par les vendeurs de kiosque ; il a créé son propre réseau de distribution et son tirage est passé de 30 000 en 1986 à 75 000 en 1993, diffusé rapidement à Mombasa et Kisumu. Sous la direction de Philip OChieng, le journal a atteint une qualité qui lui attire la publicité.
52Le Daily Nation, avec plus de 200 000 exemplaires, reste toujours le principal quotidien appartenant à l'Aga khân, avec 24 pages en moyenne ; par exemple le numéro du 16 septembre 1992 contient près de 10 pages de publicité plus deux pages de petites annonces ; 2 pages et demie sont consacrées au sport ; les trois premières aux nouvelles nationales, politiques (heurt de la police et de partisans du Parti islamique, discours de Moi), ou économiques (les relations du Kenya avec le Fonds Monétaire International). Une page donne des nouvelles des régions (la plus importante, celle de la capitale, est déjà dans les pages nationales), une autre sur le parlement. Près de trois pages sur l'étranger dont une qui contient aussi un éditorial ; une page de courrier des lecteurs ; une page sur la finance et les affaires ; une page d'information service et une sur les programmes radio télévision et jeux ; un dossier, dans ce numéro, cinq pages sur les réfugiés au Kenya (400 000 personnes) ainsi qu'une page de faits divers.
53Le troisième quotidien The Standard fait partie du groupe Lonrho, son tirage est autour de 50 000 exemplaires.
54Taifa Leo, en swahili paraît sur 12 pages dont une ou une et demie de publicité seulement ; 4 pages sont consacrées au sport, un peu plus d'une page est consacrée à l'étranger.
55En Tanzanie, Daily News qui paraissait le plus souvent sur 8 pages grand format en 1992, comptait environ 2 pages de publicité et une d'annonce ou d'offres de postes publics. La dernière page était réservée aux sports ; deux pages sur l'étranger, dont une sur l'Afrique. Les nouvelles de l'intérieur concernaient, pour une bonne part, le monde agricole. La première page était partagée entre nouvelles internationales et informations nationales, privilégiant l'activité du président Mwinyi.
56Presse d'État, presse privée ou participant des deux, les quotidiens se veulent surtout journaux d'information au Nigéria.
57A Lagos le Daily Times compte de 20 à 30 pages en 1990. Par exemple le 4 janvier sur 28 pages, 16 sont occupées par la publicité, les annonces mortuaires ou les annonces institutionnelles par des ministères, des collèges ou des universités (près de 4 pages) ; le 5 janvier, ces rubriques occupent 9 des 20 pages. Les nouvelles de l'étranger occupent 2 ou 3 pages dont la moitié au moins sur l'Afrique, par exemple le 5 janvier 1990 un article « Islam for Africa », et le 6 deux pages sur la Namibie. A côté de bandes dessinées, d'une ou deux pages sportives, plusieurs pages sont consacrées à l'économie, en janvier 1990 au budget. Les affaires politiques intérieures, avec des photos du chef de l'État, en 1990 Babingida, occupent une bonne part de la première page mais leur place dans l'ensemble est relativement restreinte.
58National Concord paraît sur 16 à 20 pages. Devenu Weekend Concord le samedi et Sunday Concord le dimanche. Sur 16 pages, 5 et demie sont occupées par la publicité ou des annonces personnelles. Près d'une demi-page est consacrée au Courrier des lecteurs « people's voice », une page pour le sport. Les faits divers occupent une place certaine, moins toutefois que les informations économiques et sociales (médicales notamment). Publicité, annonces mortuaires ou institutionnelles peuvent occuper près de la moitié du journal comme ce numéro du 12 février de 1990 dans lequel deux pages sont occupées par un programme de transition politique signé par des personnalités politiques de Lagos.
59New Nigerian, le quotidien de Kaduna, paraissait en 1989 sur 16 à 24 pages. Sur un numéro de 16 pages, 6 étaient absorbées par la publicité de marque ou institutionnelle, notamment des appels d'offre ; près de deux pages étaient réservées au sport. Deux pages traitaient de l'étranger, une du Nigeria. Le journal publie des articles de fond, par exemple les 6 et 7 juin 1989 deux articles de Tony Momoh sur la presse et l'intérêt national au Nigeria. La première page comprend souvent une photo du chef de l'État qu'il soutient toujours, mais aussi des nouvelles internationales. Les articles sur l'économie et les finances y étaient nombreux.
60Si le journal était attentif à ce qui concernait l'université et notamment les manifestations étudiantes, il donnait aussi de nombreux articles sur le monde rural, par exemple début juin 1989 des articles sur la communication des innovations agricoles. La fonction éducative du journal apparaît aussi dans sa croisade contre la consommation de tabac et d'alcool (premier juin 1989 en première page par exemple).
61En Ouganda où les journaux et les journalistes avaient souffert pendant la dictature d'Amin Dada, de nombreux journaux virent le jour depuis les années quatre-vingt, malgré des mesures prises contre la presse à plusieurs reprises. Plusieurs quotidiens ont survécu aux différents régimes, Munno est toujours le journal de l'Eglise catholique tantôt quotidien, tantôt hebdomadaire. Taifa Uganda Empya est publié en luganda comme Ngabo plus récent. L'ancien Uganda Times devenu The New Vision en 1986, bien qu'appartenant toujours à l'État, n'est plus la voix du gouvernement qui lui a donné l'autonomie financière bien qu'il reçoive toujours une subvention du gouvernement.
62En Zambie il y a trois quotidiens dont un gouvernemental, Zambia Daily Mail, tirant à 40 000, Times Evening News et The Times of Zambia ; ce dernier qui tirait à 32 000 exemplaires en 1991 comptait en 1992 quatorze pages, 4 de publicité, 4 de petites annonces, deux à trois pages sur les régions et la politique intérieure, une sur l'étranger, une demi-page d'information-service, une demi-page de sport, une demi-page sur l'économie ou la culture.
II- LES PÉRIODIQUES
63Ils ont été à l'origine du mouvement de libéralisation dans les pays francophones. Ils jouent depuis longtemps un rôle essentiel en Afrique anglophone, surtout la presse du dimanche qui connaît les plus gros tirages comme l'illustre le tableau suivant :
PRINCIPAUX HEBDOMADAIRES DE L'AFRIQUE ANGLOPHONE (1992)

A : anglais Afr. : afrikaans Sw : swahili
64S'y ajoutent les journaux du dimanche des quotidiens ayant souvent les plus gros tirages ; par exemple correspondant au Daily Times, le Sunday Times, de Lagos, compte, par exemple le 14 janvier 1990, quatre pages de publicité (sur 20), deux de sports, une sur la radio télévision et "les comics" ; on trouve aussi dans ce numéro un dossier de plus de 4 pages sur une compagnie de pétrole, la Gulf Oil Company Nigeria, une rubrique féminine de près de deux pages et deux autres pages sur l'histoire de la guerre civile de 1967-70.8
65Quelques magazines comptent aussi parmi les plus fortes diffusions portant souvent sur plusieurs pays : Champion (300 000) édité à Accra, The African Guardian à Lagos (250 000), Neswatch à Lagos (200 000), City Press à Johannesburg (128 000), Drum qui est un mensuel, tire à 40 800 l'édition du Kenya, à 155 000 celle du Nigeria, à 145 000 celle de la République Sud-Africaine.
66L'Afrique du Sud comprend la plus forte proportion de périodiques et hebdomadaires. Non sans problème parfois, ainsi le Sunday Star, lancé en 1984 a vu son tirage baisser de 100 000 à 92 600 en 1990, 88 000 en 1992, pour cesser de paraître en janvier 1994, avec 22,4 millions de rands (6 millions et demi de dollars) de perte. Il y a d'abord les grands journaux du dimanche publiés en anglais auxquels on peut ajouter City Press (160 000 exemplaires) destiné principalement à un public noir, ou en afrikaans comme Rapport, publié à Johannesbourg, comme le Sunday Times, ces deux derniers ont une diffusion nationale, avec des éditions dans plusieurs villes. Il y a aussi à destination du public noir des hebdos comme Imvo, en khosa et en anglais, tirant à 36 000 exemplaires. Sur une centaine de journaux en province, 14 sont publiés pour les Noirs, 3 pour les Métis, 3 pour les Indiens. Parmi les principaux magazines, Huisgenoot, hebdomadaire d'intérêt général, publié au Cap en afrikaans, a un tirage de 516 819 en 1990 ; en langue anglaise, You tire à près de 200 000, Weekend Argus au Cap à 113 000, Scope pour les jeunes gens à 145 000 exemplaires, Your Family, mensuel de Mobeni à 228 000. Financial Mail (tirage à 32 000) est le principal magazine économique.9
67Des périodiques paraissent dans beaucoup de villes, même petites, parfois depuis longtemps : ainsi le Graaff-Reinet Advertiser, hebdomadaire en anglais et en afrikaans, qui tire à 4 480 exemplaires dans la ville dont il porte le nom remonte à 1864.
68Parmi les magazines à destination des lecteurs noirs, Bona, publié à Durban, est un mensuel en anglais, zoulou, xhosa et sesotho, tirant à 250 000 exemplaires en 1992.
69L'évolution actuelle amène et amènera à donner plus d'importance aux Noirs dans la presse, d'autant plus que le principal journal détenu par les Noirs, Ilanga, à Durban, appartient à l'Inkhata, le parti zoulou hostile à l'ANC. Nelson Mandela en mai 1992 dans une conférence au Congrès de la FIEJ déclarait : « Nous espérons que le nouveau climat politique, né du Combat de notre peuple et de celui de la presse contestataire, donnera aux différents médias l'occasion de s'accepter en tant que partenaires ». Deux journaux de Blancs progressistes principalement ont dénoncé les lenteurs de l'évolution vers une démocratie multiraciale le Vrye Veekblad et diffusant près de 30 000 exemplaires imprimés à Johannesburg depuis 1985, The Weekly Mail and The Guardian ; ce dernier est un hebdomadaire de 68 à 70 pages avec beaucoup de photos, de la publicité en couleur, des informations politiques nombreuses, des articles sur la vie culturelle et l'éducation, sur l'économie, sur l'étranger (5 pages) ; sur le Royaume-Uni (2 pages), sur le reste de l'Afrique (2 ou 3 pages) ; 12 à 14 pages de présentation de livres ; plusieurs pages sur les arts, des pages sur le sport et 6 pages au moins de petites annonces sur des emplois. Dans un numéro de 68 pages, environ 15 ou 16 sont réservées à la publicité répartie dans tout l'exemplaire ; un tiers environ des pages rédactionnelles (l'international, un fascicule sur les livres, les pages sur le Royaume Uni) sont fournies par le Guardian. Le journal appuie depuis sa création une politique contre l'apartheid, ce qui entraîna de nombreuses poursuites et des agressions contre certains de ses journalistes.
70Weekly Review est un nouveau magazine en tabloïd ayant entre 40 et 60 pages, dirigé par Hilary Ng'weno, bien présenté avec une photo en couleur en couverture présentant le plus souvent un homme politique, souvent un opposant. Dans un numéro de 50 pages, la publicité en représente trois et demi, il y a environ une page et demie de courrier des lecteurs, 20 à 35 pages d'articles sur la loi politique, deux ou trois sur des problèmes de société et d'environnement, 5 ou 6 sur les affaires et les finances. Une à trois pages sur d'autres pays africains, une sur le sport, un compte rendu de livres ou des échos sur la mode et des mots croisés.
71Tous ces chiffres —sans compter des magazines plus spécialisés tirant cependant à plus de 100 000 exemplaires— laissent très loin en arrière les publications en langue française.
72De nouveaux journaux apparurent aussi dans la zone anglophone, en relation avec les mutations politiques, même dans les pays où perdurent les anciens pouvoirs. La Tanzanie a vu l'autorisation de 6 nouveaux journaux privés en 1993, quatre hebdomadaires, Démocratic, Matukio, Tribune, Weekly Mail et deux trimestriels.
73Dans le Malawi du président Banda où le multipartisme fut instauré après le référendum de juin 1993 qui rejeta le principe du parti unique, déjà en 1992 étaient apparus des journaux indépendants : Financial Post, Michiru Sun, en 1993, c'est le tour de The Nation, le bi-hebdomadaire de l'Union Democratic Front UDF, d'Aleke Banda (sans relation de parenté avec le président Banda) qui avait été emprisonné dans les années quatre-vingt, The Enquirer et The Monitor, autres organes proches de l'UDF, Malawi Democrat, de l'Alliance For Democracy, opposant, ou Guardian To Day, du parti au pouvoir, au total une douzaine de publications dans un pays qui ne connaissait, il y a encore peu de temps que les médias gouvernementaux, le Daily Times et le Malawi News.10
74Les périodiques, dans les pays anglophones, sont plus largement répartis entre différentes villes et pas seulement dans la capitale ; sans parler du Nigeria ou de l'Afrique du Sud qui connaissent déjà au niveau des quotidiens cette diversité, le Kenya, outre Nairobi a des hebdomadaires à Kitale (deux) à Eldoret, à Mombasa (Coastweek) ; le Zimbabwe, en dehors de la capitale à Bulawayo, à Chegutu, à Gweru, à Kadoma, à Kwerkwe, à Masvingo et à Mutare. La Zambie a aussi des publications à Kitwe et à Ndola : au Ghana des périodiques paraissent à Kumasi, à Tamale, à Tema, à Cape Coast.
75Dans la presse francophone, il faut distinguer les périodiques d'État ou spécialisés dont nous parlerons plus loin et la nouvelle presse dont nous avons vu précédemment la naissance à la fin des années quatre-vingt avec la contestation croissante des dirigeants en place.
76Cette presse ne s'adresse qu'à une minorité potentielle, celle des alphabétisés et elle est rédigée presque uniquement en français ; s'adressant surtout à la population de la capitale ou des grandes villes, les premiers journaux ont connu le succès de la nouveauté, rompant avec la langue de bois des médias officiels. Ainsi un leader a servi de modèle dans plusieurs pays, comme Le Messager, au Cameroun, La Gazette du Golfe, au Bénin, Jamana au Mali. La multiplication des titres, la diversité aussi des publications depuis les organes de parti jusqu'aux journaux à scandale, en passant par des organes d'information, des publications sportives, des journaux satiriques, entraîna une instabilité de cette presse dont nous avons mentionné précédemment la précarité. Il est bien difficile de donner un état de la presse périodique par pays qui ne soit pas dépassé et caduc au bout de quelques mois. Après une période d'expansion entre 1990 et 1992, coïncidant avec la vogue des conférences nationales et des changements de dirigeants à la suite d'élections, l'Afrique voit s'essouffler le mouvement, soit que les oppositions n'arrivent pas à s'entendre face au pouvoir en place qui se renforce (Burkina Faso, Cameroun, Côte d'ivoire, Gabon), soit que la situation apparaisse bloquée (Togo, Zaïre) ou instable (Burundi), soit enfin que la guerre civile déclarée ou larvée persiste (Angola, Tchad, Rwanda).
77Dans plusieurs pays, les partis au pouvoir ont aussi utilisé des journaux nouveaux pour être présents dans le débat politique, disposant plus aisément de ressources publicitaires et d'accès à l'information, c'est le cas du Patriote, un bimensuel du Cameroun, de la Relance, hebdomadaire du Parti démocratique gabonais, le parti de Bongo, du Démocrate ou du Patriote, proches du PDCI en Côte d'ivoire.
78Nous ne retiendrons que les principaux périodiques politiques, hebdomadaires ou bimensuels, ceux dont la périodicité est la plus régulière. Le pluralisme ancien du Sénégal a vu l'essoufflement des plus anciens journaux indépendants comme le Politicien fondé en 1977, satirique qui avait tiré jusqu'à 50 000 exemplaires, relayé soit par un hebdomadaire satirique comme le Cafard libéré, surtout par Sud-Hebdo, lancé en 1987 par Babacar Touré, directeur de Sud Com qui avait aussi publié Sud Magazine.
79Sud-Hebdo est un journal de 12 pages en 1992 dont une demi-page de publicité. Il consacre une et demie à 2 pages à l'étranger (principalement l'Afrique), plusieurs pages à des faits de société, une à la culture, avec un dossier par mois, en avril 1992 par exemple, 4 pages sur le système bancaire au Sénégal.
80Autre hebdomadaire de Dakar, le Témoin, consacre sur 12 pages deux pages au sport, une ou deux à la culture, deux à la politique, une au reste de l'Afrique, une à l'éducation. Ces deux journaux sont plutôt critiques à l'encontre du gouvernement.
81Le Cafard libéré, hebdomadaire satirique qui s'inspire du Canard Enchaîné, brocarde les partis, Le Soleil et la télévision.
82En avril 1992 parut à Dakar un nouvel hebdomadaire, Les Echos, huit pages de format tabloïd, consacré principalement aux problèmes de la vie quotidienne, à la culture et aux loisirs. Le Débat est un nouvel hebdomadaire lancé à la fin de 1993, avec 12 pages ; une et demie de publicité ; deux pages sur l'international, trois ou quatre sur l'économie, trois sur la politique. Son directeur politique est Babacar Sine. Le journal semble proche du parti socialiste, un article dans le numéro du 10 janvier 1994 « Faut-il exclure Wade ? » (de l'Assemblée nationale en raison de ses absences répétées) critiquant le leader du PSD va dans ce sens. Dans le même numéro, un article sur « l'Economie sénégalaise dans tous ses états » fait l'éloge du président Diouf.
83Le Cameroun a aussi une antériorité dans la naissance de la presse privée dans la zone francophone avec le Messager. Son fondateur et directeur, Pius Njawe a un long passé de journaliste d'abord dans le groupe de Breteuil ; une page Forum contenait des critiques de lecteurs à l'encontre du gouvernement ou de Cameroon Tribune qui lui valurent des tracasseries ; cette rubrique fut remplacée par un Courrier des lecteurs, mais de juin 1984 à juin 1986, le journal fut saisi 5 fois et censuré 12 fois. Il le fut aussi plus tard, ainsi le numéro du 25-31 août 1986 comprend un blanc de près de la moitié des pages 2 et 3 dans le compte rendu de l'interview au Québec de Mgr. Ndongmo par P. Njawe.11
84En mai 1987, il existait quelque 28 journaux au Cameroun, quatre d'entre eux, les plus anciens, dont Cameroon Tribune, paraissaient sans qu'une autorisation leur ait été demandée ; parmi les autres, il y avait un bihebdomadaire à Douala, Cameroun Magazine, 10 hebdo, 7 à Yaoundé, 1 à Douala, Le Combattant, qui devint ensuite bi-hebdomadaire, tirant à 40 000 en 1990 et même, à certains moments, quotidien, 2 à Limbe : Cameroon Outlook et Cameroon Time ; 9 bimensuels, 4 à Douala dont le Messager, 3 à Yaoundé, 1 à Bamenda, 1 à Limbe, Day Dawn ; 2 mensuels.
85En 1990, on comptait quelque 27 journaux paraissant régulièrement, outre le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, le gouvernement disposait de deux autres journaux, le Patriote, un bimensuel lancé en 1984 à Yaoundé et le Démocrate. Le Patriote polémique avec les journaux de l'opposition ; ses douze pages se répartissent en cinq rubriques, la politique représente un peu plus de la moitié du journal ; les leaders de l'opposition, les militants des Droits de l'homme comme Maître Yondo, des dissidents du parti gouvernemental y sont pris à partie. Le sport avec plus de 14 % de la surface occupe plus de place que l'économie et la société. La publicité occupe près de 9 %, pour une bonne part elle vient des sociétés d'État. Les opposants sont, à maintes reprises, qualifiés d' »escrocs », « menteurs », « terroristes », « assoiffés de pouvoir », « tribalisme ».
86Les personnalités qu'il met en exergue sont ceux que les journaux de l'opposition met au pilori et inversement. Ainsi le Cardinal Christian Turni est un « prélat apprenti sorcier » pour le Patriote, tandis que le Messager et Challenge hebdo, parlent à son propos de « force morale », d'« homme providentiel ».12
87Le Messager, dont nous avons déjà cité le procès dont furent l'objet son directeur et le journaliste Célestin Monga en 1991, est le leader de la presse au Cameroun et atteint les plus forts tirages ; il bénéficie de publicité. Son billet, « le promeneur » est un discours satirique sur l'actualité qui plaît beaucoup à ses lecteurs. La « Une » du journal est consacrée principalement à la vie politique ; ce qui concerne l'université (où le journal compte de nombreux lecteurs) retient souvent son attention. Il ne répugne pas à un style provocateur « l'appareil de l'État est complètement pourri » ; la censure dont il fut maintes fois la victime renforce son rôle de victime et lui assure une renommée internationale de défenseur des droits de l'homme. Le nombre de pages peut varier de 16 à 32. Les rubriques politiques y sont importantes, près de 52 % de la surface du journal en 1991, avec des actualités, des entretiens avec des invités (le Cardinal Turni, le musicien Lapiro de Mbanga et des hommes politiques), un dossier représente souvent 10 % du journal, plusieurs en 1991 sont consacrés à l'Université de Yaoundé, deux à la justice. La rubrique sur l'étranger, réduite, porte souvent en 1991 sur les Conférences nationales des autres États africains ; des rubriques sont consacrées à l'économie (peu traitée en dehors des aspects politiques), à la société (plus de 7 %), à la culture ; on trouve aussi des bandes dessinées, des jeux et des caricatures. Enfin la publicité occupe environ le quart du journal, annonces, communiqués, publicité pour des petites et moyennes entreprises, pour les hôtels, les agences de voyage et les transports, venant en majorité de Douala ou de grandes sociétés installées à Douala comme Philips ou Rhône-Poulenc.
88Parmi les autres journaux opposants, Challenge Hebdo, lancé en 1990 par Benjamin Zebaze qui en est le gérant et le directeur est un hebdomadaire de 16 pages tirant à 40 000 exemplaires en 1992 ; sa « Une » est surtout politique, par exemple en février 1991 « Le peuple les juge enfin ! que valent les ministres de P. Biya ? », ou le 22 juillet 1992 « Nouvelle victime de la gratitude présidentielle, Asso... Mmé » avec une photo du général Asso limogé.
89La publicité occupe environ 12 % en 1991, un peu plus d'une page sur 16 en 1992, des annonceurs assez semblables à ceux du Messager. Plus de la moitié du journal est consacrée à la vie politique ; le nom des rubriques a varié, « grandes interviews », « aux quatre vérités » donnant la parole aux leaders de l'opposition, à des journalistes ou des personnalités culturelles opposantes, à plusieurs reprises par exemple Achille Mbembe, deux pages dans « l'heure de vérité » du 22 juillet 1992 avec en titre « Il faut congédier promptement la faction au pouvoir ». Dans ce dernier numéro, plus de trois pages étaient consacrées au limogeage du général Asso pourtant un support du régime, très critique contre la presse privée. Les articles nombreux sur la justice ressortent aussi de la critique politique. Outre une page-service et des bandes dessinées, le sport et la culture ont chacun au moins une page. L'information sur l'étranger est pratiquement inexistante.
90La Nouvelle expression, dirigée par Séverin Tchounkeu est un autre hebdomadaire de l'opposition de 16 pages, au contenu essentiellement politique, mais avec une page économique souvent critique elle aussi, par exemple dans le numéro du 26 mai 1992 toute une page sur « le sport de Douala au bord de l'hécatombe ». C'est aussi le cas d'articles sur l'étranger ou sur la culture ; ainsi dans le numéro du 28 février 1992, la dernière page, la rubrique « Expressions culturelles », contient une page intitulée « Intégration à tâtons ; les pygmées Baka : entre assimilation et apprivoisement » qui est une critique de la politique gouvernementale à leur égard.
91Les trois derniers journaux présentés ainsi que trois autres, La Vision, L'Opinion, L'Ami du peuple, ont publié en commun à la fin juillet 1992, sur les presses de La Nouvelle expression, un numéro de 16 pages contre la censure et la suspension de Galaxie, s'en prenant aux médias publics.
92Parmi les autres journaux du Cameroun, on peut encore citer Dikalo à Douala ; dans ses 16 pages dont près de 3 de publicité, plusieurs articles sont parfois censurés (5 dans le numéro du 29 juin 1992). Opposant en politique, le journal contient aussi des articles sur l'économie, sur les villes de province, sur la culture et sur l'étranger ; des journaux antérieurs à 1990 comme Le Républicain, hebdo lancé en 1983 à Yaoundé, Le Libéral, lancé en 1983 aussi à Yaoundé, La Gazette, bimensuel de Douala depuis 1985. Plus original peut-être, Le Combattant, un hebdo de Douala de 1983 devenu à certains moments quotidien (en 1991), à nouveau hebdomadaire en 1993 ; les faits divers y occupent une bonne place, à la recherche du sensationnel ; même si les titres de la première page sont surtout politiques, ils révèlent un goût du sensationnel, par exemple au cours de 1991 « Foubam en flammes », « Malaise social à la Regifercam, des témoignages accablants et la réponse du directeur général », « ONCPB : encore des milliards en fumée », « la folle nuit de l'opposition à Douala ». Moins axé sur les faits divers et les potins qu'à ses débuts, le journal est entré dans le débat politique, s'opposant au gouvernement de Biya, tout en se voulant indépendant des partis d'opposition. La revue de presse y est souvent importante avec reproduction de caricatures ; les bandes dessinées sont souvent à thèmes politiques.
93Il existe aussi une presse de langue anglaise dans la partie anglophone, soucieuse de l'indépendance de la presse, Cameroon Life, Cameroon Post, Day Dawn, Cameroon Outlook. Ces journaux le 12 juin 1990 avaient adressé une lettre au ministre de l'administration territoriale pour protester contre les menaces d'intimidation de la presse privée anglophone du Cameroun alors que la presse privée francophone comme Le Messager ou Le Combattant pouvait s'exprimer plus librement, se plaignant des saisies à Bamenda, des arrestations de journalistes. La presse indépendante adressa le 19 octobre 1990 une pétition au Président Biya en prenant acte de son discours du 28 juin annonçant le passage à une « démocratie avancée », demandant une modification de la législation et notamment de la censure. 25 journalistes l'avaient signée, du Messager, du Combattant, de la Gazette, de Cameroon Post, de L'Effort comerounais, de La détente, de Challenge hebdo, mais aussi du Patriote.
94Certes le nombre des journaux s'est accru dans les deux années qui suivirent, avec des titres souvent éphémères, mais les demandes n'ont guère été satisfaites et les journaux ont durci leur opposition, accentuant les divisions de l'opinion sans présenter une alternative cohérente et crédible.
95Le cas du Bénin est le plus intéressant parce que c'est le pays où est apparue la nouvelle presse et où elle a le plus contribué au changement de dirigeants, par la voie électorale pacifique, où elle s'est aussi montrée critique à l'encontre des nouveaux dirigeants issus de la Conférence nationale et des élections libres. C'est là aussi qu'on a vu fleurir un grand nombre de journaux dont beaucoup ont disparu après quelques mois. En moins de deux ans, on est passé de 40 titres à 8. La Gazette du Golfe joue toujours le rôle de leader, confortée par les médias occidentaux, présentée dans une émission du 11 novembre 1991 du journal télévisé français de Antenne 2. Elle eut même pendant quelques temps une édition internationale bimensuelle. En 1991, celle-ci avait 16 pages avec des articles sur les relations avec la France, des reportages sur plusieurs États africains, notamment le Tchad et le Togo. En 1993, hebdomadaire, elle paraissait sur 8 pages avec près de 2 pages de publicité ou de communiqués de sociétés, une page sur le Togo, une sur l'étranger, une demi-page sur le sport. Le journal restait un journal de dénonciation de ce qui n'allait pas, les inondations à Cotonou, la réduction insuffisante du parc automobile de l'État par exemple dans le numéro du 20-26 juillet, Tam Tam Express, autre bimensuel de 1991 paraît sur 16 pages ; dans le numéro du 16-29 septembre 1991 il écrivait : « Maintenant que nous avons l'occasion de dire la vérité au gouvernement sans être pourchassé, sans subir la chasse à l'homme, il faut le faire sincèrement pour que ceux qui nous dirigent se rendent compte de leurs erreurs en vue de corriger rapidement celles-ci ».13
96Mais la nouvelle presse — et ce fut particulièrement le cas au Bénin —connut plusieurs dérives, qu'il s'agisse d'annonces des scandales dont la non diffusion était monnayée ou d'articles en faveur de dirigeants étrangers très discutés. Le quotidien La Nation14, redevenu gouvernemental sous le nouveau régime, titrait le 7 décembre 1992 en première page : « Les aventuriers qui prostituent le journalisme béninois » et terminait cet article en parlant des journaux béninois qui tombent « sous la coupe du pouvoir d'argent d'un pays voisin résolu à agir contre la volonté de son peuple », ce qui visait le Togo.
97La Gazette du Golfe de Cotonou a aidé au lancement de journaux dans d'autres pays, par exemple Haské au Niger. Bimensuel en 1990, ce dernier est devenu un hebdomadaire de 6 à 16 pages qui sert de leader au Niger, consacrant de nombreuses pages à l'économie, attentif à l'environnement et à la vie culturelle, avec un important courrier des lecteurs. Signe de ses difficultés de financement, il paraît de plus en plus avec seulement 8 ou 6 pages.
98D'autres journaux sont apparus comme L'Express Nigerien, bimensuel, Le Républicain, hebdomadaire, ainsi que Le Démocrate, le mensuel Anfani.
99Au Zaïre la situation politique reste confuse la conférence nationale aboutissant à une dualité de gouvernement, la réalité du pouvoir restant au président Mobutu. Quelques 120 titres nouveaux de presse apparurent en 1990, à la fin de l'année seulement une cinquantaine survivait dans des conditions souvent difficiles avec de faibles tirages, en 1992, selon une enquête du Soft de finance ; 17 avaient réussi à s'imposer, lui même est un des principaux représentants de cette nouvelle presse, un bimensuel créé en 1988 dont les positions politiques sont assez imprécises, ce qui le classe en dehors de l'opposition : bien informé et bien composé, donnant des analyses judicieuses sur l'économie, mais enclin au pessimisme sur l'évolution du Zaïre et sur la conférence nationale elle-même, avec un tirage de 5 000 exemplaires. Il est dirigé par Kin-Kiey Mulumba qui avait déjà travaillé dans des journaux. Il a eu, à certains moments deux éditions, une nationale et une internationale. Un hebdomadaire comme Temps nouveaux créé en 1991 soutient Mobutu à la différence des autres, journaux d'opposition, le Souverain, hebdomadaire favorable au fils de Lumumba, Le Potentiel, tri-hebdomadaire, Le Phare, hebdomadaire, la Référence, la Semaine ayant le plus fort tirage, 7000 exemplaires, mais ne durant que de 1989 à 1992, La Conscience, hebdomadaire chrétien indépendant, La Tempête des tropiques, bi-hebdomadaire, Le Forum des as, Mambenga qui dénonçait « l'obscurantisme zaïrois » encouragé par l'État laissant se développer les sectes (14 décembre 1990). On peut encore citer L'Eveil du champion et Kya (fondé en 1984) créés par des journalistes sportifs, Le Manager grognon, un journal satirique. Tous ces journaux sont publiés à Kinshasa à la différence de Jua qui parait à Bukavu dans le sud-kivu, et Le Lushois publié à Lubumbashi, tirant à 3 000 exemplaires.
100La presse d'opposition traduit un pessimisme profond sur la situation et sur l'avenir du pays. Le Phare du 23 août 1991 écrivait : « Tout est bâti sur le mensonge et l'erreur ». Pour la Conscience du 7-13 novembre 1991 "Dans la lutte pour la survie, le Zaïrois s'est illustré dans le vol, la truanderie, le trafic de chanvre et même de la drogue. Si bien que dans certains milieux étrangers, le Zaïrois passe pour l'un des plus grands escrocs que l'Afrique ait connu... Même à l'intérieur du pays, le Zaïrois ne croit plus en lui-même ni en son entourage. »
101Pour La Conscience du 18-25 mars 1991, « le Zaïre du MPR (le parti de Mobutu) aura été le Zaïre des beaux discours, le Zaïre des beaux slogans, le Zaïre des animateurs, une bande de fainéants et des animatrices, un troupeau de putes ».
102Parmi les autres, Karibuni en novembre-décembre 1991 dénonce la gestion d'un chef de collectivité à Bakumu-Kilinga accusé d' »arrestations et amendes arbitraires, tortures corporelles, violations nocturnes de domiciles ».
103La nouvelle presse se considère comme une presse de dénonciation des scandales qui sont l'origine déjà ancienne de la faillite d'un État et d'un pays pourvu cependant de nombreuses richesses. La Conférence nationale qui semblait annoncer la chute de Mobutu n'a pu empêcher les tensions sociales et les manifestations violentes de répression de l'armée ou du MPR. Un correspondant d'Elima, quotidien devenu un organe de l'opposition, constatait dans le numéro du 18-19 juin 1991 que la presse au Zaïre était libre mais « Il est rare de lire un article d'information pure sur l'actualité nationale... Tous les papiers sont travestis par le souci de donner à tout prix une leçon, de tirer des conclusions d'ordre éthique, au nom de la liberté retrouvée ».
104Même déformée dans un sens ou dans un autre, la presse zaïroise a contribué à sensibiliser les États occidentaux à la gravité de la situation tout en provoquant la perplexité des gouvernements américain, belge ou français sur la crédibilité des opposants. La Tempête des Tropiques du 13-16 février 1993 ne traduisait pas une opinion isolée en écrivant : « L'intervention des troupes étrangères s'avère indispensable », au lendemain d'émeutes et de répression ayant fait 1 000 morts à Kinshasa.
105La nouvelle presse au Togo se livre à une opposition d'autant plus virulente qu'elle est en lutte avec le pouvoir politique et qu'elle est l'objet parfois d'attaques matérielles. Le Courrier du Golfe, hebdomadaire ou bi-hebdomadaire, lancé en 1990 par K. Homawoo, a 12 pages, est très polémique, non seulement à l'encontre de Eyadema, mais aussi du premier ministre Koffigoh ; il publie des opinions plus que des informations et celles-ci ne concernent guère que la politique nationale ; le 1 7 février 1992, un article intitulé « Eyamedia » reconnaissait que « Eyadema demeure la raison d'être de la presse privée » ; après les troubles en octobre et le 3 décembre 1991 (1 7 morts) « on veut tout acheter, tout lire pour pouvoir se faire une idée bien claire sur les événements ». Le 22 janvier 1992, des militaires saccagèrent les bureaux du journal qui avait accusé l'armée d'avoir commis des attentats à Atakpamé et Sokodé. Son rédacteur en chef reçut des menaces par téléphone après la publication d'un article intitulé « Le RPT (le parti au pouvoir) est-il le Rassemblement des Profiteurs Togolais ? »
106La Lettre de TChaoudjo se présente comme le bimensuel de l'ATLMC, l'association togolaise de lutte contre la manipulation des consciences. Ses quelques numéros de 1992 sur 12 pages dénoncent les actions de Eyadema et du RPT pour continuer à s'imposer dans le Nord du Togo.
107Nyawo, autre journal opposant de 1992 est un mensuel qui accorde toutefois près de 2 de ses 8 pages à l'information internationale ; le numéro de juillet 1992 sous-titrait un article « Johannesburg, Dakar, Lomé, le même fiasco de la politique de réconciliation ? », amalgame qui en dit long sur le degré d'exaspération des opposants togolais, ce journal étant un des rares journaux africains critique à l'encontre de Mandela accusé de rêver à « une petite bourgeoisie noire corrompue et prospère ».
108Ibanou Express, hebdomadaire lancé au milieu de 1992 est hostile à Eyadema mais pas au premier ministre Koffigoh. Sur les 12 pages du journal, si la politique occupe la première place, il y a aussi une page sur la santé, une sur le sport, deux sur l'étranger, une sur la culture.
109La Tribune des démocrates, bimensuel puis hebdomadaire, lancé en 1991, paraît en 12 pages, favorable à l'opposition, soutenant la conférence nationale et le haut conseil de la République qui en est sorti. Bien imprimé avec une page sur l'étranger, une sur la culture, une sur les jeux et l'information service, deux sur le « carnet judiciaire » (les procès), le reste contient principalement information et opinion politique.
1101992 a vu naître aussi Le Démocrate, un bimensuel de 12 pages, favorable à Eyadema et hostile au premier ministre Koffigoh, et La Vérité, autre bimensuel favorable aussi à Eyadema.
111Au Gabon, la nouvelle presse est surtout une presse politique en majorité d'opposition, mais le parti gouvernemental est aussi soutenu par des nouveaux journaux comme Le Couperet qui s'intitulait « Le plus grand périodique gabonais d'information », lancé en octobre 1990 ; sa fonction est surtout de s'attaquer aux opposants à Bongo ; par exemple le numéro du 27 mai 1992 s'en prenait à deux opposants par le texte et par des caricatures : Maganga Moussavou, le président du Parti social démocrate et Louis Gaston Mayila, un ancien ministre de Bongo. Mais ce sont surtout les leaders des Bûcherons, le principal mouvement de l'opposition qui sont attaqués dans ses 8 pages sans photo mais remplies de caricatures.
112La Relance est plus directement l'hebdomadaire du Parti démocratique gabonais, au pouvoir, créé en 1990 après la conférence nationale, édité par Multipresse sur 12 pages tiré à 3 000 exemplaires.
113Leader de la nouvelle presse et de l'opposition, La Clé, hebdomadaire qui a pour sous-titre « Journal du peuple » s'est constitué en décembre 1989 dans la clandestinité ; d'abord bulletin dactylographié de périodicité imprécise, il devient le principal organe du Morena-Bûcheron dont le père Paul Mba Abessole est le dirigeant le plus connu, appelé ensuite le Rassemblement National des Bûcherons.
114En 1990 le journal avait 8 pages dont 2 en moyenne sur l'étranger, une page était souvent consacrée aux problèmes de l'éducation, un reportage à l'intérieur du pays, un ou deux articles d'information économique, mais l'essentiel était consacré à la vie politique et à la critique du parti au pouvoir, le P.D.G. Le journal s'étoffa ensuite avec 12 pages et des rubriques sur le sport et la culture. En 1993, La Clé était l'œuvre de 5 journalistes permanents et de 6 pigistes. Son directeur, Fidel Biteghe Minko, qui avait été stagiaire à l'Union avant 1990 finança son démarrage. Tirant à 10 000 exemplaires, le nombre des lecteurs est estimé à 50 000.15
115D'autres journaux sont proches du Morena comme L'Œil, La Griffe ou Le Bûcheron ou Misanu. L'Effort est l'organe du Parti Social Démocrate. Le Gabon libre, lancé en mai 1991 est l'œuvre de Marc Saturnin Nan Nguema qui est aussi le patron de Gabon Presse et Communication (GPCOM) assurant l'édition du journal. D'abord membre du Parti gabonais du Progrès, il le quitta pour fonder son propre parti, le Parti Libéral Démocrate. Journal d'opposition comprenant 12 pages dont une sur le sport, au moins une sur l'étranger (principalement l'Afrique), la vie culturelle, les faits divers, l'éducation, ont chacun une page, l'économie, souvent deux, la politique intérieure, 3 ou 4 pages très orientées contre Bongo.
116D'autres périodiques paraissent, le plus souvent opposants, mais l'opposition — Morena compris— s'est souvent fractionnée, ainsi Mibana, qui se déclare hebdomadaire indépendant d'information, est rédigé principalement par Toung-Ondo qui appartint un moment au cabinet d'un ministre non PDG. Cet hebdomadaire de 8 pages n'en contenait pas moins des attaques contre Bongo et le PDG, ainsi que de nombreux articles sur la santé, la culture, les religions. D'autres journaux ont vu le jour au Gabon comme Le Progressiste, journal du Parti gabonais du Progrès.
117La Côte d'ivoire qui n'a pas connu de conférence nationale mais dont la stabilité politique sous la direction d'Houphouët-Boigny pendant plus de 35 ans était exceptionnelle, avait connu en 1990 une agitation étudiante et des tensions accrues en raison notamment de la baisse des salaires des fonctionnaires. Le multipartisme concédé le 30 avril 1990, entraîna une libéralisation de la presse écrite marquée par l'apparition de nombreux journaux d'abord proches des partis d'opposition ; le plus important était le Front Populaire Ivoirien, FPI, dont le leader, le professeur Laurent Gbagbo, était un opposant de longue date qui s'était exilé pendant les années quatre-vingt et qui pouvait compter sur le soutien du parti socialiste en France. Ce parti, encore interdit en janvier 1990, avait lancé un numéro 0 d'un journal, L'Evénement, mais son premier journal fut le Nouvel Horizon, dont le premier numéro, tiré à 15 000 exemplaires, fut vendu en quelques heures à la fin de l'année 1990, son tirage s'éleva rapidement à 40 000 exemplaires. Plusieurs de ses journalistes venaient d'Ivoire Dimanche, un magazine du groupe Fraternité-Matin, arrêté en 1990.
118Journal de 16 pages en 1991, disposant de sa propre imprimerie, bien composé, avec de nombreuses photos, le Nouvel Horizon comporte une page culturelle, une page de sport, une page de courrier, deux ou trois pages sur la vie politique dans les régions et surtout des articles ou des informations politiques, principalement sur les partis d'opposition. Le Nouvel Horizon a contribué au lancement du quotidien La Voie et d'autres périodiques, comme La Tribune de Banco ou Liberté. Les journaux du FPI donnent une grande importance à tout ce qui concerne les étudiants et les enseignants parmi lesquels il compte ses principaux partisans.
119L'un des premiers journaux de la presse d'opposition fut Téré (Soleil en dioula), organe du Parti Ivoirien des Travailleurs, lancé dans la semaine du 9 au 15 juillet 1990.
120Parmi les autres journaux opposants, on peut citer Notre Temps, hostile au parti au pouvoir, le PDCI, favorable à Gbagbo, L'Œil du peuple, Le Changement. Au total une vingtaine de journaux politiques en 1992.
121Des journaux privés (en petit nombre) furent aussi lancés pour soutenir le PDCI, comme Le Démocrate, un hebdomadaire lancé en 1991 contre les opposants ou Le Patriote express, moins engagé, bénéficiant dans ses 12 pages d'un peu de publicité (l'équivalent d'une page), se présentant comme « l'hebdomadaire qui pense vraiment aux femmes », avec des conseils périodiques, des reportages sur des villes de l'intérieur, des interviews, des pages culturelles et sportives. Scoop 7 était aussi un hebdomadaire favorable à Houphouët-Boigny.
122Mais la Côte d'ivoire vit apparaître aussi une vingtaine de journaux indépendants : des journaux d'information, comme La Nouvelle presse, un hebdomadaire de 16 pages, significatif, un numéro du 13 août 1992 avec en première page deux photos « Face à face Gbagbo-Dona Fologo.16 Propositions pour débloquer la démocratie (repris en pages 3, 4 et 5), mais aussi la photo d'un comique ivoirien, un article illustré, un télé-vacances et le titre d'un article sur l'aéroport d'Abidjan. A côté d'articles d'information politique, des articles sur la télévision, les loisirs, le bien-être (une rubrique), l'économie, deux pages culturelles.
123Des journaux sportifs dont ASEC-Mimosas, le bimensuel de l'équipe de football qui connaît une large diffusion (38 000 exemplaires en 1992), des journaux religieux comme Plume libre, mensuel islamique ivoirien d'information générale, des journaux de radio-télévision comme Micro-Public, très critique envers la RTI ; des journaux d'économie comme Intégration, mensuel d'information économique et sociale et aussi des journaux de faits divers comme Le Détective, des journaux satiriques comme l'Araignée, l'Agouti panseur (un bimensuel qui tira jusqu'à 50 000 exemplaires).17
124Il est impossible de dresser un état exact de la presse périodique à un moment donné ; si l'on recense quelques 80 hebdomadaires, bimensuels ou mensuels entre 1990 et 1992, beaucoup ont disparu, plusieurs ont une publication irrégulière, une vingtaine à peine paraît réguièrement.
125C'est une situation que l'on retrouve dans les pays francophones qui ont vu une éclosion de journaux. Dans le cas de la Côte d'Ivoire, la presse à la fois s'est nourrie en 1990 et en 1991 d'une aspiration au changement et des conflits entre l'armée et les étudiants durement réprimés sur le campus de Yopongou le 17 mai 1991, jusqu'à la manifestation du 18 février 1992 contre le refus du président de sanctionner les exactions des militaires, manifestation dégénérant dans des circonstances ambigües en saccage de véhicules et de devantures. Il s'ensuivit une répression sévère bien que peu durable, une division aussi de l'opposition et un certain essouflement de l'opinion publique préoccupée surtout de la précarité des conditions de vie avec la crise. La succession d'Houphouët-Boigny en ouvrant une nouvelle période dans l'histoire de la Côte d'ivoire n'a pas ranimé le débat politique. Il semble même que le parti au pouvoir se soit renforcé depuis l'accession de Bédié à la présidence. L'existence aujourd'hui de plusieurs quotidiens a aussi des incidences sur la presse périodique.
126Le Rwanda présentait à l'inverse le cas d'un pays sans presse quotidienne, avec une presse périodique déjà bien implantée, en langue africaine car ce pays bénéficie d'une homogénéité linguistique. La presse privée s'était maintenue avec Le Kinyamateka, bimensuel catholique non sans pression du pouvoir qui avait amené à la démission en octobre 1985 de son directeur l'abbé Sylvio Sindambiwe tué en novembre 1989 dans un accident de la circulation dont les circonstances étaient étranges. Un mensuel de la coopération Trafipro s'était interrompu en 1985 à la suite de tracasseries des autorités et d'amendes.
127De nouveaux journaux apparurent en 1991 avec la libéralisation relative mais aussi la crise. Un homme d'affaires Tutsi avait lancé en 1989 un bimensuel Kanguka, qui dut s'arrêter en mai 1990 à la suite d'articles sur le décalage de plus en plus sensible entre riches et pauvres, les activités commerciales des fonctionnaires et la fuite des devises. Le rédacteur en chef de Kangura, journal qui lui succéda, fut à son tour poursuivi pour avoir dit que « 70 % des riches sont des tutsi » ; des journalistes dénonçant les méthodes violentes des autorités étaient l'objet de sévices, ceux du journal Umurangiou de Kiberinka à la fin de 1991, des périodiques Ijisho rya Rubande (L'œil du peuple) en avril 1991, Ijambo un bimensuel paraissant depuis août 1990 en français, en kinyarwanda, en anglais et en swahili.
128Parmi les autres nouveaux journaux, dont certains eurent une brève existence, des journaux de partis politiques comme Le Démocrate, mensuel du parti MDR (Mouvement Démocratique Républicain), Umurwanashyaka, bimensuel en français et en kinyarwanda, du Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement, Isibo, bimensuel saisi en mai 1991, dénonçait la corruption et le clientélisme.18
129Ikindi était un bimensuel regroupant des rédacteurs de différentes opinions, Ijabo se voulait au début de 1991 le porte parole des coopératives de paysans. Beaucoup d'autres n'eurent qu'un ou deux numéros en 1991. Outre les autorités gouvernementales, d'autres institutions y étaient remises en question, l'armée, les églises, les grandes institutions commerciales. Dans beaucoup de ces périodiques, les caricatures sont nombreuses et très suggestives, par exemple dans La Tribune du peuple - Umuvugizi wa Rubanda ou dans Le Messager. Sur la trentaine de journaux nouveaux des années 1990 et 1991, c'est moins d'une dizaine qui survivaient à la fin de 1992. Le gouvernement continuait de soutenir l'ancien Imvaho et la Relève. D'autres ont une périodicité de plus en plus irrégulière. Nous ne pouvons écrire qu'au passé, car depuis les événements dramatiques du Rwanda, il est impossible d'avoir une information précise sur l'existence même d'une presse dans ce pays en 1994.
130La Voix des grands lacs créé en 1992 s'intitulait journal indépendant d'information, éducation et développement. En 1993 il paraissait sur 8 pages, avec couleur, une page et demie de publicité, attentif à ce qui se passe au Zaïre et au Burundi.
131Paix et démocratie, mensuel apparu en 1993 (pour combien de temps ?) était l'organe d'un mouvement dont le président Emmanuel Gapyisi fut assassiné le 18 mai 1993. Hostile au président Habyarimana le contenu des 20 pages du numéro 1 était uniquement politique.
132Seuls le Kinyamateka et, parmi les nouveaux, Imbaga, s'adressant surtout aux agriculteurs tiraient à plus de 5 000 exemplaires et Imvaho était passé de 53 000 à 9 000. Les autres tiraient à moins de 1 500 exemplaires. Les lecteurs s'étaient lassés de lire toujours la même chose ; de plus la distribution est très précaire en dehors de la capitale Kigali, qui absorbait les trois quarts des ventes.
133A la fin de 1993 il n'y avait pas de quotidien au Rwanda car on ne peut considérer comme tel le bulletin de l'Agence Rwandaise de Presse, il y avait 7 ou 8 hebdomadaires, 13 bimensuels, 13 mensuels, mais ces chiffres et la périodicité étaient théoriques, la plupart paraissant à la fois en Kinyarwanda et en français. L'Eglise catholique continuait à jouer un rôle important dans la presse privée.
134Au Burundi où l'évolution démocratique avait amené l'élection à la présidence en juillet 1993 d'un homme nouveau, Melchior Ndadaye, celui-ci fut assassiné le 21 octobre 1993 par des soldats tentant un coup d'État ; des massacres de Tutsi et de Hutus ont aggravé la crise du pays déjà profondément divisé entre l'Uprona qui soutenait l'ancien pouvoir et le Frodebu mouvement clandestin à l'origine, qui avait amené à l'élection de Ndadaye, avec l'appui du Palipehutu, un parti ethnique. La presse reflète une division analogue ; ainsi Intore est un bi-mensuel de 12 pages, hostile au Frodebu et plus encore au Palipehutu qu'il accuse « de génocide des Tutsi et des Hutu upronistes » ; il comprend dans son numéro du 15-30 novembre 1993 onze pages politiques plus un poème (politique) comme s'il servait à justifier le sous-titre du journal « bimensuel d'opinion et de culture ».
135Le Citoyen est un bimensuel de l'AJECI, hostile aux partis vainqueurs en juillet 1993 ; avec 16 pages dont deux et demie de publicité, il défend aussi les Tutsi. Un autre journal, hebdomadaire, Panafrika, bien que, plus nuancé, dénonça le massacre des Tutsi. L'Uprona avait aussi un hebdomadaire Intahe.
136Le Frodebu, opposant avant 1993, favorable aux Hutu, avait lancé en 1991 un bimestriel Kanura Burakaye (Lève-toi il fait jour), il possédait aussi déjà un bimestriel en français L'Aube. Parmi des journaux plus anciens Ndongozi (Le Guide), un bi-mensuel catholique avait publié en juin 1991 une traduction en Kirundi de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
137Au Mali où nous avons déjà vu le rôle initiateur de Jamana et d'Alpha Oumar Konaré, le futur président de la République, la presse périodique qui a joué un rôle important dans la chute de Moussa Traoré le 26 mars 1991 et dans la conférence nationale (28 juillet, 12 août 1991) a vu naître quelque 60 titres entre 1991 et 1993. Même si beaucoup ont disparu ou n'ont qu'une existence irrégulière comme La Parole, Yeelen, Forum démocratique... il reste un pluralisme de la presse hebdomadaire ou mensuelle. Parmi la quinzaine de journaux stabilisés, nous citons les principaux : Les Echos (du groupe Jamana) dont le tirage est le plus élevé, 30 000 ; à propos d'un procès en diffamation, il préconisait le 3 mars 1993 : « un traitement professionnel de l'information s'impose, loin de toutes manipulations et d'attaques personnalisées sans preuve ».
138Bien que proche du nouveau gouvernement, il donne une information assez impartiale par exemple le 25 décembre 1992, il annonçait la grève des commerçants de Bamako à la fin de l'année, en expliquant les raisons tout en présentant les efforts du gouvernement et tout en faisant appel à des notions, tels le dialogue, la concertation, la solidarité ». Cauris a été lancé en 1990 par des chercheurs de l'Institut malien de recherche appliquée au développement, et son directeur Cheibane Coulibaly est un sociologue ; c'est tantôt un hebdomadaire, tantôt un mensuel tirant à 5 000 exemplaires : Le Républicain, un hebdomadaire attentif aux problèmes culturels qui se demandait le 24 février 1993 dans un article intitulé « le paradoxe des films américains » « Pourquoi le cinéma africain qui a su imposer sa reconnaissance à l'Europe, rest-t-il résolument absent en Afrique ? Politiquement cette publication est proche du CNID, le Comité National d'initiative Démocratique qui a rejoint la coalition gouvernementale de Abdoulaye Sekou Sow, le premier ministre en 1993.
139Citons encore Le Scorpion, lancé en 1991, qui tire à 5 000 exemplaires, L'Observateur, Aurore, un bi-hebdomadaire tirant à 20 000 exemplaires, Le Malien, un bimensuel. Beaucoup de journaux ne sont pas rédigés par des journalistes. A côté de journaux d'information ou de partis, il existe des journaux de publicité (Tamma, qui tire à 1 000 exemplaires), de faits divers comme Kabako (tirant à 3 000), ou Le Vendu, tirant à 5 000 et paraissant selon les événements, de sports, Sport-Pub qui tire à 10 000, Hippo-Sport, ou satirique comme La Cigale muselée.
140Ndjamena Hebdo au Tchad est à l'origine de la presse indépendante ; à sa naissance en octobre 1989, c'était un journal d'annonces donnant des informations sportives et des faits divers ; tiré à 1 000 exemplaires, distribué gratuitement grace à la publicité, à la faveur des élections de 1990, le journal est devenu un organe d'information critique, non sans quelques démêlés avec le Mouvement Patriotique du Salut. Son tirage est passé à 12 000 exemplaires dans l'été 1991.
141Le Burkina Faso qui a plusieurs quotidiens, a aussi une presse périodique très engagée mais les divergences de l'opposition ont renforcé les positions de Blaise Compaoré à la tête de l'État ; ce qui faisait écrire le 24 mars 1993 à La Clef, un hebdomadaire « La démocratie est-elle impossible en Afrique ? » Parmi les périodiques dont la vie est souvent éphémère, Le Peuple, Dunia, Le Prolétaire, Le Patriote sont des journaux de parti ; Le Jour du jeudi est un hebdomadaire satirique. Regard est un hebdomadaire fondé en mai 1992.
142Il existe une presse d'État spécialisée, comme L'Essor rural ou Trait d'Union qui s'adresse aux fonctionnaires ou d'information plus générale, Carrefour africain, remontant à 1959 ou Sidwaya Magazine, créé en 1988, dont les publications ont été suspendues par mesure d'économie. Des journaux (mensuels) paraissent en langue africaine ; Laabaali (La Nouvelle) pour l'Est du pays, Manuga, en mooré, la langue majoritaire.
143La nouvelle presse, indépendante des gouvernements, est très rarement rédigée en langue africaine, en zone francophone. Nous retrouverons les journaux en langue africaine dans la présentation de la presse rurale. Il existait aussi une presse périodique antérieure à la libéralisation des années dernières ; il en sera question dans les chapitres sur la presse religieuse et sur la presse spécialisée.
144L'ancienne presse périodique gouvernementale a été souvent touchée par l'apparition de la nouvelle presse ; moins politique, elle est souvent sacrifiée pour des raisons budgétaires.
145Nous prendrons l'exemple de Sidwaya Magazine, même si cette publication lancée en août 1988 d'abord mensuelle, ne parut ensuite que tous les deux mois avant d'interrompre (provisoirement ?) sa publication. Tirant à 4 000 ou 5 000 exemplaires, il a atteint parfois 7 000 ; outre les ventes directes, il bénéficiait en avril 1991 de quelques 1 120 abonnements pour les neuf dixièmes à Ouagadougou même.
146Les quelque soixantes pages étaient l'œuvre de cinq journalistes fonctionnaires. Elle se répartissaient en douze rubriques : les unes consacrées à un secteur d'activité : Economie, Santé, Société, Sport, Culture et Tradition, Mode ; d'autres à des personnes, Focus, Invité, Femmes. On trouvait en outre des jeux, une rubrique cinéma, une bande dessinée et le Courrier des lecteurs. Les illustrations représentaient 36 % de la surface rédactionnelle, principalement des photos. La publicité est quasiment absente.
147D'une analyse portant sur toute l'année 1990, il ressort la priorité de l'ensemble culture, tradition, société (35 % de la surface rédactionnelle). La politique ne représente qu'un peu plus de 10 %, conçue assez libéralement. L'ancien président de la République Lamizana est l'invité du numéro de janvier-février qui lui consacre 12 pages. Dans le numéro de septembre-octobre, l'interviewé Doulaye Corentin Ky fait l'éloge du Front Populaire. 14 % est consacré au Social envisageant surtout les problèmes de l'emploi et de la santé.
148Par l'importance donnée à la culture et à la tradition le magazine justifie son sous-titre « Magazine de culture et de loisir ». Sidwaya Magazine s'intéresse beaucoup aux problèmes féminins avec des articles en 1990 par exemple, intitulés « Comment conserver son conjoint », « Le malheur d'être veuve » (mais où il s'élève contre le lévirat, l'obligation pour la veuve d'épouser le frère du défunt sous peine d'être chassée). « Les femmes au volant »... Est-ce une influence des idées de Sankara qui avait milité pour l'émancipation de la femme contre la tradition ? ; « La société traditionnelle sait se montrer impitoyable avec les plus faibles » écrit Samuel Kiendrébéogo dans Sidwaya Magazineen mai 1990. Mais dans un pays où 90 % de la population est rurale, il est difficile de heurter de front les valeurs traditionnelles. Un magazine gouvernemental doit composer avec la réalité ; un article comme « Brigitte Dahani, guérisseuse et non magicienne (Sidwaya Magazine, juillet-août 1990) illustre cet équilibre à trouver entre tradition et modernité. A travers l'information, la publication se veut éducative, ce qu'illustrent par exemple deux articles, « La fièvre de la vidéo » qui met en garde contre les « aspects culturels négatifs » de cette invasion d'images occidentales de séries mettant en scène violence et immoralité ; autre exemple « grandir sans tabac », dénonçant le tabagisme chez les jeunes, aux conséquences néfastes pour la santé mais aussi générateur de vol pour se procurer du tabac.
149Nous retrouverons Sidwaya Magazine dans l'étude de la relation entre la presse et la crise. Ce magazine illustre bien l'inévitable ouverture que l'évolution actuelle a entraînée pour la presse étatique. Elle n'occulte plus l'information sur les situations difficiles, sur les faiblesses, les imperfections.19
150L'évolution de la presse est intimement liée à l'évolution politique, économique et culturelle des États africains. L'information, le besoin d'une information différente de la langue de bois des organes gouvernementaux sont à l'origine de la nouvelle presse ; il s'est agi, au début des années quatre-vingt-dix, d'une information politique, d'une information politisée sur les différents domaines d'activité et sur la vie quotidienne. Le pluralisme de la presse — qui existait déjà dans plusieurs pays de l'Afrique anglophone — ne suffit pas pour introduire une démocratisation qui n'a de sens que si elle permet une amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Or, celle-ci n'apparaît pas, même avec le changement de dirigeants. Il en résulte à la fois un certain désenchantement et une aggravation des tensions. L'avenir de la presse est conditionné par ses lecteurs —ce que nous étudierons dans notre dernière partie— et par le contenu qui leur est offert. L'information s'est enrichie, s'est élargie, faisant éclater les séparations entre le politique, l'économique et le social. Mais la liberté de la presse comporte aussi ses effets pervers ; en dehors même des journaux à sensation ou à scandales qui ont vu le jour ici et là en dépit de mesures répressives qui ont parfois manqué leurs cibles pour faire d'autres victimes, la presse peut envenimer les conflits, attiser les passions ethniques, entretenir les sentiments les plus sordides ou même seulement détourner l'attention sur une information sans utilité ou sans intérêt pour le lecteur. Mais la presse comme la langue d'Esope peut servir pour le meilleur comme pour le pire et elle a un rôle indispensable dans la formation de l'opinion publique qui nécessite à la fois la liberté et le pluralisme des expressions. Or, le développement de la presse écrite est le fait presque uniquement des grandes villes et des capitales qui en monopolisent la production et en reçoivent la plus grande diffusion. Aussi la presse quotidienne et périodique traduit surtout les préoccupations des populations urbaines les plus aisées. Même si d'autres fonctions, éducatives ou distrayantes, ne lui sont pas étrangères, c'est l'information, sous ses différents aspects, qui est sa raison d'être. C'est la fonction éducative qui est prioritaire dans les deux types de presse que nous allons présenter maintenant.
Notes de bas de page
1 La distinction entre presse d'information et presse d'opinion peut se justifier actuellement dans certains pays d'Afrique où la nouvelle presse est souvent représentée par des journaux de partis. Dans plusieurs pays des journaux mettent l'accent sur un type d'information, information sportive ou information de faits divers.
2 Cf. supra p. 101 et sv.
3 Le tableau est établi pour les années 1992-1993, à partir de Benn's Media, Africa South of Sahara, le Répertoire de RFI, et pour l'Afrique du Sud le Yearbook of the Republic of South Africa. Pour beaucoup de pays, il est difficile et parfois impossible de donner des chiffres fiables de tirage.
4 OMGBA, 1984.
5 KOUME.
6 La description des quotidiens repose sur des dépouillements de journaux entre 1992 et le début de 1994 ; pour le Nigeria, sur des journaux de 1994 consultés à l'ambassade du Nigeria à Paris.
7 JACKSON, South Africa Yearbook et documentation fournie par l'ambassade de la République sud-africaine à Paris.
8 On retrouve le même titre porté par des journaux différents dans plusieurs pays en Afrique anglophone, Sundays Times est l'un des plus fréquents.
9 Les chiffres de tirage sont tirés pour la plupart de Benn's Media, qui reproduit les enquêtes de ABC Audit Bureau Circulation.
10 Africa Confidential, septembre 1993.
11 Mgr Ndongmo, compromis à tort ou à raison dans un complot contre l'Etat, s'était exilé au Canada.
12 NDONGO.
13 VITTIN.
14 La Nation est le nouveau titre de Ehuzu.
15 KOUMBA.
16 Dona Fologo était le secrétaire général du PDCI.
17 AKOUN.
18 Dialogue de 1992 et de 1993.
19 OUOBA. Sidwaya Magazine, mémoire de l'Université de Bordeaux 3, 1992.
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