Introduction
p. 7-9
Texte intégral
1L'étude de la presse écrite m'était apparue au premier abord comme l'aboutissement d'une trilogie sur les media en Afrique Noire après deux publications sur la radio et sur la télévision1. La floraison de nouveaux journaux avec la libéralisation — relative — de la vie politique semblait faire de la presse à la fois un témoin, un instrument et une caution d'une démocratisation attendue plus qu'effectuée.
2Or, cette étude dépasse très largement le cadre de la vie politique et pose, aussi bien par les caractères que par la faiblesse de cette presse, les problèmes fondamentaux de l'Afrique d'aujourd'hui ; même si elle ne touche encore qu'une minorité des populations.
3Plus encore que pour les media audio-visuels, il faudrait parler au pluriel des presses africaines, si grandes sont les différences entre la presse du Nigeria ou de la Côte d'ivoire par exemple et celles du Tchad, de la Centrafrique, de la Guinée équatoriale ; entre l'Afrique anglophone où le recul plus sensible de l'analphabétisme a entraîné une soif de lecture, et le reste de l'Afrique2.
4La presse n'est pas seulement le reflet de la nature du pouvoir ; la plus ou moins grave faiblesse de sa diffusion ne reflète pas uniquement la lenteur de la régression de l'analphabétisme, en contradiction avec l'ampleur de l'effort ou du moins du budget scolaire. Outre le prix élevé du journal pour le revenu moyen africain, c'est le résultat de deux autres handicaps, le très faible recours aux langues africaines et l'inadéquation entre le contenu des journaux et les préoccupations de la majorité des habitants.
5L'étude de la presse en Afrique Noire ne peut utiliser, au départ, les hypothèses couramment admises pour les pays occidentaux ; elle n'est pas le reflet des sociétés africaines ou de l'opinion publique —ce qui amène à réfléchir sur ce dernier concept transposé à l'Afrique—, et cela d'autant plus qu'elle n'apparaît que très partiellement comme un guide de l'opinion.
6C'est la notion même d'information et son rôle dans les sociétés africaines qui se trouvent inévitablement abordés lorsqu'on étudie la presse et, d'une façon plus large, la pénétration de l'écrit dans des sociétés où l'oralité a façonné la culture3.
7La presse en Afrique a fait l'objet déjà d'études globales surtout en anglais, ou en allemand4. Les études en français portent presque uniquement sur la zone francophone et sont plus ponctuelles. Si elle a déjà plus d'un siècle et demi d'existence, la presse s'est présentée pendant plus d'un siècle pour une bonne part comme une presse anglaise, française, belge, portugaise en Afrique ; mais ces journaux qui furent d'abord destinés aux populations venues des métropoles se sont peu à peu ouverts aux Africains, puis africanisés et ont contribué à façonner la presse d'aujourd'hui ; il serait donc artificiel de vouloir les exclure. En raison de son importance, de son ancienneté, de son évolution récente aussi, il n'apparaît plus possible d'exclure l'Afrique du Sud de cette étude5.
8Parmi les difficultés rencontrées, il en est une qui est commune à toutes les études sur l'Afrique, elle tient à la médiocre fiabilité des documents statistiques aussi bien nationaux qu'internationaux. Une autre tient à la vie même des journaux, souvent irréguliers dans leur publication, avec des suspensions imposées ou volontaires ; parmi les anciens, plusieurs ont disparu sans laisser de traces, parmi ceux des dernières années plusieurs sont morts ou sont voués à une prochaine disparition6.
9Notre principal objectif est de présenter une étude historique et actuelle de la presse en Afrique sub-saharienne, à la fois pour rassembler des données éparses, pour permettre à tous ceux qui veulent utiliser les journaux d'Afrique comme témoins d'une époque d'une société, d'une évolution ou d'un événement, de les situer ; mais aussi parce que l'écrit est l'instrument indispensable de tout développement ou — si ce mot est trop usé et trop ambigu — de tout progrès, de toute maîtrise de l'environnement. Or, la presse écrite reste le moyen le plus sûr d'entretenir la lecture après l'école. Que l'on n'accuse pas le journal d'isoler celui qui le lit et de heurter la tradition, les sociétés industrielles sont issues elles aussi de sociétés traditionnelles à majorité paysanne. Il serait dangereux pour l'évolution de l'Afrique que l'écrit reste le privilège d'une petite minorité manipulant les masses par la radio et la télévision.
10La presse n'est pas seulement un moyen d'information ou d'expression ; même lorsqu'elle est utilisée surtout comme moyen de propagande (politique ou religieuse), elle est une source de connaissance des sociétés qui la produisent. Aussi avons-nous cru nécessaire de citer un grand nombre de journaux et de périodiques, utiles à consulter non seulement pour les historiens, mais pour tous ceux qui cherchent à connaître et à comprendre le passé et le présent des sociétés africaines. Quelle que soit leur origine, ils font partie du patrimoine culturel de l'Afrique.
Notes de bas de page
1 La Radio en Afrique Noire, Paris : Pédone éd., 1983 et L'Afrique Noire et ses télévisions, Paris : INA-Anthropos, 1992.
2 L'utilisation, commode, des expressions Afrique anglophone, Afrique francophone, ne doit pas cacher qu'une partie souvent majoritaire de la population, ne parle et moins encore ne lit l'anglais ou le français.
3 C'est une des raisons qui expliquent la rapide implantation de la radio en Afrique.
4 Outre celles que nous citons dans la bibliographie, Kitchen H.éd. The Press in Africa, Washington, 1956.
5 Depuis que nous avons entrepris cette étude, les élections de 1994 ont confirmé l'intégration de la République sud-africaine dans la communauté noire.
6 La constitution de collections de journaux et l'existence d'un dépôt légal sont loin d'exister dans tous les Etats africains. Les collections de journaux de langue anglaise conservés au dépôt de Colindale du British Museum sont principalement des microfilms effectués par une société américaine. Outre les lieux de conservation en France indiqués p. 331, il existe quelques collections de journaux africains à Bruxelles, notamment au CEDAF et au Musée de l'Afrique Centrale.
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