Intervention de Jacques Marchand
p. 25-28
Texte intégral
Jacques MARCHAND
Président Honoraire de l’USJSF (Union Syndicale des Journalistes Sportifs de France)
1C'est une tradition à laquelle l'UNCU comme l'USJSF, les deux organisateurs de l'Université, sont maintenant attachés, d'organiser, dans le cadre de l'USE, un stage d'initiation à la communication pour des jeunes qui souhaitent effectivement exercer un jour un métier dans l'information.
2En plus, il s'est avéré que cette initiative, qui était au début plaisante, est devenue utile et a porté ses fruits professionnels. C'est ainsi que nous avons retrouvé en venant ici, au Midi Libre, le quotidien local, un de nos stagiaires de l'USE de Lille d'il y a 5 ou 6 ans, qui a fait son chemin puisqu'il est aujourd'hui journaliste professionnel. Il nous est toujours reconnaissant d'avoir guidé ses premiers pas. Lors de l'USE tenue à Dijon, j'avais déjà fait le bilan de la carrière des différents stagiaires, et jusqu'à maintenant nous avons plus d'une dizaine de jeunes qui sont passés par le stage et qui sont dans la profession. Et je dois dire, et je le dis parce que cela fait toujours plaisir, que chaque fois qu'un de ces jeunes obtient sa première carte professionnelle qui marque l'entrée officielle dans la profession, je suis toujours informé en priorité parce qu'effectivement, pour eux, c'est une référence et ils ont la délicatesse de nous en avertir et, au-delà, de nous en remercier.
3Donc, cette année, le stage est ouvert depuis mercredi après-midi. Les stagiaires ont déjà beaucoup travaillé. Ils ont assisté en particulier à la confection et à la diffusion du journal de Radio France Nîmes, avant-hier, et au journal télévisé de France 3 Montpellier, hier soir.
4C'est ainsi qu'ils ont découvert le travail professionnel de nos confrères régionaux, le travail de base et le travail de fondement du journaliste : c'est l'information de proximité. Je le répète à longueur d'années aux étudiants, à nos stagiaires, que c'est là le vrai et le seul journalisme réel et je vous le répète aussi à vous, participants de l'USE, non sans raison.
5J'ai en effet trouvé dans une des contributions qui vous est distribuée, de la part de notre ami Pierre Lambin, président du CROS Nord Pas de Calais, un jugement sévère, je dirai même une diatribe sur les médias du sport. Je n’en parlerais pas si ce propos d'ailleurs n'entrait pas tout à fait dans le cadre du programme de notre USE. Je réagis donc par anticipation d'autant plus que Pierre Lambin n'est pas encore arrivé, et si j'ai des choses à régler, je m'en entretiendrai directement avec lui.
6Mais sincèrement, à ce propos, je voudrais fournir une information parce que toute information vous est due comme elle est due, d'ailleurs, à l'ensemble du public. Je crois qu'il ne faut pas véhiculer, dans des instances comme les nôtres, des clichés sur la presse sportive jugée à travers la prestation parfois caricaturale, je le reconnais, de quelques vedettes médiatiques qui font du sport, un spectacle à la télévision, mais parce que c'est la vocation de la télévision, encouragée par une grande partie, la majorité du public, à faire du divertissement, à faire du spectacle et parfois du très bon spectacle d'ailleurs. Mais de les traiter pour autant, comme le fait notre ami Pierre Lambin qui traduit, je le sais, un sentiment courant dans le mouvement sportif, à savoir que les dirigeants servent le sport alors que les journalistes s'en servent... Là, je dis que c'est abusif et je le répète : c'est une notion dépassée qui ne mérité pas de rouvrir une querelle stérile.
7D'abord parce que certains dirigeants, j'en ai connu, se sont bien servi du sport, à des fins personnelles. Parce que les journalistes même en servant les intérêts de l'entreprise, par leur talent, par leur compétence, par leur esprit de création, ont servi le sport et ont permis de le développer. Et je vais me référer à une époque qui est celle de la fin du siècle dernier où d'ailleurs dirigeants et journalistes étaient souvent confondus et je citerai en particulier : Pierre Giffard, Henri Desgrange ou Pierre de Coubertin. Je revendique et je l'ai fait devant le congrès du CIO pour son centième anniversaire, je revendique Pierre de Coubertin comme un des nôtres, comme un journaliste, et ce ne sont pas ses écrits qui me démentiront puisque lui-même se flatte d'avoir eu la carte presse et toute sa vie il a été fidèle à notre profession. Il est vrai que si Pierre de Coubertin n'avait pas été le grand communicateur de son époque et d'une communication vue dans son sens le plus large, parce qu'il était à la fois un conférencier, un historien, un écrivain, mais qu'il était aussi un journaliste — il a écrit plus de 8 000 articles — et certains traduits dans plusieurs langues, s'il n'avait pas été cet homme de communication, il n'aurait jamais pu imposer au monde la rénovation des Jeux olympiques.
8Notre stage m'apporte d'emblée, dès ses premiers jours, un constat. C'est la première fois depuis dix ans que nous avons cinq des douze inscrits qui viennent non pas pour apprendre le journalisme classique, celui que nous connaissons, celui qui nous attire un peu, mais qui sont là pour approfondir : la communication. Et ce sont tous des jeunes gens qui ont des responsabilités dans un club universitaire, ce qui veut dire clairement que la communication sera un des éléments de survie des clubs sportifs dans l'ère médiatique qui s'avance vers nous, surtout avec la super satellisation de la télévision qui nous réserve de sérieuses surprises et qui va modifier beaucoup de choses. Alors, à la question posée dès cette première journée “Le club sportif face au changement, continuité ou mutation ?” je réponds au nom d'une profession : mutation certainement. Mutation technique parce qu'elle est déjà en route, et elle va s'accentuer. Une mutation aussi dans les idées, dans les principes, et peut être d'ailleurs pas toujours à l'avantage du sport, tel que nous le souhaitons, mais il y a un aspect positif et réaliste, que je préfère choisir, à cette évolution.
9Le fait est là. Déjà aujourd'hui, une fédération qui n'est pas capable de communiquer avec les médias condamne pratiquement sa discipline. On constate que plusieurs fédérations ont opéré une certaine évolution. Ce que vous n'auriez jamais entendu il y a dix ou quinze ans, aujourd'hui on parle de "vendre", "vendre" sa discipline, pour traduire la nécessité indiscutablement de communiquer. Demain, si ce n'est pas déjà aujourd'hui, le sport qui ne s'ouvrira pas à la communication, dans sa conception la plus large et la plus diversifiée, sans se contenter uniquement de la publicité et de la propagande, se condamnera à l'anonymat. Communiquer c'est entrer en contact avec ce qui vit et ce qui évolue. Nous sommes devant une certitude puisqu'il s'agit d'une logique des faits que nous vivons et dont nous sommes témoins, c'est vrai que la communication sera un des éléments de survie des clubs du siècle prochain.
10Et ma conclusion sera pratique parce qu'elle est récente, je l'ai sous la main, je l'ai trouvée ici même, à Nîmes, dans le local du SUN. Il s'agit d'une convention passée entre ce club et mes confrères de Radio France Nîmes : une charte de partenariat. C'est la première fois que je vois d'ailleurs un tel document. Et je crois qu'il ouvre des perspectives d'avenir. Et que dit cette charte ? Que Radio France Nîmes s'engage, suivant l'importance de la manifestation — il faut toujours laisser aux journalistes le choix, il va sans dire que notre liberté dans notre profession, est de choisir le sujet, est de choisir nos phrases, c'est de choisir nos mots, c'est nous qui devons juger de l'importance d'une manifestation, donc je comprends qu'on s'engage suivant l'importance d’une manifestation — à diffuser quatre messages par jour portant sur sa participation à la manifestation, recevoir en direct, lors d'une émission, un invité présentant la manifestation, consacrer la séquence info loisirs à la manifestation, enregistrer un reportage. En contrepartie, le partenaire s'engage bien sûr à donner des informations c'est-à-dire à alimenter le media en infos.
11Je crois que c'est la perspective d'avenir. On est loin de la querelle mettant en avant des dirigeants qui servent le sport et des journalistes qui s'en servent ! On est loin de tout cela, on est dans le même bateau et, je le répète depuis des années, je le répète tellement que nous avons créé, avec l'INSEP, il y a une dizaine d'années une nouvelle filière de formation qui s'appelle sportcom, filière INSEP et filière Ecole de Journalisme qui forme avec le même enseignement, avec la même matière, des gens qui sont destinés à la communication dans les fédérations et dans les clubs comme le futur journaliste sportif.
12Je crois que c'est cela l'avenir, et je continue à penser qu'il faudra que des conventions existent de plus en plus entre clubs et médias. Il est révolu le temps où le responsable de communication d'un club était en général le dirigeant qui savait le mieux partager le whisky et le pastis avec les journalistes, ce qui conduisait au partage de confidences, ce qui inévitablement débouchait sur des conflits. Pendant mon activité de Président de l'USJSF, j'ai eu à régler des différends surgis à la suite de ces confidences partagées verres à la main. Tout cela est fini, c'est le passé. Nous avons pris un autre chemin. Nous faisons confiance à la formation des uns et des autres et je suis content de voir que cinq jeunes inscrits cette année entendent se former à la communication. Je crois que là vous avez ouvert une voie, qu'il faudra prendre en compte à l'avenir dans l'intérêt des clubs et de leurs relations indispensables avec le monde médiatique.
Auteur
Président Honoraire de l’USJSF (Union Syndicale des Journalistes Sportifs de France)
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