Synthèse du thème
p. 163-165
Texte intégral
Jacques Marchand,
Président honoraire de l'Union Syndicale des Journalistes Sportifs de France
1Merci de votre participation. Je vais, pour terminer, non pas tant construire une synthèse que faire ce que nous pratiquons à la fin d'une émission de radio ou de télévision, c'est à dire un rappel des titres et, le cas échéant, un rappel des sous-titres. Quelques idées qui sont passées au cours de la matinée, tout au moins celles que j'ai recueillies et que j'ai notées au passage, vont me fournir les articulations de ce bilan thématique.
2Plusieurs idées : Jean Kouchner nous a démontré qu'il ne suffit pas d'aller vers la nature pour la respecter et la sauvegarder. Il faut d'abord la connaître. Autre problème, autre point fort, le rôle de la médiatisation. Le média grand public privilégie une vision idyllique, cauchemardesque ou héroïque de la nature, et j'ajoute qu'on pourrait dire exactement la même chose pour la mer. Je crois que pour la mer, il y exactement les mêmes dangers. Surtout que les médias, les médias du grand public, ont aussi un peu tendance à donner cette vision idyllique, cauchemardesque ou héroïque. Au fond, ce sont là les trois piliers du journalisme.
3Dénaturation de l'effort aussi par cette médiatisation, dénaturation de l'effort, et même de l'effort solitaire. Et puis une des grandes questions, qui a surgi et qui a provoqué un débat, c'est au fond : "Qu'est ce qui fait marcher les randonneurs ?" Alors pour certains, et pour Jean Kouchner en particulier, la définition qu'il nous a donnée, c'est sans doute une motivation un peu intellectuelle. C'est d'abord l'évasion du quotidien. Je préfère personnellement cette formule, c'est vraiment "l'évasion du quotidien", et la recherche — c'est important parce que c'est vraiment au cœur de notre sujet — la "recherche d'un environnement de qualité".
4Monsieur Dusseau ensuite a insisté, et je crois qu'il a bien fait, sur l'indépendance du cyclotourisme par rapport au pouvoir de l'argent et au pouvoir médiatique. Mais a-t-il dit : "la conséquence", c'est qu'il y a à partir de ce moment-là des contradictions. Comment voulez-vous en effet tourner le dos à l'argent et au pouvoir médiatique, et demander en même temps aux médias de vous faire connaître ? Il est bien évident que si vous voulez renoncer aux médias, si vous voulez rester tranquillement dans votre coin pour ne pas être pollué par l'argent, il vous est difficile en même temps d’avoir les contacts que vous recherchez avec la presse pour vous faire connaître, c'est inévitable. Je crois que cela a été bien dit et "c'est une contraction à gérer", pour reprendre votre expression.
5Notre ami Louis Volle a souligné l'importance de se mettre en valeur par rapport à l'environnement, et c'est lui qui a insisté sur le fait que la montagne est présentée comme un milieu hostile qui, par voie de conséquence, flatte l'ego et le narcissisme de beaucoup de nos contemporains... Il nous a expliqué aussi que le Club Alpin, et je retiens sa définition parce que je crois qu’elle est importante, c'est "une manière de vivre dans laquelle il y a une motivation sportive". Et il nous a dit également, et c'est aussi une belle formule que l'on peut retenir, "la montagne n'est pas un sport, mais un milieu".
6Jean Kouchner est revenu ensuite au cours du débat d'abord sur la contradiction qu'il y a entre la pratique intellectuelle dans un monde sans entraves et la réponse inévitable qu'il faut à un besoin d'évasion de l'homme citadin et, d'autre part, sur la nécessité d'un encadrement, d'une connaissance et même d'un apprentissage de la pratique sportive. Alors là, il y a eu un rebondissement et un autre point fort a été déclenché par notre ami Robert Denel qui, déjà, s'était un petit peu opposé à cette "analyse intellectuelle", cette motivation intellectuelle du pratiquant sportif de nature. Robert Denel a posé un autre problème qui doit être pour nous tous une grave préoccupation : "le club est-il une atteinte à la liberté ?" Je crois que c'est peut-être la phrase la plus grave que j'ai entendu ce matin. Et il a ajouté "l'individualisme n'est pas la liberté". C'est en effet un redoutable problème que nous aurons encore à évoquer.
7Cette motivation intellectuelle, sur laquelle nous sommes revenus à plusieurs reprises, Jean-Paul Schneider a essayé et a réussi à nous dire qu'il y a "motivation intellectuelle, oui et non". Oui quand même parce qu'elle dépend de notre culture. Et, a-t-il dit, si la démarche n'est pas complètement intellectuelle, au moins le départ l'est. Et il a insisté sur le fait que le choix même d'une discipline est déjà une démarche intellectuelle, ou procède tout au moins d'un choix intellectuel.
8Et puis, le dernier point fort, qui a fait l'objet de la dernière partie, c'est que l'image du sport, telle qu'elle s'impose actuellement, risque de devenir anachronique. Et Monsieur Dusseau, par exemple, nous a expliqué les difficultés que rencontraient effectivement les fédérations pour résister à cette pression brutale du mouvement économique. Plusieurs exemples ont été cités, celui du volley-ball ou celui du basket-ball, où d'un seul coup on voit le secteur commercial prendre en main une activité en dehors de la fédération, au-delà de la fédération. Il nous a expliqué aussi les difficultés qu'avaient les fédérations, et la sienne en particulier, avec l'Etat, lorsqu'on a obligé les membres des fédérations à passer de l'état d'adhérents à celui de licenciés. Un évolution qui n'est pas innocente, sans doute. C'est-à-dire que l'Etat oblige les fédérations, pour prétendre à des subventions et pour prétendre appartenir au mouvement sportif, à imposer à leurs membres un statut de sportifs.
9Voilà quelques-unes des idées que j'ai retenues. Si je devais faire personnellement une phrase de conclusion, je dirais qu'il ressort de nos échanges que le sportif sert l'environnement, quand il le respecte, et il le sert d'un point de vue souvent économique, publicitaire, touristique. Il est indiscutable que le sportif peut contribuer à la renommée d'une région. Mais s'il sert l'environnement, beaucoup plus il se sert de l'environnement comme faire-valoir. Plusieurs des intervenants ont insisté sur ce constat et ont utilisé cette formule : "l'environnement : faire-valoir".
10Mais l'idée la plus importante pour moi — et cela reste un point de suspension ou plus exactement un authentique point d'interrogation — est la suivante : "qu'est-ce qui fait marcher les randonneurs ?"
Auteur
Président honoraire de l'Union Syndicale des Journalistes Sportifs de France
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