L’amour de la cité (to philopoli) entre Thucydide et Pollux
p. 21-30
Texte intégral
1Le vocabulaire de l’amour pour la cité (adj. philopolis, philopolitès, également utilisé sous forme substantivée, to philopoli)1 est présent dans la littérature grecque depuis Eschyle et Pindare2.
2Il s’agit d’un vocabulaire rare au ve s. et qui, chose encore plus importante, fait alors l’objet de discussions sur sa définition et ses contenus ; au ive s., il semble au contraire de plus en plus commun et est utilisé pour définir le bon gouvernant et le bon citoyen (souvent associé à des termes tels que chrèstos, agathos).
3Avant de présenter les passages les plus significatifs dans lesquels ce vocabulaire se trouve, il convient de considérer la situation chez Pollux. Le rhéteur, dans son Onomasticon adressé à l’empereur Commode et dont une version abrégée a été conservée, rassemble des séries de synonymes ou de notions appartenant au même champ sémantique, classés par matière3. Je considérerai l’intérêt de Pollux pour la terminologie de l’amour de la patrie en essayant d’identifier les auteurs qui l’ont conduit à établir la sélection qu’il propose.
Le vocabulaire de l’amour de la cité chez Pollux
4Dans le « thesaurus de textes choisis » de Pollux4, philopolitès est absent ; au contraire, philopolis apparaît à cinq occasions et est l’adjectif qui caractérise les personnes (l’orateur, l’homme politique) et leur ethos, en ce qui concerne la relation avec la cité.
5Dans le livre III, dont une bonne partie est consacrée au lexique des relations, privées et politiques, nous trouvons le terme philopolis deux fois, dans le paragraphe 65 : nous sommes ici dans le contexte du vocabulaire de l’amitié et de l’affinité par rapport à la communauté.
(65) Φιλόπολις, φιλόδημος, δημοτικός, πρᾶος, ἐπιεικής, εὔνως ἔχων πρὸς τὴν πόλιν, πρόθυμος περὶ τὴν πόλιν, φιλότιμος, μεγαλογνώμων, δημεραστής, μεγαλοπρεπὴς πρὸς τὸ δημόσιον. Καὶ ἦθος φιλόπολι, φιλόδημον, δημοτικόν, πρᾶον, ἐπιεικές, εὔνουν, πρόθυμον, φιλότιμον, μεγαλοπρεπές. Καὶ δημεραστία, φιλοδημία, πραότης, ἐπιείκεια, εὔνοια, προθυμία, φιλοτιμία, μεγαλοπρέπεια. (66) Καὶ δημοτικῶς, πράως, ἐπιεικῶς, προθύμως, φιλοτίμως, φιλοδήμως, μεγαλοπρεπῶς, εὔνως.
6Philopolis se trouve en première position, suivi de philodèmos, dans la série d’adjectifs se référant à des personnes qui expriment une bonne disposition envers la cité et le dèmos. Philopoli est lui aussi en première position, toujours suivi de philodèmon, parmi les adjectifs qui définissent l’èthos. Viennent ensuite les substantifs et les adverbes.
7Dans le § 66, nous trouvons ensuite une liste d’adjectifs se rapportant à des personnes qui, à partir de misopolis et misodèmos, expriment au contraire des sentiments d’hostilité envers la polis et le dèmos :
τὰ δ’ ἐναντία μισόπολις, μισόδημος, ὑπερόπτης, μεγάλαυχος, ὑπερήφανος, τυραννικός, ὀλιγαρχικός, μικροπρεπής, δύσνους, κακόνους, νεωτεριστής, νεωτέρων ἐπιθυμῶν, ἠλλοτριωμένος πρὸς τὴν πόλιν, οὐ χαίρων τοῖς καθεστηκόσιν, οὐκ ἀγαπῶν τὸ ἴσον, διαπτύων τοὺς πολλούς, καθάρματα καὶ πτωχοὺς ἀποκαλῶν.
8Dans le livre IV, § 34, dans une série de termes qui expriment l’éloge ou le blâme à l’encontre de ceux qui sont impliqués dans la vie politique, comme l’orateur ou le démagogue, philopolis apparaît en deuxième position, précédé d’eunous et suivi de philodèmos, parmi les mots qui servent à louer ce type de personnes :
(34) ἔπαινος δὲ ῥήτορος καὶ δημαγωγοῦ εὔνους, φιλόπολις, φιλόδημος, δημοτικός, νομικός, νόμιμος, δημοκρατικός, πιστός, ἀξιόπιστος, συμφέρων, ὠφέλιμος, χρήσιμος, πόριμος ποριστής, προαγωγὸς τοῦ δήμου, προστάτης τῶν νόμων, φύλαξ τῆς ἐλευθερίας, προαγωνιστὴς τῆς δημοκρατίας, συναγωνιστής, ἄδωρος ἀδωροδόκητος, ἄπρατος, ἀδιάφθορος, συνέχων τὴν πολιτείαν, συνδέων, συμφυλάττων, τηρῶν διατηρῶν, φυλάττων διαφυλάττων. Καὶ τὰ ῥήματα ἀπ’ αὐτῶν.
9Sans figurer en première position, misopolis, là aussi associé à misodèmos, apparaît dans la liste qui suit (§ 35), comprenant des adjectifs et des expressions servant à blâmer :
ψόγος δέ· παράνομος, προδότης, ὀλιγαρχικός [viennent ensuite 33 autres termes ou expressions], μισόπολις, μισόδημος κτλ.
10Dans le livre VI, § 166, philopolis apparaît en deuxième position, après philodèmos, au milieu d’une longue liste de 73 termes dérivant de φιλο- :
(166) ἐκ δὲ τοῦ φιλο τάδε σύνθετα φιλόδημος φιλόπολις κτλ.
11Misopolis apparaît en deuxième position, précédé de misodèmos, dans le § 172, où sont répertoriés les termes dérivés de μισο- :
ἐκ δὲ τοῦ μισο σύνθετα· μισόδημος μισόπολις, μισολόγος, μισοπόνηρος, μίσεργος, μισάνθρωπος μισόθεος, μισογύνης μισότεκνος, μίσιππος, μισόθηρος, μισοφίλιππος μισαλέξανδρος, μισαθήναιος, μισοτύραννος, μισέταιρος μισόξενος, μισοβάρβαρος μισέλλην, μισοπροσήγορος, μισαπόδημος, μισοπέρσης ὡς Ξενοφῶν (Ages. VII, 7).
12Enfin, dans le livre IX, § 26, philopolis figure dans une liste de termes dérivés de polis :
τὰ δ’ ἀπὸ πόλεως ὀνόματα πολίτης, πολιτεία, πολιτευόμενοι πολιτεύεσθαι, πολιτεύειν πολιτοκοπεῖν καὶ πολιτοκοπία ὡς Σαννυρίων Γέλωτι (I p 794. 7 Ko), πολιτικὴ σοφία καὶ πολιτικὸς ἀνήρ καὶ λόγος πολιτικός, καὶ πολιεῖς θεοὶ καὶ πολιοῦχοι, καὶ φιλόπολις τὸ ἦθος παρὰ Θουκυδίδῃ (VI, 92, 3), καὶ πολιτοκοπεῖν παρ’ Ἀντιφῶντι (fg 177 Bl), καὶ πολλὰ τοιαῦτα.
13Philopolis est ici présent comme adjectif faisant référence à une personne en ce qui concerne l’ethos qui la caractérise. En renvoyant à Thucydide, Pollux pense très probablement au célèbre discours d’Alcibiade à Sparte dans lequel ce dernier expose sa conception de l’« amour de la patrie »5. On reviendra sur ce passage dans la seconde partie de l’article.
14Chez Pollux, donc, le terme philopolis occupe toujours une position de premier plan dans l’énumération au sein de laquelle il se trouve, en première ou en deuxième position, et il est mis en rapport étroit avec philodèmos. Il se passe la même chose avec son antonyme, misopolis. Il est intéressant de noter que pour ce dernier terme, attesté douze fois seulement dans la littérature grecque (on trouve aussi une fois misopolitès), Pollux, qui l’utilise à trois reprises, est le principal témoin6.
Le vocabulaire de l’amour de la cité dans l’ensemble de la tradition
15Dans l’ensemble de la littérature grecque, philopolis compte 254 occurrences, auxquelles viennent s’ajouter 11 mentions pour philopolitès. Seules 23 d’entre elles datent de l’époque classique : pour des raisons d’espace, c’est ce petit corpus que je prendrai en considération afin de mieux comprendre la sélection faite par Pollux à propos de la terminologie de l’amour de la patrie.
16La plus ancienne occurrence se trouve chez Eschyle, Les Sept contre Thèbes (qui remonte à 467 av. J.‑C.), v. 176, dans le contexte d’une invocation aux dieux afin qu’ils se montrent philopoleis et qu’ils délivrent la cité de ses maux :
Ἰὼ φίλοι δαίμονες,
λυτήριοί τ᾿ ἀμφιβάντες πόλιν
δείξαθ᾿ ὡς φιλοπόλεις
Ah ! Divinités amies, enveloppez cette ville de votre secours libérateur : montrez que vous aimez vos cités7 !
17Ici, l’adjectif philopolis est un attribut de la divinité et entend exprimer une relation privilégiée entre les dieux, auxquels le chœur s’adresse, et la ville de Thèbes.
18L’occurrence suivante se trouve chez Pindare, Olympiques 4, 16, écrite en 452 av. J.‑C. pour Psaumis de Camarine. Le dédicataire est loué pour ses gestes et ses vertus typiquement aristocratiques : il excelle dans l’élevage des chevaux, il pratique l’hospitalité et « en la pureté de son cœur, il rêve de la Paix, amie des cités » (πρὸς Ἡσυχίαν φιλόπολιν καθαρᾷ γνώμᾳ τετραμμένον).
19L’expression hesychia philopolis (il convient de noter que l’adjectif est utilisé pour un sujet abstrait et non pour une personne) identifie la volonté de ne pas créer de dissensions dans la ville et exprime par conséquent l’intérêt pour le bien de la communauté qui doit caractériser le bon citoyen.
20En termes chronologiques, le témoin suivant est Thucydide. Philopolis apparaît dans le livre II, 60, 5, à propos de la figure de l’homme politique idéal que l’historien fait émerger à travers l’autoreprésentation de Périclès :
Καίτοι ἐμοὶ τοιούτῳ ἀνδρὶ ὀργίζεσθε ὃς οὐδενὸς ἥσσων οἴομαι εἶναι γνῶναί τε τὰ δέοντα καὶ ἑρμηνεῦσαι ταῦτα, φιλόπολίς τε καὶ χρημάτων κρείσσων.
En ma personne, pourtant, votre colère vise un homme qui, je crois, n’est inférieur à personne pour juger ce qu’il faut et le faire comprendre, qui de plus aime sa patrie, et ne cède pas à l’argent8.
21Le dirigeant idéal tel que le définit ici Périclès lui-même correspond parfaitement à celui esquissé par Thucydide en II, 65, dans le jugement qu’il a formulé sur l’Alcméonide : celui-ci est doué de qualités intellectuelles (la capacité de γνῶναι τὰ δέοντα), il est insensible à l’argent et donc incorruptible (χρημάτων κρείσσων) et surtout il est philopolis, intéressé au bien commun. Chez Thucydide donc, philopolis est un adjectif qui sert à caractériser de manière positive l’homme politique, comme c’est aussi le cas au ive s. On peut souligner que le mot philopolis est employé ici, pour la première fois, pour le citoyen (plutôt que pour les daimones ou la Paix).
22Mais la définition de to philopoli, l’amour de la patrie, n’est plus aussi univoque : c’est ce qui ressort du discours qu’Alcibiade, exilé volontaire à la suite des événements bien connus de 415 suivis de sa condamnation à mort par contumace, a tenu devant les Spartiates au cours de l’hiver 415‑414 (Thc. VI, 89‑92)9 :
Et je demande que personne d’entre vous ne me juge défavorablement (χείρων οὐδενὶ ἀξιῶ δοκεῖν ὑμῶν εἶναι) si, moi qui passais naguère pour avoir l’amour du pays (φιλόπολίς ποτε δοκῶν εἶναι), je marche aujourd’hui à toute force contre ma patrie avec ses plus grands ennemis ; que non plus l’ardeur de l’exilé ne crée pas de préventions contre mes paroles. Exilé, je le suis ; mais je me dérobe ainsi à la méchanceté de qui m’a chassé, non à la possibilité, si vous m’écoutez, de vous être utile. Et les plus grands ennemis d’Athènes, d’autre part, ne sont pas ceux qui, comme vous, visaient en elle l’ennemie, mais ceux qui ont contraint (ἀναγκάσαντες) ses amis à lui devenir ennemis. Quant à l’amour du pays, je ne l’éprouve point là où l’on me fait tort, mais là où en sécurité j’exerçais mes droits politiques (τό τε φιλόπολι οὐκ ἐν ᾧ ἀδικοῦμαι ἔχω, ἀλλ’ ἐν ᾧ ἀσφαλῶς ἐπολιτεύθην) ; à mon sens, il n’est pas vrai que j’aie une patrie et qu’aujourd’hui je marche contre elle : bien plutôt elle a cessé d’être, et je veux la reconquérir. Et l’on a vraiment l’amour du pays, non pas quand, après l’avoir injustement perdu, on se refuse à marcher contre lui, mais quand par tous les moyens, dans l’ardeur de son désir, on s’efforce à le recouvrer (καὶ φιλόπολις οὗτος ὀρθῶς, οὐχ ὃς ἂν τὴν ἑαυτοῦ ἀδίκως ἀπολέσας μὴ ἐπίῃ, ἀλλ’ ὃς ἂν ἐκ παντὸς τρόπου διὰ τὸ ἐπιθυμεῖν πειραθῇ αὐτὴν ἀναλαβεῖν)10.
23Alcibiade, craignant d’être jugé défavorablement par ses interlocuteurs lacédémoniens, proclame ouvertement la légitimité pour l’exilé de recourir, en cas de bannissement injuste, à n’importe quel moyen pour retourner dans sa patrie, y compris l’attaque armée contre la patrie elle-même ; il va même jusqu’à rejeter la responsabilité de son action traîtresse sur les Athéniens11, qui se sont montrés injustes à son égard, ont fait de lui un ennemi, de l’ami qu’il était, et l’ont rendu étranger à sa patrie, en le contraignant à se comporter de manière inacceptable pour la morale commune, mais tout à fait justifiée dans cette situation extrême12.
24La perspective envisagée par Alcibiade est totalement individualiste, étant donné qu’elle met au centre de tout l’individu et non la communauté, l’idion et non le koinon, et que, comme nous l’avons déjà souligné, elle devait paraître plutôt douteuse sur le plan moral aux yeux de l’opinion publique grecque13. Mais cette « morale personnelle »14 n’était pas rare à l’époque post-péricléenne, et selon Thucydide, elle était caractérisée par une volonté de s’affirmer de la part d’hommes politiques indifférents au bien commun et guidés par l’ambition de se distinguer, comme par une soif de profit15.
25Que le problème soulevé par l’attitude d’Alcibiade fût justement celui de la relation entre citoyen et communauté, entre affirmation personnelle et service rendu à la chose publique, cela est démontré par un renversement de perspective que l’on trouve chez Xénophon (Hell. I, 4, 13‑16), qui rapporte les arguments avancés par les partisans de l’Alcméonide, favorables à son retour : celui-ci, affirmaient-ils, était le meilleur de tous les citoyens, le seul à avoir été injustement banni (οὐ δικαίως) à cause des pièges que lui avaient tendus ceux qui n’étaient pas aussi puissants que lui et qui s’occupaient de politique pour leur profit personnel (καὶ πρὸς τὸ αὑτῶν ἴδιον κέρδος πολιτευόντων), alors qu’il avait, lui, toujours œuvré pour le bien commun (ἐκείνου ἀεὶ τὸ κοινὸν αὔξοντος). L’individualisme d’Alcibiade, dans les discours de ses partisans, est par conséquent nié et rejeté sur ses adversaires, avec inversion des pôles de la dialectique idion/koinon. En outre, le choix de s’adresser aux Lacédémoniens est présenté, dans le même contexte, comme un acte de légitime défense. Alcibiade, privé de sa patrie par ses ennemis (οἱ ἐχθροὶ […] αὐτὸν ἐστέρησαν τῆς πατρίδος), avait été contraint de servir l’ennemi (ἠναγκάσθη μὲν θεραπεύειν τοὺς ἐχθίστους), car sa vie était chaque jour en danger (κινδυνεύων ἀεὶ παρ’ ἑκάστην ἡμέραν ἀπολέσθαι) : voilà un argument qu’Alcibiade n’utilise pas à Sparte (ou plutôt qu’il ne développe pas, se contentant d’une rapide allusion à la « constriction »), parce que le fait de se présenter comme prêt à servir l’ennemi par nécessité, donc comme vil et infidèle, ne l’aurait certainement pas montré sous un jour favorable, mais il s’agit là d’un argument qui pouvait lui être fort utile à Athènes16, puisque la légitime défense représentait une justification largement reconnue.
26À Sparte, il était certainement plus opportun pour Alcibiade de tenter de redéfinir l’amour de la patrie (τὸ φιλόπολι) selon des schémas totalement nouveaux par rapport à l’éthique traditionnelle, en soulignant comme une valeur non pas tant le respect rigoureux de la neutralité17 que le désir ardent de reconquérir à tout prix la place perdue dans la vie de la polis18. Paradoxalement, Alcibiade invoque l’amour de la patrie comme justification de ce qui apparaît aux yeux de tous, et des Lacédémoniens en premier lieu, comme une trahison de cette même patrie : cette argumentation résulte d’un regard « sophistique » et d’un renversement paradoxal de la perspective éthique traditionnelle, outre qu’elle marque une distance par rapport à la vision du citoyen patriote que Thucydide attribue à Périclès (II, 60)19.
27Quoique sans scrupule, Alcibiade révèle par sa réflexion les bouleversements qu’a connus la notion de to philopoli, l’amour de la patrie, comme tant d’autres, au cours de la deuxième moitié du ve s., sous l’influence des sophistes. Pollux semble avoir été très sensible, à la fois à la place essentielle que tient l’amour de la cité dans la définition du bon dirigeant, à commencer par le Périclès de Thucydide20 et aux discussions sur cette valeur, ce qui le conduit à renvoyer explicitement à Thc. VI, 92, 3.
28L’œuvre d’Aristophane contient trois attestations du terme. La première, en 405 av. J.‑C., dans Lysistrata, v. 546, rappelle une des qualités des femmes athéniennes, « un esprit plein de bon sens et d’amour de la cité » (φιλόπολις ἀρετὴ φρόνιμος). Comme chez Pindare, l’adjectif est accolé à un sujet abstrait et non à une personne. Les deux autres attestations proviennent du Ploutos (388 av. J.‑C.) et font référence dans le premier cas (v. 726) au dieu Ploutos, « vraiment ami de la cité […] et plein de sagesse » (ὡς φιλόπολίς τίς ἐσθ’ ὁ δαίμων καὶ σοφός), et dans le deuxième (v. 900‑901) au bon citoyen, défini par les adjectifs χρηστὸς et φιλόπολις (« homme de bien et patriote »). Comme on l’avait déjà vu dans les sources les plus anciennes, philopolis peut caractériser l’attitude bienveillante de la divinité envers la cité (Eschyle) tout comme l’attention du bon citoyen au bien de la communauté (Pindare).
29Chez Isocrate, la seule occurrence (À Nicoclès 15) concerne les vertus du bon gouverneur, qui doit « aimer ses semblables et aimer sa patrie » (φιλάνθρωπον εἶναι δεῖ καὶ φιλόπολιν), c’est-à-dire montrer de l’intérêt tant pour le bien de ses citoyens pris individuellement que pour celui de la communauté dans son ensemble.
30Xénophon consacre l’intégralité du chapitre 7 de son Agésilas à l’amour de la patrie du protagoniste, qui fut philopolis en toute chose, agissant en serviteur des lois, sans pour autant oublier le bien commun de la Grèce. Dans Hiéron 5, 3, il souligne la nécessité pour le tyran d’être philopolis (ἔτι δὲ φιλόπολιν μὲν ἀνάγκη καὶ τὸν τύραννον εἶναι), s’il veut maintenir la sécurité et le bonheur, sans oublier la difficulté de rendre compatibles l’amour de la patrie et la tyrannie.
31Chez Platon, nous ne trouvons que quatre occurrences. Dans l’Apologie (24b), un des accusateurs de Socrate, Mélétos, est appelé avec ironie « cet honnête homme, cet ami dévoué de la cité » (ἀγαθὸν καὶ φιλόπολιν). Dans la République, le terme philopolis revient à deux reprises : en 470d, où le qualificatif de philopolis est refusé aux responsables d’une stasis au cours de laquelle on observe des comportements violents, et en 503a, à propos des vertus exigées des archontes, qui doivent se montrer philopolides. Dans les Lois (694c), enfin, Cyrus le Grand est présenté comme un « excellent général […] et dévoué à son pays » (στρατηγόν τε ἀγαθὸν […] καὶ φιλόπολιν). Dans tous les cas, philopolis, seul ou associé à agathos, est un terme caractéristique du bon citoyen et du bon gouverneur.
32Enfin, on trouve un certain nombre d’occurrences chez les orateurs. Trois dans l’œuvre de Démosthène : la première (Lept. 82) présente Cabrias comme « un inébranlable patriote » (ὡς ἀληθῶς ἔμοιγε φαίνεται βεβαίως πως ἐκεῖνος φιλόπολις) ; la seconde (Arist. 190) affirme que le fait de s’opposer à un projet qui nuit à la communauté est le devoir « d’un homme dévoué et patriote » (χρηστοῦ καὶ φιλοπόλιδος ἀνδρὸς) ; la troisième (Timocr. 127) refuse que Lachès, père de Mélanopos, puisse être considéré comme un « homme dévoué […] et patriote » (χρηστὸς […] καὶ φιλόπολις).
33Lycurgue (Leocr. 3) déplore le fait qu’un citoyen qui défie l’impopularité pour le bien commun soit considéré comme « inspiré non par le patriotisme, mais par un esprit de chicane » (οὐ φιλόπολιν, ἀλλὰ φιλοπράγμονα). Dans le même discours (§ 43), il affirme qu’aucun juge « fidèle à son pays et à sa piété » n’accorderait un vote d’absolution à un déserteur, fuyard et traître à la cité (τίς ἂν ἢ δικαστὴς φιλόπολις καὶ εὐσεβεῖν βουλόμενος ψήφῳ ἀπολύσειεν κτλ.).
34Dinarque (Dem. 31) oppose à l’apathie de Démosthène le comportement qu’aurait suivi, dans des occasions difficiles, « un patriote, soucieux des intérêts de la cité » (καὶ ἐν οἷς τις ἂν φιλόπολις ἀνὴρ καὶ κηδεμὼν τῆς πόλεως προείλετό τι πρᾶξαι κτλ.).
35Enfin, dans la Rhétorique à Alexandre attribuée à Anaximène, on rappelle certains termes utiles pour les louanges (ἐπαινεῖν) comme pour les blâmes (κακολογεῖν), parmi lesquels on retrouve philopolis et misopolis. Il est intéressant de noter qu’en réalité le terme misopolis, avant Anaximène, n’est attesté qu’une seule fois, dans les Guêpes d’Aristophane (v. 411), qui en est probablement le créateur : le chœur demande l’intervention de Cléon contre un homme « ennemi de la cité et qui périra », qui veut suspendre l’activité des tribunaux (ὡς ἐπ’ ἄνδρα μισόπολιν ὄντα κἀπολούμενον).
36Dans les témoignages du ive s., et notamment chez les orateurs, philopolis, souvent associé à des termes comme agathos et chrestos, sert par conséquent à caractériser le bon citoyen et le bon gouverneur ; il s’agit en substance d’un des termes qui servent à construire un éloge sur des thèmes en mesure de toucher la sensibilité de l’auditoire et, en général, du public auquel l’on s’adresse.
37Les attestations qui nous sont parvenues ne sont pas nécessairement ni seulement celles auxquelles a songé Pollux. Elles permettent néanmoins de mieux saisir la tradition dans laquelle le lexicographe inscrit son travail. Philopolis et son opposé misopolis sont des termes qu’il semble considérer comme importants dans le vocabulaire qui s’applique au rapport avec la communauté. On les trouve en effet en première ou en deuxième position sur les listes de mots proposées par Pollux, souvent accolés à philodèmos/misodèmos. En outre, le fait que Pollux rappelle ce vocabulaire aussi bien lorsqu’il s’agit de mots composés avec φιλο- et μισο- que lorsqu’il s’agit de mots composés avec -πολις ne semble pas être le fruit du hasard. Philopolis/misopolis trouvent une application, selon Pollux, lorsque l’on doit exprimer des louanges ou un blâme à l’encontre de personnages politiques, comme le rhètor ou le dèmagogos : cela correspond, surtout pour philopolis, à l’usage que l’on retrouve dans les sources, qui recourent à ce vocabulaire pour une définition du bon citoyen et du bon gouverneur. Et cela malgré le fait que Pollux, lorsqu’il fait référence aux rhètores et aux dèmagogoi, semble penser surtout au contexte de la démocratie athénienne (celui auquel les termes de philodèmos/misodèmos s’appliquent le mieux), tandis que la tradition générale considère aussi bien la discussion sur le bon gouverneur (y compris les souverains et les tyrans) que celle sur les vertus du bon citoyen.
38Dans l’histoire de l’usage de ces mots, Pollux semble avoir été très influencé par deux auteurs. Qu’il puise à l’œuvre de Thucydide est une certitude. Il donne de l’importance à l’utilisation de philopolis à propos du bon dirigeant (à partir de l’autoreprésentation de Périclès) et il renvoie très probablement à Thc., VI, 93, 2, révélant un intérêt pour la redéfinition du terme et de sa valeur de la part d’Alcibiade.
39On peut aussi faire l’hypothèse d’une réminiscence d’une éventuelle lecture d’Anaximène. La tendance à mettre sur le même plan philopolis et misopolis, dont l’emploi dans les sources est quantitativement fort différent (comme nous l’avons dit, misopolis ne compte que deux attestations pour l’époque classique), fait en effet penser à un rapport étroit avec la Rhétorique à Alexandre (36, 5). Dans le chapitre consacré aux méthodes pour susciter une réaction de sympathie ou d’irritation chez l’auditoire, au moyen de l’éloge et du blâme21, Anaximène met les deux termes sur le même plan, quoique, avant lui, misopolis n’apparaisse que dans un passage d’Aristophane :
δεῖ δὲ αὑτοὺς ἐκ τούτων ἐπαινεῖν, ὧν μάλιστα μέτεστι τοῖς ἀκούουσι, λέγω δὲ φιλόπολιν φιλέταιρον <εὐχάριστον> ἐλεήμονα τὰ τοιαῦτα, τὸν δ’ ἐναντίον κακολογεῖν ἐκ τούτων, ἐφ’ οἷς οἱ ἀκούοντες ὀργιοῦνται, ταῦτα δέ ἐστι μισόπολιν μισόφιλον ἀχάριστον ἀνελεήμονα τὰ τοιαῦτα.
Ils doivent [sc. ceux envers qui le public n’est ni bien ni mal disposé] faire leur propre éloge à partir des qualités qui touchent le plus les auditeurs, je veux parler de l’amour de la cité, l’esprit de camaraderie, la gratitude, la compassion etc., et dénigrer leur adversaire en invoquant les défauts qui irriteront les auditeurs : haine de la cité, haine des amis, ingratitude, insensibilité au malheur d’autrui, etc.22.
40Ainsi, la faible présence du terme misopolis dans la tradition autorise à avancer l’hypothèse selon laquelle la mise en valeur de ce terme dérive chez Pollux de la lecture de la Rhétorique à Alexandre. Bien que le lexicographe ne cite jamais expressément cet ouvrage, nous pourrions nous trouver devant une référence implicite (« citazione occulta »), du type de celles que souligne Renzo Tosi dans ses Studi sulla tradizione indiretta dei classici greci23. Mais il est tout aussi vrai que bien des textes se sont perdus : d’autres traités de rhétorique ont pu attirer l’attention sur un terme comme misopolis, et celui-ci a pu trouver une application plus vaste que ce qui ressort des sources parvenues jusqu’à nous.
Bibliographie
Sources antiques
Aristophane, Comédies, tome II, Les Guêpes - La Paix, texte établi par V. Coulon, traduit par H. Van Daele, CUF, série grecque 28, Paris, 2013 (1er tirage, 1925).
Aristophane, Comédies, tome III, Les Oiseaux - Lysistrata, texte établi par V. Coulon et J. Irigoin, traduit par H. Van Daele, CUF, série grecque 49, Paris, 2009 (1er tirage, 1928).
Aristophane, Comédies, tome V, L’Assemblée des Femmes - Ploutos, texte établi par V. Coulon et J. Irigoin, traduit par H. Van Daele, CUF, série grecque 55, Paris, 2002 (1er tirage, 1930).
Démosthène, Plaidoyers politiques, tome I, Contre Androtion - Contre la loi de Leptine - Contre Timocrate, texte établi et traduit par O. Navarre et P. Orsini, CUF, série grecque 130, Paris, 2002 (1er tirage, 1957).
Démosthène, Plaidoyers politiques, tome II, Contre Midias - Contre Aristocrate, texte établi et traduit par L. Gernet, J. Humbert, CUF, série grecque 140, Paris, 2002 (1er tirage, 1959).
Dinarque, Discours, texte établi et traduit par M. Nouhaud, L. Dors-Méary, CUF, série grecque 334, Paris, 1990.
Eschyle, Tragédies, tome I, Les suppliantes - Les Perses - Les Sept contre Thèbes - Prométhée enchaîné, texte établi et traduit par P. Mazon, CUF, série grecque 2, Paris, 2010 (1er tirage, 1920).
Euripide, Tragédies, tome V, Hélène - Les Phéniciennes, texte établi et traduit par H. Grégoire et L. Méridier avec la collaboration de F. Chapoutier, CUF, série grecque 112, Paris, 2002 (1er tirage, 1950).
Isocrate, Discours, tome II, Panégyrique - Plataïque - À Nicoclès - Nicoclès - Evagoras - Archidamos, texte établi et traduit par E. Brémon, G. Mathieu, CUF, série grecque 87, Paris, 2003 (1er tirage, 1938).
Lycurgue, Contre Léocrate. Fragments, texte établi et traduit par F. Dürrbach, CUF, série grecque 70, Paris, 2003 (1er tirage, 1932).
Pindare, tome I, Olympiques, texte établi et traduit par A. Puech, CUF, série grecque 5, Paris, 2014 (1er tirage, 1922).
Platon, Œuvres complètes, tome I, Introduction, Hippias mineur - Alcibiade - Apologie de Socrate - Euthyphron - Criton, texte établi et traduit par M. Croiset, CUF, série grecque 1, Paris, 1996 (1er tirage, 1920).
Platon, Œuvres complètes, tome XI, 2e partie, Les Lois, livres III‑VI, texte établi et traduit par Ed. des Places, CUF, série grecque 115, Paris, 2003 (1er tirage, 1951).
Pollux, Onomasticon, éd. E. Bethe, Leipzig, 1900‑1937 (= Stuttgart, 1967).
Pseudo-Aristote, Rhétorique à Alexandre, texte établi et traduit par P. Chiron, CUF, série grecque 416, Paris, 2002.
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Notes de bas de page
1 Pour les citations d’une certaine ampleur, je reprends les traductions parues dans la Collection des Universités de France, parfois légèrement modifiées. En revanche, il ne me paraît pas nécessaire de traduire systématiquement les mots isolés (tels que philopolis, philopolitès, etc.) ou les listes des mots de Pollux.
2 Chantraine 1999, p. 1205 : il s’agit d’un composé originellement possessif (philopolis < philos), ensuite senti comme composé de dépendance à premier terme verbal (cf. misopolis < misein).
3 À propos de Pollux, cf. Bearzot, Landucci et Zecchini 2007 (cf. en particulier Tosi 2007 ; Zecchini 2007) ; Mauduit (éd.) 2013 (cf. en particulier, Tosi 2013 ; Zecchini 2013).
4 Desbordes 1996, p. 268.
5 Bearzot 2012, p. 161‑164.
6 Arist., Vesp. 411 ; Anax., Rhet. 36, 5 ; Philo., Leg. 108 ; Ptol., Tetr. III, 14 ; Lib., Decl. 25, 2 ; Théodoret, Epist. 34, 1 ; Georg. Choerob., Peri posot. 290, 22. Sur les critères de choix des mots employé par Pollux, cf. le commentaire de P. Chiron dans son édition du Pseudo-Aristote, Rhétorique à Alexandre, p. 52‑55.
7 Trad. P. Mazon, légèrement modifiée.
8 Trad. J. de Romilly, légèrement modifiée.
9 C’est très certainement avant tout à ce passage que se réfère Pollux en IX, 26. Il est possible qu’il pense aussi au passage précédent (Thc. II, 60, 5).
10 Trad. J. de Romilly.
11 Un écho de ces argumentations se trouve chez Isocr., XVI, 14‑21 ; [Lys.] Alc. 29‑39 ; cf. Queyrel 2010, p. 140‑144. Pour le débat sur Alcibiade au début du ive s., centré sur la question de la trahison, cf. Bianco 1992‑1993.
12 Il existe une remarquable affinité entre l’Alcibiade de Thucydide et le Polynice des Phéniciennes d’Euripide, qui revendique à son tour le droit de recourir à n’importe quel moyen (y compris l’attaque à main armée à la tête d’une armée ennemie) pour rentrer en possession de la patrie dont il a été injustement privé : « Je prends les dieux à témoins du fait que, quoiqu’ayant toujours agi selon la justice, c’est au mépris de la justice que je suis privé de ma patrie par l’acte le plus impie » (v. 491‑493) ; « Je jure sur les dieux que c’est contre ma volonté, et parce que ce sont eux à l’avoir voulu, que j’ai pris les armes contre ceux qui me sont les plus chers » (v. 433‑434). Cf. Bearzot 1997 ; Bearzot 1999 ; Queyrel 2010, p. 120‑121.
13 Cf. Hornblower 2008, p. 516, avec renvoi à Whitlock Blundell 1989, p. 38. Queyrel 2010, p. 41, souligne le fait qu’Alcibiade considère la ville « comme un bien personnel ».
14 Queyrel 2010, p. 135.
15 Thc., II, 65, 7 ; 65, 11‑12 ; VIII, 89, 3.
16 Queyrel 2010, p. 141.
17 Que la morale commune exigeait des exilés, indépendamment du bien-fondé et de la légitimité de la mesure d’exil qui les avait frappés : cf. Seibert 1979, p. 385‑390.
18 Sur la reformulation thucydidienne du concept d’amour de la patrie, cf. les termes du débat in Bearzot 1997, p. 31, n. 7 ; pour les problèmes liés plus généralement au discours de Sparte cf. Bearzot 1997, p. 30, n. 5. Pour l’absence de préjugés dont fait preuve Alcibiade à l’égard de la morale commune cf. le commentaire de L. Prandi dans son édition de Plutarque, Alcibiade, p. 303‑314.
19 Gomme, Andrewes et Dover 1970, p. 366 ; Queyrel 2010, p. 138‑139. Une perspective différente in Pusey 1940, qui nie l’existence du patriotisme dans la Grèce classique.
20 Chez Plut., Per. 18, 3 on retrouve la définition de Périclès comme philopolitès (ὡς ἀνδρὶ φρονίμῳ καὶ φιλοπολίτῃ).
21 Voir l’introduction de P. Chiron dans le volume de la CUF, p. XXXIV-XXXV ; cf. p. XL‑CVII pour la datation et la paternité.
22 Trad. P. Chiron.
23 Tosi 1988, p. 91‑93 ; cf. Tosi 2007, p. 10.

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