Introduction
p. 24-27
Texte intégral

Georges Cuvier
Portrait peint à l’encre de seiche sur vélin par Antoine Chazal (1793-1854), pour l’illustration du Dictionnaire des sciences naturelles... (1816-1830).
Cliché Bibliothèque centrale, MNHN
1L’histoire naturelle est une science de faits, et le nombre des faits qu’elle embrasse est tellement considérable, qu’aucun homme ne pourrait recueillir ni constater par lui-même la totalité de ceux qui forment une seule de ses branches: elle ne peut donc être étudiée avec fruit qu’en consultant tous les auteurs qui s’en sont occupés, et en comparant leurs témoignages entre eux et avec la nature; mais pour consulter des écrivains avec fruit, pour pouvoir apprécier le degré de confiance dû à chacun d’eux, pour distinguer même ce qu’ils rapportent d’après leurs propres observations, de ce qu’ils ont puisé dans les écrits de leurs prédécesseurs, il est nécessaire de connaître les circonstances sous l’empire desquelles ils ont travaillé, l’époque où ils ont vécu, l’état où ils ont trouvé la science, les facilités que leur procuraient soit leur position personnelle, soit les secours de leurs amis et de leurs protecteurs, ou la coopération de leurs élèves. Ces détails, disposés dans l’ordre des temps et dans l’enchaînement selon lequel ils se lient, constituent l’histoire de la science, base nécessaire de tout ouvrage dans lequel on voudra en présenter l’ensemble; base sans laquelle il serait surtout impossible de faire comprendre les discussions sur ce que l’on nomme la synonymie, ou la concordance des noms des espèces, qui elle-même est indispensable pour recueillir sans confusion et sans erreurs ce que l’on sait de leurs propriétés. C’est ce qui nous a déterminé à commencer cet ouvrage par une histoire de l’ichtyologie.
2Nous essayerons d’y suivre les connaissances que les hommes ont eues dans les différens âges sur les poissons; d’y faire connaître les auteurs qui ont traité de cette partie de l’histoire naturelle; les moyens dont ils ont disposé pour s’en instruire; les progrès que chacun d’eux lui a fait faire; l’influence mutuelle de leurs travaux, et l’utilité que leurs ouvrages conservent encore.

Incipit
Livre premier de l’Histoire naturelle des poissons de Cuvier & Valenciennes (1828).
Cliché Bibliothèque centrale, MNHN
3Nous reconnaissons dans les progrès de l’ichtyologie trois époques principales. Elle ne se compose d’abord, pendant bien des siècles, comme toutes les branches de l’histoire de la nature, que d’observations partielles. Aristote, trois cent cinquante ans avant notre ère, commence à en faire un corps de doctrine, mais faible encore, et ne reposant que sur des aperçus et des règles à peine vérifiées, destitué surtout de moyens sûrs de faire distinguer les espèces. Pendant plus de dix-huit cents ans ceux qui écrivent sur l’histoire naturelle se bornent presque à copier Aristote, ou à le commenter: mais, au milieu du seizième siècle, Rondelet, Belon et Salviani, reviennent à la véritable observation; et, en rectifiant et étendant ce qu’Aristote avait dit, ils donnent à l’ichtyologie une base positive par des descriptions et des figures d’un certain nombre d’espèces bien déterminées; à la fin du dix-septième, Willughby et son ami Jean Ray essaient les premiers de distribuer ces espèces d’après une méthode fondée sur des caractères distinctifs tirés de leur organisation; enfin, au milieu du dix-huitième, Artedi et Linné complètent cette entreprise, en établissant des genres bien définis, en y plaçant des espèces certaines et caractérisées avec netteté. Depuis lors l’ichtyologie marche sans obstacle vers la perfection, et s’en approche d’autant plus rapidement, que chacun des naturalistes qui s’en occupent y met plus d’ardeur et plus de cette sagacité qui sait distinguer le vrai et le présenter d’une manière sensible pour les bons esprits.
4C’est de ces progrès que nous allons exposer l’histoire, autant que les monuments qui subsistent nous en laisseront découvrir les traces.
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