Les Écoles centrales
Les professeurs d’histoire naturelle
p. 422-445
Texte intégral
1Les réponses des professeurs centraliens à l’enquête ministérielle commandée par François de Neufchâteau en floréal an VII et le milieu des professeurs d’histoire naturelle des départements ont fait l’objet de plusieurs recherches attachées essentiellement aux transformations du corps professoral sous la Révolution et à l’histoire naturelle comme matière scolaire121. Il s’agit plutôt ici de dresser le portrait-robot de ces enseignants qui sont également chargés de la conservation des collections naturalistes dans les départements. Entre 1795 et 1802, 124 professeurs ont enseigné dans un peu moins d’une centaine d’Écoles centrales de la province révolutionnaire122. Pris ensemble, ils représentent plus de la moitié des naturalistes provinciaux et, sans doute, la quasi-totalité de ceux qui en font profession123. Cette population se définit par une position institutionnelle dans les établissements scolaires du niveau secondaire, position à laquelle s’attache un titre — celui de professeur —, une fonction — celle d’enseignant — et un traitement — identique pour tous. Ce petit milieu pourrait alors sembler relativement homogène. Pourtant, de grandes différences d’âge, de parcours comme de réputation apparaissent immédiatement et l’hétérogénéité du groupe est d’autant plus forte que la plupart de ces professeurs n’ont pas reçu de formation spécifique en histoire naturelle. Pour saisir cette diversité, l’enquête prosopographique se décompose en trois temps avec, d’abord, une analyse statistique du parcours des professeurs avant leur nomination, puis une étude de leurs positions relatives dans le milieu des notables provinciaux et dans l’Europe naturaliste et, enfin, une analyse bibliométrique de leur production imprimée.
LA DIVERSITÉ DES PARCOURS
2À partir des informations biographiques collectées dans les réponses à l’enquête ministérielle de floréal an VII, dans les monographies sur les Écoles centrales et dans la France littéraire de Quérard, on propose une analyse statistique du milieu des professeurs d’histoire naturelle de province124. D’après les calculs de Pascal Duris portant sur l’ensemble de ces professeurs, y compris parisiens, la moyenne d’âge en 1795 est de 40 ans et demi125. Après quelques rares corrections et pour les seuls professeurs de province, le résultat obtenu est identique. La ventilation par classe d’âge permet d’entrer davantage dans le détail en suivant le modèle de répartition proposé par Marie-Madeleine Compère avec 1791 comme année de référence.
Âge des professeurs d’histoire naturelle des Écoles centrales. Répartition des âges en 1791. 71 dates sont certaines et 19 approchées.
3Entre la pesée de Marie-Madeleine Compère portant sur un échantillon de 32 individus dans les frontières de 1790, et celle-ci portant sur 89 professeurs, les résultats sont similaires. La répartition de la population par tranches d’âge est assez équilibrée : 19 % ont moins de 21 ans en 1791, 20 % ont entre 21 et 30 ans, 42 % entre 31 et 50 ans, 19 % plus de 50 ans. Comparée aux autres disciplines, l’histoire naturelle se distingue surtout par un fort contingent de très jeunes professeurs et un autre, équivalent, de vieillards. Les plus âgés sont souvent devenus professeurs des Écoles centrales après avoir perdu leur position institutionnelle dans les cadres administratifs ou universitaires de l’Ancien Régime et des premières années de la Révolution. Surtout, on discerne « un rapport entre la jeunesse des disciplines : physique, histoire naturelle […] et celle de ceux qui la professent »126. En histoire naturelle, de très jeunes gens ont été nommés à des places de professeurs d’autant plus facilement qu’à l’inverse d’autres disciplines et notamment des humanités, il n’y avait pas de positions équivalentes dans les collèges d’Ancien Régime.
4Le parcours de 79 de ces professeurs d’histoire naturelle est connu avant leur entrée en fonction dans les Écoles centrales. Nombre d’entre eux ont cumulé plusieurs activités, simultanément ou successivement, avant leur nomination, et il est possible de comparer leurs parcours avec ceux des professeurs de Belles-Lettres, discipline reine des anciens collèges. Il apparaît que 42 % de ces 79 professeurs ont enseigné, que 57 % ont eu une activité médicale, que 20 % ont un passé de clerc et que plus de 15 % ont eu pour tâche de conserver des collections. Certains résultats peuvent surprendre comme la présence d’une minorité non négligeable d’anciens clercs, situation finalement assez comparable à celle des Belles-Lettres. Surtout, 33 de ces professeurs ont déjà enseigné avant leur nomination dans les Écoles centrales avec, parmi eux, 25 « enseignants exclusifs » du primaire au supérieur, soit presque un tiers de notre effectif, bien plus que ne l’avaient estimé Nicole et Jean Dhombres127. Rapportée aux plus de 81 % des professeurs de Belles-Lettres qui enseignaient déjà sous l’Ancien Régime et aux 54 % qui en vivaient, cette proportion paraît bien faible. Elle est néanmoins importante si l’on considère que l’histoire naturelle était la discipline des Écoles centrales la moins enseignée dans les anciens collèges. Une part notable des professeurs d’histoire naturelle aurait ainsi été recrutée non pour leur culture naturaliste, mais en raison de leur passé d’enseignant. Parmi ces 33 professeurs, 4 ont également été précédemment précepteurs et, surtout, 8 ont donné des cours publics, notamment en botanique. Ces derniers, occupant déjà des positions qui en faisaient des personnalités en vue du monde naturaliste provincial, leur nomination comme professeur d’histoire naturelle à partir de 1795 ne peut surprendre.
Répartition des professeurs par profession en 1791
5Néanmoins, s’il est un parcours habituel, c’est bien celui qui mène de la médecine à l’histoire naturelle. La continuité, voire la porosité, entre le milieu médical et le petit monde des naturalistes européens est chose ancienne et bien connue128. Dans le cas présent, le phénomène semble massif, plus encore que ne l’indiquaient les études précédentes. Entre la moitié et les deux tiers des professeurs des Écoles centrales ont étudié la médecine ou exercé des professions médicales avant leur nomination. Ce groupe de 45 professeurs est composé de 31 médecins, 6 pharmaciens, 2 chirurgiens et au moins 6 autres ont suivi des études de médecine. On trouverait sans doute encore d’autres cas. Médecine et pharmacie sont les voies d’entrée les plus communes dans les sciences naturelles, que cela soit par le biais de l’anatomie ou de la materia medica. C’est à ce niveau que la comparaison entre les parcours des 74 professeurs de Belles-Lettres et des 79 professeurs d’histoire naturelle s’avère la plus pertinente. Alors que pour les premiers, « il s’est spontanément constitué des équivalences entres les anciens contenus [disciplinaires proposés dans les anciens collèges] et les nouveaux », pour les seconds, si « équivalence il y eut, elle s’est opérée avec la médecine enseignée dans des facultés »129. Les premiers ont un passé d’enseignant, les seconds de médecin.
Dominique Villars
Musée départemental de Gap (tableau anonyme, non daté).
6Enfin, environ 15 % de ces 79 professeurs ont eu a gérer des collections avant leur nomination, sans compter les 4 anciens bibliothécaires, dont Jean-Baptiste Lefebvre de Villebrune, conservateur à la Bibliothèque nationale en 1794-1795. Deux professeurs ont été chargés de conserver des cabinets d’histoire naturelle, François Holandre, ancien directeur du cabinet du duc palatin des Deux-Ponts, et Merlet de la Boulaye, auparavant conservateur du dépôt départemental d’Angers. Sept autres ont été directeurs, et parfois fondateurs, de jardins botaniques, soit Denesle, Villars, Hermann et Gilibert avant 1789, et Amoreux, Trouflaut et Merlet de la Boulaye durant les premières années de la Révolution. Cette position institutionnelle est sans doute la plus prestigieuse que pouvait espérer un botaniste de province avant 1795. Par ailleurs, il semble que la propriété d’une collection naturaliste ait pu jouer en faveur de quelques professeurs au moment de leur nomination. Hermann, dont les sympathies royalistes auraient pu dissuader le jury d’instruction met ainsi son immense cabinet au service de l’École centrale130. Frizac à Toulouse, Van der Stegen de Putte à Bruxelles ou Passinges à Roanne font de même avec leur collection particulière ou avec un jardin leur appartenant131. De toute évidence, pour une quinzaine de professeurs, la direction — avec ce que cela implique en termes de savoir-faire dans la gestion des spécimens — ou la propriété de collections — pour d’évidentes raisons d’économie — ont pu, en partie, décider de leur recrutement.
7Sur ces 79 professeurs, au moins une petite trentaine sont passés à Paris, soit pour se former soit, plus rarement, à l’occasion d’un voyage d’étude. D’après la liste que Dominique Julia a bien voulu me communiquer, onze d’entre eux sont passés par l’École normale de l’an III132. Environ un dixième de ces futurs professeurs reçoivent ainsi les leçons du vieux Daubenton dans l’amphithéâtre du Muséum. Dans son Rapport sur l’établissement des écoles normales proposé à la Convention en 1794, Lakanal en précise la finalité133 :
Aussitôt que seront terminés à Paris ces cours de l’art d’enseigner les connaissances humaines, la jeunesse savante et philosophique qui aura reçu ces grandes leçons ira les répéter à son tour dans toutes les parties de la République d’où elle aura été appelée […]. Cette source de lumière si pure, si abondante, puisqu’elle partira des premiers hommes de la République, en tout genre, épanchée de réservoir en réservoir, se répandra d’espace en espace dans toute la France, sans rien perdre de sa pureté dans son cours. Aux Pyrénées et aux Alpes, l’art d’enseigner sera le même qu’à Paris […]. La raison humaine, cultivée partout avec une industrie également éclairée, produira partout les mêmes résultats, et ces résultats seront la recréation de l’entendement humain chez un peuple qui va devenir l’exemple et le modèle du monde.
8La vision centralisatrice de la diffusion du savoir à partir de la capitale jusqu’aux contrées les plus reculées de la périphérie provinciale laisse voir un glissement de l’ancienne symbolique solaire à la métaphore hydrologique. La science, produite en amont à Paris, passe de réservoir en réservoir et finit par remplir la province en aval. Traduction et aboutissement de cette conception, Lakanal et Deleyre proposent le 13 janvier 1795, des sténographes pour recueillir à l’École normale tout ce qui y est dit afin de l’imprimer et de le diffuser dans un journal134. Avant d’être nommés dans les Écoles centrales, d’autres professeurs sont également montés à Paris pour y compléter leur formation de médecine ou de pharmacie comme Cassius, Duvivier, Barbolain ou bien encore Le Maoüt et Renou. D’après les recensements de Marie-Madeleine Compère, de Pascal Duris, le site Internet des auditeurs de Lamarck et les monographies consultées, au moins une petite vingtaine de professeurs ont fréquenté les cours du Muséum135. Au total, entre les étudiants de médecine et les auditeurs de l’École normale et du Muséum, environ un cinquième de ces 124 professeurs sont passés par Paris avant leur nomination dans les Écoles centrales. Ils sont d’ailleurs souvent nommés sur la recommandation d’un savant parisien. Lacépède recommande ainsi Danthon dans l’Ille-et-Vilaine, Debrun dans l’Oise et Laromiguière en Dordogne136, tandis qu’à Rouen Guersant est suggéré par Lamarck et Cuvier en remplacement de Savigny parti en Égypte137. Les liens noués au cours d’un séjour dans la capitale sont alors mobilisés pour l’obtention d’un poste dans les Écoles centrales.
LA HIÉRARCHIE D’UN PETIT MONDE
9Le milieu des professeurs d’histoire naturelle apparaît immédiatement très hiérarchisé. Ainsi, en 1798, Faujas, s’arrêtant à Châlons lors de son voyage en Allemagne, décrit le professeur de la Marne : « Il se nomme Landois [Laudois], moine d’origine, cultivant beaucoup mieux une grande femme et deux enfants qu’il en a eus que la partie scientifique de l’histoire naturelle ; mais il m’a assuré que, s’il ne connaissait ni la zoologie ni la minéralogie, il était très instruit en botanique, ayant suivi le cours du citoyen Jussieu »138. De même, en l’an VII, Hermann, que son grand âge et la Révolution ont aigri, s’écrie à propos d’une liste de minéraux : « cette liste a été envoyée [par le ministre de l’Intérieur] à des Professeurs des Écoles centrales, dont les uns sont des Naturalistes de premier vol, & d’autres qui ignorent jusqu’au nom de Quarz [sic], tel que le professeur Leman [Lémane] du Dpt. De Montterrible, qui dans toute l’histoire naturelle ne connoit que la différence du vin de Bourgogne de celui de Champagne »139. La méchanceté du vieux Hermann pour son collègue révèle au moins une chose : ce n’est pas parce que les positions institutionnelles sont identiques que les compétences naturalistes sont comparables. Pour juger de ce dénivelé des réputations, il faut faire varier les échelles du niveau départemental à l’échelle européenne en passant par Paris, où les compagnies savantes sont souvent revêtues du statut officiel de « sociétés nationales ». L’analyse mobilise différents biais comme la participation des professeurs à l’entreprise statistique, leurs appartenances aux différentes sociétés savantes, leurs liens avec les principales institutions naturalistes ou l’ampleur de leurs réseaux épistolaires.
Appartenances aux sociétés savantes départementales entre 1790 et 1805
10Entre 1790 et 1805, au bas mot 20 de ces professeurs sont membres de sociétés savantes départementales. Le recensement ne peut en être exhaustif puisqu’il procède d’informations glanées dans les monographies ou les dépôts d’archives. Ces professeurs prennent part à la vie de sociétés que l’on peut répartir en quatre grands types selon leur finalité respective. Seulement cinq professeurs sont membres des trois seules sociétés locales d’histoire naturelle, dédiées à la botanique et au culte de Linné, la Société des botanophiles d’Angers, la Société d’histoire naturelle de Bruxelles et celle de Bordeaux fondée en 1796. Ils sont plus nombreux dans les sociétés spécialisées qui prennent pour objet les domaines de savoir connexes à l’histoire naturelle, l’agriculture, la médecine et la pharmacie. Au moins cinq de ces professeurs sont membres de sociétés de médecine, et surtout au moins douze d’entre eux appartiennent aux sociétés d’agriculture départementales qui, en l’espace de quelques années, recouvrent la presque totalité du territoire national. Ils sont encore dix, au bas mot, à appartenir aux sociétés savantes encyclopédiques, reviviscence, à l’échelle départementale, des anciennes académies sous les titres divers de « sociétés libres des sciences et des arts », « sociétés d’émulation » voire, à Nantes, d’« Institut départemental ». Certains professeurs sont simultanément membres de plusieurs sociétés à l’image de Rozin dans la Dyle. Rédacteur principal d’un journal belge l’Esprit des journaux, cofondateur de la Société d’histoire naturelle de Bruxelles en 1795, il est aussi membre de la Société de médecine, chirurgie et pharmacie créée la même année, de la Société libre des Sciences et des arts, d’agriculture et de commerce fondée en 1800 et président de la Société de littérature constituée en 1800140. Membre de la quasitotalité des sociétés savantes du département, « ne manquant jamais une occasion de se mettre en évidence », il tente de faire carrière dans les milieux intellectuels et mondains bruxellois141. Les sociétés savantes, comme l’observe Jean-Claude Perrot, jouent alors « un rôle analogue aux salons du xviiie s. en ouvrant à tous les ‘capacitaires’ de la nouvelle société post-révolutionaire, la porte des notables, grands propriétaires gentilshommes ou roturiers, négociants, maîtres des forges, rentiers éclairés »142. Appartenir ou, mieux encore, fonder une de ces compagnies, surtout lorsqu’il s’agit de sociétés d’agriculture ou de sociétés encyclopédiques, permet en effet à ces professeurs de se rapprocher des cercles administratifs et mondains, en un mot de prendre place dans le monde étroit des notables de province.
11Les professeurs d’histoire naturelle prennent régulièrement part à l’entreprise monumentale des statistiques départementales publiées dans les premières années du xixe s. Le 9 mai 1799, François de Neufchâteau les invite à participer à la rédaction des annuaires statistiques143. Au titre VIII de sa circulaire, il demande « l’état des productions animales, végétales et minérales les plus importantes, découvertes dans le département par le Professeur d’histoire naturelle, ou par ses élèves »144. Ainsi, dans le Gard, l’administration centrale confie en l’an VIII « l’opération importante » de la statistique départementale « à des citoyens qui réunissent, à cet égard, les connaissances nécessaires ». L’ingénieur en chef Grangent est alors choisi pour rédiger le mémoire « de concert avec les citoyens Granier, Professeur d’Histoire Naturelle, et Solimani, Professeur de Chimie et de Physique » à l’École centrale145. La collaboration des professeurs d’histoire naturelle peut revêtir diverses formes. Parfois le rédacteur de la statistique se contente de renvoyer à la flore ou à la faune rédigée par le professeur du département ou d’un département voisin146. D’autres fois, le professeur fournit simplement au rédacteur la liste des espèces départementales147. Il arrive encore que le professeur fasse partie des Commissions statistiques départementales comme Granier (Gard), Willemet (Meurthe), Debesses (Doubs) ou Lapierre (Loire)148. Enfin, plus rarement, certains professeurs d’histoire naturelle ont euxmêmes rédigé la statistique de leur département. Ainsi, Boudon de Saint-Amans propose une Description abrégée du Lot-et-Garonne en l’an VIII et Cavoleau une Description abrégée de la Vendée en l’an IX suivie d’un Annuaire statistique trois années plus tard149. Au total, ce sont au moins une dizaine de professeurs d’histoire naturelle provinciaux qui participent, à des degrés divers, à l’entreprise statistique150. Comme les médecins, les ingénieurs ou les manufacturiers, ils apparaissent ainsi comme des représentants exemplaires de ces capacitaires, autrefois gens à talents, dont s’entourent les autorités issues de la Révolution : par leur profession, il sont réputés disposer des lumières nécessaires à la reconnaissance du territoire national et à la connaissance de ses ressources ; au travers de leur collaboration avec les autorités départementales, ils acquièrent ou renforcent leur respectabilité à l’échelle locale. La fête des époux organisée à Besançon en floréal an VII est un symbole exemplaire de cette notabilisation du corps professoral sous la Révolution. L’ordre protocolaire du cortège fait se succéder « les Corps administratifs, les Fonctionnaires publics civils et militaires, en costume, les Professeurs de l’École centrale, les Instituteurs et leurs élèves »151. Il revient en outre aux professeurs de parler en public, les autorités départementales trouvant alors en eux des orateurs officiels.
12Vers 1800, les sociétés savantes parisiennes sont au nombre d’une vingtaine, à vocation souvent encyclopédique. Au moins la moitié d’entre elles comptent des professeurs d’histoire naturelle de province parmi leurs membres associés152, tandis que sur les 124 professeurs, au moins 25 sont membres de ces sociétés et, là encore, les mêmes cumulent souvent plusieurs appartenances. Quatre sociétés savantes méritent une attention particulière, la Société d’histoire naturelle, la Société philomathique, la Société d’agriculture et la Société des Observateurs de l’Homme. Quinze professeurs d’histoire naturelle de province appartiennent au groupe des « savants très distingués », comme les appelle Millin, de la Société d’histoire naturelle de Paris153. Parmi ceux-ci, dix sont associés de la société dès sa fondation en 1790154. Six de ces quinze professeurs associés appartiennent également à la Société philomathique, les deux institutions partageant les mêmes personnalités et le même local parisien155. La Société des Observateurs de l’Homme ne compte que deux de ces 124 professeurs parmi ses membres : Ramond de Carbonnières est membre résident depuis son retour à Paris en 1800 et Gilibert est fait correspondant associé la même année156. Tous deux, comme l’observe Jean-Luc Chappey, ont pu faire jouer leurs « solidarités géographiques », Ramond de Carbonnières appartenant au groupe des Alsaciens et Gilibert à celui des Lyonnais. Enfin, la Société d’agriculture du département de la Seine compte à sa création en l’an IX, quinze de ces professeurs parmi ses 138 correspondants provinciaux157. Au final, l’examen de ces affiliations aux sociétés parisiennes fait apparaître un petit groupe d’une vingtaine de professeurs, soit environ un sixième de la population étudiée. Les plus vieux, comme Willemet, Gilibert ou Hermann, recherchent sans doute une consécration de leur autorité dont ils espèrent faire bon usage à l’échelle de leur département ou de l’Europe savante. Par exemple, en 1800, Hermann refuse d’entrer dans la Société d’agriculture du Bas-Rhin prétextant sa « plus profonde ignorance et inexpérience dans cette partie des connaissances humaines » mais il accepte la même année de devenir correspondant de la prestigieuse Société d’agriculture de la Seine où il retrouve, parmi les 63 résidents, 4 professeurs du Muséum et 22 membres de l’Institut national158. Pour les plus jeunes, il s’agit de toute évidence d’une stratégie de carrière pour se rapprocher des cercles savants de la capitale. Ramond de Carbonnières multiplie ainsi les appartenances aux diverses sociétés parisiennes, de manière, selon Jean-Luc Chappey, à élargir « sa surface sociale afin de bénéficier des soutiens nécessaires pour se faire élire dans la Classe des Sciences physiques et mathématiques de l’Institut »159.
Appartenances aux sociétés savantes parisiennes vers 1800. L’astérisque indique un recensement complet.
13Pour juger de la réussite de ces stratégies sociales et savantes, on peut partir des deux hauts-lieux des sciences naturelles en France, le Muséum et l’Institut national. Pour ce dernier, le titre d’associé correspondant assure à son titulaire de faire partie de l’élite savante de province au regard de la capitale. Début 1796, entre le 30 janvier et le 25 février, chacune des dix sections de la première classe de l’Institut établit une liste de candidats pour les places d’associés non-résidents160. On retrouve les noms des professeurs d’histoire naturelle des Écoles centrales dans la moitié des sections : en physique expérimentale (section 4), chimie (section 5), histoire naturelle et minéralogie (section 6), botanique et physique végétale (section 7) et anatomie et zoologie (section 8). On propose le nom de Nicolas en chimie et de Hermann en physique, mais le domaine propre de l’histoire naturelle réunit les sections 6 à 8 de la première classe. Un peu moins du quart des individus proposés comme associés non-résidents des trois sections d’histoire naturelle de l’Institut enseignent donc cette matière dans les Écoles centrales ou l’enseigneront dans les années qui suivent. La plupart sont botanistes. Il s’agit de Ramond de Carbonnières (section 6), de Villars, Philippe Picot de Lapeyrouse, Willemet, Jean-Baptiste Lestiboudois, Gilibert et Duchesne (section 7) et d’Hermann (section 8). Ce premier cercle désigne une élite restreinte correspondant à environ 7 % des professeurs des Écoles centrales. Dans chacune des listes proposées par les sections, la première classe élit six associés, soit la moitié. Au final, seuls quatre de ces professeurs vont être nommés, Nicolas en chimie, Hermann en zoologie, Picot de Lapeyrouse et Villars en botanique161. Ramond de Carbonnières, par son entregent, va être élu associé de la deuxième Classe de l’Institut, celle des Sciences morales et politique, section des sciences sociales et législation, tout en faisant lire son mémoire sur le Mont-Perdu aux séances de la classe des Sciences à l’été 1798162. Ces cinq membres de l’Institut représentent environ 4 % de l’ensemble des professeurs d’histoire naturelle des Écoles centrales.
Propositions comme associés non-résidents de la première classe de l’Institut national en 1796
Section 6 |
Section 7 |
Section 8 |
Total |
|
Professeurs centraliens d’histoire naturelle/total des propositions |
1/12 |
6/12 |
1/11 |
8/35 |
% de la liste de candidature |
8,3 % |
50 % |
9,1 % |
22,9 % |
14Le réseau épistolaire du Muséum d’Histoire naturelle offre un important point de comparaison. Les archives de l’institution renferment un registre de ses correspondants qui recense tous les courriers entrants entre 1754 et 1810163. 36 professeurs d’histoire naturelle des Écoles centrales y sont mentionnés avec certitude et, pour 35 d’entre eux, on connaît le nombre de lettres reçues. Parmi les 35 correspondants, 10 n’envoient qu’une seule lettre et 23 moins de 11. Un petit groupe se détache qui entretient une correspondance abondante et régulière avec les professeurs du Muséum. Six professeurs envoient plus de 44 lettres : Hermann en fait parvenir 45 de 1766 à l798, Desmoueux 49 de 1776 à 1801 et Denesle 59 entre 1787 et 1803. Trois autres envoient plus de 66 lettres : Villars en envoie 67 entre 1777 et 1807, Jean-Baptiste Lestiboudois 78 entre 1778 et 1808 et Philippe Picot de Lapeyrouse 88 entre 1778 et 1808. Toutes ces correspondances sont anciennes, commençant souvent bien avant la Révolution. Si l’on excepte Denesle, qui est un ami proche de Thouin, et Desmoueux, qui est en relation avec le même depuis longtemps, les quatre autres professeurs ont tous été proposés comme associés non-résidents par les différentes sections de la première classe de l’Institut national164. L’analyse croisée des listes des associés de l’Institut et de la correspondance du Muséum fait ainsi apparaître une très mince élite d’une bonne demi-douzaine de professeurs avec, au premier chef, Hermann, Villars et Picot de Lapeyrouse et, dans une moindre mesure, Jean-Baptiste Lestiboudois, Willemet, Ramond de Carbonnières, Gilibert et Duchesne. La plupart sont des hommes d’âge mûr, mais on y rencontre quelques vieillards comme Lestiboudois et un plus jeune, promis à une belle carrière, Ramond de Carbonnières.
Correspondants du Muséum fin xviiie - début xixe siècle
15À l’échelle européenne, très peu nombreux sont les professeurs qui appartiennent à des sociétés savantes étrangères. Soit le cas du nancéen Willemet. Dans les premières années du xixe siècle, sa carte de la Société libre des sciences, lettres et arts de Nancy indique165 :
[Willemet] est membre associé « des anciennes Académies des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Lyon, Dijon, Rouen, Arras, Orléans, Mayence, Stockholm, de l’Académie impériale des Curieux de la Nature d’Allemagne, membre honoraire des sociétés patriotiques, botaniques, physiques et économiques de Suède, de Leipsick [sic], de Basle, de Berne, de Bourghausen ; des sociétés philomatiques [sic] de médecine, d’histoire naturelle, d’agriculture de Paris ; de la Société Linnéenne de Londres, des sociétés de médecine de Bordeaux, de Lyon et de Toulouse, des sociétés d’agriculture de Montpellier, de Rouen, de Mézières et d’Autun ; conseiller de la Société de médecine de Nancy ; secrétaire de la Société libre d’agriculture de la même ville ; membre du Conseil de Commerce, Art et Agriculture.
Antoine-Nicolas Duchesne
Gravure sur cuivre de Jean-Denis Nargeot (non datée).
16Le cas est exceptionnel. Sur l’ensemble des professeurs d’histoire naturelle, seulement cinq sont membres associés de sociétés savantes et d’académies étrangères : Merlet est correspondant de l’Académie des Arcades fondée à Rome en 1690 ; Willemet, Hermann et Villars sont correspondants de la Linnean Society créée à Londres en 1788 ; les deux premiers, auxquels s’ajoute Philippe Picot de Lapeyrouse, sont également associés de l’Académie royale des sciences de Stockholm fondée en 1739 ; Willemet et Hermann sont encore correspondants de plusieurs sociétés allemandes et suisses comme l’Académie impériale des Curieux de la Nature pour le premier ou la Société de minéralogie de Iéna et la Société de physique de Berlin pour le second. Cinq professeurs, cela fait peu. Mais comme les savants mentionnent presque toujours ces appartenances aux sociétés étrangères, appuis de leur autorité scientifique et preuves de leur renommée européenne, l’estimation est assez sûre. Et, encore une fois, on retrouve cette mince élite d’une demi-douzaine d’individus.
17Les mêmes professeurs sont également en relation avec les savants européens les plus réputés : Picot de Lapeyrouse, Hermann et Villars sont liés à James Edouard Smith, président de la Société linnéenne de Londres ; Hermann, Gilibert, Willemet et Ramond de Carbonnières correspondent avec le célèbre botaniste Haller en Suisse ; Hermann est en relation avec Humboldt ; Willemet est encore un ami de Linné. En 1801, peu après la mort de Hermann, Thomas Lauth publie sa biographie. Dans un chapitre intitulé « Commercium litterarium », il recense les correspondants du naturaliste strasbourgeois166. Il donne 112 noms ainsi que le lieu d’expédition des lettres qui est parfois celui des stations de voyage. Pallas écrit de Saint-Pétersbourg et Humboldt de l’Amérique méridionale. La liste, qui n’est pas exhaustive, semble néanmoins assez complète167. Elle permet de dessiner la géographie intellectuelle d’un grand savant provincial pendant le dernier quart du xviiie s.
Correspondance de Jean Hermann vers 1770-1800 | Infographie Pierre-Yves Lacour.
18L’immense majorité des correspondants de Hermann se situent dans un rayon de moins de 800 km autour de Strasbourg. Ils sont très nombreux dans l’espace germanique et helvétique, notamment dans un vaste triangle entre Berne et Vienne au Sud et Hambourg au Nord. Une douzaine lui écrivent encore d’Europe orientale et septentrionale, de Pologne, du Danemark, de Suède et de Russie. Sept autres expédient lettres et spécimens du monde extra-européen, d’Amérique du Nord ou du Sud et, surtout des comptoirs et colonies de l’Océan Indien. On recense ainsi la colonie danoise de Tranquebar, la colonie anglaise de Calcutta, les Indes orientales néerlandaises et l’Île Maurice. Un bon tiers des correspondants de Hermann lui écrivent des capitales européennes, souvent sièges de grandes académies scientifiques. Trois lui envoient des lettres de Londres, Copenhague et Stockholm, quatre de Saint-Pétersbourg et six de Vienne, mais un seul de Berlin et aucun de Rome. La moitié de ses correspondants français sont basés à Paris, qui occupe ici une position inégalée en France comme en Europe. Cette correspondance mériterait sans doute d’être comparée avec d’autres qui feraient peut-être ressortir d’autres tropismes, anglais ou italien par exemple. La comparaison de son réseau avec celui de Thouin, dont Emma C. Spary a proposé trois belles cartes, est éclairante. À l’échelle nationale, le réseau de Hermann est beaucoup moins dense et homogène que celui du jardinier parisien168. Au niveau européen, il est presque tout entier tourné vers l’Europe septentrionale alors que celui de Thouin intègre davantage les péninsules ibérique et italienne ainsi que l’Angleterre. À l’échelle mondiale, la correspondance de Thouin est également plus ample, s’étendant sur les littoraux de tous les continents, notamment américains et africains, quand celle de Hermann privilégie l’Asie. Les différences d’ampleur et de morphologie entre ces deux réseaux tiennent d’abord aux positions institutionnelles respectives des deux hommes. Tandis que l’un est professeur au cœur de l’Europe naturaliste, l’autre est propriétaire d’un beau cabinet d’histoire naturelle et directeur d’un jardin médicinal à Strasbourg, capitale savante de province tournée vers l’Allemagne. C’est sans doute cela, plus encore que sa réputation dans la République naturaliste européenne, qui explique l’importance exceptionnelle de son réseau épistolaire.
Les correspondants de Jean Hermann vers 1770-1800. L’ordonnancement originel de la liste en latin de Thomas Lauth a été conservé. La traduction des toponymes latins en français montre que la liste a d’abord été rédigée en français selon un classement alphabétique.
1 Caillau |
Bordeaux |
2 Tournon |
Bordeaux |
3 Vallot |
Dijon |
4 Desvilliers |
Lyon |
5 Danjou |
Marseille |
6 Amoreux |
Montpellier |
7 Cusson |
Montpellier |
8 Draparnaud |
Montpellier |
9 Gouan |
Montpellier |
10 Roubieu |
Montpellier |
11 Willemet |
Nancy |
12 D’autigny |
Paris |
13 Broussonet |
Paris |
14 Buffon |
Paris |
15 Cuvier |
Paris |
16 Dietrich |
Paris |
17 Faujas |
Paris |
18 Fortis |
Paris |
19 Geoffroy |
Paris |
20 Gigot D’orcy |
Paris |
21 Haüy |
Paris |
22 Lacépède |
Paris |
23 L’Héritier |
Paris |
24 Millin |
Paris |
25 Pourret |
Paris |
26 Romé de l’Isle |
Paris |
27 Seignette-Desmarais |
Paris |
28 Thouin |
Paris |
29 Vicq d’Azyr |
Paris |
30 Lepage |
Perpignan |
31 Bachelay |
Rouen |
32 Noël |
Rouen |
33 Belot-De-Cluvier |
Toulouse |
34 Buissaizon |
Toulouse |
35 Picot de Lapeyrouse (P.) |
Toulouse |
36 Vogel |
Altdorf (All.) |
37 Bloch |
Berlin |
38 Zimmermann |
Brunswick |
39 Koelreuter |
Karlsruhe |
40 Merck |
Darmstadt |
41 Nose |
Wuppertal |
42 Esper |
Erlangen |
43 Schoepff |
Erlangen |
44 Schreber |
Erlangen |
45 Schneider |
Francfort-sur-Oder |
46 Charpentier |
Freiberg |
47 Wulberz |
Freibourg |
48 Zorn-De-Plobsheim |
Dantzig |
49 Beckmann |
Göttingen |
50 Gmelin |
Göttingen |
51 Michaelis |
Göttingen |
52 Murray |
Göttingen |
53 Forster (G.) |
Halle |
54 Leysser |
Halle |
55 Schulze |
Halle |
56 Gisecke |
Hambourg |
57 Crell |
Helmstadt |
58 Walch |
Iéna |
59 Leske |
Leipzig |
60 Medicus |
Mannheim |
61 Baldinger |
Marbourg |
62 Moench |
Marbourg |
63 Panzer |
Nuremberg |
64 Wittwer |
Nuremberg |
65 Goeze |
Quedlinbourg |
66 Schaeffer |
Ratisbonne |
67 Metzger |
Königsberg |
68 Gaertner |
Stuttgart |
69 Kerner |
Stuttgart |
70 Reuss |
Tübingen |
71 Born |
Vienne |
72 Ferber |
Vienne |
73 Hacquet |
Vienne |
74 Jacquin |
Vienne |
75 Kinsky |
Vienne |
76 Leicharding |
Vienne |
77 Schroeter |
Weimar |
78 Allamand |
Leyde |
79 Bennet |
Leyde |
80 Van Royen |
Leyde |
81 Boddaert |
Utrecht |
82 Banks |
Londres |
83 Smith |
Londres |
84 Woulfe |
Londres |
85 Bang |
Copenhague |
86 Müller |
Copenhague |
87 Wiborg |
Copenhague |
88 Bergius |
Stockholm |
89 Modeer |
Stockholm |
90 Schwederus |
Stockholm |
91 Thunberg |
Uppsala |
92 Hermann (J.-F.) |
Saint-Pétersbourg |
93 Nicolai |
Saint-Pétersbourg |
94 Pallas |
Saint-Pétersbourg |
95 Woronzow |
Saint-Pétersbourg |
96 Berniard |
Pińczów |
97 De La Chenal |
Bâle |
98 Rampseck |
Bâle |
99 Wyttenbach |
Berne |
100 Roemer |
Zürich |
101 Pini |
Milan |
102 Wismann |
Milan |
103 Brusati |
Pavie |
104 Scopoli |
Pavie |
105 Mattani |
Pise |
106 Arnoldt |
Indes orientales |
107 Koenig |
Calcutta |
108 Klein |
Tranquebar |
109 Rottler |
Tranquebar |
110 Stadtmann |
Ile de France |
111 Humboldt |
Amérique |
112 Waughan |
Philadelphie |
19L’analyse multiscalaire confirme ainsi l’impression première d’une très forte hiérarchisation du milieu des professeurs d’histoire naturelle provinciaux. À l’échelle départementale, une belle part de ces professeurs, parce que capacitaires, s’amalgame au monde des notables. Mais seulement une petite dizaine d’entre eux, soit à peu près 8 %, font partie de l’élite naturaliste de province. Les mêmes hommes sont en relation épistolaire régulière avec les professeurs du Muséum, proposés comme associés de l’Institut national, membres de grandes académies étrangères et liés, par leur correspondance, à leurs confrères européens. Les mêmes — Philippe Picot de Lapeyrouse, Willemet, Jolyclerc, Fischer, Hermann, Gilibert, Draparnaud et Duchesne — sont encore régulièrement mentionnés dans le Magasin encyclopédique, soit qu’il y proposent des articles, soit que le rédacteur propose des compte-rendus de leurs ouvrages. Entre 1795 et 1802, Hermann et Willemet ont même bénéficié de dédicaces flatteuses et amicales de Millin en tête de deux volumes du périodique.
LA PRODUCTION IMPRIMÉE
20Les professeurs des Écoles centrales écrivent. Ils écrivent même beaucoup, soit presque 450 publications pour les seuls professeurs d’histoire naturelle de province. À partir des données collectées dans différents catalogues, et notamment dans le Catalogue collectif de France, toutes les publications de ces professeurs ont été recensées. Dans la base de données tirée de ce recensement, le titre de chaque item constitue l’unité statistique fondamentale, les autres modes de calcul — par édition, par folio ou par nombre de pages — posant de gros problèmes, essentiellement dus aux lacunes du recensement bibliographique. En outre, le calcul porte seulement sur les ouvrages de plus de cinquante pages, ce seuil, bien qu’arbitraire, permettant de distinguer les livres des simples brochures169. Dans la liste bibliographique ainsi obtenue, on distingue une première période, qui va jusqu’en 1794 compris, d’une seconde qui court entre 1795 et 1802, soit la période d’existence des Écoles centrales. Pour la première analyse thématique, six catégories sont retenues : « Histoire naturelle », « Sciences », « Agriculture », « Médecine », « Humanités » et « Divers »170.
Publications par domaine de savoir
21Les professeurs sont volontiers polygraphes, écrivant sur les sujets les plus divers, relevant des sciences de la nature, bien sûr, mais aussi des humanités. Pourtant, avant comme pendant la durée d’existence des Écoles centrales, l’histoire naturelle occupe toujours la plus belle place. Entre 1795 et 1802, toutes les autres catégories régressent au profit de cette dernière, qui occupe désormais près des deux tiers des publications. L’affaiblissement très net des publications médicales et l’augmentation du nombre des écrits naturalistes sont liés au passage de nombreux médecins dans les Écoles centrales, traduction au niveau de la production imprimée du mouvement déjà observé dans l’évolution des carrières.
Publications naturalistes par branche de l’histoire naturelle
22Au sein même de la production naturaliste, de semblables déplacements peuvent être observés de part et d’autre de l’année 1795. Pour distinguer entre les livres d’histoire naturelle, cinq catégories sont mobilisées : « Histoire naturelle, généralités », « Minéralogie », « Botanique », « Zoologie » et « Paléontologie ». L’évolution de la répartition de la production imprimée est très marquée entre les deux périodes. La part des écrits généralistes passe de moins d’un cinquième à presque un tiers, tandis que celle de la botanique régresse considérablement, passant des deux tiers à moins des deux cinquièmes. La proportion d’écrits zoologiques triple quasiment, tandis que la minéralogie occupe toujours une part modeste et qu’on voit apparaître quelques ouvrages consacrés à l’étude des fossiles. Dans ces changements, on peut lire deux choses. D’une part, on sent le poids considérable de la botanique dans la production des naturalistes recrutés comme professeurs dans les Écoles centrales. À la fin de l’Ancien Régime, la botanique est bien encore la discipline reine de l’histoire naturelle, domination nettement moins marquée vers 1800. D’autre part, on assiste à un phénomène, a priori surprenant, de « déspécialisation » de la production imprimée de ce groupe de naturalistes. Cette évolution, contraire au processus global de spécialisation du champ scientifique au sein des grandes institutions parisiennes, se comprend par la position de ces professeurs dans le système scolaire. C’est bien parce qu’ils sont chargés, au sein des Écoles centrales, de proposer des cours portant sur les trois règnes de la nature que la production de ces professeurs est souvent plus « généraliste » après 1795 qu’elle ne l’était auparavant.
23Pour répartir la production imprimée par genre, on a défini sept catégories : les descriptions de collections, les inventaires de productions naturelles, les propositions de classification, les notices sur les spécimens, les écrits de physiologie, ceux traitant des applications possibles de l’histoire naturelle et les imprimés à portée directement pédagogique.
Publications naturalistes par genre éditorial
24De part et d’autre de la formation des Écoles centrales, deux glissements majeurs sont repérables. D’une part, la proportion des ouvrages de classification régresse au profit des études d’anatomie et de physiologie, ce qui traduit le poids nouveau des approches développées dans le sillage de Cuvier autour de 1800. D’autre part, le poids relatif de deux catégories, formant toujours environ la moitié de la production imprimée — les ouvrages d’application et les écrits pédagogiques — s’inverse. Un tiers des écrits publiés jusqu’en 1794 concernent l’application des savoirs naturalistes à l’agriculture, à la science des mines ou à la médecine tandis que la même proportion des ouvrages imprimés entre 1795 et 1802 ont une portée directement éducative à l’image des manuels scolaires. Là encore, cette évolution est liée à la création des Écoles centrales et aux fonctions qu’y occupent ces naturalistes devenus professeurs. Reste que la raréfaction des ouvrages d’application, en nombre relatif comme absolu, surprend dans une période profondément marquée par le discours sur l’utilité publique des sciences.
25Ces professeurs de province ont-ils en partage des options intellectuelles qui les distinguent de leurs confrères parisiens ? On peut prendre l’exemple de la botanique, domaine particulièrement sensible depuis la querelle entre linnéens et jussistes, entre les partisans du système artificiel et les tenants de la méthode naturelle. Pascal Duris a relevé de nombreux partisans de Linné parmi ces professeurs provinciaux comme Gilibert à Lyon, Philippe Picot de Lapeyrouse à Toulouse, Merlet de la Boulaye à Angers, Jolyclerc en Corrèze, Latapie à Bordeaux, Boudon de Saint-Amans à Agen, Hermann à Strasbourg, Willemet à Nancy, Poiret à Soissons, et Villars à Grenoble171. À cette liste, on peut encore ajouter quelques professeurs du Nord de la France ou de Belgique, Jean-Baptiste Lestiboudois à Lille, Van der Stegen de Putte et Rozin à Bruxelles. Le premier traduit Linné et l’introduit dans le Nord de la France, tandis que le dernier, élève de Linné fils, publie en 1791 un Herbier portatif classé selon le système du naturaliste suédois. Au total, on dénombre donc une bonne douzaine de professeurs qu’avec quelques autres naturalistes provinciaux, on trouverait de préférence dans les quatre « bastions » du linnéisme français : Lyon et sa région, le Sud de la France et notamment Montpellier mais aussi l’Est du pays avec Nancy et Strasbourg et enfin sa partie la plus septentrionale, de Lille à Bruxelles172. Cette France linnéenne paraît en définitive moins méridionale que périphérique, correspondant aux régions les plus éloignées de l’influence de la capitale.
26Pourtant, cette manière, héritée de l’histoire des idées, d’opposer terme à terme des choix intellectuels ne convainc guère. Dans sa recension du livre de Pascal Duris, Emma C. Spary invite son lecteur à ne pas trop durcir l’opposition entre les différentes options systématiques173. Elle insiste sur « l’attitude catholique » des botanistes à l’égard des différentes classifications, système et méthodes, qu’ils comparent, adaptent ou mélangent dans leurs écrits ou leurs pratiques. Dans leur enseignement, les professeurs des Écoles centrales traitent successivement des différentes formes de classification : Le Maoüt ou Willemet enseignent Tournefort et Linné ; Lefebvre de Villebrune, Pitou ou Jean-Baptiste Lestiboudois y ajoutent Jussieu174. Ils suivent ainsi les recommandations du ministre de l’Intérieur transmises aux Écoles centrales par la circulaire du 12 juillet 1798 qui indique aux professeurs les bons auteurs pour la réalisation des cours ou la distribution des prix175. En outre, comme le remarque Pascal Duris, ces professeurs mobilisent souvent différentes formes de classification dans leurs ouvrages. Roussel combine et compare les méthodes de Tournefort, Linné et Jussieu dans sa Flore du Calvados (1796) de même que Renault dans sa Flore du département de l’Orne (1804) et, plus tard, Poiret dans ses Leçons de Flore (1819). Jolyclerc publie une Table concordante des dénominations diverses (1799) et Gérardin propose une table comparable dans son Tableau élémentaire de botanique (1805). Le premier édite d’ailleurs successivement les Éléments de botanique de Tournefort (1797) et le Système sexuel des végétaux de Linné (1798)176. Faire de ces botanistes provinciaux des « linnéens » ou des « jussistes », cela revient en définitive à leur accoler des étiquettes commodes, alors que leurs manières de faire ne sont jamais très pures.
Concordance Tournefort/Linné
Extrait de la Phytologie universelle de Nicolas Jolyclerc (an VII) | Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
27De la même manière, on observe une série de décalages entre les positions affichées et les méthodes adoptées pour la plantation des jardins. Philippe Picot de Lapeyrouse adopte le système sexuel de Linné dans sa Flore des Pyrénées (1795) après avoir planté, quinze années plus tôt, le jardin de Toulouse selon la méthode des familles naturelles177. Hermann, dans lequel on voit ordinairement un linnéen, propose de replanter le jardin de l’École spéciale de médecine selon « l’ordre établi déjà depuis longtems dans le Jardin national de Paris par le savant et modeste Antoine-Laurent de Jussieu », d’autant qu’il « peut se marier avec ceux des illustres Tournefort et Linné »178. On trouverait, sans peine, d’autres exemples. C’est sans doute que, comme Villars à la fin des années 1780, de nombreux botanistes sont également attachés à deux maîtres, Linné et Jussieu179. Adaptant parfois les classifications à l’usage de leurs élèves, ils adoptent volontiers une posture œcuménique. Tel professeur suit Linné dans un contexte et Jussieu dans un autre. À Bruxelles, Rozin reconnaît certes les mérites de la méthode de Jussieu, mais lui préfère néanmoins le système de Linné, plus simple à comprendre pour des jeunes élèves180. Se montrant pédagogue, il réduit à douze le nombre de classes, ce qui « présente à l’imagination des commençants une carrière moins vaste et moins propre à l’effrayer ». Ici, la classification linnéenne, progressivement démonétisée car trop éloignée de ce que l’on perçoit comme « l’ordre naturel », se maintient, simplifiée, dans l’enseignement secondaire pour sa valeur essentiellement didactique.
*
28Vers 1800, tous les symptômes d’une brutale institutionnalisation du savoir naturaliste comme matière scolaire sont repérables : les professeurs sont plutôt jeunes malgré quelques maîtres reconnus qui sont déjà des vieillards ; seule une part assez faible, bien que non négligeable, des professeurs a déjà enseigné auparavant ; nombre d’entre eux ont réalisé un séjour de formation dans la capitale, souvent auprès des professeurs du Muséum ; les jurys départementaux demandent parfois des conseils aux savants parisiens pour les nominations aux postes nouvellement créés et encore vacants. Pour autant, la professionnalisation du milieu naturaliste provincial comporte certains traits qui vont à l’encontre du grand récit de l’histoire des sciences à la charnière des xviiie et xixe s. La professionnalisation du milieu ne signifie ici ni une réelle homogénéisation du corps professoral ni une plus grande spécialisation de la production savante. D’une part, le milieu des professeurs apparaît très hiérarchisé et de multiples indicateurs soulignent l’existence d’une toute petite élite de naturalistes provinciaux en réputation dans l’Europe savante. D’autre part, les publications de l’ensemble de ces professeurs sont moins spécialisées après la création des Écoles centrales qu’elles ne l’étaient auparavant. L’institutionnalisation d’un domaine de savoir et la professionnalisation d’un milieu savant ont ainsi impliqué une moindre spécialisation de la production imprimée, paradoxe apparent qui s’explique par le caractère généraliste de l’enseignement dans les Écoles centrales. En 1802, au moment de la suppression des Écoles centrales, un mouvement inverse de brutale « désintitutionnalisation » affecte l’histoire naturelle provinciale. De nombreux professeurs redeviennent médecins, certains comme Dekin sont nommés conservateurs de collections181, et quelques autres, assez rares, continuent une carrière de naturaliste comme le vosgien Gérardin. En brumaire an XI, il souhaite « se fixer le plus près possible de Paris, qui est la source de toutes les lumières, dans laquelle on peut puiser à pleines mains, sans éprouver la moindre morgue de la part de ceux qui volontiers les prodiguent »182. Deux ans plus tard, on lui confie le soin de dresser l’inventaire des vélins du Muséum national d’Histoire naturelle et de les classer dans un ordre systématique rigoureux183. À la différence de la plupart de ses anciens collègues provinciaux, le discret professeur des Vosges a ainsi trouvé sa petite place en plein cœur de l’Europe naturaliste.
Notes de bas de page
121 Palmer (Robert R.), « The Central Schools of the First French Republic… », art. cit. ; Compère (Marie-Madeleine), « Les Professeurs de la République… », art. cit., pp. 39-60 ; Duris (Pascal), « L’Enseignement de l’histoire naturelle… », art. cit., pp. 23-52.
122 La liste des professeurs — ainsi que leurs dates de naissance et de mort — établie par Pascal Duris est très sûre (Duris (Pascal), « L’Enseignement de l’histoire naturelle… », art. cit.) Dans plusieurs Écoles centrales, l’enseignement de l’histoire naturelle est partagé entre plusieurs professeurs comme à Metz, à Bordeaux, Angers, Poitiers et peut-être Dijon.
123 Extrapolation d’après le chiffre de 300 naturalistes français donné par Duchesne en 1798 : Institut de France, Académie des sciences. Procès-verbaux des séances…, op. cit., vol. 1, séance du 16 fructidor an VI, p. 99.
124 AN, F/17/1339 : Réponses des professeurs d’histoire naturelle à la circulaire imprimée du ministre de l’Intérieur François de Neufchâteau du 20 floréal an VII ; Quérard (Joseph-Marie), La France littéraire…, Paris : Firmin Didot père & fils [puis] Firmin Didot frères, 1827-1839, 10 vol.
125 Duris (Pascal), « L’Enseignement de l’histoire naturelle… », art. cit., p. 31.
126 Compère (Marie-Madeleine), « Les Professeurs de la République… », art. cit., p. 40.
127 Dhombres (Nicole) & Dhombres (Jean), Naissance d’un nouveau pouvoir…, op. cit., p. 598.
128 Pomata (Gianna) & Siraisi (Nancy G.), « Introduction », in Pomata (Gianna) & Siraisi (Nancy G.) (sous la dir.), Historia : Empiricism and Erudition in Early Modern Europe, Cambridge (Mass.) : MIT Press, 2005, p. 22.
129 Compère (Marie-Madeleine), « Les Professeurs de la République… », art. cit., pp. 44-45.
130 Ibid., p. 46.
131 Guy (Marcel), Du Collège de Delbène au lycée Lapérouse. Trois siècles d’un établissement secondaire en province. Le collège, l’École centrale, le lycée d’Albi. 1623-1950, Toulouse : M. Guy, 1979, p. 95 ; De Vreught (J.), « L’Enseignement secondaire à Bruxelles sous le régime français. L’École centrale et le Lycée », Annales de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles, vol. 42, 1938, p. 53 ; Roux (Claudius), « Histoire comparée et résumée des Écoles centrales du Rhône et de la Loire (1796-1803) et leurs jardins botaniques », Annales de la Société linnéenne de Lyon, vol. 60, 1913, p. 171 et p. 173.
132 D’après les renseignements fournis par Dominique Julia, il s’agit de : Jean-Joseph Bourdaloue, Thomas Cauvin, Albéric Deville, Jean-Antoine Debesses, Antoine-Nicolas Duchesne, Louis Goureau, Jean-Jacques Joseph Guibert, Frédéric-Louis Hammer, Marie Pascal François Laromiguière, François de Paule Latapie, Jacques-Nicolas Vallot. D’après Madeleine Deries, François Perrin est aussi passé par l’École normale.
133 Lakanal (Joseph), Rapport sur l’établissement des écoles normales, 1794, op. cit., pp. 12-13. Je mets en italique.
134 Deleyre (Alexandre) & Lakanal (Joseph), « Arrêté des représentants du peuple près les Écoles normales. Du 24 nivôse, l’an 3 de la République française une et indivisible », in Guillaume (James), Procès-verbaux du Comité d’Instruction publique…, op. cit., vol. 4, p. 425-427 ; ici, p. 426.
135 Essentiellement d’après Duris (Pascal), « L’Enseignement de l’histoire naturelle… », art. cit., p. 44 ; Compère (Marie-Madeleine), « Les Professeurs de la République… », art. cit., p. 50 ; http://www.lamarck.cnrs.fr/auditeurs/, consulté le 23/01/2013. Mottet passe trois années à Paris ; Debrun suit les leçons de Buffon, Lacépède, Desfontaines et Thouin ; Duchesne et Latapie se sont formés auprès de Bernard de Jussieu longtemps avant d’intégrer l’École normale ; son neveu, Antoine-Laurent, a eu pour élèves Denesle, Chauveau et Barbolain ; Le Chevalier écoute Desfontaines pendant ses études de pharmacie à Paris ; Massé suit les cours des frères Thouin ; Daubenton compte Barbolain et Dekin parmi ses auditeurs ; Laromiguière et Hammer, tous deux élèves de l’École normale, complètent leur formation en suivant d’autres cours, notamment ceux de Lacépède ; le jeune Fischer suit les cours de Cuvier à Paris en 1798 et Savigny se forme auprès de Jussieu, Cuvier, Daubenton et Lamarck ; entre 1796 et 1802, ce dernier a compté sept de ces futurs professeurs parmi ses étudiants — Debesses, Guersant, Luc, Debrun, Cosme, Chauveau, Mottet — sans compter deux autres, juste après la suppression des Écoles centrales — Bonafos aîné et Frizac.
136 Duris (Pascal), « L’Enseignement de l’histoire naturelle… », art. cit., p. 30.
137 Dubuc (André), « L’École centrale de Rouen. An IV - an XI (1796-1803) », 95e congrès des sociétés savantes, Reims, 1970, Section d’Histoire moderne, vol. 1, 1974, pp. 708-709.
138 AN, AJ/15/381 : Lettre de Faujas aux professeurs du Muséum, Strasbourg, le 24 floréal an VI ; reproduite dans Boyer (Ferdinand), « Un Voyage scientifique après Campo Formio… » art. cit., p. 328.
139 BNUS, Ms 1027 : « Pièce à jamais mémorable ! Pièce à conserver dans les fastes de l’histoire littéraire » par [Hermann]. [Strasbourg, vers l’an VII].
140 Fassbender (Henri), « L’Enseignement à l’École centrale du département de la Dyle », Cahiers bruxellois, vol. 14, 1969, pp. 200-201 ; Mailly (Édouard) (sous la dir.), Étude pour servir à l’Histoire de la culture intellectuelle à Bruxelles pendant la réunion de la Belgique à la France, Bruxelles : F. Hayez, 1887, pp. 9-17.
141 Mailly (Édouard) (sous la dir.), Étude pour servir…, op. cit., p. 16.
142 Perrot (Jean-Claude), L’Âge d’or de la statistique régionale…, op. cit., p. 45.
143 François de Neufchâteau (Nicolas), « Lettre du ministre de l’Intérieur aux Professeurs et aux Bibliothécaires des Écoles centrales du 20 floréal an VII [9 mai 1799] », Recueil des lettres circulaires, instructions, programmes, discours et autres actes publics émanés du Cen. François (de Neufchâteau), pendant ses deux exercices du Ministère de l’intérieur, Paris : Imprimerie de la République, An VII – an VIII [1798/1800], vol. 2, pp. 202-211. Voir Perrot (Jean-Claude), L’Age d’or de la statistique régionale…, op. cit., pp. 24-28 ; notamment, p. 28 et pp. 42-50.
144 François de Neufchâteau (Nicolas), « Lettre du ministre de l’Intérieur aux Professeurs et aux Bibliothécaires des Écoles centrales du 20 floréal an VII [9 mai 1799] », art. cit., vol. 2, p. 208.
145 Grangent (Stanislas-Victor), Description abrégée du département du Gard rédigée en brumaire an VIII, Nîmes : Imprimerie B. Farge, An VIII [1799], pp. i-ii et pp. 37-38.
146 Dieudonné (Christophe), Statistique du département du Nord, Douai, Marlier, An XII [1804], vol. 1, p. 240 ; Lamoureux (Justin), Mémoire pour servir à l’Histoire littéraire du département de la Meurthe…, An XI, op. cit., p. 47 ; Perrin-Dulac (François), Description générale du département de l’Isère, Grenoble : J. Allier, 1806, vol. 1, p. 103 ; Dralet (Étienne-François), Plan détaillé de topographie, suivi de : La topographie du département du Gers, Paris : Imprimerie de M. Huzard, An IX [1800], p. 94. Les rédacteurs renvoient dans ces statistiques aux travaux de Lestiboudois (Nord), Willemet (Meurthe), Villars (Isère) et Philippe Picot de Lapeyrouse (Gers).
147 Verninac de Saint-Maur (Raymond de), Description physique et politique du département du Rhône, Paris : Imprimerie des Sourds-muets, An X [1801/1802], p. 20 ; Viry (Joseph Marie François Justin de), Mémoire statistique du département de la Lys, Paris : Imprimerie impériale, An XII [1803], pp. 6-8.
148 Lecreulx (François-Michel), Description abrégée du département de la Meurthe, Paris : Imprimerie de la République, An VII [1799], p. 6 et p. 7, n. 1 ; Troux (Albert), L’École centrale du Doubs…, op. cit., p. 76 ; Roux (Claudius), Histoire comparée…, op. cit., p. 183.
149 Boudon de Saint-Amans (Jean-Florimond), Description abrégée du département de Lot-et-Garonne, Agen : An VIII [1799/1800], 35 p. ; Cavoleau (Jean-Alexandre), Description abrégée du département de la Vendée, Fontenay-le-Peuple : Imprimerie de A.-V. Habert, frimaire an IX [1800], 27 p. ; Cavoleau (Jean-Alexandre), Annuaire statistique du département de la Vendée, pour l’An XII (1803 et 1804), Fontenay : Goichot, An XII [1803/1804], 432 p.
150 Voir aussi Perrot (Jean-Claude), L’Age d’or de la statistique régionale…, op. cit., p. 48.
151 Troux (Albert), L’École centrale du Doubs…, op. cit., p. 77.
152 Il s’agit de la Société d’histoire naturelle, de la Société philomathique, de la Société libre des Sciences et des Arts, de la Société de médecine, de la Société philotechnique, de la Société d’agriculture, de la Société académique des sciences, de la Société des Observateurs de l’Homme, de la Société galvanique et de l’Athénée des Arts.
153 D’après Chappey (Jean-Luc), Des Naturalistes en Révolution…, op. cit., passim. Il s’agit de Poiret, Van Der Stegen de Putte, Philippe Picot de Lapeyrouse, Amoreux, Villars, Dufay, Saint-Amans, Merlet de la Boulaye, Willemet, Bergeret, Béraud, Ramond de Carbonnières, Hermann, Duchesne et Macquart.
154 Actes de la Société d’histoire naturelle de Paris, Paris ; Strasbourg : L. Reynier & Amand Koenig, vol. 1, 1792 : « Liste des membres de la Société d’histoire naturelle de Paris par ordre de réception ». Il s’agit de Dufay, Willemet, Béraud, Saint-Amand, Villars, Philippe Picot de Lapeyrouse, Amoreux, Poiret, Hermann et Jacquin.
155 Duris (Pascal), Linné et la France…, op. cit., p. 95.
156 Chappey (Jean-Luc), La Société des Observateurs de l’Homme…, op. cit., pp. 220-222, pp. 240-246 et pp. 485-486.
157 Mémoires d’agriculture, vol. 1, 1800/1801, pp. 15-21 : « Liste par ordre alphabétique des membres composant la Société depuis son établissement ». Il s’agit de Bonnaterre, Vallot, Coppens, Philippe Picot de Lapeyrouse, Latapie, Amoreux, Villars, Willemet, Ramond de Carbonnières, Bonafos, Gilibert, Duchesne, Jozeau, Juge Saint-Martin et Hermann.
158 AD 67, 63J/2 : Lettre de Hermann à Kampmann, secrétaire de la Société d’agriculture du Bas-Rhin. Strasbourg, le 15 prairial an VIII.
159 Chappey (Jean-Luc), La Société des Observateurs de l’Homme…, op. cit., p. 222.
160 Institut de France, Académie des sciences. Procès-verbaux des séances…, op. cit., vol. 1, pp. 12-13.
161 Pour la liste des membres de l’Institut, voir http://www.academie-sciences.fr/academie/membre.htm. Consulté le 26 septembre 2014.
162 Institut de France, Académie des sciences. Procès-verbaux des séances…, op. cit., vol. 1, p. 282, p. 407, pp. 431-432 et p. 439.
163 MNHN, Ms 2310 : « Liste des correspondants du Muséum d’Histoire naturelle ». 1754-1810.
164 Voir aussi MNHN, Ms 314 : État de la correspondance d’André Thouin. Vers 1760 à 1791. Après comparaison de cet état avec la « Liste des correspondants du Muséum », il est certain que cette dernière reprend et complète la première. D’après le registre de la correspondance de Thouin, 16 futurs professeurs d’histoire naturelle des Écoles centrales lui ont écrit avant 1790. Par ordre décroissant, on obtient la série suivante : Villars (58 lettres), Desmoueux (35), Hermann (33), Denesle (19), Duchesne (15), Latapie (13). Desmoueux et Denesle apparaissent comme des correspondants privilégiés de Thouin. En décembre 1794, Desmoueux joue d’ailleurs de son amitié avec Thouin dans une rivalité qui l’oppose à Roussel pour l’obtention de la future place de professeur d’histoire naturelle à Caen (AN, F/17/1225 : Lettre de Desmoueux à la Commission d’Instruction publique. Caen, le 23 frimaire [an III]).
165 Gain (André), L’École centrale de la Meurthe…, op. cit., pp. 46-47, n. 2.
166 Lauth (Thomas), Vita Johannis Hermann, Strasbourg : Frères Levrault, An X [1801], pp. 39-42.
167 Rusque (Dorothée), Cabinets d’Histoire naturelle et jardin botanique à Strasbourg au xviiie siècle…, op. cit., pp. 148-151. Quelques noms manquent comme Haller ou Albioni.
168 Spary (Emma C.), Le Jardin d’Utopie…, op. cit., p. 94, p. 97 et pp. 100-101.
169 Les brochures, qui échappent généralement aux catalogues informatisés des bibliothèques, rassemblent des publications de circonstances (thèses de médecine, lettres imprimées, prospectus, programmes ou affiches de cours) comme de courts travaux (mémoires académiques, notices, essais ou tirés à part).
170 La catégorie « Sciences » intègre la physique, la chimie, la météorologie et la mécanique ; la catégorie « Humanités », l’histoire, les lettres et le théâtre.
171 Duris (Pascal), « L’Enseignement d’Antoine-Laurent de Jussieu… », art. cit., p. 44 ; Duris (Pascal), Linné et la France…, op. cit., pp. 39-54 ; Duris (Pascal), « L’Enseignement de l’histoire naturelle… », art. cit., p. 45.
172 Duris (Pascal), Linné et la France…, op. cit., p. 39. L’auteur a parlé de bastions à propos de Lyon et de Montpellier. On repère aussi des partisans de Linné hors des Écoles centrales : François Boissier de la Croix Sauvages, Pierre-Marie-Auguste Broussonet et Antoine Gouan à Montpellier ; l’abbé Rozier à Lyon ; Jean-Baptiste Aymen à Bordeaux ; François-Antoine Roucel à Gand ; Jean Kickx à Bruxelles.
173 Spary (Emma C.), « Review Work : Linné et la France (1780-1850) by Pascal Duris », The British Journal for the History of Science, vol. 27, no 3, 1994, pp. 373-374.
174 Durand (René), Le Département des Côtes-du-Nord sous le Consulat et l’Empire. 1800-1815. Essai d’histoire administrative, Rennes ; Paris : Imprimerie Oberthur, 1925, vol. 1, p. 533 ; Gain (André), L’École centrale de la Meurthe…, op. cit., p. 159. Coirault (Gaston), Les Écoles centrales dans le Centre-Ouest…, op. cit., p. 258 ; Marcours (F.), « L’École centrale du département de l’Ourthe… », art. cit., p. 338 ; Leclair (Edmond), L’École centrale de Lille (1795-1803), Lille : Giard, 1904, pp. 77-78 et p. 104.
175 Isaac (Marie-Thérèse) & Sorgeloos (Claude) (sous la dir.), L’École centrale du département de Jemappes. 1797-1802. Enseignement, livres et Lumières à Mons, Bruxelles : Bibliothèque royale de Belgique, 2004, p. 147.
176 Duris (Pascal), Linné et la France…, op. cit., p. 47 et p. 154 ; Duris (Pascal), « L’Enseignement d’Antoine-Laurent de Jussieu… », art. cit., p. 54 ; Daugeron (Bertrand), Apparition-Disparition des nouveaux mondes …, op. cit., p. 218.
177 Duris (Pascal), Linné et la France…, op. cit., p. 153.
178 AD 67, 1TP/SUP 337 : « Rapport des citoyens Hermann et Brisorgeuil nommés commissaires pour présenter à l’École spéciale de médecine de Strasbourg la situation de son jardin… ». [Strasbourg], non daté [entre 1794 et 1800].
179 Duris (Pascal), Linné et la France…, op. cit., pp. 50-51.
180 Fassbender (Henri), « L’Enseignement à l’École centrale du département de la Dyle », art. cit., p. 203.
181 Mailly (Édouard), Étude pour servir…, op. cit., p. 25.
182 Lettre de Gérardin au préfet des Vosges, le 6 brumaire an XI, citée in Kastener (Jean), « Les excursions scientifiques d’un professeur à l’École centrale des Vosges », La Révolution dans les Vosges, vol. 17, no 3, 1929, p. 102.
183 Laissus (Yves), Les Vélins du Muséum, op. cit., pp. 10-12 et p. 18.
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