Le Muséum
La fabrique des savoirs naturalistes
p. 252-295
Texte intégral
1Au commencement d’un remarquable article consacré à Cuvier, Martin Rudwick remarquait en 1997 que « nous ne savons que peu de choses sur la pratique quotidienne des sciences de muséum » alors qu’il « nous est désormais possible d’avoir une impression assez claire de ce qu’était la pratique des sciences de laboratoire », celle d’un Faraday, d’un Boyle ou d’un Lavoisier207. Une bonne quinzaine d’années plus tard, les choses en sont, pour l’essentiel, restées là. Ce long dédain tient sans doute, pour partie, à une approche essentiellement patrimoniale des collections naturalistes et, peut-être aussi à la pratique même de l’histoire naturelle. Alors que les sciences expérimentales mettent en jeu des faire expérimentaux, l’histoire naturelle est soupçonnée de s’appuyer sur une pratique faible (l’observation), elle-même associée à une séduction (la tromperie des apparences) et appuyée sur un appareillage trop chiche (la loupe, à la rigueur le microscope). En 1790, Lamarck, dans son Mémoire sur les cabinets d’histoire naturelle précise208 :
Je n’entreprendrai pas ici de faire l’éloge de l’étude de l’histoire naturelle, ni d’établir l’utilité de cette belle partie des connaissances humaines ; les grands avantages qu’on peut tirer de l’étude de cette science intéressante sont trop évidents et trop généralement reconnus, pour qu’il soit nécessaire que je m’étende en aucune manière sur cet objet. Je ne mettrai pas non plus en question si les établissements propres à augmenter et à perfectionner nos connaissances dans cette science pleine d’intérêt, sont réellement utiles, et si, conséquemment ceux qui existent doivent être conservés, régénérés et protégés par la nation même ; on sent assez que l’affirmative est décidée sur le fondement de la première considération qui ne laisse point le moindre doute.
2Il y aurait donc une double évidence : l’histoire naturelle est évidemment utile aux Hommes ; les collections sont réellement nécessaires à cette partie des connaissances humaines. Les collections fonctionneraient ainsi comme de petites « boîtes noires » : des objets y entreraient, des théories en sortiraient toutes prêtes et, entre les deux, il n’y aurait rien à voir, rien à dire. C’est justement cette évidence, constituée en lieu commun aussi bien par les naturalistes de l’époque que par les historiens d’aujourd’hui qu’on voudrait questionner en s’interrogeant davantage sur les démarches de savoir que sur leurs résultats théoriques. Il faut bien replonger les sciences dans les pratiques, c’est-à-dire faire jouer ensemble les hommes et les machines, l’intelligence et l’argent, les réseaux et les institutions ou la paperasse et les réactifs chimiques209. Cela implique de ne pas couper la proposition théorique de ses coulisses, car c’est en général dans les longues préfaces, dans les récits d’expérience, dans les notes infrapaginales et en petits caractères au bas des descriptions que les naturalistes indiquent la provenance des objets, qu’ils citent leurs confrères et qu’ils décrivent leurs longs tâtonnements. Afin de mieux comprendre le fonctionnement de cette « fabrique » du savoir naturaliste, on étudiera d’abord ses lieux de production — le terrain, le cabinet national et les collections particulières —, puis ses matières premières — les spécimens et leurs succédanés —, avant d’analyser le cas d’une petite controverse où se déploie tout cet agencement indissociablement social et épistémique.
LE TERRAIN ET LES CABINETS
3À partir des années 1980, Bruno Latour a développé le modèle de la « mobilisation du monde », qui repose sur la distinction entre deux espèces de lieux — le terrain où sont collectées les « données » et les centres de calcul où celles-ci sont agrégées et confrontées —, pour rendre compte de l’essor et de la domination de la science européenne210. Cette approche a pu être déployée dans différents champs de savoir comme l’astronomie, la statistique, la géographie ou les techniques211. Marie-Noëlle Bourguet et, plus récemment, Emma C. Spary ont convoqué ce modèle pour l’appliquer à l’histoire des pratiques naturalistes212. Il en ressort que la science, telle qu’elle est produite dans les centres de savoir, domine le terrain des voyageurs par le « contrôle à distance » de leurs pratiques et la transformation des spécimens naturels en « mobiles immuables ». La marche du voyageur naturaliste est encadrée en amont comme en aval. En amont, le voyage est réglé par des Instructions, rédigées tantôt par un savant de cabinet comme Linné ou Thouin tantôt par une institution scientifique comme l’Académie des sciences, la Société d’histoire naturelle ou le Muséum d’Histoire naturelle213. Parfois, ces Instructions sont adressées à un voyageur choisi comme Collignon lors de l’expédition de La Pérouse. D’autres fois, elles sont diffusées par l’imprimé auprès du public mal défini des gens de commerce ou de mer, des diplomates, des administrateurs coloniaux et des aventuriers de toute espèce. Le modèle est donné par Linné avec son Instructio peregrinatoris publiée en 1759 ; l’ouvrage connaît un grand succès avec « au moins huit éditions et un plancher de près de dix mille lecteurs probables en trente ans »214. Il s’ensuit toute une lignée d’instructions naturalistes destinées aux voyageurs et aux correspondants à l’image des diverses instructions proposées par l’Académie des sciences et la Société d’histoire naturelle à l’occasion du voyage de d’Entrecasteaux215. Les Instructions sont des textes prescriptifs. Ils indiquent la manière de collecter les spécimens sur le terrain, de les préserver au cours du voyage et de les rapporter dans les centres métropolitains. Ils décrivent également un ensemble de procédures pour la bonne gestion de la collecte par l’étiquetage et le catalogage des échantillons. Mais le contrôle, pour se faire efficace, s’opère aussi en aval, au retour du voyageur. Celui-ci doit obtenir quelque chose en retour, une récompense, pour sa collection de plantes, de graines ou d’animaux : un titre de correspondant attaché à une pension (Michaux, Baillon), une place dans une institution prestigieuse (Banks) ou bien une gratification pécuniaire (Adanson, Dombey, Commerson). À défaut, le voyageur naturaliste peut échapper au contrôle de l’institution centrale. Emma C. Spary en donne un remarquable exemple, celui de Pierre-Paul Saunier, élève de Thouin parti avec Michaux en Amérique mais qui, mal payé de ses efforts de jardinier, transforme le jardin botanique de New York en potager, échappant ainsi entièrement à l’emprise du Muséum216.
4Il ne suffit cependant pas de discipliner les comportements et de régler les gestes des voyageurs et des correspondants ; il faut encore transformer les « êtres naturels en produits scientifiques »217. D’une part, le spécimen collecté sur le terrain doit devenir un « mobile immuable » : mobile, il doit pouvoir être transporté et finalement rapporté au centre (à défaut, on réalise une description ou un dessin) ; immuable, il doit être préservé de toutes sortes de dégradations (des aléas climatiques, des fringales des animaux nuisibles ou du pourrissement). D’autre part, pour être utile, le spécimen doit devenir ce que l’on pourrait appeler un objet à double face : une chose matérielle reliée à une inscription par la pose d’une étiquette et l’indexation dans un catalogue. L’inscription forme alors, selon Jean-Marc Drouin, « l’échangeur » qui lie le terrain des voyageurs au cabinet des naturalistes, les deux pôles de l’histoire naturelle218. L’étiquette indique le nom de l’espèce, le lieu de collecte, et parfois, la synonymie en vernaculaire : la synonymie permet de connaître les usages locaux et l’indication de l’origine des spécimens est la « trace qui doit les relier au terrain où ils ont été prélevés »219.
Spécimens de Cupulifères
Sachet de graines et spécimens envoyés des États-Unis par André Michaux (vers 1790) Cliché Françoise Bouazzat, MNHN.
5Sans cet « accompagnement textuel », comme le remarque Emma C. Spary, la valeur d’un spécimen est considérablement réduite220. On peut en prendre deux exemples. Dans les décennies qui précédent la réforme du Jardin en 1793, Thouin juge « inutiles » les paquets de graines mal étiquetés et, quand il lui arrive de les planter au Jardin, il les inscrit dans ses catalogues avec un « x » ou « inconnu »221. De même, au début du xixe siècle, le Muséum est le théâtre de ce que Richard W. Burkhardt a appelé dans une très bel article une « petite tragédie » scientifique liée à la perte des inscriptions reliant le cabinet du savant au terrain du voyageur222. En avril 1804, de retour des terres australes, Péron, après avoir étiqueté les caisses et les paquets, fait observer avec inquiétude à Geoffroy Saint-Hilaire que « les résultats de [ses] observations étoient inscrits sur mes journeaux [sic], toutes mes collections soigneusement étiquetées portaient avec elles un no correspondant à celui de mes observations. De cette manière […] il n’est aucun échantillon dont la patrie ne puisse être rigoureusement assignée ». Les étiquettes servent ainsi de supports matériels aux correspondances entre les observations géographiques de Péron — latitude, température de l’eau, etc. — et les caisses de spécimens récoltés. Or quelque part dans le maniement des collections, elles ont été perdues, ce dont témoigne le caractère vague des localisations des différentes espèces d’astéries — « habite… les mers australes ? » — indiquées dans l’Histoire naturelle des animaux sans vertèbres de Lamarck. Pour celui-ci, la tragédie scripturaire est alors toute entière dans l’impossibilité de mobiliser la récolte des mers lointaines pour en faire autre chose qu’un inventaire du monde naturel, au moment même où il se penche sur la succession géographique des espèces d’un même genre et où il théorise la transformation de certaines espèces dans d’autres.
6Le voyage, ainsi discipliné, rend possible la production du savoir naturaliste à Paris, au Muséum. Cette distinction entre les deux pôles de l’activité naturaliste a aussi un versant social : elle implique la division du travail scientifique entre le collecteur et le savant de cabinet, mais aussi la subordination du premier au second. Ce modèle interprétatif mérite néanmoins trois remarques. D’une part, il ne fonctionne véritablement qu’avec des réseaux très centralisés et parfaitement contrôlés, typiquement dans le cas des expéditions savantes. Or de nombreux spécimens ne sont pas collectés par des voyageurs mais par les habitants des lieux comme les colons dans les contrées lointaines ; ils n’atteignent le Muséum qu’en passant par de multiples intermédiaires comme les marchands, les ambassadeurs ou les administrations locales, ce qui réduit d’autant les chances d’arriver à bon port ; et pourtant, tout ce monde, bien mal discipliné et encore mal connu des historiens, approvisionne largement les collections naturalistes européennes. D’autre part, ce modèle vaut surtout pour la botanique et, dans une large mesure, pour la zoologie, alors qu’en minéralogie la pratique de terrain demeure importante, ne serait-ce que pour connaître les ressources d’un territoire. Enfin, les relations entre le terrain et le cabinet ne se sont pas modifiées profondément dans le moment révolutionnaire, si ce n’est par l’envoi de professeurs du Muséum lors des missions de confiscation ou durant l’expédition égyptienne, ce qui peut être interprété comme un effacement, même provisoire, de l’ordinaire division du travail scientifique. Encore faut-il remarquer avec Richard W. Burkhardt que dans la France de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle, les naturalistes de cabinet sont parfois également des naturalistes voyageurs à l’image d’Adanson ou de René-Louiche Desfontaines, voire, plus tard, de Cuvier explorant le bassin parisien en compagnie d’Alexandre Brongniart223. Les notions de « voyageur naturaliste » ou de « naturaliste de cabinet », si fréquentes dans la littérature, renvoient en définitive moins à des personnes qu’à des fonctions que les naturalistes endossent parfois successivement.
7Est-ce à dire qu’à l’ordinaire rien ne se passe sur le terrain des voyageurs ? C’est probablement affaire de chronologie. Encore à la fin du xviiie siècle, comme le remarque Marie-Noëlle Bourguet, « la science se construit dans le cabinet du naturaliste, non sur le terrain du voyageur. Celui-ci, élément mobile d’un système dont le centre est, à Paris, le Jardin du roi ou l’Académie des sciences, doit, pour être utile, se faire transparent. Il est la main qui recueille les objets, l’œil qui les observe et les décrit, comme pour permettre au naturaliste resté en Europe de voir et de travailler à distance »224. L’histoire naturelle apparaît alors comme une « science de cabinet » et le terrain des voyageurs n’est jamais que « l’aire de recherche sur laquelle le naturaliste exerce ses compétences de taxinomiste »225. Le voyage naturaliste est ainsi un « anti-terrain ». En 1798, alors que se prépare l’expédition d’Égypte, Cuvier refuse d’y prendre part. Un quart de siècle plus tard, il explique les raisons de son refus226 :
Mon calcul fut bientôt fait. J’étais au centre des sciences et au milieu de la plus belle collection, et j’y étais sûr d’y faire de meilleurs travaux, plus suivis, plus systématiques, et des découvertes plus importantes, que dans le voyage le plus fructueux. J’indiquai Savigny à ma place ; il fut accepté et je me suis toujours félicité de cette détermination.
8En 1807, à propos d’un ouvrage de Humboldt, Cuvier, archétype du savant de cabinet, synthétise l’opposition entre le naturaliste voyageur et le naturaliste sédentaire : le premier, en contact avec une multitude d’êtres disposés « dans les lieux mêmes où les plaça la nature » et « dans toute la plénitude de leur vie et de leur action », peut établir des « rapports avec ce qui les entoure » mais il est menacé de ne conserver de « ses observations que des traces isolées et fugitives » ; le second, qui ne dispose que de « récits plus ou moins sujets à erreur » et « d’échantillons plus ou moins altérés », ne peut pas voir « la nature en action » mais « il en fait passer tous les produits en revue devant lui » et dispose seul de la « faculté de comparer »227. Mais le « calcul » de 1798 est aussi une stratégie de carrière : il a plus à faire et à gagner en demeurant au Muséum, « centre des sciences » et « plus belle collection » d’Europe, qu’à crotter ses bottes dans l’aventure égyptienne. Cette même année 1798, il lance d’ailleurs un grand programme de recherche paléontologique en demandant aux savants européens de lui envoyer des fossiles, des dessins ou des moulages contre la promesse de remerciements dans une future publication228. À la collecte de spécimens, il préfère alors, selon Martin Rudwick, la « collecte d’alliés internationaux » réduits au rôle d’informateurs : le cabinet de Cuvier est le centre vers lequel convergent une multitude d’objets ; il est aussi le lieu où se fabrique la centralité de Cuvier dans les sciences naturelles du début du nouveau siècle229.
9Le primat du cabinet suscite bien des réactions soit que le terrain soit présenté comme le lieu où s’éprouvent les connaissances acquises au cabinet, soit que l’observation des plantes dans leur « état naturel » permette au botaniste de « distinguer les espèces des variétés accidentelles en observant toutes les nuances de leur dégradation »230, soit, cas le plus fréquent, que la connaissance du lieu natal des plantes rende possible leur acclimatation dans les jardins botaniques de la métropole231. Pour autant, le terrain n’est pas conçu ici comme « l’espace où s’articulent des phénomènes naturels »232. Comme opérateur intellectuel, il n’apparaît qu’au tournant des xviiie et xixe siècles, et d’abord en minéralogie et en géologie233. En botanique, la notion apparaît plus tard quand la discipline cesse d’être d’abord une science taxinomique. À la fin du xviiie siècle, les Flores recensent les différentes espèces de plantes qui croissent sur un territoire dans le cadre intellectuel de la statistique botanique : la province d’Ancien Régime, puis le département révolutionnaire ne sont que des circonscriptions administratives commodes qui délimitent l’espace de la collecte et celui de l’inventaire234. À propos de la Flora Atlantica publiée par le botaniste Desfontaines entre 1798 et 1800, Jean-Marc Drouin observe qu’il « ne parle pas de repérer la concomitance entre la variabilité du milieu et celle du végétal, mais plutôt d’éliminer cette variabilité, pour dégager l’invariant taxonomique. Ce qui revient à dire tout simplement que le programme de collecte de Desfontaines n’est pas encore celui de la géographie botanique »235. Il faut en effet attendre les premières années du xixe siècle, les travaux de Candolle et de Humboldt pour que le terrain, comprendre ici l’ensemble des données physiques de l’environnement, devienne le modèle explicatif de la distribution des plantes sur la planète. C’est ainsi qu’entre 1750 et 1820 et à des rythmes différents selon les branches de l’histoire naturelle, le paradigme du terrain est élaboré par les savants, sans, pour autant, que l’on puisse dire que le moment révolutionnaire ait ici joué un rôle déterminant.
10Pendant la période révolutionnaire, le savoir naturaliste se construit donc encore au sein des collections par la fréquentation régulière des spécimens. Mais s’agit-il seulement, ou d’abord, des collections nationales du Muséum ? Rien n’est moins sûr. On pourrait partir de plusieurs exemples empruntés aux différentes branches de l’histoire naturelle en commençant par la botanique. En 1802, Candolle est chargé par Lamarck d’une nouvelle édition de la Flore française qui paraît en 1805. Dans ses Mémoires et souvenirs, Candolle énumère les « matériaux » mis à sa disposition pour la publication : son propre herbier ; celui de L’Héritier qu’il a acquis ; ceux de Lamarck et de Delessert ; ceux, personnels, de Desfontaines et de Jussieu236. Toutes ces collections appartiennent privativement à des naturalistes, amateurs ou professeurs du Jardin des plantes. Il en va de même pour les collections conchyliologiques. En 1798, dans son Tableau élémentaire d’histoire naturelle, Cuvier remercie Lamarck pour le « grand secours » qu’il a trouvé dans la collection particulière de coquilles qu’a constituée son collègue237. Trois ans plus tard, en 1801, dans la préface de son Système des animaux sans vertèbres, Lamarck souligne l’importance de sa propre collection pour la détermination des caractères spécifiques : « Je n’ai pas employé servilement les caractères présentés dans d’autres ouvrages ; car ayant à ma disposition la magnifique collection du Muséum, et une autre assez riche que j’ai formée moi-même par près de trente années de recherches, j’ai pu vérifier ceux dont j’ai fait usage et qui sont dans ce cas, et je l’ai fait autant qu’il m’a été possible »238. Dans ses « Mémoires sur les fossiles des environs de Paris », publiés entre 1802 et 1806, Lamarck indique d’ailleurs l’origine des coquilles qu’il décrit : son cabinet particulier et celui de Defrance, « amateur éclairé », en fournissent la plupart mais certains spécimens proviennent des collections de Jussieu et de Louis-Claude-Marie Richard Richard239. De même, dans son Histoire naturelle de la montagne Saint-Pierre de Maestricht publiée en l’an VI, Faujas réunit et compare des fossiles conservés dans les collections du Muséum de Paris, de Harlem ou de Louvain, et dans les cabinets particuliers de Camper, de Roux et de Lamarck240. Ainsi, et malgré l’accroissement considérable des collections du Muséum, les cabinets particuliers, souvent davantage spécialisés, demeurent indispensables dans la production des savoirs naturalistes.
11Par ailleurs, l’accès des naturalistes aux collections nationales est de fait restreint par ceux qui en ont la charge. Au début de l’année 1793, Bernardin de Saint-Pierre fait observer au ministre Roland241 :
Quoique plein de zèle et de connaissance en botanique il [Lamarck] n’est point du tout occupé. Comme je ne l’avais pas encore vu il y a deux mois, je lui écrivis sur ses devoirs, il vint me trouver aussitôt et me dit qu’il ne demandait pas mieux que de travailler aux herbiers du Cabinet qui avaient un besoin urgent de réparations et d’une nouvelle nomenclature, mais que jusqu’à présent, on ne le lui avait pas permis.
J’en parlai aux anciens, ils me dirent que la place de M Lamarck était inutile, que M. La Billarderie ne l’avait créée que pour l’obliger, que les herbiers du Cabinet dépendaient naturellement de M. Desfontaines et Jussieu et que tous deux s’occupaient au soin de les ranger.
12En 1793, le travail sur les herbiers du Muséum est ainsi réservé aux deux professeurs de botanique, également conservateurs des collections. Faute de place disponible dans les locaux de l’institution, il faut alors en déménager une partie chez des particuliers, comme le rapporte Deleuze : « ceux de Commerson étaient mis en dépôt chez M. de Jussieu, celui de Dombey avait été prêté par un ordre du ministre à M. L’Héritier qui s’était chargé de le décrire ; la collection était inutile pour l’étude, parce qu’on ne savait où trouver ce qu’on cherchait »242. Jussieu qui dispose ainsi, momentanément et à titre privé, d’une collection nationale, publie en 1803 une série d’articles sur des genres nouveaux découverts dans l’herbier de Commerson243. Le cas de Cuvier est également éclairant. En 1806, il offre au Muséum sa collection de fossiles, fruit de ses recherches dans les carrières de Montmartre mais, à cette date, il a déjà publié son article « Sur les espèces d’animaux dont proviennent les os fossiles répandus dans la pierre à plâtre des environs de Paris » dans les Annales du Muséum244. Dans ces mêmes années, il établit son logement au Jardin des plantes, une simple porte séparant son appartement de la collection d’anatomie comparée du Muséum245. Il semble bien que l’on observe ici une véritable « privatisation » de l’accès aux collections publiques par ceux qui sont officiellement revêtus du titre de professeurs-administrateurs et qui sont parfois rivaux : à propos du cabinet d’anatomie comparée, Cuvier parle d’ailleurs de « ma collection » et, à sa mort, Geoffroy Saint-Hilaire regrette, amer, que son collègue « écrémait indûment » les collections reçues en s’en réservant l’accès pour son travail d’anatomiste246.
13Alors que les moyens de l’étude de la nature sont monopolisés par quelques rares professeurs, on voit s’approfondir, à l’aube du nouveau siècle, un discours professionnel qui oppose, au sein même du milieu naturaliste, les amateurs aux vrais savants. Cuvier se moque ainsi cruellement des « seconds couteaux » au moment de la querelle des dictionnaires qui l’oppose à Charles-Nicolas Sigisbert Sonnini de Manoncourt et Julien-Joseph Virey, disciples de Buffon247 :
En devenant populaire, elle [l’histoire naturelle] est devenue aussi l’objet de spéculations intéressées. Pendant que de vrais naturalistes, pénétrés de reconnoissance pour les travaux de leurs prédécesseurs, mais sentant combien ils sont encore insuffisans, méditoient sur les nouvelles bases à établir et recueilloient dans le silence les faits propres à les appuyer, des auteurs moins difficiles, et par conséquent plus féconds, produisoient à l’envi des ouvrages qui portent l’empreinte de la manière dont ils ont été composés. Retirés dans leurs cabinets, seulement avec des livres, renonçant à l’observation, dénués même pour la plupart de moyens d’observer, ils ont cru enrichir le système de la nature, en remplissant ce vaste catalogue de phrases recueillies de toutes parts, sans comparaison, sans examen des autorités dont elles provenoient, et en les accompagnant d’une foule de citations discordantes et souvent contradictoires.
[Les professeurs parisiens sont au contraire] dépositaires et ordonnateurs de collections que les travaux de vingt années ont rendues les plus belles d’Europe, et que la munificence du Gouvernement ne cesse d’accroître ; pourvus d’emplois honorables, qui, les forçant de s’occuper continuellement des productions de la nature, leur laissent cependant le loisir de publier les observations qu’elles leur fournissent ; centre auquel aboutissent les découvertes des observateurs que l’État entretient dans les climats divers, ou de ceux qu’il envoie dans les mers lointaines.
14En 1804, Cuvier commence par présenter le contexte culturel de l’affrontement entre vrais et faux savants, celui de la mode de l’histoire naturelle avec, comme corollaire, la production éditoriale des dictionnaires et ses spéculations intéressées. Désormais, et à la différence de la science mondaine des Lumières, il n’est plus question de mélanger amateurs et professionnels, intérêt pécuniaire et recherche savante, ni de confondre le labeur créatif et le simple recopiage. Cuvier, qui craint le retour des demi-savants dans le champ naturaliste, approfondit l’opposition entre le vrai naturaliste, celui qui travaille dans une institution de savoir, et le dilettante, utilisant et recopiant uniquement des livres. Or cette distinction sociale repose sur les « moyens d’observer », comprendre, notamment, l’accès privilégié aux collections nationales. Avec Cuvier, la boucle se referme qui voit la promotion d’une science officielle : les collections d’amateurs sont devenues plus rares après la Révolution ; celles du Muséum tiennent lieu à la fois d’instrument de travail et de source d’autorité pour les professeurs ; de fait, les amateurs qui ne disposent plus guère des premières et qui n’ont pas accès aux secondes sont rejetés au-dehors de la science légitime telle que la définit, dès 1804, le titulaire de la chaire d’anatomie comparée.
LE PARTI-PRIS DES CHOSES
15Les historiens des sciences naturelles ont longtemps méprisé les objets qui obscurcissaient le ciel des Idées. Cela revenait pourtant à négliger le travail même du naturaliste qui repose sur l’observation, la description et la comparaison des choses naturelles. Mais qu’est-ce qu’un bon spécimen aux yeux d’un naturaliste ? Pendant la période révolutionnaire, les professeurs du Muséum définissent, à deux occasions, la valeur scientifique des spécimens zoologiques : dans les rapports sur la confiscation du cabinet du Stathouder et, en contrepoint, dans le « Rapport sur les collections d’histoire naturelle rapportées d’Égypte par E. Geoffroy »248. Dans les deux cas, le critère essentiel est, sans surprise, la rareté. Une espèce est réputée rare, non pas si elle se rencontre exceptionnellement dans le monde naturel mais si peu de collections naturalistes en possèdent des individus ou si l’on n’en connaît pas de description. Dans la collection stathoudérienne, tel oiseau est remarquable parce qu’il « n’en existe que quatre individus dans les beaux cabinets d’Amsterdam et de Rotterdam » et certaines espèces de poissons sont précieuses parce qu’elles « n’ont pas encore été décrites par aucun naturaliste, ni même indiquées par aucun voyageur »249. De même, au retour de l’expédition d’Égypte, les professeurs de zoologie et d’anatomie comparée félicitent Geoffroy Saint-Hilaire d’avoir choisi les petits animaux longtemps négligés par les naturalistes : ils insistent sur « les espèces nouvelles » de quadrupèdes, d’oiseaux et surtout de poissons, rapportées par leur collègue et sur celles, qui « sans être nouvelles, manquoient cependant » aux collections du Muséum250. D’ailleurs, une bonne part de la littérature naturaliste parle de ces « nouveautés » : par exemple, plus de la moitié des articles du deuxième volume des Annales du Muséum décrivent des genres nouveaux, des espèces inconnues jusqu’alors ou des variétés rares251. L’acquisition de spécimens nouveaux ou rares a ainsi une double fonction : elle permet de compléter les séries nationales du Muséum en en faisant la première collection européenne ; elle conforte les stratégies de carrière des professeurs en leur offrant la possibilité de produire et de publier de nouvelles descriptions.
16La valeur scientifique d’un spécimen dépend également de son état de conservation. On sait l’importance de la qualité du travail des taxidermistes dans la fabrication des animaux naturalisés et la vulnérabilité de ces derniers, sensibles à la poussière et, surtout, aux insectes252. Les commissaires en Europe septentrionale expliquent ainsi que certaines pièces du cabinet stathoudérien « remplaceront avantageusement les objets dégradés ou d’une conservation inférieure »253. De même, les rapporteurs de la mission de Geoffroy Saint-Hilaire insistent sur le bon état des spécimens rapportés d’Égypte : les poissons sont pour la plupart « conservés dans la liqueur »254 ; les momies, retirées de leurs langes, produisent de beaux individus préservés par le climat du désert et l’art des anciens embaumeurs : « l’oiseau est là, au dessèchement près comme s’il venoit de mourir »255. Un individu mal préservé, et ce sont alors peut-être ses caractères distinctifs qui s’effacent. Ainsi, la collection du Muséum renferme de superbes oiseaux du Paradis que les marchands apportent de Nouvelle Guinée en Europe dépourvus de leurs « jambes » — c’est pourquoi on les appelle longtemps apodes — alors que c’est justement sur ce caractère morphologique que Lacépède, l’administrateur de la collection ornithologique, établit sa classification des oiseaux256. La valeur scientifique de l’oiseau ainsi amputé est alors considérablement réduite aux yeux du naturaliste.
Préparation d’un animal de collection
Planche 2 extraite de Turgot (Étienne-François), Mémoire instructif sur la manière de rassembler, de préparer, de conserver et d’envoyer les diverses curiosités d’histoire naturelle… (1758) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
17D’autres critères interviennent ensuite pour déterminer la valeur d’un spécimen, à commencer par sa taille et sa perfection. Dans le cabinet de La Haye, les commissaires saisissent un « squelette de crocodile, très précieux par sa grandeur, sa perfection, et par conséquent sa rareté, les voyageurs n’apportant presque jamais en Europe que la dépouille des individus un peu grands de cette énorme espèce de quadrupède ovipare »257. En Égypte, les rapporteurs regrettent que Geoffroy Saint-Hilaire n’ait pu rapporter que le squelette d’un « énorme silure du Nil, d’une espèce nouvelle » parce qu’il « n’a pu en avoir d’assez petits pour les mettre dans ses vases » mais il revient en France avec « un grand individu du serpent Haje »258. Un gros spécimen est sans doute plus spectaculaire : il épate l’œil. Mais l’important est sans doute davantage la valeur épistémique d’un individu adulte puisque les caractères morphologiques qui définissent l’espèce y sont plus facilement observables. Trois critères, nettement hiérarchisés, déterminent ainsi la valeur scientifique des spécimens zoologiques : au premier chef, la rareté de l’espèce ; ensuite, la perfection du spécimen et son état de conservation. Cela vaut d’abord pour les animaux empaillés, moins pour les objets des deux autres règnes, plantes et minéraux. La question de la rareté des objets reste entière mais le problème de la conservation des individus se pose avec moins d’acuité.
18Faute d’individus à sa disposition, le naturaliste a recours à ce que Martin Rudwick appelle des « spécimens de substitution » : descriptions, dessins ou bien encore moulages de fossiles dont l’auteur étudie l’usage et la circulation en anatomie comparée autour de la figure de Cuvier259. Ainsi, au Muséum, la collection des vélins doit compléter « les lacunes existantes dans la série des plantes vivantes »260. Mais, vers 1800, spécimens et substituts sont nettement hiérarchisés dans le discours scientifique. C’est encore une question de valeur : un individu « parfait » vaut davantage qu’un autre quelconque ; un spécimen vaut mieux qu’un de ses substituts ; un dessin vaut mieux qu’une description. Les choses naturelles remplacent ainsi avantageusement leurs représentations. À propos de la mission septentrionale, on lit dans la Décade philosophique que « la plupart des animaux indiqués par Buffon, dans ses supplémens d’histoire naturelle, par Camper et Allamand, dans leurs dissertations, s’y trouvent en nature. Nous verrons ces grands quadrupèdes, qui ne sont connus de naturalistes que par des descriptions peu exactes »261. De même, les naturalistes des Lumières préfèrent ordinairement les dessins aux descriptions textuelles qu’ils jugent toujours trop longues : dans son Histoire naturelle, Buffon écrit, à propos de la Girafe, que « c’est aux figures à suppléer à tous ces petits caractères, et le discours doit être réservé pour les grands : un seul coup d’œil sur une figure en apprendrait plus qu’une pareille description, qui devient parfois moins claire qu’elle est minutieuse »262. À la fin du xviiie siècle, un large consensus s’est établi sur la valeur relative des objets que le naturaliste manipule et, en 1804, il revient à Cuvier de proposer, dans un remarquable article sur l’Ibis des anciens Égyptiens, une hiérarchie de ce qu’il appelle les « preuves positives » du naturaliste : la relique momifiée de l’animal vaut mieux que « les figures exactes » des Anciens qui à leur tour valent mieux que leurs « excellentes descriptions »263.
19Vers 1800, les dessins d’histoire naturelle sont les principaux spécimens de substitution. Le plus souvent sous forme de gravures, ils intègrent les réseaux d’échange naturaliste au même titre que les objets — parfois rares et souvent encombrants — formant alors des « musées de papier »264. Cuvier dans l’éloge funèbre de son collègue et professeur d’iconographie Gérard Van Spaendonck souligne ainsi que « les Redouté, les Huet, les Baraband, ont multiplié le Muséum d’Histoire naturelle ; ils ont fourni en quelque sorte au monde entier des cabinets complets et portatifs »265. À Paris, vers 1630, Gaston d’Orléans commence une collection de représentations botaniques de format à peu près régulier (46/33 cm) sur parchemin aquarellé266. À l’origine disjointe du Jardin du roi, son contemporain, la collection dite des vélins est progressivement rattachée à l’institution naturaliste sous le règne de Louis XIV et tout au long du xviiie siècle267. Sous la Révolution, la collection évolue considérablement. En 1793, le décret de refondation du Muséum ordonne le transport de la collection « des plantes & animaux peints d’après nature » du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale dans celle du Muséum268. Les 64 porte-feuilles de vélins sont rapidement déménagés : classée selon la méthode de Jussieu, déjà adoptée dans l’École de botanique, la collection doit servir d’auxiliaire pédagogique au cours des professeurs269. Une dizaine d’années plus tard, le 24 octobre 1804, les professeurs du Muséum demandent à Sébastien Gérardin, auparavant professeur d’histoire naturelle à l’École centrale des Vosges, de rédiger un catalogue des vélins en collaboration avec les professeurs270. Désormais, « chaque professeur, avant de commander un dessin, aura égard à ceux qui pourront exister sur la même espèce dans la collection ». Les vélins devront être rangés méthodiquement, liés à une fiche indépendante et enregistrés sur un registre à six colonnes indiquant le numéro d’ordre, le nom du peintre, le nom de l’espèce indiquée, son nom actuel, et surtout un « jugement sur le mérite relatif à l’art et sur les parties qu’il faudrait ajouter pour que le dessin fût complet relativement à la science ». Les vélins de botanique sont classés de cette manière dès 1807.
20Le décret du 10 juin 1793 crée également une chaire d’iconographie naturelle bientôt attribuée à Gérard Van Spaendonck271. Ce dernier ayant délaissé les pinceaux, l’assemblée des professeurs confie, en décembre 1793, la poursuite de l’ancienne collection des vélins aux frères Redouté pour la partie botanique et à Nicolas Maréchal pour la zoologie272. Van Spaendonck dispense néanmoins, chaque jour pair, des cours d’iconographie dans la bibliothèque avec, à proximité, la collection des vélins : cette « école a pour but la perfection de l’histoire naturelle en réunissant aux descriptions la représentation même des objets décrits »273. Ces cours répondent également à une demande ancienne de l’Académie des sciences, sollicitant, au milieu du xviiie s., des dessinateurs jeunes parce qu’encore malléables, non maniérés et dépourvus de personnalité artistique274. Cette recherche d’une virginité académique explique d’ailleurs la présence de nombreuses jeunes filles interdites d’accès dans les Écoles de dessin sous l’Ancien Régime comme aux cours de dessin des Écoles centrales sous la Révolution. En mars 1806, la collection renferme 5 321 pièces qui ne sont d’ailleurs pas toujours sur vélin et dont certaines ont été réalisées par les élèves de Van Spaendonck275. Pendant la période révolutionnaire, leur nombre augmente considérablement et surtout, leur contenu se diversifie. La collection intègre désormais — outre les plantes, oiseaux, coquilles et papillons déjà présents — des poissons, des reptiles, des mammifères et même des représentations d’anatomie comparée276. Or ces vélins sont très liés à la pratique des naturalistes du Muséum au début du xixe siècle. Les registres de prêts de la bibliothèque attestent de leur usage par les professeurs, tandis que certaines représentations d’Aubriet datant du premier quart du xviiie s. sont gravées dans les publications de Desfontaines277. De même, la collection renferme les dessins originaux des planches publiées par les professeurs pour les Annales du Muséum ou pour la Description d’Égypte278. La collection est ainsi le point d’entrée de toute étude portant sur les représentations naturalistes au Muséum vers 1800.
21Entre le xviiie et le début du xixe siècle, dans ce que Lorraine Daston et Peter Galison appellent une histoire de « l’objectivité », la planche naturaliste est le modèle d’une manière « fidèle à la nature » (« Truth-to-Nature ») de représenter les choses279. À partir du xviiie siècle, les dessins se doivent d’être réalisés « d’après nature » — l’expression apparaissant souvent au bas des planches gravées —, ce qui n’empêche d’ailleurs pas les nombreux emprunts, presque toujours partiels, à la tradition iconographique comme l’a montré Kärin Nickelsen dans une étude très minutieuse des représentations de quelques espèces végétales280. En botanique et en zoologie, le dessin, réalisé à la vue des choses et, souvent, d’autres représentations, se réfère parfois à un spécimen choisi comme exemplaire, mais fabrique plus souvent un archétype à partir des caractères constants, c’est-à-dire partagés par tous les individus d’une même espèce. La représentation graphique définit le « type » de l’espèce ; la forme fabrique une norme. Le type tel qu’il est fabriqué par l’image définit ainsi l’unicité de l’espèce à partir de la multiplicité des individus donnée par l’expérience. Il se situe au niveau de ce que Michel Foucault appelait le seuil épistémologique « à partir duquel la connaissance scientifique peut commencer »281 ; en deçà, point de science reconnue comme telle, mais les savoirs des joailliers ou des fleuristes qui valorisent les individus exceptionnels ou les variétés remarquables. Dans cette fabrication du type iconographique comme image de référence, le passage du dessin à la gravure est une étape essentielle. Thierry Hoquet remarque, à propos de l’Histoire naturelle de Buffon, que les gravures permettent « la stabilisation de l’espèce et la constitution d’un corpus de références homogènes » : en fixant « l’espèce sous l’unité de la description », elles jouent « une fonction critique contre la multiplication des espèces », les quiproquos et les confusions282.
22Autour de 1800, deux moments permettent de définir la bonne image naturaliste, son régime propre par rapport à d’autres types de représentation. En mai 1795, les professeurs du Muséum demandent au Comité d’Instruction publique de nouveaux dessins de plantes conservés au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale283. Le bibliothécaire en chef, Jean-Baptiste Lefebvre de Villebrune, réagit vivement et demande au Comité de rejeter la requête des professeurs284. Son argumentaire fait reposer une distinction entre deux usages des dessins sur une opposition entre deux qualités des images : la « beauté » de certaines illustrations les destine de préférence aux « arts », où elles fournissent des « modèles aux manufactures d’étoffe » ; la « vérité » de certaines autres les destine plutôt à l’usage des botanistes pour « étudier la science ». Les premières doivent demeurer au Cabinet des estampes tandis que les secondes peuvent rejoindre la collection des vélins. Or dans les dessins demandés par le Muséum, « si la beauté s’y montre quelquefois avec tous ses charmes, rarement la vérité l’accompagne » : tronqués, mal classés, ces dessins sont « inutiles ou faux à l’égard de l’étude de la botanique », en somme de bien mauvaises images d’histoire naturelle. En 1803, dans la notice nécrologique de Maréchal, Deleuze, écrit285 :
Le dessin appliqué aux sciences ou aux arts mécaniques, est une sorte de langue qui parle seulement à la raison, et qui a besoin d’être très-exacte pour ne pas nous jeter dans l’erreur. Un tableau qui représente une scène historique peut exciter l’enthousiasme du peuple et remplir ainsi son but malgré beaucoup d’incorrections ; le dessin d’une machine ne sert à rien s’il n’est pas d’une exactitude rigoureuse, et dans l’histoire naturelle la précision des formes doit être réunie au caractère propre aux divers objets. Ce genre de dessin exige donc à la fois les talens du peintre et les connoissances du naturaliste, et ses difficultés sont sur-tout très-grandes lorsqu’on l’applique à la zoologie.
23L’image naturaliste se définit ainsi par rapport à la peinture de fleurs chez Lefebvre de Villebrune et par rapport à la peinture d’histoire chez Deleuze. De ces deux genres picturaux, la bonne image d’histoire naturelle, se distingue par son souci de « vérité » ou d’« exactitude », de ressemblance avec ses objets, selon un lieu commun de la représentation naturaliste qui se manifeste dès la Renaissance au travers d’expressions comme vivae eicones, vera effigies ou vrais portraicts286.
Vélin du Polyptère Bichir
Vélin d’Henri-Joseph Redouté (portefeuille 66, folio 147) Cliché Muséum national d’histoire naturelle (Paris) - Direction des bibliothèques et de la documentation. Dist. RMN / Tony Querrec.
Gravure du Polyptère Bichir
Planche extraite de Geoffroy Saint-Hilaire (Étienne), « Histoire naturelle et description anatomique d’un nouveau genre de poisson du Nil, nommé Polyptère », Annales du Muséum, 1802, pl. 5.
Gravure du Polyptère Bichir
Planche de Bouquet d’après le dessin de Henri-Joseph Redouté (1809) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
24Pourtant, il faut confronter ce discours convenu sur la nécessaire transparence de l’image scientifique avec les représentations effectivement réalisées — ou mobilisées — par les professeurs du Muséum. Les gravures publiées dans les six premiers volumes des Annales du Muséum, soit entre 1802 et 1805, forment l’échantillon d’étude. Le périodique est une émanation directe du Muséum : il rassemble principalement les articles de ses professeurs dont il hâte la publication et propose une histoire à la gloire de l’institution dans les « Notices historiques » écrites par Jussieu287. En quelques mois, les Annales se substituent à tout un ensemble de périodiques encyclopédiques où les professeurs publiaient jusqu’alors et, rapidement, les mémoires étrangers qui y sont admis valent consécration officielle pour leur auteur, faisant d’eux les clients des professeurs288. Dans les six volumes, quelques dizaines d’articles sont accompagnés d’environ deux centaines de gravures, soit environ 35 par volume. L’impression d’homogénéité est donnée par la mise en page des planches, d’ailleurs plus normalisée en botanique : une ou deux espèces — presque toujours d’un même genre —, leur nom au bas de l’image, le numéro du volume des Annales en haut à gauche, celui de la planche en haut à droite, le nom du dessinateur en bas à gauche et celui du graveur en bas à droite. Les noms des dessinateurs apparaissent irrégulièrement. Parmi ceux-ci, on rencontre certains professeurs comme Haüy, Cuvier et Lamarck, une femme, Sophie de Luigné, mais aussi Pierre-Joseph Redouté et Pierre-Antoine Poiteau289. Ils sont tous des contemporains actifs de la publication des Annales, bien que le périodique renferme également des représentations anciennes, une planche de Van Spaendonck et deux autres de l’Anglais Sydenham Edwards par exemple290. Certains vélins du Muséum passent dans les Annales sous forme de gravures, on l’a vu. Mais, entre le dessin originel et la gravure, l’image n’est jamais tout à fait la même. Ainsi, quand l’aquarelle du Polyptère bichir d’Henri-Joseph Redouté passe sous forme de planche dans le périodique, elle est inversée par le procédé même de la gravure, partiellement rognée et accompagnée de numéros pour la légende.
25Ces planches gravées ont toutes en commun un certain nombre de traits, que les espèces représentées soient des plantes ou des animaux, voire des minéraux. Première caractéristique de ces planches : la part réduite du texte au bas du dessin. Le texte indique simplement le nom de l’espèce, parfois aussi celui du genre, en particulier en botanique avec la nomenclature binomiale, exceptionnellement une indication d’échelle. Quand il y a une légende développée, celle-ci est reportée en fin de notice. Deuxième caractéristique : le privilège du dessin sur la couleur291. La quasi-totalité des planches des différents exemplaires consultés des Annales consultés sont laissées en grisaille, à l’exception de quelques-unes comme la planche de bézoards rehaussée de couleurs sur l’exemplaire du premier volume du périodique conservé à la bibliothèque de Stanford292. À cela, une évidente raison économique : les planches coloriées sont coûteuses et réservées aux publications luxueuses293. Mais on trouverait aussi un motif épistémologique plus profond. En botanique, Linné prescrit de ne tenir aucun compte de la couleur des fleurs qui ne permet pas de caractériser les espèces mais seulement les variétés des plantes294. En minéralogie, Haüy rassemble le rubis ou la topaze sous une espèce unique du genre du quartz, la télésie, dont les pierres précieuses distinguées par la couleur ne sont que des variétés295. Les couleurs permettent de distinguer des variétés, mais non des espèces : elles ne sont pas l’affaire du naturaliste, botaniste ou minéralogiste, mais de ceux qui font commerce des belles apparences. En un sens, on pourrait aller jusqu’à dire qu’une planche coloriée est une mauvaise image scientifique justement parce qu’elle représente une variété plutôt qu’une espèce, des traits variables et non des caractères constants.
Exemple de planche botanique
Le genre Petunia avec en regard les explications suivantes : No 1. P. Parviflora. a, fleur détachée, accompagnée de ses feuilles florales ; b, la même ; c, la corolle fermée ; d, la même, fendue dans sa longueur pour laisser voir les cinq étamines inégales ; e, le calice ouvert renfermant le pistil ; f, le pistil séparé ; g, la capsule ouverte par le haut ; h, les graines. No 2. P. nyctaginiflora, a, la corolle ouverte, avec ses cinq étamines ; c, le pistil séparé ; b, la capsule ouverte, entourée du calice persistant. Planche et légende extraites des Annales du Muséum, vol. 2, 1803, pl. 47 et p. 216.
26Troisième et dernier trait : la valorisation des caractères essentiels de l’espèce. En botanique, les planches qui illustrent les textes de Desfontaines négligent souvent les racines tandis que de petites vignettes décrivent précisément les organes sexuels. En zoologie, le dessin privilégie souvent la vue de profil pour le corps ou de trois quarts pour la tête. L’exemple des planches de poissons égyptiens qui accompagnent les notices de Geoffroy Saint-Hilaire est ici éclairant : pour le Polyptère bichir, la planche propose une vue latérale comme pour les quadrupèdes ; pour l’Achire barbu, poisson plat, la vue est surplombante comme pour les insectes296. Pour les mêmes raisons, les serpents sont représentés dans des contorsions artificielles qui font voir à la fois leur ventre et leur dos297. L’image naturaliste semble ici obéir à un principe général d’économie de la représentation qui offre au spectateur le maximum d’informations spécifiques dans le minimum de vues298. Néanmoins, les différences sont sensibles entre les différents règnes. En zoologie, une même espèce d’oiseau est parfois représentée au travers de deux images en cas de dimorphisme sexuel299. Il s’agit alors d’éviter que le mâle et la femelle soient tenus pour deux espèces différentes, ce qui est encore une manière de stabiliser l’espèce. La minéralogie est le parent pauvre de l’ensemble des gravures des Annales. Haüy en représente les différentes espèces sous forme de figures géométriques où seules les arrêtes des volumes désignent les formes cristallines300. Ces dessins géométriques, constructions purement abstraites des espèces minérales, ne visent même plus la ressemblance avec les échantillons comme les représentations iconiques des plantes et des animaux.
Économie de la représentation naturaliste
Planche extraite de Lacépède (Bernard de), « Mémoire sur plusieurs animaux de la Nouvelle-Hollande dont la description n’a pas encore été publiée », Annales du Muséum, vol. 4, 1804, pl. 56.
27De manière générale, si les planches des Annales ne donnent qu’un aperçu de l’immense production iconographique de l’histoire naturelle au début du xixe siècle, on peut néanmoins en dégager un style que l’on pourrait qualifier de « sévère » par opposition à la manière « aimable » de La Ménagerie du Muséum. Dans le périodique scientifique, les représentations bannissent les décors, s’attardent, dans de petites vignettes, sur les organes sexuels des espèces, et sont chargées de numéros renvoyant à une légende à la fin de l’article. Dans la Ménagerie, les animaux sont représentés dans des décors, celui de la loge du Muséum pour la lionne ou devant des ruines antiques pour l’oie égyptienne301. Ainsi, on voit très clairement se former deux régimes de représentation, avec les deux pôles de « l’agrément » et de « l’utilité » et une tension constante entre les deux. La différence entre le style des Annales et celui de la Ménagerie ne tient ni aux auteurs des notices — dans les deux cas il s’agit des professeurs du Muséum —, ni au dessinateur — Maréchal dessine également pour le périodique savant —, mais bien au public visé par les deux publications : La Ménagerie s’adresse aux curieux, y compris aux enfants ; les Annales sont destinées à l’Europe savante. Cela peut encore être interprété comme une des conséquences du processus d’institutionnalisation du domaine naturaliste : l’Histoire naturelle de Buffon maintenait un équilibre, caractéristique de l’ancien régime scientifique, entre discours savant et séduction mondaine ; quelques décennies plus tard, la gravure sévère et l’image aimable empruntent séparément le chemin de l’impression.
28Présents au sein des collections naturalistes et des ouvrages savants, spécimens et gravures s’invitent ensemble à la table de travail du naturaliste. Il s’agit toujours de repérer les petites différences entre les espèces, de les nommer et de les ordonner, ce qui suppose l’observation, la description et la comparaison des spécimens et de leurs substituts. Après avoir défini les critères qui en font de bons objets de science, on voudrait comprendre comment ils sont utilisés et confrontés dans la production de savoirs nouveaux. Prenons l’exemple d’un très court article publié en 1802 dans les Annales sous le titre : « Description du Vautour de Pondichéry »302. Son auteur, François-Marie Daudin, est un naturaliste spécialisé dans l’étude des reptiles et, surtout, des oiseaux : il publie un Traité élémentaire et complet d’ornithologie qui connaît un certain succès en l’an VIII, participe à la vaste entreprise de réédition de l’Histoire naturelle de Buffon sous la direction de Sonnini de Manoncourt, et fait paraître quelques articles d’ornithologie dans les trois premiers volumes des Annales303. Il apparaît bien comme un « second couteau » qui aurait ses entrées au cœur de l’Europe naturaliste. Dans sa « Description », il commence par définir la famille des vautours, puis la section des vautours disposant de caroncules. L’article se poursuit par une comparaison entre deux spécimens de cette même section. Le premier, le vautour de Pondichéry, a été observé par Pierre Sonnerat lors de son voyage en Asie dans les années 1770 : Sonnerat en offre une description dans son Voyage aux Indes et à la Chine et l’accompagne d’une gravure « tellement inexacte », selon Daudin, « que Mauduyt n’a pas osé faire mention des caroncules du cou dans son Dictionnaire ornithologique »304. Le second, l’Oricou, a été rapporté par François Levaillant de son voyage en Afrique dans les années 1780 : Levaillant en conserve jalousement le spécimen dans sa collection et en propose la description et la gravure dans son Histoire naturelle des oiseaux d’Afrique305. Ces deux descriptions et ces deux gravures ont paru « tellement semblables » que certains naturalistes ont cru que le vautour de Pondichéry était la femelle du vautour d’Afrique. Mais Daudin ne s’est pas contenté de ces gravures, dont l’une ne vaut rien. Il a pu observer en nature les deux spécimens : le premier dans la collection ornithologique du Muséum d’Histoire naturelle où l’a rapporté Massé du Bengale à la fin du xviiie siècle ; le second, dans la collection particulière de Levaillant, longtemps demeurée inaccessible aux curieux306. Daudin remarque que ces deux spécimens diffèrent par cinq de leurs caractères extérieurs, soit au total une dissemblance trop importante pour être rapportée à un dimorphisme sexuel ou à une variation intra-spécifique. Ce n’est donc pas une question de sexe ou de variété et il « seroit plus convenable de regarder ces deux oiseaux comme deux espèces voisines ». Par cette comparaison, Daudin crée ainsi deux espèces distinctes et propose, à son tour, une nouvelle planche du vautour de Pondichéry, plus exacte que celle de Sonnerat. La fonction de cette gravure est double : elle permet de fixer les traits essentiels de l’espèce nouvelle ; elle offre au lecteur la possibilité de confronter par lui-même cette planche avec celle de Levaillant. Autrement dit, elle sert tout à la fois de référence dans la démonstration et de repère pour de futures recherches307.
Le Vautour de Pondichéry de Sonnerat
Planche extraite de Sonnerat (Pierre), Voyages aux Indes orientales et à la Chine…, Paris : chez l’auteur, 1782, vol. 2, pl. 105 Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
L’Oricou de Levaillant
Planche extraite de Levaillant (François), Histoire naturelle des oiseaux d’Afrique, Paris : J. J. Fuchs, An VII [1799], vol. 1, pl. 9. Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
Le Vautour de Pondichéry de Daudin
Planche extraite de Daudin (François-Marie), « Description du Vautour de Pondichéry », Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pl. 20.
UN PEU DE TERRE POUR REFAIRE LE MONDE (OU PRESQUE)
29La fabrique des savoirs naturalistes peut être étudiée au travers d’un cas, celui de la terre d’ombre de Cologne dont le dossier, composé de sources d’archives et imprimées, est à peu près complet. La substance est bien connue à la fin du xviiie siècle pour ses multiples usages : brûlée, elle sert au chauffage des habitations ; réduite en cendre, elle fertilise les champs ; mélangée au tabac, elle en rend la texture plus moelleuse ; et, après une préparation particulière, elle sert de teinture aux peintres308. Longtemps conçue comme une terre purement minérale, sa nature et son origine vont être reconsidérées au cours du voyage septentrional des commissaires Faujas et Thouin. Le récit du baron Trouvé reprend les notes de voyage de ce dernier, savant de cabinet — on dirait plutôt de jardin — par excellence. Né à Paris, Thouin n’a jamais quitté sa ville et son Jardin des plantes avant que la guerre ne le jette sur les routes de l’Europe septentrionale revêtu du titre de commissaire des sciences et des arts. Chargé d’opérer la confiscation des collections naturalistes, comme on l’a vu, l’homme du Jardin se transforme, chemin faisant, en naturaliste voyageur. Ses notes servent de fil directeur et de point de départ pour cette étude sur la terre d’ombre309. Certes, la nouvelle théorie doit sans doute davantage à Faujas qu’à Thouin, tout au moins le premier s’en attribue seul la paternité dans ses articles. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance. Dans les notes plus synthétiques de son collègue botaniste, la démarche savante est décomposée plus clairement. La chose est d’ailleurs assez rare : dans leurs publications, les savants dissimulent souvent ces manières de faire, dégageant les pures idées de la gangue des pratiques. Mais, écoutons-le310 :
Avant de voyager dans ce pays, je m’imaginais que la terre d’ombre, ou la terre de Cologne, qui est employée dans la peinture, était une modification de la terre végétale combinée de quelques substances métalliques.
30En 1794, Thouin a bien quelques idées sur cette terre d’ombre de Cologne. Son esprit n’est pas parfaitement vierge : il dispose d’une théorie sur la nature et l’origine végétale de cette substance. Tout cela lui vient sans doute de discussions suivies avec son collègue et compagnon de route Faujas ou bien encore de la littérature minéralogique du temps. L’état de l’art en 1794 sur la terre d’ombre de Cologne peut être reconstitué. Au milieu du xviiie siècle, Wallerius, dans son Traité de minéralogie, lui assigne une place précise dans sa classification : elle fait partie du règne minéral, de la classe des Terres, « substances minérales peu compactes, composées de particules détachées » ; de l’ordre des Terres en poussière, terres « en poudre, & dont les parties sont détachées les unes des autres » ; du genre des Terres franches, « formées en grande partie par la décomposition ou par la pourriture de substances qui appartiennent à d’autres règnes » ; de l’espèce des terres d’ombre dont elle est une variété mélangée de « parties bitumineuses »311. Une vingtaine d’années plus tard, dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences, le chimiste montpelliérain Jacques Montet expose la découverte d’une mine de terre d’ombre près de Mandagout et conclut : « J’ai reconnu par les épreuves chimiques, que cette terre d’ombre n’est uniquement que du fer entièrement dépouillé de son phlogistique »312. Quelques années plus tard, le baron Hüpsch publie dans la Gazette de Mannheim, puis dans ses Nouvelles découvertes, une première réfutation de Wallerius et de ses successeurs : « tous les Naturalistes et autres Écrivains qui ont traité du Règne minéral, se sont trompés sur la Nature de ce fossile ; ils ont tous cru que c’était une vraye terre, c’est à dire une Terre particulière comme la Craye, l’Argile & c. Sous cette fausse opinion, Wallerius & plusieurs autres Minéralogues ont classé la terre d’Ombre ou de Cologne entre les terres maigres »313. Or Hüpsch « est parvenu à découvrir que la Terre d’Ombre est un véritable bois fossile ; c’est aux environs de Cologne dans les Tourbières & surtout dans un Terrein marécageux que se trouve ce Bois fossile ; suivant les observations de Mr. le B. de Hüpsch, c’est un bois changé en Terre ou décomposé par les eaux minérales »314. Le passage est repris, presque mot à mot, en 1775 dans le Journal de physique de l’abbé Rozier, ce qui devait donner une plus grande visibilité à la thèse du baron colognais315. Pourtant, les choses en restent là. En 1786, dans le quatrième volume de son Histoire naturelle des minéraux, Buffon regarde la terre d’ombre de Cologne « comme une terre bitumineuse, à laquelle le fer a donné une forte teinture de brun » et il la classe dans les « Concrétions du fer » avec la rouille et l’ocre, l’émeril et le wolfram316. Buffon fait ainsi la synthèse des analyses de Wallerius et de Montet, assimilant, au passage, la terre des environs de Cologne avec celle d’un petit village gardois et celle d’une région italienne, l’Ombrie. La thèse de Hüpsch est tout bonnement ignorée. Elle l’est encore après 1793 quand Hüpsch fait paraître sa « Nouvelle découverte sur la véritable origine de la terre d’ombre ou terre de Cologne » dans l’Esprit des journaux317. En 1797 puis en 1802, Faujas rend hommage au savant de Cologne, le « premier qui a considéré sous son véritable aspect la terre brune dont il est question »318. Il en fait un précurseur. Mais Faujas formule aussitôt deux critiques à son encontre : Hüpsch néglige la description des lieux et ses définitions sont trop imprécises. Si le baron échoue à imposer sa thèse, cela tient autant à sa position sociale qu’à ses écrits savants. Hüpsch apparaît comme un simple amateur, ne disposant ni d’une position institutionnelle prestigieuse ni de relais nombreux en dehors de sa ville : c’est typiquement ce que l’on appelle un « second couteau ». La lecture de ses écrits à la lumière du commentaire de Faujas donne une autre raison à cet échec. Les analyses de Hüpsch paraissent trop rapides et surtout mal étayées : les observations ne sont jamais répétées, les descriptions impressionnistes, les mesures absentes et le vocabulaire approximatif. La théorie de Hüpsch n’ayant pas réussi à s’imposer, les savants commissaires prennent le chemin du Nord avec en tête le dossier provisoirement refermé par Buffon.
31Thouin poursuit son récit par la visite du cabinet de Hüpsch, puis des mines de Brühl et de Gracht319 :
Le baron de Hupsch, en me montrant son cabinet, me fit voir de cette terre d’ombre qui contenait des morceaux de bois dans lesquels on reconnaissait l’organisation ligneuse de fruits fort bien conservés. On trouve des mines de cette terre aux environs de Brühl et j’allai les visiter.
[Après avoir décrit les deux premières couches, il passe à la troisième :]
La surface de cette couche, mêlée d’argile et de sable, présente des parties de bois encore entières, dans lesquelles on reconnaît parfaitement l’organisation végétale. Plus bas, la décomposition est plus avancée ; mais on voit encore assez fréquemment des parties boiseuses où l’on distingue les fibres. À l’approche de l’eau, la matière devient plus compacte, plus grasse et d’une texture plus serrée […].
Les habitants du pays l’emploient [la Terre de Cologne] au chauffage en place du charbon de terre, de la tourbe et du bois : nouvelle preuve que cette substance est fournie par le règne végétal et qu’elle n’appartient pas au règne minéral, dans lequel l’ont rangée presque tous les naturalistes.
32Thouin se rend ensuite à Gracht, à deux heures de Brühl, où il fait les mêmes observations :
En parcourant ces mines, je remarquai plusieurs troncs d’arbres monstres, les uns couchés, les autres inclinés à l’horizon, d’autres perpendiculaires. On distinguait parfaitement la structure du bois, ses couches concentriques, ses racines, son collet, enfin toutes les parties d’un grand tronc d’arbre. À l’inspection de ces bois, je crus en reconnaître quelques-uns pour avoir appartenu à des palmiers : c’étaient les mêmes fibres longitudinales, d’un tissu grossier, peu serrées ; la même facilité à se disjoindre les unes des autres. Il en est dont la fibre ligneuse, fine, compacte, d’une pesanteur spécifique très considérable et dont les noeuds bien caractérisés m’ont semblé se rapporter à des arbres de l’Inde, tels que le bois de Brésil, le machagoni et autres de cette nature. Enfin, de petites plaques brillantes de la largeur de l’ongle me présentèrent tous les caractères du charbon de bois. Je les avais déjà reconnues sans équivoque dans les mines de Brühl. Ces charbons sont-ils le produit de la mine ou sont-ils trouvés par hasard ? C’est ce que je n’ose décider. Mais je regarde comme certain que ces morceaux de charbon existaient dans la couche d’ombre, et je les en dégageai avec un couteau.
Ainsi, plus de doute, la terre d’ombre, regardée par les naturalistes comme un produit du règne minéral, appartient évidemment au règne végétal, puisqu’on y reconnaît tous les degrés d’altération du bois, depuis son état ligneux jusqu’à l’état de poussière fine dans lequel il sert aux arts et au commerce.
33Durant la mission septentrionale, le dossier sur la terre de Cologne se rouvre. Les commissaires se rendent dans la demeure de Hüpsch pour en rencontrer le propriétaire et en visiter le cabinet. Ils observent alors les échantillons de la terre que leur désigne le savant allemand : les morceaux de bois et de fruits, aisément reconnaissables, sont autant de signes tangibles qui confirment la thèse de Hüpsch sur l’origine végétale de la terre. Comme un doute subsiste, il faut éprouver l’hypothèse de cabinet en la confrontant à l’observation de terrain. Sur le chemin menant du cabinet aux mines, l’amateur de Cologne passe symboliquement le relais aux professeurs du Muséum : ses recherches s’arrêtent quand celles des savants français commencent à peine320.
34Les commissaires visitent alors successivement deux mines. À Brühl, l’hypothèse sur la nature végétale de la substance est d’abord confirmée par la découverte de parties boiseuses dans un état de décomposition plus ou moins avancé. Elle l’est aussi par l’emploi de la terre pour le chauffage des maisons en remplacement du charbon. Les usages quotidiens des habitants du pays fournissent ainsi un argument supplémentaire, une « nouvelle preuve », dans la discussion savante. À Gracht — Faujas mentionne plus précisément Liblar —, ils renouvellent leurs observations remarquant la présence de grands troncs d’arbres. Cette seconde observation valide l’hypothèse formée au cabinet par les commissaires comme elle confirme la théorie formulée par Hüpsch un quart de siècle plus tôt. Désormais, « plus de doute », la terre d’ombre appartient au règne végétal et non au règne minéral. Mais, à la différence de la tourbe, elle « doit son origine à des arbres, et non à de simples plantes » : « toutes les parcelles qui ont échappé à la décomposition, offrent une fibre ligneuse »321. De Bonn, en décembre 1794, Faujas et Thouin s’empressent d’informer les autorités de leur découverte en insistant sur le rôle déterminant de l’observation de terrain322. Très rapidement, dans les premiers mois de 1795, la nouvelle est relayée par la presse périodique : le Magasin encyclopédique livre au public de larges extraits de la lettre des deux commissaires323 ; la Décade philosophique en publie une autre attribuée au seul Faujas324. Et, en 1797, le Journal des mines fait paraître un « Mémoire sur la terre d’ombre ou terre brune de Cologne » du professeur de géologie du Muséum325.
Les fruits et bois de la terre de Cologne Gravure extraite du Journal des mines, vol. 6, no 36, août à septembre 1797, pl. 25.
35Les commissaires ayant « colligé sur place un assortiment complet de tous les échantillons de bois qui forment la mine d’où l’on tire la terre d’ombre ou terre de Cologne »326, ils les envoient au Muséum avec quelques dessins des mines327. Là, Faujas met les échantillons des fruits renfermés dans la terre d’ombre sous les yeux des « botanistes les plus exercés, tels que Jussieu, Desfontaines, Lamarck et Thouin »328. Ces derniers voient beaucoup de ressemblance entre ces fruits et les noix du palmier Areca des Indes orientales : sans aucun doute, ces échantillons sont de la famille des palmiers. L’identification immédiate de ces mêmes fruits par Thouin, qui l’accompagne aux mines, n’a donc pas suffi329. Il faut encore que Faujas consulte tous les autres professeurs du Muséum connus pour leurs recherches botaniques : il multiplie les contre-expertises et s’appuie sur l’autorité des botanistes les plus réputés pour mieux assurer ses lecteurs qu’il a bien vu ce qu’il fallait voir. Dans son article du Journal des mines, le professeur de géologie offre d’ailleurs au lecteur une gravure représentant les « fruits de palmiers et différents bois des mines de terre d’ombre des environs de Cologne »330. Le dessin a ici valeur de preuve et de référence : l’image est une pièce à conviction, à mettre au dossier de la théorie énoncée dans son texte. Quelques années plus tard, en 1802, Faujas publie sa « Description des mines de Turffa » — accompagnée d’une autre gravure similaire — dans les Annales du Muséum331. Cet article veut mettre un point final à la recherche entamée en 1795 et asseoir définitivement la thèse nouvelle. Faujas revient sur la longue « erreur » des naturalistes : elle résulte de la confusion entre trois substances terreuses, la terre végétale connue sous la « dénomination impropre » de terre brune de Cologne, un oxyde de fer de couleur brune et une argile blanche. Les trois substances « portent le même nom quoique de nature différente, et cela parce qu’on en fait le commerce dans la même ville ». À la « nomenclature vicieuse » des marchands de Cologne, Faujas préfère la dénomination plus juste des gens du lieu, ouvriers des mines et consommateurs de la substance : il l’appelle finalement Turffa332.
36Le géologue a réussi à mobiliser quatre botanistes pour mieux assurer sa démonstration. Tout pourrait s’arrêter là. Pourtant, Faujas va encore faire appel au savoir d’un chimiste, Alexandre Brongniart. Il lui offre quelques échantillons de la terre de Cologne pour qu’il en fasse l’analyse chimique. Les résultats sont publiés en 1803 dans les Annales du Muséum333. L’analyse se décompose en cinq phases qui se suivent logiquement : étude des caractères extérieurs ; analyse par le feu ; analyse de la cendre ; analyse par les réactifs ; analyse comparative de différents bois. Elle mobilise une instrumentation simple, composée d’une cornue, d’une pelle, d’un tamis de soie, de morceaux de papier joseph, et de quelques réactifs, prussiate de fer, nitrate d’argent, teinture d’argent, etc. Elle fait appel à la plupart des sens, la vue bien sûr (pour les couleurs de la terre et les formes de ses morceaux), mais aussi le goût (pour la saveur de la terre), l’odorat (pour son odeur) et le toucher (pour sa texture). D’ailleurs, la place du corps dans la pratique scientifique du chimiste permet de relativiser l’opposition entre observation et analyse : le corps de Brongniart est un peu plus qu’une tour d’observation de phénomènes extérieurs ; il supplée aux insuffisances de l’instrumentation, devenant à son tour un appareil disponible pour l’analyse : Brongniart enfourne un peu de la terre dans sa bouche pour en apprécier la saveur sur la langue et le croquant sous la dent. L’analyse met également en œuvre plusieurs procédés simples comme le chauffage, le lessivage et le filtrage. La présentation des résultats mêle description des choses observées et mesure quantifiées des produits obtenus. Brongniart propose alors une « analyse comparative » entre la terre d’ombre et trois échantillons de bois bien identifiés : une vieille poutre en chêne pourri ; un autre morceau provenant d’un ancien pont ; un échantillon du cercueil supposé de Morard, abbé de Saint-Germain-des-Près au xe siècle334. Ces morceaux de bois servent de références, de points de comparaison. Brongniart soumet ces échantillons à la même analyse chimique et obtient des résultats semblables. Il conclut : « Je suis entièrement de son avis [celui de Faujas] sur l’origine de ce turffa, et j’ajoute aux motifs qu’il a donnés, l’analyse comparée comme objet de conviction ». Après les botanistes, le chimiste confirme à son tour la position de Faujas. Cinq des treize professeurs de la principale institution européenne d’histoire naturelle sont ainsi successivement intervenus pour valider et cautionner la thèse de l’un d’entre eux. Elle s’impose désormais à tous. Pour preuve, les notices que les dictionnaires — les lieux où s’enregistre ordinairement la science faite — consacrent à la terre d’ombre335. Le dossier sur la nature de la terre d’ombre se referme à nouveau.
37Mais cette clôture permet l’apparition d’une nouvelle interrogation portant, cette fois, sur les causes de la formation de la terre de Cologne. Thouin se demande pourquoi les végétaux n’ont pas formé des mines de charbon de terre, observe les différences existantes entre les deux types de mines et poursuit336 :
Il est difficile de rendre raison de pareils phénomènes. L’hypothèse la plus satisfaisante, à mon avis, est celle-ci :
Les mines de charbon de terre ont été formées par la marche ordinaire de la nature. Les arbres arrachés des vastes continens [sic] de l’Amérique, et plus anciennement des autres parties du monde, par les inondations périodiques de l’hiver, sont entraînés par la mer et portés par les courants à un rendez-vous commun ; ils s’y couvrent de limon, de coquilles, de madrépores et de substances terreuses. Alors ils s’enfoncent sous les eaux, s’y déposent par couches plus ou moins épaisses, en raison de ce que les inondations ont été plus ou moins considérables. La saison des pluies passée, les courants changent et viennent du point opposé ; ils transportent les matières charriées par les fleuves de l’autre hémisphère ; celles-ci se couvrent de bois, et de là résulte l’alternative des couches qu’on rencontre dans les mines de charbon de terre.
La formation des mines de terre d’ombre ne peut avoir la même cause, puisqu’elles ne présentent pas la même organisation. Il faut donc supposer une grande révolution occasionnée dans une partie du monde, par exemple un tremblement de terre qui engloutit sous les eaux de la mer un vaste pays dont les végétaux déracinés sont transportés par les courants dans un lieu où ils s’entassent rapidement et y forment un banc homogène d’une profonde épaisseur. La circonstance qui l’a fait naître ne s’est plus répétée et n’a duré que l’espace d’une saison, puisqu’il ne se trouve pas un second banc sur le premier. Cette idée qui serait susceptible de développements et qui aurait besoin d’être appuyée d’observations sur la direction et la régularité des courants de la mer, me semble répondre à un grand nombre de faits et de questions.
38L’intérêt que les commissaires portent à la nature et à l’origine de la terre d’ombre ne tient pas seulement à ses usages possibles dans les arts. Il s’explique d’abord par l’attention que les savants portent à la théorie du globe qui relie la recherche des fossiles à la question des origines du globe. Dans leur lettre du 30 décembre 1794, les commissaires citent un passage du rapport présenté par Thibaudeau à la Convention nationale un mois plus tôt : « Aussi avons-nous vu avec intérêt dans le rapport fait à la Convention nationale, à la séance du 21 frimaire dernier, sur le Muséum d’Histoire naturelle que le rapporteur a insisté sur la recherche et l’étude des pétrifications et des fossiles, comme d’une haute importance pour éclaircir la physique du globe. Un point analogue au même objet et que nous nous sommes appliqué à faire connaître dans tous ses détails, est la théorie de la formation d’une substance connue dans le commerce et dans les arts sous le nom de terre d’ombre »337. On repère alors simultanément trois élargissements. D’une part, le cercle des personnes intéressées par la recherche des commissaires s’agrandit à la nation entière par l’intermédiaire d’un de ses représentants : la théorie du globe devient un peu chose publique. D’autre part, les commissaires élargissent l’attirail des « archives de la Terre » selon l’expression même de Faujas : depuis longtemps, fossiles et pétrifications sont considérés comme des témoins de l’antiquité du globe ; désormais, une terre végétale, que Hüpsch appelait d’ailleurs un « bois fossile », joue également ce rôle338. Enfin, une théorie formée localement est généralisée à l’ensemble du globe : un peu de terre recueillie dans un coin de l’Europe participe d’une théorie générale, la physique du globe.
39Cependant, Thouin n’avance pas une thèse définitive, il propose seulement « l’hypothèse la plus satisfaisante ». Celle-ci repose sur deux observations. La première relie la botanique à la théorie des climats : la « contexture » des morceaux de bois observée est « si serrée et les fibres si rapprochées, que les bois ne peuvent être de la classe que de ceux qui existent dans des latitudes brûlantes » ; quant aux fruits, « l’on ne peut méconnaître le fruit d’une espèce de palmier des Indes orientales »339. La seconde concerne l’ordonnancement des sols, la géologie : la terre d’ombre est recouverte d’une couche de galets « qui n’ont pu être transportés là, et ainsi arrondis que par l’effet d’un grand courant »340 ; quant aux lits de terre d’ombre, ils ne sont pas alternés mais forment un « banc homogène d’une profonde épaisseur ». Ces observations permettent aux savants commissaires de proposer une interprétation du phénomène : une catastrophe, par exemple un séisme, a englouti une partie des terres émergées de la zone torride ; les arbres ont été brutalement arrachés puis transportés par les eaux ; ils se sont rapidement amassés dans les environs de Cologne avant d’être recouverts par des galets longtemps roulés puis déposés là par un grand courant. C’est l’hypothèse catastrophiste d’une « grande révolution » de la Terre341. Thouin termine son long développement en indiquant que la théorie, formulée par les deux commissaires, mériterait d’être appuyée par d’autres observations « sur la direction et la régularité des courants de la mer » : à son tour, comme Hüpsch un peu plus tôt, il passe la main. Les commissaires proposent ce qu’on pourrait appeler, faute de mieux, une hypothèse raisonnable, c’est-à-dire un échafaudage théorique dont l’interprétation finale est donnée par la mise en cohérence des différentes observations, par l’agencement des « faits ». On sort ici du cadre strict de l’histoire naturelle, entendue comme description des choses de la nature pour entrer dans le domaine de la philosophie de la nature, comprise comme spéculation sur la physique du globe342. Mais cette conjecture reste à l’état de manuscrit ; elle ne passe pas à l’impression. Faujas, dans son article de 1797 pour le Journal des mines, n’y fait même pas allusion.
40L’année suivante, Philippe Bertrand, inspecteur général des Ponts-et-Chaussées et auteur de Nouveaux principes de géologie, publie ses « Réflexions géologiques sur les mines de terre d’ombre » dans ce même périodique343. Marginal de la minéralogie, Bertrand fait allégeance à Faujas et se réfère à son article du Journal des mines qui « prouve évidemment » que la terre d’ombre est d’origine végétale. Bertrand échafaude alors une théorie dont les premiers éléments sont assez proches de ceux développés dans les manuscrits des professeurs : une catastrophe cause « un pénultième établissement de l’océan » ; des palmiers, arrachés, sont réunis en « une espèce de radeau flottant sur la mer » ; après avoir pris feu, ils s’échouent sur le littoral ; ils sont finalement recouverts de galets qui les préservent d’une dégradation complète. Bertrand qui ne croit pas que ces arbres exotiques se soient déplacés depuis l’autre bout du globe portés par les courants marins s’interroge sur leur présence si loin de la zone torride. Il ajoute : « cela fait assez voir qu’ici toutes les ressources du physicien doivent être en défaut ; […] c’est au cosmologue à résoudre ce phénomène terrestre » en faisant « intervenir une de ces causes surlunaires [sic], qui, entre autres effets, aura produit […] un changement subit dans la position de l’axe » du globe de l’ordre de 50 ou 60 degrés. La cause première trouvée, tout s’enchaîne : la mer équinoxiale se déplace sur le nouvel équateur ; sur son passage, elle arrache la surface du continent ; l’ancienne zone torride devient polaire ; les habitants de l’ancienne zone chaude — rhinocéros, hippopotames, éléphants et palmiers — meurent de froid. Mais il y a plus. Une autre conséquence « c’est qu’il y a nécessairement deux points, et même deux grandes régions, où l’exubérance de l’ancien équateur croise et reste commune avec celle du nouveau ». Et, si l’un de ces « nœuds » est aujourd’hui en terre ferme, on y trouverait peut-être le refuge des espèces dans leur état originel et le point de départ de « l’arche d’où seront ensuite parties de nouvelles peuplades tant pour les anciennes terres ravagées que pour celles nouvellement écloses ». L’auteur dérive alors bien au-delà de l’histoire naturelle et même de la géologie : il n’interprète plus seulement l’histoire du globe ; il mobilise une « cause surlunaire » et finit par expliquer l’arche de Noé. L’article, très confus, détonne dans le très sérieux Journal des mines où triomphe une écriture austère comme d’ailleurs dans les Annales du Muséum où Faujas fait passer son dernier texte sur la terre d’ombre en 1802. Comme en 1797, Faujas n’y dit pas un mot philosophique et d’ailleurs son article s’intitule sobrement : « Description des mines… ». Mais, à cette date, la philosophie, déjà attaquée dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, commence à être terriblement démodée dans les institutions de savoir. En 1796, Cuvier, dans un discours retors, bien dans sa manière, lance ses premières attaques contre les philosophes de la nature, en opposant la « modeste anatomie » qui fabrique des faits au « génie spéculatif » qui les interprète344. En août 1799, l’allemand Johann Georg Heinzmann, dans son voyage à Paris, observe également ce dédain de la philosophie spéculative, dédain qu’il interprète comme le produit de la culture nationale et du moment révolutionnaire345. Le style sévère s’impose désormais contre les philosophes et la tradition buffonienne.
Mine de Turffa ou de terre d’ombre Gravure extraite des Annales du Muséum, vol. 6, 1803, pl. 28.
41Le cas de la terre d’ombre de Cologne est exemplaire pour comprendre la production des savoirs naturalistes. Entre 1794 et 1803, et entre Cologne et Paris, une théorie, des savants et des échantillons voyagent ensemble et passent par différents lieux de savoir : l’hypothèse est d’abord formulée dans une collection d’histoire naturelle ; elle est ensuite, par deux fois, vérifiée sur le « terrain », qui est pour le géologue étudiant la succession des sols l’équivalent du cabinet pour le naturaliste ; elle est enfin entérinée dans un laboratoire de chimie. Tout au long de ce processus, la fabrique théorique a ainsi mobilisé des terrains et des collections mais aussi des objets et des écrits, des usages quotidiens et des périodiques savants, des analyses chimiques et des observations naturalistes, des amateurs et des professeurs, des organes administratifs et une institution centrale, le Muséum. Les deux démarches symétriques de l’histoire des sciences, celles que l’on appelle communément internalistes et externalistes, ne sauraient chacune rendre compte de ce qui se passe entre la formation d’une l’hypothèse scientifique et sa validation lorsqu’elle s’impose à la communauté savante sous la forme de la « science normale » : l’échec de Hüpsch démontre qu’il ne suffit pas d’avoir « raison » pour s’imposer et que les « précurseurs » sont autant inventés par les savants que par les historiens ; la réussite de Faujas et de Thouin ne peut être réduite ni aux seuls rapports de force au sein du champ naturaliste ni à une simple rhétorique de la preuve. Il faut bien tisser ensemble le social et l’épistémologique, ou comme l’écrit Bruno Latour, abandonner « l’opposition entre les rapports de force et les rapports de raison »346.
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42La Révolution, même comprise dans son acception la plus large, de 1789 à 1804, est une mauvaise échelle de durée pour appréhender les changements intervenus dans la fabrique des savoirs naturalistes entre le xviiie et le xixe siècle. Néanmoins, on observe au moins trois approfondissements. D’une part, l’opposition entre la pratique de terrain et celle de cabinet se durcit au profit, momentané, de la seconde comme en témoigne encore en 1818 la publication par le Muséum de ses Instructions pour les voyageurs et pour les employés des colonies, sur la manière de recueillir, de conserver et d’envoyer les objets d’histoire naturelle qui, plus encore que les précédentes, renforcent la division du travail scientifique347. D’autre part, la séparation est toujours plus nette entre deux styles iconographiques, la manière sévère des gravures publiées dans les Annales du Muséum et le style aimable des planches de La Ménagerie du Muséum, encore plein de la tradition buffonienne. Enfin, le découplage entre la science naturaliste et la philosophie naturelle — entre la production des faits et la recherche des causes — s’est considérablement renforcée depuis le temps de Buffon. Ces trois dissociations ne sont pas neutres : elles valorisent le cabinet, l’image sévère et la science des professeurs ; elles condamnent pareillement le terrain, l’image pittoresque et la philosophie. Ces phénomènes doivent être interprétés ensemble et trouvent dans Cuvier un porte-parole exemplaire, auquel il revient d’extirper des pratiques savantes du Muséum l’héritage de Buffon, bientôt réduit à la figure de l’écrivain au beau style. La science sévère annonce également le renfermement du milieu savant sur lui-même, la soumission des collecteurs et la marginalisation des amateurs. On glisse alors de d’ordre des pratiques de savoir à l’ordre social du monde savant.
Notes de bas de page
207 Rudwick (Martin), « Recherches sur les ossements fossiles… », art. cit., p. 591. Sur les sciences de la nature et le laboratoire, voir Salomon-Bayet (Claire), L’Institution de la science et l’expérience du vivant. Méthode et expérience, Paris : Flammarion, 2008 [1978], 499 p. (Champs Sciences).
208 Lamarck (Jean-Baptiste), Mémoire sur les cabinets…, 1790, op. cit.
209 Latour (Bruno), La Science en action…, op. cit.
210 Idem, « Comment redistribuer le Grand Partage ? », Revue de Synthèse, vol. 110, 1983, pp. 202-236 ; et Idem, La Science en action…, op. cit., chap. 6.
211 Voir notamment Van Damme (Stéphane), Paris, capitale philosophique…, op. cit., chap. 8.
212 Bourguet (Marie-Noëlle), « La Collecte du monde… », art. cit., pp. 163-196 ; Spary (Emma C.), Le Jardin d’Utopie…, op. cit., chap. 2. Voir également Bourguet (Marie-Noëlle), Voyage, statistique, histoire naturelle. L’inventaire du monde au xviiie siècle, rapport de synthèse présenté pour l’habilitation à diriger des recherches, Université Paris I, 1993 ; Bourguet (Marie-Noëlle), « Missions savantes au siècle des Lumières : du voyage à l’expédition », in Laissus (Yves) (sous la dir.), Il y a 200 ans, les savants en Égypte, op. cit., pp. 38-67. Sur le voyage naturaliste, Kury (Lorelai), Histoire naturelle des voyages scientifiques (1780-1830), Paris : l’Harmattan, 2001, 236 p. Sur les différents lieux en histoire des sciences, Burkhardt (Richard W.) « The Leopard in the Garden… », art. cit.
213 Kury (Lorelai), « Les Instructions de voyage… », art. cit. ; Collini (Silvia) & Vannoni (Antonella), « La Société d’histoire naturelle e il viaggio di d’Entrecasteaux alla ricerca di La Pérouse : le istruzioni scientifiche per i viaggiatori », Nuncius. Annali du storia della scienza, vol. 10, no 1, 1995, pp. 257-291 ; Collini (Silvia) & Vannoni (Antonella), Les Instructions scientifiques pour les voyageurs. xviie-xixe siècle, Paris ; Budapest ; Torino : L’Harmattan, 2005, 344 p.
214 Roche (Daniel), Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité du voyage, Paris : Fayard, 2003, p. 56.
215 Kury (Lorelai), « Les Instructions de voyage… », art. cit., pp. 81-84.
216 Spary (Emma C.), Le Jardin d’Utopie…, op. cit., p. 125.
217 Kury (Lorelai), « Les Instructions de voyage… », art. cit., p. 66.
218 Drouin (Jean-Marc), « De Linné à Darwin. Les voyageurs naturalistes », in Serres (Michel) (sous la dir.), Éléments d’histoire des sciences, Paris : Bordas, 1989, p. 327.
219 Van Damme (Stéphane), Paris, capitale philosophique…, op. cit., p. 176.
220 Spary (Emma C.), Le Jardin d’Utopie…, op. cit., pp. 102-105.
221 Ibid., p. 105.
222 Pour ce qui suit, Burkhardt (Richard W.), « Unpacking Baudin : Models of Scientific Practice in the Age of Lamarck », in Laurent (Goulven) (sous la dir.), Jean-Baptiste Lamarck. 1744-1829, Paris : Éditions du CTHS, 1997, pp. 504-513 ; pour la citation, p. 511.
223 Burkhardt (Richard W.), « Unpacking Baudin… », art. cit., p. 498.
224 Bourguet (Marie-Noëlle), « La Collecte du monde… », art. cit., p. 177. Voir aussi Spary (Emma C.), Le Jardin d’Utopie…, op. cit., p. 109.
225 Van Damme (Stéphane), Paris, capitale philosophique…, op. cit., p. 60.
226 Cuvier (Georges), « Mémoires pour servir à celui qui fera mon éloge, écrits au crayon dans ma voiture pendant mes courses en 1822 et 1823 ; cependant les dates sont prises sur des pièces authentiques », in Flourens (Pierre), Recueil des éloges historiques lus dans les séances publiques de l’Académie des sciences, Paris : Garnier frères, 1856, vol. 1, p. 185.
227 Manuscrit de Cuvier : « Analyse d’un ouvrage de M. Humboldt intitulé : Tableaux de la nature ou considération sur les déserts, sur la physionomie des végétaux et sur les cataractes de l’Orénoque, traduit de l’allemand par J. B. B. Eyries ». Cité et analysé in Outram (Dorinda), Georges Cuvier. Vocation, Science, and Authority in Post-Revolutionary France, Manchester, Manchester University Press, 1984, pp. 62-63 ; Idem, « New Spaces in Natural History », art. cit., pp. 259-261.
228 Rudwick (Martin), « Recherches sur les ossements fossiles… », art. cit., pp. 598-602.
229 Ibid., p. 606.
230 Desfontaines (René-Louiche), « Cours de botanique », Décade philosophique, vol. 5, 1795, p. 546 ; Drouin (Jean-Marc), « Collecte, observation et classification chez Desfontaines (1750-1833) », in Blanckaert (Claude), Cohen (Claudine), Corsi (Pietro) & Fischer (Jean-Louis) (sous la dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, op. cit., p. 273.
231 Par exemple Thouin (André), « Observations sur un envoi de plantes vivantes et sur la naturalisation et la culture du lin de la Nouvelle-Zélande », Annales du Muséum, vol. 2, 1803, pp. 228-239 ; Bourguet (Marie-Noëlle), « Measurable Difference. Botany, Climate, and the Gardener’s Thermometer in Eighteenth Century France », in Schiebinger (Londa) & Swan (Claudia) (sous la dir.), Colonial Botany. Science, Commerce and Politics in the Early Modern World, Philadelphia : University of Pennsylvania Press, 2005, pp. 270-286.
232 Bourguet (Marie-Noëlle), Voyage, statistique, histoire naturelle…, op. cit., p. 65.
233 Bourguet (Marie-Noëlle), « La Collecte du monde… », art. cit., pp. 187-193.
234 Par exemple, pour la France de 1779 à 1804 : Flore françoise de Jean-Baptiste Lamarck (1779) ; Flore de Bourgogne de Jean-François Durande (1782) ; Flore des environs de Paris de Jean-Louis Thuillier (1790) ; Flore du Calvados et des terreins adjacens d’Henri François Anne de Roussel (1795) ; Flore d’Auvergne d’Antoine Delarbre (1797) ; Flore des Basses-Pyrénées de Jean-Pierre Bergeret (1800) ; Flore parisienne de Louis-Benjamin Francoeur (1801) ; Flore des plantes qui croissent dans les départements du Haut et Bas-Rhin de Jean-Chrétien Stolz (1802) ; Flore du Nord de la France ou description des plantes indigènes et de celles cultivées dans les départements de la Lys, de l’Escault, de la Dyle et des Deux-Nèthes de François Roucel (1803) ; Flore du département de l’Orne de Pierre-Antoine Renault (1803) ; Phytographie encyclopédique, ou Flore de l’ancienne Lorraine et des départements circonvoisins de Rémi Willemet (1804).
235 Drouin (Jean-Marc), « Collecte, observation et classification chez Desfontaines… », art. cit., p. 273.
236 Candolle (Augustin Pyrame de), Mémoires et souvenirs…, op. cit., pp. 190-191, pp. 207-208 et n. 414.
237 Cuvier (Georges), Tableau élémentaire de l’histoire naturelle des animaux, Paris : Baudouin, An VI, p. iii.
238 Lamarck (Jean-Baptiste), Système des animaux sans vertèbres…, An X, op. cit., p. vi.
239 Idem, « Mémoires sur les fossiles des environs de Paris, comprenant la détermination des espèces qui appartiennent aux animaux marins sans vertèbres, et dont la plupart sont figurés dans la collection des vélins du Muséum », Annales du Muséum, vol. 1 à 8, 1802-1806, 33 articles.
240 Voir Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), Histoire naturelle de la montagne Saint-Pierre de Maestricht, Paris : Chez H. Jansen, An VII [1798/1799], 184 p.
241 Cité in Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes…, op. cit., p. 305.
242 Deleuze (Joseph-Philippe-François), Histoire et description du Muséum…, op. cit., vol. 1, p. 115.
243 Voir les articles de Jussieu dans les Annales du Muséum, vol. 2, 1803 : « Sur le Petunia, genre nouveau de la famille des plantes solanées », pp. 214-216 ; « Mémoire sur l’Acicarpha et le Bopis, deux genres nouveaux de plantes de la famille des cinarocéphales », pp. 345-350 ; « Mémoire sur le Kleina et l’Actinea, deux genres nouveaux de plantes de la famille des Corymbifères », pp. 423-426.
244 Cuvier (Georges), « Sur les espèces d’animaux dont proviennent les os fossiles répandus dans la pierre à plâtre des environs de Paris », Annales du Muséum, vol. 3, 1804, pp. 275-303, pp. 364-387 et pp. 442-472 ; Deleuze (Joseph-Philippe-François), Histoire et description du Muséum…, op. cit., vol. 1, p. 114.
245 Outram (Dorinda), « New Spaces in Natural History », art. cit., p. 250.
246 Idem, « Le Muséum d’Histoire naturelle après 1793… », art. cit., p. 27 ; Burkhardt (Richard W.), « Naturalists’ Practices and Nature’s Empire : Paris and the Platypus, 1815-1833 », Pacific Science, vol. 55, no 4, 2001, pp. 327-341.
247 Cuvier (Georges), « Prospectus », in Dictionnaire des sciences naturelles par plusieurs professeurs du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris : Levrault & Schoell, 1804, vol. I, pp. vii-viii. Cité in Corsi (Pietro), Lamarck…, op. cit., pp. 37-38 ; ici, p. 38 ; Chappey (Jean-Luc), « Sociabilités intellectuelles et librairie révolutionnaire », Revue de synthèse, vol. 128, 2007, no 1-2, p. 87. Sur les seconds couteaux, voir Chappey (Jean-Luc), « Enjeux sociaux et politiques de la ‘vulgarisation scientifique’ en Révolution. 1780-1810 », Annales historiques de la Révolution française, no 338, 2004, pp. 11-51 ; notamment pp. 38-41 et pp. 46-51.
248 Cuvier (Georges), Lacépède (Bernard) & Lamarck (Jean-Baptiste), « Rapport des professeurs du Muséum sur les collections d’histoire naturelle rapportées d’Égypte… », art. cit.
249 AN, AJ/15/836 : Lettre de [Thouin ou Faujas] à un « collègue et ami ». La Haye, le 24 ventôse an III.
250 Cuvier (Georges), Lacépède (Bernard) & Lamarck (Jean-Baptiste), « Rapport des professeurs du Muséum sur les collections d’histoire naturelle rapportées d’Égypte… », art. cit., pp. 237-240.
251 Annales du Muséum, vol. 2, 1803.
252 [Turgot (Étienne François)], Mémoire instructif…, 1758, op. cit. ; Farber (Paul Lawrence), « The Development of Taxidermy… », art. cit.
253 AN, AJ/15/836 : Lettre de Thouin au Muséum d’Histoire naturelle. La Haye, le 30 germinal an III.
254 Cuvier (Georges), Lacépède (Bernard) & Lamarck (Jean-Baptiste), « Rapport des professeurs du Muséum sur les collections d’histoire naturelle rapportées d’Égypte… », art. cit., pp. 235-240.
255 Ibid., p. 237.
256 Lacépède (Bernard de), Tableau des sous-classes… des oiseaux, An IX, op. cit. ; Pujoulx (Jean-Baptiste), Promenades au Jardin des plantes…, 1803, op. cit., vol. 2, pp. 231-232. Sur les oiseaux du Paradis, voir Ogilvie (Brian W.), The Science of Describing : Natural History in Renaissance Europe, Chicago : The University of Chicago Press, 2006, pp. 248-252.
257 AN, AJ/15/836 : « Note relative aux quadrupèdes ovipares, aux serpens et aux poissons de la collection du ci-devant Stathouder ». Sans lieu ni date.
258 Cuvier (Georges), Lacépède (Bernard) & Lamarck (Jean-Baptiste), « Rapport des professeurs du Muséum sur les collections d’histoire naturelle rapportées d’Égypte… », art. cit., p. 240.
259 Rudwick (Martin), « Recherches sur les ossements fossiles… », art. cit., pp. 596-597.
260 AN, F/17/3979 : Lettre de Jussieu et Lamarck au Comité d’Instruction publique. Paris, le 24 floréal an III.
261 Décade philosophique, vol. 5, mars à mai 1795, pp. 534-537 : « Objets d’histoire naturelle recueillis en Hollande » ; pour la citation, p. 536.
262 Hoquet (Thierry), Buffon…, op. cit., p. 276.
263 Cuvier (Georges), « Mémoire sur l’Ibis des Anciens Égyptiens », art. cit., p. 117.
264 Sur la notion, voir notamment Heesen (Anke te), The World in a Box. The Story Of An Eighteenth-Century Picture Encyclopedia, Chicago : The Chicago University Press, 2002 [éd. or. 1997], 244 p. ; Schnapper (Antoine), Le Géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., pp. 9-10 ; Daston (Lorraine) & Park (Katharine), Wonders and the Order of Nature, op. cit., p. 285.
265 Cuvier (Georges), « Discours prononcé aux funérailles de Van Spaendonck », Recueil des éloges historiques…, op. cit., vol. 3, pp. 233-237 ; ici, p. 236.
266 Sur la collection des vélins, voir Bultingaire (Léon), « Les Peintres du Muséum à l’époque de Lamarck », Archives du Muséum, 6e série, 1930, pp. 50-57 ; Bultingaire (Léon), Les Vélins du Muséum d’Histoire naturelle de Paris. Fleurs exotiques, Paris : Librairie des Arts décoratifs, [1927], 12 p. ; Laissus (Yves), Les Vélins du Muséum, Paris : Palais de la Découverte, 1967, 28 p.
267 Laissus (Yves), Les Vélins du Muséum, op. cit., p. 8.
268 Décret de la Convention nationale relatif à l’organisation du Jardin national des Plantes & du Cabinet d’Histoire naturelle, sous le nom du Muséum d’Histoire naturelle. Séance du 10 juin 1793, titre III, art. 4.
269 AN, F/17/3979 : Lettre de Jussieu et Lamarck au Comité d’Instruction publique. Paris, le 24 floréal an III.
270 Bultingaire (Léon), « Les Peintres du Muséum à l’époque de Lamarck », art. cit., p. 52.
271 Décret de la Convention nationale relatif à l’organisation du Jardin national des Plantes & du Cabinet d’Histoire naturelle, sous le nom du Muséum d’Histoire naturelle. Séance du 10 juin 1793, titre II, art. 1. Son titre exact : « Cours d’iconographie naturelle, ou de l’art de dessiner & de peindre toutes les productions de la nature ».
272 Laissus (Yves), Les Vélins du Muséum, op. cit., pp. 9-12.
273 Décade philosophique, vol. 10, juin à août 1796, pp. 546-552 : « Sur la bibliothèque du Muséum » ; pour la citation, p. 549 ; Deleuze (Joseph-Philippe-François), Histoire et description du Muséum…, op. cit., vol. 1, pp. 154-155.
274 Chassagne (Annie), La Bibliothèque de l’Académie royale des sciences au xviiie s., Paris : CTHS, 2007, p. 134.
275 Laissus (Yves), Les Vélins du Muséum, op. cit., p. 12.
276 Bultingaire (Léon), « Les Peintres du Muséum à l’époque de Lamarck », art. cit., pp. 54-58. Les papillons d’avant la période révolutionnaire sont de Claude Aubriet et les coquilles de Madeleine Basseporte. Après 1793, les plantes sont notamment peintes par Pierre-Joseph Redouté, les mammifères et les oiseaux par Nicolas Maréchal, de Wailly et Nicolas Huet, les coquilles par Maréchal puis A. Oudinot et Huet, les pièces d’anatomie par Maréchal, Werner, Formant, Chazal et Huet.
277 Desfontaines (René Louiche), Choix de plantes du Corollaire des Instituts de Tournefort : publiées d’après son herbier, et gravés sur les dessins originaux d’Aubriet, Paris : Levrault, 1808, pp. 1-2 ; Laissus (Yves), Les Vélins du Muséum, op. cit., p. 7 et p. 11.
278 Lacour (Pierre-Yves),« Picturing Nature in a Natural History Museum : The Engravings of the Annales du Muséum d’Histoire naturelle. 1802-1813 », in Prince (Sue Ann) (sous la dir.), Of Elephants & Roses : French Natural History. 1790-1830, Philadelphie : American Philosophical Society, 2013, pp. 119-120 ; Laissus (Yves), « Les Vélins du Muséum et l’expédition d’Égypte (1798-1801) », Actes du 92e congrès national des sociétés savantes. Section des sciences, Paris : Bibliothèque nationale, 1969, p. 267-300 ; notamment, p. 287 : d’après l’étude d’Yves Laissus, tous les originaux des planches zoologiques de la Description d’Égypte qui sont dans la collection des vélins du Muséum illustrent les travaux du professeur Geoffroy Saint-Hilaire mais pas ceux de Savigny, Raffeneau-Delile et Rozière qui n’y sont pas professeurs.
279 Daston (Lorraine) & Galison (Peter), Obectivity, New York : Zone books, 2007, chap. 1 et 2.
280 Nickelsen (Kärin), Draughtsmen, Botanists and Nature : The Construction of Eighteenth-Century Botanical Illustrations, Dordrecht : Springer, 2006, pp. 185-228.
281 Foucault (Michel), « La situation de Cuvier dans l’histoire de la biologie », art. cit., p. 65.
282 Hoquet (Thierry), Buffon…, op. cit., pp. 273-276.
283 AN, F/17/3979 : Lettre de Jussieu et Lamarck au Comité d’Instruction publique. Paris, le 24 floréal an III. Les professeurs, souhaitant compléter la collection des vélins au détriment du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, mentionnent cinq séries : les plantes peintes par Rabbel qui est « comme le précurseur et la préface de la grande collection des vélins » ; celles peintes par Prévot, où l’on « trouve beaucoup d’objets nouveaux et peu connus qui rempliront les vuides de la grande série et ajouteroient à l’instruction » ; le portefeuille des courges peintes par Duchesne qui permettent d’observer « les variétés obtenues par la culture » ; les dessins originaux des plantes du Chili de Feuillée qui sont supérieurs aux gravures qui en ont été tirées ; les volumes de dessins et plantes d’Europe de Plumier.
284 AN, F/17/3979 : Lettre de Lefebvre de Villebrune au Comité d’Instruction publique. Paris, le 3 thermidor an III.
285 Deleuze (Joseph-Philippe-François), « Notice sur le citoyen Maréchal », Annales du Muséum, vol. 2, 1803, pp. 65-74 ; pour la citation, p. 66.
286 Tongiorgi Tomasi (Lucia), « Ulisse Aldrovandi e l’immagine naturalistica », in Olmi (Giuseppe), Crea (Enzo) & Folena (Gianfranco) (sous la dir.), De piscibus : La bottega artistica di Ulisse Aldrovandi e l’immagine naturalistica, [Roma] : Edizioni dell’Elefante, 1993, p. 38.
287 Jussieu (Antoine-Laurent), « Notice historique sur le Muséum d’Histoire naturelle », Annales du Muséum, vol. 1 à 11, 1802-1808, divers articles.
288 Voir Chappey (Jean-Luc), « Sociabilités intellectuelles et librairie révolutionnaire », art. cit., p. 85.
289 Parmi les dessinateurs, on relève également : F. B. de Balzac, Jean François Turpin et L. B. Freret (botanique) ; Haüy (minéralogie) ; Henri-Joseph Redouté, de Wailly, Mounier et Oudinot (zoologie) ; Maréchal, De Wailly et Charles-Léopold Laurillard et Devillliers (anatomie comparée). Parmi les graveurs : Jourdan, Massole, Jacques Chailly (zoologie), Sellier, L’Espine, Canu, Plée, Cloquet, T. T. Droüet (botanique), Lambert, Miger, Milsan, Couet (anatomie comparée).
290 Pour Van Spaendonck : Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pl. 4 : « Tithonia tagetiflora » ; pour Edwards : Annales du Muséum, vol. 4, 1804, pl. 44 et 45 : « Perameles nasuta » et « Perameles obesula ».
291 Sur cette question, voir Nickelsen (Kärin), Draughtsmen, Botanists and Nature…, op. cit., pp. 176-182.
292 Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pl. 7.
293 Sur le cas de Buffon, voir Hoquet (Thierry), Buffon illustré. Les gravures de l’Histoire naturelle, Paris : Muséum national d’Histoire naturelle, 2007, pp. 31-39 (Archives ; 11).
294 Linné (Carl von), Philosophie botanique de Charles Linné..., Paris ; Rouen : Cailleau & Leboucher, 1788 [1751], § 266. Voir Foucault (Michel), « La situation de Cuvier dans l’histoire de la biologie », art. cit., pp. 64-65.
295 Haüy (René-Just), Traité de minéralogie, An X, op. cit., vol. 2, pp. 480-490. En contrepoint, la remarque d’un « vulgarisateur » : Pujoulx (Jean-Baptiste), Promenades au Jardin des plantes…, 1803, op. cit., vol. 1, pp. 235-236 : « L’espèce appelée télésie par Haüy, comprend seule sept pierres précieuses, différentes de couleurs, et qu’on était loin de soupçonner devoir un jour être réunies ; mais quoique l’examen de leurs propriétés ait prouvé la nécessité de cette réunion, on aura de la peine à habituer les gens du monde à considérer le rubis oriental, la topaze et l’améthyste comme des pierres de même espèce, et qui ne diffèrent entre elles, qu’en ce que la première est rouge, la seconde jaune, et la troisième violette ».
296 Pour le Polyptère bichir : Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pl. 5 ; pour l’Archire barbu : Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pl. 40.
297 Annales du Muséum, vol. 4, 1804, pl. 56 : « Trimérésure petite tête », « Trimérésure verd », « Aipysure lisse ».
298 La notion est esquissée in Ogilvie (Brian W.), The Science of Describing…, op. cit., p. 196.
299 Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pl. 9 : « Tangara malibe ».
300 Par exemple, pour la chaux carbonatée : Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pl. 3.
301 Cuvier (Georges), Lacépède (Bernard-Germain-Étienne) & Geoffroy Saint-Hilaire (Étienne), La Ménagerie du Muséum …, An XII, op. cit. ; notamment, vol. 1, pp. 24-25.
302 Daudin (François-Marie), « Description du Vautour de Pondichéry », Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pp. 285-287.
303 Idem, Traité élémentaire et complet d’ornithologie, Paris : Chez l’auteur, An VIII [1800], 2 vol. ; Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de) & Sonnini de Manoncourt (Charles-Nicolas-Sigisbert), Histoire naturelle, générale et particulière, op. cit. ; publications in Annales du Muséum, vol. 1, 1802 (deux articles), vol. 2, 1803 (quatre articles) et vol. 3, 1804 (deux articles).
304 Sonnerat (Pierre), Voyage aux Indes orientales et à la Chine. Fait par ordre du Roi, depuis 1774 jusqu’à 1781, Paris : chez l’auteur, 1782, vol. 2, pl. 105. Sonnerat appelle le vautour de Pondichéry, « Grand vautour des Indes ».
305 Levaillant (François), Histoire naturelle des oiseaux d’Afrique, Paris : J. J. Fuchs, An VII [1799], vol. 1, pl. 9.
306 D’après Humboldt, la collection de Levaillant est encore emballée en 1798 (Humboldt (Wilhelm von), Journal parisien (1797-1798), op. cit., p. 200).
307 Sur la question de la référence, voir Latour (Bruno), Petites leçons de sociologie des sciences, Paris : Seuil, 1993, pp. 171-225, chap. : « Le ‘ Pedofil’de Boa Vista. Montage photophilosophique » ; ici, pp. 179-180 (Points Sciences).
308 AN, F/17/1245 : Lettre de Faujas et Thouin au Comité de Salut public. Bonn, le 10 nivôse an III ; Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné…, op. cit., vol. 16, 1765, entrée : « Terre d’ombre ».
309 Trouvé (Claude-Joseph), Voyage dans la Belgique…, op. cit., vol. 1, pp. 55-63. En 1798 et 1802, Faujas livre sa version, similaire mais moins complète, dans deux articles : Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Mémoire sur la terre d’ombre ou terre brune de Cologne », Journal des mines, no 36, août à septembre 1797, pp. 893-914 ; Idem, « Description des mines de Turffa des environs de Bruhl et de Liblar connues sous la dénomination impropre de mine de terre d’ombre, ou terre brune de Cologne », Annales du Muséum, vol. 1, 1802, pp. 445-460.
310 Trouvé (Claude-Joseph), Voyage dans la Belgique…, op. cit., vol. 1, p. 55.
311 Wallerius (Jean Gotschalk), Minéralogie ou description générale des substances du règne minéral [tr. de l’éd. allemande de 1750], Paris : 1753, vol. 1, pp. 7-14.
312 Montet (Jacques), « Second mémoire sur plusieurs sujets d’histoire naturelle et de chimie », Histoire de l’Académie royale des sciences. Année 1768. Avec les mémoires de mathématiques & de physique pour la même année, Paris : Imprimerie royale, 1770, pp. 538-556 ; ici, p. 547.
313 Hüpsch (Johann Wolhelm Carl Adolf, baron de), Nouvelles découvertes de quelques testacées [sic] pétrifiés rares et inconnus pour servir à l’histoire naturelle de la Basse Allemagne et enrichir les collections du règne animal [tr. de l’éd. allemande de 1771], Cologne ; Francfort ; Leipzig : Libraire F. W. J. Metternich, 1771, p. 11 ; et pp. 134-136.
314 Ibid., p. 135.
315 Hüpsch (Johann Wolhelm Carl Adolf), « Observation sur la Terre d’Ombre », Journal de physique, de chimie, d’histoire naturelle et des arts, vol. 3, 1775, p. 61.
316 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Histoire naturelle des minéraux, Paris : Imprimerie royale, vol. 4, 1786, pp. 316-318 : « Terre d’ombre ».
317 D’après Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Mémoire sur la terre d’ombre… », art. cit., p. 897.
318 Ibid., p. 897 ; et pour la citation : Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Description des mines de Turffa… », art. cit., pp. 447-448.
319 Trouvé (Claude-Joseph), Voyage dans la Belgique …, op. cit., vol. 1, pp. 55-61.
320 Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Description des mines de Turffa… », art. cit., p. 448 : [À propos de la critique de Faujas sur l’absence de description des lieux] : « Le baron de Hüpsch convint du fait, en me disant que son projet avoit été de donner un second mémoire dans lequel il devoit s’occuper de ce point si essentiel pour la géologie ; mais il me dit en même temps qu’il avoit perdu cet objet de vue, et m’exhorta à m’en occuper moimême, puisque j’étois dans le voisinage des principales mines, et que j’avois avec moi un très-bon dessinateur ».
321 AN, F/17/1245 : Lettre de Faujas et Thouin au Comité de Salut public. Bonn, le 10 nivôse an III.
322 AN, F/17/1277 : Lettre de Faujas et Thouin à la Commission des arts. Bonn, le 24 frimaire an III.
323 Magasin encyclopédique, 1e année, vol. 1, 1795, pp. 362-380 : « Lettre des membres composant la Commission des sciences et des arts, près des armées de Sambre et Meuse, à la Commission temporaire des arts ». Extrait de : AN, F/17/1277 : Lettre de Faujas et Thouin à la Commission des arts. Bonn, le 24 frimaire an III.
324 Décade philosophique, vol. 4, décembre 1794 à février 1795, pp. 260-263 : « Faujas, commissaire pour les sciences et les arts dans les pays conquis ; lettre sur la terre d’ombre ». Extrait de : AN, F/17/1245 : Lettre de Faujas et Thouin au Comité de Salut public. Bonn, le 10 nivôse an III.
325 Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Mémoire sur la terre d’ombre… », art. cit.
326 Cité in Savoy (Bénédicte), Patrimoine annexé…, op. cit., vol. 1, p. 34.
327 AN, F/17/1245 : Lettre de Faujas et Thouin au Comité de Salut public de la Convention nationale. Bonn, le 10 nivôse an III ; « Liste des échantillons de Torf, terre d’ombre ou de Cologne, qui sont renfermés dans une boîte contenue dans une caisse de Cologne » par Thouin.
328 Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Mémoire sur la terre d’ombre… », art. cit., p. 911 ; pour la citation : Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Description des mines de Turffa… », art. cit., p. 459.
329 AN, F/17/1245 : Lettre de Faujas et Thouin au Comité de Salut public. Bonn, le 10 nivôse an III.
330 Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Mémoire sur la terre d’ombre… », art. cit., pl. 25 ; Idem, « Description des mines de Turffa… », art. cit., pl. 29.
331 Idem, « Description des mines de Turffa… », art. cit.
332 En allemand, tourbe se dit « Torf ». En 1797, il préfère parler de « Terre de Cologne » en rejetant le snobisme des nomenclatures grecque et latine. Voir Faujas de Saint-Fond (Barthélemy), « Mémoire sur la terre d’ombre… », art. cit., pp. 894-895.
333 Brongniart (Alexandre), « Analyse de la terre d’ombre de Cologne, rapportée par le citoyen Faujas », Annales du Muséum, vol. 2, 1803, pp. 110-119. L’auteur est probablement Alexandre et non son oncle Antoine-Louis comme on le lit parfois. Voir aussi Klaproth (Martin Henrich), « Analyse de la Terre d’ombre », Mémoires de Chimie contenant des analyse de minéraux, Paris : F. Buisson, 1807, vol. 2, pp. 294-299. Le savant allemand y donne l’analyse chimique de « la vraie terre d’ombre », le texte servant de contrepoint à l’analyse de Brongniart sur la « fausse » terre d’ombre, celle de Cologne.
334 Sur le cercueil, voir Lenoir (Alexandre), Description historique et chronologique des monumens de sculpture réunis au Musée des monumens français, Paris : Imprimerie Hacquart, 1806, pp. 78-79.
335 Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle appliquée aux arts, à l’agriculture, à l’économie rurale et domestique, à la médecine etc., Paris : Déterville, 1819, vol. 33, entrée : « Terre d’ombre » : « Cette terre est parfaitement distincte de la précédente [la Terre d’ombre proprement dite], par sa nature ; car c’est une poussière formée uniquement par des débris de bois fossile ».
336 Trouvé (Claude-Joseph), Voyage dans la Belgique…, op. cit., vol. 1, pp. 61-63.
337 AN, F/17/1245 : Lettre de Faujas et Thouin au Comité de Salut public de la Convention nationale. Bonn, le 10 nivôse an III. Les passages ici en italique sont soulignés dans le texte. Voir Thibaudeau (Barthélemy), Rapport sur le Muséum national d’Histoire naturelle, 1794, op. cit., p. 9.
338 Gohau (Gabriel), Une Histoire de la géologie, Paris : Seuil, 1990, pp. 79-81 (Points Sciences) ; Gohau (Gabriel), « La Naissance de la Géologie historique : Les ‘ Archives de la Nature’ », art. cit.
339 AN, F/17/1245 : Lettre de Faujas et Thouin au Comité de Salut public de la Convention nationale. Bonn, le 10 nivôse an III.
340 Ibid.
341 Ibid.
342 Voir Hoquet (Thierry), Buffon…, op. cit., pp. 77-79. La distinction entre les deux savoirs de la nature remonte à Francis Bacon qui « propose un programme général pour la science de la Nature, où l’histoire n’occupe que le rôle subalterne de collection préparatoire à une étape plus avancée de la science, la philosophie ».
343 Bertrand (Philippe), « Réflexions géologiques sur les mines de terre d’ombre décrites par le Cen Faujas, no XXX-VI de ce Journal », Journal des mines, no 51, novembre à décembre 1798, pp. 237-245. Son ouvrage, Bertrand (Philippe), Nouveaux principes de géologie, comparés et opposés à ceux des philosophes anciens et modernes, notamment de la Métherie, qui les a tous analysés dans sa théorie de la terre. Ou Manière plus simple d’observer et d’expliquer les principaux faits naturels avec un abrégé de la géologie nouvelle, Paris : Chez l’auteur, An VI [1797-1798], 536 p. L’ouvrage fait l’objet d’un compte-rendu, finalement assez peu critique, de Lelièvre à l’Institut national et publié dans le Journal des mines, no 41, janvier à février 1798, pp. 373-384.
344 Cuvier (Georges), « Mémoire sur les espèces d’éléphants tant vivantes que fossiles », Magasin encyclopédique, 2e année, vol. 3, 1796, pp. 440-445, notamment pp. 444-445 : « ce n’est pas à nous [les anatomistes, comprendre Cuvier] qu’il appartient de nous engager dans le vaste champ de conjectures que ces questions [sur l’origine de la terre] présentent. Que des philosophes plus hardis l’entreprennent. La modeste anatomie, bornée à l’examen détaillé, à la comparaison scrupuleuse des objets soumis à ses yeux et à son scalpel, se contentera de l’honneur d’avoir ouvert cette nouvelle route au génie qui osera la parcourir ».
345 Heinzmann (Johann Georg), Voyage d’un Allemand à Paris…, 1800, op. cit., p. 149.
346 Latour (Bruno), Pasteur. Guerre et paix des microbes, Paris : La Découverte, 2001 [1984], p. 8 : « Préface de la nouvelle édition ».
347 Kury (Lorelai), « Les Instructions de voyage… », art. cit., pp. 85-89. Cette instruction est publiée en 1818, 1824, 1827, 1829, 1845, 1860.
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Michel-Eugène Chevreul
Un savant, des couleurs !
Georges Roque, Bernard Bodo et Françoise Viénot (dir.)
1997
Le Muséum au premier siècle de son histoire
Claude Blanckaert, Claudine Cohen, Pietro Corsi et al. (dir.)
1997
Le Jardin d’utopie
L’Histoire naturelle en France de l’Ancien Régime à la Révolution
Emma C. Spary Claude Dabbak (trad.)
2005
Dans l’épaisseur du temps
Archéologues et géologues inventent la préhistoire
Arnaud Hurel et Noël Coye (dir.)
2011