Les confiscations
La pratique des saisies
p. 104-133
Texte intégral
1En 1767, au cours de son voyage savant dans les provinces orientales de la France, le jeune Lavoisier décrit sa pratique naturaliste dans une lettre à sa tante192 :
Vous ne sauriez croire, combien tous ces envois donnent d’embarras. La première peine est de ramasser les objets et les transporter à l’auberge. Il faut ensuite construire des caisses ; faire le catalogage de l’envoi ; étiqueter chaque chose, l’emballer, écrire à M. Parrent [secrétaire du ministre] pour lui donner avis du départ des boîtes ou caisses, enfin faire une copie du catalogue pour envoyer un double au ministre.
2Le jeune savant a l’air bien embarrassé par toute cette paperasse qui l’ennuie. Pourtant, le recensement, l’étiquetage, l’inventaire ou le catalogue sont au principe même d’une histoire naturelle qui collecte, décrit, dénomme et classe des choses. Commentant Pour une théorie générale des formes de François Dagognet, Camille Limoges a ainsi pu observer un « lieu commun » à l’administration et à l’histoire naturelle193 : les « pratiques courantes de l’administration sont […] les mêmes ou des parentes de celles agissantes au cœur même de l’histoire naturelle, quand il s’agit de maîtriser la diversité par registres, inventaires, catalogues, inscriptions et assignations d’identité, archivages, constitutions de séries ». Ces manières d’écrire les objets sont autant « d’outils par lesquels des entités sont fichées, identifiées, classées » en histoire naturelle comme dans la pratique quotidienne des administrations. C’est cette « administration des choses naturelles » que l’on voudrait ici interroger durant les confiscations révolutionnaires194. Pour observer cette logistique des objets naturalistes au travers d’une multitude de menus gestes répétés — tenue d’une correspondance, sélection des spécimens, rédaction d’inventaires, emballage des objets, organisation de leur envoi —, la période révolutionnaire offre à l’historien un point de départ exceptionnel. Entre 1793 et 1798, de nouvelles instructions, parfois très détaillées, sont publiées pour régler la pratique des confiscations, les commissaires chargés d’opérer les saisies suivent plus ou moins la norme édictée, et une multitude d’administrations s’occupent du transport des objets étrangers dans la capitale avec, à l’arrivée des convois d’Italie, l’organisation d’une grande fête triomphale.
NORMALISER LES PRATIQUES
3Les manières de faire des naturalistes sont codifiées par des Instructions. Ces dernières relèvent d’une littérature prescriptive qui décrit un ensemble de procédures pour la bonne gestion des collections notamment par l’étiquetage et le catalogage des échantillons. L’une de ces Instructions, rédigée par l’anatomiste Vicq d’Azyr en l’an II, à l’occasion des saisies des collections des « ennemis » de la République, est particulièrement importante. Elle s’inscrit dans un double héritage, celui des instructions rédigées par les centres naturalistes à destination des voyageurs du xviiie siècle, et celui, plus immédiat, des quatre instructions de confiscations publiées par la Commission des monuments entre le 22 novembre 1790 et le 1er juillet 1791 et adressées à tous les districts et départements pour organiser la confiscation et la sauvegarde des objets des arts et des sciences confisqués au clergé195. Ces cinq instructions, qui se trouvent souvent ensemble dans les dépôts d’archives, veulent régler la saisie de ce qui est appelé, dans le décret de conservation du 23 septembre 1793, les « monuments publics transportables », sortes de « mobiles immuables », immuables parce que monuments et mobiles parce que transportables. Elles décrivent les sept différentes étapes du processus de confiscation : saisir, trier, sauvegarder, tracer, inventorier, cataloguer et distribuer les objets. La première et la dernière, disons le point de départ et le but du processus sont éminemment politiques et sont traités ailleurs dans ce livre. Seules les étapes intermédiaires sont présentées ici parce qu’elles définissent les normes d’une bonne pratique des confiscations et qu’elles mobilisent tout un ensemble de « technologies de papier ».
4L’Instruction sur la manière d’inventorier et de conserver, dans toute l’étendue de la République, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement est demandée à Vicq d’Azyr le 31 octobre 1793 par la nouvelle Commission temporaire des arts qui prend la relève de la Commission des monuments bientôt supprimée196. Publiée au printemps 1794, elle comporte trois fois plus de pages que toutes les autres réunies, incorporant notamment l’intégralité de l’Instruction pour procéder à la confection du catalogue de chacune des bibliothèques de mai 1791. Elle est aussi la plus politique de toutes, mobilisant de grands couples idéologiques, la raison contre la superstition, l’utilité contre le luxe des riches, l’égalité républicaine contre les privilèges de caste, les peuples libres contre les sujets des despotes etc. Elle est enfin la seule avec l’instruction de La Rochefoucauld d’Anville datée du 22 novembre 1790 à mentionner explicitement les spécimens d’histoire naturelle. Elle mérite d’être citée longuement :197
La commission temporaire des arts est établie : 1 ° pour veiller à l’exécution de tous les décrets qui concernent la conservation des monuments et des objets de sciences et d’arts, leur transport et leur réunion dans les dépôts convenables, 2 ° pour en faire une courte description et les classer, afin qu’on les connaisse et qu’on puisse les trouver au besoin.
On pourvoit à la conservation des richesses littéraires : 1 ° par les scellés que les corps administratifs font apposer sur les maisons et sur les appartements qui les renferment ; 2 ° par les inventaires, de la rédaction desquels la commission des arts est chargée […].
Pour remplir cette double tâche, il était nécessaire que toutes les parties de cette commission adoptassent une marche commune ; elles ont préféré celle qui suit :
Chacune des nombreuses collections du département de Paris est indiquée par un signe convenu ; chaque section de la Commission des arts l’est par un signe d’un autre genre. Sur chaque objet est placée une étiquette portant le numéro du département, le signe de la collection dont le morceau fait partie ; plus celui de la section qui en a déterminé la sorte ou l’espèce ; plus le signe numérique par lesquels l’objet lui-même est individuellement exprimé. L’état est rédigé conformément à ces bases ; et c’est toujours une nomenclature méthodique dont les sections de la commission des arts se font un devoir de se servir […]. La commission des arts dresse autant d’inventaires qu’il y a de sections intéressées par l’examen de chaque collection ou dépôt. Chaque inventaire porte en tête le nom du département, celui de la collection, ou le signe qui la caractérise, et celui de la section qui est chargée du travail.
Les inventaires sont eux-mêmes divisés en plusieurs colonnes qui indiquent les places particulières où sont déposés les objets, telles que les armoires, les tiroirs, les cages, les tables ou les caisses ; le numéro qui est propre à chaque objet ; le nombre de morceaux réunis sous le même numéro ; tout ce qui concerne la nomenclature, c’est-à-dire le nom vulgaire, celui de Linnéus [sic] ou d’un autre naturaliste moderne, etc. ; celui par lequel l’objet est désigné dans la collection ; le nom du donateur et celui du pays d’où l’objet a été apporté, si l’un et l’autre sont connus ; des notes sur l’état de conservation ou autres, et quelquefois des signes de remarque sur la richesse ou la rareté des morceaux […].
Chacune des sections trouve dans ce tableau les chefs de division qui lui conviennent ; car il n’aurait pas été possible de leur en présenter un dont elles eussent pu toutes également se servir […].
Dans ces divers travaux, ce sont des commissaires du département de Paris qui apposent et qui lèvent les scellés ; et à chaque section est remis un cachet particulier, portant le signe qui lui est propre, et dont elle se sert pour apposer les scellés intérieurs, toutes les fois qu’elle croit devoir recourir à ce moyen de sûreté.
Instruction sur la manière…
Page de titre de l’Instruction… de Vicq d’Azyr, an II [1794] Cliché BIUM, Montpellier.
5Les objets confisqués sont appréhendés au travers d’un « codage descriptif systématique au moyen d’un procédé alphanumérique »198 : le département est indiqué par son numéro, la collection par une minuscule, la section par une majuscule et les objets eux-mêmes par des « signes numériques », chiffres pour les identifier et croix pour les distinguer selon qu’ils sont plus ou moins remarquables. À propos des échantillons minéralogiques, Vicq d’Azyr mobilise par exemple ce système de croix combinant trois caractères réputés incommensurables des objets – leur rareté, leur typicité et leur état de conservation – sous la forme d’un indice synthétique.
6Ce codage, inscrit sur l’étiquette que porte l’objet, est reporté sur l’inventaire de la collection et sur le catalogue méthodique qui peut en être tiré. La fonction de l’étiquette, qui peut être attachée par un fil à l’objet ou collée sur lui ou encore sur son bocal ou son carton, apparaît clairement : il ne s’agit pas de dénommer l’objet et encore moins de le classer mais bien de le tracer depuis la collection confisquée jusqu’à sa destination. À partir de ces objets étiquetés, on dresserait des inventaires qui se présenteraient sous la forme d’un tableau à double entrée : les lignes feraient se succéder des lots d’objets semblables numérotés ; les colonnes indiqueraient la place de chaque lot dans la collection, son importance, son numéro, le nombre des objets sous le même numéro, leur nomenclature et leur description, leur origine et leur état de conservation. Au travers de ces descripteurs, chaque spécimen serait inséré dans un réseau dense de signes qui exprimeraient ses caractères (nom, état de conservation, qualité) et sa filiation (position et dénomination dans la collection, provenance). Ainsi, on pourrait virtuellement reconstituer l’agencement de la collection confisquée ou retracer l’historique de chaque objet. Et toute cette logistique des objets de science pourrait aussi se transformer en dispositif de surveillance des hommes : « lorsque les inventaires de toutes les collections seront terminés, des agents responsables en seront nommés les gardiens, et toute dilapidation y deviendra dès ce moment impossible. Or nous sommes informés qu’il s’y commet journellement des dilapidations de divers genres, qu’il serait difficile d’empêcher puisque dans la plupart de ces collections, ni la valeur, ni même l’existence des morceaux précieux, ne sont constatées par aucun titre connu »199. L’inventaire a une double fonction de conservation : il permet aux objets d’exister en attestant leur présence désormais constatée par un « titre connu » ; couplé à la mise sous scellés, il limite les vols en responsabilisant les gardiens auxquels on pourrait demander des comptes à l’occasion d’un récolement.
Modèles d’étiquettes
Extrait de la page 10 de l’Instruction de Vicq d’Azyr, an II [1794] Cliché BIUM, Montpellier.
Modèle d’un cahier d’inventaire
Extrait de la page 26 de l’Instruction de Vicq d’Azyr, an II [1794] Cliché BIUM, Montpellier
7Vicq d’Azyr préconise encore de rédiger, d’après les inventaires de collections, des « catalogues méthodiques ou raisonnés » tout en précisant que « la classification est une opération secondaire, par laquelle, en donnant aux objets inventoriés un ordre méthodique, on montre l’usage qu’on peut en faire, et le rang qui leur convient ». Il décrit alors la manière de les rédiger et les finalités du travail d’inventaire et de catalogage :200
Quant aux catalogues méthodiques ou raisonnés qui seront tirés des inventaires faits sur place, afin de mettre autant d’uniformité qu’il se pourra dans ce travail, chacun de ces catalogues doit porter en tête, avec le nom du département ou son numéro : 1 ° le signe qui indique le dépôt ; 2 ° celui qui est propre à la section dont le catalogue est l’ouvrage ; 3 ° la classe, l’ordre ou le genre auxquels les objets sont rapportés ; et les grandes divisions sont toujours écrites sur des cahiers distincts […].
Après l’achèvement de ce travail, l’état des arts et des sciences dans les départements sera terminé sous ses deux principaux rapports : par les procès-verbaux ou inventaires, il le sera sous celui de la topographie ; il le sera, par les tableaux méthodiques, sous celui des diverses branches des connaissances humaines ; de sorte que les législateurs sauront avec la plus grande précision quelles contrées sont suffisamment pourvues des objets nécessaires à l’enseignement, et quelles sont aussi celles où il n’y en a point assez, et qu’ils pourront sans peine, à l’aide des catalogues méthodiques qui leur seront remis, trouver, organiser et mouvoir les nombreux ressorts de cette importante machine, sans laquelle l’édifice républicain, c’est-à-dire, le gouvernement de la raison et des mœurs, ne pourrait longtemps se soutenir.
8L’auteur distingue soigneusement inventaires et catalogues comme deux manières d’opérer les recensements : à la différence des premiers, les seconds n’ordonnent pas les objets selon leur place dans la collection mais selon leur position dans une classification. Les inventaires doivent être réalisés sur place par les commissaires des districts tandis que les « catalogues méthodiques ou systématiques, qui doivent en être tirés, seront rédigés par la commission des arts » selon un partage des rôles proche de la distinction entre savant de cabinet et collecteur de terrain. Dans le chapitre sur les spécimens botaniques, Vicq d’Azyr indique la possibilité de réaliser un catalogue méthodique en sautant l’étape de l’inventaire par l’utilisation d’un astucieux système de cartes à jouer : « Il est quelquefois plus facile et plus expéditif d’inscrire les objets, à mesure qu’ils se présenteront, sur des cartes, que de les réunir par groupes, et de les distribuer ensuite méthodiquement pour les inventorier. Les cartes étant beaucoup plus faciles à ranger que les objets dont elles offrent les noms, on peut employer cette méthode, de laquelle il ne résultera d’autre inconvénient que celui d’intervertir, dans la distribution, l’ordre des numéros ». Ce système, très proche de celui préconisé dans l’Instruction sur les bibliothèques de mai 1791, n’a, à notre connaissance, guère été employé sauf pour les livres et quelques autres objets201. Vicq d’Azyr distingue également inventaires et catalogues selon leurs finalités respectives : alors que les premiers visent à assurer la conservation des objets, les catalogues doivent offrir aux autorités les moyens de connaître l’étendue des ressources pédagogiques dans les départements et permettre ainsi la répartition harmonieuse des objets sur le territoire national. Le catalogue passe alors des mains du savant commissaire à celles du Législateur : il rend possible la réalisation de ce qu’on appellerait aujourd’hui « une politique culturelle territoriale ». Celle-ci, on le verra, sera mise en place plus tard à l’occasion de la création des École centrales dans les départements.
9Après avoir décrit la « marche commune » à tous les inventaires de toutes les sections, l’Instruction se prolonge par des instructions spécialisées pour chacune des treize sections de la Commission temporaire des arts. La première concerne l’histoire naturelle202. Elle contient un ensemble de recommandations pratiques pour la conservation et le transport des spécimens. Il faut les préserver de l’humidité comme de la sécheresse, des insectes et de la poussière. Vicq d’Azyr propose alors un certain nombre de techniques de conservation : l’amalgame de Daubenton et différents luts pour empêcher l’évaporation de l’esprit de vin des bocaux ; une série de recettes de « liqueurs conservatrices », à base d’eau de vie distillée à laquelle on mêle de l’eau pure et différents ingrédients ; différentes fumigations pour traiter les insectes, etc. Ces recommandations sont des résumés d’ouvrages et de pratiques. Dans les notes en bas de page, on mentionne le procédé d’amalgame indiqué par Daubenton dans son Histoire naturelle, les liqueurs de Ruysch ou celles de Guyot [ou Guiot] utilisées dans la ci-devant Académie des sciences, et on y donne des recettes pour la fulmigation, celle du chimiste nancéen Nicolas ou celle du parisien Dufresne. Ces procédés ont parfois déjà été publiés ailleurs. D’autres fois, leur secret de fabrication a été divulgué à Vicq d’Azyr : Dufresne accepte « de rendre publique » sa préparation ; Daubenton transmet le procédé du vieux Guyot à la Commission, sans doute par l’intermédiaire de Thouin203. Il faut aussi assurer la conservation des spécimens pendant leur encaissement et sécuriser leur transport, envelopper tous les objets « avec précaution de papier doux, et ensuite [les entourer] de corps mous, tels que les rognures de papier, de la bourre, de la mousse sèche, de la filasse, de la laine ou du coton » voire du son ou d’autres graines légères204. Pour chaque type d’objet, le naturaliste recommande des précautions particulières pour le roulage. Il faut respecter les bonnes périodes pour le transport des plantes de pleine terre, fixer fermement les minéraux dans des boîtes et remplir les peaux des quadrupèdes empaillés. Toutes ces précautions évoquées pour la sauvegarde des spécimens confisqués — pour que les choses mobiles demeurent immuables — sont semblables à celles proposées pour les voyages lointains. Une part importante de la littérature apodémique des Lumières est en effet formée d’instructions pour la conservation des plantes ou des animaux tandis que Thouin met au point des « serres à végétaux vivants pour les voyages autour du monde » et que les nécessités de la préservation des individus donnent naissance à un petit corps de spécialistes au Muséum205. Il faut alors bien lire l’Instruction de Vicq d’Azyr dans la continuité d’un ensemble de textes qui visent à discipliner les pratiques des naturalistes sur le terrain.
Méthode de préparer… Planche extraite de l’ouvrage de Pierre-François Nicolas (1800) Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
MANIÈRES DE FAIRE
10L’Instruction de l’an II avec sa méticulosité obsessionnelle et sa rhétorique mécaniste, est un texte normatif d’une grande importance pour comprendre les pratiques d’inscription des objets, manière de les tracer d’un lieu à un autre mais aussi de surveiller les hommes qui en ont la charge. Dans ces procédures, telles qu’elles sont prescrites par Vicq d’Azyr, il s’agit bien d’encoder des choses pour les insérer plus sûrement dans une grande machinerie administrative, centrée sur la Commission temporaire des arts avec, comme projet, une meilleure distribution sur le territoire des ressources naturalistes, plus « rationnelle » parce que mieux ajustée aux besoins. Ce texte a la dureté impérieuse d’une règle normative : il décrit comment les opérations devraient se passer ; mais les choses ne se passent jamais véritablement ainsi. Il faut dès lors se demander comment cette règle est traduite dans les manières de faire des commissaires chargés d’opérer les confiscations, c’est-à-dire s’intéresser aux menus détails de leurs pratiques, des indices de la lecture de l’Instruction jusqu’à la pose des scellés sur les collections en passant par l’ordonnancement des objets dans les catalogues.
11Une première version de l’Instruction, longue de 70 pages, paraît dans le Journal des débats et des décrets du 15 mars 1794, puis une seconde, légèrement modifiée, en juillet 1794. Cette dernière version, à l’origine destinée à la confiscation des collections parisiennes, est rapidement envoyée dans les départements. Des exemplaires sont encore présents au sein des cartons de la série L — la série révolutionnaire — dans différents centres d’archives départementales. Mais la bonne réception de l’Instruction n’implique pas nécessairement sa lecture. Par exemple, à Nantes, les cahiers de l’exemplaire reçu par l’administration du département n’ont pas tous été séparés au coupe-papier, ce qui rend la plupart des pages indisponibles à la lecture206. Le carton suivant des archives départementales renferme d’ailleurs un inventaire de confiscation, celui de la collection Le Bouvier-Desmortiers datant de 1796207. Il ne respecte pas la procédure préconisée par Vicq d’Azyr mais ressemble plutôt à un inventaire après décès où les objets sont recensés par place, numérotés, décrits et enfin prisés. Si les archives sont discrètes sur les manières de faire des commissaires, on peut néanmoins suivre le déroulement des opérations de confiscation lors de la mission septentrionale au travers de deux cas, celui du cabinet stathoudérien à La Haye et celui de la collection du collège jésuite de Cologne. À La Haye, les commissaires se partagent le travail : alors que leurs deux collègues sont retournés en France, Thouin précise que Faujas prend « pour sa part toute la partie des animaux, quadrupèdes, des reptiles et des minéraux » et qu’il lui tombe « en partage le règne végétal, les insectes, les oiseaux et le reste des objets contenus dans le cabinet »208. Après une première visite, les commissaires apposent des scellés sur le cabinet et en confient « la surveillance à l’agent national »209. Puis ils en dressent l’inventaire d’après le catalogue d’Arnout Vosmaer, l’ancien directeur de la collection210. Enfin, ils opèrent un premier tri entre les objets, mettent sous caisses ceux qui leur paraissent utiles au complément des collections nationales ou départementales et les dirigent vers des dépôts. La procédure est semblable au collège de Cologne211. Les commissaires Leblond, Faujas et Thouin s’y présentent « munis de pouvoir signés par les représentants du peuple Joubert et Haussmann », font poser des scellés sur la porte de la bibliothèque gardée par un factionnaire, s’emparent du catalogue et transfèrent les objets confisqués à la maison du représentant du peuple. Les mêmes motifs se répètent : implication des autorités administratives ; division des tâches entre les commissaires suivant leurs compétences particulières ; pose de scellés sur les portes du cabinet et surveillance de l’entrée par un garde ; réalisation des inventaires d’après les catalogues disponibles ; mise en caisse des objets et transfert dans un dépôt. Il est néanmoins probable que ces procédures ne sont suivies avec toute leur rigueur que lors de la saisie des cabinets les plus importants, ceux des grands aristocrates ou des institutions religieuses.
12L’inventaire d’une collection précède presque toujours un transfert de propriété qui en fait, à l’ordinaire, la raison d’être. L’inventaire révèle ainsi la présence d’un cadavre, celui de la collection cédée ou dispersée aux enchères, et souvent, mais pas toujours, celui du propriétaire. Les inventaires de confiscations n’échappent pas à la règle. Au moment de leur rédaction, la collection a cessé d’exister : elle n’appartient déjà plus à son ancien propriétaire, dépossédé, émigré ou mort sur l’échafaud ; elle n’est pas encore dispersée dans les autres cabinets auxquels on la destine. L’inventaire ou le catalogue de collection est alors la pièce maîtresse du dispositif de saisie. Il est aussi une chose de valeur, souvent l’objet le plus important de la collection saisie. D’ailleurs les commissaires copient souvent de vieilles versions, quand ils ne les confisquent pas au même titre que les objets qu’ils recensent : l’ancien inventaire du cabinet de l’abbaye Saint-Denis est simplement recopié, ce qui explique sa nomenclature désuète212 ; les catalogues du cabinet du Stathouder sont confisqués et envoyés à Paris213 ; celui de la collection minéralogique de l’Université de Pavie, rédigé par Spallanzani, est recopié par les commissaires lors de la saisie des doubles214. Les catalogues de la collection stathoudérienne méritent une attention particulière. Alors que le cabinet vient « d’être déclaré propriété nationale », Thouin et Faujas s’occupent « à faire le récolement des objets d’après l’inventaire fait par le directeur de ce cabinet, Vosmaer »215. À propos des insectes, les commissaires indiquent que, comme « il est fastidieux de compter le nombre des espèces, variétés et individus qui composent cette partie de la collection, [ils se sont] rapportés au catalogue »216. De même pour les coquilles : « les genres étaient indiqués par des étiquettes écrites sur des petites plaques d’yvoir [sic], les espèces et les variétés étaient désignées par des numéros collés sur chacune d’elle et qui sont relatifs au catalogue de cette partie »217. Ou pour les oiseaux : « il s’en trouve dans la collection qui ne sont pas portés sur le catalogue, et il y en a d’inscrits dans le catalogue qui ne sont plus dans la collection. J’ai marqué d’un signe sur le catalogue tous les individus qui se sont trouvés dans la collection »218. L’ancien catalogue confisqué, les commissaires n’ont plus qu’à procéder à un rapide récolement. La saisie d’un inventaire fait ainsi gagner du temps à des commissaires toujours pressés. Mais un catalogue confisqué importe parfois également pour sa nomenclature étrangère ou pour l’indication des lieux de collecte, notamment en minéralogie. Ainsi, la collection d’Artois au Temple contient « onze petits cartons en forme de boëte renfermant de la mine de fer en grains détachés […] du Berry, tous ces morceaux n’ayant d’autre intérêt que celui de la localité qui est indiquée sur la vignette ainsi que dans tous les morceaux de cet inventaire, écrite par Dietrich »219. Quant à la collection minéralogique du Stathouder, Thouin indique que chaque échantillon porte un numéro relatif à l’inventaire et « quoique ce catalogue ne présente que des noms triviaux hollandais, que tout y soit confondu et rangé seulement dans l’ordre de réception des objets, il est cependant intéressant lorsqu’il indique des noms de lieux d’où les échantillons ont été tirés et qu’il offre des renseignements locaux qui peuvent servir à l’histoire des productions »220. L’inventaire de la collection devient alors autre chose, un inventaire des « productions » du sol, des ressources minérales, inventaire disponible pour la mise en valeur du territoire par les autorités publiques.
13Les inventaires de saisie rédigés avant la publication de l’Instruction de Vicq d’Azyr au printemps 1794 peuvent être comparés aux formes habituelles des inventaires notariés. En 1793, on inventorie le cabinet d’histoire naturelle de Condé à Chantilly, en évaluant le prix de la collection en vue de liquider les dettes contractées par l’émigré auprès de ses créanciers221. L’inventaire est dressé par Jean-Baptiste Lefebvre de Villebrune, aidé de Gaillard pour la prisée des spécimens et en la présence de Lamarck et de Geoffroy Saint-Hilaire. Dans le « catalogue », les commissaires recensent les spécimens meuble après meuble pour les objets renfermés dans les armoires, puis salle après salle pour les objets disposés hors de celles-ci. Dix années plus tard, en 1803, à la mort du naturaliste François-Marie Daudin, on inventorie sa collection principalement riche en spécimens ornithologiques et renfermée dans sa maison rue Saint-Dominique222. L’inventaire après décès est réalisé par Jacques Philibert, commissaire-priseur, aidé du libraire Pierre-Théophile Barrois père ; ils passent d’une pièce à l’autre et d’un meuble au suivant pour en recenser les objets. L’inventaire dure plusieurs vacations, dont une de six heures pour les seuls objets d’histoire naturelle. Les prix sont donnés par individu ou par lot selon les cas. Entre ces deux inventaires, quelques traits communs sont immédiatement repérables : le rôle des experts avec un libraire pour estimer une bibliothèque et des naturalistes pour identifier des spécimens ; la place des marchands qui donnent un prix aux choses et évaluent une collection tantôt pour combler des héritiers tantôt pour satisfaire des créanciers ; la pratique des rédacteurs qui recensent les objets pièce par pièce et meuble après meuble sans souci immédiatement systématique. La manière de rédiger l’inventaire de saisie du cabinet Condé s’inscrit à l’évidence dans un ensemble de pratiques héritées des inventaires après décès.
14Après la mi-1794, dans leurs pratiques quotidiennes, les commissaires ne distinguent guère l’inventaire du catalogue, comme le préconise pourtant Vicq d’Azyr. Les archives nationales renferment des centaines d’inventaires de saisie réalisés par des commissaires à Paris, dans les départements ou dans les pays conquis223. Intitulés tantôt « inventaire », tantôt « catalogue », « état », « note » ou « liste d’objets », ils suivent plus ou moins régulièrement les procédures recommandées par l’Instruction. Prenons deux exemples. Le premier, « inventaire des objets de la collection de l’émigré D’Esclignac », est rédigé le 26 septembre 1795 par le botaniste Louis-Claude-Marie Richard, bientôt membre de la section zoologique de la première classe de l’Institut national et propriétaire, d’après Cuvier, d’une collection conchyliologique224. L’inventaire décrit la collection zoologique de D’Esclignac en indiquant sur chaque ligne, le numéro de chaque lot de spécimens, le nom de l’espèce et le nombre d’individus par numéro. Le second, inventaire de l’ancienne Université de Perpignan, est rédigé le 28 janvier 1795 par Emmanuel Bonafos, ancien médecin, alors récemment nommé professeur de botanique à Perpignan en application de la loi sur la sauvegarde des jardins botaniques225. L’inventaire de Bonafos indique dans son en-tête les noms et codes du département, du district, de la collection et ceux de la section de la Commission temporaire des arts. L’inventaire lui-même se présente sous la forme d’un tableau à cinq colonnes faisant se succéder les catégories suivantes : « places », « signes de remarques », « numéros des objets », « nombres des objets sous le même numéro » et « nomenclature et description abrégée des objets ». Tandis que l’inventaire de Richard n’est finalement guère qu’une simple liste d’objets, celui de Bonafos reprend méticuleusement le modèle proposé par Vicq d’Azyr. En 1795, c’est donc celui qui occupe la position la plus marginale dans le champ naturaliste français, maintenu à l’écart de la Commission parisienne, qui respecte le plus scrupuleusement, ou le plus littéralement, les règles édictées par celle-ci.
15Comment ces inventaires sont-ils ordonnés ? Trois cartons des archives nationales, concernant les saisies naturalistes dans les environs de Paris et en province, renferment de nombreux recensements dont il est possible d’étudier la structure. La nomenclature et l’ordonnancement des listes de botanique — qu’elles relèvent de l’inventaire ou du catalogue, et qu’elles indiquent des plantes vivantes ou des plantes d’herbier — ont été étudiés grâce à l’aide de Denis Lamy. Commençons par les plantes de jardins. En Ardèche, le « catalogue des plantes du jardin botanique de Tournon » mobilise une triple nomenclature — vernaculaire, tournefortienne et linnéenne — et ordonne les espèces végétales selon la classification de Tournefort — qui repose sur la forme des fleurs —, reprenant sans aucun doute celle du jardin lui-même226. Près de Boulogne-sur-Mer, l’« état des arbres et arbustes exotiques […] du citoyen Leveux » se présente sous la forme d’un tableau à trois colonnes indiquant successivement la nomenclature en vernaculaire, le « pays originaire » et des remarques diverses dans une liste divisée en grandes classes formées sur des critères hétérogènes à l’intérieur desquelles les espèces se suivent dans l’ordre alphabétique de leur nom227. À Paris, les « listes » rédigées par Thouin, des jardins de la maison de Kinski au faubourg Saint-Germain, de Marbeuf aux Champs Élysées, et de Malesherbes près de Montmartre utilisent la nomenclature binomiale — c’est-à-dire le nom double composé depuis Linné d’un nom générique et d’un épithète spécifique — mais ne sont pas ordonnées méthodiquement, semblant simplement suivre le cheminement du commissaire passant d’une plante à l’autre228. Continuons par les plantes sèches de trois herbiers parisiens. L’« inventaire » de l’herbier Boutin trouvé dans sa maison rue de Clichy adopte la nomenclature et, surtout, la classification linnéenne, suivant, sans aucun doute, l’ordre de l’herbier lui-même229. Le « catalogue raisonné des productions végétales » de l’Académie des sciences suit l’ordonnancement caractéristique d’un ancien droguier divisé en rubriques « plantes sèches », « bois et tiges », « écorces », « racines », « gommes et résines » suivies des artefacts, d’un herbier, de graines et de figures coloriées230. Le « catalogue raisonné des productions végétales » de la collection des ci-devant jacobins, également un ancien droguier déposé aux Petits-Augustins, se compose principalement d’un recensement, ordonné selon la méthode des familles naturelles de Jussieu, des plantes les plus remarquables d’un herbier de 1 000 espèces renfermé dans six boîtes231. Ces listes, inventaires ou catalogues, rédigées de part et d’autre de la grande instruction de Vicq d’Azyr, ne suivent ainsi aucune nomenclature régulière, comme on aurait pu s’y attendre, et ne sont ordonnées selon aucune méthode ni aucun système fixe. Les commissaires ont, à l’évidence, procédé au plus court, en suivant l’ordre d’un herbier, en recopiant un catalogue ou en inventoriant un jardin plante après plante. Si le modèle d’inventaire prôné par Vicq d’Azyr n’a guère été mis en œuvre lors des saisies, c’est sans doute parce qu’il est aussi méticuleux dans ses préconisations que chronophage dans son application.
Inventaire de Richard
Collection de l’émigré D’Esclignac, 26 septembre 1795 Cliché Pierre-Yves Lacour.
Inventaire de Bonafos
Collection de l’Université de Perpignan, 28 janvier 1795 Cliché Pierre-Yves Lacour.
L’ALLER SIMPLE DES OBJETS VOYAGEURS
16Les objets saisis sont encaissés puis transportés dans les dépôts, au Muséum pour les spécimens d’histoire naturelle confisqués à Paris et à l’étranger. Une étude quantitative des confiscations est difficile, ce qui tient à leur ampleur considérable comme à la dispersion des sources, notamment pour la partie française des saisies. Problème supplémentaire, les plantes et les minéraux sont, à l’ordinaire, dénombrées par espèce tandis que les spécimens zoologiques le sont par individu. Quant à la valeur marchande des collections, elle n’est indiquée que pour deux d’entre elles, celle de Condé estimée à environ 32 000 L. en 1793 et celle du Stathouder évaluée grossièrement à un million de L. tournois en juin 1796, deux chiffres difficiles à comparer tant la monnaie est instable pendant la période révolutionnaire232. Le plus simple est alors de procéder à la louche en proposant une évaluation grossière du nombre de caisses — d’ailleurs plus ou moins grosses — d’objets d’histoire naturelle confisqués. Le cabinet Condé à Chantilly est renfermé en 1793 dans cent ou cent-vingt caisses233. En Belgique et en Allemagne, les commissaires ont confisqué un total de 93 chariots et 170 caisses mélangés d’objets d’art et de sciences234. En Hollande, le cabinet stathoudérien produit de quoi remplir cinq convois successifs, soit 187 caisses d’objets d’histoire naturelle ainsi que des animaux vivants235. Ce sont donc quelques centaines de caisses que les quatre commissaires font parvenir vers Paris, les envois de Keil paraissant dérisoires en comparaison. En novembre 1800, les professeurs du Muséum envoient au ministre de l’Intérieur un état des « caisses qui ont été adressées d’Italie »236. L’état ne recense que 19 caisses : neuf pour le seul herbier de Haller et son catalogue, cinq pour les échantillons saisis à Pavie et à Vérone, trois pour ceux de l’Institut de Bologne — dont une caisse pour l’herbier Aldrovandi —, une autre caisse composée de graines collectées lors de la mission italienne et de minéraux offerts par Pini, et une dernière remplie de livres237. En résumé, la collection Condé a produit une grosse centaine de caisses d’histoire naturelle, la mission septentrionale environ trois cents dont les deux tiers pour le seul cabinet stathoudérien et la mission italienne, une petite vingtaine. Les grandes collections aristocratiques, celle de Condé à Chantilly et celle du Stathouder à La Haye, ont donc fourni l’essentiel des spécimens saisis en Europe, tandis que les saisies italiennes de spécimens naturalistes sont d’un volume très modeste en comparaison des confiscations d’histoire naturelle opérées en Europe du Nord.
17Les spécimens saisis dans les environs de Paris et lors des missions étrangères prennent le chemin de la capitale. La description minutieuse de ces trajets occupe une place importante dans les fonds d’archives238. Elle donne également lieu à de nombreux articles dans la presse savante, notamment au sein des rubriques « nouvelles littéraires » de la Décade philosophique et du Magasin encyclopédique239. Lors du transport des monuments italiens, auxquels se joignent quelques animaux d’Afrique de Cassal, un débat s’ouvre pour savoir s’il faut employer la voie d’eau ou le réseau routier sur le territoire national240. Derrière ce débat, on repère la recherche d’un équilibre entre rapidité et coût de transport, conservation des objets et spectacle public241. La voie fluviale semble moins chère, mais la saison rigoureuse risquerait de retarder le départ ou bien d’arrêter la navigation au péril des objets d’Italie. Le transport par la route serait rendu difficile par le mauvais état du réseau et rendrait nécessaire la réquisition d’un grand nombre d’hommes, ce qui « exciterait des murmures, des plaintes violentes, peut-être des séditions » même si le convoi susciterait aussi la « curiosité publique dans toute la route ». Les commissaires proposent alors de scinder le convoi en deux parties242. Les objets de peu de poids, comme les livres et les tableaux, emprunteraient la voie terrestre, manière de « réchauffer l’esprit public dans une très grande partie de la France » par « le spectacle des monumens sur leurs chars […] occupant sans interruption une étendue de plus d’un mile de terrain [ce qui est] plus que suffisant pour parler aux gens de la multitude en même tems que les inscriptions placées sur les caisses parleront à l’âme de l’artiste, du savant et de l’homme instruit ». En revanche, les lourdes statues, difficilement transportables par la route, emprunteraient le réseau des voies navigables. Le Directoire décide finalement de ne « point diviser le convoi » et de faire transporter tous les monuments italiens par « la voie de transport par eau », ce qui suscite un moment l’inquiétude de Thouin : dans une lettre à Berthollet, il dénonce l’empressement irresponsable du gouvernement qui met en danger les objets de sciences et des arts « pour faire jouir Paris quelques décades plus tôt du fruit des conquêtes de l’armée d’Italie »243. Partant de Marseille en novembre 1797, le convoi arrive à Arles puis remonte le Rhône et la Saône jusqu’à Chalon ; il emprunte le canal du Centre jusqu’à Digoin, continue sur la Loire, emprunte le canal de Briare jusqu’à Montargis puis celui de Loing jusqu’à la Seine et Paris244.
Départ de Rome
« du troisième convoi de statues et monumens des arts, pour le Muséum national de Paris, le 21 floreal an Vème de la République ». Gravure vers 1798 Cliché Bibliothèque nationale de France.
18Le spectacle pompeux est alors réservé à la « ville centrale », où l’on décide d’organiser une grande fête. Pourtant, sur le chemin de la capitale, il arrive que les convois s’arrêtent pour offrir aux regards des spectateurs les plus singuliers des objets saisis. De ces stations curieuses demeurent deux exemples, l’un pour la mission septentrionale de Keil, l’autre pour celle d’Italie. En 1797 la « momie » saisie à Sinzig quitte l’Allemagne pour la capitale. Aubin-Louis Millin la décrit précisément245 :
[On lui] a donné la forme d’un saint, comme on le fait aux corps bien conservés qui se trouvent dans les catacombes de Rome. Celui-ci a des bas de coton, un bandeau, bleu chamaré [sic] d’argent, un bouquet de filigrane dans les mains, qui sont croisées sur la poitrine. C’étoit sans doute un objet de culte dont on a privé très-inutilement le pays. Il est placé dans une bière peinte en noir, fermant à clef ; les conducteurs l’ont fait voir pour de l’argent dans la route, et ils demandoient qu’on le leur laissât une journée à Paris pour cet usage, ce qui ne leur a pas été accordé ; ils ont pris, comme le singe de Lafontaine, le nom de la ville pour un nom d’homme, et le corps est devenu celui de Sinzig, et la prononciation de la première syllabe a fait croire que c’étoit le cadavre d’un nommé Zig, mais au nombre des saints.
19Une simple méprise a fabriqué un nouveau saint, saint Zig, sur la route de Paris. Au cours de la translation du cadavre desséché, on assiste ainsi à une invention de reliques, et des conducteurs avisés ont vu qu’ils pouvaient tirer de l’argent de ces restes offerts à une nouvelle piété. En mars 1798, de retour de son voyage italien, Thouin écrit de Toulon au ministre de l’Intérieur à propos des animaux de Cassal mêlés au convoi246 :
En arrivant dans cette ville, j’ai été surpris de voir qu’on montrait les animaux destinés à la ménagerie nationale et qu’on tirait de l’argent de ce spectacle. J’en fis des reproches au Citoyen Cassal qui me dit que c’était de l’ordre de la municipalité et du consentement de l’administration militaire de cette ville, que le produit de cette publicité était versé dans la caisse des pauvres de cette commune et était employé à leur soulagement. Comme il me rassura sur les dangers que pouvaient courir les animaux qui, ayant déjà été visités à plusieurs reprises par tous les habitants de la ville avant mon arrivée, n’étaient plus fréquentés que par un très petit nombre de personnes, je fermai les yeux sur ces abus et je me contentai de presser leur départ pour les supprimer.
Cassal et ses lions
« Marc et Constantine. Lions amenés d’Afrique et apprivoisés par Félix Cassal leur gardien, avec leurs petits nés au Muséum d’Histoire naturelle, le 18 Brumaire, an IX ». Dessin de Jean-Baptiste Huet Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
20Le spectacle animalier organisé par Cassal s’inscrit dans la tradition ancienne des montreurs de bêtes rares et féroces (fauves) ou savantes (singes). Mais les démonstrations publiques et payantes de la momie de Sinzig et des animaux africains sont condamnées par les organes du gouvernement républicain comme par le professeur du Muséum : ici, il est fait mention d’un abus, devenu seulement tolérable par son motif philanthropique ; là, on dénonce le retour de la superstition et on interdit de livrer à Paris un nouveau spectacle pieux. L’essentiel est pourtant ailleurs, dans l’inquiétude des autorités centrales et savantes de se voir dépossédées de leur monopole de la monstration légitime — puisqu’offerte à la nation par le gouvernement éclairé — des objets transportés dans la capitale.
21L’arrivée à Paris des monuments italiens suscite de nombreux commentaires relayés par la presse247. En septembre 1797, Thouin s’inquiète248 :
Mais ferons-nous arriver à Paris les précieuses dépouilles de Rome comme des bateaux de charbon et les verra-t-on débarquer sur le quai du Louvre comme des caisses de savon ? J’avoue que cette idée m’afflige. Il me semble qu’il faudrait les faire entrer dans ce chef lieu de l’Empire français d’une manière plus dessente [sic], plus digne de leur mérite particulier, de la haute valeur des armées d’Italie qui les ont conquis, et enfin plus digne de l’importance qu’y doit attacher le gouvernement du peuple français.
22Le 16 juillet 1798, les objets d’Italie sont débarqués au port du Jardin des plantes. Comme le convoi est parvenu trop tard pour la procession du 14 juillet, le gouvernement décide de fêter son arrivée quelques jours plus tard, les 9 et 10 thermidor, ce qui permet de célébrer ensemble l’arrivée des objets italiens et la chute de Robespierre. Il fait alors imprimer le programme des festivités qui est assez exactement suivi lors de la fête249. Le cortège est composé de « trois grandes divisions », selon un partage identique à celui des grandes collections nationales : la première division réunit les objets d’histoire naturelle ; la deuxième rassemble les livres, les manuscrits, les médailles, la musique et les caractères d’imprimerie ; la dernière renferme les monuments des Beaux-Arts, sculptures antiques et peintures modernes. Les objets de la première division sont portés sur dix chars, avec, au-devant d’eux, les professeurs administrateurs du Muséum d’Histoire naturelle et quelques amateurs choisis par ces-derniers :
Le premier char portera des Minéraux ;
Inscription : Chaque jour l’art y découvre des propriétés nouvelles
Le second, des Pétrifications de Vérone
Inscription : Monuments de l’antiquité du globe
Le troisième, des graines de végétaux étrangers vivants
Inscription : Elles multiplieront nos richesses et nos jouissances
Le quatrième, des végétaux étrangers vivants
Inscription : Cocotier, Bananier, Palmier etc.
Le cinquième, un lion d’ Afrique
Le sixième, une lionne
Le septième, un lion du désert de Sara [sic]
Le huitième, un ours de Berne
(Viendront ensuite deux chameaux et deux dromadaires)
Le neuvième, des outils, instruments et ustensiles d’Agriculture en usage dans l’ Italie
Inscription : Cérès sourit à nos trophées
Le dixième, deux blocs de cristal
Inscription : Don fait par les habitans du Valais à la République française
23Dans cette « espèce de musée d’histoire naturelle ambulant » comme l’écrit Delécluze dans ses souvenirs, la répartition entre les trois branches de l’histoire naturelle est assez équilibrée : trois chars pour la minéralogie et la géologie ; quatre pour les animaux vivants ; trois autres pour les plantes vivantes, les semences et les instruments d’agriculture250. Ainsi composé, le cortège, dont les bannières sont empreintes de rhétorique martiale comme on l’a vu, remonte les boulevards du Sud pour arriver, l’après-midi, au Champ de Mars, « décor quasi-exclusif des grandes cérémonies publiques »251. La cérémonie est décrite dans une gravure de Pierre-Gabriel Berthault d’après Girardet. Des arbres exotiques, les lions de Cassal et les chevaux de Saint-Marc passent sur l’esplanade. À l’avant-plan, la foule des curieux des deux sexes se tient derrière quelques gardes munis de baïonnettes. À l’arrière-plan, devant la statue de la Liberté, et à quelques pas de l’autel de la patrie, le ministre de l’Intérieur, François de Neufchâteau est entouré des membres de l’Institut252. Wilhelm von Humboldt souligne que la cérémonie fut « un vrai régal pour les yeux » et que « le cortège fit fort bel effet » avec « quantité de chars, facilement entre cinquante et soixante, la présence militaire, la longueur des beaux boulevards »253. Il poursuit :
Les voitures du cortège étaient pour la plupart simplement chargées de cartons, toutefois décorées de feuilles de chêne et de drapeaux tricolores. On avait pourtant offert à la vue du public : le lion, la lionne, l’ours de Berne, deux dromadaires gris et deux chameaux blancs joliment parés et décorés, une voiture chargée de plantes exotiques, les blocs de cristaux du Valais, les quatre chevaux de Saint-Marc et les bustes d’Homère et de Brutus. La colonnade construite pour la circonstance, les chars en file, les couleurs chatoyantes des nombreux drapeaux, la foule autour de la place et l’espace dégagé de l’encombrement de la cérémonie, tout cela produisit un effet somptueux sur le Champ. Il y régnait un très grand ordre.
24Dans ses mémoires, Candolle écrit également que durant l’été 1798, il a l’occasion d’assister « à cette singulière cérémonie où le Directoire voulant imiter les triomphes des Romains, fit rassembler au Jardin des plantes tous les monuments des conquêtes d’Italie et les fit conduire au Champ de Mars par un cortège immense composé de tous les artistes, les savants et les élèves : j’y étais à ce dernier titre. Nous mîmes plus de 6 heures à cette marche triomphale, lente et embarrassée »254. La gravure et les deux témoignages révèlent deux choses : d’une part la pompe et l’allure triomphale de la cérémonie, voulue par le gouvernement comme par les institutions savantes ; d’autre part, l’intérêt porté par le public aux objets « que leur enveloppe ne dérobait pas aux regards », notamment les chevaux de Saint-Marc et les animaux féroces d’Afrique qui ont « le plus frappé le peuple » selon la Décade255. Le peuple de Paris n’a en effet pas vu de pareils animaux exotiques dans les rues de la capitale entre la saisie des bêtes féroces des montreurs par la municipalité à la fin de l’année 1793 et l’arrivée de Hanz et Marguerite, les deux éléphants de la ménagerie stathoudérienne de Loo quelques mois plus tôt, au printemps 1798. Ils sont eux aussi accueillis par la foule parisienne selon le souhait de Thouin qui, en juin 1795, osait « croire que leur apparition dans cette grande ville sera un événement agréable pour ses habitants »256.
Défilé au champ de Mars
... des chars chargés des objets d’Italie. An VI. Gravure (détail) de Pierre-Gabriel Berthault « Entrée triomphale des monuments des sciences et des arts en France ; fête à ce sujet : les 9 et 10 thermidor an VI » Cliché Bibliothèque centrale, MNHN.
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25Dans le texte un peu fou de son Instruction, Vicq d’Azyr rêve d’une tour de papier d’où seraient surveillés tous les mouvements comme toutes les positions des objets confisqués comme des hommes qui les manipulent. La mise en œuvre de ce projet d’inscription des objets — par étiquettes, inventaires et catalogues — est presque nécessairement vouée à l’échec : il aurait fallu des tonnes de papier et une armée de scribes bien disciplinés. Dans l’Instruction comme dans la pratique, une place centrale est accordée aux inventaires, ceux que rédigent les commissaires comme ceux qu’ils confisquent. Les confiscations mettent alors en jeu des manières de faire que l’on rencontre dans le quotidien de l’histoire naturelle mais aussi dans les pratiques administratives courantes, dans le monde marchand ou, bien sûr, chez les notaires. Dans la pratique néanmoins, les procédures, certes normalisées, sont réglées dans le détail par les protagonistes eux-mêmes. Or les commissaires sont parfois nonchalants, surtout quand ils sont proches des deux grands centres du savoir naturaliste, le Muséum et l’Institut. Le strict respect des procédures préconisées par Vicq d’Azyr est ainsi souvent le fait de la périphérie naturaliste, provinciale et dominée, plus que des centres parisiens qui définissent pourtant les normes. Et les commissaires ne sont pas seuls à faire fonctionner cette « grande machine » dont parle Vicq d’Azyr. Ils sont épaulés par une multitude d’acteurs, administrateurs locaux, directeurs de collections, soldats pour faire la garde et parfois commerçants pour estimer le prix des choses.
26Ainsi tracés, les objets saisis dans les environs de Paris et hors des frontières nationales convergent dans la capitale où les spécimens naturalistes sont destinés au Muséum. De leur lieu d’origine à leur destination, le trajet des objets ne se réduit pas à un simple déplacement. La pompe doit exciter le patriotisme tout au long de la route quand la voie terrestre est choisie. Chemin faisant, au cours de quelques stations curieuses, on fabrique un saint ou on donne en spectacle des animaux vivants. Des esprits malicieux organisent ces petits désordres rentables jouant sur le goût de l’exotisme ou les croyances religieuses des riverains. Les autorités savantes et politiques dénoncent régulièrement ces abus qui mettent à mal la volonté gouvernementale d’offrir aux seuls regards parisiens les « monuments italiens » portés sur des chars lors de la cérémonie de thermidor an VI. Symboliquement, cette grande fête triomphale doit signifier la translation à Paris de la capitale culturelle du monde, le chef-lieu du nouvel l’Empire remplaçant la capitale déchue des pontifes : « sur une grande bannière, peut-on lire dans les documents préparatoires à la fête, on notera cette inscription : ‘Rome n’est plus dans Rome…’ »257
Notes de bas de page
192 Cité et analysé dans Van Damme (Stéphane), Paris, capitale philosophique…, op. cit., pp. 177-178.
193 Limoges (Camille), « Une ‘République de savants’ sous l’épreuve du regard administratif… », art. cit., pp. 71-72.
194 Des éléments sont repris de Lacour (Pierre-Yves), « L’administration des choses naturelles : le Muséum et ses collections autour de 1800 », in Jacob (Christian) (sous la dir.), Les Lieux de savoir. T. II : Les Mains de l’intellect, Paris : Albin Michel, 2011, pp. 246-262.
195 Kury (Lorelai), « Les Instructions de voyage dans les expéditions scientifiques françaises. 1750-1830 », Revue d’Histoire des sciences, vol. 51, 1998, pp. 65-91, notamment p. 88 ; Deloche (Bernard) & Leniaud (Jean-Michel), La Culture des sans-culottes. Le premier dossier du patrimoine, Paris : Éditions de Paris ; Montpellier : Presses du Languedoc, 1989, pp. 50-73 : « Les quatre instructions initiales ».
196 [Vicq d’Azyr (Félix)], Instruction sur la manière d’inventorier et de conserver…, An II, op. cit., 90 p.
197 Ibid., pp. 4-11.
198 Deloche (Bernard) & Leniaud (Jean-Michel), La Culture des sans-culottes…, op. cit., p. 174.
199 Ibid., p. 12.
200 Ibid., pp. 6-13.
201 AN, F/17/1270-B : « Notice sur les tableaux et monuments connus dans la ville de Clermont et aux environs faite avant les destructions dirigées par Couthon ». Sans lieu, ni date.
202 [Vicq d’Azyr (Félix)], Instruction sur la manière d’inventorier et de conserver …, An II, op. cit., pp. 16-34.
203 Sur la liqueur de Guyot, voir : Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes…, op. cit., p. 647.
204 [Vicq d’Azyr (Félix)], Instruction sur la manière d’inventorier et de conserver …, An II, op. cit., p. 21-22.
205 Voir [Turgot (Étienne François)], Mémoire instructif sur la manière de rassembler, de préparer, de conserver, et d’envoyer les diverses curiosités d’Histoire naturelle. Auquel on a joint un Mémoire intitulé : Avis pour le transport par mer, des Arbres, des Plantes vivaces, des Semences, & de diverses autres curiosités d’Histoire naturelle, Lyon : Chez Jean-Marie Bruysset, 1758, 235 p. ; Farber (Paul Lawrence), « The Development of Taxidermy and the History of Ornithology », Isis, vol. 68, 1977, no 4, pp. 550-566 ; Bourguet (Marie-Noëlle), « La Collecte du monde : voyage et histoire naturelle (fin xviie siècle – début xixe siècle) », in Blanckaert (Claude), Cohen (Claudine), Corsi (Pietro) & Fischer (Jean-Louis) (sous la dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, op. cit., p. 183, ill. 1.
206 AD 44, L 625.
207 AD 44, L 626 : Inventaire estimatif du cabinet Le Bouvier-Desmortiers. Nantes, du 25 floréal au 5 prairial an IV.
208 AN, F/17/1276 : Lettre de Thouin. La Haye, le 20 floréal an III. En trois exemplaires : l’un pour la Commission temporaire des arts ; l’autre pour le Comité du Salut public ; le dernier pour le Comité d’Instruction publique ; dans le même carton, les divers États des collections.
209 AN, F/17/1277 : Lettre de Thouin. La Haye, le 26 pluviôse an III. Deux exemplaires : l’un pour le Comité de Salut public ; l’autre pour la Commission temporaire des arts.
210 AN, AJ/15/836 : Lettre de [Thouin] à un « collègue et ami ». La Haye, le 24 ventôse an III.
211 AN, F/17/1093 : Rapport de Huertgen, ancien receveur et économe du collège jésuite. Cologne, le 2 août 1808.
212 AN, AJ/15/836 : Lettre de Dufourny, Dubois, Leblanc et [illisible], administrateurs du département de Paris, au directeur du Muséum. Paris, le 16 juillet 1793 ; « Copie de l’inventaire des meubles et effets de l’apothicairerie de la ci-devant abbaye de Saint-Denis et confiés à la garde du Citoyen Rousse, bibliothécaire du district de Saint-Denis ». Sans lieu, ni date.
213 AN, F/17/1277 : « Note des choses renfermées dans une caisse intitulée ‘ objets des sciences et des arts pour le Comité d’Instruction publique de la convention nationale’et laissée entre les mains du Citoyen Audibert Caille pour être envoyée en France à la première occasion ». Sans lieu, le 10 messidor an III.
214 AN, F/17/1279 : Rapport de Monge, Thouin, Berthollet, Tinet et Berthélemy. Pavie, le 3 messidor an IV ; « Catalogo de principali prodotti vulcanici raccolti fù i luoghi dà Lorenzo Spallanzani, professore nell’Università di Pavia », Pavie, le 28 juin 1790.
215 AN, AJ/15/836 : Lettre de [Thouin ou Faujas] à un « collègue et ami ». La Haye, le 24 ventôse an III.
216 AN, F/17/1277 : « Insectologie » par Thouin. La Haye, le 30 germinal et floréal an III.
217 AN, F/17/1277 : « Coquilles » par Thouin. La Haye, le 30 germinal et floréal an III.
218 AN, F/17/1277 : « État sommaire des oiseaux » par Thouin. La Haye, le 30 germinal et en floréal an III.
219 AN, AJ/15/836 : « Inventaire des objets de minéralogie provenant de l’émigré d’Artois transférés du Temple à la Maison Soubise rue Paradis au Marais » par Molard. Paris, le 14 thermidor an IX.
220 AN, F/17/1277 : « État sommaire des productions de la nature contenues dans le cabinet d’histoire naturelle de La Haye ». La Haye, le 30 germinal l’an III.
221 AN, AJ/15/836 : Lettre de Garat, ministre de l’Intérieur, à Bernardin de Saint-Pierre. Paris, le 29 mai 1793 ; « Catalogue des objets composant le cabinet d’histoire naturelle de Chantilly » par Gaillard, Lefebvre de Villebrune, Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire. Chantilly, le 5 août 1793.
222 AN, Minutier central, ET/XLVI/643 : Inventaire après décès de François-Marie Daudin. Paris, du 17 au 24 frimaire an XII.
223 Les inventaires d’histoire naturelle sont dispersés dans la série F/17 des Archives nationales. Pour Paris, notamment F/17/1336 ; pour la province, principalement F/17/1270 A et B ; pour les pays conquis, F/17/1275 à 1277.
224 AN, F/17/1336 : « Inventaire des objets de zoologie de l’émigré D’Esclignac. Rue Dominique, no 1026 » par Richard. Paris, le 4 vendémiaire an IV. Les autres inventaires de Richard renfermés dans le même carton suivent le même modèle.
225 AN, F/17/1270-B : Inventaire du cabinet d’histoire naturelle de la ci-devant Université de Perpignan par Bonafos, Perpignan, le 9 pluviôse an III.
226 AN, F/17/1270-A : « Catalogue des plantes du jardin botanique de Tournon » de Gros, Augier, Dubay, Delzis. Sans lieu, ni date.
227 AN, F/17/1270-B : « État des arbres et arbrisseaux exotiques de pleine terre existans dans le jardin du Citoyen L. G. N. Leveux à Brequereque [Brequereque] près Boulogne-sur-Mer » par Tiesset fils. [Boulogne], an II [1794].
228 AN, F/17/1336 : Rapport sur la confiscation de Kinski et « liste des arbres, arbustes et plantes marquées pour être transférées au jardin national » par Thouin. Paris, le 22 ventôse an II ; Rapport sur la confiscation de Marbeuf et « liste des arbres, arbustes et plantes marquées pour être transférées au jardin national » par Thouin et Jussieu. Paris, le 24 ventôse an II ; Rapport sur la confiscation du condamné Malesherbes et liste des plantes saisies par Thouin, Paris, le 26 thermidor an II.
229 AN, F/17/1336 : « Inventaire de l’herbier de Boutin déposé dans sa maison du Tivoli rue de Clichy » par L’Héritier et Dupuis. Paris, le 8 vendémiaire an III.
230 AN, F/17/1336 : « Catalogue raisonné des productions végétales qui font partie du cabinet de la ci-devant Académie des sciences de Paris » par Desfontaines et Thouin. Paris, le 15 frimaire an II.
231 AN, F/17/1336 : « Catalogue raisonné des productions végétales déposées aux Petits-Augustins » par Desfontaines et Thouin. Paris, le 25 brumaire an II.
232 AN, AJ/15/836 : « Catalogue des objets composant le cabinet d’histoire naturelle de Chantilly » par Gaillard, Lefebvre de Villebrune, Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire. Chantilly, le 5 août 1793 ; AN, F/17/1277 : Lettre de Thouin à la Commission des arts. La Haye, le 28 prairial an III.
233 AN, AJ/15/836 : Lettre des professeurs du Muséum d’Histoire naturelle au ministre de l’Intérieur. Paris, le 16 septembre 1793 ; « Rapport au sujet des caisses qui contenoient les effets du cabinet de Chantilly », par Daubenton et Geoffroy Saint-Hilaire. [Paris], an VI ; « État des caisses du cabinet de Chantilly envoyées au magasin de zoologie, n’étant pas depend [sic] de la minéralogie ». [Paris], [1793].
234 AN, F/17/1245 : Lettre des commissaires Faujas et Thouin au Comité de Salut public. Bonn, le 10 nivôse an III ; F/17/1276 : Lettre de Thouin et Faujas aux Représentants du Peuple. Bruxelles, le 3 vendémiaire an III ; F/17/1277 : Tableau des envois faits au gouvernement « depuis le 19 fructidor, époque de leur départ de Paris jusqu’au 18 pluviôse l’an IIIe de la République française » par Thouin. Sans lieu, ni date ; Lettre de Thouin. La Haye, le 26 pluviôse an III. En deux exemplaires : l’un au Comité de Salut public ; l’autre à la Commission temporaire des arts. On dénombre à Bruxelles deux voitures de végétaux vivants soit 80 espèces et deux caisses composées de pétrifications ; à Liège, une voiture de végétaux vivants et moins de 6 voitures composées partiellement de graines et d’animaux ; à Cologne, 15 chariots composés notamment de divers objets d’histoire naturelle ; à Bonn, 7 chariots composés d’objets d’histoire naturelle ; à Maastricht, 31 caisses d’histoire naturelle presque toutes de pétrifications.
235 AN, F/17/1277 : « État des natures d’objets renfermés dans les caisses qui composent les envois expédiés ou à expédier à La Haye au Comité d’Instruction publique de la Convention nationale » par Thouin. La Haye, le 30 germinal an III ; « Désignation des caisses remplies d’objets d’arts et de sciences chargées sur le navire le Kraak, capitaine Maas, le 21 floréal à La Haye pour être conduite à la Convention nationale » par Thouin. La Haye, le 22 floréal an III ; « État des caisses composant l’envoi expédié le 11 prairial pour Paris » par Thouin. La Haye. 12 prairial an III.
236 AN, F/17/1279 : Lettre des professeurs du Muséum d’Histoire naturelle au ministre de l’Intérieur. Paris, le 5 frimaire an IX.
237 D’après comparaison entre : AN, F/17/1279 : Lettre des professeurs du Muséum d’Histoire naturelle au ministre de l’Intérieur. Paris, le 5 frimaire an IX ; AN, F/17/1275-A : Rapport des commissaires Monge, Thouin, Moitte, Berthollet, Barthélemy, Tinet. Pavie, le 3 messidor an IV ; État des objets d’histoire naturelle tirés de la collection de l’Institut de Bologne par Monge, Barthelémy, Moitte, Berthollet, Tinet, Thouin. Bologne, le 17 messidor [an V]. Les pétrifications de Vérone sont peut-être enfermées, sous l’appellation de « produits de volcan », dans douze petites caisses, elles-mêmes contenues dans la caisse n ° 9.
238 AN, F/17/1275-A.
239 On recense une vingtaine d’articles dans les volumes 10 à 21 de la Décade de philosophique, soit de juin 1796 à mai 1799, et à peu près autant dans le Magasin encyclopédique de 1795 à 1799.
240 AN, F/17/1275-A, dossier « Transport des objets italiens ».
241 D’après : AN, F/17/1275-A : Lettre des commissaires Moitte et Thouin au ministre de l’Intérieur. Arles, le 3 frimaire [an VI] ; Rapport du ministre de l’Intérieur au Directoire exécutif. Paris, frimaire an VI.
242 AN, F/17/1275-A : Lettre des commissaires Moitte et Thouin au ministre de l’Intérieur. Arles, Le 3 frimaire [an VI]. Une question similaire s’était posée lors du transport des collections stathoudériennes, voir : AN, AJ/15/836 : Lettre de [Thouin ou Faujas] à un « collègue et ami ». La Haye, le 24 ventôse an III.
243 AN, F/17/1275-A : Rapport du ministre de l’Intérieur au Directoire exécutif. Paris, frimaire an VI. Au bas du rapport, on lit la réponse du Directoire datée du 27 frimaire ; AN, F/17/1279 : Lettre de Thouin à Berthollet. Arles, le 13 nivôse an VI.
244 AN, AJ/15/836 : Lettre de Moitte et Thouin aux professeurs du Muséum d’Histoire naturelle. Marseille, le 10 brumaire an VI. Voir aussi Blumer (Marie-Louise), « La Commission pour la recherche des objets de sciences et arts en Italie (1796-1797) », art. cit., pp. 231-236.
245 Magasin encyclopédique, 3e année, vol. 3, 1797, p. 281 : « Momie arrivée au Muséum des antiques ».
246 AN, F/17/1279 : Lettre de Thouin au ministre de l’Intérieur. Toulon, le 17 ventôse an VI.
247 Par exemple : Magasin encyclopédique, 4e année, vol. 2, 1798, pp. 416-427 : « Entrée triomphale des monuments d’Italie » ; Décade philosophique, vol. 18, juin à août 1798, pp. 301-305 : « Description de l’entrée triomphale des dépouilles de l’Italie ». Pour le détail du déroulement de la fête, voir Blumer (Marie-Louise), « La Commission pour la recherche des objets de sciences et arts en Italie (1796-1797) », art. cit., pp. 241-248.
248 AN, F/17/1275-A : Lettre de Thouin au Président du Directoire exécutif. Marseille, le 6 [ou le 8] vendémiaire an VI.
249 AN, F/17/1279 : Fêtes de la Liberté et entrée triomphale des objets de sciences et d’arts recueillis en Italie. Programme, Paris : Imprimerie de la République, thermidor an VI. Repris presque à l’identique dans le compte-rendu de la fête dans Magasin encyclopédique, 4e année, vol. 2, 1798, pp. 416-427 : « Entrée triomphale des monuments d’Italie ». Concernant les bannières adoptées lors de la fête, une seule véritable différence est repérable entre le programme et le compte-rendu de la fête : dans le programme, on avait pensé à une bannière devant les animaux, intitulée : « tributs de l’univers entier ».
250 Delécluze (Étienne-Jean), Louis David, son école et son temps : Souvenirs, Paris, Didier, 1855, p. 206 ; cité in Lubliner-Mattatia (Sabine), « Monge et les objets d’art d’Italie », Bulletin de la Sabix, no 41, 2007, en ligne : http://sabix.revues.org/152,§35.
251 Monnier (Raymonde), « Fêtes nationales. 1790-1799 », in Ducoudray (Émile), Monnier (Raymonde) & Roche (Daniel) (sous la dir.), Atlas de la Révolution française, vol. 11 : Paris, op. cit., p. 84 et p. 116.
252 Voir Blumer (Marie-Louise), « La Commission pour la recherche des objets de sciences et arts en Italie (1796-1797) », art. cit., p. 245.
253 Humboldt (Wilhelm von), Journal parisien (1797-1798), op. cit., p. 187.
254 Candolle (Augustin Pyrame de), Mémoires et souvenirs. 1778-1841 [édité par Candaux Jean-Daniel & Drouin Jean-Marc], Genève : Georg ; 2004, p. 110 (Bibliothèque d’histoire des sciences).
255 Décade philosophique, vol. 18, juin à août 1798, pp. 301-304 : « Description de l’entrée triomphale des dépouilles de l’Italie » ; ici, p. 302.
256 AN, F/17/1277 : Lettre de Thouin à la Commission des arts. La Haye, le 28 prairial an III. Voir Burkhardt (Richard W.), « La ménagerie et la vie au Muséum », in Blanckaert (Claude), Cohen (Claudine), Corsi (Pietro) & Fischer (Jean-Louis) (sous la dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, op. cit., p. 493.
257 AN, F/17/1279 : Description des bannières adjointes aux objets de sciences et arts rapportés d’Italie pour la fête du 9 thermidor an VI.
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