Catalogue des peintures de Lamotius
p. 71-79
Texte intégral
1Nous présentons ici le catalogue des dessins contenus dans le MS 339 : Tooneel, der Indische Zee = en Rivier Visschen (Présentation des poissons de l’océan Indien et des rivières), consistant en 93 feuilles (de tailles différentes) soigneusement collées sur 48 pages reliées (numérotées 3-50), totalisant 250 portraits colorés d’animaux marins (numérotés 1-131, 133-251), représentant en majorité des poissons mais incluant 13 crustacés (un isopode, cinq stomatopodes et sept décapodes), un crinoïde et un ophiuroïde(deux vues chacun), et un dugong.
2Les inscriptions qui accompagnent les figures de Lamotius sont de deux styles d’écriture différents. Les indications de localité et de date sont d’une écriture plus petite, avec une encre plus sombre et avec les lettres plus rapprochées que les noms donnés aux espèces représentées. La forme des lettres est quasiment la même de sorte que les deux types d’inscriptions peuvent avoir été faits par la même personne (très probablement Lamotius) mais pas en même temps. Les indications de localité et de date ont fort probablement été portées par Lamotius quand il a fait les dessins car il aurait eu beaucoup de mal à se rappeler après coup les positions exactes du Duyf pour les dessins effectués à son bord.
3À propos des noms des animaux, il est intéressant de noter que le son « u » (comme dans Flute en anglais) est écrit comme le français « ou » et non pas comme le hollandais « oe ». Ainsi, par exemple, l’espèce dénommée par Valentijn (1726a, vol. 3A : 360, numéro 46) Toetetoe est écrite ici Toutetou. L’orthographe moderne en malais serait Tutetu. Beaucoup des noms de Lamotius étant exactement les mêmes que ceux de Renard (1719, 1754), il semble y avoir eu une connexion entre les deux. Il est improbable que Lamotius vit jamais une copie du livre de Renard puisque celui-ci fut publié après que Lamotius eut quitté l’Afrique du Sud (et peut-être après sa mort). Il est bien sûr possible aussi que Lamotius ait d’abord écrit les localités au crayon et que quelqu’un d’autre les aient réécrites à l’encre et ajouté les noms de Renard. Nous ne le saurons probablement jamais. Dans ce contexte, il est important de souligner la similitude frappantede style d’écriture des noms de poissons et de crustacés sur les dessins des fonds Lamotius et Coyett – ils relèvent apparemment de la même main (e.g., comparer les planches 60 et 67 de Pietsch 1995 : 46, 55).
4Également intéressants sont les noms portugais que Lamotius écrivait plus ou moins phonétiquement. Ainsi son Pesque Pao qu’il dit être le portugais pour Hout of Stok Vis en hollandais (= stockfisch ou merluche) devrait être en portugais correct Peixe Pau. De même, son emploi de Mamel pour mâle et de Femel pour femelle est particulier ; en malais cela aurait dû être laki ou djantan pour mâle et perampuan ou betina pour femelle, et en hollandais mannetje pour mâle et wijfje pour femelle. Les indications de Lamotius se rapprochent le plus du français.
5Beaucoup des noms employés par Lamotius sont ceux utilisés par les malais (ou moluquois) et ne peuvent donc être traduits. Valentijn (1726a, vol. 3A) est d’un grand secours car dans ses traductions des noms malais, par exemple « Ikan Sotera » en « Sotera Visch » (1726a : 393, numéro 153), il conserve le nom propre d’origine (i.e., Sotera).
6En traduisant les noms, nous avons indiqué la langue entre parenthèses, suivie de ce que nous pensons être l’orthographe moderne correcte dans cette langue, en même temps que la traduction française ; nous n’avons pas systématiquement traduit le terme hollandais « of » qui signifie « ou » ; par exemple : Bintang Lauwd (malais, Bintang laut = étoile de mer) of Zee Sterre (hollandais, Zeester = étoile de mer). Les noms dont nous ne connaissons pas la traduction sont mentionnés sans commentaire.
7Les numéros des diverses figures utilisés ci-dessous se réfèrent tout d’abord à la page du manuscrit et ensuite au numéro de la figure tel qu’il est inscrit sur le manuscrit ; ainsi 31-71 signifie page 31, figure 71.
8La récente mise à notre disposition de figures en couleurs et de photographies de beaucoup des crustacés figurés par Lamotius rend la présente identification différente des conclusions antérieures de Holthuis (1959). La discussion des invertébrés en général demande ainsi plus de détails et un style de présentation légèrement différent. Les invertébrés sont donc traités séparément des vertébrés, mais comme quelques commentaires particuliers sur les poissons sont cependant utiles, nous les donnons dans les entrées situées en regard des figures correspondantes.
Crustacea
31-71, 33-75, 35-80, 55-134. Odontodactylus scyllarus (Linnaeus, 1758) Odontodactylidae, Stomatopoda
31-71. Lafetek ijou (Malais, Lafetek hidjau = Lafetek vert) 33-75. Lafetek Ijouw of Lauwd (Malais, Lafetek Hidjau = Lafetek vert, Laut = mer, donc Lafetek vert ou de mer) 35-80. Lafetek Souff (signification inconnue) 55-134. Lafetek Couning (Malais, Lafetek kuning = Lafetek jaune)
9Dans la collection d’illustrations de Lamotius figurent les quatre ci-dessus qui représentent toutes le stomatopode Odontodactylus scyllarus et qui sont toutes des variations d’une même figure qui montre l’animal en vue latérale gauche. Le corps et la plupart des appendices ont la même posture sur les quatre figures. Les figures 71 et 75 sont pratiquement identiques dans tous les détails. Les figures 80 et 134 forment une paire semblable et différant quelque peu des figures 71 et 75. Sur ces dernières, le corps est uniformément vert sauf, de chaque côté, le tiers de la carapace, c’est-à-dire la partie située en dehors des sillons gastriques bien marqués. Chaque partie latérale porte de grosses macules sombres cernées d’une couleur plus claire, constituant une sorte de mosaïque qui couvre toute la partie latérale de la carapace. Le bord coupant du dactyle de la pince raptoriale droite montre un petit denticule ou incision ; sur le bord de la pince gauche on ne voit pas de tel denticule. Entre l’endo-et l’exopodite de l’uropode, le processus uropodal ventral est visible mais ne montre qu’une seule dent, la seconde est absente ou recouverte par l’endopodite. C’est en particulier la coloration des parties latérales de la carapace qui a permis l’identification de l’espèce. Comme le montrent des photographies modernes en couleurs d’Odontodactylus scyllarus, le dessin de grosses taches sombres sur fond clair observable de chaque côté sur le tiers de la carapace est très frappant. Ce pattern de coloration occupe soit la totalité soit la moitié antérieure de la région latérale. Les figures 80 et 134, bien que précisément basées sur le même sujet, diffèrent assez fortement des deux autres par quelques détails. La forme générale est la même, la coloration de la partie latérale de la carapace également, mais elles montrent trois fortes dents sur le bord coupant du dactyle raptorial gauche ; la pince raptoriale droite est en partie ou entièrement dissimulée par la tête et les antennes. L’abdomen montre plusieurs gros points sombres, et le processus ventral de l’uropode est remplacé par un appendice arrondi en forme de feuille ; le telson est très schématisé. Les figures ont aussi été copiées (et embellies) par Fallours ; de telles copies ont été publiées par Renard et par Valentijn comme indiqué ci-dessous :
- Lafetek Couning (Malais, Lafetek kuning = Lafetek jaune), Renard, 1719, 1754, pt. 1, pl. 23, fig. 127 ; Boddaert, in Renard, 1782 : 35, pl. 23, fig. 127 (Lafitik Couning dans le texte).
- Ijouw Lafetek (Malais, hidjau Lafetek = Lafetek vert) Renard, 1719, 1754, pt. 1, pl. 38, fig. 195 ; Boddaert, in Renard, 1782 : 50, pl. 38, fig. 195 (Ijouw Lazetek dans le texte).
- Linquo, sorte d’Écrevisse d’Amboine très bonne et commune (texte en français) Renard, 1719, 1754, pt. 2, pl. 28, fig. 137.
- Garnate, ou Chevrette Mâle (hollandais, Garnate ou garnaal = crevette ; reste en français dans le texte) Renard, 1719, 1754, pt. 2, pl. 52, fig. 222.
- Locki Koening, Geel Kreeftje (malais, Lokki kuning ; hollandais, geel kreeftje : les deux noms = homard jaune) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 362, fig. 50 ; Prévost, 1767 : 271, pl. 55, fig. 7.
- Lokki Laoet Jang Hidjoe, Groen Zee-Kreeftje (malais, Lokki laut jang hidjau ; hollandais, groen Zee-Kreeftje : les deux noms = homard marin vert) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 384, fig. 111 ; Prévost, 1767 : 271, pl. 55, fig. 8.
- Lokkie Hidjoe Jang Djantan, Manneken van het wit Zee Kreeftje (malais, Lokki hidjau jang djantan = mâle de homard marin vert ; hollandais, mannetje van het wit zee-kreeftje = mâle du homard marin blanc) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 509, fig. 526 ; Prévost, 1767 : 271, pl. 55, fig. 9. Dans la traduction hollandaise, Valentijn utilisa par erreur le mot “wit” (= blanc) au lieu de vert, erreur déjà soulignée par Prévost, 1767 : 271, note infrapaginale.
10Les copies marquées ici a, d et e, sont clairement faites à partir de la figure 80 de Lamotius ; celles indiquées b, c, f et g, le sont d’après ses figures 71 et 75. Les premières (a, d, e) ne représentent que la pince raptoriale gauche dont le bord coupant montre trois dents distinctes (sur a) ou s’achève en deux dents (sur d et e) et le processus ventral des uropodes est en forme de lame (a et e) ou entièrement aberrant avec de nombreuses lames arrondies (d). Les figures de l’autre type (b, c, f, g) ont les deux pinces raptoriales distinctes et sans dents sur le bord coupant ; l’abdomen est uniformément vert (b) ou a quelques petites taches (une ou deux sur chaque somite ; c, f, g) ; le processus ventral des uropodes est soit absent (b, g), absent sur un uropode et en lame sur l’autre (f), ou l’éventail caudal est entièrement aberrant, avec le processus ventral des uropodes consistant en plusieurs lames et le telson court et large, se terminant une rangée transversale de dents recourbées semblables à des griffes (c). Il est fort vraisemblable que les figures 71 et 75 de Lamotius soient les figures originales et que toutes les autres soient des copies. Le motif du tiers latéral de la carapace est caractéristique et le même sur toutes, parfois réduit (par exemple, sur b) à une ligne blanche en zig-zag. Influencé par la présence d’une dent allongée sur le dactyle raptorial, Holthuis (1959 : 119, 120) attribua à tort les spécimens a, d et e au genre Pseudosquilla ; de même, les spécimens b, c, f et g, ayant le dactyle dépourvu de dents sur le bord coupant, furent incorrectement attribués au genre Gonodactylus. À cette époque, la couleur naturelle d’Odontodactylus scyllarus était inconnue. Prévost (1767) copia toutes ses figures sur Valentijn (1726a, vol. 3A). Odontodactylus scyllarus a une large distribution dans l’Indo-Ouest Pacifique (de Afrique de l’Est jusqu’au Japon, à l’Indonésie, l’Australie et la Nouvelle-Calédonie). Il est commun aux Moluques et a aussi été signalé de Maurice. Il fut décrit et figuré par Rumphius (1705 : 5, pl. 3, figs F, G) d’Amboine. Le nom Lokki (également orthographié Locky, Lokky, Lokkie ou Lokje) est le nom local donné à Amboine aux stomatopodes, comme l’avait déjà précisé Rumphius (1705 : 4-6). Le nom hollandais donné par Rumphius est Zwaantjes kreeft (= homard cygnet) ; ce nom dérive de ce que la pince raptoriale, exposée avec le dactyle tenu en haut, donne une allure de cygne. Il est vraisemblable que Lafetek, ou Lafitik, est aussi un nom moluquois local.
33-74. Lysiosquillina maculata (Fabricius, 1793) Lysiosquillidae, Stomatopoda
Lokje Lokje, vue dorsale.
11Les copies suivantes de cette figure de Lamotius ont été publiées :
12a) Lokje-Lokje Renard, 1719, 1754, pt. 1, pl. 42, fig. 208 ; Boddaert, in Renard, 1782 : 53 (pl. 42, fig. 208 ; pls 41-43, absente dans notre exemplaire). Boddaert donna le nom hollandais Zwaantjes Kreeft (= Homard cygnet).
13b) Lokkie-Lokkie, Écrevisse d’Amboine, très-délicate et fort commune ; mais ordinairement fort verte (texte en français) Renard, 1719, 1754, pt. 2, pl. 24, fig. 118.
14?c) Locki Koening Betina, Wijfje van het geel Kreeftje (malais, Lokki kuning betina ; hollandais, Wijfje van het gele kreeftje : les deux noms = femelle du homard jaune) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 416, fig. 218 ; Prévost, 1767 : 271, pl. 55, fig. 6.
15La figure de Lamotius donne une assez bonne représentation de Lysiosquillina maculata. La figure 208 de Renard en est une bonne copie. La figure publiée par Renard (pt. 2, fig. 116), au vu de la position des pattes, est clairement elle aussi une copie de cette même figure. Néanmoins, la figure 218 de Valentijn, si elle est une copie celle de Lamotius, a été modifiée et beaucoup embellie de sorte que la ressemblance (par exemple, le nombre et la posture des pattes) est très faible et de ce fait elle n’est vraisemblablement pas une vraie copie de la figure 74 de Lamotius. La figure de Prévost est une copie de celle publiée par Valentijn.
16Lysiosquillina maculata est une espèce bien connue à large distribution dans la région indo-ouest pacifique (de l’océan Indien occidental jusqu’au Japon, l’Indonésie, l’Australie et à Hawaï). Il avait déjà été mentionné d’Amboine par Rumphius (1705 : 4-6, pl. 3, fig. E) qui utilisait son nom local (Lokki, Lokje ou Lokkie) en l’écrivant Locky. Ce nom est aussi employé pour désigner les autres stomatopodes. L’emploi par Lamotius du nom malais pour le spécimen qu’il a représenté rend vraisemblable que cette figure ait été faite aux Moluques. L’espèce a aussi été signalée de Maurice.
34-76, 34-77. Calappa calappa (Linnaeus, 1758) Calappidae, Brachyura, Decapoda
Kraka Radje (malais, Radja = roi), vue dorsale (fig. 76) et vue ventrale (fig. 77).
17À notre connaissance aucune copie de ces figures n’a été publiée. Les illustrations de Lamotius sont excellentes et il ne fait aucun doute quant à l’identité des spécimens représentés. Les figures sont celles de la forme mouchetée de Calappa calappa (Linnaeus, 1758). Rumphius (1705 : 21, pl. 11, figs 2, 3) a décrit et représenté la forme non tachetée sous le nom latin de Cancer calappoides et sous celui malais de Cattam Calappa (= crabe coco) car, en vue dorsale, l’espèce ressemble à une noix de coco. Linnaeus adopta le nom calappa pour l’espèce. Le nom Kraka employé par Lamotius pourrait être un nom local pour crabe. Le mot Radje ou Radja est malais et signifie roi. Galil (1997 : 280) a montré que les crabes moucheté et uni n’appartiennent qu’à une seule espèce.
18Calappa calappa a une large distribution dans la région indo-ouest pacifique (de l’Afrique de l’Est à la Polynésie) et a été signalé à la fois à Maurice et aux Moluques. L’emploi par Lamotius d’un nom malais pour le spécimen qu’il a représenté rend vraisemblable que cette figure ait été faite aux Moluques.
36-81, 37-83. ? Lauridromia dehaani (Rathbun, 1923) Dromiidae, Brachyura, Decapoda
36-81. Krake Coulat (malais, Kulat = champignon ou lichen), animal en vue dorsale, sans éponge. 37-83. Krake Coulat met een sponsachtig deksel (hollandais, recouvert d’une sorte d’éponge), animal en vue dorsale avec éponge.
19Des copies des deux figures de Lamotius de cette espèce ont été publiées comme suit :
- Crake Coulat. “Il a une espèce de Surtout d’Éponge, qui couvre sa coque : et dans cette Éponge il se forme des Coquillages rares et très-jolis” (texte en français) Renard, 1719, 1754, pt. 1, pl. 36, fig. 190 ; Boddaert, in Renard, 1782 : 49, pl. 36, fig. 190 (dans le texte hollandais : Crake Coulat, Krab, die het ruggeschild met sponge overdekt heeft = crabe à la carapace recouverte d’une éponge).
- Craka Coulat Renard, 1719, 1754, pt. 1, pl. 37, fig. 191 ; Boddaert, in Renard, 1782 : 49, pl. 37, fig. 191.
- Keizer-Krab met blaeuwe pooten (hollandais : crabe empereur à pattes bleues) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 498, fig. 471 ; Keizers-Krabbe met blaeuwe poten, Prévost, 1767 : 278, pl. 57, fig. 16.
- Spongie-Krabbe (hollandais, crabe éponge) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 507, fig. 515 ; Spons-Krabbe (hollandais, crabe éponge) Prévost, 1767 : 276, pl. 57, fig. 12.
20La figure 81 de Lamotius, montrant l’espèce en vue dorsale sans éponge, a été copiée dans les références b) et c) ci-dessus. En a) et d) figurent des copies de la figure 83 de Lamotius du crabe portant l’éponge. Boddaert se trompait en considérant que sa pl. 37, fig. 191, était une vue ventrale de l’animal. Les figures représentent un crabe dromiide très proche de Dromia dormia (Linnaeus, 1763), cette dernière espèce étant fondée sur un spécimen d’Amboine décrit et figuré par Rumphius. En 1923, Rathbun montra qu’au cours du temps deux espèces avaient été confondues sous la dénomination Dromia dormia. Elle conserva dormia pour l’espèce décrite par Rumphius mais la mit dans le genre Dromidiopsis Borradaile, 1900. Elle introduisit pour l’autre espèce le nouveau nom Dromia dehaani. Dans la dernière révision des Dromiidae, McLay (1993) place de nouveau Cancer dormia dans le genre Dromia mais transfère Dromia dehaani Rathbun, 1923 dans un nouveau genre Lauridromia.
21Lewinsohn (1984 : 96) donne une excellente liste des différences entre le vrai Dromia dormia et L. dehaani, illustrée par des figures très instructives (pl. 1, fig. 1 pour L. dehaani, et pl. 2, figs 1, 2 pour D. dormia). Une comparaison de la figure 81 de Lamotius avec les illustrations de Lewinsohn rend vraisemblable que le spécimen de Lamotius (et ceux de Renard, Boddaert, Valentijn et Prévost) soit en fait un L. dehaani.
22Lauridromia dehaani a une large distribution dans la région indo-ouest pacifique, c’est-à-dire de l’Afrique de l’Est au Japon et à l’Indonésie, avec une donnée récente dans le Pacifique oriental. Bien qu’à notre connaissance l’espèce n’ait pas été mentionnée de Maurice, elle y existe très vraisemblablement. Les illustrations de Lamotius furent très probablement faites à partir de matériel des Moluques car il les désigne par des noms malais.
38-85. Ranina ranina (Linnaeus, 1758), Raninidae, Brachyura, Decapoda
Krake Moira, vue dorsale.
23Des copies des figures de Lamotius ont été publiées comme suit :
- Crake Radja (malais, crabe roi), Renard, 1719, 1754, pt. 1, pl. 37, fig. 192 ; Boddaert, in Renard, 1782 : 49, pl. 37 fig. 192.
- “Crabbe Fleuronnée de dix pouces de long, très bonne” (texte en français) Renard, 1719, 1754, pt. 2, pl. 46, fig. 190.
- Bloem-Krabbe (hollandais, crabe fleur) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 390, fig. 139 ; Prévost, 1767 : 279, pl. 57, fig. 18.
- Katam Radja, Konings-Krabbe (malais et hollandais, crabe roi) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 431, fig. 280 ; Katam Radja, Koninglyke Krabbe (hollandais, crabe royal) Prévost, 1767 : 278, pl. 57, fig. 17.
- Orangie-Krabbe (hollandais, crabe orange) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 503, fig. 501 ; Oranje Krabbe (hollandais, Crabe orange) Prévost, 1767 : 277, pl. 57, fig. 13.
24Il apparaît que la figure de Lamotius a été copiée de manière répétée. La forme générale, la position des pattes et la présence du motif en forme de fleur sur la carapace se retrouvent sur toutes les copies. L’espèce est très caractéristique, de grande taille et comestible. Elle a une vaste ditribution dans l’Indo-Ouest Pacifique, de l’Afrique du Sud et de l’Est jusqu’au Japon, l’Indonésie et à Hawaï. Elle a été signalée aux Moluques et à Maurice. Le nom malais sous lequel Lamotius l’a désignée rend très vraisemblable que la figure ait été faite aux Moluques.
39-87. Birgus latro (Linnaeus, 1767) Crabe des cocotiers, Coenobitidae, Anomura, Decapoda
Coutatou, Beurs Krabbe, vue dorsale
25Aucune copie n’a été publiée de cette figure qui est très bien exécutée et ne laisse aucun doute sur l’identité de son sujet, un crabe des cocotiers Birgus latro. Le nom Coutatou est une transcription du nom indigène de l’espèce à Amboine. Rumphius (1705 : 8) a déjà indiqué qu’à Amboine l’espèce est appelée Catattut ou Atattut. Le même auteur emploie aussi le nom hollandais Beurs-Krabbe (Crabe bourse, en référence à l’abdomen en forme de bourse).
26L’espèce est connue du Pacifique occidental tropical et de l’océan Indien ; elle a été signalée des Moluques et de Maurice. L’emploi par Lamotius du nom local d’Amboine rend vraisemblable qu’il ait effectué ses peintures aux Moluques.
58-151. ?Elthusa sp. Cymothoidae, Isopoda
Zee-Luijs (hollandais, Pou de mer), vue dorsale.
27Les figures suivantes qui ont été publiées sont peut-être des copies du Zee-Luijs de Lamotius :
- Pediculi marini, Ruysch, 1718 : 14, pl. 7, figs 23, 24.
- Zee Luys, Pou de mer (hollandais et français) Renard, 1719, 1754, pt. 1, pl. 23, fig. 125 ; Boddaert, in Renard, 1782 : 34, pl. 23, fig. 125 (dans le texte : Zeeluis, Pou de mer).
- Zee-Luis Valentijn, 1726a, vol. 3A : 370, fig. 73 ; Prévost, 1767 : 273, pl. 55, fig. 14.
- Anac Laoet Jang Terbongkoes, ’t Gebakerde Zeekind (malais, anak laut jang terbungkus ; hollandais, gebakerd zeekind ; les deux noms signifiant Enfant de la mer langé) Valentijn, 1726a, vol. 3A : 404, fig. 184 ; Prévost, 1767 : 150, pl. 19, fig. 179.
28Si l’on en juge par les seules figures, il semblerait plutôt improbable que celles de Ruysch, Renard, Boddaert, Valentijn et Prévost représentant des poux de mer soit réellement des copies de celle dessinée par Lamotius. Mais le fait que dans tous ces livres ce Zee-luis soit le seul isopode illustré suggérerait un origine commune. Également, dans toutes les figures le céphalon est profondément enfoui dans le péréionite 1. Néanmoins, le contour général est plus large sur la figure de Lamotius que sur toutes les autres. En cela cette figure se rapproche le plus de celle de Renard mais est plus naturelle ; il est possible que la figure de Renard soit une copie fort médiocre de celle de Lamotius. Les deux figures (23 et 24) publiées par Ruysch pourraient avoir été copiées sur celle de Renard plutôt que de Lamotius. Le copiste qui réalisa les figures de Ruysch fut à l’évidence fasciné par les parties latérales allongées du premier péréionite, qu’il représenta par deux bras ; sur la figure 24, deux petites ailes furent ajoutées. Sur la figure de Renard, l’éventail caudal, que Lamotius figura par un ovale irrégulier, est devenu un petit appendice trilobé émoussé, plus large que long. Les figures de Ruysch ont un éventail caudal bien plus large, les trois lobes sont pointus, les deux externes étant plus longs et plus fins que le médian. Finalement, l’évolution de cette créature trouva son aboutissement avec la figure 184 de Valentijn, « Anac Laoet Jang Terbongkoes », où les moitiés distales allongées du péréionite 1 apparaissent comme deux bras humains terminés chacun par une main à cinq doigts, et le céphalon comme une figure humaine portant un bonnet avec deux appendices en forme d’oreilles ; l’éventail caudal de cette créature est semblable à celui des figures de Ruysch. Tout cela illustre le résultat ridicule du copiage répété des figures (voir aussi Holthuis, 1959 : 97, pl. 11, figs. 5, 7-9). De la même façon, le Zee-Luis de Valentijn (1726a, vol. 3A : 370, fig. 73) a le péréionite 1 nettement en forme de U et qui s’étend au-delà du céphalon, mais la forme générale du corps est bien plus naturelle, particulièrement pour ce qui concerne l’abdomen ; le corps est plus fin que sur la figure de Lamotius. L’ichtyologue et carcinologue bien connu Pieter Bleeker (1856b) pensait qu’il était possible qu’un cymothoïde parasite de poissons, qu’il avait trouvé dans la baie de Batavia (baie de Jakarta, Indonésie), appartienne à la même espèce que le spécimen figuré par Renard, aussi le décrivit-il comme une nouvelle espèce Livoneca renardi qui fut plus tard placée dans le genre Mothocya par N. L. Bruce (1986 : 1169, figs 49-52). Les types de l’espèce de Bleeker, maintenant dans la collection du muséum de Leiden, ne ressemblent guère à la figure de Lamotius.
29Le Dr Niel L. Bruce de Wellington, Nouvelle-Zélande, à qui nous avons envoyé une copie de la figure de Lamotius, nous a répondu que l’identification « est un travail pratiquement sans espoir en l’absence de spécimens de référence ». Le dessin ne montre « aucun détail concluant qui permette une identification certaine du genre et à plus forte raison de l’espèce. Je présume, en l’absence d’informations sur l’hôte, qu’il s’agit d’un cymothoïde se fixant aux ouïes. Les parasites buccaux sont d’ordinaire plus allongés et ont des côtés subparallèles. On sait que les deux genres de parasites des ouïes les plus fréquemment rencontrés dans l’Indo-Ouest Pacifique sont Mothocya et Elthusa. Je ne puis attribuer particulièrement cet isopode figuré à l’un ou l’autre [de ces genres] autrement qu’en tendant vers Elthusa sur la base de la forme relativement large du corps. Également, beaucoup de Mothocya ont des rami uropodaux plutôt plus longs et plus proéminents que les Elthusa, il en va ainsi plus particulièrement de M. renardi. Une telle particularité n’est pas suggérée par le dessin de Lamotius. Le seul autre élément d’information utile serait de connaître sur quelle espèce de poisson il a été pris. Les espèces d’Elthusa se rencontrent sur divers hôtes mais Mothocya est fortement restreint aux Atheriniformes et Beloniformes ». Heureusement Bleeker n’a pas positivement identifié sa nouvelle espèce Livoneca renardi au dessin de Renard (et donc de Lamotius ?) de sorte que celui-ci n’est pas un iconotype de l’espèce de Bleeker.
30Livoneca renardi a une large distribution dans l’Indo-Ouest Pacifique, de l’Afrique de l’Est au Japon, aux Philippines et l’Indonésie. Le nom de l’espèce donné par Lamotius étant uniquement en hollandais, on ne peut savoir si la figure a été faite à Maurice ou aux Moluques.
91-243. Calappa philargius (Linnaeus, 1758) Calappidae, Decapoda, Brachyura
Krake Rompe, vue dorsale.
31Aucune copie de cette figure n’a été trouvée dans les publications de Ruysch, Renard, Boddaert, Valentijn ou Prévost. Les deux derniers auteurs donnent une figure de cette espèce mais elle est très médiocre et non naturelle, et elle ne ressemble pas du tout à celle de Lamotius, qui est de fort bonne qualité.
32L’espèce a une large distribution dans l’Indo-Ouest Pacifique, allant de l’océan Indien au Japon, à l’Indonésie et à la Polynésie ; elle a été signalée de Maurice et des Moluques. Au vu du nom malais que lui a donné Lamotius, la figure a fort probablement été faite aux Moluques.
Echinodermata
40-88, 41-90. ?Phanogenia multifida (J. Müller, 1841) Crinoidea
40-88, 41-90. Matta Lauwd (malais, Mata Laut = œil de la mer), vues dorsale et ventrale.
33Le professeur Michel Jangoux de l’Université libre de Bruxelles, spécialiste des Echinodermata, à qui nous avons soumis les figures de Lamotius déclare qu’« il est pratiquement impossible d’identifier les dessins. Cependant, je présume qu’il s’agissait d’une espèce commune et, étant donné le grand nombre de bras, ce pourrait être Comaster multifida, aujourd’hui connu comme Phanogenia multifida (J. Müller) ».
34Aucun échinoderme n’est figuré dans les publications de Ruysch, Renard, Valentijn, Prévost ou Boddaert. Le fait que Lamotius utilise un nom malais pour cet animal rend fort vraisemblable qu’il l’ait dessiné durant son séjour aux Moluques.
40-89, 41-91. ?Ophiolepis superba H. L. Clark, 1915 Ophiuroidea
40-89, 41-91. Bintang Lauwd (malais, Bintang Laut = étoile de mer) vues ventrale (fig. 89) et dorsale (fig. 91).
35Le pattern de coloration particulier des bras de l’ophiuroïde tel que présenté par Lamotius ressemble si fort à celui d’Ophiolepis superba H. L. Clark, 1915, qu’il s’agit très probablement de cette espèce, comme cela est confirmé par le professeur Jangoux, surtout qu’il s’agit d’une espèce commune en région indonésienne. Du fait que Lamotius donne un nom malais à cette espèce, les figures ont très vraisemblablement été réalisées aux Moluques.
36L’espèce a une large distribution dans la région indo-ouest pacifique et existe aux Moluques et à Maurice. Valentijn mentionne que, lors de son voyage de retour, il rencontra Lamotius au Cap de Bonne Espérance qui lui montra des illustrations d’animaux marins parmi lesquels il y avait des Zeestarren (étoiles de mer). Il devait s’agir de la présente collection de planches car c’est le seul jeu dans lequel il y ait des Echinodermata.
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