Préface

1Durant la relativement brève histoire de l’occupation de l’île Maurice par les hollandais – de 1638 à 1710, avec une interruption de 1658 à 1664 –, Isaac Johannes Lamotius fut un remarquable Commandant de ce comptoir de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC). Non seulement son mandat, de 1677 à 1692, fut le plus long de tous les commandants hollandais mais il subit l’éventail complet des avatars connus par ses prédécesseurs, en plus intense même. Aucun commandant hollandais à Maurice ne rencontra le nombre et la sévérité des problèmes auxquels Lamotius eut à faire face. Il eut à s’occuper des intrusions d’anglais dans le port situé au nord-ouest de l’île et des conspirations que fomentaient constamment les vrijburgers (colons), les esclaves et même les employés de la Compagnie. Il eut aussi à faire face à quatre graves épidémies et à un deuil personnel car sa femme et sa fille périrent dans l’incendie de leur maison de fonction. Le manque de coopération de la part des officiels de la Compagnie aux Pays-Bas, au Cap de Bonne Espérance et à Batavia amena à plusieurs reprises Lamotius à demander à être relevé de son poste mais cela ne fut jamais accepté.

2Le jeune Lamotius, qui succéda au commandant Hubert Hugo, était un homme cultivé. Né en 1646 dans la ville hollandaise de Beverwijk, il fut choisi comme élément prometteur par les directeurs de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC). L’île Maurice, dans le sud-ouest de l’océan Indien, était l’un des plus petits comptoirs de la VOC. En 1690 le personnel dont disposait Lamotius se composait de seulement vingt quatre employés de la Compagnie (incluant la garnison), sept condamnés et vingt quatre esclaves. À part cela, il y avait trente deux vrijburgers implantés à Maurice. Lamotius fut d’abord un excellent commandant qui prit des mesures sévères à l’encontre des vrijburgers (après une courte période durant laquelle il fit beaucoup la fête en buvant avec eux) et fit tout son possible pour faire de Maurice une implantation réussie. Durant les quinze années de sa mandature Lamotius versa progressivement dans le despotisme et l’immoralité. À la fin, il fut humilié et condamné pour corruption, sa chute ayant été provoqué par l’un de ses pires ennemis, l’ancien lieutenant Jean-Baptiste Dubertin, venu du Cap, dont la femme enceinte aurait été maltraitée par Lamotius qui fut envoyé à Batavia où il fut jugé et condamné. Ses années de travail en exil furent tout aussi remarquables que son administration à Maurice : l’artiste Lamotius se déclara et ce sont ses belles planches peintes durant ces années, avec celles, plus nombreuses, faites à Maurice (93 en tout, figurant 250 animaux marins) qui sont publiées dans le présent volume.

3Le sujet des dessins de Lamotius n’est pas une surprise. Il était vite devenu un expert de la flore et de la faune de Maurice, un fait connu de ses supérieurs aux Pays-Bas. Dans son journal, Lamotius marquait son vif intérêt pour les animaux en détaillant lesquels et combien les chasseurs en rapportaient chaque jour. En plusieurs occasions leurs prises inclurent des dodos (Raphus cucullatus), un oiseau déjà sur le déclin mais encore présent sur l’île. Il peut être prouvé que quelques représentants de cette espèce étaient encore en vie du temps de Lamotius car le commandant a noté à diverses dates dans ses journaux que ses chasseurs étaient revenus de l’ouest (l’intérieur de l’île) avec des dodaarsen (dodos). La publication de ces journaux quotidiens (ceux de 1685-1688 ont survécu), pourrait davantage éclairer le séjour de Lamotius à Maurice.

4Ce fut un grand plaisir de me voir demander par l’éditeur de préfacer le présent ouvrage. Les spectaculaires dessins d’Isaac Lamotius, dont la valeur peut difficilement être surestimée, allaient enfin être publiés en totalité. Il va sans dire que les deux auteurs de ce travail, Dr Lipke B. Holthuis et Dr Theodore W. Pietsch, apportent là une immense contribution, importante non seulement pour l’histoire naturelle mais aussi pour l’histoire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC). De leurs éloquentes recherches et interprétations de ces dessins hollandais de la fin du dix-septième siècle résulte ce qui sera, dès sa publication, un ouvrage standard de référence.