L’ethnologie « pour le peuple »
Du Musée d’ethnographie au Musée de l’Homme
p. 157-215
Texte intégral
Nous voulons un musée éducatif, où le visiteur, quel que soit son degré de culture, trouvera le moyen de s’instruire et de comprendre… Le Musée de l’Homme, étant fait et conçu pour le peuple, sera ouvert aux heures où l’homme qui travaille peut en bénéficier… Ainsi nous pensons mettre à la disposition de tous les trésors inépuisables d’une science qui est restée trop longtemps le privilège d’une élite.
— Paul Rivet, Vendredi, 26 juillet 1937
1Au moment de la fondation de l’Institut d’ethnologie, Mauss, pas plus que Rivet, ne l’envisageait comme une initiative isolée. Si l’ethnologie était appelée à devenir une nouvelle science, ses fondateurs considéraient comme allant de soi que la discipline aurait besoin d’un musée-laboratoire, assorti d’une bibliothèque, de locaux appropriés pour des conférences et des séminaires, d’espaces pouvant accueillir les collections ostéologiques et ethnographiques afin de former les étudiants avant leur mission sur le terrain. En ce qui concernait les crânes et les ossements, Paris était déjà amplement doté, grâce à la galerie anthropologique du Muséum national d’Histoire naturelle et de l’ancien Musée Broca. En revanche, il était plus difficile de se procurer des objets culturels, puisque la première collection ethnographique de la capitale, conservée au Trocadéro, était tombée dans un état d’abandon déplorable depuis sa fondation en 1879. En tant que successeur tout désigné à la chaire d’Anthropologie du Muséum, Rivet pouvait néanmoins espérer enrayer ce déclin. Par tradition, le détenteur de cette chaire devenait également directeur du Musée d’ethnographie, bien qu’il n’y ait aucun lien entre les deux positions. En 1928, l’occasion du renouveau ethnographique se présenta enfin lorsque René Verneau prit sa retraite du Muséum, ouvrant ainsi la voie à l’élection de Rivet à la chaire. Avant même d’être élu, Rivet contacta le ministre de l’Instruction publique quant à la possibilité de rattacher officiellement le Trocadéro au Muséum. Il avait, lui dit-il, des projets pour faire de ce lieu un centre d’excellence pour les études ethnologiques en centralisant sur place « toutes les organisations s’occupant actuellement de l’ethnologie en France », ainsi que leurs collections et leurs bibliothèques1. Transformer le Musée d’ethnographie en annexe du Muséum et obtenir l’autorisation nécessaire pour embaucher un sous-directeur, Georges Henri Rivière en l’occurrence, constituèrent les premiers pas dans cette direction.
2Rivet esquissait cependant, dès le départ, une vision plus audacieuse : il souhaitait qu’une fois rénové, son musée puisse attirer non seulement les spécialistes comme par le passé, mais également un public plus large. Le « Français moyen » ne découvrait l’ethnographie le plus souvent qu’à travers le prisme déformant des expositions coloniales, de la presse populaire, ou des récits d’aventure. Si n’importe qui pouvait en théorie visiter les collections ethnographiques conservées au Trocadéro, dans la pratique, l’institution restait réservée aux élites, comme les expositions d’« Art primitif » qui connurent un succès croissant dans les années vingt. Dans le même temps, à l’instar de leurs homologues américains ou soviétiques, de vieux musées en Europe commençaient à adopter une organisation plus rationelle et à assumer une vocation plus démocratique. Bien qu’un consensus émergeait en France sur la nécessité de tels changements, peu de musées avaient été modernisés. Recrue ambitieuse, issue du monde artistique, Rivière avait bien l’intention d’inverser la tendance, avec l’entière bénédiction de Rivet. Dotés d’un budget minuscule, ils transformèrent progressivement, à eux deux, le petit Musée d’ethnographie, plein à craquer, financièrement délaissé et délabré, en un musée ultramoderne, pédagogique, à la hauteur de la concurrence internationale et inégalé en France : le Musée de l’Homme.
3Les circonstances obligèrent néanmoins Rivière, le principal architecte de la refonte matérielle (et non scientifique) du musée, à procéder par étapes : une première rénovation fut entreprise entre 1931 et 1934, puis une seconde phase d’extension du musée s’opéra, de manière plus impromptue, entre 1936 et 1938, à la faveur de la tenue à Paris de l’Exposition universelle en 1937 qui permit une centralisation des collections ostéologiques et ethnographiques parisiennes. Plutôt que d’envisager la progression du Trocadéro vers la modernité comme une évidence, ce chapitre examinera le rôle clé joué par Rivière et le contexte international plus large au sein duquel il parvint à concevoir et réaliser ses ambitieux projets. Contrairement à ce qui a été beaucoup dit sur le Musée de l’Homme, plusieurs des innovations les plus importantes qui lui furent apportées avaient germé durant la première phase de sa rénovation, à l’arrivée de Rivière. Les pages suivantes seront donc principalement consacrées au début des années trente, à l’époque où les musées américains apparaissaient comme une source d’inspiration. Nous terminerons cependant ce chapitre par un survol de la seconde période de rénovation qui coïncida avec l’arrivée au pouvoir de la gauche sous le Front Populaire en 1936, et qui fit brièvement de la muséographie soviétique un modèle attractif à imiter. La transformation en deux temps du musée entre 1928 et 1938 révèle la somme de ténacité dont dut faire preuve un groupe de scientifiques qui ambitionnaient de créer un laboratoire moderne adapté à leurs besoins professionnels. Mais la refonte réussie par Rivet et Rivière de leur musée est également symbolique d’une autre tendance répandue en France entre les deux guerres dans les arcanes politiques et la société en général : un mouvement de rajeunissement d’institutions manifestement décadentes, réalisé en empruntant des modèles à des institutions étrangères plus dynamiques, notamment mais pas exclusivement, outre-Atlantiques.
LE NOUVEAU VISAGE DU MUSÉE D’ETHNOGRAPHIE EN 1928 : GEORGES HENRI RIVIÈRE
4Nous avons quitté le Musée d’ethnographie au moment de sa création, à la fin des années 1870, à une époque où de nombreuses villes américaines et européennes se dotaient de nouveaux musées ethnographiques ou augmentaient leurs collections2. Finalement, ainsi que Mauss, parmi d’autres, l’avait regretté à de nombreuses reprises, en l’espace d’une génération les réalisations de l’institution s’étaient trouvées dépassées par l’essor international des musées ethnographiques, tous mieux dotés que le Trocadéro. Les grandes villes d’Allemagne et des États-Unis avaient ouvert la voie. Londres possédait d’impressionnantes collections, tout comme Saint-Pétersbourg. Même de petites puissances avaient de quoi faire pâlir la France : la Suisse, la Suède, la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie. Dans tous ces pays, des explorateurs et des ethnographes avaient commencé au milieu du xixe siècle à constituer des collections pour compléter les vitrines éclectiques des cabinets de curiosités hérités d’époques précédentes3. Dans les années 1880 et 1890, les autorités gouvernementales et municipales, les associations civiles et les philanthropes ayant pris part aux rivalités impérialistes et aux controverses scientifiques du jour s’affairaient à créer des musées bien plus imposants que le Musée d’ethnographie. À Berlin, Munich, Leipzig, Hambourg, Cologne et Dresde un vieil esprit cosmopolite et marchand se combinait à un nouvel esprit colonial en plein essor pour promouvoir la collection des objets ethnographiques. L’impérialisme ultra-marin britannique, établi de longue date, et le colonialisme intérieur de la Russie continuaient d’alimenter leurs efforts de collectes. Aux États-Unis, la présence d’un Autre de l’intérieur, les Amérindiens déterminait les catégories des collections amassées4. Un tel investissement à facettes multiples placé dans les musées ethnographiques en tant que tels ou dans les collections ethnographiques conservées au sein des musées d’histoire naturelle incarnaient en cette fin de siècle les vastes ambitions, la prospérité et la puissance de leurs villes et nations d’appartenance. Pour les collectionneurs professionnels, l’essentiel était de rassembler les objets des peuples « destinés » à disparaître sous l’étau des forces modernisatrices. Cette ethnographie de sauvetage avant la disparition de ces cultures, fut également mêlée d’une curiosité naturelle et d’impulsion hégémonique poussant à la « connaissance » —savoir et pouvoir étant intimement liés— des colonisés.
5Comble de l’ironie, dès que les musées ethnographiques prirent leur rythme de croisière, ils commencèrent à devenir moins attirants pour les scientifiques, particulièrement aux États-Unis, où les musées ont toujours eu une vocation plus vulgarisatrice que leurs homologues en Europe5. Comme l’a soutenu William Sturtevant, les théories anthropologiques évoluaient si rapidement en Angleterre et aux États-Unis que les musées ethnographiques abritant des collections paraissaient trop rigides. Les postes universitaires commençaient à s’ouvrir, ce qui octroya une plus grade autonomie financière aux chercheurs6. L’une des plus fameuses illustrations de cette séparation méthodologique croissante entre musée et université est fournie par le cas de Franz Boas, attaché au Musée américain d’histoire naturelle (American Museum of Natural History) de New York entre 1896 et 1906, où il était conservateur, tout en enseignant en même temps à l’Université de Columbia. Boas rejeta les orientations évolutionnistes et typologiques qui tendaient à dominer les expositions ethnographiques aux États-Unis. Au lieu de disposer des objets de façon linéaire, sur la base de leur forme/fonction apparentes, il préférait rassembler les objets appartenant à un même groupe ethnique dans le but d’éclairer les multiples fonctions et les significations internes d’une forme donnée.
6En revanche, le directeur et le comité du Musée américain d’histoire naturelle estimaient que le public ne réagissait qu’à des messages et des objets divertissants7. La principale innovation apparue pendant cet âge d’or de l’essor du musée —le diorama— reflète bien cette tendance. En 1905, Boas quitta ainsi son travail au musée pour se tourner vers l’enseignement à temps plein et la recherche, ce qui ne l’empêcha pas, fasciné qu’il était par les relations historiques entre les communautés amérindiennes, de continuer à se passionner pour les objets eux-mêmes. La plupart de ses étudiants, cependant, durent abandonner la recherche orientée sur la collecte d’objets. À leurs yeux, celle-ci reposait sur un concept démodé et dégradant de culture, qui tantôt confinait les « primitifs » et leurs « œuvres » à un stade ancien du développement humain, tantôt concevait les civilisations comme des collections d’« éléments facilement transportables »8. L’anthropologie sociale anglaise évolua pareillement. Dans le sillage de l’orientation méthodologique prise par Malinowski vers l’« observation participante » et celle de Alfred Radcliffe-Brown vers le fonctionnalisme, une nouvelle génération de scientifiques de terrain passèrent de l’étude des migrations anciennes à l’étude du comportement humain contemporain. Dans les années trente, les musées ethnographiques furent désertés par toute une nouvelle génération d’anthropologues américains et britanniques formés à l’université qui ne les visitaient plus qu’occasionnellement.
7À première vue, il est tentant de percevoir dans la carrière de Boas une trajectoire « normative » d’une anthropologie occidentale en cours de professionnalisation. Autrement dit, l’on pourrait déduire qu’une bifurcation était devenue inévitable entre des musées censés satisfaire le public et voués à collectionner, décrire et cataloguer des objets, et d’un autre côté, l’université et le terrain, en tant que lieu premier d’émergence de nouveaux savoirs. C’est ainsi d’ailleurs que les histoires de la discipline ont généralement été écrites. Pourtant, la décision de Rivet et de Mauss d’associer le Musée d’ethnographie à l’Institut d’ethnologie et la supervision par Rivet de la transfiguration du musée dans les années trente ne cadrent pas avec ce modèle et suscitent donc des questions : comment les expériences anglo-américaines et européennes ont-elles progressé parallèlement ? En réalité, les divergences s’avèrent plus instructives que les similarités. Les musées scientifiques européens sont restés des lieux de recherche de grande valeur plus longtemps que leurs homologues américains, parce que, d’une part, les postes universitaires furent plus lentement mis en place en Europe et par ailleurs parce qu’une anthropologie historiquement orientée y resta plus longtemps dominante qu’aux États-Unis9. Cela dit, il y eut, entre les deux guerres, un nombre croissant de directeurs européens de musées qui songèrent à rendre leurs institutions, jusque-là très élitistes, plus accessibles au grand public et qui commencèrent à lorgner vers l’éthique « vulgarisatrice » pionnière que les Américains mettaient alors en place. Le Trocadéro entrait dans cette catégorie. Le but recherché par Rivet, consistait à créer« un grand établissement d’enseignement populaire » restant également attaché aux « recherches scientifiques »10. L’artisan de ce rêve, cependant, ne sera pas Rivet, mais son confrère au musée, Georges Henri Rivière, qu’il avait recruté en 1928.
8Rivière, esthète bourgeois âgé de trente ans, passionné de jazz, mais sans formation scientifique, sans profession, ni convictions politiques affichées, représentait un choix de sous-directeur insolite11. Bien intégré au milieu journalistique, intellectuel, aristocratique et avant-gardiste parisien, il avait étudié l’art de l’Antiquité pendant trois ans à l’École du Louvre, lieu de formation en France des futurs conservateurs, avant de travailler pour le célèbre collectionneur d’art parisien David David-Weill. Sous la façade dilettante, se cachait en réalité un homme entreprenant qui vit dans la proposition inattendue de Rivet une occasion unique d’exercer son énergie et sa créativité, d’acquérir une nouvelle visibilité et aussi une source stable de revenus. L’attention de Rivet se porta sur Rivière lorsque ce dernier organisa la première exposition d’importance sur « les Arts Anciens de l’Amérique » à Paris en mai 1928, dans l’aile Marsan du Louvre, au Musée des arts décoratifs qui avait déjà accueilli plusieurs expositions dans les années vingt consacrées aux arts Japonais, Khmer et Islamique12. Plus de la moitié des objets présentés venaient du Trocadéro. Le succès remporté par l’évènement signala Rivière à l’attention de Rivet pour trois raisons. Premièrement, Rivière avait mobilisé plusieurs de ses connaissances pour lui prêter main forte dans l’organisation de cette exposition, notamment André Schaeffner qui venait tout juste de publier son premier livre en France sur le jazz, et les écrivains surréalistes Michel Leiris et George Bataille. Ce petit cénacle avait pris l’habitude de se réunir chez Éric et Hélène Allatini, cousins du compositeur Darius Milhaud, à leur hôtel particulier de la rue Mallet-Stevens à Auteuil, pour discuter de leur passion naissante pour les objets amérindiens et l’ethnographie en général. Ils devaient prolonger leurs échanges encore après la fermeture de l’exposition13. À travers Rivière, Rivet put ainsi rallier à la cause de la rénovation du Musée d’ethnographie certains éléments de l’avant-garde parisienne (et leur public bourgeois). De fait, Schaeffner et Leiris rejoignirent presque aussitôt Rivière en tant que membres du personnel au musée.
9Deuxièmement, l’exposition rencontra un succès immédiat auprès des donateurs parisiens, ce qui indiquait clairement que des fonds privés pouvaient être sollicités pour soutenir le projet de Rivet. En tant qu’annexe rattachée à une institution éducative (le Muséum d’Histoire naturelle) plutôt qu’à un musée national, le Musée d’ethnographie serait toujours pris à la gorge financièrement. En faisant de Rivière le copilote de la rénovation, Rivet s’assurait le patronage futur non seulement de David-Weill mais également d’autres amis collectionneurs de Rivière, notamment l’immensément riche Vicomte de Noailles et sa femme Marie-Laure. David-Weill avait déjà fourni les fonds nécessaires à l’exposition de 1928, tandis que les Noailles étaient les membres les plus visibles d’un groupe de riches parisiens séduits par la vague d’enthousiasme de l’après guerre pour l’art exotique et primitif. Enfin, lorsque Rivière eut l’idée de mettre en lumière cet art, il avait déjà contacté un jeune expert dans le champ ethnographique, Alfred Métraux, pour l’aider à sélectionner les objets à exposer et coécrire le catalogue. À l’âge de vingt-six ans, le suisse Métraux était un ethnologue « nouveau style », ayant l’expérience du terrain et du musée. Il avait étudié avec l’un des meilleurs américanistes du monde, Erland Nordenskiöld de Gothenburg, avant de devenir un étudiant de Mauss et de Rivet à Paris —leur premier, en fait, à terminer un doctorat14. La collaboration de Métraux et de Rivière prouvait à Rivet que ce dernier, malgré sa formation en histoire de l’art, reconnaissait que ces objets ethnographiques appartenaient aussi bien au domaine scientifique qu’au monde des arts. En résumé, en faisant la connaissance de Rivière, Rivet était tombé sur une perle, doué d’incroyables talents administratifs, artistiques et relationnels. Au-delà, il atteignait, grâce à lui, des réseaux pouvant considérablement élargir et rajeunir le public de l’ethnologie tout en déférant les matières scientifiques aux experts15.
10Il n’empêche : lors de son recrutement, en 1928, Rivière ne possédait aucune expérience, pas plus en ethnologie qu’en matière d’organisation de musée. Bien qu’il se soit inscrit aux cours de méthodologie ethnographiques professés par Mauss à l’Institut d’ethnologie, il ne trouva jamais le temps de les suivre assidûment et préféra apprendre sur le tas. À peine prit-il ses fonctions au Musée d’ethnographie qu’il s’attela à la préparation d’une tournée des musées américains, la première de nombreuses autres qu’il allait organiser à l’étranger au cours des dix prochaines années. Rivière restera ainsi tourné vers l’extérieur car, à l’exception du Musée Guimet consacré à l’archéologie et à l’art religieux de l’Asie, les musées français, en règle générale, avaient peu changé depuis le début du siècle16. À l’étranger au contraire, plusieurs musées ethnographiques étaient en train de repenser leur organisation, leur installation technique, et le public auxquels ils s’adressaient. Par ailleurs, dans les années vingt, la muséographie était devenue une science internationale, grâce au tout nouvel Office international des musées, basé à Paris, qui avait vu le jour sous l’égide de la Société des Nations. Il publia la revue mensuelle, Mouseion, à partir de 1927, qui comportait des articles sur des projets de rénovations en cours, des nouvelles techniques et théories sur la conservation au musée, ainsi que des informations sur des événements variés pouvant intéresser tous les professionnels des musées. Une première conférence internationale consacrée au sujet s’ensuivit bientôt, à laquelle Rivière assista17. En clair, à partir du moment où il posa le pied au musée, Rivière manifesta un désir insatiable de modernisation et un intérêt tout particulier pour les musées à l’étranger « qui nous avaient distancés »18.
DES PIONNIERS DU MUSÉE MODERNE : LES ÉTATS-UNIS ET L’UNION SOVIÉTIQUE
11Sans que cela ne soit surprenant, peut-être, de la part d’un aficionado du jazz et d’un jeune conservateur ambitieux à l’affût d’une muséographie « de pointe », le premier voyage que fit Rivière en tant qu’assistant directeur eut pour destination le « lieu de naissance » du musée moderne, ainsi qu’on le disait volontiers en Europe entre les deux guerres, à savoir les États-Unis. Rivière se montra si impatient de découvrir ces musées qu’en janvier 1929, quelques mois après sa nomination, il consacra sa lune de miel à les visiter en compagnie de son épouse, américaine d’origine, Nina Spalding Stevens. Il n’est pas inutile de revenir ici sur les origines de cette lune de miel « studieuse », tant elle est révélatrice des ambitions professionnelles qui animaient Rivière à l’aube de sa nouvelle carrière, et de la place que tenaient les musées américains dans l’imaginaire européen.
12Stevens qui était veuve lorsque Rivière fit sa rencontre, était responsable du Musée d’art de Toledo (dans l’État de l’Ohio, aux États-Unis), qu’elle avait fondé en 1901 avec son premier mari George W. Stevens et l’assistance du millionnaire George Libbey19. Nina et George Stevens avaient souhaité accroître le rôle social des musées en y faisant venir un plus grand public. Rivière et Stevens se rencontrèrent à Paris en 1927 à l’occasion d’une de ses visites régulières en France (son mari George était décédé l’année précédente). Ils se mirent bientôt à visiter ensemble les musées français et des collections privées, Stevens comptant désormais dans le cercle des intimes de Rivière. Les premières lettres échangées entre eux indiquent clairement que Rivet entretenait déjà avec soin sa relation avec Stevens durant la phase préparatoire de sa grande (selon ses mots) exposition d’art « précolombien, ou, pour mieux l’appeler, pré-américain ». À la fin de 1927, dans une lettre rédigée en anglais, il lui parlait de tout ce qu’ils leur restait à voir lors de leur prochaine visite ; il listait « les amis » communs qu’il avait récemment reçus —« tous vos amis des musées français ». Il lui demandait ensuite son soutien pour obtenir auprès des musées américains sinon des prêts, du moins des dons de photographies. Il voulait faire tout ce qui était en son pouvoir « pour rendre cette exposition importante, par sa présentation, sa classification, son choix » et envisageait de réserver aux seules photographies l’une des quatre salles. Rivière, qui était également un chroniqueur régulier aux Cahiers d’Art, la revue mensuelle de Christian Zervos consacrée à l’art moderne, demandait l’avis de Stevens sur le projet qu’il avait alors en tête :
Préparer un numéro important consacré à l’Amérique [souligné] : l’art mexicain, maya, colombien et péruvien ancien —l’architecture moderne (gratte-ciel et bâtiments industriels)— musique américaine du Jazz (la musique moderne la plus importante, selon moi, et le premier message artistique, splendide message, que nous adresse le Nouveau continent) —l’organisation et les trésors de vos musées des Beaux-Arts.
13Rivière ajoutait que les précédents numéros des Cahiers s’étaient intéressés à l’« Art Nègre » et qu’il avait récemment publié un article « sur les merveilleuses cultures khmères, encore inconnues, mais qui seront bientôt présentées au Musée Guimet »20. Charme, opportunisme et grande exigence ; délectation à l’idée de rendre public un art « encore inconnu » ; enthousiasme affiché pour la modernité du « Nouveau » continent (ses gratte-ciel, sa musique ou ses musées) : cette lettre exsudait tous ces traits de caractère qui resteront typiques de Rivière tandis qu’il passait de l’exposition « précolombienne » à l’orbite officielle de l’ethnologie. Au début de l’aventure au moins, Stevens fut un partenaire à ses côtés dans cette transition (ils divorceront en 1935)21. En février 1928, Stevens prit contact auprès de plusieurs musées américains pour solliciter des photographies au nom de Rivière. À la fin mars, elle lui avait envoyé soixante-dix sept photographies des « plus beaux objets d’Amérique du Nord, Centrale et du Sud », en promettant d’autres à venir, l’aidant ainsi à obtenir l’imprimatur pour l’exposition projetée par Rivière des meilleures collections américaines22. Au début de l’année 1929, Stevens annonçait ses fiançailles avec Rivière. Ils célébrèrent leur mariage au cours d’une cérémonie privée à Toledo, le 26 janvier 1929, puis se mirent en route pour faire une tournée des musées américains23. Si Rivière ne laissa aucun récit détaillé sur sa perception des musées qu’il visita avec Stevens à Cleveland, Chicago, Detroit, Philadelphie, Boston et New York, une conférence donnée en mai 1930 au Club des Femmes Américaines de Paris sur la rénovation en cours au Trocadéro, livre toutefois quelques indices sur ses impressions24.
14Il flatta d’abord son public en les qualifiant d’« heureux Américains » et en invoquant « ces magnifiques bâtiments en marbre blanc où l’air, la température, la propreté sont réglés minutieusement (presque comme une infirmière, qui s’occuperait de tout, s’assurant que cette relique du passé n’ait pas de température) ». Citant en exemple les grandes collections ethnographiques de l’Amérique — la Smithsonian Institution, le Field Museum, l’American Museum of Natural History, le Museum of the American Indian (Heye Foundation) —il recommandait de faire preuve de patience et de confiance en ce qui concernait le Musée d’ethnographie— « nous aurons de tout cela aussi et bien d’autres choses ». Il faisait remarquer ensuite que le Trocadéro, bien que riche d’objets, se trouvait confiné dans un petit bâtiment ridicule, dont l’aspect extérieur aurait embarrassé n’importe quelle petite ville américaine. L’un de ses nombreux vœux était de pouvoir ouvrir le musée en soirée « afin que les travailleurs de Paris puissent venir après les heures de travail. L’un de mes plus beaux souvenirs américains n’était-il pas de contempler cette bibliothèque éclairée que je pouvais voir briller à l’horizon depuis ma chambre d’hôtel à dix heures du soir ? » Rivière évoquait de nouveau l’innovation américaine quand il s’agissait de l’architecture du musée. Le Trocadéro nécessitait des réserves supplémentaires, selon le modèle américain. Les meilleurs musées ethnographiques à présent divisaient leurs collections, exposant pour le public des objets choisis et conservant pour les spécialistes tout le reste. En terme de catalogage, Rivière soulignait qu’il avait étudié le système adopté dans chacun des musées qu’il visita. À la fin de son survol, il rendit une dernière fois hommage aux auditeurs venus l’écouter : « Enfin, en bons Américains, nous [Rivet et moi] devons songer à notre publicité ». Ce qu’ils firent, en lançant un nouveau bulletin du musée pour présenter leurs collections25.
15Tandis que Rivière avait manifestement soigné sa présentation auprès d’un groupe qu’il souhaitait gagner à sa cause —il invita les participants au cours de sa conférence à adhérer à la Société des amis du Musée d’ethnographie du Trocadéro, au coût annuel de 30 francs, et à rejoindre ainsi un cercle d’éminentes personnalités du monde artistique et des collections d’art— la valorisation qu’il faisait des techniques de musée américaines ne représentait pas un trait original, mais emblématique des réactions européennes sur le sujet entre les deux guerres. Les conservateurs de musée, même les plus traditionalistes, s’accordaient à dire que le musée moderne « [avait] vu le jour aux États-Unis »26. Comme le formula Jean Lameere, secrétaire du Bureau national des musées en Belgique, « nos amis d’outre-Atlantique ont eut la bonne fortune de pouvoir “créer de toutes pièces” s’inspirant des principes nouveaux », contrairement à ce qui prévalait en Europe où les musées étaient les chasses-gardées de spécialistes et restaient prisonniers de vieilles collections assemblées au hasard dans des locaux de misère, insensibles à la question de la fatigue des visiteurs et à la surcharge sensorielle27.
16Les Européens, soutenait-il, avaient beaucoup d’efforts à faire pour apprendre des innovations américaines. Aux États-Unis, les écoles primaires publiques et les musées travaillaient depuis longtemps main dans la main, inculquant ainsi, de bonne heure, à leurs futurs citoyens l’habitude de fréquenter les musées. En Europe, les musées, presque toujours nationaux, ne seraient jamais aussi prospères que leurs homologues américains privés, du moins pouvaient-ils s’organiser, dans chaque pays, pour éviter des collections identiques. En Europe, le public dans sa grande majorité boudait les musées en raison de leurs galeries surchargées et désordonnées. Là encore, il paraissait sensé de s’inspirer des Américains, particulièrement de leurs concepts de « musée double », comportant une partie consacrée à des œuvres importantes spécifiquement destinées au public, et une seconde dévolue à des « objets secondaires ou moins intéressants », également soigneusement catalogués mais placés dans des salles auxiliaires réservés aux spécialistes28. Lameere saluait également la méthode américaine consistant à changer régulièrement d’exposition temporaire pour faire le pendant aux expositions permanentes, l’utilisation du cinéma, des visites guidées du musée, le recours à une association de membres du musée, et la création d’un service éducatif séparé au sein des musées pour gérer les relations avec le public29.
17Le rapport Lameere suggère qu’il était très impressionné par deux caractéristiques du musée moderne américain : son sens de la mission et sa réactivité à l’opinion publique. En 1930, cependant, il ne constituait pas l’unique modèle offert de musée de vulgarisation. Plus proche de la France, l’Union Soviétique s’était lancée dans une spectaculaire politique de développement du musée ethnographique. Au début, ces nouveaux cheminements ne furent guère discutés dans les pages de la revue Mouseion et Rivière ne voyagea pas en Union Soviétique avant 1936. Mais dès décembre 1931, il évoquait l’exemple bolchévique, cité comme preuve supplémentaire que le Trocadéro avait pris un retard honteux. « Notre plus cher objectif est d’instruire et d’intéresser les travailleurs », ainsi que Rivière l’écrivit à l’éditeur du quotidien communiste L’Humanité, ajoutant « Si vous voulez bien vous informer de la politique suivie par l’Union Soviétique en faveur des musées ethnographiques, vous serez édifié : leur nombre est devenu considérable au cours de ces derniers années et beaucoup d’entre eux pourront nous servir de modèle »30. Rivière avait déjà mentionné les Soviétiques un peu plus tôt ce même mois, dans une note qu’il écrivit pour identifier les quatre rôles qui devaient impartir au musée ethnographique : un rôle scientifique, éducatif, artistique, et national. En ce qui concernait la fonction « nationale », les musées ethnographiques étaient des instruments incomparables de propagande culturelle, comme en attestaient les nombreux musées créés par les Soviétiques « dans tous les gouvernements de l’ancienne Russie »31. En janvier 1932, Rivière annonçait qu’il espérait visiter ces musées, et un an plus tard, il signalait à son équipe une conférence au musée Guimet présentée par M. Kazakevitch, du Musée russe de Léningrad, sur « la muséographie ethnographique »32.
18Rivière était remarquablement bien informé. Depuis la fin de la guerre civile en Russie, les Bolchéviques s’étaient pris d’un nouvel intérêt pour l’anthropologie en général, et l’ethnographie en particulier, pour des raisons idéologiques. Comme l’a montré Francine Hirsch, ils envisageaient de soviétiser leurs citoyens en créant —aussi paradoxalement que cela puisse paraître— des identités nationales pour toutes les ethnies non-russes qui peuplaient les nouvelles républiques du régime et leurs régions. Officiellement anti-impérialistes, les Soviétiques devaient concilier cet aspect de leur idéologie avec leur désir de contrôler les ressources et les populations de l’ancien empire russe. Pour y parvenir, ils adoptèrent vis-à-vis de ces dernières, une politique « d’évolutionnisme guidé par l’État », basée sur leur lecture marxiste du développement historique. Les tribus et les clans « de l’ère féodale » devaient être les premiers à être transformés en « nationalités » avancées économiquement, avant de se muer en nations de l’ère socialiste, « qui, dans le futur, fusionneront avec le communisme »33. Mais comme ils ignoraient tout de ces peuples « arriérés », les Bolchéviques avaient fait appel à une légion d’anciens ethnographes et économistes impériaux pour réunir des données. Pour seconder cet effort visant à créer ces nationalités, le département d’Ethnographie du Musée russe joua un rôle central. Ce département, créé à Saint-Pétersbourg en 1902, mais qui n’ouvrit pas ses portes au public avant 1923, présenta pour la première fois les terres et les hommes de l’Empire russe. Son personnel s’efforça d’organiser des expositions et des visites guidées marxistes, afin d’éduquer les masses sur les peuples des nouvelles Républiques et leur progrès vers le socialisme. La plus importante innovation dans les années vingt fut à cet égard l’instauration de « la soirée de solidarité ethnographique » au cours de laquelle, pendant une période d’une semaine, une centaine d’ouvriers étaient invités à « des visites au musée, séances de cinéma, expositions et discussions »34. À l’instar de ce que promettait l’annonce publicitaire du futur Musée de l’Homme —offrir à ses visiteurs un tour du monde en quatre-vingt minutes— le Musée russe déclarait qu’il était désormais possible pour le grand public, ne pouvant pas voyager sur toute l’étendue du territoire de l’Union Soviétique, d’aller à la rencontre de toutes ses populations et de découvrir ses paysages, le temps d’une visite guidée35.
19Jugés dans le contexte des développements internationaux de la muséographie, les efforts de scientifiques consciencieux pour mettre en place des expositions qui représentaient des peuples soviétiques « nationalistes dans la forme et socialistes sur le fond » semblent assez extraordinaires. Les Américains avaient certes déjà mis en œuvre quantité de techniques que les soviétiques adoptèrent pour diffuser leur message auprès du grand public —particulièrement l’art d’une présentation didactique jumelée avec des dioramas et des tableaux explicatifs, assortis de visites guidées. Mais les Soviétiques, déterminés à mobiliser dans ces expositions les publics ouvriers et paysans qu’ils visaient, furent plus ambitieux en ce qui concerne le contenu (la dialectique marxiste) qu’ils croyaient possible de communiquer à travers ces supports médiatiques. Les visiteurs étaient en effet priés d’écrire ce qu’ils avaient appris au cours de leur visite, afin que les membres du Parti puissent mieux cibler leur intérêt, mais également pour cerner si le musée avait bien opéré le changement de conscience escompté sur son public36. Pour quelqu’un comme Rivet —un socialiste qui ne supportait pas le stalinisme, mais qui militait pour la cause de l’éducation des travailleurs— l’effort des Soviétiques pour mettre l’ethnographie à la portée d’un peuple anciennement privé de droits pouvait être perçu comme une extension logique voire même un prolongement utile des conceptions américaines du rôle social du musée. Rivet continua à garder le contact avec au moins un ethnologue de l’Union Soviétique, Vladimir Bogoraz, qui visita le Musée d’ethnographie de Paris en 193237.
MODÈLES EUROPÉENS ALTERNATIFS
20L’exemple des musées américains et soviétiques n’étaient pas les seuls offerts au Musée d’ethnographie en cours de rénovation. En octobre 1929, Rivet envoya Rivière à Gothenburg, en Suisse, où un collègue et ancien maître de Rivet dans le champ de l’archéologie et de l’ethnographie sud-américaine, Erland Nordenskiöld, venait de transformer le musée de la ville38. Rivet avait visité Gothenburg en 1924 et découvert l’ampleur de ses collections américaines, leurs présentations savantes et l’usage plus particulier de la cartographie que faisait Nordenskiöld. Ce dernier avait longuement travaillé sur les questions historiques de la migration, de la diffusion et du rôle de la géographie dans le façonnement des anciennes cultures américaines, dont les objets matériels constituaient des témoignages essentiels. Après avoir conduit plusieurs expéditions en Amérique du Sud, il fut nommé en 1913 conservateur du département ethnographique au musée de Gothenburg et professeur à l’Université. À cette époque, le musée ne comptait guère plus qu’une collection locale d’histoire naturelle et folklorique. Nordenskiöld amorça un programme d’échange et d’achats systématiques d’objets d’origine sud-américaine, tant et si bien qu’en l’espace de dix ans, il réussit à créer une importante collection spécialisée de grande visibilité sur le plan international39. Rivière ne manqua pas l’occasion de se faire envoyer en Suède par Rivet. Il écrivit à son supérieur que le musée constituait « une merveille de science et de patience » comme il en avait rarement vu et qu’il rapporterait une documentation abondante sur ses installations et ses « subtiles procédés muséographiques ». « Nous revenons non seulement chargés de photographies, de dessins, de cartes et de notes plus que je n’aurais imaginé, mais avec un zèle et des lumières nouvelles ». Nordenskiöld, démontrait qu’avec de l’ingénuité et un budget modeste, l’on pouvait atteindre, voire dépasser « le faste » souvent déployé par les plus riches institutions. « C’est une excellente leçon » concluait Rivière40.
21La transformation du musée de Gothenburg par Nordenskiöld nous rappelle à quel point les années de l’entre-deux-guerres furent dynamiques en Europe pour les plus petites institutions anthropologiques disposant d’un programme scientifique précis. Ces mêmes années virent également une autre tendance s’affirmer vers une direction différente : plusieurs musées furent à l’origine des premières tentatives de considérer les objets ethnographiques en tant qu’œuvres d’art41. Ici, les grandes collections ethnographiques allemandes que Rivière avait visitées plus que toute autre, s’avèrent exemplaires. En Allemagne, les conservateurs, les chercheurs et les artistes débattaient depuis longtemps de la vocation, du rôle et de la manière la plus stratégique d’exposer leurs collections ethnographiques. L’immense musée berlinois für Völkerkunde, qui avait ouvert ses portes en 1886 sous la direction d’Adolf Bastian, et le Musée d’ethnographie de Munich, particulièrement riche en objets asiatiques (le deuxième plus riche musée après celui de Berlin), étaient jugés dans un état critique en 1900 : saturés d’objets, manquant de réserves et présentations — réservées aux seuls scientifiques — démodés42. Les deux institutions déménagèrent dans de plus vastes quartiers au milieu des années vingt — un point souligné avec envie par Rivet et Rivière — et furent réorganisées selon des principes modernes quoiqu’avec des orientations différentes43. À Berlin, les vitrines surchargées firent place à un « ordre rationnel », moins fatiguant pour l’observateur profane, notamment les visiteurs venus en familles. Mais le principal critère de sélection des objets à exposer au grand public restait leur intérêt scientifique44. À Munich, au contraire, l’arrivée au musée du linguiste Lucian Scherman conduisit à mettre l’accent sur des considérations esthétiques.
22Scherman fut l’un des premiers représentants de la nouvelle génération des ethnologues de musées à considérer certains objets comme des œuvres d’art (selon les critères européens), dans le sillage de la « découverte » expressionniste, faite en Allemagne, au tournant du xxe siècle, de l’art africain et océanien45. Pour véritablement apprécier les œuvres, insistait-il, il fallait connaître le milieu dans lequel l’art —n’importe quel art— était produit46. Dans le cadre de la rénovation qu’il entreprit, il invita des artistes à peindre de couleurs différentes les murs du musée, à introduire des miroirs, à remplacer des tables d’expositions à l’horizontale par des vitrines en verre verticales, et fit en sorte que les plus belles pièces ethnographiques soient exposées individuellement. La véritable transformation radicale se produisit toutefois après 1923 : cette année-là, Scherman manœuvra avec succès pour transférer sa collection vers l’ancien Musée national qui possédait de plus vastes salles dont il repensa les installations de fond en comble pour un moindre coût. Selon le critique de musée Martin Heydrich, « chaque salle et parfois aussi chaque groupe de salles furent organisés en unités artistiques, de façon à faire valoir au mieux leur contenu ». Tous les objets furent regroupés dans des vitrines de façon synoptique, tandis que les pièces d’art furent présentées à part, dans suffisamment d’espace pour produire le maximum d’effet ; au lieu de présenter des groupes ethnographiques particuliers à l’aide de petites vitrines, de vastes ensembles éducatifs furent constitués. Pour éviter la fatigue ou la monotonie, les installations géographiques furent entrecoupées de présentoirs comparatifs, par exemples de vêtements, de poteries et d’instruments de musique. Heydrich poursuivait ainsi sa description : « Si les savants spécialistes peuvent parfois être désagréablement impressionnés par le manque d’unité… l’avantage de cette répartition reste évident pour le public… Le musée de Munich est à la tête de tous les musées ethnographiques d’Europe »47. Toujours attiré par la nouveauté, Rivière développa rapidement une relation professionnelle cordiale avec Scherman. Les deux conservateurs s’écrivaient régulièrement concernant les progrès du Musée d’ethnographie d’août 1930 jusqu’à la « démission » de Scherman (qui était juif) du musée de Munich en octobre 1933. Dans sa dernière lettre, Rivière exprimait ainsi le désir de retrouver prochainement son collègue : « J’espère néanmoins que lorsque je me rendrai cet hiver à Munich, c’est sous votre conduite que je ferai la visite du Musée que vous avez, je le sais, si magnifiquement aménagé »48.
23À l’occasion de ses voyages d’exploration, Rivière trouva un dernier modèle possible d’inspiration : les musées coloniaux, et plus particulièrement le Musée du Congo, à l’extérieur de Bruxelles (appelé aujourd’hui le Musée royal de l’Afrique Centrale), fondé en 1898, ainsi que l’Institut colonial d’Amsterdam (aujourd’hui le Tropenmuseum) qui n’ouvrit ses portes qu’en 1926. Il visita ces deux musées à l’automne 1931, après avoir au préalable pris connaissance des principales collections coloniales de l’empire britannique conservées au Pitt Rivers Museum à Oxford, au Musée d’ethnographie de Cambridge, et au British Museum49. Aucune de ces institutions n’avait fait l’objet d’une rénovation et nulle trace n’indique que Rivière ait livré ses impressions sur elles. En revanche, le Musée du Congo de Tervuren avait très tôt retenu son attention, au point qu’il avait invité son ethnographe en chef, le docteur J. Maes, pour présenter l’une des premières conférences subventionnées par le Musée d’ethnographie du Trocadéro sur le « Congo Belge et ses musées »50. Mais lorsqu’il se mit en route pour visiter la Belgique et les Pays-Bas, Rivière ne le fit pas qu’en sa qualité de sous-directeur du Trocadéro. Il était aussi devenu à l’époque directeur intérimaire du nouveau Musée permanent des colonies françaises, créé en conjonction avec l’Exposition coloniale de 1931, tenue dans le Bois de Vincennes, et dont les mandats comprenaient « l’histoire de la colonisation française et le développement économique et social des colonies, la diffusion de l’idée coloniale dans la Métropole et la liaison avec les milieux coloniaux de l’Étranger »51. Le nouveau directeur du Musée colonial, Gaston Palewski, un ami de Rivière depuis l’École du Louvre, était en mission en Indochine et Rivière avait accepté de le remplacer temporairement.
24La direction par intérim de Rivière à Vincennes n’avait rien de fortuite. Lorsque les premiers aménagements du Musée des colonies débutèrent, Rivière travailla fortement, de son propre aveu, pour s’assurer qu’ils se fassent « en toute amitié avec le Musée d’ethnographie », afin d’éviter de se retrouver plus tard face à « de dangereux problèmes »52. Il redoutait qu’entre de mauvaises mains, le nouveau musée puisse faire concurrence au sien qui amorçait tout juste sa réorganisation. Après tout, en Belgique et aux Pays-Bas, les premières collections ethnographiques furent logées dans des musées coloniaux spécialement désignés à cet effet. Le Musée des colonies était en outre la cerise sur le gâteau : le budget proposé pour son personnel avoisinait les 500 000 francs, tandis que celui du Musée d’ethnographie était de 140 000 francs (en 1930)53. Une telle disparité fut une source d’intense frustration pour Rivet, qu’il exprima ainsi : « Pourquoi richement aménager le Musée permanent des colonies françaises, qui sera le musée économique et historique des colonies françaises et délaisser le Troca qui est l’indispensable complément ? »54 Connaissant les ambitions coloniales de Rivet, il paraissait évident à Rivière d’aller voir ce que les autres puissances impériales faisaient de leurs collections ethnographiques, tout en s’assurant dans le même temps que le nouveau Musée des colonies comprenait que la présentation « scientifique » des populations de l’empire serait du ressort exclusif du Musée d’ethnographie —un but qui serait plus facilement accessible à la condition de travailler en étroite collaboration avec le nouveau directeur55.
25Rivière rentra de son voyage bouleversé par les ressources allouées à la recherche au Musée du Congo de Tervuren et à l’Institut colonial d’Amsterdam. Le roi Léopold II avait crée le Musée du Congo pour légitimer un régime colonial scandaleux, auquel Rivière ne fit aucune allusion. Le musée comportait des sections consacrées à l’ethnographie, aux ressources minérales et naturelles et à l’histoire coloniale de la Belgique. D’une superficie de 8 000 mètres carrés, le bâtiment, disait-on, était déjà trop petit. Bien que le Centre de documentation ethnographique, dirigé par J. Maes et destiné à l’étude des différentes populations de la colonie, doté de son propre comité scientifique, ait ouvert ses portes en 1929, des plans prévoyaient déjà son expansion prochaine56. Avec un budget de 1 million de francs, Tervuren se voyait « sans rival » « pour le sérieux et l’abondance » de ses matériaux ethnographiques, réserves et publications. La section économique, en revanche, avait à peine été esquissée57. Une organisation tripartite existait également à Amsterdam où un tiers de l’Institut colonial était consacré au développement économique et du commerce, un tiers à l’ethnographie et à l’anthropologie, et un dernier tiers à l’hygiène tropicale. Ses dirigeants avaient déjà réuni 45 millions de francs et son budget de fonctionnement s’élevait à 4 millions. Cette fois, Rivière fut véritablement ébloui par ce qu’il vit : une bibliothèque de 7 étages de rayons, comprenant une section de prêts scolaires ; un cinéma de 650 places pourvu de trois écrans ; un éclairage électrique couvrant tout le musée, y compris l’intérieur des vitrines ; des panneaux muraux éclairés ; un salon avec ses chaises pivotantes, enfin l’ordre et la propreté qui régnaient partout en ces lieux. Il ajoutait que les femmes de ménage n’étaient pas des fonctionnaires comme cela était le cas à Paris et pouvaient être remerciées si leur travail ne donnait pas satisfaction —une possibilité qu’il approuvait, manifestement.
26Le rapport de Rivière sur ces musées coloniaux étrangers indiquait clairement sa conviction que le musée de Vincennes —créé de toute pièce, avec des fonds gouvernementaux— avait l’opportunité et l’obligation de se mettre à leur hauteur. Cependant il parlait sûrement aussi en tant que sous-directeur du Musée d’ethnographie – « le complément scientifique » du nouvel établissement de Vincennes— quand il nota qu’« un musée des colonies s’il est bien dirigé peut être un merveilleux instrument de propagande populaire » et qu’il devait par ailleurs « être un grand centre d’étude scientifique et de recherche ». Il ajoutait qu’il était humiliant de ne pas être leur égal : « Un musée moderne doit être un organisme vivant et non une maison de retraite pour cacochymes et paresseux »58. En 1932, Rivière écrivit à un critique que la section ethnographique de Tervuren figurait parmi « nos modèles »59. À cette époque, Rivière n’avait pas terminé ses tournées. Mais il en avait assez vu pour commencer à adapter des éléments de la muséographie contemporaine au Trocadéro, dans les limites de ses moyens. Certains de ces éléments furent déterminés par Rivet, en fonction de l’idée qu’il se faisait de ce que devait englober un musée d’ethnographie ; d’autres furent abandonnés faute de fonds. Quoiqu’il en soit, au début des années trente, Rivière imprimait déjà sa marque sur le Musée d’ethnographie, en transformant cette institution marginale, abritée dans un bâtiment « ridicule », en un musée moderne, esthétique, scientifique et populaire.
LES PREMIERS PAS : 1928-1931
27Lorsque Rivet usa de son influence pour transférer les collections ethnographiques vers sa chaire d’Anthropologie au musée, il cherchait à créer en France un centre éducatif et scientifique d’envergure internationale, qu’il pourrait diriger et qui serait « le conservatoire de la civilisation matérielle considérée dans son ensemble : chasse, pêche, alimentation, habitation, habillement, parure, attributs cérémoniels, objets rituels, magiques, juridiques, jeux, productions artistiques etc… des primitifs vivants ou disparus ». Tout en restant intéressé par les migrations des premiers humains et convaincu que les « primitifs d’hier et d’aujourd’hui » partageaient beaucoup, il désirait ajouter de nouvelles sections en Préhistoire. Le musée serait ainsi capable de mesurer le progrès technique humain, de révéler les schémas migratoires, suggérer le milieu de l’homme préhistorique, et de « retracer les diverses étapes de l’évolution sociale et religieuse de l’humanité »60. Sur un plan pratique, il s’agissait de sauver, d’identifier et de cataloguer autant que possible les 150 000 objets qu’il renfermait avant qu’ils ne tombent en poussière ; d’inventorier et d’augmenter la bibliothèque existante ; d’accroître le patrimoine du musée en acquérant (entre autres) de nouvelles collections en provenance de l’empire et particulièrement de l’Indochine (il était scandaleux, remarquait-il, que le musée ne comprenne encore aucune galerie asiatique) ; de créer de vastes réserves, ce qu’il se proposait de faire notamment en déménageant les collections folkloriques françaises du Musée d’ethnographie en provinces ou vers un musée en propre qui serait consacré aux arts et traditions populaires (envisagé à l’époque, créé plus tard en 1936) ; de refaire et uniformiser les verrous ; d’installer de nouveaux éclairages ; d’obtenir enfin plus d’espace, en divisant d’abord verticalement l’une des hauteurs existantes du Trocadéro, les galeries voûtées, ce qui allait nécessiter l’ajout d’un étage et d’un escalier, et d’autre part, en fermant (avec des baies vitrées pour optimiser la luminosité) la passerelle extérieure circulaire, à colonnade, du palais existant61.
28Si Rivet formulait une vision d’ensemble sur ce que pouvait devenir le Musée d’ethnographie, il savait d’emblée que le financement serait le nerf de la guerre. En 1928, le budget alloué au personnel s’élevait à 69 000 francs, réparti entre le salaire du directeur et de cinq gardiens, quant au budget de fonctionnement pour les dépenses matérielles, il se montait à 20 000 francs. Rivet parvint à négocier 48 200 francs additionnels pour le personnel, et son budget pour le matériel fut augmenté à 100 000 francs par an en 1930. Pour l’aider à couvrir les coûts de la rénovation, il signala à la commission consultative du musée en juin 1928 que l’admission au musée serait payante, à l’exception des dimanches, et qu’il avait par ailleurs réussi à décrocher la promesse d’une subvention coloniale de 150 000 francs62. Malgré tout, même cette contribution ne parvenait pas à couvrir ne serait-ce que le début des dépenses prévues pour les rénovations structurelles ou pour payer le personnel nécessaire à la modernisation. Insuffisantes, elles l’étaient d’autant plus pour agrandir le musée et présenter ses collections systématiquement selon les derniers principes muséographiques afin d’établir le musée rêvé par Rivet, celui, « total », de l’histoire de l’Humanité. La solution qu’il envisagea face à ces défis consista à vendre son rêve à Rivière, inexpérimenté mais bien connecté, et à lui donner une latitude considérable pour faire de cette aspiration une réalité, avec les moyens limités à sa disposition.
29Une fois au travail, Rivière commença immédiatement à mettre en application ce qu’il avait appris de ses voyages et à mobiliser ses réseaux d’influence, notamment dans le monde artistique63. Au lendemain de sa tournée des musées américains, il listait dans une lettre à Mauss l’outillage nécessaire : « salles d’exposition avec vitrines métalliques, cartes géographiques, tableaux synoptiques, pancartes, étiquettes standardisées et imprimées, numérotage apparent des pièces, rayons, vitrines, salles ». Il fallait supprimer les panoplies et les mannequins « démodés ». Il ajoutait qu’il avait déjà déterminé où devaient se situer les bureaux, bibliothèques, salles de conférence, laboratoires et toilettes nouvellement planifiés64. Rivière rendit public ses plans, un mois plus tard, dans un article destiné manifestement à attirer l’attention des mécènes avant-gardistes. Il parut dans un nouveau périodique à vocation anti-idéaliste et anti-esthétique, financé par le marchand d’art Georges Wildenstein, magazine auquel Rivière était directement associé —Documents. Doctrines, Archéologies, Beaux-Arts, Ethnographie65. Dans cet article, Rivière signalait d’abord à quel point les musées en France avaient pris du retard, loin derrière ceux des autres pays. Pour combler ce décalage, le nouveau musée comprendra des galeries d’exposition permanentes et temporaires, une bibliothèque-salle de conférence, des réserves, des bureaux et des laboratoires ; chaque étage disposera aussi d’une réserve. En outre, il fallait « répartir les collections » entre des salles destinées au public, où des pièces uniques ou caractéristiques seraient exposées, tandis que les nouvelles réserves seraient rendues véritablement accessibles aux chercheurs qualifiés. Il conviendra aussi d’installer l’électricité, pas uniquement dans les galeries, mais si possible dans les vitrines d’exposition. Il fallait développer « les rapports avec l’administration, les savants, les collectionneurs, les marchands propres à provoquer des dons, legs, dépôts et prêts ». Et « faire sa publicité. Par le moyen d’ouvrages et de périodiques… Éditer un bulletin trimestriel. Rapports scientifiques avec les savants, musées, et instituts de l’extérieur ».
30Rivière abordait ensuite la question du budget —minuscule— alloué au personnel du Musée d’ethnographie, et celui réservé au matériel, de 30 000 francs seulement, ce qui lui paraissait « encore bien peu ». Heureusement, continuait-il, le Vicomte de Noailles avait récemment revigoré la Société des amis du Musée d’ethnographie et cette organisation couvrait provisoirement les salaires de trois nouvelles recrues : une bibliothécaire (Yvonne Oddon), un assistant technique (Adrien Fedorowsky) et une secrétaire-archiviste (Thérèse Rivière, la sœur de Georges Henri). Par ailleurs, quelques volontaires aidaient également à la rénovation66. Le directeur avait, entretemps, sollicité le gouvernement pour recevoir des fonds spéciaux nécessaires aux travaux d’installation du chauffage central. L’article n’en disait pas plus concernant la question financière, mais le sous-entendu était clair comme de l’eau de roche : le Musée d’ethnographie entamait sa modernisation et sa rénovation avait déjà acquis le soutien d’un mécène de l’art moderne qui figurait parmi les personnalités parisiennes les plus en vues du monde artistique. Rivière poursuivait en expliquant les raisons de cette apparente conversion de Noailles, motivée par des considérations non seulement artistique mais aussi scientifique : l’engouement pour l’« art primitif », notait-il, avait tellement décontextualisé la culture matérielle des peuples archaïques qu’il était grand temps pour des experts comme Rivet d’intervenir et d’exposer convenablement ces objets —selon une démarche qui devait, évidemment, augmenter en retour la valeur des objets en question et de la connaissance requise pour en prendre soin. Ces experts s’engageaient, en même temps, à créer un musée ethnographique qui satisfasse plusieurs audiences : selon les mots de Rivière, un musée « utile à la science et au pays, aimé des artistes et attrayant pour le public »67.
31De 1929 au milieu des années trente, Rivière ficela les plans de rénovation annoncés à Mauss et dans la revue Documents. Il croyait que le meilleur moyen d’attirer un public varié de visiteurs consistait à rendre le Musée d’ethnographie aussi moderne que possible, tant au niveau de ses espaces de travail « invisibles » que de ses galeries « visibles ». Étant donné le bâtiment avec lequel il devait composer —l’obscur, humide et froid palais néo-mauresque du Trocadéro— son objectif premier fut d’y faire entrer plus de clarté, d’élargir ses galeries et l’espace de ses réserves. Rivière et Rivet mobilisèrent bientôt leurs réseaux politiques et sociaux respectifs pour lever des fonds publics destinés à la construction d’un étage supplémentaire et de son escalier, mais aussi à la réalisation d’une terrasse vitrée, semi-circulaire, entourant le bâtiment, l’installation du chauffage électrique, des lumières, enfin l’achat de vitrines d’exposition en verre et en métal pour remplacer les anciens cadres de bois tout déformés. Des subventions furent accordées pour toutes ces rubriques, mais le début de la Dépression retarda l’achat des vitrines —au prix de 5 750 000 francs— jusqu’en 1932. La terrasse vitrée fut en revanche réalisée en 1931, et les travaux de l’étage et de l’escalier amorcés68. Rivière et Rivet eurent ainsi bon espoir d’ouvrir leur première galerie principale, installée selon les « méthodes nouvelles »69. Ils durent néanmoins déchanter, car sans les nouvelles vitrines, l’équipe ne put respecter la date limite.
32Malgré ce contretemps, les directeurs pouvaient se féliciter d’autres accomplissements réalisés cette même année. Un petit bataillon de volontaires constitué de personnalités mondaines et d’étudiants recrutés à l’Institut d’ethnologie s’attelèrent aux tâches chronophages de la restauration matérielle et du catalogage des collections du musée, tandis que commençait l’acquisition de nouveaux objets par le biais de dons, d’échanges, et qui arrivaient aussi dans la foulée des expéditions sur le terrain subventionnées par l’Institut d’ethnologie. À cette époque, Rivière avait imposé un système méticuleux pour faire l’inventaire des objets, calqué sur ceux utilisés dans plusieurs musées des États-Unis et de Gothenburg70. Le Trocadéro imprima et publia une série d’« instructions sommaires » gratuites, préparées par Michel Leiris et destinées à toutes les personnes effectuant des collectes pour le musée afin de s’assurer que la provenance de chaque pièce serait systématiquement consignée. Le voyageur en question devait indiquer le lieu exact et la date de la « récolte », le ou les noms en langues locales et la fonction de l’objet recueilli. Seules les pièces convenablement étiquetées seraient acceptées. Par ailleurs, elles ne devaient être ni particulièrement exceptionnelles ou belles. Il fallait retenir les objets les plus typiques ou pratiques de chaque groupe ethnique —leurs outils, leurs armes, leurs ustensiles et leurs vêtements, mais aussi leurs instruments de musique, leurs jeux et leurs masques sacrés— pouvant représenter au mieux les vies quotidiennes des gens ordinaires71. Un bulletin biannuel, fondé par George Wildenstein, la Société des amis du Musée d’ethnographie et Rivière lui-même, destiné à publier des articles ethnologiques sur les objets des collections, fut également publié à partir de 1931.
33Les efforts entrepris pour la restauration du Musée d’ethnographie firent constamment l’objet d’informations dans la presse, quand bien même les galeries permanentes restaient encore fermées au public : autre prouesse impressionnante orchestrée par Rivière, menée grâce à une campagne de presse qui cibla un grand nombre de revues, spécialisées ou plus générales, de toutes orientations politiques. Des journalistes étaient invités à présenter la nouvelle muséographie et encouragés à évoquer largement le retard de la France en matière de musée. Ils répondirent favorablement aux ouvertures de Rivière. Cette réaction suggère que le concept d’un musée organisé rationnellement à l’américaine —en l’occurrence par un jeune iconoclaste— pour satisfaire un grand public était une innovation remarquable72. En 1929, le grand quotidien Le Matin présentait dans ses colonnes les plans du Musée d’ethnographie pour « de nouveaux éclairages, chauffages et vitrines d’exposition »73. En octobre 1930, Jean Archambaud du Paris Soir —un autre grand quotidien— signalait la transformation en cours du poussiéreux Trocadéro en un « beau musée moderne » : ses collections seraient divisées en une section « didactique » et une autre réservée aux « spécialistes ». Chaque vitrine allait comporter une carte, afin que les visiteurs puissent visualiser les régions occupées par les groupes ethniques dont les objets étaient exposés. Les pièces seraient rangées par catégories. Un masque de sorcier pourrait servir de point de départ à toute une série de documents sur la cérémonie à laquelle il était destiné, et des numéros de séries correspondraient à ceux présentés dans d’autres sections. « Le musée sera clair, vivant… chaque salle comprendra plus tard de petits cinématographes automatiques : pour une somme modique, on pourra y voir des films correspondant aux nations représentées dans la salle »74. Le reporter Paul Dany du journal de droite L’Ami du Peuple rencontra Rivière après le retour de celui-ci de son voyage en Belgique et aux Pays-Bas en 1931. Il remarqua que l’assistant de Rivet n’était pas vraiment conforme à l’image typique du conservateur de musée « binoclard et cagneux ». Il se retrouva plutôt face à :
un jeune homme élégant à l’allure sportive qui nous reçoit dans un bureau… où le téléphone, le chauffage central et les fauteuils métalliques créent une atmosphère d’affaires. D’une voix où l’on s’étonne, on ne sait pourquoi, de ne percevoir aucun accent anglo-saxon, M. Rivière nous fait sans ambages sa profession de foi.
34Dans un autre article, Dany présentait de nouveau Rivière comme un apôtre de la modernité qui s’attaquait à « la somnolence de l’ethnographie en France depuis 1878 ». Il citait avec approbation les propos de Rivière sur la possibilité de rendre la France compétitive dans le domaine au niveau international : « Nous avons dû faire un appel sérieux à l’expérience de l’étranger pour rattraper le temps perdu… C’est de nos notes que sont sorties toutes les idées neuves en France qui seront utilisées »75. Visitant en avant-première le musée en 1932, Joseph Billiet faisait écho à ces propos dans le journal centriste L’Avenir, mais il saluait surtout, pour sa part, le nouveau didactisme du musée. « La base de toute éducation est sensorielle… [MM. Rivet et Rivière] l’ont compris ». Chaque vitrine comportait un double éclairage, en outre des photographies, des cartes, des dessins et des tableaux explicatifs étaient fixés au murs, selon une méthode de présentation qui prévalait déjà dans la plupart des grands centres ethnographiques dans le monde. Il concluait :
Devant ces salles claires, ces objets purement présentés, cette vaste documentation, immédiatement sensible, on se prend à penser qu’ainsi devrait être ordonné dans les établissements scolaires l’enseignement des matières vivantes : l’histoire, la géographie… et les sciences du langage et la formation de la pensée.76
35Ce n’était pas tout. Rivière pouvait s’enorgueillir d’un autre succès réalisé dans les premières années : l’inauguration, à l’été 1931, d’une nouvelle bibliothèque de recherche, une autre merveille de rationalité. Rivet avait toujours considéré que la création d’un « centre de documentation bibliographique moderne » serait essentiel à la rénovation de son musée-laboratoire, parce qu’il n’existait encore aucune bibliothèque ethnologique à Paris —l’Institut d’ethnologie n’avait pas suffisamment de place, par exemple, pour en disposer77. Rivière, qui en vint à partager ce point de vue, investit sa maigre fortune personnelle dans ce projet, qu’il fit passer au dessus d’autres « moins urgents », à l’instar de la création d’un département de la « documentation photographique »78. Un mérite tout aussi égal revenait à une jeune et remarquable bibliothécaire, Yvonne Oddon, qu’il recruta dès le début des travaux. Grâce à elle, la bibliothèque, comme bien d’autres éléments du Musée d’ethnographie rajeuni de Rivière, s’inspira en grande partie des méthodes pionnières américaines.
36Rivière, dit-on, avait embauché Oddon sur-le-champ, après l’avoir rencontré rue de Rivoli, à l’occasion d’un entretien dans un taxi. Elle avait à l’époque deux compétences qui l’avaient impressionné. Premièrement, elle était sortie diplômée en 1924 d’une école américaine de bibliothécaires (dont l’existence fut d’assez courte durée, 1923-1929), la première, ouverte à Paris, à offrir en France un diplôme en bibliothéconomie79. Cette école enseignait comment créer des fiches auteur/titre de catalogage, l’utilisation du classement décimal, ainsi que l’introduction de postes d’aides à la consultation pour enfants et adultes. Deuxièmement, Oddon avait passé deux ans à Ann Arbor, dans le cadre d’un programme d’échange, à la bibliothèque de l’Université de Michigan et son rapport de mission venait tout juste d’être publié en 192880. Les talents exceptionnels d’Oddon risquaient d’être perdus pour la science, lorsqu’elle rencontra, par hasard, les connaissances de Rivière dans les milieux artistiques. Dès que Rivière s’installa au Musée d’ethnographie, David-Weill lui suggéra d’embaucher à ses frais un bibliothécaire, tandis que son frère, Pierre David-Weill, fondait généreusement la bibliothèque sur ses fonds propres. Marcelle Minet, la secrétaire personnelle de David David-Weill qui connaissait Oddon encouragea Rivière à la recruter81.
37Oddon commença à travailler au Musée d’ethnographie en janvier 1929 et marqua très vite de son empreinte la bibliothèque qui allait devenir un « complément indispensable » aux collections, aligné sur les meilleures pratiques internationales82. Elle insista ainsi, par exemple, pour que soit adoptée la classification en usage à la Bibliothèque du Congrès de préférence au système décimal Dewey, parce qu’il lui semblait que le premier se prêtait mieux aux nouveaux domaines de connaissance comme l’ethnographie. Cette classification commençait tout juste à être connue en Europe83. Oddon s’inspira par ailleurs de l’Université de Michigan pour agencer le plan de sa bibliothèque, en créant une salle de lecture qui mettait à la disposition des chercheurs les derniers numéros et les volumes reliés des principales revues scientifiques au lieu de les placer dans des magasins fermés et d’accès restreint —ce qui constitua une autre innovation parisienne. Avec une équipe de volontaires également diplômés de l’école américaine de bibliothécaires, elle contacta les bibliothèques universitaires et celles rattachées à des musées de part le monde pour organiser l’échange du futur bulletin du Trocadéro avec d’autres publications. Lors de l’inauguration de la bibliothèque le 31 juillet 1931, un rapport interne indiquait que son équipe avait installé cet espace « de la manière la plus moderne et la plus pratique » ; une vaste extension était déjà annoncée, même si 200 000 francs avaient été déboursés, issus pour l’essentiel de fonds privés84. Trois ans plus tard, Oddon indiquait qu’entre 6 000 et 10 000 livres avaient été catalogués cette année là, et qu’un courant régulier d’échange de publications existait désormais entre le Musée d’ethnographie et près de 90 institutions françaises et étrangères85.
« UN MUSÉE… ATTRAYANT POUR LE PUBLIC » : 1932-1935
38La bibliothèque de Oddon et les nombreuses descriptions faites par des journalistes sur les installations modernes du Musée offraient un avant-goût alléchant de la transformation en cours. Il s’avéra cependant que la restauration des galeries permanentes prit bien plus de temps que celle des collections de livres. En 1931, Rivière devait encore créer les réserves requises par le principe de l’organisation d’un double musée, faute de quoi le public resterait « privé […] des premières expositions rationnelles tant annoncées »86. Un an plus tard, Rivet se plaignait que les réserves prévues étaient déjà trop petites pour accueillir les quelques 10 000 objets qui entraient par an au Musée87. Malgré ces lenteurs, les premières galeries permanentes furent ré-ouvertes au public en 1932 : plusieurs sections de la Salle d’Amérique en juillet, puis, en décembre, la Salle d’Europe et la Salle du Trésor, ainsi qu’une photothèque et une phonothèque avec la Salle d’ethnologie musicale. Les Salles de Préhistoire exotique, et d’Afrique Noire suivirent en 1933 ; les Salles d’Asie et d’Océanie ouvrirent quant à elles en janvier 1934. À la fin de cette année, les galeries de l’Afrique Blanche et du Levant, de Préhistoire américaine, des Peuples Arctiques ainsi que la Salle de Madagascar (cette dernière étant en réalité une sous-section de la salle africaine) furent ouvertes à leurs tours. La Salle d’Amérique (en particulier ses sections archéologiques) fut définitivement complétée en mars 193588. En 1934, furent également créés des départements scientifiques supervisés pour la plupart par des étudiants en doctorat, qui survivaient grâce à de maigres subventions de recherche, glanées çà et là, auprès de la Société des amis du Musée d’ethnographie ou de contrats temporaires. Un autre signe indiquait que la mission de recherche du musée se mettait en place : les publications des membres du département commençaient à être signalées chaque année auprès de leur institution de rattachement89.
39Même un rapide coup d’œil à la liste des galeries et des départements en atteste, il n’était pas question de dévier du principe de l’organisation géographique des objets, puis de leur présentation par groupe ethnique ou de civilisation. Dans cet aménagement, les objets et les outils de la vie quotidienne furent mis à l’honneur. Une seule salle, celle du Trésor, rompait avec ce modèle. Son existence rappelait, ainsi que l’a remarqué entre autres Christine Laurière, que Rivière avait compris en 1932 comment le marché en expansion des « arts primitifs » pouvait être utilisé au plus grand bénéfice du Musée d’ethnographie comme des marchands d’art. En 1929, Rivière avait critiqué la vogue dont l’« art nègre » faisait l’objet parce que les amateurs ignoraient les dimensions symboliques et fonctionnelles des pièces dont ils faisaient l’acquisition. Loin de prendre ombrage de ces reproches, les collectionneurs et les amateurs virent d’un bon œil la valeur et le prestige ajoutés dont bénéficia leur art préféré, lorsque certaines de ces pièces firent leur apparition dans un musée scientifique fraîchement rénové. Rivière de son côté en vint à accepter qu’avec ses galeries permanentes, la vocation du Musée d’ethnographie serait essentiellement scientifique et pédagogique, même si, périodiquement, il présenterait des expositions temporaires de nature plus esthétique et spectaculaire qui attireraient un public plus nombreux et diversifié90.
40La création de la Salle du Trésor reflétait cet état d’esprit. Sa seule finalité était de mettre en valeur des objets qui étaient, selon les propres mots de Rivière « particulièrement remarquables au point de vue artistique… », « allégés de l’appareil et du classement scientifiques et rapprochés pour le plaisir de nos yeux ». Rivière engagea un sculpteur en vue, Jacques Lipchitz, pour installer des piédestaux noirs sur fond rouge dans une salle à la lumière tamisée et dont les vitrines en verre étaient nichées dans des alcôves murales. La plupart des « trésors » provenaient de l’ancienne collection précieuse des objets d’Amérique et d’Océanie. Ils étaient choisis en fonction de leur beauté, de leur rareté et de leur valeur sur le marché de l’art de l’époque : un casque en plume des Îles Hawaii, un bloc d’obsidienne gravé d’un signe du calendrier aztèque, une statue du dieu Tiki des Îles Marquises, un pendentif en or de Colombie, une tête de mort en cristal de roche (Mexico), une représentation d’un dieu serpent emplumé, chef d’œuvre de la sculpture aztèque, deux masques du Mexique précolombien, un miroir du Mexique en pyrite de fer, et enfin « un grand tissu du vieux Pérou ». Quelques « trésors africains » figuraient également : une plaque du Bénin, un appuie tête en ivoire du Congo Belge et un masque d’or de la Côte-d’Ivoire91. En 1932, un an après l’ouverture de la Salle du Trésor, Rivière expliquait par ailleurs à son équipe que la grande vitrine de verre, sur la droite à l’entrée de la galerie africaine, et qui était vide, serait assignée à titre exceptionnel à l’« art nègre ». Une telle pratique, expliquait-il, était déjà à l’œuvre dans les musées de Berlin, Francfort et Munich, ceci étant dit avec l’arrière pensée d’anticiper d’éventuelles plaintes de la presse ou du public92. Ces espaces encastrés purement esthétiques disparaîtront à la suite de la seconde rénovation du musée. Entre 1932 et 1935, tout en poursuivant son travail de sélection des « chefs d’œuvre » destinés aux expositions exceptionnelles, Rivière perfectionna une série plus générale de principes muséographiques visiblement inspirés de ses voyages. Comme Rivière n’a laissé que très peu d’explications de ces principes, le mieux est d’en prendre connaissance à travers les écrits d’un autre de ses proches collaborateurs : Anatole Lewitsky, un émigré russe recruté au Musée d’ethnographie en 1931 pour contribuer à la rénovation de ses réserves et installations. Lewitsky, qui menait une recherche sur le shamanisme sibérien sous la direction de Mauss, deviendra lui-même un étudiant assidu de la muséologie93. Il connaissait parfaitement les nouvelles pratiques soviétiques qui intéressèrent tant Rivet et Rivière tout au long des années trente. Dans ses carnets, Lewitsky observait par exemple que les Soviétiques avaient rejeté les couleurs que Scherman avait adopté à Munich, car jugées trop vives, auxquelles ils préféraient des fonds plus neutres et une présentation à la fois « scientifique et esthétique ». Les textes d’explication ne devaient jamais être trop longs, les phrases « courtes et expressives » de préférence. Il soulignait également l’utilisation politique que les Soviétiques faisaient des expositions, considérées comme partie prenante des campagnes dites « de choc » organisées dans les zones rurales, et la façon dont le musée avait été délibérément « associé à l’œuvre constructive [et destructive, de la religion notamment] du régime »94.
41Plus révélateurs encore, les notes et le rapport sur les méthodes muséographiques compilés par Lewitsky en 1935 éclairent les types de décisions qu’il prit avec Rivière dans le processus de modernisation. Par définition, travailler avec les objets ethnographiques était une tâche difficile, écrivait Lewitsky. Ils s’en trouvaient de toutes tailles et de toutes formes. En revanche, les vitrines d’exposition avaient toutes, quant à elles, un format standard. Les musées, indispensables à l’avancée de la science, rendaient cependant inanimés ces objets vivants en les arrachant à leur milieu et en les immobilisant. L’utilisation de matériaux alternatifs pour les ressusciter —cartes, photographies, textes— occasionnait un autre problème : l’œil du spectateur devait constamment faire des allers et venues de l’objet au texte au contexte. Classer ces objets était tout aussi problématique, un objet pouvant facilement entrer dans plusieurs catégories : un tambour rituel en bois appartenait simultanément aux instruments de musique, à la religion, au travail du bois, et à l’art. L’on pouvait surmonter ces défis en se conformant à quelques principes élémentaires. Il devenait facile de voir les objets individuels en plaçant dans le fond les plus larges ; d’une façon générale, il convenait de placer les objets à l’horizontale ou à la verticale (placement oblique uniquement pour les grands objets car « si on donne aux objets du même ensemble une inclinaison variable l’œil ne peut plus suivres ces lignes brisées et se fatigue ») ; les petits objets pouvaient être accrochés (« cette méthode de présentation [a été] largement employée au Musée d’ethnographie depuis sa réorganisation par MM. le Dr. Rivet et G.-H. Rivière »). L’équipe devait continuer d’éviter les modèles en cire (trop artificiels)95. Plusieurs des techniques mises en avant par Lewitsky furent d’abord testées au Musée d’ethnographie, avant d’être reprises au Musée de l’Homme.
42Avec l’ouverture complète des galeries de la Salle d’Amérique en 1935, Rivet et Rivière croyaient qu’après « sept ans d’abnégation », la mission était enfin accomplie. Rivière avait consacré tout son temps à cette rénovation, au point de devenir littéralement monastique dans ses habitudes. Rivet avait laissé tomber sa propre recherche pour livrer un autre combat pour « les intérêts d’une science que je dois servir et défendre et ceux de la jeune génération d’ethnologues que j’ai contribué à former et à qui j’ai pu faire partager mes espoirs et mes enthousiasmes »96. Durant tout le temps des rénovations des galeries permanentes, ils ne fermèrent jamais le musée et programmèrent un flot continu d’expositions temporaires. Les recettes grimpèrent chaque année entre 1929 (elles s’élevaient alors à 18 519 francs) et les sept premiers mois de 1935 (99 764 francs), avec un pic exceptionnel en 1934 (à 145 410 francs) lié à la grande exposition organisée sur le Sahara qui battit tous les records97. La vocation éducative chère à Rivet trouva satisfaction : des milliers d’écoliers, et d’autres groupes encore, furent admis gratuitement ou à tarifs réduits. Il ne désespérait pas non plus d’ouvrir les portes du musée le soir. Depuis 1930, les chefs de départements, Rivet notamment, firent eux-mêmes des visites guidées. En mars 1935, la technologie moderne jumelée à l’éducation populaire portèrent d’autres fruits, lorsque Rivière accepta l’offre qui lui fut faite par le secrétaire général de la Radiodiffusion d’émettre de courts programmes « dans un esprit d’encore plus grande vulgarisation »98.
43Au moment précis où Rivet et Rivière espéraient se tourner vers d’autres projets, la Ville de Paris avertit le Musée d’ethnographie que le Palais du Trocadéro serait partiellement vidé et reconstruit à plus grande échelle dans le cadre de l’Exposition universelle des Arts et Techniques de 1937. Les commissaires de l’exposition voulaient bâtir une imposante esplanade qui donnerait sur le Champ-de-Mars et la Tour Eiffel, ce qui impliquait de démolir des portions centrales du bâtiment existant, là où était installée la Salle d’Amérique rénovée. Les ailes et les tours du Trocadéro seraient préservées, agrandies et recouvertes de nouvelles façades de style Art Déco. Si Rivet acceptait de déménager, on lui donnerait un bâtiment plus grand, plus moderne, et les fonds nécessaires pour se réinstaller.
44Malgré la perspective déprimante de voir raser la moitié des récentes améliorations structurelles et l’inconvénient d’avoir à mettre en carton la totalité des pièces du musée, l’offre était trop tentante pour passer à côté. Le Palais de Chaillot, comme on devait à présent l’appeler, offrait la place suffisante pour le transfert du laboratoire d’anthropologie de Rivet, sa bibliothèque et ses collections ostéologiques (toujours conservées au Muséum), mais aussi l’Institut d’ethnologie. Sans parler de l’espace libre pour créer de plus vastes aires de stockages et se doter d’autres moyens encore : une extension de l’espace d’exposition de 2 000 à 4 000/5 000 mètres carrés supplémentaires ; un atelier pour chaque département ; une salle de conférence ; un plus grand laboratoire de désinfection (contre les parasites qui s’attaquent aux objets) ; des locaux plus spacieux pour la bibliothèque, la photothèque et la phonothèque ; un studio d’enregistrement ; une cinémathèque/auditorium ; une librairie et un cafébar99. Rivet serait enfin en mesure de réaliser sa vision d’un grand centre pour l’étude « totale » de l’Humanité, abritant sous un même toit les restes humains et les objets culturels d’étude —une vision que tout le monde ne partageait pas, et qui suscita une vive opposition de la part de plusieurs de ses collègues du Muséum qui croyaient que la collection des fossiles humains devaient rester dans la même institution, comme celle des animaux, pour les besoins de l’anatomie comparée100. Aussitôt que Rivet fut acquis au projet —après une grande résistance au départ— il changea le nom de son ancienne chaire d’« Anthropologie » en « Ethnologie des Hommes actuels et des Hommes fossiles », et rebaptisa le Musée d’ethnographie en Musée de l’Homme101.
45L’opportunité de réinstaller si rapidement les collections de l’ancien Trocadéro et la bibliothèque présentait par ailleurs un autre avantage. Cela faisait sept ans que Rivière s’efforçait d’appliquer les derniers principes de muséographie en cours. Une chance de consolider les leçons apprises s’offrait enfin. Comme ce dernier le formula, en mai 1937, dans une demande d’autorisation de voyager, une fois de plus, à l’étranger —en Hollande, au nord de l’Allemagne et en Scandinavie : « il est donc nécessaire d’étudier de très près et de façon critique l’organisation des grands musées ethnologiques de l’étranger avant de donner au nouvel établissement parisien ses traits définitifs »102. Rivière était également entouré cette fois d’ethnologues plus expérimentés, prêts à consacrer leur temps et leur énergie à une seconde rénovation : Schaeffner, Leiris, Oddon, Lewitsky, Thérèse Rivière (recrutée en 1929 comme secrétaire, elle aussi s’était transformée entretemps en ethnographe expérimentée), ainsi que plusieurs autres nouvelles recrues. Ces dernières comptaient notamment : Harper Kelley, un américain bénévole et étudiant en paléontologie de l’Abbé Breuil, qui installa, quasiment à lui tout seul et à ses frais, les sections préhistoriques ; l’américaniste Jacques Soustelle et sa femme Georgette ; Henri Lehmann, formé au Musée ethnographique de Berlin, ayant fui l’Allemagne de Hitler ; Marcelle Bouteiller du département de l’Asie ; les africanistes Denise Paulme (qui épousa bientôt l’ethnomusicologue du musée, André Schaeffner) et Deborah Lifszyc, une émigrée juive-polonaise ; Jacques Faublée, sans expérience de terrain encore, qui fut désigné responsable de la nouvelle section de Madagascar (où il devait par la suite voyager)103.
46En 1933, André Leroi-Gourhan et Paul-Émile Victor commençaient à construire le nouveau département des Peuples Arctiques et en envisageaient un autre pour les populations de l’empire Soviétique. Victor était un ethnographe des Inuits, encore en apprentissage, qui se préparait à une mission sur le terrain au Groenland. Leroi-Gourhan, formé quant à lui en anthropologie physique, nourrissait une véritable passion pour la Sibérie mais aussi pour la culture matérielle. Il était déjà à l’époque un important muséographe, ayant un penchant pour la sociologie. La première exposition qu’il organisa en 1934 fut l’une des plus innovante organisée au musée : un triptyque sur le cycle de vie Inuit, présenté dans ses dimensions familiales, genrées, sociales et techniques. Une vitrine était consacrée à « l’homme », une seconde à « la femme et l’enfant » et une troisième « aux objets »104. En revanche, les départements de l’Afrique du Nord, de l’Océanie et même de l’Asie se démenaient encore pour trouver du personnel. Les étudiants diplômés n’avaient pas encore choisi d’étudier les populations de ces régions, probablement car l’Afrique du Nord était trop proche (et donc trop familière), l’Océanie trop éloignée (avec des frais de voyage en conséquence), et l’Asie tout à la fois lointaine et jugée pas assez « primitive ». Sous la pression de la nouvelle échéance de l’Exposition universelle de 1937, la seconde transformation du Musée d’ethnographie allait se révéler plus rapide que la première.
UN MUSÉE POUR TOUS ? 1936-1939
47Le Musée de l’Homme avait bien entendu un air de famille nettement accusé avec le Musée rénové d’ethnographie qu’il remplaçait. Mais il se dévoilerait bien différent sous de multiples aspects. Premièrement, en ajoutant les ossements humains il devenait évidemment un musée de l’humanité dans ses dimensions autant physiques que culturelles —un thème que nous développerons plus en détail dans le prochain chapitre. Deuxièmement, même au sein des collections ethnographiques réinstallées, plusieurs modifications dans l’organisation furent réalisées qui reflétaient un changement de personnel. En 1936, Rivière était tout à la fois engagé dans un nouveau projet —la création d’un musée de folklore français, le futur Musée national des arts et traditions populaires —et le déménagement du Musée de l’Homme. Au début de l’année 1937, il cèda sa position de sous-directeur de l’ethnographie au Musée de l’Homme à Jacques Soustelle, qui était bien décidé à ce que la sociologie soit désormais en mesure de « figurer dans les salles »105. Sous la direction de Soustelle, la Salle du Trésor allait disparaître106. Rivet autorisa cependant que se tienne dans le hall d’entrée du Musée de l’Homme « [un] objet de la semaine », consacré à des acquisitions récentes ou à des thématiques particulières (un système, avançait-il, qui existait aux musées Victoria et Albert Museum de Londres)107. Dans le même temps, l’installation de deux nouvelles galeries comparatives fut envisagée, l’une consacrée aux arts et techniques (où l’on espérait intégrer les objets de l’ancienne Salle du Trésor), l’autre à la musique et à la danse. Leur ouverture définitive fut retardée à l’après guerre, bien que leur conceptualisation ait commencée au début de l’année 1936.
48La troisième différence entre les deux rénovations résidait dans le changement du contexte politique, tant national qu’international, dans lequel se déroula la seconde phase de travaux. Au début de 1936, les Radicaux, les Socialistes et les Communistes en France mirent leurs différences traditionnelles de côté pour former un Front Populaire qui promettait de défendre les libertés républicaines contre la menace grandissante du fascisme et de démocratiser la société française. Des hommes et des femmes ordinaires se mobilisèrent en masse, dans un élan sans précédent, pour soutenir le Front, élu au pouvoir d’une courte tête en mai 1936 par l’électorat masculin du pays. Le dirigeant socialiste, Léon Blum, fut le premier juif en France à devenir président du Conseil des ministres, au moment où l’antisémitisme de Hitler menaçait d’embraser le continent. En sa qualité de conseiller municipal socialiste, Rivet avait joué un rôle important dans la formation du Front Populaire, quant à Soustelle —à l’époque fervent marxiste internationaliste— il était déterminé à ouvrir une brèche dans le mur des institutions culturelles élitistes. Dans le sillage de la victoire de la gauche, Rivet, Rivière et Soustelle élaborèrent un nouvel objectif pour le Musée de l’Homme : il devait être non seulement un centre moderne d’ethnologie, mais aussi un centre consciemment populaire.
49Quelques mois plus tôt, Rivet avait déclaré qu’une institution destinée au peuple avait besoin d’un nom simple et clair : le Musée d’ethnographie allait désormais s’appeler le Musée de l’Homme108. Le nouveau musée, expliquait-il plus longuement au début de 1937, « est fondé sur une conception entièrement nouvelle, puisqu’il s’adresse résolument aux masses écolières et laborieuses ». Emboîtant le pas des musées soviétiques et scandinaves, des collaborateurs spécialement formés dirigeraient des groupes pour « pour associer le peuple aux résultats de l’activité scientifique [du Laboratoire d’ethnologie] »109. La sauvegarde de la paix dans le monde n’exigeait rien de moins dans l’esprit de Rivet : « Nous avons travaillé pour le peuple, pour l’éducation du peuple de tout notre cœur. Nous espérons qu’il répondra à notre appel fraternel, qu’il en comprendra toute la signification »110. Soustelle reprenait en écho : « par l’union des techniciens et des usagers… le Musée de demain peut être le Musée du peuple… »111. Michel Leiris, parmi d’autres membres du musée, se montrait tout aussi éloquent :
Faire du Musée de l’Homme un instrument de culture populaire en même temps qu’un centre pour les spécialistes, tel est le but que se sont assignés la direction et le personnel… Il est certain qu’à notre époque, l’une des tâches les plus urgentes est une plus large diffusion des sciences anthropologiques, base concrète d’un nouvel humanisme à l’avènement duquel aucun esprit indépendant ne saurait cesser d’aspirer.112
50Il ne s’agissait pas que d’idéaux. Ces perspectives animaient en coulisse un dernier changement d’importance qui affectait l’agencement des sections ethnographiques et reflétait l’accent que Rivet mettait de plus en plus à la fin des années trente sur la pédagogie. Comme avant, chaque « aire de civilisations » (l’Amérique, l’Océanie, l’Asie, l’Arctique, l’Europe, l’Afrique Noire et du Nord) aurait sa propre galerie et son département de recherche —bien qu’une équipe rajeunie ait commencé à remplacer cette division géographique par un « classement ethnologique »113. Mais l’innovation la plus visible et sur laquelle tout le monde s’accordait, était la nouvelle division de chacune des salles d’exposition permanente en deux circuits de visites. Rivet imposa ce changement parce qu’« un caractère nettement populaire du futur musée exige que les objets soient exposés avec une documentation qui en mette en lumière la signification humaine ». D’un côté, sous les fenêtres et dans un espace occupant près d’un quart de la longueur de chaque galerie, serait disposée une série de vitrines synthétiques sur des thèmes généraux résumant les traits socioculturels des principaux groupes ethniques ; ils seraient placés ainsi à la disposition des visiteurs pressés, mais plus particulièrement à l’attention des écoliers et des ouvriers. Exactement à l’opposé de ces présentoirs synoptiques, une série de vitrines « annexes » serait installée exposant des objets organisés analytiquement par « techniques, fonctions ou représentations » pour un visiteur plus averti ou initié114. Dans cette partie, les vêtements, les outils agricoles, les céramiques ou tissus propres à une société pouvaient être groupés puisque dans les sociétés « primitives » les activités artistiques et techniques étaient manifestement moins différenciées que dans les sociétés « avancées ». Ces expositions analytiques occuperaient les trois quarts restants de la galerie et permettraient au visiteur de passer aisément du général au spécifique. Ces annexes devaient comporter une bibliographie pour inciter les visiteurs à monter au quatrième étage et consulter les travaux associés dans une bibliothèque agrandie, ouverte à tous. Enfin, chacune de ces galeries serait munie d’une vitrine d’introduction et de conclusion. Dans ces derniers, « les objets et documents ethnographiques seront rapprochés méthodiquement, et non par groupes ethniques », dans l’intention de suggérer des liens possibles avec d’autres parties du monde115.
51Si l’inspiration de ce style de présentation trouvait sa source tout à la fois dans le contexte politique et dans l’émergence de nouvelles aspirations pédagogiques, les voyages de Rivière furent, une fois encore, déterminants. À la fin juillet et en août 1936, Rivière entreprit un nouveau tour des musées de l’Europe de l’Est et de l’Union Soviétique pour étudier par lui-même « les dispositions prises » dans ces pays pour y attirer le peuple. Il avait justifié son voyage en avançant la préparation à son rôle de directeur du nouveau, et judicieusement nommé, Musée des arts et traditions populaires, même si à l’époque Rivière était encore affairé à la transition du Musée de l’Homme116. Rivière fut profondément impressionné par « les organisations spéciales dans les musées, la collaboration avec les syndicats et les Kolkhozes, l’exposition dans les usines, dans les parcs et maisons de culture, les excursions collectives dans les musées, les musées de la jeunesse, les méthodes soviétiques d’exposition à l’usage des masses »117. De Léningrad, il écrivit ainsi avec enthousiasme à Rivet que les musées étaient là-bas « humains, profonds, fertiles… quelle joie pour moi de trouver ici… les musées dont j’avais rêvé, dont j’avais laborieusement ces derniers mois esquissé une théorie ». À son retour, Soustelle, Lewitsky et Rivière discutèrent dans le détail de ses trouvailles et réalisèrent que les principes qui guidaient les musées soviétiques cadraient avec les plans qu’ils avaient déjà en tête pour bâtir un musée vivant aux « expositions parallèles synthétiques et analytiques, reproduisant [selon la chronologie marxiste socialiste, même si la comparaison n’était pas explicite] l’évolution historique jusqu’à l’époque contemporaine »118. Chez Rivet également, la référence soviétique devint de plus en plus obligée. Il lui était déjà arrivé d’invoquer les musées allemands dans le but intéressé de pousser les autorités à lui donner plus de subventions. Rivet attirait à présent l’attention sur l’Institut d’anthropologie et d’ethnographie de l’Académie des sciences de Léningrad, établi en 1878. Avec le même programme que celui du Musée de l’Homme, écrivait-il, l’institut soviétique employait 105 personnes à plein temps, et 30 scientifiques occasionnellement, contre seulement 17 à Paris119.
52Jamais à court d’idées de réformes, mais héritier d’une incurable crise économique, le Front Populaire ne subventionna pas le musée de Rivet plus généreusement que les gouvernements précédents. En même temps, le sort de la rénovation du Musée de l’Homme paraît avoir suivi la même pente que celle de la coalition politique de Blum, de plus en plus fracturée et en voie d’effondrement. Tandis que les travailleurs nourrissaient une désillusion grandissante à l’égard de Blum, les équipes de construction du Palais de Chaillot se mirent en grève. Rivet dut se résoudre au fait que le musée n’ouvrirait pas ses portes comme convenu pour l’Exposition universelle de 1937, mais en 1938. Le personnel utilisa ce délai pour transférer les collections ostéologiques au Musée de l’Homme, contacter des spécialistes pour parfaire la documentation (photographies, cartes, nomenclature), ajouter des objets, et mettre en place une orthographe cohérente pour les noms des différents groupes ethniques ou langues120. La création du double circuit de visites était également un défi compte-tenu de l’imprécision de la tâche, de la nature décousue des collections du musée et de la difficulté de traduire la théorie ethnographique en pratique muséographique. Ainsi que Henri Lehmann, qui travaillait alors sur la Salle d’Amérique, put l’écrire à Soustelle en novembre 1936 : « Je ne suis guère satisfait au point où nous en sommes. Les thèmes généraux sont insuffisamment dégagés, ils s’enchevêtrent dans les comparaisons, ils sont parfois trop éloignés par leurs thèmes annexes ». Les résultats étaient si confus, concluait-il, qu’il paraissait impossible de mettre en place des circuits distincts adaptés aux besoins des différents groupes121.
53Le retard dans l’ouverture du musée permit également aux ethnographes de s’habituer à Soustelle qui croyait que le personnel, bénévole ou salarié, devait équitablement se répartir les tâches (administration, conservation, recherche, éducation sociale), devenues plus nombreuses en raison du nouveau programme populaire mis en place par le musée122. Soustelle veilla également à compléter l’organisation scientifique du Musée de l’Homme. Il créa un nouveau département de technologie comparée, pour la galerie des arts et techniques. Il en confia la direction à Lewitsky au début de l’année 1939123. Il ajouta également un nouveau département de dessin et d’iconographie pour « toutes les représentations et reproductions qui ne seront pas cataloguées “objet” ». L’équipe décida collectivement d’ailleurs que ce terme d’« objet » ne devait s’appliquer qu’aux « représentations et reproductions faites par des indigènes, pour leur usage, de leur propre initiative »124. Thérèse Rivière fut « promue » à la tête du département de l’Afrique du Nord. Elle était depuis peu rentrée d’une mission de terrain de dix-huit mois, conjointement menée avec Germaine Tillion parmi la tribu des Ath Abderrahman, dans les montagnes reculées de l’Algérie, où Rivière étudia les modèles de transhumance et la culture matérielle. Georgette Soustelle dirigeait à elle seule le département Américain depuis que son mari était devenu sous-directeur ; Charles van den Broek d’Obernon se laissa convaincre, quant à lui, de monter le département d’Océanie. Grâce à sa fortune personnelle, ce dernier avait navigué autour du monde avec son équipe sur le yacht La Korrigane de 1934 à 1936 et « récolté » des objets pour le musée dans les îles françaises du Pacifique Sud. Une fois cette galerie achalandée, Rivet et Soustelle se sentirent prêts à ouvrir leurs portes : le 21 juin 1938, le Musée de l’Homme était inauguré.
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54Durant l’été 1938, la Carnegie Corporation et l’Association américaine des musées envoya Betty Holmes du Musée d’histoire naturelle du Colorado effectuer une tournée des musées ethnographiques européens. Invitée au vernissage du Trocadéro, elle conclua ainsi son rapport : « Il n’y a rien de complètement nouveau ou sans précédent au nouveau Trocadéro… Le mérite de la description est que nous sommes en présence ici, sur une échelle jamais tentée auparavant, de la meilleure méthode éducative moderne et de la meilleure mise en scène jamais réunies en un tout cohérent »125. Quelques mois plus tard, le New York Herald décrivit le Musée de l’Homme comme étant « l’un des centres ethnologiques les plus complets et les mieux présentés au monde, ce qui se répand comme une traînée de poudre. Les autorités ont annoncé qu’à partir de maintenant, il serait ouvert trois soirées par semaine »126. Le magazine Time indiqua de son côté que la « meilleure idée » du nouveau musée était d’avoir arrangé « les vitrines comme un texte et des notes dans un livre, une rangée de vitrines le long des murs de gauche, permettant une vue d’ensemble sur chaque période de chaque civilisation, tandis que d’autres vitrines se détachant du mur de droite contenaient les collections complètes du musée ». D’un point de vue américain, l’aspect le plus remarquable du second lifting du Musée d’ethnographie était clairement ses tentatives de séduire le public. Une grande partie de la presse française partageait cette opinion. Candide salua l’installation de la toute première terrasse de café installée dans un musée français. Selon Le Journal, le Musée de l’Homme incarnait avant tout le triomphe d’une « organisation rationnelle et [d’une] technicité » qui rompait heureusement avec les tendances françaises « antimodernes ». Armand Leroux, dans le journal d’extrême droite L’Émancipation Nationale, complimentait Rivet pour avoir fait de l’ancien « musée-mort » d’ethnographie le musée le plus jeune de Paris »127.
55Salués par de tels commentaires, Rivet, Rivière et Soustelle avaient sans doute atteint l’un des buts affiché par Rivière : bénéficier des mêmes installations que les musées américains, voire plus. Et en effet, n’avaient-ils pas dépassé ces derniers en matière de vulgarisation en empruntant des méthodes aux Soviétiques ? Dans un article de 1937, Rivière martelait l’idée que pour atteindre les gens, il fallait des expositions qui synthétisent l’information sous forme de photographies, de grands panneaux explicatifs et présentent des objets « ultra sélectionnés ». Autrement dit, le musée idéal était celui dont la visite pouvait se passer d’un guide, comme cela se faisait en Union Soviétique128. En 1938, la modernité au Musée de l’Homme ne se résumait pas qu’aux vitrines électrifiées, neutres et élégantes ou au café-bar de style américain, mais à l’art de synthétiser l’information pour maximiser la communication.
56Synthétiser et communiquer quoi, et pour quel but, en définitif ? Ce chapitre s’est attardé sur la forme moderne que revêtit d’abord le Musée d’ethnographie et l’audience qu’il cibla, puis le Musée de l’Homme, parce qu’il n’était pas dans l’habitude des musées parisiens de l’époque d’embrasser la nouveauté ou des approches plus didactiques. En ce sens, l’œuvre de Rivière permet de souligner comment l’innovation culturelle en France à la fin de la Troisième République pouvait parfois apparaître plus facilement aux seins d’institutions plus marginales que classiques. Aux yeux de Rivet cependant, la création d’un « Grand central » de la science de l’Homme, accessible à tous, était lié en 1938 à un autre ordre du jour : combattre la résurgence du racisme scientifique, particulièrement en Allemagne, mais en France également. Comment concrètement le Musée de l’Homme —avec ses collections additionnelles de crânes et de squelettes en particulier— allait-il défier les notions de différence raciale, scientifiques et communes, et de hiérarchie raciale à l’ère impérialiste et fasciste, voici les questions qui nous occuperont au chapitre suivant.
Notes de bas de page
1 ANF/F17/13567 : Paul Rivet au Directeur du Muséum national d’Histoire naturelle [Louis Mangin], 4 février 1928 (personnel). Voir aussi AMH/2 AM 1 G2/a : Procès-verbal de la Commission consultative du Musée d’ethnographie du Trocadéro, 30 juin 1928.
2 Voir le premier chapitre de cet ouvrage. Bien qu’ils aient été fondés à la même époque, je n’inclus pas les musées sur le folklore (c’est-à-dire les musées consacrés aux objets des cultures rurales en voie de disparition, créés au sein de frontières nationales dans le sillage de l’industrialisation) dans la discussion qui suit.
3 Sturtevant (William), « Does anthropology need museums ? », Proceedings of the Biological Society, 1969, pp. 619-649 ; Herle (Anita), « The life-histories of objects : collections of the Cambridge Anthropological Expedition to the Torres Strait », in Herle (Anita) & Rouse (Sandra) (sous la dir.), Cambridge and the Torres Strait…, op. cit., pp. 77-105 ; et les nombreux essais dans Stocking (George W. Jr.) (sous la dir.), Objects and others…, op. cit., et dans Kuklick (Henrika) (sous la dir.), New history of anthropology, op. cit.
4 Sur les collections ethnographiques en Allemagne, voir Penny (H. Glenn), Objects of Culture…, op. cit. ; Buschmann (Rainer F.), Anthropology’s global histories : the ethnographic frontier in German New Guinea, 1870-1935, Honolulu : University of Hawaii Press, 2009, X + 234 p. (Perspectives on the global past) ; Zimmerman (Andrew), Anthropology and antihumanism…, op. cit., chap. 8 ; et Diallo (Youssouf), « L’africanisme en Allemagne. Hier et aujourd’hui », Cahiers d’Études Africaines, no 161, 2001, pp. 13-44. Pour le cas de l’Angleterre, voir Coombes (Annie), Reinventing Africa : museums, material culture, and popular imagination in late Victorian and Edwardian England, New Haven ; London : Yale University Press, 1994, VII + 280 p. ; et pour les États-Unis, voir Conn (Steven), Museums and American intellectual life, 1876-1926, Chicago : University of Chicago Press, 1998, VIII + 305 p. ; Hinsley (Curtis M.), The Smithsonian and the American Indian : making moral anthropology in Victorian America, Washington : Smithsonian Institution Press, 1981, 319 p. ; et Kohlstedt (Sally Gregory), « Thoughts in things : modernity, history, and North American museums », Isis, no 96, 2005, pp. 586-601. Ces tendances étaient également visibles dans certaines colonies, particulièrement celles de peuplement, où des musées avaient également été créés, même si les ethnologues français ne mentionnèrent jamais au départ les réalisations faites en dehors des collections nord américaines et européennes. Voir McCarthy (Conal), Exhibiting Maori…, op. cit. ; et Prakash (Gyan), Another reason : science and the imagination of modern India, Princeton : Princeton University Press, 1999, XIII + 304 p.
5 Bien qu’il ne fasse aucun doute que les directeurs de musée du siècle passé aient proclamé viser une audience plus large, les chercheurs anglophones associés aux « Critical Museum Studies » ont exploré les limites de ces ambitions, ainsi que la difficulté de mesurer l’impact des musées sur leur public. Voir Bennett (Tony), The Birth of the Museum… op. cit., chap. 4 : « Museums and “the People” » et Hooper-Greenhill (Eilean), « Counting visitors or visitors who count ? », in Lumley (Robert) (sous la dir.), The Museum time machine : putting cultures on display, London : Routledge, 1988, pp. 63-84 et 211-230.
6 Voir en outre Sturtevant (William), « Does anthropology need museums ? », op. cit., Jacknis (Ira), « Franz Boas and exhibits : on the limitations of the museum method of anthropology », in Stocking (George W. Jr.) (sous la dir.), Objects and Others…, op. cit., pp. 75-111 ; et Stocking (George W. Jr.), « Philanthropoids and vanishing cultures : Rockefeller funding and the end of the museum era », ibid., pp. 112-145.
7 Jacknis(Ira), « Franz Boas… », op. cit., pp. 82-83 ; Cole (Douglas), Franz Boas…, op. cit., chap. 14.
8 Stocking (George W. Jr.), « Philanthropoids and vanishing cultures… », op. cit., p. 114. Margaret Mead, une étudiante de Boas qui sera la grande « vulgarisatrice de l’anthropologie », est une exception notable. Elle commença à travailler au American Museum of Natural History à New York en 1926 tout en poursuivant son doctorat et y fera toute sa carrière, même si elle deviendra plus tard chargée de cours dans plusieurs universités.
9 Les musées allemands, comme le Musée de l’Homme, fournissent de bons exemples, même si, en France, comme en Allemagne, les musées ethnographiques perdirent leurs positions privilégiées après la seconde guerre mondiale. Voir Buschmann (Rainer F.), Anthropology’s global histories…, op. cit.
10 AMH/2 AM 1 G2/a : « Rapport présenté par le Dr. Rivet, Professeur d’anthropologie, Directeur du Musée d’ethnographie du Muséum national d’Histoire naturelle », 23 juin 1930.
11 Le choix premier de Rivet s’était porté sur l’archéologue Georges-Henri Luquet, normalien, agrégé de philosophie, qui avait énormément publié dans les années vingt sur l’art préhistorique. Laurière (Christine), Paul Rivet…, op. cit., p. 384.
12 Laurière (Christine), Paul Rivet…, op. cit., pp. 374-383. Sur cette exposition, voir Williams (Elizabeth A.), « Art and artifact », op. cit., pp. 145-166 ; voir aussi le catalogue de l’exposition rédigé par Rivière (Georges Henri) & Métraux (Alfred), Les arts anciens de l’Amérique, exposition organisée au Musée des Arts Décoratifs, Palais du Louvre, Pavillon de Marsan mai-juin 1928, Paris : Editions G. van Oest, 1928, XXIV + 119 p., 16 pl.
13 Jamin (Jean), « André Schaeffner (1895-1980) », Objets et Mondes, vol. 20, no 3, Automne 1980, p. 132.
14 Métraux (Alfred), La civilisation matérielle des tribus Tupi-Guarani, thèse de doctorat [Rivet Paul & Mauss Marcel, dir.], Paris : Faculté des lettres de l’université de Paris, 1928, XIV + 331 p., ill., cartes.
15 Sur la carrière professionnelle de Rivière, voir Gorgus (Nina), Le magicien des vitrines. Le muséologue Georges Henri Rivière [tr. de l’allemand par Coadou Marie-Anne ; préface de Chiva Isac & Colardelle Michel], Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2003, XIII + 416 p. ; Leroux-Dhuys (Jean-François), « Georges Henri Rivière, un homme dans le siècle », in Association des amis de Georges Henri Rivière (sous la dir.), La muséologie selon Georges Henri Rivière. Cours de muséologie, textes et témoignages, Paris : 1989, Dunod, pp. 11-32 ; Chiva (Isac), « Georges Henri Rivière, un demi-siècle d’ethnologie de la France », Terrain, vol. 5, 1985, pp. 76-83 ; Segalen (Martine), Vie d’un musée, 1937-2005, Paris : Stock, 2005, 352 p. ; et Laurière (Christine), « Georges Henri Rivière au Trocadéro, du bric-à-brac à la sécheresse d’étiquette », Gradhiva, vol. 33, 2003, pp. 57-66. La biographie de Gorgus, comme la plupart des écrits sur Rivière, se concentre sur sa carrière postérieure plutôt que sur son rôle dans la rénovation du Musée d’ethnographie. Rivière lui-même a peu parlé de ses projets pour le musée, à l’époque où il y était, comme après, même s’il accorda de nombreux entretiens à des journalistes de la presse qui nous permettent de retracer ses idées.
16 Le directeur du Musée Guimet, Joseph Hackin, un ami et le mentor de Rivière, était la personne qui l’avait recommandé en premier à l’attention de Rivet. Au début des années trente, Rivière cita Hackin —qui avait modernisé le musée Guimet entre 1923 et 1936— comme un modèle à suivre pour les rénovations du Musée d’ethnographie. « Votre musée », écrivit-il à Hackin durant l’absence momentanée de ce dernier « a conservé l’impulsion que vous lui avez donnée et c’est maintenant le musée le plus up to date [en anglais dans le texte] de Paris… Nous [au Musée d’ethnographie] aurons fort à faire pour le rattraper, mais nous nous y employons de tout notre cœur. » (AMH/2 AM 1 A4/c : Georges Henri Rivière à Joseph Hackin, 22 octobre 1932, no 2272). Un an plus tard, il écrivit de nouveau à Hackin, notant avec admiration que Guimet « n’est plus reconnaissable » (AMH/2 AM 1 A5/b : Georges Henri Rivière à Joseph Hackin, 11 avril 1933, no 747). Voir aussi Stern (Philippe), « La réorganisation du Musée Guimet et les problèmes muséographiques », Mouseion, vol. 33-34, 1936, pp. 101-112. L’installation de l’éclairage électrique au Louvre fut enfin amorcée dans les années trente quoique très lentement et suscita de violents débats. Voir Gorgus (Nina), Le magicien des vitrines…, op. cit., pp. 80-82.
17 Sur l’histoire de la revue Mouseion, voir Poncelet (François), « Regards actuels sur la muséographie d’entre-deux-guerres », CeROArt, vol. 2, 2008, http://ceroart.revues.org/565 ; Maresse (François), « The Family Album », Museum International, no 197, vol. 50 (1), 1998, pp. 25-30 ; Gorgus (Nina), Le magicien des vitrines…, op. cit., pp. 73-79. Rivière songea immédiatement à porter la rénovation du Musée d’ethnographie à l’attention de l’Office des musées et proposa d’expliquer au prochain congrès international des muséologues « un projet d’appareil de désinfection [contre les parasites] » et les plans envisagés pour de nouvelles vitrines en verre (AMH/2 AM 1 A1/b : Georges Henri Rivière à E. Foundoukidis, Secrétaire général de l’Office international des musées, 14 août 1930, no 1052).
18 Lester (Paul), Rivet (Paul) & Rivière (Georges Henri), « Le laboratoire d’anthropologie du Muséum », Nouvelles Archives du Muséum d’Histoire naturelle, vol. 6, no 12, 1935, p. 520. Rivet et Rivière soulignèrent régulièrement ce point dans la presse. Voir, par exemple, AMH/2 AM 1 B1/d : Dany (Paul), articles in L’Ami du Peuple, 17 novembre et 8 décembre 1931.
19 Voir la biographie qu’elle fit de son mari : Stevens (Nina Spalding), A Man and a dream : the book of George W. Stevens, Hollywood : Hollycrofters, 1941, 223 p. Entre les deux guerres, la plupart des conservateurs de musée d’ethnographie et d’histoire naturelle américains, considéraient que leurs institutions avaient déjà sérieusement besoin d’être révisées. Les innovations les plus importantes durant ces années là furent réalisées dans la programmation, les activités d’information et l’établissement de relations avec le public. La figure clé ici était John Cotton Dana de Newark, New Jersey. Voir Duncan (Carol G.), A matter of class : John Cotton Dana, progressive reform, and the Newark Museum, Pittsburgh : Periscope Pub., 2010, XIII + 226 p.
20 Archives, Toledo Museum of Art : Georges Henri Rivière à Nina Spalding Stevens, 19 décembre 1927 ; voir également Nina Spalding Stevens à Georges Henri Rivière, 13 février 1928. Rivière écrivit : « pre-Columbian, or, the name is better, pre-American » « all your friends of the French museum » « to make this exhibit important, by the presentation, the classification, the choice… » « To prepare an important issue devoted to America : Mexican, Maya, Columbian and Peruvian old art —modern architecture (sky-scrapers and industrial buildings)— American music of jazz (the most important modern music, I think, and the first artistic message, the splendid message, the new Continent is sending to us) —organization and treasures of your museums of fine arts. » « … on wonderful Khmer cultures, not yet known, which will be soon presented at the Musée Guimet. » Le numéro spécial promis sur l’Amérique ne fut jamais publié, probablement en raison du recrutement de Rivière au Musée d’ethnographie.
21 Le mariage dura six ans, un échec qui s’explique peut-être par un malentendu concernant l’homosexualité de Rivière. Bien que le couple partagea un appartement à Paris, l’idée de Stevens était, dès le départ, de passer six mois de l’année aux États-Unis, ce qui lui permettait de rester à la direction du programme éducatif du Musée de Toledo. Ce programme comptait chaque semaine des milliers d’étudiants inscrits. Elle restait, par ailleurs, en charge de toutes les expositions temporaires présentées au Musée de Toledo. Après un an de mariage, ils abandonnèrent leur appartement parisien, mais Stevens présida avec Rivière toutes les inaugurations des expositions du Musée d’ethnographie jusqu’au début des années trente. Gorgus (Nina), Le magicien des vitrines…, op. cit., p. 27 ; et AMH/2 AM 1 B1/e : « Today in society by May Birhead », Chicago Tribune, 3 juin 1933.
22 Archives, Toledo Museum of Art : Nina Spalding Stevens à Mr. A. L. Spitzer, 26 mars 1928. Voir aussi Nina Spalding Stevens à Georges Henri Rivière, 12 mars 1928 ; et Nina Spalding Stevens à Georges Henri Rivière, 26 mars 1928. On trouve par ailleurs une correspondance suivie entre Stevens et les conservateurs de différents musées américains avec qui elle entra en contact : la Carnegie Corporation et le National Museum (Smithsonian) à Washington DC, le Peabody Museum, le American Museum of Natural History, le Museum at the University of Pennsylvania, le Ohio State Archaeological and Historical Society, le San Diego Museum, le Archeological Institute in Santa Fe et le Detroit Institute of Arts.
23 Archives, Toledo Museum of Art : coupures de presse du The Blade, 26 janvier 1929 ; The Times, 27 janvier 1929 ; et News Bee, 28 janvier 1929.
24 Dans une lettre à Marcel Mauss, la nuit de son retour, il se contenta de signaler que son voyage, destiné à « servir mon musée et […] apprendre mon métier », était allé au-delà de ses espoirs en ce qui concernait la possibilité de rencontrer les conservateurs, multiplier ses contacts et recueillir de la documentation. Il était certain qu’à l’occasion de son prochain voyage, il obtiendrait également un soutien financier (CDF/Fonds Marcel Mauss/MAS 11.22 : Georges Henri Rivière à Marcel Mauss, 23 février 1929). Rivière ne retournera pas aux États-Unis avant la fin de la seconde guerre mondiale, mais d’autres membres du Musée continueront à s’y rendre et à collecter pour lui des données au début des années trente. Voir aussi AMH/2 AM 1 B1/d : « American Ideas Adopted in Trocadéro Renovation », New York Herald, 11 novembre 1931.
25 AMH/2 AM 1 B1/a : « Conférence de Georges Henri Rivière », 9 mai 1930 adressé au Club des femmes américaines. « those magnificent buildings of white marble, where the air, the temperature and cleanliness are minutely regulated (…) We, too, shall have these things and many others… Isn’t one of my best American souvenirs this lighted library that I could still see shining across my hotel at ten o’clock at night ?... Being good Americans, we must think about our publicity ».
26 Lameere (Jean), « La conception et l’organisation modernes des Musées d’Art et d’Histoire », Mouseion, vol. 12, no 3, 1930, p. 240.
27 Capart (Jean), « Le rôle social des Musées », Mouseion, vol. 12, no 3, 1930, p. 221. Cet article et celui de Lameere (voir ci dessus) constituèrent l’intégralité du numéro de Mouseion consacré à « La conception moderne du Musée », Mouseion, vol. 12, no 3, 1930, pp. 217-311. Sur le « musée moderne », plus généralement, voir aussi Perret (Augustin), « Le musée moderne », Pallat (Ludwig), « Le musée et l’école » et la rubrique « Muséographie générale », Mouseion, vol. 9, no 9, 1929, pp. 225-235, pp. 236-243, et pp. 283-298 ; Bach (Richard), « Le musée moderne », Mouseion, vol. 10, no 1, 1930, pp. 14-19 ; Schumacher (Fritz), « La construction moderne des musées », Mouseion, vol. 11, no 2, 1930, pp. 111-116 ; et Hautecœur (Louis), « Architecture et organisation des musées », Mouseion, vol. 23-24, no 3-4, 1933, pp. 5-29.
28 Lameere (Jean), « La conception », op. cit., pp. 278-279.
29 Ibid., pp. 285 et 297.
30 AMH/2 AM 1 A3/a : Georges Henri Rivière à L’Humanité, 24 décembre 1931, no 2330.
31 AMH/2 AM 1A 3/a : Georges Henri Rivière « Note complémentaire », 14 décembre 1931 ; pour d’autres mentions sur la nécessité de suivre l’exemple des Soviétiques, voir AMH/2 AM 1 G2/c : brouillon d’un rapport « sur la nécessité de doter le Musée d’ethnographie du Trocadéro du personnel indispensable à son fonctionnement » [sans objet, ni date (1930)], lequel notait que « l’Union Soviétique a, finalement, considérablement doté ses musées ethnographiques » et AMH/2 AM 1 A5/d : Paul Rivet à Anatole de Monzie, 4 août 1933, no 1453 : « [Nous avons été distancé] par l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique, la Hollande, l’Italie, les États-Unis et l’Union Soviétique ».
32 AMH/2 AM 1 G2/e : « Plan de travail pour l’exercice 1931 et les prochaines années », 14 janvier 1932.
33 Hirsch (Francine), Empire of nations : ethnographic knowledge and the making of the Soviet Union, Ithaca ; London : Cornell University Press, 2005, p. 6 (Culture and society after socialism).
34 Ibid., p. 202. Les muséographes soviétiques luttèrent dans les années vingt pour se libérer de la longue tradition ethnographique présentant les « autres » cultures comme essentiellement prémodernes et immobiles. Mais les preuves matérielles attestant d’une conscience nationale socialiste manquaient. Les conservateurs essayèrent donc de compenser en ajoutant des photographies, par exemple de tracteurs, dans les expositions consacrées aux années postérieures à 1917. Des objets spécifiques illustrèrent ostensiblement les étapes du développement historique marxiste, du communisme primitif, au féodalisme, au capitalisme et finalement au socialisme. Mais pour faire passer la « lutte des classes » qui se déchaînait amèrement en Ukraine, un ajout de mauvais augure était fait. Au lieu de gloser sur les revers de la révolution, l’exposition expliquait comment certaines « survivances » de l’ancien stade de développement historique constituaient des obstacles à la bonne marche de la révolution : les prêtres, les imams, les Kulaks. Une fois qu’ils seraient « vaincus », le progrès vers le socialisme pourrait reprendre son rythme, de manière accélérée.
35 Hirsch (Francine), Empire of nations…, op. cit., p. 189. Pour la publicité du Musée de l’Homme, voir par exemple AMH/2 AM 1 B2/d : Armand Lanoux, « Le tour du monde en 80 minutes », L’Émancipation Nationale, 27 janvier 1939 ; d’autres articles de presse utilisèrent également ce titre.
36 Hirsch (Francine), Empire of nations…, op. cit., p. 198 et pp. 211-215.
37 AMH/2 AM 1 G2/e : « Rapport sur l’activité du musée », 14 janvier 1932.
38 D’après Métraux, dans son cours sur les méthodes ethnographiques, Mauss « dit très souvent que le Musée de Göteborg est le plus beau qu’il ait vu et que tout ethnographe devrait aller le voir s’il veut apprendre à faire de belles collections » (Archives/Världskulturmuseet : Alfred Métraux à Erland Nordenskiöld, 5 février 1928).
39 Lindberg (Christer), « Anthropology on the periphery : the early schools of nordic anthropology », in Kuklick (Henrika) (sous la dir.), New history of anthropology, op. cit., pp. 165-167 ; Wassen (Henri), « Le musée ethnographique de Göteborg », Revista del Instituto de Etnologia de la Universidad de Tucuman, vol. 2, no 2, 1932, pp. 237-262.
40 AMH/2 AP 1 C : Georges Henri Rivière à Paul Rivet, 26 octobre et 3 novembre 1929 ; sur les expositions de Gothenburg, voir AMH/2 AM 1 G2/b : « Rapport sur la réorganisation du musée », 1 septembre 1931.
41 Il faut noter ici que le régime nazi ne s’intéressait pas particulièrement aux musées ethnographiques (entendus comme opposés au folklore) d’Allemagne, très certainement parce qu’aux yeux de Hitler ils confirmaient « l’infériorité » manifeste des « races » qui avaient produit les objets contenus dans les collections et donc par extension, « la supériorité » des « Aryens ». En outre, ces musées servaient les ambitions coloniales de Hitler, surtout depuis que certaines des plus impressionnantes collections —comme par exemple celles du Cameroun— venaient des territoires anciennement allemands de l’Afrique et du Pacifique Sud, que le Traité de Versailles avait si « injustement » confisqués. La nouvelle tendance dans certains de ces musées d’installer leurs objets de façon plus rationalisée et individualisée que dans le passé n’était pas plus problématique, puisque les Nazis avaient astucieusement adapté l’esthétique moderne à leurs propres objectifs réactionnaires et barbares. Sur le sort des musées ethnographiques allemands et de leur personnel sous les Nazis, voir Buschmann (Rainer F.), Anthropology’s global histories …, op. cit., chap. 7 ; (Youssouf), « L’africanisme en Allemagne… », art. cit., pp. 20-23 ; et Fischer (Hans), Völkerkunde im Nationalsozialismus. Aspekte der Anpassung, Affinität und Behauptung einer wissenschaftlichen Disziplin, Berlin : D. Reimer, 1990, ix + 312 p. (Hamburger Beiträge zur Wissenschaftsgeschichte ; 7) ; Centlivres (Pierre), « Julius Lips et la riposte du sauvage », Terrain, vol. 28, 1997, pp. 73-86 ; Lips (Julius), The savage hits back [intr. de Malinowski Bronislaw ; tr. de l’allemand par Benson Vincent], New Haven : Yale University Press, 1937, XXXI + 254 p. ; Tischner (Herbert), « Les collections océaniennes d’ethnographie en Allemagne après la guerre », Journal de la Société des Océanistes, vol. 3, 1947, pp. 35-41.
42 Sur le musée de Berlin, voir Penny (H. Glenn), Objects of culture, op. cit., p. 147. Le but de Bastian avait été de former des collections complètes de cultures matérielles provenant du monde entier —selon les mots de Penny « des rangées de lances Bantu, une collection ‘complète’ de bronzes du Bénin, ou une collection entière de céramique ‘préhistorique’ d’une région allemande donnée »— toutes devant être simultanément exposées dans le but de permettre aux spécialistes de comparer un développement matériel qui se serait produit de façon similaire dans le temps, l’espace et dans toutes les cultures. Bastian était un humaniste à la vision mondiale, qui s’opposait à la manière qu’avaient ses contemporains de monter des expositions hiérarchiques et évolutionnistes, mais dont les idées, pour les conservateurs à Berlin, relevaient d’un cauchemar logistique. Des conservateurs plus jeunes commencèrent à recommander de choisir « des objets ‘représentatifs’ rendant la comparaison facile, quelques ‘scènes de vie’, un maximum d’espace dégagé, et un message clair » —autrement dit, le concept du double musée, avec une partie visible pour les amateurs de musée et une autre réservée aux spécialistes, selon une division déjà largement répandue aux États-Unis.
43 « … Aux pays germaniques, qui comptent plus d’une dizaine de grands établissements de ce genre, Berlin, Leipzig et Munich ont magnifiquement remis à jour leurs Völkerkunde », extrait du brouillon du rapport intitulé « sur la nécessité de doter le Musée d’ethnographie du Trocadéro du personnel indispensable à son fonctionnement », AMH/2 AM 1 G 2/c.
44 En fait, lors de la rénovation à Berlin, les collections ont été doublement divisées, d’une part entre les galeries grand public et les réserves pour les collections d’études, et d’autre part entre les objets purement esthétiques (tous asiatiques) —qui ont rejoint un musée d’art Asiatique ouvert en 1926— et les objets considérés comme intéressants du point de vue de l’histoire culturelle. Rolland (Anne-Solène), « Art ou ethnologie ? Questions de présentation dans les Museen für Völkerkunde en Allemagne après 1900 », in Abdallah (Monia) et al. (sous la dir.), Colloque international : Histoire de l’art et anthropologie, Paris : INHA ; Musée du quai Branly, 2009 (Les Actes). [En ligne], mis en ligne le 28 juillet 2009, Consulté le 9 mars 2015. URL : http://actesbranly.revues.org/155.
45 Annie Coombes a analysé comment le pillage des bronzes du Bénin organisé par les Anglais avait déclenché non seulement une ruée parmi les musées européens pour leur acquisition, mais également une nouvelle estimation d’une forme d’art Africain. Coombes (Annie), Reinventing Africa…, op. cit., chapitres 1 à 3.
46 Heydrich (Martin), « La réorganisation du musée ethnographique de Munich », Mouseion, vol. 11, no 2, 1930, p. 129.
47 Ibid., pp. 130-131 et p. 136.
48 AMH/2 AM 1 K/68/b : Georges Henri Rivière à Lucien Scherman, 5 octobre 1933.
49 Rivière et Rivet considéraient que le British Museum était aussi « colonial » que les musées plus récents néerlandais et belges. Un rapport du musée datant de la fin 1930 soulignait, par exemple, que « l’Empire britannique va bientôt, comblant une grande lacune, agrandir en faveur de l’ethnographie l’illustre British Museum et en faire l’émule des établissements d’Oxford, Cambridge, Ottawa, Wellington, Sydney, Melbourne, Victoria ». Une telle expansion dans les faits ne se concrétisa pas. AMH/2 AM 1 G 2/c : Brouillon d’un rapport « sur la nécessité de doter le Musée d’ethnographie du Trocadéro du personnel indispensable à son fonctionnement ». Un autre rapport affirmait encore que le Musée d’ethnographie rénové ferait pour l’Indochine ce que Londres avait fait pour l’Inde (AMH/2 AM 1 G2/b : « Rapport sur la réorganisation générale du musée », 1er septembre 1931). Les ambitions « coloniales » du Musée d’ethnographie/ Musée de l’Homme sont analysées en détail au cinquième chapitre.
50 AMH/2 AM 1 A2/d : George Henri Rivière à Dr. Maes, 18 décembre 1930, no 1840.
51 AMH/2 AM 1 K69/c : « Exposé des motifs » de la création du musée [sans auteur, sans date].
52 AMH/2 AM 1 A2/c : Georges Henri Rivière à Michel Leiris, 21 août 1931, no 1435. Voir aussi sur le même sujet, AMH/2 AM 1 A2/d : Georges Henri Rivière à Marcel Griaule, 4 septembre 1931, no 1539.
53 AMH/2 AM 1 K69/c : Gaston Palewski à Georges Henri Rivière, 25 mai 1932 ; AMH/2 AM 1 G2/d : Budget, 11 avril 1930.
54 AMH/2 AM 1 G2/d : brouillon d’un rapport « sur la nécessité de doter le Musée d’ethnographie du Trocadéro du personnel indispensable à son fonctionnement ».
55 Palewski accepta la division du travail proposée entre le Musée d’ethnographie et le Musée des colonies : ce dernier, écrivit-il à Rivière, n’essaierait pas de faire concurrence au premier, alors « en pleine renaissance » et ayant montré de manière convaincante qu’il entreprenait « l’étude et les présentations de l’ethnographie des colonies françaises ». Le nouveau musée se bornerait à « suivre [l’indigène] dans ses contacts avec la civilisation française », à faire l’histoire de l’empire français et la propagande coloniale (AMH/2 AM 1 K69/c : Gaston Palewski, « Rapport sur l’organisation du Musée des colonies et plan d’organisation du Musée des colonies », 17 janvier 1933).
56 Ce nouveau centre hérita d’une série de monographies et de collections bibliographiques sur le Congo établies par son prédécesseur, le Bureau international Belge d’ethnographie, fondé en 1905. Fraiture (Pierre-Philippe), La mesure de l’autre : Afrique subsaharienne et roman ethnographique de Belgique et de France (1918-1940), Paris : Honoré Champion, 2007, pp. 45-70 ; Decock (Sophie), « Le Centre de documentation en sciences humaines entre passé et futur », in Thys van den Audenaerde (Dirk F. E.) (sous la dir.), Africa-Museum Tervuren, 1898-1998, Tervuren : Musée royal de l’Afrique centrale, 1998, pp. 115-119. Sur l’histoire de ces collections, voir Van Beurden (Sarah), Authentically African : art and the transnational politics of Congolese culture, Athens : Ohio University Press, 2015, chap. 1 ; Silverman (Debora L.), « Art Nouveau, art of darkness : African lineages of Belgian modernism, Part I », West 86th : A Journal of Decorative Arts, Design History, and Material Culture, vol. 18, no 2, Automne-Hiver 2011, pp. 139-181 ; et Silverman (Debora L.), « Art Nouveau, art of darkness : African lineages of Belgian modernism, Part II », West 86th : A Journal of Decorative Arts, Design History, and Material Culture, vol. 19, no 2, Automne-Hiver 2012, pp. 175-195.
57 AMH/2 AM 1 K69/c : « Rapport provisoire a.s. d’une visite d’études à Amsterdam et Bruxelles, pour la réorganisation du Musée des colonies », 23 octobre 1931.
58 Ibid.
59 AMH/2 AM 1 A4/d : Georges Henri Rivière à Gaston Monnerville, 22 décembre 1932, no 2703.
60 AMH/2 AM 1 G2/b : « Rapport sur la réorganisation générale du musée », 1 septembre 1931.
61 ANH/2 AM 1 G2/c : Paul Rivet, « Rapport sommaire sur l’activité du Musée d’ethnographie du Trocadéro depuis son rattachement au Muséum national d’Histoire naturelle », 29 juin 1929.
62 ANF/F17/13567/MNHN : Paul Rivet à M. le Directeur du Muséum national d’Histoire naturelle [Louis Mangin], 4 février 1928 (personnel) ; AMH/2 AM 1 G2/a : Procès-verbal de la Commission consultative du Musée d’ethnographie du Trocadéro, 30 juin 1928 ; AMH/2 AM 1 G2/d : Budget, 11 avril 1930. La question des subventions financières coloniales sera examinée au cinquième chapitre.
63 Rivet avait toujours envisagé de se tourner vers des financements privés, recommandant depuis longtemps que les mécènes soient représentés à la commission consultative du musée (CDF/Fonds Marcel Mauss/MAS 11.20 : Paul Rivet à Marcel Mauss, 14 septembre 1927). Le pari qu’il avait fait en recrutant Rivière pour ses riches contacts était déjà payant. Un peu plus tard cette même année, le Vicomte de Noailles rejoignit la commission consultative du Musée d’ethnographie, tandis qu’un autre mentor de Rivière, David David-Weill et Rivière lui-même commençaient à financer la Société des amis du Musée d’ethnographie (plus tard, le Musée de l’Homme). Entre 1929 et 1940, la contribution de David-Weill se montera au total de 218 456 francs, sans parler de l’apport de nombreux objets (AMH/2 AM 1 K30/e/David David-Weill). Un autre groupe important pour leur soutien fut le Comité Argentin de Paris.
64 CDF/Fonds Marcel Mauss/MAS 11.22 : Georges Henri Rivière à Marcel Mauss, 23 février 1929. Rivet décida également de renoncer à son salaire de directeur pour aider à couvrir les nouveaux frais induits par le recrutement d’un sous-directeur (32 000 francs), d’un assistant technique et d’un gardien supplémentaire.
65 Rivière (Georges Henri), « Le Musée d’ethnographie du Trocadéro », Documents. Doctrines, Archéologie, Beaux-Arts, Ethnographie, vol. 1, 1929, pp. 54-58. Un article plus court, paru un an plus tard, dans les Cahiers de Belgique réitérait ces thèmes : « De l’objet d’un musée d’ethnographie comparé à celui d’un musée des Beaux-Arts » ; l’article fut reproduit de nouveau deux ans plus tard dans Omnibus, Almanach aus das Jahr1932, 1932, pp. 113-117 ; voir aussi Rivet (Paul) & Rivière (George Henri), « La réorganisation du Musée d’ethnographie du Trocadéro », Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, vol. 2, 1930, pp. 478-487. Documents, la revue fondée par Georges Bataille et Pierre d’Espezel, juxtaposait des articles sur l’art traditionnel, l’art moderne et l’ethnographie, écrits par des artistes et des chercheurs, dans le but de déstabiliser les hiérarchies existantes. Provocatrice et éphémère, cette publication, qui ne perdura que deux ans, soit 15 numéros, fut victime d’une division éditoriale interne. Que Rivière ait ou n’ait pas joué un rôle important dans le lancement de cette entreprise, il figurait néanmoins dans son comité éditorial, et possédait de proches amis remontant à l’exposition d’art précolombien de 1928, impliqués dans les Documents à plusieurs titres également : Leiris en était secrétaire et Schaeffner y livra plusieurs articles (tout comme Rivet et Nordenskiöld).
66 Comme nous l’avons noté précédemment, Leiris et Schaeffner avaient rejoint Rivière au Musée d’ethnographie, malgré leur formation artistique première. Cet intense va-et-vient entre l’ethnographie en cours d’institutionnalisation et le surréalisme a fait l’objet de nombreuses études, à commencer par l’essai classique de Clifford (James), The predicament of culture : twentieth-century ethnography, literature, and art, Cambridge (Mass.) : Harvard University Press, 1988, chap. 4 : « On Ethnographic Surrealism », pp. 117-151. Pour des réponses aux arguments de Clifford, voir Jamin (Jean), « L’ethnographie mode d’inemploi. De quelques rapports de l’ethnologie avec le malaise dans la civilisation », in Hainard (Jacques) & Khaer (Roland) (sous la dir.), Le mal et la douleur, Neuchâtel : Musée d’ethnographie, 1986, pp. 45-79 ; Richardson (Michael), « An encounter of wise men and cyclops women : considerations of debates on surrealism and anthropology », Critique of Anthropology, vol. 13, no 1, 1993, pp. 55-75 ; et Gorgus (Nina), Le magicien des vitrines…, op. cit., pp. 36-44. De bien des façons, cet accent mis sur les connections surréalistes a éclipsé une généalogie antérieure plus complexe du Musée d’ethnographie en France, dans laquelle Rivière eut des influences nombreuses et variées.
67 Rivière (Georges Henri), « Le Musée d’ethnographie du Trocadéro », art. cit., pp. 54-58.
68 AMH/2 AM 1 A3/b : « Plan de travail pour l’exercice 1931 et les prochaines années », [sans auteur, sans date (janvier 1932)]. In 1933, Rivet calcula que 7 656803,58 francs avaient été dépensés en rénovation sur les cinq dernières années (AMH/2 AM 1 G3/c : Paul Rivet à Albert Monzie, Ministre de l’enseignement national, 8 novembre 1933).
69 La galerie en question était l’américaine, prioritaire en raison de sa substantielle collection (ANH/2 AM 1 G2/c : Paul Rivet, « Rapport sommaire sur l’activité du Musée d’ethnographie du Trocadéro depuis son rattachement au Muséum national d’Histoire naturelle », 29 juin 1929). Voir aussi ANH/2 AM 1 G2/a : Paul Rivet, « Rapport présenté par le Dr. Rivet, Professeur d’Anthropologie du Musée d’ethnographie du Muséum national d’Histoire naturelle », 23 juin 1930. L’on a estimé la collection américaine à 20 000 000 francs (AMH/2 AM 1 B1/d : « American Ideas Adopted in Trocadéro Renovation », New York Herald, 11 novembre 1931).
70 AMH/2 AM 1 G2/c : « Ordre de service no 6, 29 juin 1929, revu le 7 juillet 1930 », aussi publié dans « Les méthodes d’inventaire du Musée ethnographique de Paris », Mouseion, vol. 21-22, no 1-2, 1933, pp. 238-245.
71 AMH/2 AM 1 B 10 : Michel Leiris, « Instructions sommaires pour les collecteurs d’objets ethnographiques », mai 1931 (Musée d’ethnographie), pp. 8-10.
72 Voir AMH/2 AM1 B1 à 2 AM1 B11 pour les coupures de presse sur tous les aspects de l’activité du musée entre 1929 et 1949. On trouve la presse coloniale (La Dépêche Coloniale, Annales Coloniales, Presse Coloniale, L’Orient [Beyrouth], Revue de l’Empire Français, L’Avenir du Tonkin, L’Écho d’Oran, L’Afrique du Nord Illustré) ; des revues littéraires (Nouvelles Littéraires, Mercure de France, L’Europe Nouvelle, Avant Garde, Vingtième Siècle), des revues de recherche (Revue Internationale de Sociologie), des bulletins de muséographie (Bulletin des Musées de France, Museum News), et des magazines d’art (Beaux Arts, Cahiers d’Art, Arts et Industries, L’Art Vivant) ; des journaux et des périodiques de gauche (L’Humanité, Midi Socialiste, Coemedia, Le Coopérateur de France, Le Lien Fraternel, Le Peuple, L’Œuvre, L’Homme Libre, Le Rempart, Marianne, Progrès du Nord, Politique, L’Écho Républicain de Neuilly, Lumière, L’Est Républicain, La Liberté) et des journaux allant du centre à l’extrême-droite (L’Ami du Peuple, Le Matin, L’Intransigeant, Le Temps, Le Journal, L’Avenir, Candide, Gringoire) ; des magazines d’information et généralistes (Paris Soir, Télégramme, Paris Midi, Le Jour, L’Écho de Paris, Le Petit Parisien) et des magazines illustrés (Le Mois, L’Illustration, Le Monde Illustré) ; enfin, de façon intermittente, la presse américaine (New York Herald, New York Times, Chicago Tribune), ainsi que d’autres journaux étrangers, et la presse provinciale.
73 AMH/2 AM 1 B1/d : Croizé (Paul), « Le Musée d’ethnographie du Trocadéro qui demeura si longtemps méconnu va être réorganisé », Le Matin, janvier 1929.
74 AMH/2 AM 1 B1/d : Archambaud (Jean), « Le Trocadéro poudreux devient sans doute un beau musée moderne : La civilisation et l’art primitif vont être présentés au public sous des aspects aimables », Paris Soir, 26 octobre 1930. Quelques mois plus tard, Archambaud allait faire la rencontre (puis épouser) la danseuse Penobscot (Indiens du Nord-est) Molly Spotted Elk, qui voyagea en France dans le cadre du groupe d’interprètes et d’artistes américains envoyé à l’Exposition coloniale de Paris de 1931. McBride (Bunny), Molly Spotted Elk : a Penobscot in Paris, Norman ; Londres : University of Oklahoma Press, 1997, XX + 360 p.
75 AMH/2 AM 1 B1/d : Dany (Paul), « Grâce aux crédits de l’outillage national le Musée d’ethnographie du Trocadéro va être transformé et modernisé » et « Nous verrons des merveilles au Musée d’ethnographie du Trocadéro », L’Ami du Peuple, 17 novembre 1931 et 2 décembre 1931 ; voir aussi le troisième article de cette série, « Notre Musée d’ethnographie se réveille de son long sommeil », 8 décembre 1931. Pour un échantillonnage d’articles centrés sur la nécessité de rattraper les autres musées dans le monde, extraits de la presse de gauche, voir Martial (Claude), « Renaissance merveilleuse du Musée d’ethnographie du Trocadéro » et « Tour du monde et revue des siècles », L’Œuvre, 26 et 27 décembre 1932. La presse américaine, sur un ton plus chauvin, publia de nombreux commentaires semblables. Par exemple, un journaliste nota que le Musée d’ethnographie serait le « seul musée en France aux méthodes américaines », autrement dit comportant des vitrines d’exposition possédant un éclairage automatique et une sélection de matériel, « des pièces moins nombreuses et plus belles, présentées dans des cadres plus artistiques et spacieux », 2 AM 1 B1/d : « American ideas adopted in Trocadéro renovation », New York Herald, 11 novembre 1931. Voir aussi dans le même dossier « Trocadéro Museum is now being renovated », New York Herald, 23 octobre 1930 et « Cleaning up the Paris Trocadéro », New York Times, 4 janvier 1931.
76 AMH/2 AM 1 B4/a : Billiet (Joseph), « Le Musée d’ethnographie du Trocadéro », L’Avenir, 16 juillet 1932. Voir aussi AMH/2 AM 1 B1/d : Malo (Jean), « Décadence et grandeur du Musée d’ethnographie du Trocadéro », L’Homme Libre, 25 janvier 1932 ; Chavance (René), « Le Musée d’ethnographie sera métamorphosé », La Liberté, 28 février 1932 ; Wissant (André de), « Le Musée d’ethnographie va renaître », Télégramme, 23 mars 1932.
77 AMH/2 AM 1 A2/b : Paul Rivet à Louis Mangin, Directeur du Muséum national d’Histoire naturelle, 19 juin 1931.
78 AMH/2 AM 1 A1/e : Georges Henri Rivière à Ernest Gutzwiller, 27 janvier 1931, no 132. En 1932, Rivière avait dépensé 245347,55 francs de son budget personnel pour le Musée d’ethnographie (AMH/2 AM 1 A4/b : Georges Henri Rivière à M. d’Harcourt, 14 septembre 1932, no 1992).
79 Weil (Françoise), « Yvonne Oddon (1902-1982) », Revue du Musée de l’Homme-Muséum national d’Histoire naturelle, vol. 22, printemps 1982, p. 4. Sur l’histoire de l’école américaine des bibliothécaires, voir Maack (Mary Niles), « Americans in France : cross-cultural exchange and the diffusion of innovations », Journal of Library History, vol. 21, printemps 1986, pp. 315-333. L’école fut contrainte de fermer en raison d’un manque de ressources et de l’opposition qu’elle avait soulevée de la part de ceux qui souhaitaient que les bibliothèques restent des sanctuaires pour élites. Renoult (Daniel), « Formation professionnelle des bibliothécaires », Bulletins des Bibliothèques de France, vol. 5, 2009, pp. 63-66, http://bbf.enssib.fr.
80 Oddon (Yvonne), « Une bibliothèque universitaire aux États-Unis. La bibliothèque de l’Université de Michigan », Revue des Bibliothèques, vol. 36, 1928, pp. 129-155.
81 Weil (Françoise), « Yvonne Oddon… », art. cit., p. 4.
82 AMH, 2 AM 1 A2/d : Paul Rivet et Georges Henri Rivière à M. le Haut Commissaire pour l’Inde, 8 septembre 1931, no 1572.
83 AMH/2 AM 1 A1/b : Yvonne Oddon à Mr. Bishop, Université de Michigan Library, 28 août 1930. Une initiative de la Carnegie conduite par un trio de bibliothécaires américains, incluant le directeur des bibliothèques de l’Université de Michigan, Dr. William Warner Bishop, travaillait alors avec le Vatican pour re-cataloguer ses collections en utilisant les méthodes de classification en usage à la Library of Congress.
84 AMH/2 AM 1 G2/a : Commission consultative, 22 juin 1931.
85 AMH/2 AM 1 A6/c : Yvonne Oddon, « Note sur le fonctionnement de la bibliothèque », 23 février 1934.
86 AMH/2 AM 1 G2/b : « Rapport sur la réorganisation générale du Musée », 1er septembre 1931.
87 AMH/2 AM 1 A4/c : Paul Rivet à M. le Sous-Secrétaire des Beaux-Arts, 20 octobre 1932, no 2249.
88 Sur ces inaugurations, voir AMH/2 AM 1 A4/a : Georges Henri Rivière à Michel Leiris et Marcel Griaule, 22 juillet 1932, no 1600 ; et coupures de presse in AMH/2 AM 1 B4, B5, et B6. André Schaeffner était responsable de la phonothèque et de la collection des instruments de musique. Sur le carrière d’André Schaeffner, voir Gérard (Brice), Histoire de l’ethnomusicologie en France (1929-1961), Paris : L’Harmattan, 2014, 372 p.
89 AMH/2 AM 1 G3/b : Rapports d’activité des différents départements, 1934 ; AMH/2 AM 1 A7/b : Ordres de service no 4-8, 26 juillet 1933.
90 Laurière (Christine), Paul Rivet …, op. cit., pp. 406-408 ; Murphy (Maureen), De l’imaginaire au musée. Les arts d’Afrique à Paris et à New York (1931-2006), Saint-Étienne : Presses du réel, 2009, pp. 17-41. Sur le primitivisme à Paris dans les années 1930, voir l’essai classique de Goldwater (Robert), Primitivism in modern art, New York ; London : Harper & Brothers, 1938, XXIII + 210 p. ; Sherman (Daniel J.), French primitivism…, op. cit., chap. 1 ; et John Warne Monroe, « Surface tensions : empire, parisian modernism, and “authenticity” in African sculpture, 1917-1939 », American Historical Review, vol. 117, no 2, avril 2012, pp. 445-475. Pour une analyse incisive sur la manière dont l’ethnographie scientifique au Musée de l’Homme « reproduisait… l’économie capitaliste moderne à laquelle il prétendait être une alternative… », voir Herbert (James D.), Paris 1937 : worlds on exhibition, Ithaca : Cornell University Press, 1998, pp. 43-67 ; citation p. 66.
91 AMH/2 AM 1 A4/a : Georges Henri Rivière, « L’exposition de Bénin et les transformations du Musée d’ethnographie du Trocadéro », Les Nouvelles Littéraires, 9 juillet 1932. Rivière avait acheté l’année précédente un bronze du Bénin à Londres, avec des fonds avancés par les Amis du Musée d’ethnographie (AMH/2 AM 1 A2/c : Georges Henri Rivière à Marcel Griaule, 30 juillet 1931, no 1230 ; AMH/2 AM 1 A2/c : Georges Henri Rivière à M. Piétri, Ministre du Budget, 12 août 1931, no 1372). Rivière n’expliquait pas quel critère il utilisait pour choisir les pièces qu’il collectait pour cette galerie.
92 AMH/2 AM 1 A5/d : Ordre de service, 23 août 1933.
93 Voir les instructions de Lewitsky pour le catalogage des objets africains, établies juste après son arrivée, 6 février 1931, in AMH/2 AP B11/c.
94 AMH/2 AP 5 4.1 : Activité au Musée de l’Homme. Ces idées apparaissent dans les notes (non datées) que Lewitsky avait prises sur la muséographie soviétique, basées sur sa lecture de L. Rosenthal, Le musée soviétique (après 1932) et Sololiev (après 1936).
95 AMH/2 AM 1 G3/d : Anatole Lewitsky, « Quelques considérations sur l’exposition des objets ethnographiques », 1935.
96 AMH/2 AM 1 G3/c : Paul Rivet au ministère de l’Instruction Publique, 1 mars 1930 (jamais envoyé).
97 AMH/2 AM 1 A8/d : Statistique des entrées du Musée d’ethnographie, 8 août 1935, no 1686.
98 AMH/2 AM 1 A6/b : « Avis aux visiteurs », 1934 ; AMH/2 AM 1 A8/b : Georges Henri Rivière à M. Brémond, Secrétaire Général des Émissions de la Radiodiffusion, 25 mars 1935, no 7. Les programmes sur le Poste Radiophonique de Paris débutèrent le 7 mai 1935, sous le titre de « Voyages et explorations ». Il fut demandé aux intervenants de ne pas « faire montre de modestie inutile » en se présentant (AMH/2 AM 1 J1/a : Ordre de service no 14, 19 avril 1935). Pour la liste complète des émissions diffusées entre 1935 et 1939, voir AMH/2 AM 1 C8/a-e.
99 AMH/2 AM 1 A11/b : Jacques Soustelle à Henri Labouret, 11 mai 1938, no 705. La surface totale fera 8 000 mètres carrés, dont la moitié sera consacrée aux halls d’exposition.
100 Deux concepts scientifiques différents de l’anthropologie étaient en jeu ici : l’un se focalisait sur l’histoire naturelle de l’homme, l’autre prenait pour point de départ l’histoire totale de l’homme. Pour plus de détails sur ce différend, voir Laurière (Christine), Paul Rivet…, op. cit., pp. 367-370.
101 Ce nom fut proposé par André Schaeffner dès 1933. Laurière (Christine), Paul Rivet…, op. cit., pp. 420-421.
102 AMH/2 AM 1 A10/b : Georges Henri Rivière à M. le Ministre de l’Éducation nationale, 24 mai 1937, no 727.
103 Madagascar disposait d’une section en raison de son statut de colonie d’où étaient envoyés des objets. Les origines de sa population, linguistiquement unifiée, quoique culturellement et ethniquement diverse, étaient depuis longtemps un sujet de discussion. Voir Jennings (Eric T.), « Writing Madagascar back into the Madagascar Plan », Holocaust and Genocide Studies, vol. 21, no 2, automne 2007, pp. 191-202.
104 AMH/2 AM 1 K59/d : André Leroi-Gourhan à Georges Henri Rivière, 13 septembre 1934. Voir aussi Soulier (Philippe), « André Leroi-Gourhan, de la muséographie à l’ethnologie », in Christophe (Jacqueline), Boell (Denis-Michel) & Meyran (Régis) (sous la dir.), Du folklore à l’ethnologie, Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, pp. 206-208. En attendant des recherches plus étayées, il est impossible de savoir comment la vie familiale et les rôles genrés furent représentés dans les autres expositions.
105 AMH/2 AM 1 D14 : « Rapport », 1er avril 1937.
106 L’héritière anglaise et activiste Nancy Cunard affirmait en 1946 que la Salle du Trésor allait être reconstituée, mais, à ma connaissance, elle ne le fut jamais. Au début de la seconde guerre mondiale, les pièces les plus précieuses, écrivit-elle, « furent évacuées en lieu sûr et d’autres expositions d’importance furent prêtes à déménager au cas où cela devienne urgent… Lorsque tout reprendra sa place de nouveau, les pièces les plus belles et rares seront exposées plus ou moins selon le même arrangement que dans la “Salle du Trésor” ». Cunard (Nancy), « The Musée de l’Homme », Burlington Magazine for Connoisseurs, vol. 88, no 516, mars 1946, p. 66. La mémoire de la Salle perdura. L’historien de l’art, Jean-Louis Paudrat, l’évoquait dans son article « Les classiques de la sculpture africaine au Louvre », in Kerchache (Jacques) & Bouloré (Vincent) (sous la dir.), Sculptures. Afrique, Asie, Océanie, Amérique, Paris : Réunion des musées nationaux, 2000, pp. 48-49.
107 AMH/2 AM 1 G3/d : « Rapport annexe aux plans des nouvelles installations du Palais du Trocadéro », 27 janvier 1936 ; « Le Musée de l’Homme », 31 mars 1936, seconde version ; AMH/2 AM 1 A9/b : Aide-mémoire, 27 avril, 1936, no 563.
108 AMH/2 AM 1 G3/d : « Rapport annexe aux plans des nouvelles installations du Palais du Trocadéro », 27 janvier 1936 ; « Le Musée de l’Homme », 31 mars 1936, première version.
109 AMH/2 AM 1 A10/a : Paul Rivet à Louis Germain [Directeur du Muséum national d’Histoire naturelle], 22 janvier 1937, no 146.
110 AMH/2 AM 1 B2/a : Rivet (Paul), « Musée des races et des civilisations », Monde Libre, 1er mai 1938.
111 Soustelle (Jacques), « Musées vivants, pour une culture populaire », Vendredi, 26 août 1936.
112 AMH/2 AM 1B1bis/d : Leiris (Michel), « L’Exposition. L’Encyclopédie à la portée de tous, le Musée de l’Homme », Avant-Garde, 14 août 1937. Voir aussi Soustelle (Jacques), « Le Musée de l’Homme », La Renaissance, vol. 21, 1938, pp. 17-21.
113 AMH/2 AM 1 G3/d : « Rapport annexe aux plans des nouvelles installations du Palais du Trocadéro », 27 janvier 1936 ; AMH/2 AM 1 A9/b : Jacques Faublée à Charles Le Cœur, 18 avril 1936, no 522.
114 AMH/2 AM 1 G3/d : « Le Musée de l’Homme », 31 mars 1936, seconde version.
115 AMH/2 AM 1 G3/d : « La reconstruction du Troca et le Musée de l’Homme », 29 décembre 1936.
116 Sur le chevauchement du travail de Rivière au Musée du folklore et au Musée de l’Homme, voir Sherman (Daniel J.), French primitivism…, op. cit., chap. 2.
117 AMH/2 AM 1 A9/e : Georges Henri Rivière à Albert Henraux, 18 décembre 1936, no 1629.
118 AMH/2 AP C1 : Georges Henri Rivière à Paul Rivet, 15 août 1936 ; et aussi AMH/2 AM 1 A9/c : Anatole Lewitsky à Jacques Soustelle, 12 septembre 1936, no 1042.
119 AMH/2 AM 1 A9/d : Note pour le Directeur de l’Enseignement, 26 novembre 1936, no 1392.
120 AMH/2 AM 1 A10/d : « Rapport mensuel du jeudi », 2 septembre 1937. Voir aussi les « rapports hebdomadaires » de 1937 dans AMH/2 AM 1 D14.
121 AMH/2 AM 1 A9/d : Henri Lehmann à Jacques Soustelle, 19 novembre 1936, no 1341.
122 AMH/2 AM 1 B11/d : « Le laboratoire d’ethnologie. Son organisation », Bulletin Mensuel d’Informations (Musée de l’Homme), vol. 1, no 4, juillet-août 1939.
123 AMH/2 AP 5 1.6 : Anatole Lewitsky à Maurice Leenhardt, 22 juin 1939.
124 AMH/ 2 AM 1 A10/d : « Rapport mensuel du jeudi », 2 septembre 1937.
125 Holmes (Betty), « Display technics in three European museums of anthropology », Clearing House for Southwestern Museums Newsletter, no 6, novembre 1938, p. 20.
126 AMH/2 AM 1 B2/b : New York Herald Tribune, 4 juillet 1938 ; AMH/2 AM 1 B2/d : Time, 30 janvier 1939.
127 AMH/2 AM 1 B2/b : Perret (Jacques), « Le Musée de l’Homme au Palais de Chaillot », Le Journal, 19 juin 1938 ; Bouchon (Jean), Candide, 19 novembre 1938 ; et Lanoux (Armand), « Le tour du monde en 80 minutes, ou à la recherche du plus haut totem d’Europe », L’Émancipation Nationale, 27 janvier 1939. Voir aussi Leiris (Michel), « Du Musée d’ethnographie au Musée de l’Homme », Nouvelle Revue Française, vol. 51, no 299, 1938, pp. 344-345.
128 Rivière (Georges Henri), « Les musées de folklore à l’étranger et le futur Musée des Arts et Traditions Populaires », Revue de Folklore Français et de Folklore Colonial (mai-juin 1936), p. 68.
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