La réception
p. 248-349
Texte intégral
LA PROLIFÉRATION DES OBSERVATIONS MICROSCOPIQUES
1Que se passe-t-il autour de et après la découverte de Saussure, effectuée entre le 16 et le 18 septembre 1765 ? Saussure et Bonnet n’en informent qu’un cercle fort restreint de personnes, et jusqu’en 1768, seuls trois acteurs en bénéficient. Needham bien sûr, qui a assisté à l’observation d’une division le 18 septembre. Mais c’est également Haller, mentor de Saussure, qui en a pris directement connaissance par une lettre de septembre 1765 :
Je me flatte que vous apprendrés avec quelque plaisir le succés de mes Observations sur les Animalcules. J’ai découvert la maniére de multiplier de trois espéces que j’ai suivies avec beaucoup de soin. Deux d’entr’elles, qui au premier coup d’œil n’ont rien de commun avec les Polypes, puisqu’on ne peut appercevoir dans leur Corps ni bouche, ni pédicule, multiplient pourtant naturellement comme les Polypes par une division continuelle. Il se fait au milieu de leur Corps qui est dans une espéce, un ovale fort allongé ; & dans la seconde, un ovale parfait ; il s’y fait dis je un étranglement, qui s’augmente d’un moment à l’autre jusques à ce qu’enfin l’Animal se partage en deux qui ont chacun leur volonté, & qui aprés un moment d’étourdissement se mêlent avec les autres1.
2La référence aux polypes est trop claire pour ne pas sous-entendre l’hypothèse de Bonnet et, non pas l’hydre d’eau douce, mais les « polypes à bouquets » de Trembley. Contrairement à l’hydre, ces animalcules aquatiques sont invisibles, une clochette au-dessus d’une tige plus fine qu’un cheveu — le pédicule — et dont Trembley avait publié la description dans les Philosophical Transactions sous les bons auspices de son protecteur Martin Folkes, à la fin de 17442. Quelques jours plus tard, en s’adressant à Bonnet, la première réaction de Haller est de référer à la « generation equivoque »3, enjeu théorique agité par Saussure. L’enjeu est d’ailleurs partagé, car Saussure reste au même diapason, ayant écrit une semaine auparavant dans son journal, à propos de l’isolement d’un animalcule : « Cette Expérience est un argument bien probable contre la génération équivoque, & en faveur de la multiplication de ces An. soumis aux loix ordinaires »4. À Haller, dans la même lettre, il expose une claire réfutation de la transmutation des espèces :
J’ai fait aussi des Expériences, qui lorsqu’elles seront en nombre suffisant prouveront que au moins ces trois espéces ne sont point produites par la matiére, mais qu’elles exigent un germe ou une mére préexistente, & que ces espéces continuent dans une suite invariable, comme dans les grands animaux. Mais je n’ai pas encore assez de faits pour le décider absolument5.
3Autre acteur essentiel, Abraham Trembley est informé. En effet, d’une part, il est en contact permanent avec Bonnet, qui a pleine confiance en lui et lui communique souvent le contenu de ses lettres. D’autre part, Trembley s’intéresse à ces observations : il rencontre Needham en août 1765, reçoit de lui le Saggio de Spallanzani, qu’il lit « avec grand plaisir »6 et qu’il traduira de viva voce pour Bonnet7. En octobre 1765, il cherche à obtenir une copie du livre de Wrisberg8 et prête un jeu de lentilles microscopiques à Saussure9. Une série d’indices complémentaires montre que Trembley est au fait des recherches de Saussure. En effet, après son mariage avec Marie von der Strassen (1733-1809) en juillet 1757, il s’est définitivement établi à Genève. Dès le début des années 1760 s’ouvre alors une nouvelle période où il se dédie entièrement à sa famille et particulièrement à l’éducation de ses enfants. Et ceci, malgré la velléité de les observer, rapidement abandonnée. En janvier 1763 il écrit à son ancien employeur le comte William de Bentinck (1704-1774), avec lequel il est resté fort lié :
me voila environné d’Enfans, qui commencent à causer. Autres objets interessans, et qui, comme vous le pensés bien, occupent beaucoup mon tems et mon attention. Ces nouveaux dévelopemens que je vois, m’apprennent bien des choses. Si j’en voiois encore mille j’en dirois autant, et je serois de plus en plus confirmé dans l’idée, que sur cette matiére, l’observation est le seul vrai maitre, et la speculation est trompeuse. Je suis assés bien placé pour observer aiant deux garçons qui ne different que de onze mois, et brochant sur le tout une fille qui ne differe du cadet que de 17 mois. Je pourrai, j’espére faire plusieurs comparaisons très interessantes10.
4Une année plus tard, Trembley est revenu de son enthousiasme d’observateur pour laisser la place à son rôle paternel :
L’autre objet qui m’occupe beaucoup, c’est l’Education des Enfans. J’ai recommencé mes observations sur ce sujet, sur les Enfans que Dieu m’a donnés. Je vois de plus en plus que l’on ne sauroit les observé trop tôt, et trop constamment. Les observations que je fais, loin de m’animer à prendre la plume, pour les communiquer au public, me la font tomber des mains11.
5En parallèle de cette mise à distance de l’observation, au début des années 1760, Trembley est entré au service de l’État. Membre de la chambre des blés de Genève, il étudie les insectes nuisibles aux récoltes, cherchant des moyens pour éviter la détérioration des grains. À cause des « grandes chaleurs », il néglige les polypes et « Les seules insectes qui l’occupent à present sont ceux qui attaquent les bleds dans les gréniers »12, écrit-il en 1763. C’est encore sous l’impulsion de Bonnet qu’il se remet à observer et surtout à écrire sur les corps microscopiques. Car depuis longtemps, Bonnet l’incitait à reprendre tant l’observation des polypes et autres animalcules microscopiques que la rédaction de travaux restés manuscrits. C’est ainsi qu’en juin 1764, il sollicite de lui certains textes restés orphelins : « J’ai toûjours dans l’Esprit & un peu dans le Cœur ces Polypes que vous condamnés à demeurer dans l’obscurité d’une commode. Ne pourrais-je jamais vous engager à les en retirer [pour]13 essayer de leur donner une forme ? Je ne vous demande qu’une ou deux Espèces. »14
6L’année qui suit, de concert avec les ouvrages de Wrisberg et de Spallanzani, l’arrivée de Needham à Genève et les recherches de Saussure allaient catalyser cette métamorphose. Car, en octobre 1765, Bonnet écrit fièrement à Charles de Bentinck (1708-1799) — le frère de William : « À force de le Solliciter de reprendre les Polypes, je l’ai amené enfin à en remplir son Cabinet. Il m’a fallu plusieurs années de sollicitations pour operer ce grand Œuvre. Il s’agit sur tout des Polypes à Bouquet & des Polypes Teignes »15, c’est-à-dire, pour les polypes à bouquet, l’espèce microscopique chez laquelle Trembley avait identifié pour la première fois, durant l’automne 1744, la division comme forme de reproduction16.
7Ayant donc repris les observations microscopiques, Trembley ne s’en tient pas là. Ce même mois d’octobre 1765, il écrit à William Bentinck :
Diriés vous bien, Monsieur, que depuis mon retour dans ce Païs-cy, je n’ai habité avec les Polypes, que depuis quelques semaines. J’ai cedé aux instances de quelques personnes, et en particulier à celles de mon bon ami Bonnet. Je lui ai fait voir ces derniers tems des Polypes à Bouquet, et d’autres petites espéces qui lui ont fait beaucoup de plaisir. J’ai actuellemment dans mes verres des objets bien interessans. J’ai le même plaisir à observer que j’aie jamais eu, j’ai les yeux excellens ; cependant je ne me propose pas de pousser mes recherches bien loin. Je cherche à mettre en train des personnes plus jeunes que moi. Je souhaite fort qu’il y en ait, qui puissent se porter à ces recherches avec gout et avec constance ; car il y a prodigieusement à découvrir17.
8La dynamique qui s’installe à Genève à la fin de l’été 1765 fait donc boule-de-neige. Parmi les jeunes gens encouragés à l’observation microscopique, son propre neveu18 Jean Trembley (1749-1811) soutiendra en 1767, une thèse sur les animalcules à l’Académie de Genève sous la direction de Saussure — une brochure sans aucune diffusion. L’intérêt se maintient car au printemps 1767, Saussure commande aux libraires Weidmann et Reich de Leipzig quatre ouvrages de microscopie, notamment végétale, de Johann Jakob Dillen (1684-1747), Schäffer, Ledermüller et Gleichen19. Toutefois, bien avant que Saussure n’ait commencé ses expériences de l’été 1765, Abraham Trembley était sollicité depuis plusieurs années par Bonnet à reprendre ses observations sur les animalcules. Du fait de sa vision affaiblie depuis vingt ans20, Bonnet ne pouvait pas faire de véritables observations microscopiques, qui supposent de rester longtemps l’œil rivé au microscope et il se servait de ses amis pour suppléer à sa vue déficiente et étancher sa soif d’observer. Or, en octobre 1765, dix jours après la découverte de Saussure et presque vingt ans après ses propres observations, Trembley les reprend, sur les polypes à bouquet et d’autres espèces. Cependant, bien qu’il eût confié à Bentinck qu’il ne se proposait « pas de pousser ses recherches bien loin »21, il ne pourra s’empêcher de refaire de nouvelles découvertes…
9De fait, cinq mois plus tard, après avoir mené à plusieurs reprises des observations conjointes avec Bonnet, Trembley envoie à Bentinck une longue lettre décrivant minutieusement ses nouvelles observations :
Depuis que j’ai quitté le sejour de Sorgeliet, je n’avois pas essaié de faire des recherches sur les insectes, avant l’automne derniére. Je n’ai pû refuser à Mr Bonnet et a quelques autres personnes, de leur faire voir des objets, qu’ils ne connoissoient que par mes descriptions. Je les ai revûs, moi même, avec un très grand plaisir ; après 18 ans de séparation j’ai trouvé que les images et les faits, etoient restés aussi nets dans mon Esprit, que si je n’avois pas mis d’interruption dans mes observations. Je me suis mis en train d’en achever quelques unes, que j’avois commencées à Sorgeliet. Je ne ferai mention aujourdhui, que d’un objet, qui m’a paru avoir excité beaucoup vôtre attention. C’est ce que vous appelliés des bouts de pipes. Ce sont de petits corps cylyndriques ou à peu près, d’un brun transparent, que l’on trouve en très grande quantité sur les plantes que l’on tire des eaux […]. Nous avons, souvent souhaité de savoir ce qu’etoient ces corps. Nous avions à peu prés decidé, que c’etoit des animaux. Nous avions même eu quelques soupçons sur leur maniére de multiplier. Je suis parvenu à leur voir faire deux sortes de mouvemens. Je leur ai vu varier l’angle qu’ils forment avec le corps sur lequel ils reposent. Je les ai vu nager et venir se reposer sur un brin d’herbe. Il faut considerer cet animal comme un tuiau à peu prés cylindrique. Sa transparence permet de distinguer facilement l’interieur, le vuide du tuiau. Voici comment il multiplie. Suivez en un tel que a placé de façon qu’il vous sera facile de le reconnoitre, et que vous laisserés toûjours au foier d’une lentille du microscope, au moien du porte loupe. Ce corps a présente distinctement le vuide dont j’ai parlé. Quelque tems après, en l’observant de nouveau vous trouverés qu’il s’est formé au milieu dans toute sa longueur, une ligne de a en b. Continués à l’observer de tems en tems vous trouverés que la ligne ab devient plus remarquable Tout le corps paroit s’elargir un peu. Vous vous appercevrés ensuite que la ligne a b est au fond une sorte de rainure22. Bientot après les deux portions du corps que cette ligne forme, paroissent s’arrondir ; et enfin vous trouvés, que le corps unique paroit actuellement deux corps, qui se touchent immédiatement dans toute leur longueur c. d. Ces deux corps s’éloignent ensuite l’un de l’autre. Ils commencent à s’éloigner par le bout supérieur, et très ordinairement il restent auprés l’un de l’autre, et se touchent encore par le bout inférieur, tels que e f. Ces deux corps au bout de quelques tems se partagent de nouveau. Cette opération est fort longue. Il faut bien près de 24 heures pour qu’elle soit complette23.
10Cette précision de texte et d’images et cette description en détail des processus, jumelée avec une figure, sont caractéristiques de l’écriture scientifique de Trembley. Un quart de siècle après refont ici surface les grandes pages des années 1740 adressées à Réaumur, vivaces, franches, rigoureuses et exhaustives tant dans les correspondances que dans les textes imprimés. Vingt-cinq ans après, Trembley n’a rien perdu de sa puissance d’observation — ce qu’il remarque — mais également, ce dont il semble avoir moins conscience, de sa maîtrise de l’écriture. Pourtant, seul Bentinck aura eu le privilège d’avoir lu cette version de la découverte. Car, comme le remarque Bonnet en 1770,
Il a beaucoup de choses neuves sur les polypes, qui sont depuis 28 ou 30 ans dans son porte-feuille, ou dans sa tête, que je n’ai pu encore l’engager à publier. Il est devenu très paresseux à composer, et il est fort occupé à élever une assés nombreuse famille ce qui vaut mieux que de retourner des polypes24.
11Croissez et multipliez… Encore en 1771, Trembley n’a rien rédigé25, et ce ne sera qu’en 1775 qu’il laissera voir une courte description de ses expériences, dans ses Instructions d’un père à ses enfants, sur la nature et sur la religion, qui regroupe en un chapitre l’ensemble de ses recherches sur les animalcules microscopiques et leur mode de reproduction26. Certaines observations avaient déjà été publiées en 1744 et en 174727. En 1775, il traite de cinq genres, tous microscopiques, échappant à l’œil nu, contrairement au polype à bras (Hydra viridis L.) : les polypes à bouquet, à entonnoir, à bulbe, les « insectes navettes » et, déjà décrits à Bentinck, les « tubiformes » :
Ils ont la forme d’un tube, & ils peuvent être apellés Insectes tubiformes. Ils ont de la transparence, mais étant vus ensemble & sans verre, ils paroissent être d’une couleur brune. Ils sont fixés par une extrêmité sur quelque corps, & l’autre extrêmité, que l’on peut considérer comme la tête, ne présente rien de remarquable. Il est cependant vraisemblable que c’est là qu’est la bouche de l’Animal, qui doit recevoir des alimens en abondance, puisqu’il se fait en lui un développement considérable. En observant plusieurs de ces Animaux, l’Observateur [= Trembley] s’apperçut que les uns paroissoient être des tubes simples, & que d’autres paroissoient être des tubes doubles. Ce Fait le mit sur la voie qui devoit le conduire à la vérité. Il choisit quelques tubes simples, & il les mit à part devant la lentille du microscope : il observa souvent, en prenant soin de crayonner son objet chaque fois qu’il observoit, & de marquer le moment de l’observation. Par ce moyen il parvint assez vite à découvrir, qu’un tube simple devient peu-à-peu un tube double. D’abord on découvre une ligne obscure dans toute la longueur du tube transparent : cette ligne devient plus forte, elle paroît s’enfoncer, & les deux côtés du tube paroissoient s’arrondir & devenir des tubes très-marqués. Ensuite les deux tubes se séparent en commençant par le bout antérieur : ils se touchent encore par le bout postérieur, & ressemblent à un compas ouvert, qui forme un angle plus ou moins aigu. Chacun de ces tubes se divise de la même maniére au bout de quelques jours : le grouppe augmente par ces divisions ; & enfin on voit un amas de tubes dans un endroit où il n’y avoit eu qu’un de ces Animaux tubiformes28.
12À cela s’ajoutait la conjecture que les tubiformes pouvaient également se partager transversalement, permettant d’expliquer la présence de certains corps plus courts de moitié que les autres. Un autre insecte en forme de navette de tisserand, sans se mouvoir, subissait également une division longitudinale29. Géométrie des tubiformes, tubes simple et double, réclusion d’un corpuscule, taille et nombre, multiplication et division, l’emploi de ces termes montre que Trembley pense avec les mêmes catégories et envisionneurs que Saussure et Bonnet. Ses descriptions d’animalcules restent claires et précises et les images en sont bien choisies. Car, même présenté comme résultat, le « compas ouvert » renferme l’image du processus final de la division et évoque immédiatement, par sa progressive ouverture, la séparation paresseuse des deux tubes, donnant là une sorte d’ancêtre nonchalant à l’image biologique, bien postérieure, de la fermeture-éclair. La logique de la réclusion expérimentale structure également le texte, sa dernière phrase posant sur la table une manière de souvenir de l’expérience cruciale effectuée par Saussure : d’un organisme unique provient par division successive un lent amas d’organismes de la même espèce. Et Trembley reste attentif aux conditions de la découverte, ayant identifié un des faits qui le mit « sur la voie qui devoit le conduire à la vérité »30.
13Pourtant, ce n’est là qu’une goutte d’eau noyée dans les certitudes d’un ouvrage d’apologétique, dont l’écriture frappe au premier abord par l’usage de la troisième personne. Contrastant avec tous ses écrits précédents qui emploient le je d’observation en accord avec le style de l’écriture savante, Trembley utilise ici la troisième personne. Cela lui attribue peut-être une liberté majeure dans l’exposition d’un thème, mais rappelle en revanche le style des dialogues du Spectacle de la nature de l’Abbé Nöel-Antoine Pluche (1688-1761), voire la Contemplation de la nature de Bonnet plutôt que celui des Mémoires de l’Académie des sciences. Le lectorat d’un tel ouvrage est un public préoccupé plus d’éducation et de morale que de science. Selon John Baker, le texte est écrit à une époque où les enfants de Trembley sont âgés de 11 à 15 ans, et il y expose ses méthodes d’éducation31, ce qui n’empêche pas que de courtes parties recèlent d’importantes découvertes biologiques. Trembley réfléchissait depuis longtemps sur les méthodes pédagogiques et morales, ayant passé vingt ans de sa vie, de 1736 à 1756, à être précepteur de la noblesse anglaise. Pour l’éducation de ses enfants, le comte de Bentinck suivait d’ailleurs, avec Trembley, la méthode pédagogique du professeur de physique hollandais Willem Jacob ’s Gravesande (1688-1742)32. Or lorsqu’il reprend la plume au milieu des années 1770, toujours aiguillonné par Bonnet33, c’est bien pour écrire sur ce sujet, mais en y mêlant à présent un projet d’apologétique chrétienne. Il n’est d’ailleurs pas en cela à l’abri des préoccupations d’actualité, les projets d’éducation publique et les manuels didactiques — qui se confondent si souvent avec la morale — étant légion en Europe depuis la chute des Jésuites en 1767. Les Instructions se présentent clairement comme manuel de didactique et de morale visant tant à faire comprendre l’importance du développement de l’esprit, comme le souligne Bonnet34, qu’à fonder, contre les Philosophes, la pratique morale des précepteurs :
Vos Instructions sont vraiment une Logique en action. Elles sont encore une Morale en action ; car je ne connois aucun Livre qui soit plus propre que le votre à inspirer cette modestie, je dirai mieux, cette humilité philosophique, si féconde en grands effets pratiques. […] Ne doutés point, que votre Ouvrage ne soit un excellent Préservatif contre les Principes de cette prétendue Philosophie qui voudroit rendre les Hommes heureux en détruisant les fondemens de la Vertu35.
14À ce titre, les Instructions s’inscrivent dans la ligne des ouvrages apologétiques plutôt que scientifiques et montrent que Trembley n’a plus, à cette époque, d’ambitions savantes, désormais ensevelies sous les préoccupations pédagogiques, morales et religieuses.
15Toutefois, il reste informé des travaux du réseau bonnetien et ne manque pas de citer les expériences de Saussure et d’annoncer celles de Spallanzani :
Je ne dois pas finir sur le sujet des Animaux qui multiplient naturellement par division, sans parler des découvertes faites par un habile Naturaliste [en note : Saussure], sur les animalcules des infusions. Ces découvertes ont été faites aussi, & poussées très-loin par un autre Naturaliste [en note : Spallanzani] également expert dans les recherches d’histoire naturelle les plus délicates. Les graines & d’autres matiéres végétales, de même que des matiéres du genre animal, étant infusées dans l’eau, on observe dans cette eau au moyen du microscope, une quantité considérable d’Animalcules. Ces Animalcules font des mouvemens trèsdistincts. Il y en a qui ont la forme de cloche ou à-peu-près ; d’autres ont la forme sphérique. Ces Animaux multiplient aussi en se partageant, comme le font les Polypes à bouquet : de sorte que cette maniére de multiplier, par bouture, par divisions, est commune à un nombre prodigieux d’especes d’Animaux : on peut en dire, ce que je vous ai dit de ceux qui multiplient par rejettons, que leur nombre surpasse de beaucoup celui des grands Animaux, sur lesquels on avoit d’abord formé les idées prétendues générales, que l’on considéroit comme des regles que la Nature s’étoit prescrite sur la multiplication des Animaux36.
16Ces échos du principe de Bonnet et de la règle de l’exception montrent la diffusion dans une large audience des principes de l’école genevoise de sciences naturelles. Car cette citation, de même que la découverte des « tubiformes », a lieu hors du cadre régulier de réception des découvertes scientifiques, même si, au xviiie siècle, la séparation entre sphères académique et publique n’est pas aussi nette que par la suite.
17Bien qu’elles ne soient publiées qu’en 1775, ces découvertes sont faites dans le sillage de celles de Saussure. Dix ans auparavant, de pair avec les événements de l’été et l’automne 1765, Bonnet a aussi repris, timidement, les observations microscopiques, et ceci chez Saussure dès le 14 septembre :
Samedi dernier, et pour la première fois depuis plus de 21 ans, je mis l’Œil au Microscope ; c’étoit celui de mon Neveu. J’eus le plaisir très vif d’y observer deux de ces Espèces de Polypes des Infusions, qui ressemblent assés au Polype à Bouquet dont j’ai tant parlé. J’y vis aussi de ces Animalcules longs & plats, qui courent avec une grande vitesse, & que Mr Spallanzani assure avoir vû sortir d’un Oeuf. J’attens beaucoup des tentatives de mon Neveu : il est en bon train, & il a de la Logique et de la sagacité37.
18Quant aux observations conjointes avec Trembley, elles sont attestées par une lettre au pasteur et naturaliste de Regensburg Jacob Christian Schaeffer :
J’ai vû moi même au Microscope une partie des choses qu’elles représentent [les planches de l’ouvrage de Wrisberg] […]. Il est certain que l’Auteur a vû des Polypes à Bouquet dans les infusions, & il les a trés bien représentés. Je les ai vû aussi. […]. J’ai beaucoup observé ce genre de Polypes, cet Automne, avec mon excellent Ami Mr. Trembley38.
19Après avoir si souvent accompagné son lecteur-observateur dans ses manuels d’histoire naturelle39, les Considérations et la Contemplation parus en 1762 et 1764, Bonnet est pour une fois pris de main de maître pour observer des animalcules. Il y admire par exemple des rotifères40 et assiste également à la mi-novembre aux observations sur les tubiformes, les insectes navettes, ainsi que des polypes à bouquet, comme le rappelle plus tard Trembley : « Mr. Bonnet […] se plut à être le témoin de mes observations »41. Ces dernières allaient également laisser des traces dans l’œuvre de Bonnet, qui les décrit en 1769 dans la Palingénésie :
Mr. Trembley m’a montré au Microscope, le 12 de Novembre 1765, un de ces Etres invisibles à l’œil nud, & sans Nom […]. Cet Etre microscopique ne ressemble pas mal à un très-petit Tube, & je lui donnerois volontiers le Nom de Tubiforme […]. Mr. Trembley qui avoit observé ces Tubiformes, il y avoit plus de vingt ans, mais qui n’avoit pu alors les étudier, a découvert dans l’Automne de 1765 une de leurs manieres de multiplier, & je l’ai observée moi-même à son Microscope. Voici en abrégé, comment la chose se passe. On apperçoit d’abord le long du Tubiforme, un trait fort délié, qui semble le partager par le milieu suivant sa longueur. Ce trait se renforce de plus en plus ; il paroît plus profond, plus tranché ; enfin, il paroît double. On reconnoît que cette apparence d’un double trait, est produite par la division actuelle de deux Moitiés longitudinales du Tubiforme. On s’en assure en continuant d’observer : on voit les deux Moitiés tendre continuellement à se séparer l’une de l’autre. Tandis qu’elles sont encore paralleles ou appliquées l’une à l’autre, le Tubiforme paroît amplifié ; son diametre est double ou à peu près, de celui d’un Tubiforme qui ne multiplie pas actuellement. Bientôt le parallélisme cesse ; les deux Moitiés commencent à s’écarter l’une de lautre, tantôt par l’extrémité supérieure, tantôt par l’inférieure. La séparation s’accroît peu à peu, & le Tubiforme semble s’ouvrir comme un Compas. Lorsqu’il est entiérement ouvert, on voit deux Tubiformes, inclinés l’un à l’autre, comme les Jambes d’un Compas, & qui sont encore unis par une de leurs extrémités. Cette Division naturelle s’acheve au bout de quelques heures42.
20Comme Saussure, comme Trembley, Bonnet emploie bien ici les mêmes catégories et images dont la synthèse consiste en un nouveau contexte de réalité. Nulle prétention de paternité de la découverte (par exemple pour l’image fort efficace du compas ou l’attribution de noms) entre ces patriciens genevois ne vient d’ailleurs troubler l’entente visuelle. Car celle-ci est bien fondée sur un partage du même contexte de réalité, construit par chacun d’entre eux dans des confinements différents (Trembley puis Saussure dans leurs laboratoires ; Bonnet dans « son cerveau » et ses écrits), aussi bien qu’à travers les échanges. Au total, le groupe genevois se trouve renforcé non plus seulement par des contextes de réalité isolés, mais bien par un noyau collectif de réalité, fondement catégoriel d’une nouvelle forme collective et individuelle — relationnelle et confinable — du regard naturaliste. Le triplet découverte-expérimentation-noyau de réalité en sort fortifié et sa diffusion va être prise en charge par Bonnet.
21Après vingt ans d’abstinence, une telle renaissance à l’observation microscopique s’est d’abord accompagnée d’un vaste travail de prise d’information, car pour Bonnet la recherche se doit d’être autant empirique, théorique et textuelle qu’alimentée des avis de ses nombreux collègues. Aussi, dès l’été 1765 va-t-il s’enquérir de toute l’actualité des recherches microscopiques en ranimant sur la question son vaste réseau de correspondants. À partir d’août 1765, de nombreux savants, parmi lesquels Haller, Schaeffer, Jean-Henri Samuel Formey (1711-1797), Allamand et Bentinck sont informés des travaux de Spallanzani, de Wrisberg, ainsi que du passage de Needham à Genève — les trois principaux catalyseurs de la recherche de Saussure.
22Suite à une lettre de début août où Needham avait fait marche arrière sur ses déclarations antérieures, en affirmant avoir « trop étendu ses idées, en donnant des puissances à la matiere, qui ne sont pas necessaires pour expliquer les Phenomenes du monde microscopique »43, Bonnet peut annoncer aux principaux acteurs du réseau que le savant anglais se rapproche enfin de la préexistence, non sans souligner sa prophétie relative à Spallanzani — l’homme de Reggio44. À Allamand, il écrit que Needham accepte sa conjecture sur les polypes à bouquet45. Dès sa première lettre à Spallanzani, Bonnet l’informe que Needham — les deux viennent de se parler — a changé d’avis, et qu’il compte « remanier à neuf ce sujet interessant »46. À Formey, président de l’Académie de Berlin et à Haller, il communique même le projet needhamien d’une traduction de l’ouvrage de Spallanzani47. L’intérêt pour la recherche microscopique se maintient l’année d’après. En janvier 1766, Bonnet écrit au secrétaire de la Royal Society Matthew Maty (1718-1778), « spermatiste » convaincu48, pour l’informer d’un travail de Linné où les animalcules spermatiques sont pris pour des particules non animales49. Pendant ce temps, l’échange avec Spallanzani s’intensifie à propos de la recherche microscopique et Bonnet l’informe de la parution de divers ouvrages, comme celui de Wrisberg avec qui il correspond50. Puis, ayant reçu un aperçu des travaux du médecin napolitain Domenico Cirillo (1739-1799) par son ami John Turton (1735-1806), en avril Bonnet sollicite de lui un résumé de ses découvertes sur la botanique microscopique51. Cette demande est à l’origine d’un échange de lettres entre Cirillo et Saussure relatif à la fécondation des végétaux, qui mettent Saussure en relation directe avec le milieu napolitain des naturalistes utilisateurs du microscope, domaine rendu actif par plusieurs religieux physiciens et naturalistes depuis le milieu du siècle52. Encore en juin, averti que le médecin padouan Giambattista Morgagni (1682-1771) avait tirés des Considérations les arguments favorables à la préexistence des germes dans ses leçons de février 176653, Bonnet lui écrit pour lui demander si l’on a « confirmé l’Observation de Mr. de Réaumur sur les prétenduës molécules organiques de Mr. de Buffon […] qui prouve que ces molécules sont de véritables Animaux ? »54. Morgagni le renvoie aux travaux récents de Spallanzani, ce qui montre que la thèse spallanzanienne, bien que peu citée, est plus rapidement adoptée qu’on ne le croit généralement en Italie55. De fait, en 1769, à Turin, l’abbé Roffredi, autre acteur qui jouera un rôle important dans cette histoire, la donne comme étant de notoriété commune56. Enfin, en juillet, Bonnet sollicite encore Otto-Friedrich Müller pour en savoir plus sur ses recherches sur les champignons microscopiques57. On le voit, le réseau savant européen est fortement dynamisé par Bonnet qui s’informe tout azimut de l’évolution de la recherche microscopique.
23Pourtant, malgré ce renouveau certain, la découverte de la division des animalcules ne sortira pas de son milieu d’origine quatre ans durant. De septembre 1765 à 1769, c’est systématiquement que Bonnet va éviter d’en parler, sauf à Haller. Aucune des autres lettres de Bonnet à ses collègues savants susceptibles d’entrer en matière sur les animalcules ne mentionne de manière ciblée la découverte de Saussure. Devant ses nombreux correspondants utilisateurs du microscope, Schaeffer, Maty, Morgagni, Allamand, Jacques-Christophe Valmont de Bomare (1731-1807), Bentinck, Cirillo, Henry-Louis Duhamel du Monceau (1700-1782) ou Müller, Saussure n’est simplement jamais mentionné dans le contexte de la découverte de la division58. Et pourtant toutes ces lettres discutent animalcules, mentionnent les organismes invisibles et les nombreuses recherches microscopiques de Spallanzani, de Needham, de Linné, Trembley ou Müller, de Réaumur et de Buffon. Une telle attitude n’a cependant rien d’étonnant, car Bonnet connaît bien le fonctionnement des réseaux savants, ses effets de ricochet et de perte de contrôle, pour s’en tenir à la plus grande discrétion sur le secret de la découverte. On va le voir : le critère démarquant les élus qui reçoivent l’information ne tient absolument pas compte de ce que les historiens des sciences considèrent comme la dimension structurant l’espace des sciences de la vie, c’est-à-dire l’axe préformation-épigenèse, entièrement effacé à cette occasion.
LA DÉCOUVERTE AMBIGUË : LA DIVISION DANS L’EUROPE DU NORD
La mobilisation du réseau bonnetien
24Informé par une lettre de juin 176859 de la publication imminente de la traduction annotée du Saggio de Spallanzani où Needham refuse à nouveau la préexistence, à la fin d’octobre Bonnet ironise dans une lettre à Saussure : « Notre bon Ami Néédham vient d’enfanter une grosse Œuvre Métaphysico-physico-théologico-critique »60. De fait, le 20 décembre 1768, Needham envoyait de Paris une caisse contenant de nombreux exemplaires d’un ouvrage réunissant la traduction française du Saggio, à laquelle il avait ajouté d’amples Notes, suivies des Recherches physiques et métaphysiques sur la nature et la religion, et une nouvelle théorie et la terre. Passant par Genève, les livres transitaient par le physicien Paolo Frisi (1728-1784) à Milan, pour atteindre à Turin Beccaria et l’abbé Roffredi que Needham connaissait61 et rejoindre ensuite Vallisneri Jr. et Spallanzani, avant de descendre vers Naples. Dans les Notes, Needham divulguait sans autorisation la découverte de Saussure présentée avec forces distorsions interprétatives. Au lieu de défendre, comme Bonnet l’avait pensé un moment, l’idée que la division est un mode de reproduction régulier des animalcules, il y voyait une nouvelle preuve de sa théorie : les animalcules sont des corpuscules qui se divisent à l’infini — c’est-à-dire se décomposent — au point de disparaître, avant de se recomposer en de nouveaux corps, changeant d’espèce et de règne62. Datée de 1769, cette nouvelle publication de Needham va déclencher la mobilisation du réseau de Bonnet pour questionner une fois de plus la préexistence et c’est dans ce cadre, perçu comme biaisé, que commence la réception publique de la découverte de Saussure. La première réaction de Bonnet est de demander à Saussure une lettre certifiant tant de la découverte que de l’interprétation antispontanéiste, pour l’insérer dans son ouvrage La Palingénésie philosophique. Après quelques déboires — la lettre consignée en octobre 1769 avait été égarée par Bonnet — ce dernier signale en avoir « vu le brouillon » le 21 octobre et la lettre est rapidement publiée. Bonnet désirait l’insérer dans la Palingénésie de 1769 et écrit à Saussure le 14 juin 1769 : « Je vous demandois l’éclaircissement sur les animalcules pour l’insérer dans la note qui termine le premier volume, et qui a été imprimée la dernière. Vous ne me répondîtes pas d’abord : Je ne pouvois arrêter l’imprimeur »63. Publiée comme addition à la seconde édition de la Palingénésie parue en 1770, la lettre de Saussure est la première et seule version publique de la découverte. Elle contient des objections indirectes à l’interprétation needhamienne de la division et rétablit l’interprétation antispontanéiste :
M. l’Abbé Néedham m’a fait l’honneur de parler avec éloge de cette Observation dans ses Notes [64] sur la Traduction du bel Ouvrage de M. Spallanzani, & il s’en sert pour appuyer son Systême, qui est, que les plus petites Espèces d’Animalcules qu’on voit dans les Infusions, celles-là même qui aux plus forts Microscopes ne paroissent que des Points, sont produites par la division & subdivision continuelles des grandes Especes. Mais sans doute que pendant l’espace de quatre ans qui s’est écoulé depuis que je lui communiquai cette Observation, il aura oublié que j’avois constamment observé que les Parties de l’Animalcule divisé, deviennent en peu de temps aussi grandes que les Touts auxquels elles ont appartenu ; ensorte qu’on retrouvoit dans les Générations la même constance & la même uniformité que l’on voit dans le reste de la Nature. Peut-être n’insistai-je pas avec Mr. Néedham sur cette particularité ; peut-être ne lui dis-je pas, que pour écarter toute espece de doute, j’étois venu à bout à force de patience, de mettre un de ces Animaux parfaitement seul dans une goutte d’eau, que cet Animal s’étoit partagé en deux sous mes yeux, que le lendemain ces deux en étoient devenus cinq, le surlendemain soixante, le troisieme jour un si grand nombre qu’il m’avoit été impossible de les compter, & que tous, excepté ceux qui venoient d’être produits sur l’heure, étoient égaux à celui dont ils étoient sortis65.
25Avec le reste de cette lettre de quatre pages, il s’agit là du seul texte publié par Saussure relativement aux recherches microscopiques de 1765-1766. Il contient également, transmis avec le contexte de réalité, les principaux envisionneurs de la division des animalcules — la proportionnalité entre la taille et le nombre et le cycle divisionaccroissement :
Vous comprenez bien, Monsieur, que dans ces premiers moments de leur nouvelle vie ils doivent être plus petits que l’Animal de la division duquel ils résultent ; chacun d’eux n’est que la moitié de ce Tout, mais ils grossissent en peu de temps, acquierent la grandeur du Tout dont ils ont fait Partie, & se divisent à leur tour en Animaux qui viennent aussi à les égaler66.
26Là précisément sont fournies, à travers ces composantes du contexte de réalité qui modifient le regard des savants lorsque ceux-ci se reconfinent, les conditions potentielles d’envisionnement du phénomène. Pourtant la demande de cette lettre à Saussure n’est que la pointe de l’iceberg, car Bonnet a également modifié son attitude face à ses correspondants. Afin de prévenir toute ambiguïté issue de la nouvelle version transmutationniste, au tournant de l’année 1769, Bonnet fait un virage à 180° relativement à la découverte, tenue secrète jusqu’alors. Le réseau de correspondants avait été informé de la teneur du nouveau livre de Needham, il est maintenant mobilisé pour faire pleine caisse de résonance à la découverte de Saussure. À peine la lettre de ce dernier consignée, à la mi-octobre 1769, Bonnet s’arrange avec son imprimeur Jean-Marie Bruyset (1744-1817) à Lyon pour y faire ajouter l’addition67. À Zurich, le pasteur Johann Kaspar Lavater (1740-1801), qui traduisait, de sa propre initiative, la Palingénésie en allemand, reçoit de Bonnet cette même addition deux semaines plus tard68. Début 1770, Spallanzani puis le docteur Théodore Tronchin (1709-1781) en sont informés69, de même que Needham et d’autres acteurs mineurs, en France et en Hollande70. En 1771, c’est au tour de Haller et, l’année d’après, d’Euler auquel Bonnet signale les ajouts au texte ; puis, encore en 1775, c’est Friedrich Heinrich Wilhelm Martini (1729-1778), secrétaire de la société des naturalistes de Berlin71. Autrement dit, d’importants nœuds du réseau savant, à Berne, Zurich, Paris, Modène, Berlin et Saint Pétersbourg, sont directement informés de la découverte, et c’est sans compter les lauriers que décrochait la Palingénésie Philosophique72. Car, en tentant de concilier la doctrine chrétienne de l’immortalité de l’âme avec une sorte de mystique réincarnationniste et évolutionniste basée sur la théorie du germe, le livre avait rencontré un franc succès auprès du lectorat savant, formant donc une audience favorable pour accueillir la découverte, même si, à l’évidence, elle se trouvait noyée dans la réédition de l’ouvrage. Au point que Saussure, en remerciant Bonnet de l’insertion de la lettre y voit, par politesse, un tour habile :
Je suis infiniment sensible à l’honneur que vous m’avés fait en faisant insérer mes Observations microscopiques dans votre immortel Ouvrage. Il faudroit mon excellent Microscope pour appercevoir le tour que vous faites aux acquéreurs de la 1ere Edition, en insérant cette matière dans la seconde ; c’est votre amitié pour moi qui vous fait donner une valeur à cet infiniment petit73.
27Entre-temps, une autre utilisation de la découverte avait vu le jour. En janvier 1769, Saussure revient d’un voyage en Angleterre, où, étant passé par la France il a rencontré de nombreux savants, dont Buffon, Adanson, Duhamel et Jussieu. À Londres, recommandé auprès de la Royal Society, il discute de sa découverte avec quelques Fellows, dont le pharmacien et naturaliste John Ellis. Celui-ci avait publié en 1755 une Natural History of the Corallines, où il avait repris à son compte, pour la généraliser, la découverte faite par Bernard de Jussieu en 1742, montrant que le corail et d’autres productions marines assimilées étaient des sécrétions d’origine animale74. Avec Baker et Needham, Ellis était devenu l’un des experts des recherches au microscope à la Société Royale. En 1769, les Philosophical Transactions publient un nouvel article d’Ellis, lu fin mai 1769 à la Société, qui donne les premières images publiques de la découverte. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas fort éloignées des images privées dessinées par Saussure dans le cahier (cf. illustration p. 628 du présent ouvrage)75.
28Cette publication précipitée visait clairement à devancer l’auteur de la découverte. Car tout en citant Saussure, lequel avait trouvé que des animalcules « s’accroissaient en se divisant en deux parties pratiquement égales »76, Ellis signalait qu’il les avait observés « un ou deux ans auparavant […] mais avait toujours supposé que les animaux en division étaient en coït »77. On voit là à l’œuvre, à travers le reconfinement sur un triplet spécifique, la diffusion du contexte de réalité : jusqu’à sa discussion avec Saussure, Ellis voyait ces animalcules comme identiques aux animalcules en coït, sans voir qu’ils étaient deux fois plus petits. Ainsi n’employait-il pas la catégorie de la taille (diminuée de moitié par la division) articulée au nombre, un des envisionneurs du nouveau contexte de réalité, et ne pouvait donc voir la division. La discussion avec Saussure, qui installe un cadre de développement dirigé, a transmis un élément du contexte de réalité, l’envisionneur spécifique de la proportion entre la taille et le nombre, grâce à son langage abouti (division, multiplication, taille, nombre, etc.) par lesquels Ellis peut alors s’attendre à voir ce trait du phénomène.
29Ellis voulait laisser entendre qu’il ne s’agissait pas là d’une simple répétition expérimentale. De fait, il y manquait l’espèce des grains mis en infusion — le chanvre —, information qu’Ellis avait glanée auprès d’un ami commun, le marquis Jean Pierre Louis Luchet de la Roche (1740-1792)78. C’était là une raison suffisante pour mettre devant les yeux du public la découverte et s’en attribuer la paternité. Profitant des frontières floues de la répétition expérimentale avant une publication princeps, le procédé avait déjà été employé par Henry Baker pour anticiper les Mémoires de Trembley par la parution en 1743 d’une Natural History of the Polype, qui avait valu à son auteur le surnom de « philosophe ès petites choses »79.
30L’année d’après paraît une traduction française du mémoire d’Ellis dans le journal Introduction aux observations sur la physique de l’abbé François Rozier (1734-1793). En 1771, Spallanzani, qui apprend l’existence du mémoire anglais par son ami l’anatomiste de Padoue Leopoldo Marco Antonio Caldani (1725-1813)80 demande immédiatement à Bonnet son avis81. Pour toute réponse, Bonnet prône l’indifférence : « Ellis est dévenu naturaliste par accident. C’étoit un simple négociant. Il est naturaliste par gout plutôt que par science. Je ne compterois pas beaucoup sur ce qu’il rapporte des animalcules »82. Bonnet avait une piètre opinion d’Ellis, dont il rappelle qu’il avait défendu la transmutation de polypes en limaçons aquatiques83. Et de fait, il n’avait pas réinventé l’expérience cruciale de Saussure. Car ce que n’avait pas communiqué Saussure était une information bien plus importante que la connaissance de l’espèce végétale mise en infusion, s’agissant du protocole expérimental de réclusion de l’animalcule, dévoilé l’année d’après par la lettre publiée dans la Palingénésie. Aussi, dans sa discussion avec Ellis, le cadre de développement dirigé était-il volontairement incomplet car, pour éviter de se faire souffler la découverte, Saussure n’avait pas mentionné l’expérience cruciale de réclusion. Ce protocole permettait d’identifier la division comme phénomène de reproduction stable et, non pas, ainsi que l’écrit Ellis, comme un phénomène accidentel84. Habilement, Saussure n’a donc pas communiqué le triplet intégral, mais seulement, en langage abouti, le contexte de réalité partiel, c’est-à-dire un seul des envisionneurs spécifiques — l’allongement de la durée d’observation et le « cycle » ont été omis — ainsi que le phénomène résultant. L’absence de l’envisionneur temporel et de l’expérience de réclusion allait pousser Ellis dans une impasse interprétative, confirmant l’intuition de Bonnet. L’intention de Saussure est alors évidente : il avait voulu, au moyen d’un silence, protéger sa découverte en évitant d’en remettre en main propre l’ensemble des clefs de voûte. Le meilleur moyen de la protéger, tout en favorisant sa diffusion était de ne pas en communiquer le triplet intégral. On peut aussi comprendre pourquoi Bonnet ne faisait pas grand cas d’une tentative de plagiat, à ses yeux, nettement avortée. Ceci, surtout par contraste avec le battage mené autour de Needham, montrant ainsi qu’il lui importait beaucoup plus que les interprétations de la découverte ne soient pas détournées.
La dynamique de la diffusion
31La survie et la circulation de la découverte de Saussure sont essentiellement dues à l’activité de Charles Bonnet, à travers d’une part sa demande et son insertion de la lettre de Saussure dans la Palingénésie et, d’autre part, la mobilisation de son réseau. Bien que la découverte se fut quelque peu perdue dans la Palingénésie, le succès de cet ouvrage, qui donna lieu à des traductions immédiates en allemand, en favorisa nettement la diffusion, laquelle croise l’histoire des traductions.
32De fait, à partir des années 1760, les savants des États du nord de l’Europe sont pris entre deux tendances qui feront d’eux les dépositaires d’un solide capital d’idées et de pratiques relatives à l’histoire naturelle. D’une part, ils sont les plus grands traducteurs de textes savants provenant de toute l’Europe, de Saint Pétersbourg à Londres, de Naples à Leyde et d’Uppsala à Lisbonne, qui concernent tant les arts que les sciences et dont la recherche microscopique et l’histoire naturelle sont partie intégrante. La ville de Leipzig par exemple produit de nombreuses traductions, mais Hambourg, Nuremberg, Berlin et une multitude de petites cités ajoutent leurs lots de traductions scientifiques à partir des années 1760. Ces traductions se déversent tant dans des livres que dans les journaux et revues savantes dont la quantité et les circuits de diffusion s’accroissent quotidiennement. Parfois, ces traductions deviennent même des ouvrages autonomes, séparés de leur texte d’origine, monographies qui n’existent comme telles qu’en Allemagne, acquerrant ainsi une visibilité majeure. L’introduction de Senebier à sa traduction française de 1777 des Opuscoli di fisica animale e vegetabile de Spallanzani (1776), qui plaide pour établir un champ de recherches microscopiques devient à la fin du siècle un livre à part entière85. Parmi les européens, les États germaniques traduisent le plus grand nombre de textes scientifiques86 et la recherche microscopique n’y échappe pas : ce sont les textes sur les machines à polir les lentilles de l’abbé Bartolomeo Toffoli (c. 1755-1834), les livres de Spallanzani, des napolitains Filippo Cavolini (1756-1810) et Antonio Barba (1751-1827), de Felice Fontana, du prêtre vénitien Michele Colombo (1747-1838), des Anglais Hill, Baker, Needham et Ellis, le traité du Suisse Nicolaus Fuss, disciple et secrétaire de Euler, les Mémoires de Trembley, les travaux de Saussure et bien d’autres textes qui ne sont traduits qu’en allemand. Le lectorat allemand est friand de beaux livres enluminés, tels que ceux de l’Anglais Marc Catesby (1683-1749), de Buffon ou du naturaliste hollandais Martinus Slabber (1740-1835). Il en va de même, exhaustivement, de nombreux Mémoires d’académies publiés à l’origine en hollandais (Académie de Haarlem) ou de ceux, en suédois, de l’Académie d’Uppsala. Les délais varient sans doute d’une année à trente voire cinquante ans pour la reprise des Mémoires de l’Académie des sciences de Paris, mais cela ne fait qu’augmenter la concentration d’imprimés scientifiques dans les pays de langue allemande au cours de la seconde moitié du siècle. L’Allemagne traverse à ce moment une « révolution de la lecture » qui l’a fait changer d’objets textuels, étant passée des livres sacrés aux ouvrages laïques, en créant de nouvelles formes de sociabilité autour de la lecture, entre bibliothèques de prêts et sociétés de lecture87. La pléthore de traductions allemandes des naturalistes et des physiciens d’Europe, réalisées durant la seconde moitié du siècle, y contribue88. De très nombreux auteurs, connus et moins connus deviennent accessibles au lectorat allemand durant la seconde moitié des Lumières, alors que, du fait de leur langue d’origine, ils ne le sont pas toujours pour les audiences française et anglaise, fournissant la base d’une conception romantique du vivant qui fleurit à la fin du siècle89, influencée d’ailleurs par les travaux de Bonnet90. De plus les lectorats savants hollandais et italiens, langues minoritaires au xviiie siècle, lisent en général au moins le latin et le français, parfois l’allemand ou l’anglais.
33Dans les États allemands, le mouvement des traductions scientifiques se ralentit vers la fin du siècle pour laisser place à une masse croissante de recherches empiriques publiées — et ignorées jusqu’à présent — dans les journaux allemands, en pleine expansion. À cela il faut ajouter l’accès aux textes de microscopie et d’histoire naturelle suédois, danois et hollandais, traduits ou directement publiés. De même, l’allemand est la seule langue dans laquelle les textes de Bonnet, comme de Trembley, sont traduits pratiquement dans leur intégralité. Les savants allemands sont également les premiers à donner à l’histoire naturelle linnéenne une extension systématique dès 1770, comme le témoignent les manuels de Johann-Friedrich Blumenbach (1752-1840), Johann August Ephraim Goeze (1731-1793) ou Nathanael Gottfried Leske (1751-1786), créant ainsi un large public de consommateurs de l’histoire naturelle. En cette fin des Lumières, l’allemand se trouve donc de facto en concurrence avec le français pour s’établir comme langue des sciences, toutefois leurs régimes de fonctionnement international sont fort différents : l’allemand est peu lu en dehors des États germaniques et de l’Empire, alors que la plupart des savants continentaux lisent, voire écrivent le français. Les traductions en allemand aboutissent à élargir considérablement le lectorat germanique tant par la quantité et la variété d’ouvrages importés que par un phénomène de capitalisation des savoirs et savoir-faire issus de textes provenant de toute l’Europe, participant ainsi de cette dynamique d’élargissement des connaissances aux classes bourgeoises typiques de l’Aufklährung. En revanche, connoté par son emploi aristocratique comme langue de la diplomatie, le français reste le médium des élites, transformé progressivement en phénomène de communication de surface, en « langue universelle » imposée aux académies par les désirs de souverains tels que Frédéric à Berlin ou Catherine à Saint Pétersbourg. La circulation en forte croissance des textes savants dans les divers états de langue allemande durant la seconde partie du xviiie siècle entraîne alors un phénomène de retour sur la production des connaissances, auxquelles participent les recherches microscopiques, implantées en Allemagne à partir du milieu du siècle.
34C’est dans ce contexte de production et de circulation dynamique des connaissances naturalistes que la découverte de Saussure va être reçue. Armé de son vaste réseau de correspondants allemands, Haller avait déjà averti les genevois de la parution de Observationum de animalculis infusoriis satura de Wrisberg en 1765, qui avait contribué au déclenchement des recherches microscopiques de Saussure. Ce dernier rédige, autour de septembre 1765 un extrait du livre de Wrisberg91. Mais contrairement à ses autres résumés de Needham où il pose diverses questions, cet extrait est pour l’essentiel une copie latine de passages significatifs du texte de Wrisberg, sans commentaires de la part de Saussure. Sur les premières pages, il résume en deux lignes les observations, numérotées et datées, avec les espèces mises en infusion et recopie le texte y relatif. Puis, dès la quatrième page de l’extrait, il recopie intégralement sans plus ajouter au texte. À l’exemple de son maître Bonnet, ces techniques d’extraits, qu’il emploiera également dans tous ses travaux sur les Alpes, sont déjà présentes dès 176592. Elles attestent que la formation de Saussure, où il s’occupe beaucoup de botanique, est aussi une période d’établissement et de consolidation de ses procédures de travail, utilisées aussi dans ses travaux de géologie et déjà fonctionnelles à cette époque.
35Par la suite, Haller, toujours informé des travaux microscopiques des savants d’Allemagne, sert de médiateur pour les Genevois. En mai 1766, il reçoit deux ouvrages de microscopie allemands, ceux de Ledermüller et de Gleichen, qu’il lit rapidement93. Ancien officier, Gleichen avait au milieu du siècle reçu un gros héritage qui l’avait débarrassé des soucis matériels en lui ouvrant les portes de cet agréable passe-temps qu’est la carrière savante. Ayant rencontré Ledermüller en 1760, ce dernier lui transmit le virus de la recherche microscopique et il avait reçu en retour l’éloge de ses travaux sur la morphologie des animalcules spermatiques94. Aussi, en perfectionnant des microscopes de Ledermüller, Gleichen commença-t-il à publier ses propres recherches sur la fécondation des plantes, réunies dans une épouvantable traduction française parue en 1763 à Nuremberg, les Découvertes les plus nouvelles dans le Regne Vegetal ou Observations Microscopiques et dont Haller avait reçu une copie. Certaines de ses idées côtoyaient celles de Leeuwenhoek, par exemple le pollen qui opérait la fécondation95. Travaillant avec un « microscope des plus forts »96, Gleichen trouvait grâce aux yeux de Haller. Difficile enchevêtrement donc, de procédures délicates à répéter, d’observations parfois heuristiques, de compilations diverses, de découvertes fondamentales demeurées sans communication, de voies sans issue faute de savoir où chercher une clef pour le faire décoller, que ce champ de la recherche microscopique, à une époque où un auteur aussi en vue que Buffon, en 1777, ayant établi définitivement la réalité des molécules organiques, dénonçait, en France, l’inutilité du microscope97.
36Si, en France, une telle posture explique l’absence de travaux microscopiques, c’est en revanche l’intérêt de plus en plus vif des auteurs allemands pour ces recherches qui en fit une terre d’élection pour diffuser la découverte de Saussure. Le terrain avait été préparé, dès 1751 par la traduction des deux mémoires de Trembley de 1744 et de 1747, contenant la découverte de la division des polypes à bouquet98. Parmi les savants allemands, les traducteurs de Bonnet jouent un rôle de premier ordre. C’est d’abord le zurichois Lavater, qui, par sa rapide traduction de la Palingénésie philosophique, rendait la découverte de Saussure accessible au public allemand99. Auparavant, un professeur de mathématiques et de physique de Wittenberg, Johann Daniel Titius (1729-1796) avait traduit en 1765 la Contemplation de la nature, l’année d’après sa parution.
37Du fait qu’il n’avait pas demandé à Bonnet l’autorisation de traduire son texte, dans lequel il avait inclus des notes, ce dernier s’en plaignit auprès d’amis, comme auprès du traducteur100. Titius se justifia en disant que c’était un libraire de Leipzig, Junius, qui lui avait commandité la traduction101, ce qui montre bien le succès de l’ouvrage. Mais Titius est également parmi les premiers savants d’Allemagne à avoir eu connaissance des travaux de Saussure. Suivant de près les travaux de Bonnet, il publie en 1769 dans un journal de Wittenberg un compte-rendu de la Palingénésie Philosophique dans lequel il rapporte le nouveau mode de génération des animalcules102. Il en avait donc pris connaissance dès la parution de la seconde édition de 1770103 qui contient la lettre de Saussure, et avant même la traduction de la Palingénésie par Lavater. De plus, la seconde édition allemande de la Contemplation, parue en 1772, contenait aussi des notes de Spallanzani. Par d’autres travaux, Titius apparaît comme un de ces nombreux passeurs de la recherche microscopique antispontanéiste en Allemagne et à ce titre, il tient tête aux auteurs spontanéistes ou transmutationnistes tels que Needham, Wrisberg, Müller ou Otto von Münchhausen (1716-1774), en s’appuyant notamment sur les expériences microscopiques d’Edward Wright sur les matières antiseptiques et sur celles de Spallanzani104.
38Un autre traducteur de Bonnet allait avoir plus d’influence encore. En janvier 1773, Bonnet reçoit une lettre d’un pasteur allemand de Quedlinburg, Johann Goeze, lui annonçant son désir de traduire en allemand le Traité d’insectologie, ouvrage qui avait rendu Bonnet célèbre en 1745 et où il avait démontré la parthénogenèse du puceron105. Flatté, Bonnet accepte et envoie, à la demande de son correspondant, de nombreux conseils, notes et précisions à ajouter à la traduction106. Émerveillé de son empressement à collaborer, Goeze en profite pour demander s’il peut ajouter ses propres observations microscopiques sur diverses espèces, allant du puceron aux animalcules des infusions, ainsi qu’une planche contenant les gravures des animalcules107. Bonnet accepte et, à la mi-novembre 1773, il reçoit la traduction de l’Insectologie. À son confident Haller, il dit avoir remarqué, grâce aux planches, des observations du traducteur « sur quelques animalcules aquatiques trés curieux. Je ne puis encore juger de tout cela »108. Une année plus tard, Bonnet se félicitait de ce que Goeze avait réalisé une traduction fidèle, dixit son ami Jacob Bennelle (1717-1794) qui lui servait de lecteur pour l’allemand109. C’est dans un chapitre séparé de la traduction que Goeze avait ajouté ses observations sur les animalcules, ainsi que des illustrations. Outre l’observation de rotifères, d’anguilles du vinaigre et de divers autres animalcules, Goeze avait également mené des recherches sur la division, reconfiné sur son triplet spécifique en s’inspirant de la lettre de Saussure qu’il cite d’après la traduction allemande de la Palingénésie par Lavater110. Parmi ces notes, Goeze rédige une section comparant ses observations microscopiques à celles de Spallanzani et de Saussure111. Citant, de ce dernier, l’expérience d’isolement112, il en répète les divers procédés et parvient à voir des divisions doubles et en croix, reconstruisant ainsi le triplet. On voit ici à l’œuvre la diffusion du triplet intégral où le langage abouti de Saussure a permis la reprise du doublet expérimentation-phénomène et son interprétation et où le contexte de réalité, à travers deux des envisionneurs — la proportion taille-nombre et le cycle division-accroissement — est également présent : Goeze constate, « conformément à son expérience », que « les moitiés divisées deviennent à nouveau un animal entier, tout aussi grand que les anciens »113. Pour finir, il complète le tout par des observations de son cru, en travaillant sur une série d’organismes, mais — comme ses deux prédécesseurs — sans les déterminer systématiquement (c’est-à-dire avec une nomenclature fixée), bien qu’il ait lu l’ouvrage juste publié de Müller. Par conséquent, insérés dans un traité aussi célèbre que l’Insectologie de Bonnet, les travaux de Saussure trouvaient enfin une place dotée d’une majeure visibilité que dans la Palingénésie, ceinturés des canons rassurants de la répétition expérimentale et secondés d’une brochette de grands noms, allant de Needham et Buffon à leurs contradicteurs, Bonnet, Spallanzani et Fontana114. Le lectorat allemand disposait donc, dès le début des années 1770, de plusieurs versions des expériences sur la division, lui permettant d’entrer dans un processus, en apparence, de reproduction sociale de la découverte et, en réalité, de reconstruction du triplet à travers du développement dirigé dans un cadre relationnel.
39Un peu auparavant, l’article d’Ellis, publié en anglais et en français, avait également participé à la circulation du nom de Saussure. En 1772, les médecins Christian Gottlieb Ludwig (1751-1823) et Johann Friederich Gleditsch (1714-1786) avaient résumé le mémoire d’Ellis dans leur journal de comptes-rendus latins, les Commentarii de Rebus in Scientia Naturali et Medicina Gestis publié à Leipzig, sans oublier d’insister sur l’attitude douteuse d’Ellis qui disait « innocemment devoir [ces observations] à l’illustre de Saussure qui les a faites le premier »115. C’est à partir de ces différents travaux, comptesrendus et traductions que la découverte circule en Allemagne et que certains savants emploieront par la suite la division comme une des catégories régulières de la reproduction des espèces inférieures, notamment en helminthologie116. Après Goeze, d’autres savants vont tenter d’en refaire l’expérience et les sociétés savantes jouent à cet égard un rôle important. Mais là encore, on retrouve la griffe discrète de Bonnet donnant l’impulsion pour la recherche sur les animalcules. Dès sa création en 1774 à Berlin, la Naturforschender Freunden Gesellschaft se dessine comme une plateforme pour la recherche naturaliste, donnant une place remarquable aux études réalisées grâce au microscope, présent dans plus du quart des articles publiés. D’emblée, la société élit Bonnet et lui envoie son diplôme de membre en automne 1774 par l’intermédiaire de Goeze117. Par le même canal, le secrétaire perpétuel de la société, Friedrich Martini, lui fait parvenir une lettre en lui demandant de suggérer différents thèmes d’actualité aptes à inspirer les recherches naturalistes de la société. Entre autres réponses, Bonnet ne manque pas de renvoyer à l’étude des infusions sans omettre Saussure et la division :
Les Animalcules des Infusions sont un nouveau monde […] dont nos plus habiles Voyageurs n’ont visité que les Côtes, et dont ils n’ont entrevu au bout de leurs Lunettes que les seuls Patagons […]. Ces Espéces se multiplient d’une maniére analogue à celle des Polypes à Bouquet, par des divisions naturelles. C’est à M. de Saussure, Professeur de Philosophie dans notre Académie, et excellent observateur, que j’ai du la première connoissance de ce Fait important. Il me le détailloit lui même dans une asses longue Lettre, dont j’ai enrichi la 2de Edition de la Palingénésie philosophique118.
40La stratégie était de bonne guerre, car, en cachant son rôle d’inspirateur pour la découverte, Bonnet la rendait indépendante et a fortiori plus crédible. Après avoir recommandé Müller et Spallanzani comme candidats devant nécessairement être élus à la société, Bonnet ajoutait, au final : « Je reviens, Monsieur, aux Animalcules des Infusions, et je vous prie d’en recommander l’Etude à vos Naturalistes »119, pour glisser, là encore, le principe de Bonnet contre la ségrégation des espèces : « La merveilleuse varieté des Productions de la Nature ne brille nulle part avec plus d’éclat que dans les espéces en apparence les plus dégradées. Combien nos Animalcules reculent-ils les bornes de l’Univers organique ! »120. De fait, la société formera le premier regroupement véritablement international de savants pour l’essentiel issus des États allemands et italiens, d’Autriche, du Danemark, de Genève et de la Hollande, dont, dans leur majorité, un trait commun était d’avoir déjà fait avancer la recherche microscopique.
41Les appels de Bonnet ne restèrent pas lettre morte. Les Beschaftigungen, organe de la société, ainsi que le journal Naturforscher de Halle où publient en bonne partie les mêmes auteurs, contiennent de nombreux articles sur les infusoires rédigés par Müller, Goeze, Gleichen, Köhler ou Franz von Paula Schrank (1747-1824). Comme membres de cette société des amis naturalistes de Berlin, Goeze, Müller, Bonnet, Titius ainsi que les Italiens avaient diffusé, par leurs textes comme dans leur réseau, leur connaissance de ce mode de reproduction nouveau, au sein de réseaux savants ne passant ni par Londres, ni par Paris. Et divers auteurs vont alors peu à peu chercher à identifier la division chez les animalcules, avec plus ou moins de succès. Ainsi, au lendemain des exhortations de Bonnet, un membre de la société, le médecin berlinois Jakob Philip Pelisson (1743-1815) avait tenté de voir la division, sans toutefois y parvenir121.
Les tentatives de reconstruction du triplet : Wilhelm Friedrich von Gleichen
42C’est à partir des ajouts à la traduction de l’Insectologie par Goeze qu’un personnage tel que Gleichen en Bavière prend connaissance des expériences de Saussure. En 1778, il publie dans son Abhandlung über die Saamen-und Infusionsthierchen le résultat de quinze ans d’observations microscopiques. Dans cet ouvrage qui cite toute la littérature sur les animalcules depuis Leeuwenhoek — il manque malheureusement Corti et les Opuscoli de Spallanzani —, il cherche entre autres à revoir la division. Comme Ellis, Gleichen y voit un mécanisme exceptionnel et son cas est particulièrement intéressant pour comprendre quels sont les composantes qui rendent possible le réenvisionnement du phénomène et quels sont celles qui l’obstruent. Ainsi relate-t-il, d’après Goeze, l’expérience saussurienne de réclusion et deux des envisionneurs, la proportion et le cycle : « les deux parties résultantes de la division devenoient, par l’accroissement, des animalcules entiers et de la taille de ceux dont ils provenoient »122. En principe donc, tous les éléments sont là pour envisionner le phénomène et lui donner la même interprétation que Saussure. De fait, Gleichen, observateur acharné qui diversifie ses procédés, qui varie les matières organiques en infusion et l’eau employée, qui fait des milliers d’observations souvent intéressantes, parvient à voir à trois reprises la division123. De plus, parmi de très nombreuses représentations réalistes des animalcules, il donne des figures contenant des séquences de jonction et de division124. Celle-ci a donc lieu, mais, dit-il « cette espèce de propagation est la plus rare »125.
43Voyons, si comme pour John Ellis, le fait de ne lui attribuer qu’un statut accidentel peut être rapporté à l’absence de reconstruction du triplet intégral, en en distinguant les obstacles.
44Il y a tout d’abord sa relation avec l’expérience de Saussure, à propos de laquelle il formule certaines réserves :
Il s’élève ici des doutes, que mon intelligence trop bornée peut-être ne peut pas dissiper. A un foible grossissement, un animalcule seul, qui nage dans la goutte, ne peut pas sans doute se soustraire aisément à l’œil de l’observateur ; mais alors on n’aura jamais la certitude de pouvoir dire, que l’animalcule s’est partagé, quand même on supposeroit qu’on découvrit dans la goutte, à un grossissement plus fort, un second animal long-tems après le premier dont on le croiroit une moitié. Quand il n’y a qu’un animalcule dans la goutte, il n’arrive que trop souvent qu’il ne se présente à l’œil qu’une seule fois, ou point du tout, et qu’il se perd ensuite pendant l’évaporation du fluide126.
45Fort pertinente comme recommandation générale, cette critique s’applique mal à l’observation du Genevois. En revanche, elle montre que Gleichen n’arrive pas à concevoir comment Saussure a visualisé concrètement la division, laissant entendre que la division a été inférée à partir d’observations discontinues effectuées avant (un animalcule) et après (deux animalcules), mais non pas pendant. Et, ceci, bien qu’il rapporte juste auparavant le fait que Saussure « a eu la patience et l’adresse de mettre seul, dans une goutte d’eau, un de ces animalcules parfaits, qui s’est partagé en deux sous ses yeux »127. Or, cette absence correspond exactement à l’envisionneur temporel nécessaire pour s’attendre à voir le phénomène : il faut rester l’œil au microscope sans s’interrompre avant, pendant et après, c’est-à-dire du début à la fin du processus de division. Le problème est aussi en partie technique :
et quand même on auroit réussi à transporter l’animalcule dans un autre vase fourni d’eau, comment l’en tirer ensuite, pour le placer sur le porte-objet dans une goutte, pour pouvoir suivre commodément les circonstances de sa propagation, et compter toute sa postérité ?128
46On voit que, là où Saussure puis Spallanzani inventent de nouveaux procédés pour résoudre ce problème, Gleichen est embarrassé même à s’imaginer comment le Genevois est parvenu à isoler l’animalcule — grâce à la soie de porc que, effectivement, il ne mentionne que dans son journal d’expérience. Cette difficulté à se représenter l’expérience saussurienne se prolonge dans une réalisation divergente car, lorsque Gleichen, également reconfiné, refait l’expérience, la description de son propre mode d’observation vient confirmer l’absence ou, du moins, le statut inopérant des trois principaux envisionneurs (proportion, cycle et continuité temporelle) :
En lavant le porte-objet, avec de l’eau de pluie bien pure, dans un petit verre, j’ai mis un seul animalcule, que j’ai vu un jour dans une goutte d’une infusion de pois faite avec la même eau : le troisième jour suivant, a paru une fourmilliére de petits, ovales : le quatrième jour et les suivans, c’étoit une mer pleine d’animalcules formés et à demi-formés ; mais on n’y appercevoit pas le moindre vestige de division129.
47Pour visualiser le phénomène, il ne s’agit donc pas de rapporter d’après autrui des envisionneurs — ce que fait Gleichen —, il s’agit surtout de se les approprier en les validant par transformation dans son propre confinement. Là où sont nécessaires des exigences spécifiques, son attitude d’approximation expérimentale — jamais il ne qualifie l’expérience de « cruciale » comme Spallanzani — prolonge un certain laxisme par lequel il s’accorde avec Needham sur l’absence de précautions expérimentales : « M. Needham n’a point eu tort d’avancer que cela est indifférent, et que les animalcules naissent toujours dans les vaisseaux ouverts ou fermés, dans l’eau bouillie ou crue ; mes expériences confirment l’un et l’autre »130.
48Une seconde raison, liée aux limites de l’agir téléonomique, se laisse voir dans son modèle de la génération selon quoi « le systême général de la propagation suppose l’accouplement »131. Cet axiome va servir à orienter son regard vers la jonction d’animalcules, en utilisant cette fois-ci l’envisionneur proportionnel :
J’en ai compté en deux fois, dans l’espace de 16 jours, trois à quatre couples, toujours dans trois et quatre différentes gouttes de mon eau de pluie, que j’ai observées consécutivement ; au moment où je les vis, ils étoient déjà joints, de la manière dont je les représente, et je crus appercevoir cette division, qu’ont décrits de si célèbres observateurs. Je ne vis plus que ces animalcules, et je ne les perdis point de vue. Mais l’animalcule à diviser devant être une fois plus gros, que les animalcules ordinaires, et n’en ayant point encore vu de tels jusqu’alors, la disproportion de cette cohérence des deux corps, à l’un d’eux dont chacun étoit aussi gros qu’un animalcule simple, rendoit incertain l’espoir que j’avois conçu de voir cette division132.
49Gleichen peut donc clairement tenir compte de l’envisionneur proportionnel taillenombre qui lui permet de distinguer la division de l’accouplement. Il manque toutefois deux dimensions pour attribuer à cette observation, telle qu’elle est rapportée, un statut discriminant. D’une part, il néglige l’envisionneur de la continuité temporelle — le regard capture les animalcules pendant le processus et non avant son début. D’autre part, il ne se donne pas les moyens, comme dirait Popper, de se réfuter en confinant deux animalcules identiques pour en repérer, lorsqu’ils viendraient à s’unir, le résultat en termes de propagation. Ce procédé crucial, c’est-à-dire qui permet de discriminer, n’est pas employé. À la place, comme Saussure au début de son enquête, il se contente simplement de tirer parti des conditions favorables d’isolement d’un couple d’animalcules parmi d’autres, comme il l’explique dans une observation dont il commente les figures : « la huitième et la neuvième de la Pl. XXVIII offrent deux animalcules joints, que j’ai distingués autant que cela est possible, dans une foule de pareils êtres mus dans un fluide avec autant de vivacité »133. Par conséquent, le confinement expérimental, dont l’expérience de réclusion n’est qu’une réalisation matérielle, n’est pas seulement un problème technique mais bien épistémologique, car il semble que Gleichen ne conçoit pas ce que change le confinement expérimental face à l’isolement d’un animalcule éloigné des autres : la possibilité d’éliminer le bruit expérimental lié aux inévitables mouvements spontanés des animalcules dans la goutte.
50À cela s’ajoute une difficulté semblable relative à l’eau. Les mêmes animalcules sont suivis « pendant 20 minutes au moins sans se séparer, jusqu’à l’entière évaporation de la goutte »134. Presque toujours, lors des accouplements, séparations, jonctions et disjonctions consécutives d’animalcules, c’est l’assèchement de la goutte qui met fin à l’observation et non l’observateur, y compris lorsqu’il voit la division pour la première fois :
je vis deux animalcules de cette forme, dans de l’eau de neige, qui étoit dans une chambre chaude ; je remarquai que l’étranglement augmentoit de plus en plus. fig. 19, comme dans les globules qui viennent d’être décrits, les deux parties prenoient aussi l’une sur l’autre ; enfin, fig. 20, elles se séparèrent, à un petit fil près, presqu’invisible, qui les unissoit encore, et la séparation effective suivit aussi-tôt. Tout cela se passa tandis que l’animalcule parcouroit le fluide avec assez de vitesse. J’ai eu enfin le bonheur de voir ici s’effectuer la séparation que j’attendois depuis long-tems, après avoir observé pendant plusieurs années des millions d’animalcules d’infusions. Et […] je ne doute plus maintenant que les animalcules précédens, aussi-bien que ceux de la planche suivante, fig. 7, c, fig. 11 et fig. 14, ne se fussent aussi partagés en prolongeant les observations qui ont été interrompues par l’évaporation de l’eau135.
51La maîtrise de l’évaporation et les effets du rajout de l’eau constituent aussi un problème technique. Cependant, cela demeure pour Gleichen à l’état d’obstacle car, s’il en identifie les conséquences néfastes sur l’observation — on perd de vue l’animalcule —, il ne le conçoit pas comme un problème à résoudre :
comme je remarquai que l’eau alloit s’évaporer entièrement, afin de pouvoir suivre plus long-tems ce spectacle, j’y en ajoutai de la fraîche, avec toutes les précautions possibles ; mais ainsi qu’il arrive presque toujours dans ce cas-là, mon protée disparut, et il ne me fut pas possible de le retrouver136.
52Cela n’empêche pas que, dans d’autres observations, Gleichen parvienne à instrumenter l’assèchement de l’eau, en particulier pour visualiser une pellicule « qui ne devient visible, et seulement avec la plus forte lentille, que quand l’eau commence à manquer à l’animalcule, auquel on voit alors un mouvement viperin »137. Ainsi, comme Trembley, comme Saussure dans son journal, Gleichen réussit à métamorphoser l’évaporation de l’eau en procédure, c’est-à-dire à l’intégrer dans son propre agir téléonomique. En revanche, il ne parvient pas à convertir l’éloignement d’un animalcule face à d’autres en une véritable séquestration, devenue, chez Saussure, l’expérience de réclusion. De la sorte, comme on l’a vu, Saussure s’était transformé lui-même en convertissant dans son propre agir téléonomique toutes les propriétés disponibles du milieu et en créant en même temps un nouveau contexte de réalité. En revanche, d’après son rendu public — il ne s’agit pas ici de son journal qu’il serait fort intéressant d’analyser — Gleichen ne le fait que partiellement et reste, pour certains aspects, assujetti aux propriétés du milieu sans les convertir dans son agir téléonomique. Pour lui, les deux difficultés — l’observation des animalcules lors de leur isolement fortuit et spontané et les troubles causés par l’ajout d’eau lors de l’évaporation de la goutte — demeurent des obstacles disjoints l’un de l’autre. Or, ces mêmes obstacles, également rencontrés par Saussure, furent justement transformés en problèmes et résolus par leur articulation synthétique dans l’expérience de réclusion : à la goutte recevant l’animalcule, on pouvait ajouter toute l’eau nécessaire non seulement pour visualiser la division dans son ensemble, mais encore pour en voir la suite plusieurs jours après. La chose est logique : lorsque l’animalcule est confiné, le bruit expérimental est neutralisé, les causes de variation sont ramenées à une cause principale et donc ce qui se passe — l’augmentation du nombre d’animalcule — peut être logiquement rapporté à la division. D’autant plus si, par envisionnement c’est-à-dire par prévision visuelle de certains traits du phénomène, on l’observe.
53L’accouplement est bien une théorie au sens où elle l’autorise à réinterpréter les idées d’autrui : « d’après mes observations, ce qu’offre la figure [7a, pl. VII de Goeze, fig. 65] a bien plutôt l’air d’un accouplement, que d’une division »138, voire de suspecter des fraudes intentionnelles : « Peut-être aussi que, où j’ai soupçonné un accouplement [un autre observateur] n’en auroit point vu, dans le dessein de faire plus aisément de vrais polypes de nos animalcules d’infusions »139, c’est-à-dire des animaux qui se divisent. Et pourtant, les savants qui le précèdent avaient éliminé l’accouplement pour lui substituer la division, Saussure en tête : « si vous voyiez, Monsieur, pour la premiere fois un de ces Animaux dans le moment où il est sur le point de se diviser, vous croiriez que ce sont deux Animaux accouplés. Je m’y trompais complettement la première fois que je les vis »140. La protection contre cette interprétation résulte de l’observation du phénomène pris durant tout son décours temporel grâce à l’envisionneur de la continuité temporelle permettant d’identifier les étapes du processus : « je ne fus détrompé que quand j’en eu vu un passer successivement dans l’espace de vingt minutes par tous les degrés qui séparent l’étranglement le plus imperceptible d’une séparation parfaite »141. Müller indique également, dans un texte qu’a lu Gleichen, qu’on prend souvent des divisions pour des accouplements142.
54Finalement, une troisième série d’obstacles concerne le transmutationnisme et s’enracine dans ses idées relatives au pouvoir de l’eau et de la force vitale. En bon connaisseur de la littérature sur la génération, l’observateur bavarois présente d’abord les théories en vigueur, qu’elles soient spontanéistes ou préexistentialistes : « M. de Buffon a donné la préférence à la fermentation, M. Needham à la végétation, et, parmi plusieurs autres, MM. Backer et Reaumur, aux œufs de mouches invisibles, et enfin M. Bonnet aux œufs préexistans dans les infusions, ou qui y tombent de l’air »143. À nouveau, on voit bien là qu’il n’est pas du tout question de préformation, mais bien de préexistence au sens de transmission de l’espèce par un germe que Gleichen interprète comme œuf. Mais, face à l’eau, Gleichen adopte une posture de déférence et se rapproche de Needham qu’il cite à propos de l’épuisement de la force vitale :
quand le tout est parfaitement évaporé et privé de sa force vitale, il ne reste absolument rien d’animé dans l’infusion ; évènement qui prouve très-clairement, selon moi, que ces êtres ne proviennent point de dehors par des germes étrangers qui s’y déposent, mais de la nature même constitutive des vaisseaux organiques qui se décomposent. Comment, sans cela, concevoir que pas un seul être mouvant ne se montre après la parfaite évaporation de la substance infusée ?144
55Or, ce raisonnement est incomplet, c’est-à-dire qu’il n’envisage pas toutes les hypothèses en jeu, car l’absence d’eau pourrait aussi tuer simplement les animalcules, idée opposée à la force vitale qui disparaît avec l’évaporation. Pour Gleichen, les animalcules se trouvent toujours dans l’eau quel que soit son traitement, qu’elle soit filtrée ou non, bouillie, fraîche ou distillée, dans des vases ouverts ou clos145 et ils s’y développent ensuite au gré de la nourriture. Il réalise d’ailleurs de nombreuses expériences pour tester l’origine des infusoires en les illustrant dans des schémas où les résultats deviennent visuellement comparables, mais aucune d’entre elles n’acquiert un statut permettant de discriminer les théories. Car cette présence constante de la vie animale le fait remonter de l’effet à une cause : les animalcules viennent avec l’eau, donc l’eau est nécessaire à leur existence ; et là, au lieu de se demander si l’eau en est une condition nécessaire et suffisante, il déduit que les particules mêmes de l’eau sont les constituants de la vie : « C’est donc dans les parties intimes et constitutives de l’eau qu’il faut chercher le principe de la vie, dans le règne animal et dans le végétal »146. C’est pourquoi l’origine des animalcules « ne peut être attribuée, ni à la fermentation des végétaux infusés, ni à la décomposition des particules animales des infusions animales »147. La preuve ultime est donnée non pas par un triplet abouti — quels acteurs ont réussi à le reconstruire ? —, mais par un raisonnement basé sur une erreur de logique, sur l’absence d’inclusion d’autres hypothèses et sur l’incompréhension de la nature du confinement expérimental : « puisqu’ils naissent aussi dans une eau qui n’est mêlée d’aucun autre corps, on ne pourroit guère souhaiter de preuve plus sensible de l’existence de la matière première dont sont formés ces êtres dans l’eau »148. Un nouveau transmutationnisme se fait donc jour ici, par lequel, de manière proche de Needham mais en concurrence avec lui, une certaine sémantique totalisante et sacralisante détermine les envisionneurs utilisés et contribue à éviter d’éprouver leur validité.
56Au cours du xviiie siècle, sous l’impulsion de Trembley et des bonnetiens, l’eau commence à devenir un milieu, au sens le plus biologique que peut recevoir ce terme anachronique en l’appliquant à cette époque. Pour Needham, l’eau est un simple contenant et la force vitale loge dans la végétation, qui est une propriété des particules de matière. En revanche, pour Gleichen, l’eau est le possesseur de la force vitale et cette sorte de sacralisation d’une portion du réel se prolonge, comme chez Needham — ainsi que chez Bonnet, Haller et Spallanzani pour le cas de la préformation embryologique — dans des obstacles à la création ou à la reconstruction des triplets. Autrement dit, si Gleichen ne peut pas concevoir la dimension apodictique du confinement expérimental comme une élimination du contexte, c’est probablement aussi parce que l’eau semble avoir un statut absolu, inconfinable, possesseuse de la force vitale. Cet ensemble, et particulièrement le laxisme expérimental et épistémologique qu’il suppose, se résume dans un trait de Haller qui, à lecture des premiers ouvrages de Gleichen et de Ledermüller — il préfère nettement le premier au second —, écrit en 1766 à Bonnet : « Ces gens là ont les yeux du visage ; ils n’ont pas également ceux de l’esprit »149. Douze ans plus tard toutefois, si la verve expérimentale ne s’est pas vraiment développée, l’Abhandlung de Gleichen fera date pour plusieurs raisons : il marque son temps par une citation systématique de la littérature microscopique, par la qualité de son iconographie qui préfigure celle du début du xixe siècle et, de l’autre, il rend accessible une technique de coloration au carmin que Gleichen a inventée. Utilisée pour de nombreuses observations, cette innovation est à l’origine de toute une région d’envisionneurs nouveaux qui participeront des développements ultérieurs de la microscopie.
57Si donc, à partir de 1770, on se met à reconstruire le triplet, les observateurs restent cependant partagés, car tous ne voient pas la division, ou ne l’identifient que rarement. De plus, les espèces, peu déterminées, prenaient un temps très variable pour se diviser : il suffisait de travailler sur une espèce trop lente à se séparer pour ne rien voir, même en ayant le regard dirigé. Gleichen, qui a une longue expérience du microscope, participe de cette constellation des spontanéistes qui a vu le jour au milieu du siècle. Se met ainsi en place, durant la seconde moitié des Lumières, une compétition entre les différents transmutationnismes, d’autant plus vaste qu’elle touche également la botanique microscopique.
Le renouveau du transmutationnisme végétal
58Les travaux de Needham, dont des résumés avaient paru dès le milieu du siècle dans le Hamburgisches Magazin150, avaient fourni au lectorat germanique une nouvelle base pour le transmutationnisme. La théorie sera appliquée à différents organismes microscopiques et, entre autres, aux germes des champignons. Si certains botanistes, notamment Gleditsch à Berlin151, travaillent sur l’origine des champignons dans le paradigme préexistentialiste ouvert par le botaniste florentin Pietrantonio Micheli (1679-1737), identifiant la transmission de l’espèce par leurs semences, d’autres savants exploitent le filon spontanéiste. Ainsi, au milieu du siècle, le médecin Christoph Gottlieb Büttner (1708-1776), professeur d’anatomie à Königsberg, avait fait quelques expériences sur le Cyathus striatus, qui semblaient apporter des preuves de l’origine animale des champignons. Ses idées inspirèrent d’autres savants. Le plus célèbre de ces personnages, le Baron Otto von Münchhausen, riche amateur féru d’agronomie, allait redonner dès 1765 une impulsion au transmutationnisme. Il avait observé la poudre noire d’un Lycoperdon mis en infusion. Examinées au microscope, les petites sphères mises dans l’eau se changeaient en boules ovales présentant des caractéristiques animales. Le jour d’après, elles formaient une trame dont provenait de la moisissure ou bien des champignons152. Münchhausen considéra que les petites sphères se muaient en tubes « dans lesquels des polypes se meuvent en avant et en arrière, et qui constituent une large structure »153. Les germes des champignons se présentaient d’abord sous une forme animale, puis se muaient en plantes, les sphères étant bien animées comme celles du blé avarié de Needham. Correspondant avec Linné, Münchhausen lui fit part de ses idées et celui-ci proposa à son disciple Johannes Carolus Roos (1745-1828) de répéter ces observations puis d’écrire une thèse sur les organismes microscopiques, soutenue en mars 1767154. Linné avait déclaré dans la Philosophia botanica reléguer la génération spontanée « parmi les fables »155, mais il allait pourtant s’accommoder du transmutationnisme.
59Armé du microscope Cuff de Linné, Roos avait répété les observations et retrouvé les mêmes résultats que ceux de Münchhausen. Au cœur de son travail, Roos avait invoqué l’idée de Münchhausen pour expliquer que des animalcules puissent provenir du blé avarié. Ayant examiné cette poussière à travers son microscope, une centaine d’observations lui montrèrent que la poussière était faite de petits globules transparents, au centre desquels se trouvaient des points noirs. Ceux-ci étaient pris pour les œufs d’une infinité de minuscules insectes ou de petits vers. À mettre ces corps dans l’eau en la maintenant à une température stable, des animalcules ovoïdes en sortaient, se brisaient pour laisser paraître des œufs. Selon Roos, « lorsqu’on met cette poussière dans l’eau et qu’on l’expose à la chaleur estivale durant quelques jours, de vrais animalcules sortent de ces œufs »156. L’expérimentalisme sérieux laisse peu de place à l’improvisation non contrôlée et l’on peut comprendre pourquoi des expérimentalistes chevronnés tels que Bonnet et Spallanzani éprouvaient une aversion face aux recherches entreprises par Linné et son école. La maîtrise des procédures expérimentales confinées n’était pas le propre de l’école linnéenne157, car aucun contrôle expérimental n’était proposé pour neutraliser des facteurs parasites, par exemple l’arrivée de germes nouveaux à travers l’air. Roos refit l’expérience avec le microscope de Linné et vit des myriades d’animalcules. Cependant, en plus de ne pas avoir contrôlé l’apparition des œufs puis des animalcules en couvrant l’infusion et en utilisant de l’eau bouillante, comme de nombreux textes expérimentaux le préconisaient, Münchhausen puis Roos ne maîtrisaient pas beaucoup plus les canons de l’écriture scientifique permettant de spécifier les nombreuses variables comme le temps, la température, le mouvement ou même la morphologie des animalcules. En 1767, après les travaux de Wrisberg et surtout ceux de Spallanzani, après Joblot, Lyonet, Baker, Needham et Wright158 qui tous avaient parlé de la nécessité de bouillir l’eau pour étudier la génération des animalcules, la répétition d’une telle expérience supposait de prendre au sérieux les manipulations de laboratoire et le design des plans d’expériences. Certes, Roos dit avoir fait des centaines d’expériences, mais elles semblent finalement revenir à une seule, tant leur description est stéréotypée. Répéter des expériences microscopiques supposait une maîtrise du travail de laboratoire et du contrôle expérimental, c’est-à-dire des formes expérimentales du confinement.
60Bien qu’il se fût décidé pour le transmutationnisme des êtres microscopiques, Linné n’en demanda pas moins en janvier 1767 à son correspondant anglais John Ellis, bon connaisseur de la systématique, de refaire les observations de Münchhausen. Les ayant répétées, Ellis en conclut à une distinction radicale entre les animalcules infusoires et les semences des champignons. Insatisfait de cette réponse, Linné en demanda plus en octobre 1767 et alors qu’Ellis réitérait ses résultats, Linné campa dans sa position transmutationniste159. Entre-temps, il s’en était aussi fait l’écho dans la 12e édition du Systema Naturae, nommant cette production de la nature qu’il cherchait à réduire à une seule espèce, Chaos fungorum seminum160. Saussure, qui posait pied en Angleterre au milieu de 1768, eut connaissance de la controverse à travers Ellis, car de retour à Genève en avril 1769, il s’était adressé à Haller pour lui demander des précisions sur les recherches microscopiques du Baron161. En parallèle, en s’appuyant sur la dissertation de Roos, Needham avait aussi fait référence aux recherches de Münchhausen pour étayer sa version princeps du transmutationnisme162. Et Bonnet l’avait signalé expressément à Haller :
Admirés la Logique de notre Epigenesiste : parce qu’on n’a pu découvrir les Semences des Champignons, il en infère tacitement qu’ils n’en ont point, et qu’ils se forment de la Substance animale. Est-il vrai dailleurs qu’on n’a pu découvrir ces Semences ? Michéli de Florence ne les a-t-il pas représentées dans ses Nova Genera ? Peut être néanmoins a-t-il été un peu au dela de ce qu’on peut voir nettement. Je les ai souvent cherchées inutilement d’après lui : mais, il ne m’est pas venu un instant dans l’Esprit d’en inferer, que les Champignons ont une autre Origine que le reste des Végétaux163.
61La querelle se répandait en l’Europe, car au Danemark Müller s’était également entiché de transmutation des germes des champignons. La même année, dans l’article des Philosophical Transactions sur la division, Ellis admettait maintenant que les animalcules provenaient de la putréfaction du champignon164, opinion qu’il reprit en 1773 dans le Gentleman’s Magazin de Londres165. Le Journal de Physique ayant publié une version française du texte d’Ellis, la controverse acquit une dimension européenne. Partie de l’Allemagne, elle aboutissait en France, en Suisse puis en Italie, en étant passée par la Suède, le Danemark et l’Angleterre.
62Le texte d’Ellis qui réfutait les expériences de Münchhausen fut rapporté dans divers journaux, dont les Commentaria de Leipzig166. La controverse prit ainsi une ampleur hors de son lieu d’origine et certains auteurs embrassèrent sa position, derrière laquelle trônait vaguement l’ombre de Needham. Un ennemi de Spallanzani, le botaniste Giovanni Antonio Scopoli (1723-1788) de Pavie l’avait adoptée, de même que Müller167. En France, en 1783, des académiciens de province interprétèrent aussi certaines de leurs expériences en faveur du transmutationnisme : des champignons laissés à macérer dans l’eau engendraient des animalcules168. Pourtant, le transmutationnisme faisait également l’objet de nombreuses attaques. Gleichen critiqua Münchhausen et notamment son microscope de Culpeper, prétendument source d’illusions d’optique169. Le botaniste de l’Électeur Palatin Nathaniel Necker (1729-1793) disputait également la lignée d’expériences transmutationnistes allant de Büttner en 1751 à Linné et Roos en passant par Johann Karl Wilcke (1732-1796), Münchhausen et Ellis, leur opposant les idées de Bonnet et les expériences de Spallanzani170. Dans le Journal de physique, certains auteurs rapportaient des observations contre Münchhausen ou bien annonçaient sa défaite171, ainsi Ambroise-Marie Palisot de Beauvois (1752-1820)172 dont Lamarck publiera l’article sur les champignons en 1783 dans l’Encyclopédique méthodique173. Le monde savant était partagé sur la question. D’un côté, de nombreux botanistes professionnels suivaient Micheli, Gleditsch et Johann Hedwig (1730-1799), auteurs favorables à la préexistence des germes, c’est-à-dire l’antispontanéisme, et de l’autre, fleurissait le réseau grandissant d’amateurs naturalistes influencés notamment par la vague grandissante du linnéisme.
Des générations ambiguës : Bonnet contre Müller
63Il n’y avait pas que des amateurs. D’autres retombées de la théorie de Needham allaient se faire sentir et notamment la reprise du transmutationnisme par le fondateur de la systématique des infusoires Otto-Friedrich Müller. Bonnet avait été mis au parfum par une lettre d’octobre 1769, où, annonçant la publication d’observations sur les champignons, Müller déclarait : « leur generation est très équivoques ; je ne suis pas trop éloigné de les croire l’ouvrage des vermisseaux, ou des animalcules »174. Cette lettre présentait le savant danois sous un jour nouveau. Car jusqu’à présent leur correspondance avait essentiellement traité de botanique et d’entomologie et Müller avait juste effleuré les polypes dans une lettre de 1767. En 1769 surgit donc, avec les champignons, le spectre de la génération spontanée. En réponse, alors qu’il l’avait déjà informé des travaux de Spallanzani, Bonnet profite de l’occasion pour critiquer le récent ouvrage de Needham : « Soupçonneriés-vous encore, qu’il ose soutenir que des Champignons peuvent être engendrés par un Animal ; c’est à dire, se former actuellement des Sucs & des Fibres de l’Animal ? »175. Le choix de parler des champignons, thème nouveau, n’était pas indifférent, car Bonnet continue :
Je ne comprend point larticle suivant de votre Lettre : leur Génération est très équivoque : Je ne suis pas trop éloigné de les croire l’ouvrage des Vermisseaux, ou d’Animalcules. Que veulent dire ces expressions, de Generation équivoque ? admettriésvous des Generations équivoques dans les Etres organisés ? Que veulent dire encore ces mots, l’ouvrage des Vermisseaux ou d’Animalcules ? Admettriés-vous cette monstrueuse Physique de Mr. Néédham, dont je vous parlois il n’y a qu’un moment ?176
64La réponse sera différée et une année plus tard Müller reprend la question : « je n’ai pas voulu dire autre chose, si non qu’il est encore très indecis, si ces sont des plantes, des polypiers ou plûtot une troisième sorte ; je suis infinement éloigné des sentimens de Mr. Nedham, contredits par la nature, par la saine raison & par toute experience »177. Il expliquait qu’il ne comprenait rien à la génération des champignons, à cette suite de globules, ou peut-être d’animalcules, en ajoutant modestement, dans une oeillade à son correspondant : « quel homme penetrera ce mystere ? »178.
65Par la même lettre, Müller, également pris dans l’effet Trembley, envoyait à Bonnet le premier livre d’une série de publications dont beaucoup allaient porter sur les créatures microscopiques peuplant les eaux. Cet ouvrage sur les vers aquatiques approfondissait l’étude de la régénération des vers d’eau douce que Bonnet avait entamée en 1745, dans la seconde partie du Traité d’insectologie. Et les Würmern des süssen und salzigen Wassers révélaient également les qualités d’observateur de Müller — de quoi rassurer Bonnet. Haller, qui connaissait aussi Müller et en estimait les travaux, avait servi d’intermédiaire pour envoyer à Genève le livre, qu’il n’avait pas manqué de lire avant de le recommander : « Son traité des vers aquatiques est bon ; ce n’est pas de ces nomenclateurs que vous haissés. Il y a beaucoup d’expp. sur la reproduction, et sur le bourgeonnement de ces vers »179. Müller y approfondissait des expériences de régénération des annélides, mais, surtout, il avait constaté l’existence de la division naturelle comme procédé de reproduction chez certains minuscules vers d’eau douce qu’il avait nommés Naïades et dont il avait donné des figures ainsi que les généalogies des divisions.
66Aussi dans une lettre de Bonnet à Haller de novembre 1771, la division avait-elle refait surface, mais cette fois-ci, à propos d’un nouveau genre :
Par le petit Compte que mon Interprête m’a déja rendu de Müller, je vois qu’il a beaucoup ajouté à mes Observations. Quand je les publiai en 1744, j’ignorois la Multiplication par Division naturelle : Mais, j’avois trop et trop longtemps observé mes Vers de la 1ère Espèce, pour que cette sorte de multiplication m’eut échappé, si elle leur avoit appartenu. J’avois décrit d’autres Vers plus petits où j’avois vû des Divisions que j’attribuois à des accidents. Les Polypes à Bouquet, dont j’ai tant parlé depuis, ne m’étoient pas encore connus180.
67Sans donner les détails catégoriels, Bonnet montre ici la distance franchie entre 1745 où, assistant à des divisions, il les attribuait à des accidents, et son temps actuel, depuis l’hypothèse de la division émise en 1762, confirmée depuis par Saussure et d’autres savants. Un nouveau contexte de réalité, un nouveau langage abouti s’étaient installés et le doublet reliant la réclusion expérimentale à la division ne cessait de s’amplifier en touchant de nouvelles espèces. Bonnet avait suffisamment apprécié le livre pour en parler à Spallanzani au début de 1772, insistant une fois de plus sur la division « qui s’étend de plus en plus »181. Et enfin il enverra une réponse élogieuse à Müller à propos de la division, dont il avouait n’avoir pas réussi, trente ans auparavant, « à fixer l’objet sous son vrai point de vuë. Vous l’avés fait, & vos Observations sur cette espèce de Vers aquatiques sont de nouvelles Vérités qui enrichissent l’Histoire déjà si riche des Réproductions animales »182. Müller était-il une nouvelle conquête à inscrire dans la lignée des travaux préexistentialistes des réaumuriens ? Savant d’autant plus prometteur qu’il était actif sur tous les plans — nomenclature, expérimentation et iconographie — comme le montrent ses travaux des années 1780 sur les entomostracés et les araignées d’eau.
68Pour autant, Bonnet, qui correspondait avec Müller depuis l’été 1766, ne l’avait jamais informé de la découverte de la division par Saussure. Au cours d’un voyage en Italie, Müller s’était arrêté à Genève l’été 1766, et y avait fait la connaissance de Trembley, Bonnet et Saussure, ouvrant ainsi des correspondances avec ces deux derniers183. Mais de 1766 à 1773, aucune lettre ne touche à la division. De fait, la division mise en évidence par Müller, tout en s’appuyant sur les travaux antérieurs de Bonnet et de Trembley, ne doit vraisemblablement rien aux recherches de Saussure. Elle atteste plutôt que, toujours dans la mouvance des travaux classiques des Genevois, la division, circulant entre autres par le langage abouti mais hypothétique des œuvres de Bonnet, était devenue une des catégories d’observation employées par certains naturalistes pour étudier les modes de reproduction des corps organiques. En 1773, Müller écrivait à Saussure :
J’apprends de votre lettre à Mr. Bonnet, imprimee à la fin du 1 vol de la Paling : 1 ed. allemande, que Vous devés avoir travaillé beaucoup sur les animalcules d’infusion, & je ne suis pas peu flatté de ce que nous nous rencontrons sur ce chemin, & que je puisse remettre mes essais dans ce genre au jugement d’un connoisseur tel que Vous, mon ami toujours cheri & estimé184.
69Müller avait donc appris tardivement l’existence de la découverte à travers la traduction allemande de la Palingénésie par Lavater, publiée en 1770. Il avait auparavant lu la première édition française de la Palingénésie de 1769185, mais la lettre n’avait été publiée que dans la réédition de 1770.
70Par la même lettre du 7 avril 1773 à Saussure, Müller envoyait également son nouvel ouvrage Vermium terrestrium et fluviatilium. Paru en 1773, ce livre qui fait date dans l’histoire de la recherche microscopique en créant la systématique des infusoires faisait référence à Saussure en citant la même source, la Palingénésie186. Même minimaliste, la stratégie de visibilité enclenchée par Bonnet suite à l’incompréhension de Needham parvenait à cibler un lectorat de choix pour faire circuler la paternité de Saussure sur la découverte et il ne faudrait pas sous-estimer la circulation et l’impact de la Palingénésie philosophique et des autres passages de la lettre de Saussure recopiés jusqu’à la Révolution187. Cependant, une des conséquences de ce mode de publication — une lettre dans un ouvrage de philosophie naturelle, au lieu d’un mémoire, même bref, inséré dans un journal — était que Saussure n’allait pas être cité selon les règles de l’art employées par les naturalistes. Déjà, Müller le cite sans astreindre sa citation au système de référence strict inhérent à la systématique linnéenne qui modèle pourtant son travail. Et Müller n’avait pas vraiment le choix, car de fait, les descriptions d’animalcules de Saussure ne permettaient pas de déterminer l’espèce sur laquelle il avait travaillé. Face à un travail de la sorte, dans lequel le Genevois s’était concentré sur les phénomènes au détriment des déterminations spécifiques, on comprend que Müller ne l’ait cité que dans le contexte des récentes découvertes physiologiques relatives aux animalcules, c’est-à-dire dans un texte et non dans une synonymie — une liste de références — laquelle convoque nécessairement, dans la tradition d’histoire naturelle systématique, l’appel à la référence codifiée. De son côté, fort de sa découverte de la division chez les petits vers aquatiques, Müller avait également déterminé divers genres d’animalcules — Monades, Paramécies, Cyclides, Trichodes et Vorticelles — qui se divisaient pour se reproduire188, ainsi que plusieurs autres animalcules se reproduisant de la même manière. Il commençait donc à généraliser non la seule découverte de la division, mais bien le triplet contexte de réalité-expérimentation-phénomène à différents genres et espèces d’infusoires, lesquels, à la différence de Saussure, étaient déterminés systématiquement, c’est-à-dire désormais reconnaissables morphologiquement, identifiés par un nom standardisé et devenus donc des naturalia reproductibles.
71En 1773, le différent relatif à la génération spontanée des champignons était loin derrière, estompé par ses Würmern de 1771. Toutefois, Müller allait présenter dans le Vermium terrestrium et fluviatilium une version peu orthodoxe de la génération, reprenant à son compte certains aspects de la théorie needhamienne, notamment la transmutation. Sans doute s’était-il proclamé comme étant à l’écart des idées de Needham et ajoutait même n’avoir jamais eu ses ouvrages entre les mains. En avril 1773, il déclarait : « je n’ai pas encore vu les memoires de Mr. Spalanzini sur les animalcules […]. ni les œuvres de Mr Needham, quoique je les aie souvent demandés à Mr. Philibert »189. Cette absence de Needham sera d’ailleurs remarquée par certains lecteurs190. Pourtant, la réapparition du transmutationnisme chez Müller, sans influence directe de Needham, était parfaitement plausible du fait qu’au nord de l’Europe circulaient depuis une vingtaine d’année des idées transmutationnistes que plusieurs savants avaient défendues sans faire référence à Needham — mais qu’il était le premier à avoir formulé dans un environnement académique. Une nouvelle controverse sur les animalcules allait s’ouvrir à l’occasion de l’envoi du même Vermium à Bonnet, en avril 1773191. L’ouvrage avait à nouveau transité par Haller qui en avait reçu plusieurs copies dont deux à l’intention des Genevois, envoyées en juin 1773192. Ayant reçu le Vermium en octobre et toujours soucieux de l’avis de Haller, Bonnet le lui demandait sans cacher son enthousiasme : « Qu’avés-vous dit de l’Ouvrage du brave Muller sur les Animalcules ? On ne s’étoit pas encore avisé de classer ces Etres microscopiques. Combien nous sont-ils peu connus ! »193. Admirateur de Bonnet, de Haller et de Linné, Müller leur avait dédié l’ouvrage. Mais c’était pour ajouter aussitôt dans sa lettre à Bonnet : « Je desire fort d’entendre vos sentimens sur ma hypothese de generation & l’impression, qu’elle fera sur vous »194. À cette occasion, Müller se prétendait préexistentialiste : « Ma theorie de generation, indiquée dans l’ouvrage latin roule même sur la préexistence des germes, & les phenomènes des animalcules, achèvent à la prouver »195. La discussion prolongeait des demandes similaires de Bonnet qui avait, dans sa lettre précédente du 18 avril 1772, informé Müller d’anciennes recherches de Saussure sur les champignons196. Il avait mentionné les points brillants inaltérables que Saussure avait identifiés dans le parenchyme des plantes197, que Müller interpréta comme appartenant à la plus petite espèce d’infusoires qu’il avait déterminée, les monades198.
72À la fin d’octobre 1773, Bonnet signalait à Haller qu’il avait enfin répondu à Müller en lui ayant fait part de ses impressions relatives à ses idées sur les animalcules, proches de celles de Needham : « Je lui avoit fait des Objections sur son étrange Hypothèse de la Conversion, qu’il avoit exposée dans [le] premier Volume » du Vermium199. Dans sa réponse à Müller, Bonnet avait forcé sur la différence entre les points brillants et les germes indestructibles qu’il avait considérés, dans la Palingénésie, comme émanant d’une organisation originelle. Dans cet ouvrage, il opposait la destructibilité du corps à l’indestructibilité du germe, autant par sa transmission que par son organisation. Seulement, pour Bonnet, cette indestructibilité était le fondement non de la seule transmission de l’espèce, mais d’une sorte de modification des organismes, suffisamment probable à ses yeux pour expliquer des transformations progressives des espèces montant de gradin en gradin sur l’échelle des êtres. Ces propos réincarnationnistes de la Palingénésie lui avaient d’ailleurs valu les sarcasmes de Voltaire, doublés d’une censure de l’œuvre et de l’interdiction d’entreprendre sa traduction en Italie200. L’inquisition ne s’était pas trompée, car Bonnet était assez convaincu, sur le long terme, de changements au sein des espèces, ainsi qu’il le déclare déjà publiquement dans les Considérations : « On ne peut douter que les Espèces qui existoient au commencement du Monde, ne fussent moins nombreuses que celles qui existent aujourd’hui »201. Huit ans plus tard, il allait récidiver dans la Palingénésie en voulant concilier le dogme créationniste de l’ordre divin originel avec la variété et les transformations du vivant : « Abuserois-je de la liberté de conjecturer, si je disois, que les plantes et les animaux qui existent aujourd’hui, sont provenus par une sorte d’Evolution naturelle des Etres Organisés, qui peuploient ce premier Monde sorti immédiatement des Mains du Créateur ? »202. Sans doute est-ce pour cette position hétérodoxe qui admettait explicitement une évolution des espèces, que les Considérations et la Palingénésie furent aussi censurés en France203.
73Hypothèse générale développée dans la Palingénésie pour accorder le dogme et la science, l’indestructibilité du germe, indice d’une préordination initiale, était donc compatible avec l’apparition d’espèces nouvelles, comme le montre une lettre à Trembley de 1764 où Bonnet défend une théorie évolutionniste basée sur une sorte d’adaptation des espèces au milieu :
Si l’on me pressoit un peu, je me ferois Préadamite. Je ne dirois pas que nôtre Espèce, & que les Espèces de Végétaux & d’Animaux eussent été precédées par des Espèces semblables ou analogues : mais je dirois que les Espèces antérieures que je soupçonne étoient peut être très differentes & en raport à l’état où se trouvoit alors nôtre Globe. D’autres Espèces remplaceront peut être un jour celles qui parent actuellement nòtre Demeure204.
74Moins enclin à théoriser, Müller avait répondu six mois plus tard en ramenant cette indestructibilité des germes ou des points à leur taille : « L’inalterabilité des globules crystallins ou de mes Monades repose selon moi sur leur extrême petitesse, qui les met à l’abri de la destruction »205. Bonnet avait également avancé l’hypothèse qu’il existait une infinité de germes différents se trouvant à l’origine de certains phénomènes spécifiques au vivant, notamment la régénération, tandis que Müller défendait un modèle plus unifié : « je n’y suppose qu’un seul germe, qui selon moi pourroit suffire à l’accroisement entier de l’individu & à la reproduction des parties coupées »206. Aidé de ses déterminations des infusoires, les plus précises effectuées jusqu’alors, Müller invoquait aussi, avec les savants du temps, les illusions dans lesquelles peut facilement tomber l’observateur au microscope : « J’ai aussi averti, que les meilleurs observateurs confondent ces animalcules avec le reste des ètres microscopiques, entre lesquels pourtant la difference est plus grande, que celle de la huitre et d’elephant »207. Les idées circulaient, ainsi une bonne partie du contenu de cette lettre du 30 mars 1774 à Bonnet avait été déversée par celui-ci dans sa lettre du 10 septembre 1774 à Haller208. Cependant, encore une fois, l’obstacle de fond restait la transmutation, sur laquelle Müller ne démordait pas :
Je comprens bien, que Vous admettrés difficilement que des vesicules vegetales, ou des corps à l’apparence inorganisés se convertissent en animalcules ; ce-ci roule pourtant sur des observations faites avec l’exactitude aussi scrupuleuse, qu’il me fut possible, & que je ne scaurois pas desavouer209.
75Pour Bonnet, une telle idée était d’autant plus difficile à concilier logiquement que Müller défendait dans d’autres passages l’invariabilité de l’espèce210.
76En guise de préparation à lui répondre, les lettres à Haller lui servant de laboratoire de la communication, Bonnet était revenu sur l’impossibilité de la transmutation et soupçonnait « toujours quelque méprise dans de pareilles Observations. Des Animalcules ou leurs Semences peuvent être cachés dans ces Vésicules végétales »211. Autrement dit, chacun des observateurs se renvoyait les artifices d’une même rhétorique de la prudence consistant à suspecter chez l’autre la présence d’illusions microscopiques, thème que, à partir de 1760, de nombreux observateurs se lancent à la tête les uns des autres. Müller avait derrière lui des milliers d’observations conduites systématiquement au microscope sur les animalcules, face à un Bonnet, également grand observateur, défenseur d’une rationalité biologique qui éliminait a priori toute possibilité de déviance dans la transmission de l’espèce, mais ouvert à l’infinité des procédés physiologiques grâce au principe de Bonnet. En particulier, la réclusion expérimentale demeurait la valeur la plus sûre : son absence ou sa conduite incertaine fondait la pertinence des critiques.
77Néanmoins, Müller avait répété des observations sur la physiologie de certains infusoires comme la vorticella rotatoria : « dans celle-ci les intestins, des organes intérieurs & extérieurs sont tres distinctes »212. Il s’était « imposé la loi de ne pas repeter les phenoménes connus & non disputés »213, preuve d’une certaine maturité et de l’existence d’un véritable champ de recherches stabilisé. En revanche, fort inquiet de ce renouveau du transmutationnisme défendu par un des meilleurs observateurs du temps, Bonnet avait de bonnes raisons de vouloir, avec Haller, encourager les expériences, du fait que Müller avait « donné dans un sisteme aussi extraordinaire que tous les autres : il compose ses animaux des vesicules alternativemt vegetales et animales »214. Lisant toutes les langues de l’Europe, Haller avait identifié la thèse transmutationniste, énoncée également dans Pile-Larven med dobbelt Hale og dans Psalaere de 1772 :
J’ai lu le livre danois de M Muller. Il derive tous les animaux de certaines vesicules dans lesquelles ils se dissolvent, et qui se recomposent. C’est la cellulosité, element naturel des plantes et des animaux. On a connu depuis longtems la resurrection des anguilles de la colle. Il sera bon cependant de voir confirmer cette vie obscure par Spallanzani215.
78C’est en partie sur l’avis de Haller, et contrairement à sa disqualification habituelle des travaux des systématiciens, que Bonnet avait cette fois-ci conseillé à Spallanzani de lire le grand ouvrage de Müller — le Vermium — à l’automne 1774 : « Il auroit été fort à désirer, que vous eussiés pu consulter ce livre avant que de publier le votre. […] L’auteur a des idées un peu étranges sur l’animalité »216. De manière indépendante, quatre ans plus tard, Gleichen allait caractériser ces « idées un peu bizzarres » en les ramenant au préjugé sis au cœur du principe de ségrégation des espèces, d’une fabrication de l’animalité par déduction, artificielle et saturée d’o.c.t. Il avait bien connu Müller qu’il avait rencontré à Erlangen et auquel il avait prêté son microscope :
[Müller] croyoit lui-même avoir tout vu ; la conséquence seule de ce qu’il avoit vu lui a échappé, savoir : que ces petits corps ou corpuscules sont des animaux. Il appeloit alors corpuscules, les petits animalcules globules, et les petits animalcules ovales, que je lui montrois au défaut de plus gros. […] Mais ce défaut de voir, ainsi que tout ce qu’il objecte contre la vie des animalcules microscopiques, est uniquement fondé sur ce raisonnement : les animaux ont une ame, donc ce qui n’en a point, n’est point animal. A quoi l’on peut répondre : un être qui fait à sa manière les fonctions d’un animal, a une vie animale et c’est un animal ; ce que le physicien ne peut nier ; quant à l’ame, cela regarde les métaphysiciens217.
79On voit bien ici s’exprimer la réponse réaumurienne au principe de ségrégation des espèces par la règle de l’exception, sous son aspect de refus du débat métaphysique sur l’âme et de rétablissement de la frontière entre science et métaphysique — tension essentielle qui structure l’espace des pratiques microscopiques au xviiie siècle.
80Entre-temps, Spallanzani avait répondu fin décembre 1774218, n’ayant pas, écrit Bonnet, été moins surpris de
la prétendue conversion des Vésicules vegétales en Animalcules. Il m’écrit ; qu’il a fait des Expériences directes qui lui ont démontré la fausseté de cette Opinion […]. Il a reconnu, que ces apparences tenoient, comme je l’avois pensé, à des Animalcules vivans logés dans l’intérieur des Vésicules, et qui leur communiquoient leur propre mouvement219.
81La réponse finale à Müller arriva une année plus tard, lorsque Bonnet l’informait qu’il avait recommandé la lecture du Vermium à Spallanzani, à quoi il ajoutait, concernant les transmutations : « je dois vous prévenir ; qu’il pense comme M. de Haller & moi sur vos vésicules végétales. Il ne croit point, non plus que nous, qu’elles se convertissent en Animalcules […]. Il a donc démontré, que ces Vésicules sont le Lieu ou l’Enveloppe des Animalcules »220. Il complétait sa lettre d’une invitation à publier ses travaux dans le Journal de physique de Rozier, ce que Müller fit à partir de 1778. Bonnet donc, contribue à faire circuler l’information pour ou contre ses idées, dans les principaux nœuds du réseau épistolaire. Quelques mois plus tard, il annonçait au secrétaire de la Naturforschender Freunden Gesellschaft de Berlin, Martini, que Müller avait « caractérisé environ 400 Espéces » microscopiques221 et suggérait de l’accepter comme membre, d’où l’on voit encore une fois que, pour certains, les dissensions théoriques sont secondaires dans la reconnaissance de la valeur des pairs. Fontana avait également été averti : « Mr. Müller a donné en dernier lieu un Ouvrage Latin très estimable sur les Animalcules des Infusions, ou les Anguilles ne sont pas oubliées. Il a classé environ 400 Espéces de ces Etres microscopiques »222. De même que Spallanzani auquel il avait chaleureusement recommandé le livre : « je suis très sûr que le livre de l’observateur danois n’est point aussi connu qu’il mériteroit de l’être »223. Ceci d’autant plus que le nombre d’espèces déterminées allait s’accroître dans les Animalcula infusoria fluviatilia et marina, un ouvrage posthume de Müller paru en 1786, de figures enluminées dévoilant à travers une riche iconographie toute la diversité des modèles du vivant.
LA DIFFUSION INAMBIGUË : LE DÉVELOPPEMENT DES EXPÉRIENCES EN ITALIE
82Alors que, par l’absence d’un cadre préexistentialiste unifié, la division ne rencontrait pas une unanimité d’interprétation dans les pays du nord de l’Europe, cette unité allait être trouvée en Italie, prolongeant un mouvement amorcé et entretenu par Bonnet. C’est auprès des expérimentalistes italiens que, à partir de 1770, s’effectue le plein accueil de la division, qui devient dans ce pays un processus régulier de la génération inséré dans le cadre préexistentialiste de la recherche microscopique de pointe. Si Spallanzani en est un des points de passage incontournables, tant pour la qualité de ses recherches que pour leur forte visibilité, toutefois d’autres acteurs viennent aussi alimenter ce courant de recherches.
Les laboratoires de la correspondance et la genèse des Opuscoli de 1776
83Depuis 1770, c’est-à-dire après la parution des Notes de Needham et lorsqu’il apprend de Bonnet que la division a été découverte par Saussure, Spallanzani entreprend de réfuter les objections relatives à ses expériences de 1765 et ouvre une immense enquête sur les corps microscopiques des infusions. Le prêtre italien allait cependant s’engouffrer dans d’autres recherches avant de publier une réfutation définitive de la théorie de Needham dans les Opuscoli di fisica animale e vegetabile parus à Modène en 1776. C’est là son texte expérimental le plus complet relatif à l’ensemble des animalcules des infusions. Il y mène d’intenses recherches sur les limites de la vie et de la mort chez les animaux « résurrectants », classe les animalcules selon leur résistance à la température, expérimente sur leurs réactions à l’électricité, au froid, au vide, à la chaleur, à la lumière, à l’humidité, à l’ébullition et à tous les milieux disponibles. L’ouvrage aboutira à la reddition définitive de Needham. Dans ce cadre antispontanéiste, un concept aussi heuristique que la division n’allait pas manquer de donner lieu à un programme de recherches systématique portant sur les différentes formes de reproduction des animalcules, programme dont la genèse est suivie de près par Bonnet. En février 1770, Spallanzani est définitivement informé de la division. Il a lu la lettre de Saussure parue dans la Palingénésie, mais ne pourra avant le printemps se mettre aux expériences, notamment avec le feu224. En cohérence avec l’extrait envoyé par Bonnet en mai 1769225, il relève « l’honnête proposition que lui fait Needham pag. 218 »226, avant de dévoiler au savant genevois son projet général d’expériences. Quant à la division, Spallanzani est élogieux : « Felicitez en de ma part M. r de Saussure. Je ne manquerai pas de profiter de cette belle decouverte »227, avant de demander l’avis du maître sur son plan d’expériences ainsi que de nouvelles idées. Aux objections de Needham, il se propose de répondre dans un discours académique latin, la Prolusio qui paraît la même année228, envoyée à Bonnet en février 1771, n’ayant pas, à cette époque, de projet plus important qu’une dissertation italienne ajoutée à la Contemplation et prolongeant ainsi ses notes à la traduction.
84Diverses circonstances vont cependant l’amener à amplifier progressivement cette réponse au point d’aboutir à un ouvrage autonome et ce qui se joue ici est la genèse des Opuscoli, qui donneront sa résonance maximale à la découverte de la division des infusoires. Durant l’été 1770, Spallanzani expérimente sur les animalcules — il a vu la division pour la première fois le 23 septembre 1770229 — avant d’en condenser le résultat dans une lettre à Bonnet, de décembre 1770, qui expose le plan de la dissertation. Il envisage particulièrement alors une des objections de Needham qu’il traite avec une grande ingéniosité expérimentale et dont les conséquences sont opposées : l’augmentation de chaleur par un feu poussé ne nuit pas à la production des animalcules, mais facilite au contraire leur prolifération. En travaillant sur les critiques de Needham, Spallanzani transforme un magma qualitatif en expérience scientifique. Non seulement il réalise l’expérience proposée, mais encore il l’intègre dans une série expérimentale où les rares indices temporels — le « quart d’heure », les « quelques minutes de cuisson » — évoqués par son collègue anglais deviennent des modalités précisées d’une variable, ouvrant ainsi à la recherche de lois. On est loin ici de la reprise d’une recette de cuisine qui, non respectée, ne donnerait pas le produit attendu, sorte de doublet approximatif non consolidé par un nouveau contexte de réalité. Tous les éléments composant ses expériences en viennent à être spécifiés en variables, Spallanzani contrôlant ainsi l’espace causal du laboratoire, différencié de l’espace téléonomique des naturalia. Il distingue du feu le caractère extensif — la durée — de l’intensif, sa « force ». Pareillement il travaille non pas sur des espèces vaguement indiquées, mais sur des séries d’espèces déterminées, ainsi que sur leurs parties, graines, feuilles, tige ou racines230, comme l’avait fait Saussure231. De la sorte, il croise et contrôle de très nombreuses variables : durée, température, séries de corps, parties des organismes, graines ou œufs, germes et corps, infusions ouvertes ou fermées, chauffées ou non, modalités de chauffage, sécheresse vs humidité, séries thermométriques, recherche de seuils, datation. Après le récit de ce premier chapelet d’expériences, il a toujours en tête d’écrire une « dissertation » en sept chapitres. D’ailleurs la division n’y prendrait pas beaucoup de place : dans sa lettre à Bonnet de décembre 1770, un paragraphe sur 26 y est dédié. D’importants changements vont s’opérer, la petite dissertation se muera en Opuscoli où l’importance de la division va devenir croissante.
85Dès réception de la lettre, Bonnet la communique à Trembley et Saussure, et les trois tombent « parfaitement d’accord »232 pour applaudir les expériences et leur auteur. Ce dernier sollicite également leurs avis, mais, répond Bonnet, « M. r Trembley attend que la nature ait parlé un langage plus clair, et M. r de Saussure attend d’avoir lui même expérimenté de nouveau »233. En vue de cela, Saussure fera d’ailleurs un extrait de la lettre234. En janvier Bonnet y répond par un petit traité manuscrit, procédant comme pour un écrit publié. Il a lu la lettre « la plume à la main »235, et répond, en 16 parties et sur une vingtaine de pages, aux 26 articles de Spallanzani, en ajoutant des citations. Les travaux sont rythmés par les saisons et Spallanzani s’y remet au printemps pour déverser de nombreux mois de recherche dans une très longue lettre de septembre 1771. Bonnet l’a orienté vers l’identification des seuils de température auxquels meurent les animalcules236. À force d’expérimenter sur des séries d’infusions, Spallanzani les a déterminés : « L’ebullition de demie heure ne s’oppose point à la naissance des animalcules d’ordre inférieur : ce fut l’ebullition de trois quarts. Touchant les animalcules d’ordre superior, ce fut le 27 degré de chaleur qui commença a permettre leur naissance. Etrange difference ! »237. Les échanges d’idées touchent de nombreux plans. Ainsi, à l’origine, Spallanzani avait distingué les animalcules en trois classes : inférieure, moyenne et supérieure. Dans sa lettre, Bonnet propose un autre critère regroupant les classes supérieure et moyenne dans des « ordres supérieurs »238, dont le point commun est de ne pas résister au feu, par contraste avec « les plus petits animalcules, ou ceux que je nommerai les animalcules des ordres inférieurs »239. Dans un premier temps, Spallanzani déclare d’abord qu’il répétera les expériences pour « obliger la nature à lui parler plus clair »240. En réalité il adoptera sans plus de retour à Bonnet sa distinction des animalcules des ordres inférieurs et supérieurs qui structurera également les Opuscoli. Cette dichotomie conçue selon le seuil de résistance à la chaleur241 est d’ailleurs une excellente façon de substituer le principe de Bonnet au principe de ségrégation des espèces de Needham, car les êtres des ordres inférieurs et supérieurs présentent des modèles de génération différents tout en obéissant tous à une préorganisation242. Pour Needham, les êtres inférieurs échappaient à l’animalité et présentaient donc des processus de production anomaux. Entre Spallanzani, Bonnet et, derrière eux la discrète, mais déterminante figure de Saussure, les corps microscopiques des deux ordres partagent dorénavant les mêmes traits d’animalité, cassant à la racine le principe de ségrégation des espèces. Aussi y a-t-il là un net déplacement de la problématique needhamienne à la bonnetienne énoncée dans la Palingénésie. À la recherche d’arguments expérimentaux permettant de prouver l’éternité du germe, l’existence de formes animales résistantes à des conditions extrêmes — feu, froid, sécheresse — était forcément une hypothèse attractive. Toutefois, issu de la Palingénésie et discuté seulement dans la correspondance, ce cadre métaphysique sera absent des Opuscoli.
86Le problème n’est pas tant de savoir si Bonnet a influencé Spallanzani ou non, les seules influences attestées étant la classification des animalcules en deux ordres qui se révèle heuristique et la division, lieu central de l’investigation. Se construit ainsi dans l’interaction et par la seule correspondance, une profonde synergie entre le développement dirigé par Bonnet et le développement autonome de Spallanzani. Le produit général, avec l’extension de la division, donc du triplet, à de nombreuses espèces, est l’affermissement du noyau de réalité créé dans le groupe genevois. Comme Saussure, motivé par la circulation des idées et pratiques, Spallanzani est immergé dans un plein confinement régulé, contrôlant les informations relatives au laboratoire qui en sortent et qui y entrent. Avec cela, il y a double investissement, théorique-pratique à Genève et pratique-théorique à Scandiano et Pavie. Entre circularité des échanges et affinités perceptives, les deux auteurs sont pénétrés du même objet, aptes à en partager les joies et les obstacles, tout en dissociant les rôles. Prolongeant certaines affinités perceptives, les coïncidences d’idées entrent en résonance, ainsi lorsque Spallanzani réalise des expériences aussi imaginées par Bonnet : « J’ai eu le plaisir vraiment philosophique de vous prevenir dans deux autres experiences »243 relatives à l’influence du froid sur les animalcules.
87L’an 1771, la correspondance devient un véritable laboratoire où les séries expérimentales touchent progressivement toute l’instrumentation possible, au moyen de l’électricité, en variant les infusions, les modes de fermeture des vases, la force du feu, l’usage de la machine pneumatique, etc. Le microscope y devient un instrument de routine, n’étant mentionné que dans des cas pertinents, par exemple, pour indiquer l’origine de ses appareils « travaillés à Londres sous la direction de M. r Maty, et par consequent […] fort excellens »244. Lorsqu’il est question des microscopes composés de Buffon dont Spallanzani ne doute pas qu’« ils ayent été excellens »245, c’est pour signifier que ce type d’instrument ne permet pas d’observer les animalcules spermatiques246. Et toujours, Spallanzani scande ses expériences en remontant à la surface pour synthétiser ses résultats en les confrontant aux données connues : « une partie des loix, qui president à la conservation des animaux les plus connus, president aussi à la conservation de nos animalcules »247. Les gradations portant du connu à l’inconnu sont ainsi remplies de manière progressive, car il avance en reliant toujours résultats et hypothèses, illustrant aussi le principe de subordination de la théorie à la méthode. Ainsi peut-il, en variant le type de bouchons des vases, c’est-à-dire leur degré d’étanchéité, confirmer des expériences de Baker pour les énoncer sous la forme d’une relation quantitative : « plus l’air entre liberement dans les vases, plus le nombre des animalcules est grand »248. En écho au principe de Bonnet qui recommande la variété des modèles, pour ramasser cette relation dans une explication, Spallanzani envisage les deux hypothèses de la dissémination des germes (les « germes transportés ») et les germes invisibles déjà présents dans les infusions, mais il retient son jugement : « L’immense petitesse de ces germes ne nous permet pas de sçavoir a priori quelle de ces deux suppositions est la vraie »249. De nombreuses expériences ont également une valeur négative, ainsi reprend-il celle des îles de Needham, « trop singuliere pour ne la repeter à la lettre »250 sans voir « jamais les phenomenes, dont parle nôtre Auteur »251. Ce versant négatif de l’enquête s’étend aux sources d’erreurs possibles du prêtre anglais à la suite de l’objection d’Allamand et des recherches de Saussure : « Ici je trouvai un phenomene, qui me fit entrevoir ce qui pouvoit avoir imposé à M. r de Needham »252, car, lorsqu’ils apparaissent, l’on ne peut « qu’enoncer le phenomene de ces animalcules, sans pouvoir dire avec le plus petit fondement, qu’ils proviennent de ces plantes »253. La description n’est pas l’interprétation. Ainsi Spallanzani n’a-t-il « jamais vû les filamens se gonfler, s’etendre »254, et leur mouvement est bien produit par le choc des animalcules. Le transmutationnisme est resté silencieux, Needham ayant fait ici une erreur de « logique en action » en confondant la co-occurrence avec la cause : Post hoc propter hoc.
88À la mi-octobre 1771, Bonnet reçoit la lettre et organise immédiatement une nouvelle soirée de lecture avec Trembley qui se déclare enchanté255. Bonnet n’hésite alors pas à demander à Spallanzani de faire une publication séparée et les Genevois se proposent même pour lui trouver un traducteur. Saussure, qui était absent, aura connaissance en janvier 1772 de la lettre qui lui donnera l’envie de « répéter celles qui concernent l’application de l’électricité à nos animalcules »256. En janvier et février 1772, Saussure s’est donc remis à expérimenter avec l’électricité sur les animalcules et prépare une lettre contenant les principaux résultats, en vue de publication dans l’ouvrage de Spallanzani257. Le mouvement s’est donc inversé, à présent, les Genevois publient sous nom italien. Saussure a également refait l’expérience des îles et, comme Spallanzani, n’a pu apercevoir « ni ces zoophytes, ni ces racines végétales accouchant d’animalcules »258. En réponse, Spallanzani reprend également ses expériences d’électrification des animalcules, à l’aide de l’anatomiste Pietro Moscati (1739-1824) et toujours guidé par les travaux de Saussure259. Autant que l’absence de génération spontanée, l’établissement de l’animalité à travers la recherche de caractères significatifs — la mort par électrification, dessiccation, dans le vide, au froid ou au chaud, le mouvement, la nutrition, la prédation, etc. — est primordiale pour poser les bases de leur génération. Et, à cette fin, les travaux de Saussure — sa lettre de la Palingénésie est publiée en traduction italienne260 — seront reconnus, Spallanzani le créditant justement de la priorité de la découverte dans les Opuscoli261.
Métamorphoses heuristiques : les procédés saussuriens dans les Opuscoli
89C’est dans la mouvance de la lente genèse des Opuscoli di fisica animale et vegetabile à partir de l’année 1770 que Spallanzani prend connaissance du triplet, s’approprie et améliore l’expérience saussurienne de réclusion d’un animalcule qui lui avait permis d’établir définitivement la division. À la fin de l’année 1770, Spallanzani a revu le phénomène : « il me vint dans l’esprit, que peut être c’etoit un animal qui alloit se partager en deux. Je fis donc propos de ne le perdre de vue »262. Langage abouti, contexte de réalité et envisionneurs sont déjà transparents et dirigent le regard. Cependant, Spallanzani n’est pas du genre à se contenter de reconstruire un triplet ; il a déjà repéré une seconde manière de division « en petits morceaux »263, et ajoute qu’il décrira « toutes ces particularités »264 dans la dissertation et en donnera le crédit à Saussure. Enthousiasmé par ces propos, Bonnet s’enquiert alors longuement de la division, ayant porté une « grande attention à ce paragraphe »265. Et de même que Bonnet veut des procureurs pour juger les plagiats, de même il veut absolument identifier les paternités, utilisant pour cela le critère d’auteur lié à la dynamique du confinement, sachant trop le rôle néfaste que le flou, la vantardise ou le silence peuvent prendre ici. Aussi, fort de sa précision d’orfèvre appliquée aux faits comme aux hommes, Bonnet saisit la question des « petits morceaux » où loge peut-être une nouvelle découverte, dont l’attribution est trop délicate pour ne pas désirer plus de détails : « la multiplication par petits morceaux est[-elle] instantanée ou successive ? si c’étoit le dernier, elle reviendroit à la division et à la subdivision naturelles des polypes en cloche : si c’étoit le premier, ce seroit une nouvelle manière de multiplier que vous auriés découverte, et qui seroit extrêmement remarquable »266. Bonnet a ajouté là un nouvel envisionneur à l’enquête : la temporalité de l’instantané ou du successif. Pour éviter des méprises ou l’espoir déçu, il ouvre la communication et cite la lettre de Saussure qui avait découvert une division « en croix comme sur la coque d’un marron prêt à s’ouvrir »267. Certes, il ne faut pas confondre la légitimité intime de l’auteur manifestée par la création d’un triplet issu de la dynamique de confinement avec les rôles sociaux dans l’attribution de paternité propre à la dynamique de relation. De même que Réaumur vis-à-vis de Trembley et Bonnet, pour ce dernier c’est la position dominante du maître qui le fait disposer prioritairement des clefs et des critères d’attribution des nouvelles découvertes268. Et c’est peut-être pour se démarquer de cette règle que Spallanzani n’entrera pas vraiment en matière — c’est-à-dire ne répond pas sur l’envisionneur temporel suggéré par Bonnet et précise seulement que des petits morceaux « se detachent du reste du corps »269. Bonnet y voit alors une probable nouvelle découverte270, mais dans les lettres qui suivent, la question n’est pas reprise.
90Si, en 1770, la procédure de réclusion a peut-être déjà servi dans les observations de Spallanzani, ce n’est pas avant une année, en une longue lettre présentant de nombreuses expériences sur les animalcules, qu’elle apparaît au détour d’une phrase : « Un jour je fis passer un de ces animalcules dans un cristal de montre, dans le quel il n’y avoit, que de l’eau distillée, et sans aucun animal »271. L’efficacité ne se laisse pas attendre, une cinquantaine d’animalcules répondent à l’appel le jour d’après. La procédure de réclusion, en tant que sommet du triplet portant les conditions de la preuve, était certes incontournable mais Spallanzani, qui ne se contente pas de développement dirigé, va innover en y mettant sa marque. Trois ans plus tard, elle est devenue une forme expérimentale essentielle qui s’intègre à nombre d’expériences272 du fait qu’il l’a simplifiée et rendue plus contrôlable que celle de Saussure. Toutefois, Spallanzani n’en révélera pas le procédé de laboratoire à Bonnet, secret d’atelier touchant ses propres triplets, qui ne verra le jour qu’avec la publication de l’ouvrage. Comme Saussure vis-à-vis d’Ellis, Spallanzani sait parfaitement que son nouveau procédé ouvre à la découverte et qu’il constitue une sorte de marque de fabrique. Du coup, il ne le dévoile pas. Saussure utilisait une soie de porc comme pipette pour prélever un animalcule seul hors de la goutte d’infusion et le transporter dans une goutte d’eau pure. Le contrôle de la goutte et de la soie de porc au microscope était délicat et peu rentable, vu la difficulté à ne ramener qu’un seul animalcule. Ayant pris connaissance de la procédure employée par Saussure « à force de patience d’en confiner un seul dans une goutte d’eau »273, Spallanzani le perfectionne en utilisant une ingénieuse logique de voies navigables pour faire émerger l’instrument de prélèvement du milieu aquatique même. Il dépose une goutte d’eau pure à côté d’une goutte d’infusion, puis trace avec la pointe de sa plume un mince canal entre la première et la seconde. Observé au microscope, le canal est coupé dès que le premier animalcule a rejoint la goutte d’eau pure, se retrouvant ainsi isolé274 ! Deux arguments montrent que Spallanzani a perfectionné le protocole de Saussure : d’une part, ce n’est qu’après en avoir pris connaissance qu’il invente cette expérience et, d’autre part, son protocole en est une modification matérielle. En effet, la fonction de la soie de porc et du canal — transit pour les animalcules — est la même. En revanche, la matérialité de l’instrument est affectée, la soie de porc s’est métamorphosée en canal aquatique plus facile à contrôler que la goutte. Il est donc évident que le protocole de Spallanzani est une amélioration de celui du Genevois, qu’il qualifie justement d’expérience cruciale. Cruciale, non seulement pour sa valeur heuristique, mais aussi pour sa valeur dans la dynamique de relation : Spallanzani, tout comme Bonnet ou Saussure, en a conscience au point de ne le divulguer que dans son ouvrage.
91Dopée par son énergique simplicité, la démonstration des Opuscoli va faire de cette procédure un de ses piliers expérimentaux, un « experimentum crucis »275 employé à de nombreuses reprises, faisant donc l’objet de la répétition généralisatrice déjà à l’œuvre chez Saussure. Grâce à ce procédé, il parvient à identifier la division sur quatorze espèces, c’est-à-dire qu’en plus de reproduire les expériences préalables, il généralise la division à d’autres espèces d’animalcules276. Bonnet le rappellera dans les commentaires à ses Œuvres Complètes277. Bien évidemment ce qui est dorénavant un noyau collectif et stabilisé de réalité s’en trouve élargi aussi bien socialement, entre Spallanzani, ses divers collaborateurs et Bonnet qui informe les Genevois, que par de nouvelles micro-découvertes. Car Spallanzani ne se contente pas de généraliser la division, il élucide les mécanismes de croissance des animalcules montrant, en écho aux idées de Réaumur, Bonnet et Saussure278, comment développement et division sont deux aspects complémentaires d’un même cycle reproductif — le terme de cycle n’affleure toutefois pas — où « tout ici va à l’ordinaire, […] les petits deviennent grands à leur tour »279. En perfectionnant le protocole saussurien, Spallanzani en étend aussi les diverses thèses : division, préexistence comme transmission de l’espèce, animalité et accroissement des infusoires. Ainsi distingue-t-il, après les auteurs, les différents types de division « transversale » (Saussure) et « longitudinale » (Müller280), auxquels il ajoute l’« Anomale ou Irréguliére »281. Enfin il complètera son enquête par des illustrations de la division, donnant lieu à une considérable amélioration dans l’iconographie des séquences temporelles des organismes282.
92L’emploi de la procédure engendre de nombreuses répercussions théoriques. Dès 1771 Spallanzani l’insère dans une problématique visant à déterminer si « tous les animalcules des infusions se propagent par divisions »283 ; en d’autres termes, il fait écho ici au principe de Bonnet, et cherche à comprendre l’extension d’un type de génération. Car, pour les corps microscopiques, la nature déploie aussi une variété de modèles : ainsi une espèce « se propage par des œufs, ou du moins de petits corps, qui peu à peu se developpent, et se vitalisent. Ici la division n’a pas lieu »284. Entre les œufs et la division, il y a donc au moins deux modes de propagation des corps microscopiques, raison supplémentaire pour laquelle ils doivent être des animaux285. Trois ans plus tard, l’ouvrage arrivant à maturité, il contiendra une nouvelle distribution des types de génération : « les manières jusqu’a présent connues, dont arrive la generation, et la propagation de nos animalcules sont trois, c’est à dire les œufs, les fœtus, et la division »286. Comme modèles de reproduction du vivant microscopique — au sens du principe de Bonnet — il y avait l’oviparité et la viviparité. Sur les traces de Trembley, après Saussure et grâce à Spallanzani, il faut maintenant clairement compter avec une troisième forme, la division qui, de plus, « est la plus étendue »287. La procédure d’isolement aboutit à contester l’interprétation de John Ellis voulant que la division soit un phénomène accidentel, « un effet du hasard »288. Spallanzani peut ainsi, à l’appui d’une préexistence perçue comme préorganisation289, insérer son ouvrage dans la lignée des réaumuriens en citant une lettre de Bonnet à Réaumur pour qui « ces petits Animaux sont des ordres de générations semblables qui se succédent »290. En parallèle, la recherche se frotte aussi à certaines images de la préformation pour en alimenter l’argumentaire en fournissant des preuves visuelles d’emboîtement « jusqu’à la treiziéme génération », chez les volvox291. Découverts par Leeuwenhoek, ces animalcules sont de minuscules sphères vivantes regroupées dans une sphère plus grande, représentés par Rösel en 1755 comme un emboîtement, de même que des poupées russes, tandis que Muller (1786) n’y voit pas d’inclusion. Ils continueront par la suite à être un objet d’investigation fascinant, les améliorations optique permettant d’en envisionner les détails avec bien plus de précision, éliminant ainsi les précédentes interprétations.
93L’étude croise aussi le problème de l’origine, faisant « remonter plus haut, et chercher comment apparoissent pour la première fois les animalcules dans les infusions »292. Cette question trouve réponse en septembre 1771, par « l’hypothese des germes ou des œufs »293, argumentée maintenant, car des « œufs peuvent rester à sec beaucoup de temps »294. Dans les Opuscoli — et contrairement à ses travaux sur la préformation295 —, les recherches sur la division et la préexistence conçue comme transmission de l’espèce ne s’affranchissent pas de l’expérience, de l’argumentation et du maniement des probabilités de l’hypothèse.
94Enfin, derniers ricochets théoriques de la correspondance, dès les premières confirmations par Spallanzani de la division des animalcules296, la prolifération des exemples différents de génération pousse Bonnet à se détacher de l’imagerie de la préformation pour en chercher la signification, valide pour l’ensemble des êtres, comme préorganisation — c’est-à-dire transmission de l’organisation — et non plus comme forme :
nous concevons, assés, que chés un animal qui se divise naturellement en deux ou quatre parties, la multiplication ne sçauroit s’exécuter par une préformation semblable à celle qui donne naissance aux boutons d’un arbre, ou aux rejettons d’un polype à bras. Nous ne découvrons rien dans la division naturelle dont il s’agit, qui ait le moindre rapport avec les générations végétales ou animales qui nous sont connues. Il est néanmoins assés évident qu’il y a ici une préformation originelle, qui détermine ce qui précède, accompagne et suit la division naturelle de l’animal297.
95Depuis une décennie, les historiens ont commencé à critiquer les catégories de germe, d’épigenèse et de préformation, notamment dans le cas de Bonnet. Tobias Cheung a noté que « dans les limites de l’ordre préexistant, la préformation autorise le changement “épigénétique” »298. François Duchesneau a montré que l’étude de la régénération voit Bonnet, dès 1770, distinguer quatre types de préformation299, et notamment des « germes improprement dits »300 qui évacuent l’imaginaire de la forme pour tenter d’exploiter d’autres modèles et unités de construction du vivant. C’est le cas par exemple de la série numérique, où le germe improprement dit « seroit en quelque sorte […] ce que l’unité est au nombre »301, ouvrant donc la porte à une forme d’épigenèse et « relativisant le concept de germe »302. En fait, ces catégories méritent d’être déconstruites. En la lisant à travers le principe de Bonnet qui cherche à concilier l’unité et la variété du vivant, la préformation devient l’équivalent d’un programme transmis. L’impulsion donnée par les recherches sur la division, dès septembre 1765, est capitale pour signer l’abandon de la forme : dans le cas des animalcules, la nutrition « développe l’animal et le fait paroître sous sa véritable forme. La forme primitive peut differer extrêmement de celle-ci »303. Après avoir discuté de la mise en forme des fibres dans un animalcule en division, Bonnet ajoute :
Ce qu’il y a de plus probable, c’est qu’un animal appellé à multiplier ainsi doit avoir reçu de la nature une structure fort simple ou fort peu récherchée ; les parties essentielles de la vie y auront été répandues par tout le corps ; cet animal ne sera guères composé que de parties similaires : il sera, si l’on veut, tout cerveau tout estomac, si toute fois on peut parler ici de cerveau et d’estomac : j’aimerois mieux ne parler que de mes points organiques ; et encore seroit-il beaucoup mieux de se taire sur une multiplication aussi mystérieuse304.
96Tant qu’ils ne sont pas expliqués, les mystères de la nature ne doivent pas être ensevelis sous des mots sibyllins. Ce texte fondamental, dont l’historien ne peut étouffer le halo wittgensteinien, montre bien l’impact de la division sur la recherche et les théories du vivant : elles en ressortent confirmées mais également assouplies, tendant vers une notion de plus en plus fonctionnelle du germe, éloignée de l’emboîtement et se rapprochant des idées de programme et d’organisation transmise dans l’espèce. Si la correspondance a donc bien servi de laboratoire pour la reconstruction et l’étayage du noyau de réalité autant que pour les trois formes de l’expérience, bonne part de ce travail — en priorité l’expérience du texte — disparaîtra dans la publication des Opuscoli, pour redonner lustre aux enjeux théoriques, eux-mêmes en mutation. Par la traduction française des Opuscoli en 1777, la relève genevoise allait aussi déposer sa marque sur les recherches microscopiques. Son traducteur Senebier en profite pour signer une longue introduction, un texte synthétique sur l’ensemble des recherches microscopiques des Lumières où il ne manque pas de citer la découverte de Saussure305. Persuadé du principe de Bonnet, Senebier hiérarchise les diverses formes de génération chez les animalcules en les articulant selon l’échelle des êtres : à chaque échelon correspond un processus physiologique de reproduction spécifique. En montant depuis la base de l’échelle animale, on voit se succéder division, rejetons, bouture, hermaphroditisme et différenciation sexuelle306. La division n’est donc pas qu’une catégorie d’observation par laquelle l’observateur ne retrouverait dans le champ microscopique que ce qu’il a en image dans sa tête, elle a bien acquis droit de cité dans l’arsenal des processus et théories de la génération, qui mettent désormais en leur centre la relation entre préexistence, transmission et conservation de l’espèce et développement : « Quand on a établi la préexistence des Germes, on en voit aisément découler la régularité des espéces, les mêmes germes doivent fournir pour l’ordinaire les mêmes Etres développés »307. Initié par la règle de l’exception, développé par Bonnet pour qui le germe transmet une organisation308 — « Il y a donc toujours dans le Végétal & dans l’Animal un fond préexistant d’organisation »309 — le processus d’assouplissement des théories de la génération faisait un pas de plus, en posant que, grâce à la division et ramenée à la transmission de l’espèce, la préexistence pouvait se passer d’emboîtement pour laisser poindre une autre image, encore latente et utilisée comme envisionneur : celle du cycle reproduction-développement. C’est ce qu’exprime Bonnet en conclusion de toute l’histoire des animalcules où, en 1781, il ajoute aux notes des Considérations :
Conclusion. On voit par ce précis de l’histoire des animalcules des infusions, que leur génération n’est point du tout équivoque ou spontanée, & qu’elle est soumise comme celle des plus grands animaux, à la loi générale qui veut, que tout animal provienne d’un autre animal de même espece par une évolution graduelle, plus ou moins accélérée. Ainsi en descendant aux especes inférieures, à ces especes qui touchent à la région des infiniment petits, nous retrouvons constamment des ordres de générations aussi réguliers, aussi permanens, qu’en remontant aux especes supérieures, ou à ces especes dont aucun epigénésiste moderne n’a imaginé que la génération pût être spontanée. L’animalcule qui multiplie en se partageant, ne le fait qu’après avoir pris un certain accroissement ; & les deux animalcules qui proviennent de sa division, résultent en dernier ressort de l’évolution qui s’est faite dans le premier310.
97Dans le cas de la division, la force de l’envisionneur cyclique était de miniaturiser non seulement l’espace, avec l’échelle microscopique, mais bien aussi le temps : en moins d’une heure on pouvait envisionner concrètement le cycle reproduction-développement, alors qu’il était forcément abstrait lorsqu’il se compte en semaines, mois ou années comme chez les animaux. L’envisionneur se propose ainsi comme une composante fondamentale de la théorie, mais non encore labellisé comme il le sera au xixe siècle.
Bonaventura Corti et la tradition bonnetienne
98Les recherches sur l’animalité des corps microscopiques vont donner l’occasion à un nouvel acteur d’entrer en scène. En novembre 1772, Spallanzani signale à Bonnet qu’un collègue de Reggio
a decouvert en eux [les animalcules] un nouveau charactere, qui les declare sans replique pour de veritables animaux. Il a donc trouvé qu’ils mangent, et même qu’ils se mangent mutuellement. Ce sont deux ou trois especes des plus gros. J’ai été moi même temoin de cet fait. Je l’ai verifié aussi plus d’une fois après être venu a Pavie311.
99Il s’agissait de Bonaventura Corti (1729-1813), né la même année que Spallanzani à Scandiano, son ami et, comme lui, ordonné prêtre. Comme l’a montré Maria Teresa Monti, les travaux microscopiques de Corti prennent probablement leur origine dans ses relations avec Spallanzani durant les années 1760 et sont décuplés en 1772 par le cadeau de deux microscopes de Dollond et Wilson offerts par la Duchesse Maria Teresa Cybo Malaspina d’Este (1731-1790)312. Ses expériences se croisent ensuite avec celles de l’académicien français Michel Adanson qui dès 1759 avait observé des mouvements dans les filets d’une plante gélatineuse nommée trémelle313. Il la voit se diviser lorsque ses filets parviennent à une longueur de 3 lignes, environ 8 mm314. À cette époque, Adanson s’est engouffré dans une immense étude systématique de la nature — ayant fait dessiner plus de 40 000 organismes — mais il est fort lent à publier, préférant accumuler les cahiers dans ses tiroirs315. Et, là encore, c’est l’impulsion de Needham, qu’Adanson connaît depuis 1747, qui sert de déclencheur. Vingt ans après, en 1767, lorsque Needham le revoit à Paris, il l’encourage à publier316, et notamment à contrer Spallanzani, au point qu’Adanson se fend d’un mémoire sur la trémelle, lu en mars 1767 à l’Académie des sciences. Ses recherches donnent lieu à la formulation du problème suivant : « trouver des plantes bien reconnues telles, qui reparoissent par l’effet d’une nouvelle création, c’est-à-dire dont la reproduction se fasse naturellement sans le secours d’aucunes graines ou d’aucunes parties qui leur soient analogues »317.
100Le problème de cette plante qui ne proviendrait pas d’elle-même prolonge la question de « savoir si la reproduction de cette végétation est due à une nouvelle création spontanée »318, ou à des parties de plante suffisantes pour permettre la reproduction. Cette « nouvelle création spontanée » sonnait fort proche de la génération équivoque, Adanson acceptant d’ailleurs les molécules organiques de Buffon et certaines des interprétations de Needham319. Aussi, pour lui, la division de la trémelle n’a-t-elle rien d’un mécanisme régulier. Encore moins est-elle un procédé caractéristique de la nature. Car, s’il l’a observée chez certains polypes, il n’admet pas, là non plus, la régularité du processus, comme il l’enseigne dans son Cours d’histoire naturelle de 1772 : « il arrive très rarement, et tout au plus une fois tous les trois mois aux polypes, de se partager naturellement tantôt par le milieu, tantôt plus ou moins près de l’une ou l’autre de ses extrémités »320.
101Deux mois après la lecture du mémoire de 1767 devant l’Académie, Spallanzani apprend par une lettre de Needham que ce dernier considère la trémelle d’Adanson comme une nouvelle preuve de « cette vitalité, qui s’etend à tout corps organisé quelconque »321, l’informant aussi du contenu des Notes qui « satisferont à toutes [les] difficultés »322. Annonçant immédiatement le tout à Bonnet et sans omettre de recopier les déclarations de Needham, Spallanzani demeure sceptique323. Dans les Notes, effectivement, Needham allait exploiter la trémelle d’Adanson pour prouver la « puissance vitale organique »324 et justifier la différence entre les êtres vitaux sujets à division et les « vrais animaux » ou êtres sensitifs325. Il avait recopié326 un extrait de l’Avant-coureur d’avril 1767327 qui formulait la question de la « nouvelle création spontanée » d’Adanson, mais sans être adressée à Spallanzani. Or, à lecture du mémoire d’Adanson, paru en 1770, Spallanzani dû bien être surpris de constater que ce qui n’avait pas été présenté par Needham, ni dans sa lettre de 1767, ni dans les Notes comme un défi personnalisé, en était devenu un à présent. Poussé par Needham, Adanson avait, dans son mémoire, adressé nommément le problème à Spallanzani : « je profite avec plaisir de l’occasion que me présente un Naturaliste aussi éclairé que M. Needham de communiquer mes idées à M. Spalanzani, qui est plus à portée que personne de les répéter & de les étendre »328.
102Dans le mémoire d’Adanson, la phrase : « C’est à l’occasion d’une conversation à ce sujet avec M. Needham, qui m’en a demandé la communication pour donner lieu à M. Spallanzani […] de suivre cet objet plus amplement »329 laissait clairement voir, derrière l’enthousiasme et la candeur à trouver des preuves, des intentions plus belliqueuses. Se dévoilait par là une stratégie que Needham avait, à défaut d’avoir voulu la cacher, au moins laissé ignorer en donnant chaque fois des informations incomplètes.
103Les causalités relationnelles doivent donc être inversées. En 1767 Needham avait explicitement présenté la chose à Spallanzani comme une recherche qui lui avait « été communiquée par M. Adanson »330, lequel fournissait, indépendamment, « d’autre preuves […] de cette vitalité »331. Fin 1768, la parution des Notes signale « la belle découverte communiquée par M. Adanson […qui…] entre très-bien dans mon systême »332. En revanche, en 1770 le mémoire publié d’Adanson donnait d’autres informations : c’est, dit-il, « M. Needham, qui m’en a demandé la communication »333 et rien ne filtre des intentions de l’Anglais sinon de faire adresser la question à Spallanzani par un intermédiaire. Ce n’est donc que par le recoupement entre la lettre à Spallanzani, le mémoire d’Adanson et les Notes de Needham que filtrait une autre intention, utiliser la trémelle comme argument en faveur de la force vitale. En reliant les deux événements comme Spallanzani ou Bonnet savaient le faire, on obtient : persuadé qu’il y avait là un argument imparable en faveur de la vitalité, Needham avait encouragé sans le dire la publication du mémoire d’Adanson pour étayer ses idées sans mentionner son propre rôle dans cette configuration. Il jetait ainsi un nouveau défi masqué à la tête de Spallanzani en lui assignant la question, révélant alors une attaque indirecte utilisant un intermédiaire, censé dissimuler sa stratégie.
104En d’autres termes, Needham poussait ses alliés à travailler pour lui — mais sans vouloir le montrer du fait d’une stratégie dissociée en trois temps : être à l’origine de la publication d’une recherche sans dire qu’elle lui est favorable, demander à Adanson de « communiquer ses idées [d’Adanson] à M. Spalanzani »334 ; pour ensuite employer cette recherche dans son argumentaire. En reliant les trois moments — qui ne sont jamais produits simultanément — l’appel à Spallanzani apparaît clairement comme un défi et le procédé, comme une stratégie. À partir de cette sorte de dépossession du problème utilisant un tiers, quoi de plus normal que Spallanzani réagisse sur le même plan, en demandant à un autre tiers — Corti — de se mêler de l’enquête ?
105Le problème d’Adanson ne pouvait donc être perçu autrement que comme une nouvelle bravade, par personne interposée, orchestrée par Needham tout en étant dissimulée. À cette époque, Spallanzani travaille sur les « reproductions animales », il cherche à répondre aux querelles qui lui sont faites par divers savants sur la régénération de la tête du limaçon335. Sans doute aussi pour obvier à la provocation indirecte que seul lui-même pouvait saisir, et aussi parce qu’il est occupé à autre chose, il remet le défi académique entre les mains de son ami. Collègue de Spallanzani au séminaire de Reggio Emilia dès 1755, auteur d’un manuel de physique avant de devenir Supérieur du collège de Modène en 1777336, Corti pratique justement la microscopie. Il avait d’ailleurs assisté aux expériences de Spallanzani aboutissant au Saggio, ce qui explique sa maîtrise des techniques microscopiques dès l’entrée en matière de la nouvelle enquête337. Il accueille favorablement la demande et met alors en œuvre une recherche expérimentale visant tant à répondre à la question, qu’à systématiser l’enquête sur certaines propriétés physiologiques des organismes inférieurs microscopiques. S’ouvre alors une rigoureuse recherche de laboratoire, où Corti, épaulé de loin par Spallanzani, met d’abord en évidence que, loin d’être ex nihilo, la réapparition de la trémelle dépend de certaines conditions environnementales, notamment la présence de terre et une certaine chaleur338. Pour mieux déterminer ces conditions, il soumet la trémelle à de nombreux essais, faisant varier nombre de conditions où elle se trouve, soumise à la lumière, à des séries de températures, au vide, etc. Il l’observe aussi dans du lait, de l’huile, de la cochenille et dans tous les milieux disponibles — vinaigre, urine, eau salée, esprit de vin339 — pour faire émerger des phénomènes particuliers et observer des régularités permettant de mieux cerner ses conditions de réapparition.
106Une fois déterminées les principales modalités de la réapparition de la trémelle, il porte son regard sur sa manière de multiplier, pour comprendre l’extension prise par la division. Pour Adanson, la division restait fort limitée, ne se produisant « que quand les filets ont atteint leur longueur parfaite »340. Corti, en revanche, voit des filets se diviser en six parties341 quelle que soit leur longueur, premier indice que la division est plus générale que ne le pense son collègue français. Il expérimente également sur la division artificielle des trémelles, c’est-à-dire qu’en sectionnant la plante, il va produire des divisions au lieu de simplement les observer. Un filet de trémelle est broyé, un autre maintenu ; il s’assure au microscope du broyage et chaque filet est isolé dans un verre de montre séparé avec la même dose d’eau. Après 24 heures, dans chaque verre, la trémelle forme un filet vert plus ou moins épais, et le microscope y décèle des filets partout. La multiplication des trémelles peut donc s’opérer également par division artificielle, donnant des résultats semblables à la division naturelle. Fort de nombreuses séries d’expériences, Corti différencie la multiplication naturelle de l’accidentelle, qu’il observe chez d’autres plantes, l’étude comparative étant une de ses techniques de travail. Au total, il prétend surtout avoir découvert la signification correcte de la division : « Il restait à savoir quel était le moyen par lequel se multipliaient les plantes-animales et nous avons vu que la scission transversale est la méthode par laquelle quelques filets de trémelle parviennent à peupler n’importe quelle fosse »342.
107Aussi, au terme de l’enquête, peut-il apporter une réponse préexistentialiste à la question d’Adanson-Needham : sans ambiguïté, les trémelles sont bien des plantes sans semence « qui se multiplient par division »343. C’est pourquoi Corti attribue à la division de la trémelle une signification contraire à celle que lui avait donnée Adanson. Elle constitue bien un processus régulier de multiplication pour la trémelle, et, là encore, la préexistence en jeu est celle de l’espèce plutôt que celle du seul germe344.
108Cependant, Corti ne limite pas l’étude de la division à la seule trémelle et, à vrai dire, ses recherches microscopiques sur les animalcules précèdent même ses travaux sur la plante, dès l’été 1772345 : « À peine commençais-je à jeter l’œil sur mes infusions, que je m’aperçus que beaucoup de ces animalcules, que j’observais, croissaient en famille au moyen de la division »346. Et là, comme Saussure, mais indépendamment de lui — quoiqu’une influence de Spallanzani sur ce point ne soit pas à exclure347 — il identifie de nombreux phénomènes chez les animalcules, par exemple leur croissance « toujours en nombre pair »348, la description de la dépouille des géniteurs qui engendrent entre 2 et 16 « frères », ou encore le rapide accroissement de volume des animalcules juste nés. Aussi, rapidement, il se confronte, comme la plupart des savants micrographes, aux relations entre concept et langage, c’est-à-dire l’expérience du texte, cherchant quels termes et quelles notions naturalistes employer pour décrire au mieux ces phénomènes. Cette dépouille maternelle qui était elle-même un animalcule, est-elle bien un œuf ? Y a-t-il identité complète entre la mère et l’œuf, au sens où, ici, les mères doivent céder leur vie pour donner naissance à leur progéniture349 ? Ce sont là de nouveaux problèmes, formulés publiquement pour la première fois dans son texte italien de 1774, du fait que l’ensemble de ces résultats de détail, en partie contenus dans la recherche d’Horace-Bénédict, n’apparaît pas dans la brève lettre de la Palingénésie. De plus, chez Corti, la division devient progressivement un concept paradigmatique pour définir les processus générationnels de différentes classes naturelles, car il ne se contente pas des algues et des infusoires. C’est également par division que certains vers se reproduisent et Corti fait dessiner, après Bonnet et Müller, un vers en train de se diviser entre mère et fils. Il analyse aussi les transformations internes des vers au cours de la division350. Mais, surtout, il cherche à comprendre cette caractéristique du vivant, à lui trouver sa place au sein des fonctionnements organiques et à établir des lois permettant de synthétiser ses nombreuses séries d’expériences. À la recherche des lois de la génération valides chez certaines classes d’animaux, il en conclut que ce sont les animaux à anneaux qui se divisent351.
109Élargissant donc son enquête à trois groupes, les animalcules des infusions, les vers d’eau douce, les trémelles et autres algues, Corti utilise lui aussi la répétition généralisatrice, ce qui lui permet d’étendre la division, tout en la régulant par la règle de l’exception. De fait, s’il se situe dans la ligne ouverte par le problème d’Adanson, il n’en doit pas moins rendre des comptes à la thèse classique de la préexistence, personnifiée, entre autres, en Italie par Micheli. Dans son Nova plantarum genera (1729), il avait cru montrer que les trémelles se reproduisaient grâce à des semences microscopiques. Mais Corti le reprend : « les petits globes que Micheli croyait avoir vus à la surface des filets de la Trémelle, et qu’il appela ses semences, ont été démentis par les observations de Dillen, Adanson et par les miennes »352. Au sens classique de la présence d’un germe, œuf ou semence externe ou interne contenant le potentiel d’un nouvel individu, la préexistence n’est donc pas universellement valide. La trémelle y apporte une nouvelle exception, du fait qu’elle se reproduit en se passant des traditionnels germes-semences — exactement comme les polypes. Car, de l’autre bord, Corti ne s’accorde nullement avec le spontanéisme ou le transmutationnisme et critique vivement la croyance que « la pourriture générait des animalcules qu’ils [les Anciens] appellaient imparfaits »353. À cette résurgence du principe de ségrégation des espèces, il oppose moins la préexistence354 que ce lieu épistémologique de la pensée naturaliste expérimentaliste ouvert par Réaumur et les réaumuriens, la règle de l’exception. Corti rappelle que si pour Redi et Vallisneri, les animaux ne pouvaient être qu’« ovipares ou vivipares »355, Leeuwenhoek et Bonnet avaient montré que certains insectes étaient « ovipares, et vivipares »356. C’est bien là l’appel à la règle de l’exception, où la loi du concours des deux sexes — l’accouplement — souffrait certaines exceptions que Corti prolonge dans une critique de l’analogie et des conclusions générales qui reprend le thème bonnetien :
Je veux seulement indiquer l’importance d’une grande prudence lorsqu’il est question de rendre universelles nos découvertes, au moyen de celle-ci [l’analogie]. […] si une propriété accidentelle est considérée par l’observateur comme essentielle, il établira une conclusion générale, qui un jour sera limitée par une autre découverte […]. Mais tout ceci doit servir à nous rendre éveillés et méfiants à vouloir faire passer pour universelles nos connaissances357.
110Aussi n’est-ce pas un hasard si, sur cette voie, rappelle-t-il, « le polype à bras nous ouvrit la route »358. Toutefois, les choses ont changé depuis 1740. Cette époque voyait des lois universelles recevoir quelques accrocs, sans être infirmées pour autant. Trente ans plus tard, la tendance commence à s’inverser : grâce à la division généralisée à de nombreux genres, une lente transformation est en train de s’opérer, car ce qui jusqu’à présent était perçu comme une exception devient, par l’accroissement des observations et leur réorganisation, un mécanisme beaucoup plus commun. Contre l’analogie « qui peut fourvoyer même les plus sages »359, Corti endosse ainsi le principe de Bonnet. Mais ici tout est question de seuil.
111D’anciennes exceptions sont donc devenues le terreau pour formuler une nouvelle loi de la nature prenant pour centre la division des êtres microscopiques. Sans y voir l’ancêtre de la mitose, étant située entièrement en dehors d’une théorie cellulaire, la division devient cependant un point de repère capital permettant de s’y retrouver au sein du monde microscopique. Le même mécanisme épistémologique se répète, qui était celui de la parthénogenèse du puceron, de la régénération du polype et, maintenant, de la division des animalcules : grâce à une contestation circonscrite d’une partie de la théorie préexistentialiste, les auteurs sortent encore plus convaincus de cette même préexistence qui, en revanche, à reçu au passage une signification nouvelle. Sa direction est donnée par l’abstraction croissante et le détachement progressif des images classiques de la préformation et de l’emboîtement des germes, pour s’orienter vers une notion abstraite du germe — manifestée in toto dans les organismes microscopiques — comme transmetteur et porteur des seuls caractères et principes organisateurs de l’espèce.
112Une fois ses Osservazioni microscopiche sulla tremella et sulla circolazione del fluido in una pianta aquajuola publiées à Modène en 1774, poussé par Spallanzani, Corti écrit à Bonnet en novembre 1774 pour lui annoncer sa découverte de la multiplication des animalcules des infusions « par division en 4. 6. 8. 10. 12 jusque à 32 à la fois, et tout d’un coup »360. S’engage alors une de ces amples correspondances naturalistes dont Bonnet possède le secret. Rapidement, il la prend en main pour donner à ce nouvel auteur-acteur une version duelle de la découverte. À son habitude, il ne manque pas de renvoyer aux prophéties des Considérations sur la division pour y ajouter la découverte faite par Saussure361. Dans sa lettre d’octobre 1775, pour attester de la priorité de Saussure, il transcrit sa lettre362, en omettant le passage relatif à l’expérience cruciale, ce qui impliquait de citer Needham avec lequel il est brouillé363. Toujours est-il qu’encore une fois Bonnet reste le point nodal de l’ensemble de ce réseau, ce qui lui attribue entre autres le privilège de décider du statut précis d’une découverte. Ce sera justement l’enjeu de la lettre où Corti l’annonce à Bonnet : pour Corti, il s’agit là d’une découverte non influencée, avant même qu’il ait eu connaissance de la trémelle. En revanche, Bonnet n’a pas de problème à lui montrer qu’il s’agit là d’une redécouverte364, sans en diminuer l’apport365, mais dont le statut est toutefois différent de celui de la reconstruction du triplet car, selon toute apparence, Corti n’a pas été guidé. Il est pleinement auteur, mais arrive trop tard faute d’informations.
113Le travail de Corti est, en Italie, le premier à attester publiquement de la division comme d’un processus régulier propre à la reproduction des animalcules, figures à l’appui. Il donnera lieu à une injuste polémique de priorité fabriquée de toutes pièces par Felice Fontana, comme l’a bien montré Maria Teresa Monti366. Pourtant, hormis dans la péninsule, cette recherche demeurera peu connue, n’entrant pas dans les bibliographies postérieures — elle est par exemple absente de la nouvelle édition posthume et refondue du Vermium de Müller367, qui sera 50 ans durant la référence pour la systématique des infusoires. Monti a montré en quoi certains travaux de Corti furent occultés aussi par l’historiographie368. L’absence de référence à Corti dans les textes allemands provient du fait que le titre de son livre cache une partie des travaux qui s’y trouvent, ne laissant présager qu’une étude de physiologie végétale. Ses travaux sur les animalcules, plus vastes, furent publiés de manière posthume369.
Les dernières recherches sur la division en Italie
114Les recherches des expérimentalistes italiens ne se limitent pas à celles de Corti et de Spallanzani. Alimentée par un vaste réseau de correspondants et de connaissances, par l’enseignement de Spallanzani à Pavie et par ses publications, l’étude de la division est devenue une catégorie physiologique standard facilement accessible en Italie pour le travail de laboratoire. À la fin du siècle, un autre abbé expérimentaliste d’Italie, Luigi Guanzati (1757-1836) effectue des recherches microscopiques novatrices sur les processus de reproduction et de conservation d’un genre d’animalcules. Cet auteur devenu Barnabite en 1774 et proche de Spallanzani, publie un mémoire à Milan en 1796 dans le journal Opuscoli scelti, portant sur un animalcule aquatique déterminé par Linné en 1745, le protée et sur sa propriété de reviviscence. L’influence de Spallanzani y est déterminante, car Guanzati le prend comme modèle pour une enquête approfondie sur les diverses influences que subissent les animalcules : seuil de température, congélation, électricité, différence des milieux, durée et conditions de la « résurrection », qu’il pratique dans une remarquable recherche de laboratoire. Également conscient de la règle de l’exception370, qui participe des marqueurs des savants face aux amateurs, Guanzati ajoute ainsi un nouvel organisme à la liste de ceux dont la « résurrection » après dessiccation est avérée : le rotifère de Leeuwenhoek, les anguilles du blé de Needham, le tardigrade, les anguilles des toits de Spallanzani et le protée. Il va faire largement usage de la division dont il décrit le mécanisme :
Sa propagation se fait par division transversale. Au milieu de sa longueur, il se forme une contraction qui s’accroît peu à peu, jusqu’à ce que les deux parties ne soient plus unies entre elles que par un fil. Alors l’animal, ou plutôt les deux animaux font de grands efforts pour accomplir la division, et après s’être séparés, ils restent durant quelques instants comme stupides, puis ils se mettent à courir ça et là dans la liqueur, comme le faisait l’animal entier duquel ils tirent leur origine371.
115Pris dans le même contexte de réalité que Saussure, Bonnet ou Spallanzani, Guanzati utilise les deux envisionneurs du rapport taille-nombre et du cycle pour raisonner par compensation : à la division, qui réduit de moitié l’animalcule succède un accroissement qui vient compenser la diminution de taille et c’est bien ce que l’on observe : « Dans l’acte même de la division, ils commencent à grandir et, après la division, ils acquièrent en peu de temps la grandeur de l’animal duquel ils résultent et ils se divisent eux aussi en animaux qui finissent de même par leur ressembler »372.
116Mais il ne s’en tient pas à ces confirmations des observations d’autrui et note d’une part la relation entre la température et le nombre de divisions : « Ces divisions se succèdent dans ces animaux d’autant plus fréquemment que la saison est chaude »373. Surtout, comme Spallanzani, il perfectionne le protocole de Saussure en le croisant avec celui de la parthénogenèse du puceron par Bonnet. Après avoir isolé une « puceronne », Bonnet avait en 1742 ôté chaque nouveau-né pour remettre la mère en isolement. Guanzati procède de même : « dans l’espace de huit jours, j’en ai vu un se diviser au moins une vingtaine de fois. Je l’avais isolé et maintenu tel durant tout ce temps, en le séparant chaque fois qu’il se divisait, de son compagnon »374. À cela, Guanzati ne manque pas d’ajouter un savant calcul qui reconduit à ceux que l’on effectuait un siècle auparavant pour les spermatozoïdes et aboutit au chiffre de plus d’un million d’animalcules (1 048 576) produit à partir d’un seul en huit jours. Il repère également un animal isolé qui se divise en 64 animalcules en deux jours et peut ainsi estimer la fréquence quotidienne des divisions dans la saison chaude, environ trois par jour. Il observe aussi des accouplements d’animalcules. Pour Spallanzani, tous les infusoires étaient hermaphrodites, n’ayant pas besoin d’accouplement. Mais cela ne rend pas pour autant impossible toute forme d’accouplement. Éclairé par le principe de Bonnet travaillant la diversité des modèles de la nature, Guanzati observe alors des accouplements à plusieurs reprises chez le protée et chez d’autres animalcules375. À nouveau, le triplet de la division est généralisé à d’autres espèces, transformant le contexte de réalité initial, valide pour une espèce, en noyau de réalité. Ces noyaux de réalité se transmettent dans les communautés disciplinaires et trouvent leurs conditions d’augmentation au gré des nouveaux triplets, de la domestication du langage et des perfectionnements techniques, comme le suggère une comparaison des planches d’animalcules sur plus d’un siècle, de Joblot (1718), en passant par Baker (1744), Johann Conrad Eichhorn (1781) à Dujardin (1841).
117Pour les expérimentalistes italiens, la division fait donc à l’évidence partie des processus physiologiques de reproduction caractéristiques de certaines classes d’animaux. Aussi, comme cela avait été le cas pour la régénération du polype, en prolongement de la règle de l’exception, la question qui émerge est de savoir quelle en est l’extension, c’est-à-dire quels sont les genres et ordres d’animaux qui utilisent la division comme processus régulier de reproduction. C’est, en 1784, la question que pose Spallanzani dans une lettre à Bonnet, rapidement transformée en petit mémoire sur les organismes marins publié dans deux journaux scientifiques italiens376, avant d’être augmenté avec une bien plus forte diffusion dans le Journal de Physique :
On trouve dans l’eau de mer des animalcules microscopiques comme dans les eaux douces où l’on a fait macérer quelques substances végétale ou animale ; on les trouve surtout dans ces bas-fonds où les plantes marines se décomposent, comme dans l’eau de mer conservée dans des vases avec ces corps dont j’ai parlé ; mais quelles sont les loix auxquelles sont soumis ces animalcules ? Sont-elles les mêmes que celles des animalcules d’eau douce ? Multiplient-ils par division naturelle de leur corps ? Sont-ils ovipares, vivipares ? Comment se fait la multiplication des premiers377 ?
118Que peut-on retenir des recherches microscopiques des savants d’Italie ? Contrairement aux discussions présentes dans les États allemands jusqu’à la fin du siècle où la division n’est pas toujours reconnue comme processus régulier, les expérimentalistes italiens, insérant leurs recherches dans le cadre épistémologique démarqué par le principe de Bonnet et la règle de l’exception, établissent la stabilité de la division en lui attribuant ainsi une place reconnue parmi les processus de reproduction du vivant. La négociation sociale du triplet se fait en partie par des contacts de proximité, dont Spallanzani est un des centres et qui a pour effet de semer du confinement de laboratoire à divers coins de la péninsule. Si l’on consulte l’historiographie, la situation de l’histoire naturelle expérimentale de l’Italie de la fin du xviiie siècle a souvent semblé n’être que l’apanage du seul Spallanzani, flanqué de Felice Fontana. Malgré l’impression d’un vide de savants pratiquant l’expérimentation, l’Italie de la seconde partie du siècle est une pépinière d’expérimentalistes, comme on l’a entrevu avec Corti et Guanzati, et la recherche microscopique n’échappe pas à leurs investigations378. De ce point de vue, l’Italie reste une terre d’accueil et d’élection pour l’expérimentalisme naturaliste, référant en général aux traditions rédienne, réaumurienne et bonnetienne. Pourtant si les historiens n’ont en général pas saisi l’importance de ces mouvements expérimentalistes, c’est bien parce qu’ils sont devenus invisibles pour l’historiographie. L’écueil qui se dresse est celui de la communication, entre autres parce que les expérimentalistes d’Italie, à l’exemple de Spallanzani et de Bonnet, n’avaient pas emboîté le pas à la révolution linnéenne. Avec les différentes recherches des années 1770 s’inaugure une période de science cumulative, bien que peu coordonnée, caractérisée par l’extension des découvertes sur les animalcules microscopiques, servant de contexte de référence pour la reprise et la confirmation de travaux antérieurs sur la division, l’approfondissement du processus grâce au perfectionnement du protocole initial et sa généralisation à de nouvelles espèces. Mais face à cet accueil de l’expertise, où vont se multiplier les triplets, l’Italie est également caractérisée par le vaste écueil d’un déficit de communication scientifique face à ce qui se produit dans le reste de l’Europe. Ce déficit affecte :
- la circulation de la communication. Les États de la péninsule publient beaucoup moins de journaux que d’autres Etats, leur durée de vie est plus courte, ils contiennent moins de traductions et de nouvelles scientifiques d’Europe. Leur diffusion est surtout locale et la vitesse de circulation de l’information en est considérablement amoindrie.
- la centralisation de la communication. Constituée de nombreux petits États, l’Italie ne suit pas un modèle français ou anglais, où les principales recherches sont centralisées et publiées dans quelques journaux d’une grande capitale. De même, il n’existe pas en Italie l’équivalent des Commentarii de Rebus in Scientia Naturali et Medicina Gestis, journal publié à Leipzig qui synthétise l’ensemble de l’information d’histoire naturelle, de physique et de médecine disponible en Europe durant toute la seconde partie des Lumières.
- la standardisation de la communication. Les expérimentalistes italiens — et pour certains d’entre eux jusqu’à la fin du siècle — n’adoptent pas la nomenclature binaire et les déterminations linnéennes, modèle normatif de la communication savante qui devient progressivement dominant dans le reste de l’Europe. Cette posture amoindrit l’accès et la visibilité de leurs recherches.
119Quelque chose de ce déséquilibre de la communication est bien exprimé par le marquis Lucchesini, ancien élève de Spallanzani devenu chambellan et lecteur de Frédéric, qui écrit en 1780 à propos de la multitude des « journaux, dont l’Allemagne est inondée infiniment plus, que l’Italie et la France »379. Au point de vue de leur impact, malgré des travaux menés par divers acteurs pratiquement invisibles tels que Michele Colombo en 1787 et Guanzati, seuls les travaux de Spallanzani eurent une influence sur le développement des recherches microscopiques. Ses Opuscoli (1776) eurent une bonne diffusion, étant traduits en français (1777) et en anglais (1799)380. Ils serviront de référence pour de nombreux travaux du début du xixe siècle, par Dominique Villars (1745-1814), Giovanni Battista Amici (1786-1863), Mauro Rusconi (1776-1849), Jean-Louis Prévost (1790-1850) et Jean-Baptiste Dumas (1800-1884), Henri Dutrochet (1776-1847), Christian Ludwig Nitszch (1782-1837), Christian Gottfried Ehrenberg (1795-1876), Félix Dujardin (1801-1860), Stepan Kutorga (1808-1861) ou Ludwig Schmarda (1819-1908). C’est par ce canal que les naturalistes purent conserver la relation entre le nom de Saussure et la découverte de la division. Certes, en concurrence, comme l’a montré Pietro Corsi, le débat sur la génération spontanée anime le début du xixe siècle381 influencé par la traduction française de l’ouvrage de Gleichen en 1799. À cette époque, de nouvelles technologies permettent d’approfondir le regard et d’augmenter ainsi qualité et quantité des gravures : entre 1825 et 1840, le microscope achromatique, instrument plus puissant que ses prédécesseurs, à l’optique standardisée contrairement aux microscopes du xviiie siècle ; la camera lucida, inventée vers 1800, grâce à laquelle quiconque peut dessiner correctement ; les techniques de coloration et les améliorations des techniques de gravure et d’impression. Surpassant tout ce que les technologies du regard des Lumières avaient permis, cette nouvelle configuration ouvrait les portes d’un monde inconnu à l’intérieur même de terres certes déjà abordables, mais uniquement au moyen d’un microscope. Grâce aux colorations, à une meilleure résolution et à des grossissements atteignant 600 à 800x, on pouvait désormais pénétrer plus en profondeur dans les corps microscopiques en montrant des détails anatomophysiologiques internes auparavant impossibles à identifier. Mais cette démarche appelait, en sourdine, la construction de nouveaux contextes de réalité pour percevoir et comprendre cette nouvelle intériorité. De la sorte, couronnant un siècle de construction d’un contexte scientifique partagé — la microscopie — initiée sur des objets visibles, puis progressivement invisibles, se développait entre 1786 et 1840 la véritable invisibilité, soutenue nécessairement par ces nouveaux contextes et noyaux de réalité qui débordaient vers l’intérieur, quittant définitivement le champ perceptif vernaculaire.
120À l’aube de la naissance de la biologie, en se basant sur les travaux de Spallanzani, le protozoologiste français Félix Dujardin étudiait en 1841 les infusoires au point de vue physiologique. Il admettait que « la plupart des infusoires se multiplient par division spontanée »382 par un étranglement au milieu, suivi de leur séparation et de leur accroissement. Le langage est celui de Saussure. À cette époque encore, pour l’ordre de la reproduction, le phénomène attesté permettant d’expliquer leur propagation était bien la division, désormais désignée sous le terme plus technique de fissiparité383. La génération spontanée aussi bien que l’oviparité restant des hypothèses, la fissiparité était alors le seul mécanisme reproductif stable et reconnu comme tel chez les infusoires, alors que de nombreux autres processus, demeurés conjecturels, avaient été observés par quelques savants du nord et surtout par les Italiens — oviparité, gemmation, jonction d’animalcules et réviviscence. Mais l’histoire est parfois juste avec certains savants invisibles. En s’appuyant sur Spallanzani, Dujardin n’oubliait pas que c’était « Saussure, en 1765, qui reconnut la vraie signification de ce fait »384. Avec cela, Dujardin considérait, à tort, que la fissiparité avait été généralement admise depuis 1780. C’est essentiellement grâce au suivi pragmatique du réseau par un Charles Bonnet, dans un travail épanoui entre autres dans les œuvres de Spallanzani, que la division avait été reconnue comme processus régulier par une certaine audience, d’abord discrète puis, avec la démocratisation des sciences et l’apparition de la biologie, appelée à s’élargir considérablement au cours du xixe siècle. Ainsi que d’autres concepts de l’univers des sciences, la division servait maintenant comme d’un révélateur de ces professionnels émergents face aux amateurs. Un présage, au fond, de ces « Observateurs de profession »385 graduellement identifiés à la fin des Lumières tant avec le lignage de la systématique linnéenne d’un Müller qu’avec les dynasties expérimentales d’Europe convergeant vers les œuvres de Spallanzani et qui, les deux, déployaient la découverte feutrée d’Horace-Bénédict de Saussure.
Notes de bas de page
1 Lettre de Saussure à Haller, Genève, du 24 septembre 1765, in CHS, p. 214.
2 Trembley (Abraham), « Observations upon Several Newly Discover’d Species of Fresh-water Polypi », Philosophical Transactions, t. xxxxiii, 1744, pp. 169-183.
3 Lettre de Haller à Bonnet, [Berne], du 28 septembre 1765, in CHB, p. 441.
4 BGE, Arch. de Saussure 63, § 157, fo 118. Observation 157 du samedi 21 septembre 1765.
5 Lettre de Saussure à Haller, Genève, du 24 septembre 1765, in CHS, p. 214.
6 Lettre de Needham à Bonnet, Genève, du 28 août 1765, in CBN, p. 225. Senebier confirme plus tard que Trembley « sait fort bien la langue italienne », lettre de Senebier à Spallanzani, Genève, du 17 septembre 1776, in CSp., vol. viii, p. 14.
7 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genève, du 27 décembre 1765, in CSp., vol. ii, p. 12.
8 Lettre de Bonnet à Haller, Genthod, du 19 octobre 1765, in CHB, p. 442.
9 BGE, Arch. de Saussure 64, deux derniers ff non numérotés.
10 BGE, Fonds Trembley 17, env. 14, fo 269 : copie de lettre de Trembley à Bentinck, Genève, du 31 janvier 1763. L’original est à la BL, Ms Egerton 1726, fo 318b.
11 BGE, Fonds Trembley 17, env. 14, fo 272 : copie de lettre de Trembley à Bentinck, Genève, du 11 janvier 1764. Original : BL, Ms Egerton 1726, fo 324b.
12 BGE, Fonds Trembley 17, env. 14, fo 268 : copie de lettre de Trembley à Bentinck, Genève, du 31 janvier 1763. Original : BL, Ms Egerton 1726, fo 318.
13 Le manuscrit est troué à cet endroit.
14 BGE, Fonds Trembley 1, ff. 146v-147 : lettre de Bonnet à Trembley, Thonex, du 9 juin 1764.
15 BGE, Ms Bo 71, fo 241 : minute de lettre de Bonnet à Charles de Bentinck, Genthod, du 29 octobre 1765. En décembre, Bonnet écrit aussi à Allamand : « À force de le persécuter, je lui ai fait reprendre les Polypes », BGE, Ms Bo 72, fo 12 : minute de lettre de Bonnet à Allamand, Genève, du 25 décembre 1765.
16 Baker (John R.), Abraham Trembley…, op. cit., pp. 103-105 ; Harris (Henry), The Birth of the Cell, New Haven : Yale University Press, 1999, p. 58, et Ratcliff (Marc J.), « Construction, découverte… », art. cit., pp. 236-237.
17 BGE, Fonds Trembley 17, env. 14, fo 274 : copie de lettre de Trembley à Bentinck, Genève, du 26 octobre 1765. Original : BL, Ms Egerton 1726, ff. 328-328b.
18 C’est là encore un neveu : Bonnet est le neveu de Trembley, Saussure est le neveu par alliance de Bonnet. Sur les relations de parenté chez les savants genevois, voir Montandon (Cléopâtre), Le développement de la science à Genève aux xviiie et xixe siècles, Vevey : Delta, 1975, pp. 100-116.
19 BGE, Arch. de Saussure 12.2, lettre de Reich à Saussure, Leipzig, du 14 avril 1767, ff. 3v-3r. Entre 1767 et 1774, Reich envoie à Saussure près de deux cents ouvrages allemands et latins d’histoire naturelle, de physique, de géologie et de chimie, y compris la microscopie. Les lettres de Reich à Saussure contiennent les listes d’ouvrages, BGE, Arch. de Saussure 12.2, ff. 1-55.
20 Au printemps 1743, Bonnet devient à moitié aveugle, ce qui l’empêchera d’employer le microscope à cause des violents maux de tête que cela lui procure. Cf. Bonnet (Charles), Mémoires autobiographiques…, op. cit., pp. 78-79.
21 BGE, Fonds Trembley 17, env. 14, fo 274 : copie de lettre de Trembley à Bentinck, Genève, du 26 octobre 1765. Original : BL, Ms Egerton 1726, fo 328.
22 Copie manuscrite de la BGE : « rénura ». Baker (John R.), Abraham Trembley, op. cit., p. 157, qui cite cette lettre sur l’original de la British Library et la traduit en anglais, donne groove pour « rainure », que j’ai repris ici.
23 BGE, Fonds Trembley 17, env. 14, ff. 277-279 : copie de lettre de Trembley à Bentinck, Genève, du 18 mars 1766. Original : BL, Ms Egerton 1726, ff. 329v-331. Citant cette lettre, Baker (John R.), Abraham Trembley, op. cit., pp. 155, considère que « The process of the division of what is unequivocally a cell was now about to be seen for the first time ». Toutefois, Trembley réalise ses observations après celles de Saussure.
24 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genthod, du 27 janvier 1770, in CSp., vol. ii, pp. 117-118.
25 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 17 janvier 1771, in CSp., vol. ii, p. 164 : « je n’ai pu encore obtenir de lui une seule page ».
26 Trembley (Abraham), Instructions d’un père à ses enfants sur la nature et sur la religion, Genève : Cailler, 1775, 2 tomes, t. i, pp. 283-310.
27 Trembley (Abraham), « Observations upon Several Newly Discover’d Species… », art. cit. ; Trembley (Abraham), « Observations upon Several Species of Small Water Insects of the Polypus Kind », Philosophical Transactions, t. xxxxiv, 1747, pp. 627-655. Les deux articles sont traduits en français en 1747 (Trembley (Abraham), « Mémoire sur les polypes à Bouquet »), dans l’ouvrage de Needham (John Turberville), Nouvelles découvertes…, op. cit.
28 Trembley (Abraham), Instructions d’un père…, op. cit., t. i, pp. 295-296.
29 Selon Baker (John R.), Abraham Trembley…, op. cit., p. 156, ces corps tubiformes sont des diatomées Synedra, tandis que Castellani (Carlo) [sous la dir.], Lettres à M. l’Abbé Spallanzani de Charles Bonnet, Milano : Epistémé, 1971, p. 185, y a vu des Tubularia indivisa.
30 Trembley (Abraham), Instructions d’un père…, op. cit., t. i, p. 295.
31 Baker (John R.), Abraham Trembley…, op. cit., p. 194.
32 Ceci provient d’une lettre de William Bentinck à sa mère, Jane Temple (1672-1751), comtesse de Portland, du 23 juin 1743 : « The whole plan that is followed in the education of these boys, is owing in great measure to Mr. Gravesande », BGE, Fonds Trembley 6, env. 15 (lettre copiée) ; original : BL, Ms Eg. 1712, fo 272b.
33 Baker (John R.), Abraham Trembley…, op. cit., p. 194.
34 « Votre Méthode est admirable ; mais il n’y aura que les Lecteurs qui auront beaucoup réfléchi sur la Nature de l’Esprit humain & sur la maniére dont il se développe, qui en sentiront tout le prix », BGE, Fonds Trembley 1, fo 207v : lettre de Bonnet à Trembley, du 8 septembre 1775.
35 BGE, Fonds Trembley 1, ff. 207v-208, lettre de Bonnet à Trembley, Genthod, du 8 septembre 1775.
36 Trembley (Abraham), Instructions d’un père…, op. cit., t. i, pp. 297-298.
37 Lettre de Bonnet à Haller, Genthod, du 17 septembre 1765, in CHB, p. 439. Le dimanche 15 septembre, Saussure écrit : « M. B. hier M. s Lullin, ma femme et ma belle sœur les ont observé et ont admiré leurs singuliers mouvements », BGE, Arch. de Saussure 63, fo 84, § 101.
38 BGE, Ms Bo 72, fo 7v : minute de lettre de Bonnet à Schaeffer, Genthod, du 3 décembre 1765.
39 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Modène, du 18 novembre 1765, in CSp., vol. ii, p. 10, à propos de la Contemplation : « je crois qu’il n’y ait livre plus propre pour former un naturaliste, que le vôtre. Il enseigne l’art de penser, et tout à la fois celui d’experimenter ».
40 BGE, Ms Bo 74, fo 51 : lettre de Bonnet à Saussure, Genthod, du 16 décembre 1772 : « vous connoissés l’Animalcule à rouë ou le Polype des Gouttières ; je l’observai au Microscope en 1765 chés le célèbre Auteur des Polypes ».
41 Trembley (Abraham), Instructions d’un père…, op. cit., t. i, p. 295.
42 Bonnet (Charles), La Palingénésie philosophique…, op. cit., t. ii, pp. 99-101.
43 Lettre de Needham à Bonnet, Genève, du 3 août 1765, in CBN, p. 221.
44 Lettre de Bonnet à Haller, Perroy, du 15 août 1765, in CHB, pp. 433-434 ; BGE, Ms Bo 71, ff. 231v-232 : minute de lettre de Bonnet à Formey, Genthod, du 7 septembre 1765 ; BGE, Ms Bo 71 fo 233 : minute de lettre de Bonnet à Allamand, Genthod, du 10 septembre 1765 ; lettre de Bonnet à Spallanzani, Genève, du 14 septembre 1765, in CSp., vol. ii, p. 8.
45 BGE, Ms Bo 71, fo 233 : minute de lettre de Bonnet à Allamand, Genthod, du 10 septembre 1765.
46 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genève, du 14 septembre 1765, in CSp., vol. ii, p. 8.
47 BGE, Ms Bo 71, ff. 231v-232 : minute de lettre de Bonnet à Formey, Genthod, du 7 septembre 1765 : « Mr. Néédham va remanier tout cela, reformer ses Principes & nous donner une Traduction de l’Ouvrage de son Ami Spallanzani ».
48 Spermatiste, c’est-à-dire considérant que la reproduction se fait au moyen des animalcules spermatiques et non des œufs.
49 BGE, Ms Bo 72, fo 19v : minute de lettre de Bonnet à Maty, Genève, du 17 janvier 1766. Ramström (Christian Ludwig) « Generatio ambigena », Amœnitates Academicæ, t. vi, 1764, pp. 1-16. La thèse Generatio ambigena fut défendue par Christian Ludwig Ramström en décembre 1759 et publiée dans les Amœnitates Academicæ. Dans cette thèse, l’auteur (et Linné) y défendent l’idée que les animalcules spermatiques ne sont pas vivants, mais sont des particules dont le mouvement dépend de la chaleur, ibid., p. 4.
50 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genève, du 1er avril 1766, in CSp., vol. ii, pp. 16-17.
51 BGE, Ms Bo 72, fo 32 : minute de lettre de Bonnet à Cirillo, Genève, du 4 avril 1766.
52 BGE, Arch. de Saussure 11, ff. 151-152 : lettre de Cirillo à Saussure, Naples, du 30 août 1767.
53 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Modène, du 17 avril 1766, in CSp., vol. ii, p. 19.
54 BGE, Ms Bo 72, fo 42 : minute de lettre de Bonnet à Morgagni, Genève, du 24 juin 1766. Cette question fait partie d’une série de questions sur la génération. Sur leur relation, voir Usuelli (Luca), « Sui rapporti Morgagni-Bonnet », Episteme, t. vi, 1972, pp. 49-55.
55 BGE, Ms Bo 28, fo 19v : lettre de Morgagni à Bonnet, Padoue, du 4 juillet 1766 ; sur cette question, cf. Castellani (Carlo), Un itinerario culturale, op. cit., p. 74.
56 Roffredi (Maurizio), « Lettre à M. r le C. D. S. … », art. cit., p. 110.
57 BGE, Ms Bo 73, fo 66 : minute de lettre de Bonnet à Müller, Genthod, du 18 juillet 1769.
58 BGE, Ms Bo 71, fo 228v : minute de lettre de Bonnet à Schaeffer, Genthod, du 31 août 1765 ; BGE, Ms Bo 71, ff. 232-233 : minute de lettre de Bonnet à Allamand, Genthod, du 10 septembre 1765 ; BGE, Ms Bo 71, fo 241 : minute de lettre de Bonnet à Charles de Bentinck, Genthod, du 29 octobre 1765 ; BGE, Ms Bo 72, fo 19v : minute de lettre de Bonnet à Maty, Genève, du 17 janvier 1766 ; BGE, Ms Bo 72, fo 32 : minute de lettre de Bonnet à Cirillo, Genève, du 4 avril 1766 ; BGE, Ms Bo 72, fo 42 : minute de lettre de Bonnet à Morgagni, Genève, 24 juin 1766 ; BGE, Ms Bo 72, fo 47v : minute de lettre de Bonnet à Duhamel du Monceau, Genthod, du 25 juillet 1766 ; BGE, Ms Bo 72, fo 58 : minute de lettre de Bonnet à Müller, Genthod, du 26 août 1766 ; BGE, Ms Bo 73, fo 16 : minute de lettre de Bonnet à Valmont de Bomare, Genthod, du 3 novembre 1768.
59 Lettre de Needham à Bonnet, Paris, du 8 juin 1768, in CBN, pp. 250-251.
60 BGE, Arch. de Saussure 6, fo 146v : lettre de Bonnet à Saussure, Genthod, du 28 octobre 1768.
61 Needham (John Turberville), « Réponse aux lettres de Roffredi », Observations sur la Physique, t. v, 1775, pp. 226-228, p. 227.
62 Needham (John Turberville) [Notes ], op. cit., p. 188.
63 BGE, Arch. de Saussure 6, f 149 : lettre de Bonnet à Saussure, du 14 juin 1769.
64 [Note de Bonnet] : « Ces Notes ont été imprimées à Paris en 1768, à la fin de la Traduction Françoise de l’Ouvrage de M. Spallanzani sur les Animalcules des Infusions, publié en Italien en 1765 ».
65 Saussure (Horace-Bénédict de) [Lettre de Saussure à Bonnet du 28 septembre 1769], art. cit., pp. 428-429.
66 Ibid., p. 428.
67 BGE, Ms Bo 73, fo 89v : minute de lettre de Bonnet à Bruyset, Genthod, du 11 octobre 1769.
68 BGE, Ms Bo 73, fo 91 : minute de lettre de Bonnet à Lavater, Genthod, du 24 octobre 1769.
69 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genthod, du 27 janvier 1770, in CSp., vol. ii, p. 117. Et BGE, Ms Bo 73, fo 140v : minute de lettre de Bonnet à Tronchin, « De ma Retraite », du 30 mai 1770.
70 Lettre de Bonnet à Needham, Genthod, du 17 février 1770, in CBN, p. 287 ; BGE, Ms Bo 73, fo 158 : minute de lettre de Bonnet à Fontaine, prêtre d’Annecy, professeur en philosophie, Genthod, du 13 juillet 1770 ; BGE, Ms Bo 73, fo 172 : minute de lettre de Bonnet à Hoola van Noolen, avocat à la Haye, Genthod, du 8 octobre 1770.
71 Lettre de Bonnet à Haller, « De ma Retraite », du 12 novembre 1771, in CHB, p. 975 ; BGE, Ms Bo 73, fo 247-247v : minute de lettre de Bonnet à Euler, Genthod, du 5 février 1772 ; BGE, Ms Bo 74, fo 177v : minute de lettre de Bonnet à Martini, Genthod, du 21 janvier 1775.
72 Marx (Jacques), Charles Bonnet…, op. cit., t. ii, pp. 588, 691-694.
73 BGE, Ms Bo 30, fo 59 : lettre de Saussure à Bonnet, [s. l.] : [s. d.] [fin 1771].
74 McConnell (Anita), « The Flowers of Coral – Some Unpublished Conflicts From Montpellier and Paris During the Early 18th Century », History and Philosophy of Life Science, t. xii, 1990, pp. 51-66 ; Baker (John R.), Abraham Trembley…, op. cit., pp. 126-128.
75 Sur ces images et généralement sur les enjeux de l’iconographie microscopique dans la seconde moitié du xviiie siècle, voir Elkins (James), « On Visual Desperation and the Bodies of Protozoa », Representations, vol. xl, 1992, pp. 33-56 ; Ratcliff (Marc J.), « Temporality… », art. cit. ; Heering (Peter), « The enlightened microscope… », art. cit. ; Wellmann (Janina), Die Form des Werdens, op. cit. ; Ratcliff (Marc J.), The Quest…, op. cit., pp. 149-156.
76 Ellis (John), « Observations on a particular Manner of Increase in the Animalcula of vegetable Infusions », Philosophical Transactions, t. lix, 1769, pp. 138-152, ici p. 142, m. t. L’observation avait été communiquée en janvier 1769. Saussure était arrivé le 15 août 1768 en Angleterre, pour y rester jusqu’en janvier 1769. Voir la lettre de Saussure à Haller, Londres, du 16 août 1768, in CHS, p. 409. Sur ce voyage, voir Freshfield (Douglas W.), The life…, op. cit., pp. 104-120.
77 Ellis (John), « Observations on a particular Manner of Increase… », art. cit., p. 142, m. t.
78 Ibid., p. 142.
79 Baker (Henry), An Attempt Towards a Natural History of the Polype, London : Dodsley, 1743. Cf. à ce propos Ratcliff (Marc J.), L’effet Trembley…, op. cit., pp. 18-19. Les auteurs anglais, depuis Kippis (Andrew), Biographia Britannica, London : Strahan, 1778, 5 vol., vol. i, p. 528, ont considéré que les petites choses en question étaient les objets microscopiques et non pas ses procédés.
80 Lettre de Spallanzani à Caldani, Pavie, du 17 décembre 1771, in CSp., vol. iii, p. 175.
81 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 17 décembre 1771, in CSp., vol. ii, p. 214.
82 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « À la Campagne », du 18 janvier 1772, in CSp., vol. ii, p. 215.
83 Ibid., p. 215.
84 Ellis (John), « Observations on a particular Manner of Increase… », art. cit., p. 143. Ayant trouvé une proportion de un animal sur 50 qui se divise, il en conclut : « it appears rather to arise from hurts received by some few animalcula among the many, than to be the natural manner in which these kind of animals multiply ».
85 Senebier (Jean), Über die vornehmsten mikroskopischen Entdeckungen in den drey Naturreichen, Leipzig : Gräff, 1795, 216 p.
86 Sans doute y a-t-il là une relation avec l’importance de la « tradition [allemande] de la traduction », notamment pour les auteurs romantiques, comme le montre Berman (Antoine), L’épreuve de l’étranger, Paris : Gallimard, 1984, p. 49, qui en fait remonter l’origine à Luther (pp. 43-49). Voir aussi Bernofsky (Susan), Foreign Words Translator-Authors in the Age of Goethe, Detroit : Wayne State University Press, 2005, 239 p.
87 Wittman (Reinhard), « Une révolution de la lecture à la fin du xviiie siècle ? », in Cavallo (Guglielmo) & Chartier (Roger) (sous la dir.), Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris : Seuil, 1997, pp. 331-364, pp. 332-333, 358-363.
88 Par exemple, les ouvrages de Thomas Pennant, William Watson, James Parsons, Francesco Ginanni, William Hunter, Buffon, Lavoisier, Bonnet, Carl de Geer, William Hewson, Saussure, Daniel Solander, Giovanni-Battista Covolo, Deromé Delisle, Jean-Antoine Deluc, Peter Simon Pallas, etc.
89 Richards (Robert), The Romantic Conception of Life. Science and Philosophy in the Age of Goethe, Chicago : University of Chicago Press, 2002, pp. 213-216.
90 Marx (Jacques), Charles Bonnet…, op. cit., t. i, pp. 419-443.
91 BGE, Arch. de Saussure 82, 23.
92 Cf. Carozzi (Albert V.), Horace-Bénédict de Saussure…, op. cit., p. 28.
93 Lettre de Haller à Bonnet, Berne, du 4 mai 1766, in CHB, p. 493.
94 Gleichen (Wilhelm F. von), Das neueste aus dem Reiche der Pflanzen, oder mikroskopische Untersuchungen und Beobachtungen der geheimen Zeugungstheile der Pflanzen in ihren Blüten, Nürnberg : Christian de Launoy, 1764, pp. 8-9.
95 Lettre de Haller à Bonnet, s. l., du 12 mai 1766, in CHB, p. 495.
96 Ibid., p. 495.
97 Buffon (Georges Leclerc de), Histoire naturelle, supplément, op. cit., t. iv, p. 338.
98 Trembley (Abraham), « Anmerkungen uber verschiedene Arten kleiner Wasserinsekten von der Polypenart », Hamburgisches Magazin, t. vii, 1751, pp. 227-260.
99 Sans avoir demandé l’autorisation de Bonnet, Lavater avait, dans la dédicace, sommé le philosophe juif de Berlin Moses Mendelssohn de réfuter Bonnet ou de se convertir au christianisme, cf. Marx (Jacques), Charles Bonnet…, op. cit., t. ii, pp. 559-581.
100 BGE, Ms Bo 72, fo 47v : minute de lettre de Bonnet à Duhamel du Monceau, Genthod, du 25 juillet 1766 ; BGE, Ms Bo 72, fo 73 : minute de lettre de Bonnet à Maty, Genthod, du 24 octobre 1766.
101 BGE, Ms Bo 29, fo 21 : lettre de Titius à Bonnet, Wittenberg, du 28 août 1766.
102 Titius (Johann Daniel), « Gelehrte Nachrichten. Von nützlichen Büchern », Wittenbergisches Wochenblatt, t. ii, 1769, pp. 416-419, p. 419.
103 La seconde édition de la Palingénésie parut fin 1769 avec la date de 1770.
104 Titius (Johann Daniel), « Gelehrte Nachrichten. Von nützlichen Büchern », Wittenbergisches Wochenblatt, t. iii, 1770, p. 346 et « Physicalisch-ökonomische Aufsätze und Anmerkungen », Wittenbergisches Wochenblatt, t. v, 1772, pp. 329-332, p. 331.
105 BGE, Ms Bo 31, ff. 177-177v : lettre de Goeze à Bonnet, Quedlinburg, du 20 janvier 1773.
106 BGE, Ms Bo 74, ff. 64v-66 : minute de lettre de Bonnet à Goeze, Genthod, du 10 mars 1773.
107 BGE, Ms Bo 31, fo 180 : lettre de Goeze à Bonnet, Genthod, du 8 mai 1773. Bonnet le rappelle dans une lettre à Trembley, Genthod, du 13 novembre 1774 (BGE, Fonds Trembley 1, fo 203) où il rapporte qu’après avoir traduit les Considérations sur les corps organisés, Goeze l’informe qu’il désire traduire les Mémoires sur les polypes de Trembley, ibid., fo 203v. En 1775 seront publiés de Trembley les Abhandlungen zur Geschichte einer Polypenart des süßen Wassers à Quedlinburg.
108 Lettre de Bonnet à Haller, « Des bords du Léman », du 17 novembre 1773, in CHB, p. 1108.
109 BGE, Fonds Trembley 1, fo 203 : lettre de Bonnet à Trembley, Genthod, du 13 novembre 1774. Plus tard, en 1775, c’est Jean de Müller (1752-1809) qui sert de traducteur pour les textes allemands, cf. BGE, Fonds Trembley 1, fo 205v : lettre de Bonnet à Trembley, Genthod, du 3 août 1775 et, sur Müller, cf. Marx (Jacques), Charles Bonnet…, op. cit., t. i, pp. 287-292.
110 Goeze (Johann August Ephraim), « Anhang einiger Beobachtungen des Uebersetzers über verschiedene wichtige mikroskopische Gegenstände aus der Insektologie, und Helminthologie », in Bonnet (Charles), Abhandlungen aus der Insektologie [trad. Goeze Johann], Halle : Gebauer, 1773, pp. 417-578, p. 438.
111 Goeze (Johann August Ephraim), « Anhang einiger Beobachtungen… », op. cit., pp. 444-452.
112 Goeze (Johann August Ephraim), « Anhang einiger Beobachtungen… », op. cit., p. 445 : « Monsieur de Saussure a eu la patience de suivre un de ces animalcules mis seul dans une goutte d’eau », m. t.
113 Ibid., pp. 445, m. t.
114 Ibid., pp. 444, 446, 450.
115 Anonyme, « Relatio de singulari rationi incrementi animalculorum, in infusis variorum vegetabilium reperiunturum », Commentarii de Rebus in Scientia Naturali et Medicina Gestis, t. xviii, 1772, pp. 648-649, ici p. 649, m. t.
116 Goeze (Johann August Ephraim), Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewürmer thierischer Körper, Blankenburg : Pape, 1782. Sur la question et ses reprises à la fin du xviiie siècle, cf. Corsi (Pietro), « Before Darwin : Transformist Concepts in European Natural History », Journal of the History of Biology, t. xxxviii, 2005, pp. 67-83.
117 BGE, Ms Bo 31, ff. 190-190v : lettre de Goeze à Bonnet, Quedlimburg, du 29 septembre 1774.
118 BGE, Ms Bo 74, fo 178 : minute de lettre de Bonnet à Martini, Genthod, du 21 janvier 1775.
119 Ibid., fo 178v.
120 Ibid.
121 Pelisson (Jakob Philip), « Vergleichung der bekanntesten und besten Vergrößerungsgläser… », art. cit., p. 338.
122 Gleichen (Wilhelm F. von), Dissertation sur la génération, les animalcules spermatiques et ceux d’infusions, Paris : Digeon, An VII [1799], p. 124, traduit de Gleichen (Wilhelm F. von), Abhandlung über die Saamen-und Infusionsthierchen, und über die Erzeugung, Nürnberg : Winterschmidt, 1778, 171 p. Sauf indication, j’utilise dans cette section les citations tirées de la traduction française de 1799.
123 Gleichen (Wilhelm F. von), Abhandlung…, op. cit., 1778, p. 155.
124 Ibid., pp. 149-150, les figures 15, 16 et 17 illustrent une conjonction d’animalcules.
125 Gleichen (Wilhelm F. von), Dissertation…, op. cit., p. 210.
126 Ibid., pp. 124-125.
127 Ibid., p. 124.
128 Ibid., p. 125.
129 Ibid., p. 125.
130 Ibid., p. 177.
131 Ibid., p. 128.
132 Ibid., p. 128.
133 Ibid., p. 128.
134 Ibid., p. 129.
135 Ibid., p. 210.
136 Ibid., p. 235.
137 Ibid., p. 212.
138 Ibid., p. 126.
139 Ibid., pp. 133-134.
140 Saussure (Horace-Bénédict de) [Lettre de Saussure à Bonnet du 28 septembre 1769], art. cit., p. 429.
141 Ibid., p. 429.
142 Müller (Otto-Friedrich), Vermium terrestrium et fluviatilium, seu animalium infusoriorum, helminthicorum et testaceorum, non marinorum, succincta historia, Hafniae : Heineck & Faber, 1773-1774, 2 vol., vol. i, pp. 10-11.
143 Gleichen (Wilhelm F. von), Dissertation…, op. cit., p. 107.
144 Ibid., p. 119.
145 Ibid., p. 116.
146 Ibid., p. 112.
147 Ibid., p. 112.
148 Ibid., p. 116.
149 Lettre de Haller à Bonnet, du 4 mai 1766, in CHB, p. 493.
150 Hamburgishes Magazin, t. ix, 1752, pp. 436-444 ; ibid., t. xix, 1757, pp. 157-169, « Beobachtungen von der Erzeugung und Zusammensetzung der thierische Körper und Gewachse mittheilet ».
151 Gleditsch (Johannes Gottlieb), « Experience concernant la génération des Champignons », Histoire de l’Académie Royale des Sciences et Belles Lettres de Berlin, année 1749 [publié en 1751], pp. 26-32, p. 31 : « Les semences de Byssus qui flottent dans l’air avec de petits oeufs d’insectes » ; Gleditsch (Johannes Gottlieb), « Dissertation botanique sur le Carpobolus de Micheli », Histoire de l’Académie Royale des Sciences et Belles Lettres de Berlin, année 1763 [publié en 1770], pp. 77-86.
152 Ainsworth (Geoffrey C.), Introduction to the History of Mycology, Cambridge : Cambridge University Press, 1976, p. 23. Voir Munchhausen (Otto von), Der Hausvater, Hannover : Förster, 1765-1773, 6 vol., vol. i, 1765, p. 149.
153 Munchhausen, cité par Ainsworth (Geoffrey C.), Introduction…, op. cit., p. 23, m. t.
154 Sur Roos (Johannes Carolus), « Mundus invisibilis », Amœnitates Academicæ, t. vii, 1769, pp. 385-408, voir Ruestow (Edward), The Microscope in the Dutch Republic, op. cit., pp. 261, 269-270.
155 Linnaeus (Carl von), Philosophie Botanique [trad. par Quesné, Fr.-A.], Paris : Cailleau, 1788, p. 116. L’original latin est de 1751.
156 Roos (Johannes Carolus), « Mundus invisibilis », art. cit., p. 399, m. t.
157 Sur Linné, voir Hoquet (Thierry) (sous la dir.), Les fondements de la botanique, Linné et la classification des plantes, Paris : Vuibert, 2005, 290 p., et sur le linnéisme en Europe, Duris (Pascal), Linné et la France (1780-1850), Genève : Droz, 1993, 281 p. ; Beretta (Marco) & Tosi (Alessandro) (sous la dir.), Linnaeus in Italy, op. cit.
158 Joblot (Louis), Descriptions et usages de plusieurs nouveaux microscopes, op. cit., partie 2, p. 40 ; Lyonet (Pierre) [Notes ], op. cit., vol. i, pp. 59-60 ; Baker (Henry), The Microscope Made Easy, op. cit., p. 81 ; Needham (John Turberville), Nouvelles observations…, op. cit., p. 201 ; Wright (Edward), « Microscopical Observations », art. cit., pp. 553-554.
159 Ainsworth (Geoffrey C.), Introduction…, op. cit., pp. 23-24.
160 Linnaeus (Carl von), Systema naturae, 12e éd., Stockholm : Silvii, 1767-1768, 3 tomes, t. i, p. 1326.
161 Lettre de Saussure à Haller, Genève, du 5 avril 1769, in CHS, p. 425.
162 Needham (John Turberville) [Notes ], op. cit., p. 237 : ses observations sont « confirmées par le Baron de Munchausen, & vérifiées par ses expériences sur plusieurs corps, dont la corruption, comme on l’appelle communément, ou plutôt la décomposition se développe en êtres vitaux ».
163 Lettre de Bonnet à Haller, s. l., du 18 février 1769, in CHB, p. 804.
164 Ellis (John), « Observations on a particular Manner of Increase… », art. cit., p. 138 : « il était évident que les graines étaient mises en mouvement par de très petits animalcules qui provenaient de la putréfaction des champignons », m. t.
165 Ainsworth (Geoffrey C.), Introduction…, op. cit., p. 24.
166 Anonyme, « Relatio de singulari rationi incrementi animalculorum… », art. cit.
167 Müller (Otto-Friedrich), « Sur la mouche végétale de l’Europe », Introduction aux Observations sur la physique, t. ii, 1771, pp. 150-153.
168 Villemet (Pierre-Rémy), « Essai sur l’histoire naturelle du champignon vulgaire », Nouveaux mémoires de l’académie de Dijon, t. ii, 1783, pp. 195-211, pp. 198-199.
169 Gleichen (Wilhelm F. von), Abhandlung…, op. cit., p. 102. La même critique est adressée à Needham, ibid., p. 11, car selon Gleichen, les microscopes composés produisent des illusions d’optique.
170 Necker (Nathaniel-Joseph), Traité sur la mycitologie ou Discours historique sur les champignons en général, Mannheim : Fontaine, 1783, pp. 1-15, 101-102, 119-121.
171 Richard (Antoine), « Réfutation de l’opinion de la transmutation des Animaux en Végétaux », Observations sur la Physique, t. xv, 1780, pp. 400-402 ; Anonyme, « Lettre de M. L’abbé P ** à M. de La Métherie », Observations sur la physique, t. xxx, 1787, pp. 352-355, p. 353.
172 Palisot de Beauvois (Ambroise Marie), « Lettre à M. De La Métherie Au sujet du Traité sur l’origine et la formation des Champignons », Journal de Physique, t. xxxiii, 1790, pp. 81-93, p. 85.
173 Lamarck (Jean-Baptiste), Encyclopédie méthodique, botanique, Paris : Panckoucke, 1783, t. ii, pp. 691-694.
174 BGE, Ms Bo 66, fo 145v : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 23 octobre 1769.
175 BGE, Ms Bo 73, fo 128v : minute de lettre de Bonnet à Müller, Genthod, du 7 avril 1770.
176 Ibid.
177 BGE, Ms Bo 30, fo 288 : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 19 avril 1771.
178 Ibid., fo 288v.
179 Lettre de Haller à Bonnet, Berne, du 3 novembre 1771, in CHB, p. 974.
180 Lettre de Bonnet à Haller, « De ma Retraite », du 12 novembre 1771, in CHB, p. 975.
181 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « À la Campagne », du 18 janvier 1772, in CSp., vol. ii, p. 216.
182 BGE, Ms Bo 74, ff. 13-13v : minute de lettre de Bonnet à Müller, Genthod, du 18 avril 1772.
183 BGE, Ms Bo 28, fo 197 : lettre de Müller à Bonnet, Turin, du 3 août 1766.
184 BGE, Arch. de Saussure 224 : lettre de Müller à Saussure, Copenhague, du 7 avril 1773.
185 BGE, Ms Bo 66, fo 144v : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 23 octobre 1769 : « Je l’ai deja devoré & je le recommence pour la mediter ».
186 Müller (Otto-Friedrich), Vermium…, op. cit., vol. i, pp. 8-9.
187 Les passeurs sont ici les traducteurs, tels que Johan Kaspar Lavater pour la Palingénésie : Bonnet (Charles), Philosophische Palingenesie, Zurich : Orell, Geßner & Fueßli, 1770, 2 vol., pp. 492-496 ; Johann August Ephraim Goeze qui traduit l’Insectologie de Bonnet (1745) en y ajoutant la lettre de Saussure : Bonnet (Charles), Abhandlungen aus der Insektologie, op. cit., pp. 444-452 ; les traducteurs des Opuscoli di fisica de Spallanzani, où la lettre se trouve insérée : Jean Senebier (Opuscules de physique…, op. cit., t. i, pp. 172-176), et John Graham Dalyell : Tracts on the nature of animals and vegetables, Edinburgh : Creech, London : Cadell & Davies, 1799, 394 p. Seule la seconde édition (Tracts on the natural history of animals and vegetables, 1803, 2 vol.) contient la lettre de Saussure, vol. i, pp. 122-126.
188 Müller (Otto-Friedrich), Vermium…, op. cit., vol. i, p. 9.
189 BGE, Ms Bo 31, fo 193 : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 7 avril 1773. Deux ans auparavant, Müller répondait depuis Copenhague : « Il est difficile d’avoir ici les ecrits de Mrs Spalanzini & Nedham », BGE, Ms Bo 30, fo 287v : lettre de Müller à Bonnet, du 19 avril 1771.
190 Roffredi (Maurizio), « Seconde lettre, ou Suite d’observations Sur le rachitisme du Bled, sur les Anguilles de la colle de farine, & sur le Grain charbonné », Observations sur la Physique, t. v, 1775, pp. 197-225, p. 202 : « Tout récemment M. Muller, qui le croiroit ! M. Muller qui vient de donner un si bon livre sur les différentes espèces des animalcules microscopiques […] ne connoissoit pas [les anguilles] du bled avorté, puisqu’il n’avoit pas cité M. Néédham parmi des Synonymes du Vibrio anguillula, ni ailleurs ».
191 BGE, Ms Bo 31, ff. 192-192v : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 7 avril 1773, en réponse à une lettre de Bonnet du 18 avril 1772 (BGE, Ms Bo 74, fo 15, Genthod, minute de lettre) qui accompagnait l’envoi de la nouvelle édition des Recherches philosophiques sur les preuves du Christianisme de Bonnet.
192 Lettre de Haller à Bonnet, Berne, du 13 juin 1773, in CHB, p. 1086.
193 Lettre de Bonnet à Haller, [s. l.], du 6 octobre 1773, in CHB, p. 1101.
194 BGE, Ms Bo 31, fo 192v : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 7 avril 1773.
195 Ibid. : fo 193v.
196 BGE, Ms Bo 74, ff. 14-14v : minute de lettre de Bonnet à Müller, Genthod, du 18 avril 1772.
197 Saussure (Horace-Bénédict de), Observations sur l’écorce des feuilles…, op. cit., pp. 53-56.
198 BGE, Ms Bo 31, ff. 192v-193 : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 7 avril 1773 : « Je suis tenté à croire les points brillants de Mr. de Saussure une espece de mes Monades ».
199 Lettre de Bonnet à Haller, « De ma Retraite », du 10 septembre 1774, in CHB, p. 1135.
200 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « À la Campagne », du 19 janvier 1771, in CSp., vol. ii, pp. 169-170. Spallanzani avait chargé un ami de la traduction italienne de la Palingénésie, cf. la lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 19 juin 1770, in CSp., vol. ii, p. 129, mais l’Inquisition s’était emparée de l’affaire et en avait interdit la traduction. Voir la lettre de Spallanzani à Bonnet, Milan, du 23 novembre 1770, in CSp., vol. ii, p. 137.
201 Bonnet (Charles), Considérations…, op. cit., t. i, p. 122.
202 Bonnet (Charles), La Palingénésie philosophique…, op. cit., t. i, p. 250.
203 Marx (Jacques), Charles Bonnet…, op. cit., t. i, pp. 342-344, 350-351.
204 BGE, Fonds Trembley 1, ff. 148v-149 : lettre de Bonnet à Trembley, Genthod, du 4 septembre 1764. Cet aveu transformiste de Bonnet s’oppose au raccourci analogique voulant que, parce que « Bonnet était préformationniste », il devait nécessairement être « fixiste » et « créationniste » selon Pichot (André), Expliquer la vie…, op. cit., pp. 437-438. Les conditions que fixe Pichot, que l’évolutionnisme soit une solution « pour résoudre un certain nombre de problèmes biologiques » (p. 438) sont présentes chez Bonnet. Il faudrait donc ajouter Bonnet aux auteurs transformistes du xviiie siècle étudiés depuis Guyénot (Émile), Les sciences de la vie…, op. cit., et Glass (Bentley), Temkin (Owsi) & Strauss (William L.) (sous la dir.), Forerunners of Darwin, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1959, 471 p. Sur la question, cf. Roger (Jacques), Les sciences de la vie…, op. cit., pp. 665-669 et 720-724 qui avait repéré d’autres citations « transformistes » chez Bonnet ; Marx (Jacques), Charles Bonnet…, op. cit., t. i, pp. 73-74 ; Corsi (Pietro), « Before Darwin… », art. cit. ; Wilson (Catherine), « Kant and the speculative Sciences of Origins », in Smith (Justin E. H.) (sous la dir.), The problem of Animal Generation…, op. cit., pp. 375-401 ; Corsi (Pietro), Gayon (Jean), Gohau (Gabriel) & Tirard (Stéphane), Lamarck Philosophe de la nature, op. cit. Comme d’autres, Cheung (Tobias), « The Hidden Order of Preformation : Plans, Functions, and Hierarchies in the Organic Systems of Louis Bourguet, Charles Bonnet and Georges Cuvier », Early Science and Medicine, t. xi, 2006, pp. 11-49, p. 49, conclut que « pre-organized dispositions and limits of conditions of existence are, for all these authors [Bourguet, Bonnet et Cuvier], not results of spatio-temporal events, but have once been created in a divine act, at the very beginning of all that exists and can exist ». Cependant cette interprétation classique des historiens se fonde sur l’idée que l’évolutionnisme est incompatible avec le créationnisme, c’est-à-dire que le créationnisme est nécessairement fixiste, alors que, on le voit, Bonnet endosse clairement la position inverse.
205 BGE, Ms Bo 31, ff 194v-195 : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 30 mars 1774.
206 Ibid., fo 195.
207 Ibid., fo 195v.
208 Lettre de Bonnet à Haller, « De ma Retraite », du 10 septembre 1774, in CHB, pp. 1135-1136.
209 BGE, Ms Bo 31, fo 195v : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 30 mars 1774.
210 Ibid., « La manière de propager de l’un & l’autre [divers infusoires] est très differente, & les éspeces invariables ».
211 Lettre de Bonnet à Haller, « De ma Retraite », du 10 septembre 1774, in CHB, p. 1136.
212 BGE, Ms Bo 31, fo 195 : lettre de Müller à Bonnet, Copenhague, du 30 mars 1774.
213 Ibid., fo 195. Bonnet allait retranscrire également cette phrase dans une lettre à Haller, « De ma Retraite », du 10 septembre 1774, in CHB, p. 1136.
214 Lettre de Haller à Bonnet, Berne, du 17 octobre 1773, in CHB, p. 1102.
215 Lettre de Haller à Bonnet, Berne, du 16 septembre 1774, in CHB, p. 1139.
216 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genthod, du 24 septembre 1774, in CSp., vol. ii, p. 247.
217 Gleichen (Wilhelm F. von), Dissertation…, op. cit., p. 141, traduit de Gleichen (Wilhelm F. von), Abhandlung…, op. cit., p. 97. Les italiques sont d’origine.
218 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 28 décembre 1774, in CSp., vol. ii, p. 251.
219 Lettre de Bonnet à Haller, « De ma Retraite », du 11 janvier 1775, in CHB, p. 1150.
220 BGE, Ms Bo 74, fo 193 : minute de lettre de Bonnet à Müller, Genthod, du 29 mars 1775.
221 BGE, Ms Bo 74, fo 178v : minute de lettre de Bonnet à Martini, Genthod, du 21 janvier 1775.
222 BGE, Ms Bo 74, fo 204v : minute de lettre de Bonnet à Fontana, Genthod, du 20 mai 1775.
223 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genthod, du 25 mars 1775, in CSp., vol. ii, p. 254.
224 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 23 mars 1770, in CSp., vol. ii, p. 123.
225 Lettre de Bonnet à Spallanzani, Genthod, du 13 mai 1769, in CSp., vol. ii, p. 103.
226 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 23 mars 1770, in CSp., vol. ii, p. 122.
227 Ibid., p. 123.
228 Pour une analyse de la Prolusio, voir Ferrucci (Maria), Percorsi formativi…, op. cit., pp. 242-245.
229 Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., pp. lxvi-lxvii.
230 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 20 décembre 1770, in CSp., vol. ii, p. 139.
231 BGE, Arch. de Saussure 63, p. 12 et § 77.
232 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 17 janvier 1771, in CSp., vol. ii, p. 146.
233 Ibid., p. 146.
234 BGE, Arch. de Saussure 11, ff. 9-9v : « Extrait d’une Lettre de Mr. Spallanzani à Mr. Bonnet dattée de Pavie 20e Xbre 1770 ».
235 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 17 janvier 1771, in CSp., vol. ii, p. 146.
236 Ibid., p. 148.
237 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Reggio, du 12 septembre 1771, in CSp., vol. ii, p. 191.
238 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 17 janvier 1771, in CSp., vol. ii, p. 148.
239 Ibid., p. 149.
240 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 24 mars 1771, in CSp., vol. ii, p. 173.
241 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, pp. 40-45.
242 Ibid., vol. i, pp. 230-231.
243 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 24 mars 1771, in CSp., vol. ii, p. 173.
244 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Reggio, du 12 septembre 1771, in CSp., vol. ii, p. 205.
245 Ibid., p. 205.
246 Ibid., p. 205.
247 Ibid., p. 194.
248 Ibid., p. 195.
249 Ibid., p. 195.
250 Ibid., p. 195.
251 Ibid., p. 196.
252 Ibid., p. 196.
253 Ibid., p. 196.
254 Ibid., p. 197.
255 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « À la Campagne », du 16 octobre 1771, in CSp., vol. ii, p. 211.
256 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « À la Campagne », du 18 janvier 1772, in CSp., vol. ii, p. 215.
257 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, pp. 127-131.
258 Lettre de Saussure à Bonnet, du 8 février 1772, citée dans la lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Solitude », [Genthod], du 15 février 1772, in CSp., vol. ii, p. 217.
259 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 28 février 1772, in CSp., vol. ii, p. 220.
260 Spallanzani (Lazzaro), Opuscoli di fisica…, op. cit., vol. i, pp. 148-152. Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, pp. 172-176.
261 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, pp. 176-177. Ceci, contrairement à Berche (Patrick), Une histoire des microbes, Paris : John Libbey Eurotext, 2007, p. 27 selon qui Spallanzani est l’auteur de la découverte. Harris (Henry), The Birth of the Cell, op. cit., pp. 58-59, en revanche, suit Spallanzani et l’attribue à Saussure.
262 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 20 décembre 1770, in CSp., vol. ii, p. 143.
263 Ibid., p. 143.
264 Ibid., p. 143.
265 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 17 janvier 1771, in CSp., vol. ii, p. 164.
266 Ibid., p. 164.
267 Ibid., p. 164.
268 Terrall (Mary), « Following insects around… », art. cit., a problématisé cette importance de Réaumur comme centre d’échange de flux en lien avec la vaste circulation d’objets et de savoirs dans les réseaux naturalistes du xviiie siècle. Cf. aussi Ratcliff (Marc J.), « Priorités et paternité des découvertes dans les réseaux des réaumuriens durant les années 1740 », in Dal Prete (Ivano), Generali (Dario) & Monti (Maria Teresa) (sous la dir.), Le reti in rete, Firenze : Olschki, 2011, pp. 227-240.
269 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 24 mars 1771, in CSp., vol. ii, p. 176.
270 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 20 avril 1771, in CSp., vol. ii, p. 184.
271 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Reggio, du 12 septembre 1771, in CSp., vol. ii, p. 197.
272 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 28 décembre 1774, in CSp., vol. ii, p. 251.
273 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, p. 188.
274 Ibid., vol. i, pp. 188-189.
275 Ibid., vol. i, p. 191.
276 Ibid., vol. i, pp. 152-186.
277 Bonnet (Charles), Considérations sur les corps organisés, in Bonnet (Charles), Œuvres…, op. cit., 1779, t. v, p. 343 ; Bonnet (Charles), Contemplation…, in Bonnet (Charles), Œuvres…, op. cit., 1781, t. viii, pp. 221-230.
278 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, p. 250.
279 Ibid., vol. i, p. 250. Un passage similaire se trouve dans une lettre de Réaumur à Trembley, Paris, du 31 décembre 1751, in CRT, pp. 361-362.
280 Müller (Otto-Friedrich), Vermium…, op. cit., vol. i, pp. 8-10.
281 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, p. 253.
282 Cf. Ratcliff (Marc J.), « Temporality… », art. cit.
283 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Reggio, du 12 septembre 1771, in CSp., vol. ii, p. 197.
284 Ibid., p. 198.
285 Ibid., p. 198.
286 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 28 décembre 1774, in CSp., vol. ii, p. 251.
287 Ibid., p. 251.
288 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, p. 189.
289 Ibid., vol. i, pp. 48, 230-231.
290 Ibid., vol. i, p. 250.
291 Ibid., vol. i, p. 196.
292 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 24 mars 1771, in CSp., vol. ii, p. 176.
293 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Reggio, du 12 septembre 1771, in CSp., vol. ii, p. 198.
294 Ibid., p. 198.
295 Sur la question, cf. Bernardi (Walter), Le metafisiche dell’embrione, op. cit., pp. 409, 462 et Monti (Maria Teresa), Spallanzani e le rigenerazioni animali, op. cit.
296 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 20 décembre 1770, in CSp., vol. ii, p. 143.
297 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 17 janvier 1771, in CSp., vol. ii, p. 166.
298 Cheung (Tobias), « The Hidden Order… », art. cit., p. 32.
299 Duchesneau (François), « Charles Bonnet’s Neo-Leibnizian Theory of Organic Bodies », in Smith (Justin E. H.) (sous la dir.), The problem of Animal Generation…, op. cit., pp. 285-314, pp. 304-305.
300 Bonnet (Charles), La Palingénésie philosophique, op. cit., t. i, p. 369.
301 Ibid., t. i, p. 369.
302 Duchesneau (François), « Charles Bonnet’s Neo-Leibnizian Theory… », art. cit., p. 313. Similairement, Roger (Jacques), Les sciences de la vie…, op. cit., p. 723, considérait que la Contemplation apportait, de la théorie de germe, une « définition que la science moderne ne rejetterait pas ».
303 BGE, Ms Bo 90/5, s. f. : Bonnet, Sur les animalcules des infusions. Dans une analyse de la notion de préformation, Cheung (Tobias), « From the Organism of a Body to the Body of an Organism », The British Journal for the History of Science, t. xxxix, 2006, pp. 319-339, p. 332 aboutit à une conclusion similaire.
304 Lettre de Bonnet à Spallanzani, « De ma Retraite », du 17 janvier 1771, in CSp., vol. ii, p. 166.
305 Senebier (Jean), « Introduction du traducteur dans laquelle on fait connaître la plupart des découvertes microscopiques faites dans les trois règnes de la nature, avec leur influence sur la perfection de l’esprit humain », in Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit., vol. i, pp. xxxv, lxxviii.
306 Ibid., pp. lxxvii-lxxviii.
307 Ibid., p. xcvii.
308 Bonnet (Charles), Contemplation…, op. cit., t. i, p. 249 : « quand je me sers du mot de Germe, en parlant du Polype j’entends en général par ce mot, toute préformation, toute préorganisation, dont un nouvel Etre, un nouveau Polype est le résultat immédiat ».
309 Bonnet (Charles), Contemplation…, op. cit., t. i, p. 245.
310 Bonnet (Charles), Considérations…, in Bonnet (Charles), Œuvres…, op. cit., 1779, t. vi, p. 339, note ajoutée. Évolution signifie ici développement.
311 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Pavie, du 25 novembre 1772, in CSp., vol. ii, pp. 230-231.
312 Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., p. xvlii.
313 Adanson (Michel), « Mémoire sur un mouvement particulier découvert dans une plante appellée Tremella », Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, 1770, pp. 564-572, p. 566.
314 Ibid., p. 568.
315 En 1775, Adanson lit à l’Académie un rapport sur l’avancement de ses travaux. Cf. Adanson (Michel), « Extrait d’un mémoire […] Plan et tableau de mes ouvrages », Observations sur la physique, t. v, 1775, pp. 257-274. Sur les 40 000 dessins, cf. ibid, p. 272.
316 Adanson (Michel), « Mémoire sur un mouvement particulier… », art. cit., p. 565.
317 Ibid., p. 570.
318 Ibid., p. 569.
319 Ibid., pp. 565, 570.
320 Adanson (Michel), Cours d’histoire naturelle fait en 1772 par Michel Adanson [éd. par Adanson Alexandre], Paris : Fortin et Masson, 1860, 2 tomes, t. ii, p. 520.
321 Lettre de Needham à Spallanzani, Paris, du 22 mai 1767, in CSp., vol. vi, p. 194.
322 Ibid., p. 195.
323 Lettre de Spallanzani à Bonnet, Modène, du 6 juin 1767, in CSp., vol. ii, p. 65.
324 Needham (John Turberville) [Notes], op. cit., p. 163.
325 Ibid., pp. 208-209.
326 Ibid., pp. 209-211.
327 AvantCoureur, t. xiv, 6 avril 1767, pp. 216-218.
328 Adanson (Michel), « Mémoire sur un mouvement particulier… », art. cit., p. 570.
329 Ibid., pp. 565-566.
330 Lettre de Needham à Spallanzani, Paris, du 22 mai 1767, in CSp., vol. vi, p. 194.
331 Ibid., p. 194.
332 Needham (John Turberville) [Notes ], op. cit., p. 208, m. i.
333 Adanson (Michel), « Mémoire sur un mouvement particulier… », art. cit., p. 565, m. i.
334 Ibid., p. 570.
335 Sur cette question, cf. Dinsmore (Charles E.), « Charles Bonnet et le concept de régénération animale », in Buscaglia (Marino), Sigrist (René), Trembley (Jacques) & Wuest (Jean) (sous la dir.), Charles Bonnet…, op. cit., pp. 91-103, pp. 99-102 ; Beretta (Marco), « Dalla rigenerazione animale alla fisiologia della respirazione : Il dialogo tra Lavoisier e Spallanzani », in Bernardi (Walter) & Stefani (Marta) (sous la dir.), La sfida…, op. cit., pp. 277-291, et Monti (Maria Teresa), Spallanzani e le rigenerazioni animali, op. cit., pp. 160-181.
336 Monti (Maria Teresa), « Les “amusements patriotiques” et la “vraie microscopie” de Bonaventura Corti. Lumières contre visibilité ? », in Monti (Maria Teresa) & Ratcliff (Marc J.) (sous la dir.), Figure dell’invisibilità : Le scienze della vita nell’Italia d’antico regime, Firenze : Olschki, 2004, pp. 175-206, pp. 176-180. Pour un approfondissement des recherches de Corti, voir Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., pp. xvli-lxxxi, qui contient l’analyse de ses journaux d’observation.
337 Spallanzani (Lazzaro), Nouvelles Recherches…, op. cit., p. 137. Sur les apprentissages de Corti, cf. Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., pp. xlvi-xlviii.
338 Corti (Bonaventura), Osservazioni microscopiche sulla tremella et sulla circolazione del fluido in una pianta aquajuola, Lucca : Giuseppe Rocchi, 1774, pp. 30-32.
339 Corti (Bonaventura), Osservazioni microscopiche…, op. cit., pp. 48-61.
340 Ibid., p. 25, m. t.
341 Ibid., p. 25.
342 Ibid., p. 72, m. t.
343 Ibid., p. 64, m. t.
344 Ibid., p. 64.
345 Ibid., p. 8. Cf. Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., p. xlviii. Sur la division chez Corti, voir pp. l-lxviii.
346 Corti (Bonaventura), Osservazioni microscopiche…, op. cit., p. 72, m. t.
347 L’attitude de Spallanzani est ambiguë : l’analyse des journaux par Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., pp. lxxv-lxxxi, éclaircit ses contributions à l’enquête, bien qu’il en fasse peu de cas dans ses citations publiques, indice d’une possible rivalité, selon Monti (p. lxxxi).
348 Corti (Bonaventura), Osservazioni microscopiche…, op. cit., p. 76, m. t.
349 Ibid., p. 75.
350 Ibid., pp. 78-81.
351 Ibid., p. 81.
352 Ibid., p. 24, m. t.
353 Ibid., p. 70, m. t.
354 C’est Spallanzani qui s’en chargera, cf. Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., p. lxxxi.
355 Corti (Bonaventura), Osservazioni microscopiche…, op. cit., p. 70.
356 Ibid., p. 70.
357 Ibid., p. 71, m. t.
358 Ibid., p. 72, m. t.
359 Ibid., p. 71, m. t.
360 Lettre de Corti à Bonnet, du 15 novembre 1774, in CCB, p. 15.
361 Lettre de Bonnet à Corti, du 28 janvier 1775, in CCB, p. 21.
362 Lettre de Bonnet à Corti, du 28 octobre 1775, in CCB, pp. 37-39.
363 Comme l’a vu Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., p. lxviii. Dans la lettre de Saussure, l’expérience cruciale servait à convaincre Needham, alors que la correspondance entre Bonnet et Needham s’est interrompue depuis septembre 1773.
364 Lettre de Bonnet à Corti, du 28 octobre 1775, in CCB, p. 37 : « Ce que vous avéz vu de leur manière de multiplier n’a pas été nouveau pour moi ».
365 Ibid., pp. 38-39 : Saussure « n’a pas vu ce sac ou cette enveloppe que vous avéz fait représenter dans la fig. III ».
366 Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., pp. xxvi-xxxii.
367 Müller (Otto-Friedrich), Animalcula infusoria fluviatilia et marina [éd. par Fabricius Otto], Havniae : Möller, 1786, 367 p.
368 Monti (Maria Teresa), « Les “amusements patriotiques”… », art. cit., pp. 203-204.
369 Une édition partielle voit le jour en 1834 : Corti (Bonaventura), « Osservazioni sopra gli animalucci delle infusioni », in Brignoli (sous la dir.), Notizie biografiche e letterarie in continuazione della Biblioteca Modonese del Tiraboschi, Reggio : Tipografia Torreggiani e compagno, 1834, 2 vol., vol. ii, pp. 364-386. Avec sa rigueur habituelle, Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti…, op. cit., en a assuré une édition intégrale.
370 Guanzati (Luigi), « Osservazioni e sperienze intorno ad un prodigioso animaluccio delle infusioni », Opuscoli scelti sulle Scienze e sulle Arti, t. xix, 1796, pp. 3-21, pp. 5-6, cite l’épisode de la parthénogenèse depuis Réaumur jusqu’à Bonnet et Carl de Geer.
371 Guanzati (Luigi), « Osservazioni e sperienze… », art. cit., p. 5, m. t.
372 Ibid., p. 5, m. t.
373 Ibid., p. 5, m. t.
374 Ibid., p. 5, m. t.
375 Ibid., p. 7, m. t. Cf. Ratcliff (Marc J.), « Temporality… », art. cit., p. 284.
376 Spallanzani (Lazzaro), « Lettera prima relativa a diverse produzioni marine », Memorie di matematica e di fisica della societa italiana, t. xxii, 1784, pp. 603-661. Repris dans les Opuscoli Scelti, t. viii, 1784, pp. 340-392.
377 Spallanzani (Lazzaro), « Suite de la Première lettre de M. l’Abbé Spallanzani à M. Charles Bonnet sur diverses productions marines », Observations sur la physique, t. xxviii, 1786, pp. 252-269, ici p. 268.
378 Cf. Monti (Maria Teresa) & Ratcliff (Marc J.) (sous la dir.), Figure dell’invisibilità, op. cit.
379 Lettre de Lucchesini à Spallanzani, Potsdam, du 10 mars 1781, in CSp., vol. vi, p. 14.
380 Spallanzani (Lazzaro), Opuscules de physique…, op. cit. ; Spallanzani (Lazzaro), Tracts on the natural history…, op. cit.
381 Corsi (Pietro), « Before Darwin… », art. cit., pp. 79-81.
382 Dujardin (Félix), Histoire naturelle des zoophytes - Infusoires, Paris : Librairie Encyclopédique, 1841, p. 19.
383 Ibid., p. 83.
384 Ibid., p. 84. Cf. aussi p. 8.
385 Lettre de Bonnet à Haller, « De ma Retraite », du 12 novembre 1771, in CHB, p. 976.
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