Introduction
p. 13-33
Texte intégral
L’historiographie de la découverte et du laboratoire
1Reconstruire l’histoire d’une découverte scientifique en voulant intégrer toute sa complexité suppose divers enjeux et problèmes. Comment, à travers la multiplicité de ses trajets, saisir un objet historique donné, ici un nouveau fait scientifique, et en restituer l’unité ? Ceci, surtout lorsqu’on veut, comme ici, faire l’histoire et la microhistoire d’un ensemble de processus et non d’une suite d’états. Pour maintenir ce cap, croisant les sources imprimées, les manuscrits expérimentaux et les correspondances, suivant l’exemple de nombreux autres travaux, ceux de Carlo Castellani, Mirko Grmek, Howard Gruber, Larry Holmes, Maria Teresa Monti et Hans-Jörg Rheinberger, j’ai cherché à travailler simultanément sur tous les niveaux en sériant les difficultés et les pertinences de chacun. Tendue par le fil rouge d’une découverte capitale des sciences de la vie au xviiie siècle faite en 1765 à Genève par le jeune professeur de physique Horace-Bénédict de Saussure — la reproduction d’animalcules invisibles par division — la présente histoire se faufile le long d’allées fort diverses. On y traite de son insertion dans les traditions naturalistes, de sa microgenèse en laboratoire puis des aléas de sa circulation en Europe. L’histoire n’est pas ici la seule fin, il s’agit également de comprendre les lignes de force et la nature des processus ayant permis la fabrication de cet évènement, en tant que forme déterminée de l’innovation, en faisant la part de la construction et de la découverte, des contextes et de la cognition. Aussi l’approche générale articule-t-elle la micro-analyse aux méthodes de l’histoire des sciences.
2Longtemps, la philosophie des sciences d’Hans Reichenbach et de Karl Popper a tenu la découverte comme un lieu irrationnel et négligeable alors qu’en parallèle se développaient des travaux sur la créativité basés sur la psychologie, l’ingénierie et la cybernétique. À partir des années 70, un intérêt micro — c’est-à-dire pour l’analyse intensive — présent dans les sciences humaines s’est étendu à la découverte grâce aux études d’historiens des sciences qui se sont penchés sur des cahiers de laboratoire ou des cahiers manuscrits1. En parallèle, les sciences cognitives et la sociologie des sciences l’ont prise pour objet en se consacrant respectivement aux processus mentaux et aux conditions de sa diffusion2. Dans les années 80, le champ s’est dissocié en processus mentaux et sociaux, en création et diffusion de la découverte, objets d’étude des courants cognitifs et sociologiques. Suivant ce dernier, on a insisté sur l’importance de facteurs sociologiques tels que la réussite, le prestige ou la volonté de carrière3. Dans le programme fort de David Bloor les processus mentaux jouent aussi un rôle permettant de faire accepter une théorie issue de méthodes considérées comme des conventions sociales4. Aucune approche n’a fait l’unanimité, contrairement à certains concepts tels que la communauté scientifique de Thomas Kuhn qui permet de penser l’activité scientifique dans le cadre de communautés disciplinaires. Relativisme de la construction et réalisme de la découverte restent les deux épées de Damoclès que chaque approche peut lancer à l’autre, même si des positions médianes sont apparues : « Les scientifiques expérimentalistes ne lisent pas le livre de la nature, ils ne décrivent pas la réalité. Mais ils ne construisent pas plus la réalité »5. Sans doute, mais que font-ils alors ? Quoique atténué aujourd’hui, le désaccord sur l’importance des processus mentaux, et partant, sur la dichotomie entre facteurs mentaux internes et facteurs sociaux externes, suggère que les catégories pertinentes pour aborder la découverte — et la construction des faits scientifiques — se trouvent ailleurs.
3Dans ce cadre, le laboratoire, aussi étudié sur un mode anthropologique depuis les travaux de Bruno Latour, les pratiques expérimentales6 et leurs traces dans des cahiers d’expériences ou dans d’autres manuscrits sont devenues des objets incontournables pour comprendre la découverte et les processus de production des faits scientifiques. De pair avec celle d’autres sources comme les correspondances, « l’étude des cahiers de laboratoire ouvre de larges routes pour permettre d’examiner de manière microhistorique les processus du changement scientifique »7. En étudiant le temps du laboratoire, que ce soit historiquement ou sociologiquement, les historiens des sciences, sociologues, ethnométhodologues ou cognitivistes ont identifié de nombreux mécanismes, procédés, déterminations, facteurs explicatifs et catégories susceptibles d’intervenir à un moment ou à un autre dans le continent découverte. On peut les regrouper en plusieurs courants de recherche.
4Pour étudier les facteurs mentaux exerçant une influence sur la création scientifique, certains auteurs ont élaboré des modèles donnant une part aux mécanismes cognitifs, au rôle de l’iconographie, de l’analogie et de schémas mentaux, et ont également exploré les capacités d’abstraction, l’emploi de formes téléonomiques et les processus d’apprentissage8. En contraste avec ces approches visant à qualifier des déterminations positives sur la création, un autre ensemble de recherches a attribué une part active au hasard dans l’explication de l’innovation scientifique, en soulignant l’importance de l’insight, de moments de réorganisation de la pensée, de phénomènes et de rencontres imprévus, de la sérendipité et du hasard voire de la chance9. Un autre courant de recherches, inspiré des travaux de Norwood Hanson et de Thomas Kuhn a montré l’influence, sur la découverte, de ce qu’on pourrait regrouper sous l’appellation de facteurs négatifs : ici, les auteurs ont étudié comment l’observation chargée de théorie, les anomalies et l’erreur, ainsi que des mécanismes tels que l’exploration influençaient le processus de recherche10. D’autres travaux encore ont interrogé la spécificité des pratiques d’écriture et de lecture comme mécanismes producteurs d’innovation, que ce soit le rapport du savant à l’écriture, les relations entre écriture publique et privée, le travail sémantique ou les processus de sélection des données lors du passage du carnet manuscrit à la publication11. Finalement, certaines études ont souligné l’importance des modèles culturels sur la production de connaissances de laboratoire12.
5Toutefois, aucun de ces thèmes ne totalise le champ des processus impliqués dans les découvertes, notamment du fait de la grande variété des cahiers de laboratoire, des modes de découverte et des formes de créativité, ainsi que des contextes dans lesquels elles prennent place. Ces déterminations et catégories mêlent en réalité le descriptif et l’explicatif et, si elles ouvrent certainement à la compréhension de certains aspects de la découverte, elles peuvent aussi masquer, chez les auteurs qui en privilégient l’une ou l’autre, le rapport à la totalité et l’intégralité du parcours. Ceci, d’autant plus que les auteurs utilisent parfois des termes différents pour signifier des notions relativement semblables : les différences de mots répondent alors à une exigence de labellisation ancrée dans une tradition intellectuelle et l’emportent sur les pertinences de la différenciation conceptuelle dont la validité devrait être transdisciplinaire.
6Avec les travaux de Larry Holmes, la notion de trajet d’investigation13 a été généralement employée pour désigner le parcours aboutissant à une découverte scientifique. Les trajets d’investigation sont conçus comme l’ensemble des dispositifs favorisant diverses directions de l’enquête y compris lors des changements de direction. Focalisé sur le processus et sa complexité, le trajet d’investigation contrebalance la vision de la création qu’accompagne la notion de restructuration soudaine (insight). On a alors caractérisé l’ensemble d’une recherche de diverses manières, par ses orientations multiples, par des réseaux d’entreprises parallèles, des chemins développementaux, des trajectoires biographiques d’éléments d’un système, des points de déviation, de jonction et de bifurcation pour désigner des moments de choix ou de combinaison14. Corrélative du trajet d’investigation, la notion d’étapes ou de phases par lesquelles le savant et/ou le savoir passerait a été réactualisée, et prend chez Holmes la signification d’une base qui faciliterait « l’accès, depuis ce lieu, à ce qui semble prometteur »15. Pour décrire l’ensemble des expériences et interactions d’une enquête, diverses techniques ont été employées, comme le calendrier des activités de recherche et des tableaux systématiques des procédures employées16. Enfin, à l’édition philologique classique a été ajoutée la répétition d’expériences pour décrypter les savoirs tacites, ainsi que la reconstruction du processus de découverte au moyen de l’ordinateur17. Cependant, une tâche aveugle de tous ces travaux est à relever : la question des transformations du savant. Pourquoi, alors que le monde est constamment modifié par le savant, celui-ci ne ferait-il pas aussi l’objet de transformations ?
Une méthodologie entre microgenèse et microhistoire
Les transformations du savant
7L’approche microhistorique qui sera développée dans cet ouvrage met l’accent sur les processus interactifs, en interrogeant la nature même des liens humains. Toutefois, on ne saurait refuser la part d’autonomie qu’un sujet cognitif peut prendre sur soi sans dépouiller le concept d’acteur de sa valeur d’action et de choix et, du coup, se voiler la face sur la nature du travail de compréhension du monde et de soi qu’il opère. Il s’agira de comprendre le psychologique sous sa forme dynamique, c’est-à-dire en interaction constructrice du monde et transformante de soi. Nous croyons donc que, lorsqu’il est question d’innovation, le savant sort transformé du laboratoire, avec de nouvelles cordes cognitives à son arc, de nouvelles représentations et de nouvelles nécessités qui restructurent son identité propre autant que l’objet et ne peuvent être sous-estimées par l’historien, pour une raison fort simple : à ne pas s’en occuper, il manque le cœur de l’histoire.
8En s’intéressant, dans des cahiers de laboratoire, aux formes de l’irréversibilité, aux impossibilités de retourner en arrière, interactives ou personnelles, on se situe dans la zone articulant construction de l’objet et activités transformantes de l’acteur. En effet, à certains moments, au cours du trajet, le savant peut relire son histoire comme un développement, car il a vu a posteriori se modifier la réalité. Ces transformations, parfois labellisées tardivement comme progrès, n’impliquent aucune téléonomie. L’acteur se retrouve pris dans une irréversibilité immédiate qui modifie et fane certaines des conceptions antérieures du réel et de soi-même. Loin d’être un jeu d’illusion, la réalité construite, comme on le verra, devient le corrélat externe d’une nouvelle nécessité interne par laquelle le savant, parvenu à dominer l’objet, ne peut plus s’y rapporter autrement. En sortant du laboratoire — comme au sortir de telle lecture ou interaction — on ne peut plus voir certains segments du réel comme avant d’y entrer. Alors que la sociologie de la traduction considère que les seules transformations pertinentes sont celles d’« objets nouveaux » en « choses »18, il faut aussi tenir compte de l’effet du processus de recherche et généralement du travail de construction des choses sur le chercheur : ce sont les transformations du savant. À défaut, la justification devient purement rhétorique et la réalité un écran de fumée. Par conséquent, l’acteur sera ici en transformation située, à téléonomie locale et sans téléonomie d’ensemble. Car rejeter la téléonomie d’un parcours scientifique fait partie des exigences de l’étude des laboratoires. Pour Rheinberger, le savoir, jamais téléonomique, « est fondamentalement conditionné par son développement, c’est-à-dire déterminé par les étapes effectuées »19. C’est le sens de la démarche génétique de Piaget pour qui un développement étant entrecoupé d’étapes, de stades, aucune téléonomie ne le contraint. Piaget et Rolando Garcia l’ont formulé explicitement en insistant sur le processus : « La connaissance n’est jamais un état, mais un processus influencé par les étapes précédentes du développement »20.
9Notre pari est de chercher à comprendre comment la construction de cette identité socio-cognitive passe par l’officine du laboratoire, « centre névralgique de l’enquête »21 et lieu double, de construction de la réalité et de transformation du savant. Ludwik Fleck avait signifié ces transformations du savant au contact du laboratoire : « l’élaboration d’une connaissance transforme celui qui élabore la connaissance de manière à l’adapter de manière harmonieuse avec la connaissance qu’il est en train d’acquérir »22. À la même époque Jean Piaget voyait dans l’adaptation un double mouvement, du sujet à l’objet et de l’objet au sujet, devenant ainsi la base de toute transformation, des connaissances et du sujet23. L’assimilation est une « structuration par incorporation de la réalité extérieure à des formes dues à l’activité du sujet », tandis que l’accommodation modifie les schèmes « pour les ajuster aux réalités nouvelles »24. Ce modèle anticipe la conception du contrôle de l’action dont il sera question ci-dessous. Toutefois, ce mode d’étude en parallèle des transformations du sujet et de la genèse de l’objet — un fait scientifique — n’a pas été suivi par les historiens et sociologues des sciences, même si diverses voix se sont faites entendre pour signifier quelque chose de ce parallélisme. Bachelard avait signalé que « dès qu’un effet nouveau, dès qu’une expérience, qui n’a jamais été réalisée, se produit, il y a une mutation de l’esprit du savant »25. Pour Rheinberger, le chercheur « fabrique ses objets, mais seulement dans la mesure où ceux-ci le fabriquent lui-ou elle-même »26. Enfin, pour Larry Holmes, l’enquête de laboratoire est « reliée de manière continue au cadre plus vaste de l’entreprise scientifique, comme aux identités personnelles des scientifiques qui y participent »27. Toutefois, face à ce qui apparaît plutôt comme des déclarations d’intention — car ni les catégories employées ni les outils d’analyse ne portent sur les transformations du savant —, ce sont surtout des psychologues et des cognitivistes qui ont exploré, à travers la notion d’apprentissage, ces mécanismes de transformation.
10Mais s’agit-il ici seulement de la formation cognitive par laquelle passe un acteur avant de se trouver dans un laboratoire ? Si ces apprentissages sont certes nécessaires, comme le soulignent de nombreux auteurs après Fleck28, ils ne font que préparer les conditions d’approche du connu et non de l’inconnu. Or, c’est bien de cela dont il est question dans la découverte, selon la belle formule de Grmek : être capable de « voir ce que l’on n’a pas appris à connaître »29. Harry Collins a longuement exploré ces différences entre connaissances spécialisées apprises formellement et savoirs tacites30. D’autres ont mis en valeur le rôle du flou : David Gooding a signalé les « buts peu définis »31 des chercheurs et, pour Fernand Hallyn, « la créativité scientifique ne se manifesterait que devant des problèmes mal définis »32. Pour Rheinberger, les systèmes expérimentaux sont « mis en place pour donner des réponses inconnues à des questions que les expérimentateurs eux-mêmes ne sont pas capables de poser clairement »33. Par conséquent, face à des apprentissages par lesquels se fixent des procédures finalisées pour réaliser des objectifs prévus d’avance, il y a un résidu qui est justement la capacité à affronter l’inconnu. À ce stade, il faut chercher à comprendre, en plus des apprentissages du savant, quels sont les processus qui l’amènent à pouvoir aborder l’inconnu.
Les deux modes du contrôle de l’action : descendant (top-down) et ascendant (bottom-up)
11Ces processus, développés par le modèle microgénétique, s’inspirent des mécanismes d’assimilation et d’accommodation de Piaget et se ramènent à deux modalités du contrôle de l’action :
- Le contrôle descendant (top-down), moment où la représentation du but planifie l’action et transforme les situations et les objets. C’est le temps des modèles représentatifs, schémas, procédures connues appliquées aux situations, théories implicites ou non, le temps du concept généralisé, du travail de la déduction, de la planification et des projets guidés par des représentations de but, de l’anticipation, des transformations pratiques des objets et de toute procédure dans laquelle un but initial est maintenu, fort d’éventuels détours qui sont autant de contournements d’obstacles. Comme résultat, le contrôle descendant aboutit en priorité aux transformations du réel et des situations.
- Le contrôle ascendant (bottom-up) est le moment où la représentation est transformée, où les procédures sont en construction car dirigées par les situations et les objets. Pour l’acteur, c’est le temps, aux significations inverses du précédent, de l’errance, de l’exploration et du tâtonnement, de la recherche au hasard, du travail de l’erreur, des changements d’orientation, de la prise d’information, de la modification des représentations, de la construction préconceptuelle, de l’écoute de l’action des objets, de la sensibilité accrue aux contraintes inaperçues, de la transformation de certains buts en moyens ou réciproquement, de l’absence de but clair, du bricolage, de l’analogie, de l’abandon d’hypothèses, bref, le moment d’absorption, par les objets, d’un acteur qui en ressort modifié. C’est là le lieu où l’acteur est ouvert à des transformations dans ses procédures, ses savoir-faire et ses représentations, souvent sans que cela ne puisse être observé directement, mais dont des traces sont toutefois décelables. Le contrôle ascendant est ainsi prioritairement le moment de la construction de formes téléonomiques potentielles et, partant, des transformations de l’acteur.
12L’approche microgénétique est d’une grande richesse pour identifier les mécanismes psychologiques sous-jacents au travail de laboratoire, par exemple l’erreur : elle peut devenir « source de réorganisation », signaler un « conflit cognitif » autant qu’un changement du mode de contrôle. Ici, l’acteur est pris dans des formes « d’autocorrection ou d’équilibration », des régressions apparentes ou momentanées, ou encore des centrations, c’est-à-dire une perte de la vision d’ensemble de la situation et du but recherché au profit de dimensions nouvelles, non pertinentes, momentanées ou alternatives. Aussi, face à l’erreur, les stratégies sont-elles multiples, allant du rejet à l’orientation nouvelle et au « changement de modèle représentatif », à la transformation des moyens en buts afin de conserver des buts moins ambitieux ou provisoires34. Cette modification d’un objet ou d’une représentation du statut de moyen à celui de but transitoire permet de réinterpréter en termes de contrôle de l’action le fait que fréquemment au cours de l’enquête de laboratoire, l’instrument « devient lui-même un objet d’investigation »35 : ce qui était moyen dans un projet devient un but momentané. Le tâtonnement et l’exploration de la situation participent pleinement de ces moyens procéduraux activés en réaction à l’échec. Ils avaient aussi été analysés par Fleck comme une étape dans la genèse du fait scientifique, désignant un état considéré comme « irrationnel » où « le chercheur palpe en tâtonnant : tout s’écroule, on ne trouve nulle part de support solide […] [il] cherche la résistance, la contrainte de pensée vis-à-vis de laquelle il puisse se sentir passif »36. Cette recherche de la résistance externe, cette quête de la « contrainte passive »37 — je parlerai d’écoute et de réceptivité — face au discours des objets, ces formes de l’exploration et du tâtonnement sont caractéristiques du contrôle ascendant de l’acteur en situation. À ce moment, les microgénéticiens attribuent un rôle fondamental aux objets dans les changements de modèles représentatifs38.
13Alors que l’acteur de la microhistoire et de l’histoire des sciences est « un individu actif et rationnel opérant des choix propres »39, bref un acteur à une facette, l’acteur de la microgenèse est un Janus : il est certes actif et opère des choix, mais il est aussi en transformation, assistant en quelque sorte à des choix faits sur lui-même. Certes actif, il sait aussi être réceptif — et non passif. De la sorte, l’acteur est rationnel, actif, orienté et constructeur du monde d’une part et, d’autre part, tâtonnant et guidé, réceptif, transformé par son rapport au monde, ce qui permet de relier les transformations internes aux constructions externes. Nombre d’auteurs ont insisté sur le transitoire, le bricolage, l’incertitude, l’exploration comme étant la caractéristique fondamentale de l’activité de laboratoire. Bruno Latour, pour qui le bricolage est apodictique, considère pourtant que « ce qui arbitre en fin de compte, la fidélité et l’infidélité, la conviction et le scepticisme […] c’est l’angle des directions où nous souhaitons nous rendre »40, ce qui revient à de l’intentionnalité, de l’orientation vers un but et, pour l’atteindre, de la planification. Or, dans la perspective microgénétique, planification et exploration sont les emblèmes de deux pôles complémentaires et d’importance égale — processus descendants et ascendants — qui déposent des constructions dans le réel aussi bien que des transformations chez l’acteur. La grande difficulté de l’analyse de ces transformations est qu’aussitôt achevées, elles s’évanouissent pour des raisons qu’il s’agira d’identifier, passent dans les savoir-faire du corps comme dans les connaissances implicites et, pour une partie, explicites, dans les catégories et potentialités d’action. Mais, de même que les faits, les catégories, les savoirs implicites et les savoir-faire procéduraux sont les produits de genèses et, à les traiter hors de leur genèse et de la question du temps, on masque la position même du problème que Fleck avait fort bien mis en lumière :
si, des années plus tard, nous regardons rétrospectivement un domaine sur lequel nous avons travaillé, nous ne voyons plus et ne comprenons plus les notes du travail de création, nous rationalisons, schématisons le chemin du développement du travail : nous projetons les résultats dans les intentions. Comment pourrait-il en être autrement41 ?
14Fleck cerne le problème : comprendre la création de nouveautés signifie tenir compte de ce processus d’irréversibilité — il est question de développement dans cette citation — dont on a perdu la mémoire lorsque, incapable de revenir à l’état argumentatif où l’on se trouvait auparavant, on projette après coup et sur le point de départ ce qui n’est que le point d’arrivée. S’appuyant sur une nouvelle nécessité interne qui, ne devant rien au contexte, est le nouveau lieu d’évaluation d’où l’on relit son histoire en la ramenant au présent, le processus est alors effacé par les nouvelles contraintes, autant conceptuelles que d’énonciation du résultat. On conçoit alors pourquoi expliquer l’innovation suppose l’analyse des transformations internes de l’acteur, pour rétablir le processus de genèse de cette nouvelle nécessité. Piaget avait délimité les raisons pour lesquelles ces transformations sont difficiles à saisir :
Comme l’activité cognitive est orientée vers la solution des problèmes nouveaux que soulève la réalité et non pas vers la conservation ou la reconstitution d’un passé interne et révolu, aucun créateur scientifique, si puissant que soit son génie, n’est à même de dominer les questions dont relève la formation presque totalement inconsciente de sa propre intelligence : d’où le travail considérable qu’exige l’étude des processus génétiques, qui cherche à retracer niveau par niveau ce que le sujet parvient à « faire » et non pas simplement ce dont il prend conscience42.
15Par conséquent, on ne peut comprendre la genèse et la construction d’un fait et d’une connaissance, sa construction dialectisée avec la découverte, sans analyser en même temps les transformations propres du savant. Pour cela notre acteur doit être un Janus : transformant soi-même et le monde et fonctionnant avec deux modes complémentaires de contrôle de l’action.
16Au total, le modèle microgénétique permet de réinterpréter de manière unifiée les nombreuses notions de l’histoire des découvertes qui prennent des sens différents selon qu’elles sont actualisées en relation avec un mode du contrôle de l’action ou un autre : comme beaucoup d’autres concepts, les combinaisons (Thagard), les bifurcations et hybridations (Rheinberger), le modèle représentatif (Nersessian), les résistances (Pickering) ou l’exploration expérimentale (Steinle) tombent sous le contrôle ascendant lorsqu’elles sont en voie de création et sous le contrôle descendant lorsqu’elles deviennent opérationnelles, ce qui est totalement imprévisible à l’avance.
Dynamique de confinement et dynamique de relation
De la retraite hors du social à la dynamique de confinement
17Le chercheur est donc pris dans certains processus par lesquels il transforme le monde et soi-même — et cette transformation passe un coup d’éponge sur elle-même. Le savant, certes toujours dans le social et le réseau, n’en est pas moins apte à s’en extraire pour cultiver certaines zones d’autonomie, signifiées notamment par les notions de développement et transformations qui lui donnent la possibilité de s’en dégager. Les chercheurs du laboratoire n’ont pas noté cette capacité d’extraction et ont plutôt insisté sur l’action humaine43 et les aspects personnels du savoir, de l’expérience et de la cognition dans le travail de laboratoire. Fleck avait signifié ce facteur d’expérience personnelle différent de l’apprentissage en relation : « L’introduction, une sorte d’initiation réalisée par d’autres ouvre la porte d’un savoir — mais c’est l’expérience seule, laquelle ne peut être acquise que personnellement, qui rend capable d’élaborer des connaissances de manière effective et autonome »44. C’est bien là avouer la nécessité de moments d’autonomie et d’extraction hors du social. C’est pourquoi, ce que Fleck identifie comme expérience acquise personnellement, ce que Gooding nomme « expérience personnelle d’un environnement réel »45, ce que Holmes appelle « trajectoire savante personnelle »46, ce que Bourdieu désigne par skholé — une activité de loisir, libérée des contraintes de « la raison savante » et où s’installe un « rapport détaché, gratuit, ludique avec le monde »47 —, tout cela montre la nécessité de moments d’autonomie et touche à des lieux qui ne sont conceptualisables que dans un mouvement dynamique par lequel le savant se retire de l’interaction sociale pour entrer dans l’interaction objectale et l’interaction avec soi-même.
18À ce propos, les historiens des religions et les anthropologues ont analysé les « retraites privées », « l’intimité institutionnelle » incarnées de l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui dans des pratiques monacales de clôture comme dans des lieux d’études tels que le studiolo de la Renaissance48, le cabinet de l’époque moderne, parfois même le musée ou l’atelier et surtout le laboratoire, avant que celui-ci ne devienne, dès le xixe siècle, un lieu de plus en plus social de transmission et de construction des connaissances49. De fait, au xviiie siècle, le cabinet d’Abraham Trembley, les laboratoires de Saussure et de Spallanzani ne sont pas des cafés, ni des salons, mais des lieux de travail personnel où se construit une lente confrontation avec les naturalia au moyen d’artéfacts. Face à l’institutionnalisation sociale du savoir, lieux de retraite et laboratoires répondent à une fonction selon laquelle s’absenter du bruit social permet d’élaborer de la connaissance et de l’identité personnelle dans l’interaction nue entre soi et les objets, artefacts et naturalia. Il s’agit de sortir de l’espace interactif des codes sociaux pour se replier dans un espace interactif objectal et personnel marqué comme temps pour un soi-même au contact du monde que l’on construit, et cette fonction d’autonomie, qui permet de confiner momentanément l’acteur hors du réseau, participe d’une longue durée au cours de l’histoire. Les lieux de retraite reflètent toute la gamme contingente de cette fonction allant de la cellule au bureau, du désert à la bibliothèque, du voyage scientifique au laboratoire, du boudoir au cabinet, mais ce qui n’est pas contingent c’est la nécessité du mouvement de retrait favorisé par certaines conditions contextuelles. Si la retraite est bien le motif qui relie les laboratoires à d’autres formes de l’étude privée voire de la mystique50, au point de vue de la dynamique de confinement, la fonction est celle du confinement intérieur contre le monde social, quel que soit l’environnement spatial ou métaphorique qui vient le meubler. Cela peut être un cerveau, comme l’exprime Charles Bonnet (1720-1793), un des acteurs majeurs de la présente histoire : « Mon cerveau est devenu pour moi une retraite, où j’ai goûté des plaisirs qui ont charmé mes afflictions »51. Le confinement ne signifie pas plus claustration : « Seules les pensées qui vous viennent en marchant ont de la valeur », disait Nietzsche.52
19Pour certaine sociologie, il n’existe pas d’espaces clos, savants ou non, car réseau et acteur sont indissociables. Ainsi, selon Michel Callon, « la construction des faits scientifiques dans le laboratoire est indissociable de la stratégie du laboratoire au sein des réseaux qu’il [le scientifique] gère »53. C’est là refuser a priori que les dynamiques qui président à l’action du savant dans le laboratoire et dans les réseaux puissent manifester des zones de spécificité. Aldous Huxley y avait perçu une position politique : une des lois du Meilleur des mondes est l’interdiction d’être seul ! Or, tout acteur est capable d’édifier contre le réseau et l’interaction sociale des formes de confinement qui lui permettent d’entrer dans un fonctionnement spécifique différent du fonctionnement relationnel. Loin des connotations négatives des dictionnaires, se confiner ne signifie pas ici dresser une muraille entre soi et les autres, mais une frontière mobile et temporaire réglant les échanges lorsque le mouvement porte à se trouver seul/e. Car non seulement il y a capacité de retrait et de confinement, mais il y a également osmose, c’est-à-dire régulation des relations entre le dedans et le dehors, entre l’individuel et le collectif, entre soi et les autres, entre le laboratoire et le non laboratoire et généralement entre le bruit du monde et le rythme du travail individuel. Envisagé de la sorte, Je est un rythme, il s’accorde ou non aux rythmes des autres et doit pouvoir s’en extraire, notamment face au bruit des rythmes juxtaposés. Refuser de voir ces réalités — qui gouvernent notre propre posture de confinement régulé dans le travail —, c’est s’empêcher de comprendre bien des spécificités de l’action humaine, en solitude et en relation. Le retrait hors du bruit social met l’acteur en position d’être face au monde et à soi. Il entre alors dans une autre sphère, celle du confinement, lieu où le savoir n’est jamais sis dans l’enclos métaphorique de son cerveau ou de sa subjectivité solipsiste. Car, toujours selon l’approche interactionniste de Piaget, envisagée comme processus, « la connaissance procède à partir, non pas du sujet, ni de l’objet, mais de l’interaction entre les deux »54. Mais si la connaissance se situe toujours entre le sujet et l’objet, ceux-ci sont-ils pour autant équivalents ?
20Le paradigme interactionniste piagétien évite de les confondre, même si, avec la microgenèse, on veut écouter l’objet qui parle. Car, à réifier cette métaphore, on installe une confusion catégorielle prolongée dans l’équivalence chimérique de Latour entre humains et non-humains, voire sujet et objet, acteurs et artéfacts. La différence entre l’objet, même écouté, et le sujet, repose sur une raison plus profonde : il est impossible d’attribuer aux objets le cadre interprétatif d’attribution téléonomique que l’acteur seul peut appliquer à soi-même et aux autres acteurs, en plus du cadre causal. Il n’y a pas de téléonomie dans les objets, il n’y a que de la causalité, principe simple qui établit la dissymétrie fondamentale entre humains et non humains, sujets et objets. Quant aux artéfacts, ils n’ont pour toute dimension téléonomique que celle que les acteurs y ont mise durant leur genèse, moyennant force inventions d’outils, d’instruments et autres technologies qui prolongent les capacités humaines de délégation téléonomique aux artéfacts — ce qui n’a rien à voir avec l’attribution téléonomique aux humains. Comme le dit Ronald Giere, « les ordinateurs sont des machines purement syntactiques » et non sémantiques55. La biographie des objets n’apparaît alors que comme une élégante figure de style. Dans les faits, on délègue de la téléonomie aux artéfacts, alors qu’on l’attribue à soi-même et à d’autres acteurs, comme à d’autres collectifs d’acteurs.
Confinement et relation, principes de l’auteur et de l’acteur
21Les deux dynamiques se prolongent respectivement dans les notions d’auteur et d’acteur, ainsi la découverte scientifique répond-elle à un double processus. Elle prend d’abord corps par et pour son auteur, responsable de sa genèse ; toutefois, autour, avant comme après, elle se situe au croisement d’origines diverses, de traditions scientifiques, d’apprentissages, de développements et d’appropriations de connaissances autant que d’interactions objectales et sociales, et prend son essor historique en fonction de configurations particulières d’acteurs où interviennent des protagonistes autres que l’auteur — ou du groupe d’auteurs. La découverte suppose ainsi deux moments, celui de l’auteur et celui des acteurs, moments parfois superposés ou imbriqués, mais où chacun estompe l’autre, et qui s’expriment dans ces espaces spécifiques des dynamiques de confinement et de relation. Ces deux dynamiques sont complémentaires et démarquées par les postures prises face à elles : la dynamique de confinement désigne l’ensemble des lieux et processus activés par la capacité de l’acteur à se retirer hors de la dynamique de relation, devenant virtuellement auteur.
22Alors même que, potentiellement, le savant est toujours acteur et auteur, pourtant, occupé de certains objets spécifiques, il l’est de manière alternative. À ce point, les dynamiques de relation et de confinement constituent deux pôles montrant chacun une forme de nécessité ou d’irréductibilité des rapports entre auteur et acteurs, et entre l’auteur et lui-même. En réponse à la question de Michel Foucault : « qu’est-ce qu’un auteur ? »56, nous dirons que l’auteur, dans le cas des sciences expérimentales, est celui qui, par son engagement au laboratoire57 et dans l’écriture, se trouve pris entre deux transformations co-nécessaires : la sienne propre et celle du réel. La présente histoire porte sur un cas où l’auteur est unique, mais elle pose les bases pour comprendre le cas de l’auteur collectif58. Si la qualité d’auteur est auto-assignée par la dynamique de confinement, elle fonctionne de manière complémentaire à l’ordre d’une logique sociale qui la ratifie à travers divers processus tels que le rendu public, la publication, la controverse, la revendication de paternité, les droits d’auteurs, etc.59 L’histoire de l’auctorialité a mis en évidence les processus qui font converger de nombreuses formes conventionnelles, entre propriété intellectuelle et capacité de création, autour de la notion d’auteur à l’époque moderne et notamment par la création du copyright en 171060. En son temps, la dynamique de relation peut également devenir irréductible, espace parfois coupé de la dynamique de confinement où l’auteur ne compte plus en tant que tel, mais dont il devient un acteur, impresario d’une découverte au même titre que d’autres. Pour faire circuler la découverte, les acteurs — ici, quatre acteurs principaux prolongés dans leurs divers réseaux et audiences — vont être absorbés dans la dynamique de relation dont le cœur est le rapport aux codes sociaux, maîtrisés ou non. Comme on le verra, s’approprier et reconstruire le triplet saussurien suppose qu’un acteur se reconfine suivant les exigences de la dynamique de confinement qui implique la maîtrise de la triade des formes de l’expérience : agir, écrire, penser. Savoir se confiner n’est pas un gage d’auctorialité, mais en revanche, un auteur a nécessairement dû savoir se confiner. Et à propos de l’auteur justement, on constatera que Saussure est fort peu acteur de sa découverte, et c’est pourquoi il sera beaucoup question de Charles Bonnet, de John Turberville Needham (1713-1781), de Lazzaro Spallanzani (1729-1799) et, dans une moindre mesure, de savants tels qu’Abraham Trembley (1710-1784), Albrecht von Haller (1708-1777), Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788), Maurizio Roffredi (1711-1805), Otto-Friedrich Müller (1730-1784), Michel Adanson (1727-1806) et bien d’autres.
La dynamique de relation
23Dans ce lieu complémentaire au confinement qu’est la dynamique de relation, on décèlera les formes de l’interaction et des pratiques de communication entre savants, où, sur les contenus, formes et fonctions des échanges relatifs au triplet, se manifeste l’influence de facteurs sociaux, interactifs, communicationnels, éthiques et psychologiques. Ceux-ci portent sur la mise en scène de soi-même face à l’autre et au collectif et touchent la confiance, la responsabilité, le lien, le champ affectif, la parole donnée ou la candeur61, aussi bien que les croyances, les intérêts personnels, le prestige, les stratégies et généralement les pratiques sociales et relationnelles engendrées par la négociation non pas de la seule crédibilité et de la vérité62 mais d’un triplet, qui engage, comme on le verra des processus de reconstruction. Il faudra surtout, avec les microhistoriens, savoir se mettre à la place de l’acteur des Lumières en déplaçant « le regard des comportements aux cadres mentaux des individus »63. On cherchera à identifier les représentations que se font les savants de leurs collègues, qui déterminent leurs attitudes, ainsi que les principes gouvernant l’économie morale, le secret, les principes de la collaboration entre savants64 et, généralement, l’ethos des échanges entre pairs auxquels souscrivent les savants à une certaine époque65.
24Par rapport à la sociologie des controverses qui a surtout pris comme objet les polémiques relatives au savoir et aux priorités, on déplacera l’accent vers des controverses et négociations dans lesquelles les objets — tacites ou explicites — sont prioritairement de deux sortes : d’une part la communication et ses codes d’échange et, d’autre part, des principes que, aujourd’hui, nous appellerions épistémologiques et éthiques, qui orientent les acteurs aussi bien face au savoir que devant autrui. Les impératifs de l’ethos scientifique tels que les définit Merton, c’est-à-dire l’universalisme, le collectivisme, le désintéressement et le scepticisme, apparaîtront, par comparaison aux entrelacements microhistoriques retracés dans l’étude de la dynamique de relation, comme bien éloignés des pratiques d’échange. La démarche revient en partie à traiter les controverses en déplaçant l’accent de la notion utilitariste d’intérêt d’une part, vers la sphère des valeurs, comme l’ont proposé divers auteurs66 et, d’autre part et surtout, vers celle de la communication. Toutefois, il ne s’agit pas seulement d’envisager celle-ci comme seul lieu privilégié des échanges, mais bien de déchiffrer le rapport des acteurs à la communication. De même que l’école de Palo Alto cherchait à identifier les règles déterminant les systèmes humains, que Goffman étudiait les rôles et la distance que les acteurs pouvaient adopter à leur égard, des historiens des sciences comme Robert Kohler ont appliqué ces catégories aux communautés scientifiques, en cherchant « quelles étaient les règles tacites guidant la vie en communauté »67 des biologistes autour de la drosophile. Ces méthodes sont applicables aux échanges des correspondances, à ces communautés virtuelles où, parfois, les acteurs ne se rencontrent jamais ou rarement au cours de leur vie68. Elles ouvrent un espace de sens qui se révélera fondamental pour comprendre les fonctions de la dynamique de relation dans la construction du fait scientifique, lieu où les critères deviennent, entre autres, les compétences des acteurs liées à la compréhension et la maîtrise des codes sociaux. Il en résulte que les thématiques du faux, de l’interprétation erronée, de la déformation des savoirs, de l’ignorance, sans être stricto sensu causées par des intérêts, cognitifs ou non, seront discutées à l’aune des formes de la maîtrise sociale, ainsi qu’à celle des principes que se donnent les savants pour comprendre soi et les autres.
25On cherchera donc à identifier les processus de recentrage et de coordination de l’ensemble des intentions d’un acteur face aux autres, même lorsqu’elles sont contradictoires chez un individu69. Des théories des systèmes et de la communication, on retiendra de Watzlawick ce principe de « l’impossibilité de ne pas communiquer »70, règle fondamentale par laquelle les silences connotés et le travail du négatif, pour peu que les sources disponibles passent un seuil, deviennent significatifs et révèlent alors ce qui avait été conçu pour rester caché. Finalement, pour parler d’unité, il faut des points communs entre les dynamiques de confinement et de relation. D’un côté, on cherchera comment l’activité de laboratoire et les produits qui en émanent dépendent d’une épistémologie spécifique au xviiie siècle, laquelle sait doser construction et réalisme pour aboutir à stabiliser la découverte. De l’autre, on verra comment le jeu des codes sociaux entame les conditions de production de la découverte, limitant ou accélérant sa transformation en savoir partagé. Car si la négociation sociale d’une découverte est apodictique, son aboutissement dépend tant des codes de relation choisis que de ses rapports avec la dynamique de confinement. Le savoir partagé possède des dimensions non contingentes, il procède de l’articulation entre une certaine épistémologie et certains codes sociaux, entre certaines zones des dynamiques de confinement et de relation. Surtout, il n’est pas une explication, mais ce qui doit être expliqué. Or, il existe un lieu de continuité et de régulation entre les deux dynamiques : le langage. Auteur au laboratoire et acteurs sociaux sont toujours dans les multiples toiles du langage. Le savant est toujours pris dans une dynamique commune de connaissance où les codes régissant confinement et relation peuvent facilement s’entremêler. Mais c’est justement contre cette confusion des deux dynamiques que l’activité scientifique a créé de nouvelles formes cognitives, sociales et institutionnelles.
Des objets de langage aux processus textuels
26Ainsi le rapport au langage, analysé à travers ses différents mécanismes de production du texte et du fait scientifique, va-t-il se révéler déterminant pour savoir comment auteurs et acteurs parviennent à réduire cette confusion et à cultiver des espaces heuristiques confinés différenciés des espaces de relation. On ne se cachera pas que dans l’équation de la connaissance, c’est-à-dire dans l’évaluation des facteurs qui la déterminent, les objets de langage71, moments où les savants traitent le langage comme un objet, sont pratiquement ignorés. En réalité, la langue scientifique est si peu naturelle qu’elle doit faire l’objet d’apprentissages spécifiques, ce pour quoi Charles Bazerman parlait à juste titre de « savoir de la langue ». Cet ensemble de rapports au langage, où les savants développent des processus textuels spécifiques, plus ou moins contrôlés, ne compte au mieux que dans leur aménagement rhétorique visant à produire la conviction. Ainsi, dans l’inventaire de 2008, par Peter Galison, des dix problèmes les plus importants de l’histoire et de la philosophie des sciences, n’est-il question de langage que lorsqu’il s’agit de comprendre comment l’argumentation permet de convaincre72. Il faut, au contraire, chercher quelles sont les déterminations qui ont amené le savant et aujourd’hui l’historien des sciences à ignorer ou annuler l’activité linguistique et les processus textuels qui en sont à la base.
27Dans ce cadre, la question de la recherche et de l’invention du terme pertinent par le savant est capitale. Hanson l’avait problématisée en interrogeant la nécessité du langage, demandant, à propos de Galilée : ses prédécesseurs « auraient-ils pu avoir ces idées sans la notation dans laquelle les exprimer »73. Car « la formation d’un concept x dans un langage qui n’est pas assez riche pour exprimer x (ou dans un langage qui explicitement exclut l’expression de x) est toujours très difficile »74. Dans l’activité de laboratoire, de nombreux auteurs ont signalé ces hésitations faisant état du travail du mot et de la langue. Ceci se produit même dans le cas de la physique mathématique du xixe siècle, comme le souligne Jed Buchwald : « En rédigeant le paragraphe corrigé, Hertz se trouvait apparemment en difficulté pour décider comment formuler ses nouveaux résultats malheureux (du fait de leur caractère essentiellement négatif) »75. L’ensemble de ces hésitations et difficultés pointe la sphère de résolution de problème et d’action spécifique qu’est, au sein des outils relatifs aux objets de langage, un processus textuel que je désignerai comme expérience du texte. Celle-ci désigne toute forme de confrontation avec de la nouveauté linguistique, qu’elle soit de production ou de lecture et, partant, l’ensemble des attitudes prises face à de l’innovation sémantique. La rencontre avec un néologisme appelle l’expérience du texte, de même que la création d’une signification ou d’un terme nouveau. Le travail de l’expérience du texte se voit à l’œuvre dans les processus à l’origine de la création d’un terme-concept, par exemple celui de microbe analysé par Émile Benveniste76. Dans les pratiques de laboratoire, l’écriture sert de guide dans la mesure où le lexique dont dispose l’auteur désigne la plateforme des choses connues à partir d’où l’on déchiffre le monde objectal et phénoménal. Certains processus textuels permettent de travailler en deçà de cette plateforme, comme au-delà des frontières entre le connu et l’inconnu.
28Les processus textuels ne sont ni les technologies littéraires, ni les rhétoriques de conviction et encore moins l’inscription, qui n’envisagent jamais des objets de langage, et où sont indifférenciés le connu et l’inconnu, le processus et le résultat, le nouveau et l’ancien, le confinement et la relation, alors que la distinction de tous ces registres est capitale pour saisir leurs lieux spécifiques de fonctionnement. Les objets de langage ne sont pas réductibles aux matters of fact. Par exemple, alors que le thème des hésitations du langage est un lieu commun de l’étude des cahiers de laboratoire, du fait que la culture historico-scientifique et épistémologique moderne a intériorisé l’idée que le langage est transparent, contingent, standardisé et fonctionnant pour l’essentiel comme marteau de la conviction, personne n’a déchiffré dans ces flottements sémantiques l’indice d’une activité technique spécifique. La raison, comme on le verra, est que la plupart des historiens des sciences traitent le langage comme non-objet, exactement comme s’il avait toujours été standardisé. Ses mécanismes restent en bonne partie inexplorés et sont aplatis en étant ramenés aux formes d’argumentation et à leur emballage rhétorique qui n’ont cours au mieux que dans certaines zones de la dynamique de relation. Or, lorsqu’il est pris comme objet — et objet de travail — par les savants, le langage suppose des processus textuels spécifiques pour être utilisé, dans le connu comme dans l’inconnu, selon l’ordre du confinement et de la relation. On abordera donc aussi l’activité de laboratoire en contrastant l’étude intensive des objets de langage et des processus textuels employés pour les contrôler, à la double doxa des rhétoriques de conviction et des matters of fact.
Notes de bas de page
1 Grmek (Mirko D.), Raisonnement expérimental et recherches toxicologiques chez Claude Bernard, Genève : Droz, 1973, 474 p. ; Holmes (Frederic L.), Claude Bernard and Animal Chemistry. The Emergence of A Scientist, Cambridge : Harvard University Press, 1974, 541 p.
2 Sur le tournant cognitif, cf. Nickles (Thomas) (sous la dir.), Scientific Discovery, Dordrecht : Reidel, 1980, 2 vol., vol. i, Logic, and Rationality, 385 p., vol. ii, Case Studies, 379 p.
3 Latour (Bruno) & Woolgar (Steve), La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques, Paris : La découverte, 1988, 299 p. Pickering (Andrew), « The Hunting of the Quark », Isis, t. lxxii, 1981, pp. 216-236 ; Brannigan (Augustine), The Social Basis of Scientific Discoveries, Cambridge : Cambridge University Press, 1981, 212 p.
4 Bloor (David), « Cognitive Models of Science », Social Studies of Science, t. xxiii, 1993, pp. 743-757, p. 752 : « cognitive processes operate with conventionally sustained parameters ».
5 Rheinberger (Hans-Jörg), Toward a History of Epistemic Things : Synthesizing Proteins in the Test Tube, Stanford : Stanford University Press, 1997, p. 225.
6 Gooding (David), Pinch (Trevor) & Schaffer (Simon), The use of experiment. Studies in the natural sciences, Cambridge : Cambridge University Press, 1989, 481 p.
7 Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg), « Introduction », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench : Research Notes in the History of Science, Dordrecht : Kluwer, 2003, p. xii.
8 Ratcliff (Marc J.), « Temporality… », art. cit. ; Gooding (David), « From Phenomenology to Field Theory : Faraday’s Visual Reasoning », Perspectives on Science, vol. xiv, 2006, pp. 40-65 ; Nersessian (Nancy J.), Creating Scientific Concepts, Cambridge, MA : MIT Press, 2008, 272 p. ; Vuillemin (Nathalie), Les beautés de la nature à l’épreuve de l’analyse, Paris : Presses Sorbonne nouvelle, 2009, pp. 136-158.
9 Renn (Jürgen) & Sauer (Tilman), « Errors and Insights : Reconstructing the Genesis of General Relativity from Einstein’s Zurich Notebook », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench…, op. cit., pp. 269-294 ; McClellan III (James E.), « Accident, Luck, and Serendipity in Historical Research », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. cil, 2005, pp. 1-21 ; Andel (Pek) & Bourcier (Danièle), De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit, Paris : Hermann, 2013, 325 p.
10 Darden (Lindley), Theory Change in Science, New York : Oxford University Press, 1991, 314 p. ; Mayo (Deborah), Error and the Growth of Experimental Knowledge, Chicago : University of Chicago Press, 1996, 493 p. ; Steinle (Friedrich), « Entering New Fields : Exploratory Uses of Experimentation », Philosophy of Science, vol. lxiv, 1997, pp. 65-74 ; Elliott (Kevin), « Error as Means to Discovery », Philosophy of Science, vol. lxxi, 2004, pp. 174-197.
11 Holmes (Frederic L.), « Scientific Writing and Scientific Discovery », Isis, t. lxxviii, 1987, pp. 220-235 ; Monti (Maria Teresa) (sous la dir.), Écriture et mémoire…, op. cit. ; Ratcliff (Marc J.), « Champ sémantique… », art. cit.
12 Sibum (Otto), « Les gestes de la mesure : Joule, les pratiques de la brasserie et la science », Annales : HSS, vol. liii, 1998, pp. 745-774 ; Mendelsohn (J. Andrew), « Microscopie de la vie moderne », in Jacob (Christian), Lieux de savoir, vol. ii, La main de l’esprit, Paris : Albin Michel, 2011, pp. 765-789.
13 Holmes (Frederic L.), Investigative pathways : patterns and stages in the careers of experimental scientists, New Haven : Yale University Press, 2004.
14 Holmes (Frederic L.), « Laboratory notebooks… », art. cit. ; Loettgers (Andreas), « Exploring Contents and Boundaries of Experimental Practice in Laboratory Notebooks », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench…, op. cit., pp. 159-182, p. 180 ; Rheinberger (Hans-Jörg), « Carl Correns’Experiments with Pisum, 1896-1899 », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench…, op. cit., pp. 221-252 ; Monti (Maria Teresa), Spallanzani e le rigenerazioni animali. L’inchiesta, la comunicazione, la rete, Firenze : Olschki, 2005, 424 p. ; Rheinberger (Hans-Jörg), Toward a History, op. cit., pp. 134-136.
15 Holmes (Frederic L.), « Laboratory notebooks and investigative pathways », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench…, op. cit., pp. 295-308, p. 297.
16 Gooding (David), « Mapping experiment as a learning Process : how the first electromagnetic Motor was invented », Science, Technology, & Human Values, vol. xv, 1990, pp. 165-201 ; Steinle (Friedrich), « The Practice of Studying Practice : Analyzing Research Records of Ampère and Faraday », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench…, op. cit., pp. 93-117, pp. 103-105 ; Monti (Maria Teresa), « Espaces blancs, espaces vides, espaces insuffisants, l’écriture du carnet d’observations chez Bonaventura Corti », in Monti (Maria Teresa) (sous la dir.), Écriture et mémoire, op. cit., pp. 91-127, pp. 110-116 ; Ratcliff (Marc J.), « Champ sémantique… », art. cit. ; Monti (Maria Teresa), Bonaventura Corti. Il giornale degli animaluzzi, Firenze : Oslchki, 2010, pp. 308-329.
17 Gooding (David), Experiment and the Making of Meaning : Human Agency in Scientific Observation and Experiment, Dordrecht : Kluwer, 1990, 310 p. ; Graßhoff (Gerd) & May (Michael), « Hans Krebs’and Kurt Henseleit’s Laboratory Notebooks and Their Discovery of the Urea Cycle – Reconstructed with Computer Models », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench…, op. cit., pp. 269-294.
18 Latour (Bruno), La science en action, Paris : La découverte, 1989, p. 143.
19 Rheinberger (Hans-Jörg), Toward a History…, op. cit., pp. 28-29.
20 Piaget (Jean) & Garcia (Rolando), Psychogenèse et histoire des sciences, Paris : Flammarion, 1983, p. 38.
21 Jacob (Christian), « Cheminements », in Jacob (Christian), La main de l’esprit, op. cit., pp. 738-743, p. 741.
22 Fleck (Ludwik), Genèse et développement d’un fait scientifique, Paris : Flammarion, 2008 [éd. originale 1934], p. 153.
23 Piaget (Jean), La naissance de l’intelligence chez l’enfant, Neuchâtel ; Paris : Delachaux & Niestlé, 1936, 429 p. ; Piaget (Jean), La construction du réel chez l’enfant, Neuchâtel ; Paris : Delachaux & Niestlé, 1937, 398 p.
24 Piaget (Jean), La naissance de l’intelligence, op. cit., pp. 12-13.
25 Bachelard (Gaston), « Premier entretien public », in Bachelard (Gaston), Schrödinger (Erwin) & Auger (Pierre) (sous la dir.), L’homme devant la science : texte des conférences et des entretiens organisés par les Rencontres internationales de Genève, Neuchâtel : La Baconnière, 1952, p. 221.
26 Rheinberger (Hans-Jörg), Toward a History…, op. cit., p. 226.
27 Holmes (Frederic L.), « Laboratory notebooks… », art. cit., p. 296.
28 Fleck (Ludwik), Genèse et développement, op. cit., p. 158 ; Collins (Harry M.), « The TEA Set. Tacit Knowledge and Scientific Networks », in Biagioli (Mario) (sous la dir.), The Science Studies Reader, New York ; London : Routledge, 1999, pp. 95-109 ; Tweney (Ryan D.), « Procedural Representation in Michael Faraday’s Scientific Thought », PSA, vol. ii, 1986, pp. 336-344 ; Ferrucci (Maria), « “La mano ristette”. Strategie del candore nei giornali delle infusioni di Lazzaro Spallanzani », in Monti (Maria Teresa) (sous la dir.), Écriture et mémoire…, op. cit., pp. 49-70, pp. 59-63.
29 Grmek (Mirko D.), Raisonnement expérimental, op. cit., p. 60.
30 Collins (Harry M.), « The TEA Set… », art. cit., p. 106.
31 Gooding (David), « Mapping experiment… », art. cit., p. 177.
32 Hallyn (Fernand), Les structures rhétoriques de la science de Kepler à Maxwell, Paris : Seuil, 2004, p. 228.
33 Rheinberger (Hans-Jörg), Toward a History…, op. cit., p. 28.
34 Toutes ces expressions : Inhelder (Bärbel) & Caprona (Denys de), « Un parcours de recherche », in Inhelder (Bärbel) & Cellérier (Guy) (sous la dir.), Le cheminement des découvertes de l’enfant (recherche sur les microgenèses cognitives), Neuchâtel : Delachaux & Niestlé, 1992, pp. 51-91, pp. 87-89.
35 Loettgers (Andreas), « Exploring Contents… », art. cit., p. 161.
36 Fleck (Ludwik), Genèse et développement …, op. cit., p. 165.
37 Golinski (Jan), « The Theory of Practice and the Practice of Theory : Sociological Approaches in the History of Science », Isis, vol. lxxxi, 1990, pp. 492-505.
38 Inhelder (Bärbel) & Caprona (Denys de), « Un parcours de recherche », art. cit., pp. 61-62.
39 Rosenthal (Paul André), « Fredrik Barth et la microstoria », in Revel (Jacques) (sous la dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris : Gallimard, 1996, pp. 141-159, p. 147.
40 Latour (Bruno), Les microbes. Guerre et paix, suivi de Irréductions, Paris : Métaillé, p. 165, et pour le bricolage, p. 11.
41 Fleck (Ludwik), Genèse et développement…, op. cit., p. 152.
42 Piaget (Jean), Introduction à l’épistémologie génétique, 2e éd., Paris : PUF, 1973, 3 vol., vol. i, p. 10.
43 Gooding (David), Experiment and the Making, op. cit. ; Pickering (Andrew), « The mangle of practice : Agency and Emergence in the Sociology of Science », in Biagioli (Mario) (sous la dir.), The Science Studies Reader, op. cit., pp. 372-393.
44 Fleck (Ludwik), Genèse et développement…, op. cit., p. 167, m. i.
45 Gooding (David), « Mapping experiment… », art. cit., p. 167.
46 Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg), « Introduction », art. cit., p. xiii.
47 Bourdieu (Pierre), Méditations pascaliennes, Paris : Seuil, 1997, ici p. 28.
48 Celenza (Christopher S.), « Le studiolo à la Renaissance », in Jacob (Christian), Lieux de savoirs I : Espaces et communautés, Paris : Albin Michel, 2007, pp. 371-391.
49 Houdart (Sophie), « Un monde à soi ou les espaces privés de la pensée », in Jacob (Christian), Lieux de savoirs I, op. cit., pp. 363-370, p. 364.
50 Ibid., p. 366.
51 Bonnet (Charles), Essai analytique sur les facultés de l’âme, Copenhague : Philibert, 1760, p. ix.
52 Nietzsche (Frédéric), Le crépuscules des idoles [trad. par Albert Henri], Paris : Mercure de France, 1952 [1899], p. 93.
53 Callon (Michel), « L’agonie d’un laboratoire », in Callon (Michel) (sous la dir.), La science et ses réseaux, Genèse et circulation des faits scientifiques, Paris : La découverte, 1989, pp. 173-214, ici p. 178.
54 Piaget (Jean), La prise de conscience, Paris : PUF, 1974, p. 263.
55 Giere (Ronald N.), « Syntax, Semantics and Human Interests », Social Studies of Sciences, vol. xxi, 1991, pp. 150-153, ici pp. 151.
56 Foucault (Michel), « Qu’est-ce qu’un auteur ? », in Foucault (Michel), Dits et écrits, 1954-1988 [édité par Defert Daniel & Ewald François], Paris : Gallimard, 1994, t. i, pp. 789-821.
57 Rheinberger (Hans-Jörg), « “Discourses of Circumstance”. A note on the Author in Science », in Biagioli (Mario) & Galison (Peter) (sous la dir.), Scientific Authorship, Credit and Intellectual Property in Science, New York-London : Routledge, 2003, pp. 309-323, p. 321.
58 Voir Galison (Peter), « The collective AuAuthor», in Biagioli (Mario) & Galison (Peter) (sous la dir.), Scientific Authorship…, op. cit., pp. 325-355, et Thagard (Paul), « Collaborative Knowledge », NOÛS, vol. xxxi, 1997, pp. 242-261, pp. 243-245.
59 Voir à ce propos Biagioli (Mario) & Galison (Peter) (sous la dir.), Scientific Authorship, op. cit. ; et pour les controverses, Raynaud (Dominique), Sociologie des controverses scientifiques, Paris : PUF, 2003, 222 p.
60 Voir sur la question Johns (Adrian), « The Ambivalence of Authorship in Early modern Natural Philosophy », in Biagioli (Mario) & Galison (Peter) (sous la dir.), Scientific Authorship, op. cit., pp. 69-90.
61 Sur ces dimensions, cf. Chatelain (Jean-Marc), « L’emprise et l’empreinte », in Jacob (Christian), Lieux de savoirs I, op. cit., pp. 201-206 ; Holton (Gerald), « Candor and Integrity in Science », Synthese, vol. cxxxxv, 2005, pp. 277-294.
62 Shapin (Steve), A social history of truth : civility and science in seventeenth-century England, Chicago : Chicago University Press, 1994, 483 p.
63 Gribaudi (Maurizio), « Échelle, pertinence, configuration », in Revel (Jacques), Jeux d’échelles…, op. cit., pp. 113-139, ici p. 122.
64 Sur ces questions, cf. Daston (Lorraine), « The moral Economy of Science », Osiris, 2e série, vol. x, 1995, pp. 2-24, et Kohler (Robert E.), « Moral Economy, Material Culture, and Community in Drosophila Genetics », in Biagioli (Mario) (sous la dir.), The Science Studies Reader, op. cit., pp. 243-257 ; Thagard (Paul), « Collaborative Knowledge », art. cit.
65 Par exemple, Johns (Adrian), « Identity, Practice, and Trust in Early Modern Natural Philosophy », The Historical Journal, vol. xxxxii, 1999, pp. 1125-1145.
66 Raynaud (Dominique), Sociologie des controverses, op. cit., pp. 163-166.
67 Kohler (Robert E.), « Moral Economy… », in Biagioli (Mario) (sous la dir.), The Science Studies Reader, op. cit., p. 244.
68 Bonnet n’a jamais rencontré Réaumur. Needham a rencontré deux fois Bonnet et Saussure. Spallanzani et Bonnet ne se sont rencontrés qu’une fois, de même que Needham et Spal
69 Loriga (Sabina), « La biographie comme problème », in Revel (Jacques) (sous la dir.), Jeux d’échelles…, op. cit., pp. 209-231, interroge à ce propos le mythe de l’unité du moi.
70 Watzlawick (Paul), Une logique de la communication, Paris : Seuil, 1972, p. 48.
71 Dans Ratcliff (Marc J.), « How Language Matters ? Lazzar von Spallanzanus and Carlo Linnei », in Beretta (Marco) & Tosi (Alessandro) (sous la dir.), Linnaeus in Italy : The Spread of a Revolution in Science, Sagamore Beach : Science History Publications, 2007, pp. 77-89, pp. 82-83, il était question de matters of language.
72 Galison (Peter), « Ten Problems in History and Philosophy of Science », Isis, vol. ic, 2008, pp. 111-124, voir pp. 112-116.
73 Hanson (Norwood Russell), Modèles de la découverte. Une enquête sur les fondements conceptuels de la science [trad. par Emboussi Nyano], Chennevières-sur-Marne : Dianoïa, 2001, p. 45.
74 Ibid., p. 45.
75 Buchwald (Jed Z.), « The scholar’s seeing eye », in Holmes (Frederic L.), Renn (Jürgen) & Rheinberger (Hans-Jörg) (sous la dir.), Reworking the Bench…, op. cit., pp. 308-332, ici p. 316, m. t.
76 Benveniste (Émile), Problèmes de linguistique générale, Paris : Gallimard, 1966, chap. « Microbes », pp. 251-266.
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Genèse d’une découverte
Ce livre est cité par
- Dröscher, Ariane. (2021) Plants and Politics in Padua During the Age of Revolution, 1820–1848. DOI: 10.1007/978-3-030-85343-3_7
- Vuillemin, Nathalie. (2023) Seeing and telling the invisible: problems of a new epistemic category in the second half of the eighteenth century. Intellectual History Review. DOI: 10.1080/17496977.2023.2183465
Genèse d’une découverte
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