Auguste de Saint-Hilaire, un botaniste français au Brésil
Quelques éléments d’une notoriété
p. 58-71
Texte intégral
1Au voyageur qui arrive d’Europe, le jardin botanique de Rio de Janeiro offre, sur plus de 130 hectares, une version policée et condensée de la végétation tropicale telle qu’il a pu la rêver. Mais ce lieu n’est pas seulement dévolu à la promenade des touristes étrangers et des familles de cariocas : c’est une institution destinée à accroître et à diffuser des connaissances. Créé en 1808, initialement orienté vers l’introduction d’espèces étrangères — conventionnellement appelée acclimatation — le Jardin met aujourd’hui en avant la compréhension des processus écologiques1. Dans cette perspective, la classification et la description des espèces restent un passage obligé en même temps qu’un domaine de recherche à part entière. L’institution a hérité en outre d’un patrimoine artistique qui en matérialise la mémoire. Parmi les œuvres qu’on découvre au fil des allées, figure un buste en bronze réalisé par le sculpteur brésilien Humberto Cozzo (1900-1981) et représentant Augustin-François Prouvensal dit Auguste de Saint-Hilaire (1779-1853)2. La présence de cette sculpture atteste la notoriété dont jouit le botaniste français, au Brésil auprès d’un public cultivé. Cette notoriété d’un auteur qui n’est connu en France que des spécialistes tient d’abord aux circonstances politiques de son séjour.
UN TÉMOIN ATTENTIF DANS UNE PÉRIODE DÉCISIVE
2Arrivé à Rio de Janeiro en 1816 avec l’ambassadeur de Louis XVIII auprès de Jean VI (1767-1826), Auguste de Saint-Hilaire — sans lien de parenté avec le zoologiste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) — parcourt le centre et le sud-est du Brésil. De retour à Paris en 1822, il rapporte la matière de nombreuses publications, où apparaît la société brésilienne à la veille de l’indépendance. Cet aspect de son œuvre a retenu l’attention de plusieurs auteurs. Il figure en bonne place dans l’ouvrage consacré par Jeannine Potelet au Brésil vu par les voyageurs et les marins français3. On le retrouve aussi, en 2003, dans une communication de Wilma Peres Costa sur « Voyage et écriture de la nation ». L’auteur, tout en montrant les limites de la description sociologique de Saint-Hilaire, souligne « le regard aigu » porté par le botaniste français sur « les tonalités intermédiaires de la réalité brésilienne »4. Par ailleurs, la conception patriotique et philanthropique de la science qui anime l’œuvre d’Auguste de Saint-Hilaire a été analysée par Lorelaï Kury, dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur l’histoire naturelle et les voyages à la fin du xviiie et au début du xixe siècle5. Inscrite dans l’histoire politique et sociale du Brésil, l’œuvre d’Auguste de Saint-Hilaire s’inscrit aussi dans l’histoire des méthodes et des concepts de la botanique, ce dont il était lui-même convaincu, au point d’écrire dans l’avant propos d’un de ses ouvrages : « Toutes les espèces que j’ai rapportées ont été analysées sur les lieux ; j’ai pris les divers renseignements qui pouvaient répandre quelque intérêt sur leur histoire, et je me suis livré surtout à l’étude des rapports qui élève la botanique au rang des sciences les plus philosophiques. »6
UN THÉORICIEN DE LA BOTANIQUE ET LA CONCEPTION DE L’ORDRE NATUREL
3Le voyage au Brésil a été en effet pour Auguste de Saint-Hilaire une occasion exceptionnelle de préciser sa conception de la botanique et en particulier sa position dans les débats sur la classification. Celle-ci apparaît dès la préface du premier volume de la Flora Brasiliae meridionalis, paru en 1825, dans l’affirmation de deux principes méthodologiques :
L’Auteur de la Nature a fixé lui-même les rapports des êtres entre eux ; mais les limites des familles et des genres sont presque toujours arbitraires. Le naturaliste doit donc, d’un côté, s’appliquer principalement à la recherche des affinités, et d’un autre côté, respecter ce qu’ont fait ses devanciers, puisqu’à de nouvelles combinaisons on pourrait presque toujours en substituer d’autres avec un avantage égal.7
4À première vue ces deux principes s’accordent mal entre eux puisque le premier invoque l’autorité du Créateur pour affirmer le caractère naturel des rapports entre les êtres, tandis que le second renvoie le découpage des familles et des genres de plantes au domaine des conventions humaines. En d’autres termes, dans le grand débat sur les classifications végétales, Saint-Hilaire apparaît attaché à l’idéal d’une méthode naturelle fondée sur la « recherche des affinités », en même temps que résigné à se contenter de systèmes plus ou moins artificiels. Il combinerait ainsi les idées d’Antoine-Laurent de Jussieu (1748-1835) et celles de Carl von Linné (1707-1778). La chose n’a en soi rien d’impossible : comme l’a montré Pascal Duris, le débat n’est pas encore définitivement tranché dans les années 1820, même en France8. On peut cependant supposer que Saint-Hilaire — ancien élève d’Antoine-Laurent de Jussieu et qui avait reçu, pour les tomes II et III de la Flora Brasiliae meridionalis, l’aide d’Adrien de Jussieu (1797-1853)9 — interprétait ces deux principes de manière à les rendre compatibles.10
5En fait sa position s’éclaire si on considère qu’il y a deux manières de comprendre l’ordre naturel : l’une continuiste, qui est celle de Jussieu, l’autre discontinuiste qui est celle d’Augustin-Pyramus de Candolle (1778-1841)11. Profonde mais largement tacite, cette opposition a été analysée par Peter Stevens dans son livre sur Jussieu12. Au départ, l’interprétation continuiste et l’interprétation discontinuiste se rencontrent en ceci qu’elles préconisent de ne rapprocher deux végétaux que sur la base de réelles ressemblances de structure. On retrouve là le premier principe énoncé par Saint-Hilaire qui prescrit au « naturaliste » de « s’appliquer principalement à la recherche des affinités ». Ensuite, l’interprétation continuiste et l’interprétation discontinuiste se séparent sur la question des coupures et des limites : tandis que pour Jussieu l’ordre naturel est continu, pour Candolle les coupures entre les groupes sont aussi naturelles que les rapprochements. Cette question de la continuité ou de la discontinuité entre les groupes taxonomiques se reflète dans l’usage des métaphores spatiales. Quand Linné en 1751 dans la Philosophia botanica, écrit que les plantes montrent des affinités de tous côtés, comme sur une carte de géographie, il illustre ainsi le principe que la nature ne fait pas de saut13. Quand Jussieu reprend la même image en 1789 dans l’introduction du Genera plantarum, il cite aussi l’aphorisme linnéen « Natura non facit saltus »14. Par contraste, Candolle, en 1804, dans l’Essai sur les propriétés médicales des plantes, utilise l’image de la carte pour mettre l’accent sur la discontinuité. Il compare les espèces à des villes, les genres à des provinces, les familles à des empires, les classes à des parties du monde. Étendant la métaphore, il suggère qu’il y peut y avoir une coupure entre des espèces, comme il peut y avoir des zones inhabitées entre les territoires15.
6Sur cette question de la continuité ou de la discontinuité de l’ordre naturel, Saint-Hilaire est du côté de Jussieu et s’il conseille au classificateur de « respecter ce qu’ont fait ses devanciers » c’est parce qu’il considère que les limites entre les différentes familles et les différents genres sont en partie arbitraires et qu’il est donc illusoire de chercher une perfection impossible.
UN HOMME DE TERRAIN
7Le nombre important d’espèces végétales du Brésil — ainsi que des espèces animales —, qui doivent leur binôme latin à Saint-Hilaire, témoigne à la fois de l’abondance de ses collectes et de son talent de systématicien. L’abondance de ses collectes avait été relevée dès son retour en France par les professeurs du Muséum national d’Histoire naturelle. D’après René Desfontaines (1750-1833), alors professeur de botanique au Muséum, les 7 000 espèces de plantes, représentées par 30 000 échantillons pourraient être, pour les deux tiers des espèces nouvelles, au sens où elles n’étaient pas encore décrites selon les règles de la botanique savante. Pour prendre la mesure du travail accompli par Saint-Hilaire dans son voyage, il faut ajouter que les professeurs du Muséum, recensent également des spécimens animaux appartenant à 48 espèces de mammifères, 451 espèces d’oiseaux, 21 espèces de reptiles, 58 espèces de poissons, sans compter quelques coquilles, quelques minéraux et 16 000 insectes dont le nombre d’espèces n’est pas précisé. Quant à son talent de systématicien, sa réputation est attestée par une lettre que lui adresse le 16 octobre 1822, de Genève, Augustin-Pyramus de Candolle, dont on a vu qu’il ne partageait pourtant pas l’interprétation de la méthode naturelle16. Candolle énumère une série de genres de la flore brésilienne, encore mal connus et conclut : « C’est à vous à nous dire où nous devons placer toutes ces plantes » ajoutant « je pourrais bien vous dire que dans ce cas comme disaient les anciens Eris mihi magnus Apollo »17. Cette apostrophe virgilienne n’est d’ailleurs pas la seule marque d’admiration de Candolle à l’égard de son correspondant. Lui donnant en exemple le travail de Robert Brown (1773-1858) sur la flore de l’Australie, il écrit : « Vos travaux vous ont déjà placé au rang des Botanistes qui savent voir et méditer et je ne doute point que les résultats de votre beau voyage ne vous fasse devenir le Brown du Brésil. »18
8Même si la lecture de ses Mémoires et souvenirs révèle chez Candolle une attitude parfois critique à l’égard de Saint-Hilaire, qu’il qualifie de « vétilleux », l’estime est réciproque entre les deux botanistes19. En tout état de cause, quand l’auteur de la Flora Brasiliae meridionalis manifeste son intention d’y joindre des observations sur la géographie des plantes brésiliennes, il annonce que, ce faisant, il s’écartera le moins possible « des excellentes règles que M. de Candolle a données pour la composition des Flores ». Il fait probablement par là référence à ce paragraphe de l’article « Géographie botanique » du Dictionnaire des sciences naturelles :
Il importe d’abord de multiplier les Flores locales dans différents points du globe, en ayant soin de mettre plus de précision qu’on ne l’a fait généralement aux limites géographiques de l’espace dont on décrit la végétation, aux élévations absolues auxquelles les plantes vivent dans diverses localités, et à l’état habituel des milieux ou éléments qui peuvent influer sur la végétation20.
9L’œuvre brésilienne de Saint-Hilaire montre combien il s’est approché de cet idéal. Elle montre aussi qu’il s’engage en même temps dans la voie ouverte par Alexandre de Humboldt (1769-1859) en 1805, au retour de son voyage avec Aimé Bonpland (1773-1868) dans l’Amérique espagnole. Il manifeste, en particulier, un souci humboldtien de saisir et de restituer la physionomie de la végétation. C’est ainsi qu’il compare les restingas des « environs de Rio » à un « jardin anglais » où l’on aurait « disposé avec art les espèces d’arbustes qui se marient le mieux, ou qui produisent les oppositions les plus heureuses »21. Pour désigner ce que nous appellerions les différentes formations végétales, il se met à l’écoute des habitants. C’est ainsi que, d’après lui, on distingue dans la végétation du Minas Gerais les matos, bois, et les campos (ou « pays découverts »). Certains bois sont considérés par Saint-Hilaire comme des forêts vierges (matos virgen) ; d’autres bois dont la végétation « est moins vigoureuse » et qui « perdent leurs feuilles tous les ans » sont nommés les caatingas ; d’autres encore, les carrascos sont présentés comme des « forêts naines, composées d’arbrisseaux de trois ou quatre pieds, rapprochés les uns des autres », d’autres enfin, les carrasquenos (sic) font transition entre les carrascos et les caatingas. Quant aux capoes, ce sont des bois entourés de campos.22 La classification de ces différentes végétations est approuvée, un siècle plus tard, par un autre botaniste français de retour du Brésil : Auguste Chevalier (1873-1956). Cependant, aux yeux de ce dernier, le plus important dans la vision que Saint-Hilaire a des formations végétales est la prise en compte de leurs changements dans le temps.
UN NATURALISTE SENSIBLE À LA DIMENSION TEMPORELLE
10En effet, Auguste de Saint-Hilaire ne replace pas seulement la plante dans l’espace abstrait des affiliations taxonomiques et dans l’espace concret de leur distribution géographique, il intègre la dimension du temps. Non pas celui de l’évolution des espèces — encore discutée à l’époque — mais celui des changements qui se produisent dans la couverture végétale. Certains de ces changements sont l’effet d’actions humaines destructrices. Auguste de Saint-Hilaire prédit leur extension et justifie ses descriptions détaillées de la végétation qu’il nomme « primitive » par l’intérêt qu’elles prendront plus tard, « lorsqu’il faudra les considérer comme appartenant uniquement à l’histoire de notre globe et à celle de la géographie botanique »23. Il exprime même la crainte que la destruction des forêts n’ait déjà entraîné la disparition « d’une foule d’espèces utiles pour les arts et la médecine »24. Cependant d’autres changements témoignent d’une dynamique propre de la végétation. Ainsi, « pour retourner à sa vigueur primitive, la végétation passe en sens inverse par les phases qui l’avaient réduite à ne plus offrir que d’humbles graminées »25.
11Cette attention portée au devenir de la végétation n’a rien d’exclusif. À travers sa végétation c’est au Brésil et à sa population qu’il manifeste son attachement. Cet attachement va de pair ici avec un intérêt intellectuel et marque l’amorce d’un dialogue interculturel. Il n’est pas étonnant qu’il remercie le directeur du jardin botanique de Rio, le frère Leandro de Sacramento (1778-1829), dans la préface du premier volume de la Flora Brasiliae meridionalis, paru en 1825, pour lui avoir communiqué des plantes. C’est là simple courtoisie mais on notera surtout l’usage qu’il fait de la nomenclature vernaculaire des formations végétales. Tout ceci s’inscrit dans le droit fil de ce qu’écrivait Auguste Chevalier en 1929, lorsqu’il notait que la mémoire de ce « savant français » est conservée au Brésil parce que les Brésiliens lui sont gré de la « sympathie avec laquelle il a toujours parlé, dans sa Relation, du Brésil et de ses habitants »26.
***
12En 1811, cinq ans avant son départ, Saint-Hilaire, écrivait dans un texte intitulé Réponse aux reproches que les gens du monde font à l’étude de la botanique : « Quels doivent donc être les transports d’un botaniste, lorsqu’il arrive dans une de ces contrées situées entre les tropiques, où la nature semble avoir rassemblé ses forces pour déployer tout ce que la végétation a de plus riche et de plus varié. »27 Deux siècles plus tard force est de constater que le Brésil a répondu à cette attente, et qu’il a permis à Saint-Hilaire de produire une œuvre qui, pour le dire en termes actuels, illustre la complémentarité de la systématique, la biogéographie et l’écologie les unes avec les autres, et toutes ensemble avec l’histoire politique et sociale. Sa notoriété au Brésil traduit l’intérêt que les intellectuels brésiliens trouvent dans cette approche synthétique et pluraliste qui est à l’image de leur pays.
Annexe
Focus. Saint-Hilaire et les Ochnaceae
Claude Sastre & Bérangère Offroy
Durant ses pérégrinations dans la partie centrale Est de l’Amérique tropicale, Saint-Hilaire a rencontré et décrit de nombreuses espèces d’Ochnaceae appartenant à trois genres : Luxemburgia A. St.-Hil., Ouratea Aublet (= Gomphia Schreber) et Sauvagesia L. (inclut le genre Lavradia Vell. ex Vand.)
À l’époque de Saint-Hilaire, les limites des Ochnaceae sont encore en pleine discussion. Avec Augustin-Pyramus de Candolle1, les botanistes distinguent les Ochnaceae « vraies » à fruits un peu similaires à ceux de nombreuses Annonacées à cause des carpelles renflés individualisés, mais à disposition secondaire, car les carpelles s’individualisent après la fécondation. C’est dans ce groupe que se situent les genres Ochna L. et Ouratea Aublet.
Divers auteurs dont Gingins de Lassaraz2 situent les Sauvagesia près des Violaceae à cause de la structure capsulaire des fruits. Saint-Hilaire dans le Tableau monographique des plantes de la Flore du Brésil3, en 1825, fait remarquer la différence de la déhiscence : loculicide chez les Violaceae, septicide chez les Sauvagesia (et Lavradia), comme chez les espèces du genre Luxemburgia qu’il venait de décrire.
Luxemburgia A. St.-Hil
Dans son Aperçu d’un voyage dans l’intérieure du Brésil. La province Cisplatine et les missions dites du Paraguay4, Saint-Hilaire décrit le genre Luxemburgia et quatre espèces (Luxemburgia corymbosa A. St.-Hil., L. octandra A. St.-Hil., L. polyandra A. St.-Hil. et L. speciosa A. St.-Hil.). Ce genre est dédié au Duc de Luxembourg dont il suivit l’ambassade au Brésil. En 1824, Martius et Zuccarini baptisent ce même genre Plectanthera Mart. et Zucc. et décrivent une autre espèce P. ciliosa Mart. et Zucc.5 Il reviendra à Planchon6 de placer cette nouvelle espèce dans le genre Luxemburgia et faire la combinaison Luxemburgia ciliosa (Mart. & Zucc.) Planchon.
La découverte de ce genre a permis à Planchon (l. c.) puis à Gilg, en 18937, de faire le lien entre les Ochnoïdées dont le genre Ouratea, à fruits à carpelles individualisés uni-séminés et à graines exalbuminées, et les Sauvagésioïdées à fruits capsulaires à carpelles pluri-séminés et à graines albuminées, avec les genres Luxemburgia et Sauvagesia que Saint-Hilaire en 1825 (l. c.) avait situés dans la famille des Frankéniacées.
Ouratea et Saint-Hilaire
Saint-Hilaire, comme beaucoup d’auteurs, utilise le nom « Gomphia » proposé par Schreber en 17898, alors que Fusée-Aublet, en 1775, dans l’Histoire des plantes de la Guyane françoise9 avait déjà décrit ce genre sous le nom « Ouratea ». Engler10, en 1874, rétablira la situation, en conservant Ouratea, conformément au principe d’antériorité, une des bases du Code International de la Nomenclature botanique.
Saint-Hilaire a décrit 13 espèces de Gomphia, basées sur ses propres collections : Gomphia oleifolia A. St.-Hil. dans Histoires des plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay (1823), Gomphia curvata A. St.-Hil., G. cuspidata A. St.- Hil., G. florubunda A. St.-Hil., G. glaucescens A. St.-Hil., G. hexasperma A. St-Hil., G. humilis A. St.-Hil., G. nervosa A. St.-Hil., G. olivaeformis A. St.-Hil., G. parvifolia A. St.-Hil., G. persistens A. St.-Hil., dans Flora Brasiliae meridionalis (1824) ; enfin, en 1842, avec L. R. Tulasne11, établies de spécimens d’autres collecteurs, Gomphia pubescens A. St. Hil. et Tul. et G. salicifolia A. St-Hil. et Tul. Toutes ces espèces ont été confirmées par les auteurs suivants et c’est Engler (l. c.) qui les introduira dans le genre Outatea en effectuant les combinaisons adéquates.
Sauvagesia L. et Saint-Hilaire
Sauvagesia est, chronologiquement, le dernier à être introduit dans la famille des Ochnaceae ; il le sera par Triana et Planchon en 186212, sachant que Planchon en 1847 (l. c.) avait déjà situé le genre Luxemburgia parmi les Ochnaceae.
Saint-Hilaire dans sa « Description abrégée des espèces qui font partie de la monographie des genres Sauvagesia et Lavradia Vell. ex Vandelli »13, décrit 4 espèces de Sauvagesia : S. linearifolia A. St.-Hil., S. racemosa A. St.-Hil., S. rubiginosa A. St.-Hil. et S. sprengelii A. St.-Hil., ainsi que deux espèces de Lavradia : L. elegantissima A. St.-Hil., qu’il avait placé en 1822 (l. c.) dans le genre Sauvagesia, et L. ericoïdes A. St.-Hil. En comparant ces deux genres, Saint-Hilaire ne peut retenir qu’un seul caractère distinctif : la soudure des staminodes internes formant un tube chez Lavradia tandis qu’ils sont entièrement libres chez Sauvagesia. La présence de staminodes internes diversement soudés à libres chez S. africana (Baillon) Bamps, m’a conduit en 197114 à ne considérer qu’un seul genre : Sauvagesia.
Le fait d’avoir publié ces espèces nouvelles dès 1823, permet à Saint-Hilaire de prendre date, battant de vitesse Von Martius qui, à son retour du Brésil, publie en 1824 avec Zuccarini « Nova genera et species plantarum » (l. c.). Ces auteurs décrivent ainsi différentes espèces de Sauvagesia et de Lavradia déjà nommées par Saint-Hilaire une année auparavant. Il s’ensuit que S. laxa Mart. et Zucc. = S. rubiginosa A. St.-Hil., S. ovata Mart. et Zucc. = S. racemosa A. St. Hil., S. serpyllifolia Mart. et Zucc. = S. sprengelii A. St.-Hil., Lavradia alpestris Mart. et Zucc. = L. ericoïdes A. St.-Hil. et L. montana Mart. et Zucc. = L. glandulosa A. St.-Hil.
Avec la description de 23 espèces d’Ochnaceae du Brésil, Saint-Hilaire participa activement à la connaissance de cette famille.
Notes de bas de page
1 Sur le Jardin botanique de Rio de Janeiro au xixe siècle, voir Marchant (Anyda), « Dom João’s Botanical Garden », Hispanic American Historical Review, vol. 41, 1961, pp. 259-274 ; Bertol Domingues (Heloisa Maria), « Le rôle social du Jardin botanique de Rio de Janeiro », in Fischer (Jean-Louis) (sous la dir.), Le jardin entre science et représentation, Paris : CTHS, 1999, pp. 129-135.
2 Catoira (Edgar), The Botanical Garden of Rio de Janeiro [tr. en anglais par Baughan Annette], Rio de Janeiro : Salamandra, 1992, pp. 27-28.
3 Potelet (Jeanine), Le Brésil vu par les voyageurs et les marins français, 1826-1840, Paris : L’Harmattan, 1993, 432 p.
4 Peres Costa (Wilma), « Voyage et écriture de la nation », communication au Colloque international « Voyageurs et images du Brésil », Maison des Sciences de l’Homme, Paris, le 10 décembre 2003, 15 p.
5 Kury (Lorelai), « La politique des voyages et la culture scientifique d’Auguste de Saint-Hilaire (1779-1853) », in Laissus (Yves) (sous la dir.), Les naturalistes français en Amérique du Sud, xvie-xixe siècles, Paris : CTHS, 1995, pp. 235-245. Voir aussi Kury (Lorelai), Histoire naturelle et voyages scientifiques (1780-1830), Paris : L’Harmattan, 2001, pp. 161-169.
6 Saint-Hilaire (Auguste de), Histoire des plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay : Comprenant leur description et des dissertations sur leurs rapports, leurs usages, etc., Paris : Belin, vol. 1, 1824, LXVII + 188 p. ; 18 p. de pl. (La citation se trouve dans l’avant-propos, non paginée).
7 Saint-Hilaire (Auguste de), Flora Brasiliae meridionalis [avec Jussieu Adrien de & Cambessèdes Jacques], Paris : Belin, 1825-1832, 3 vol., vol. 1 (La citation se trouve dans la préface, non paginée).
8 Duris (Pascal), Linné et la France (1780-1850), Genève : Droz, 1993, 282 p.
9 Adrien de Jussieu, fils d’Antoine-Laurent, défendait en matière de classification les mêmes idées que son père.
10 Sur Adrien de Jussieu (1797-1853), voir Jaussaud (Philippe) & Brygoo (Édouard-Raoul), Du Jardin au Muséum en 516 biographies, Paris : Muséum national d’Histoire naturelle, 2004, pp. 301-304. Un autre collaborateur est Jacques Cambessédes (1799-1863). Sur Cambessèdes, voir Dayrat (Benoît), Les botanistes et la flore de France : trois siècles de découvertes, Paris : Muséum national d’Histoire naturelle, 2003, pp. 356-366.
11 Candolle (Augustin-Pyramus), Mémoires et souvenirs (1778-1841) [éd. par Candaux Jean-Daniel & Drouin Jean-Marc avec le concours de Bungener Patrick & Sigrist René], Genève : Georg, 2004, XVI + 592 p. Voir aussi Drouin (Jean-Marc), L’herbier des philosophes, Paris : Seuil, 2008, pp. 127-129.
12 Voir Stevens (Peter F.), The Development of biological systematics, Antoine-Laurent de Jussieu, nature and the natural system, New York : Columbia University Press, 1994, XXIII + 616 p.
13 Linné (Carl von), Philosophia botanica, Stockholm : apud Godofr. Kiesewetter, 1751, § 77, p. 27. Sur l’image de la carte en histoire naturelle et les images concurrentes de l’arbre et de l’échelle, voir Barsanti (Giulio), « Formes de la nature : de l’échelle au réseau et à l’arbre », in Gayon (Jean) & Wunenburger (Jean-Jacques) (sous la dir.), Les figures de la forme, Paris : L’Harmattan, 1992, pp. 63-87 (Conversciences ; 12).
14 Jussieu (Antoine-Laurent de), Genera plantarum, Paris : Veuve Hérissant, 1789, p. xxxv.
15 Candolle (Augustin-Pyramus), Essai sur les propriétés médicales des plantes, Paris : Didot jeune, 1804, p. 24.
16 Lettre d’Augustin Pyramus de Candolle à Auguste de Saint-Hilaire, 16 octobre 1822. Bibliothèque de botanique du Muséum, Ms CRY 501, pièce 272. Je remercie Denis Lamy de me l’avoir indiquée.
17 « Tu seras pour moi le grand Apollon », parole d’un berger qui pose une énigme à son camarade dans les Bucoliques, III, 104.
18 Lettre d’Augustin Pyramus de Candolle à Auguste de Saint-Hilaire, 16 octobre 1822. Bibliothèque de botanique du Muséum, Ms CRY 501, pièce 272.
19 Candolle (Augustin-Pyramus), Mémoires et souvenirs… op. cit., pp. 456-457 et p. 460.
20 Candolle (Augustin-Pyramus), « Géographie botanique », in Cuvier (Frédéric) (sous la dir.), Dictionnaire des sciences naturelles, Paris ; Strasbourg : Levrault, 1820, t. 18, pp. 359-422.
21 Saint-Hilaire (Auguste de), Histoire des plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay : Comprenant leur description et des dissertations sur leurs rapports, leurs usages, etc., Paris : Belin, t. 1, 1824, LXVII + 188 p., 18 p. de pl., pp. xxi-xxii.
22 Saint-Hilaire (Auguste de), « Tableau géographique de la végétation primitive dans la province de Minas Geraes », Nouvelles annales des voyages, de la géographie et de l’histoire ou Recueil des relations originales inédites, 1837, pp. 6-7.
23 Saint-Hilaire (Auguste de), « Tableau géographique… », art. cit., p. 5.
24 Saint-Hilaire (Auguste de), « Système d’agriculture adopté par les Brasiliens et les résultats qu’il a eu dans la province du Minas-Geraes », Mémoires du Muséum d’Histoire naturelle, t. 14, 1827, p. 89.
25 Saint-Hilaire (Auguste de), « Tableau géographique… », art. cit., p. 20.
26 Chevalier (Auguste), « L’œuvre d’Auguste de Saint-Hilaire en phytogéographie dynamique », Bulletin de la Société Botanique de France, vol. 76, 1929, p. 10.
27 Saint-Hilaire (Auguste de), Réponse aux reproches que les gens du monde font à la botanique, Orléans : Huet-Perdoux, 1811, p. 22.
Notes de fin
1 Candolle (Augustin-Pyramus de), « Monographie des Ochnacées et des Simaroubacées », Annales du Muséum d’Histoire naturelle, vol. 17, 1811, pp. 398-425.
2 Gingins de Lassaraz (Frédéric-Charles), « Mémoire sur la famille des Violacées », Mémoire de la Société d’Histoire naturelle de Genève, vol. 2, 1823, pp. 1-27.
3 Saint-Hilaire (Auguste de), « Tableau monographique des plantes de la Flore du Brésil... Violacées,... Frankéniées », Mémoire du Muséum d’Histoire naturelle, vol. 12, 1825, pp. 75-91.
4 Saint-Hilaire (Auguste de), « Aperçu d’un voyage dans l’intérieure du Brésil. La province Cisplatine et les missions dites du Paraguay », Mémoire du Muséum d’Histoire naturelle, vol. 9, 1823, pp. 307-380.
5 Martius (Carl Friedrich Philipp von) & Zuccarini (Joseph Gerhard), Nova genera et species plantarum..., Monachii : Typis Lindaueri, 1824, 158 p.
6 Planchon (Jules-Émile), « Sur le genre Godoya... », London Journal of Botany, vol. 5, 1846, pp. 584-600 et 644-656 ; vol. 6, 1847, pp. 611-631.
7 Engler (Adolf) & Prantl (Karl), Die natürlichen Pflanzenfamilien nebst ihren Gattungen und wichtigeren Arten insbesondere den Nutzpflanzen, tome 3, fasc. 6, Leipzig : W. Engelmann, 1895, pp. 131-153 : « Ochnaceae von E. Gilg ».
8 Linné (Carl von), Genera plantarum eorumque characteres naturales secundum numerum, figuram, situm et proportionem omnium fructificationis partium [avec la collab. de Schreber Johann Christian Daniel], ed. 8, Francofurtum ad Moenum : Varrentrappius & Wennerus, tome 1, 1789, p. 291 : Gomphia Schreber.
9 Fusée-Aublet (Jean-Baptiste-Christian), Histoire des plantes de la Guiane françoise…, Londres : Didot jeune, 1775, tome 1, pp. 397-398, pl. 152.
10 Engler (Adolf), « Ochnaceae », in Martius (Carl Friedrich Philipp von), Flora Brasiliensis, tome 12, fasc. 2, pp. 501-332.
11 Saint-Hilaire (Auguste de) & Tulasne (Louis-René), « Revue de la flore du Brésil méridional », Annales des Sciences naturelles, Botanique, série 2, vol. 17, 1842, pp. 129-143.
12 Triana (José) & Planchon (Jules-Émile), Prodromus Florae novo-granatensis, Paris : Victor Masson & fils, 1862, pp. 272-276 : « Ochnaceae » (Annales des Sciences naturelle, Botanique, 4e série ; 18).
13 Saint-Hilaire (Auguste de), « Description abrégée des espèces qui font partie de la monographie des genres Sauvagesia et Lavradia Vell. ex Vandelli », Bulletin de la Société Philomatique de Paris, 1823, pp. 172-175.
14 Sastre (Claude), « Essai de taxinomie numérique et schéma évolutif du genre Sauvagesia L. », Sellowia, vol. 23, 1971, pp. 9-44.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Michel-Eugène Chevreul
Un savant, des couleurs !
Georges Roque, Bernard Bodo et Françoise Viénot (dir.)
1997
Le Muséum au premier siècle de son histoire
Claude Blanckaert, Claudine Cohen, Pietro Corsi et al. (dir.)
1997
Le Jardin d’utopie
L’Histoire naturelle en France de l’Ancien Régime à la Révolution
Emma C. Spary Claude Dabbak (trad.)
2005
Dans l’épaisseur du temps
Archéologues et géologues inventent la préhistoire
Arnaud Hurel et Noël Coye (dir.)
2011