L’illustration de l’Histoire naturelle : ses caractères, ses artistes
p. 13-48
Texte intégral
1Comment se présente le corpus des planches illustrant la première série de l’Histoire naturelle ? Un recensement opéré sur l’ensemble des volumes de l’Histoire naturelle indique que 1061 planches ornent les 36 volumes parus à l’Imprimerie royale entre 1749 et 17881. Nous ne reproduisons ici que les 599 illustrations que contiennent les quinze premiers volumes de l’édition de l’Imprimerie royale (1749-1767) – soit 19 vignettes et 580 planches. Chaque volume contient entre 4 (pour le premier tome) et 59 (pour le tome XIII) planches.
2Dans l’ensemble les trois premiers volumes qui constituent comme une vaste introduction théorique à l’histoire naturelle sont peu illustrés (les tomes I à III comptent respectivement 4, 8 et 17 planches). Le tome IV, qui contient encore des discours généraux (en particulier le Discours sur la nature des animaux) et ne décrit que trois espèces (le Cheval, l’Âne, le Bœuf), ne présente que 23 planches. Le tome V contient, outre la table de l’ordre des chiens, 52 planches (28 pour le Chien dont 21 planches figurent les différentes variétés). Puis du tome VI au tome XIV, chaque tome présente entre 40 et 59 planches.
3Dans la première série, en général, chaque animal est représenté par un spécimen en pied, posé sur un socle. Puis suivent plusieurs gravures de pièces anatomiques. Enfin, la série se clôt par une présentation du squelette de l’animal, avec parfois un détail pris sur la forme du crâne ou la forme du pied.
4Dans l’ensemble, le corpus gravé s’impose par son austérité. On est loin des “singeries” à la mode, comme celles, fameuses, attribuées à Christophe Huet (1694-1759), peintes pour le duc de Bourbon au château de Chantilly2. Il y a ici, dans le portrait du cheval, de l’âne et du bœuf, plus de sobriété et de ruralité, moins d’exotisme que dans les éléphants, lions, cerfs, autruches que Jean-Baptiste Huet (1745-1811) dessina, au milieu d’arabesques, pour la manufacture de Jouy. De même, la peinture que l’Histoire naturelle donne du cerf ou du lièvre se démarque de l’esprit des chasses, tel qu’illustré sous le pinceau des Oudry – Jean-Baptiste (1686-1755), puis son fils Jacques-Charles (1720-1778), tous deux peintres des chasses royales –, ou sous celui des Desportes – Alexandre-François (1661-1743) puis son fils Claude-François (1695-1774) et Nicolas (1718-1787), dit “le Neveu”.
5Notre analyse des illustrations présentes dans l’Histoire naturelle doit en réalité distinguer trois niveaux d’illustration : vignettes, animaux en pied et pièces anatomiques.
Les vignettes
6Chaque volume, et dans chaque volume, chaque grande partie, s’ouvre par une vignette dans le style plaisant de Boucher. La vignette qui ouvre le tome I présente une jeune fille (la Science) occupée à lire au milieu de bocaux d’alcool et de figures de géométrie. Le tome II montre des expériences à la bougie (au début de l’Histoire de la génération des animaux) et l’homme au milieu des animaux (au début de l’Histoire naturelle de l’homme). Au tome III, des Amours musardent dans le Cabinet du roi, où des poissons sont suspendus au plafond, et devant le cabinet de Bonnier de la Mosson. Par la suite, les Amours s’ébattront au milieu des animaux rassemblés dans le volume et présentés sans ordre.
Les animaux en pied
7Le premier des animaux gravés est le cheval gris et pommelé du tome IV. Cette gravure est singulière à plus d’un titre : d’abord on peut contraster le caractère léger et gambadant, presque primesautier, de ce cheval, eu égard aux poses très hiératiques des animaux qui suivront, bien posés sur leur socle ; ensuite sa signature étonne. Alors que la grande majorité des animaux présentés dans l’Histoire naturelle sont dessinés par Jacques de Sève, cette première gravure a été réalisée d’après un tableau de Jean-Baptiste Oudry, le peintre officiel de la Manufacture de Beauvais. Comment comprendre cette unique apparition d’Oudry, celui auquel son maître, Largillière, avait prédit qu’il ne serait jamais rien d’autre qu’un peintre de chiens3 et qui devint l’auteur réputé des Chasses de Louis XV4 ?
8D’abord, on peut remarquer que le tableau d’Oudry subit un traitement qui l’inscrit immédiatement dans une perspective naturaliste : le corps du cheval est moucheté de lettres que le caractère tacheté de la robe contribue à dissimuler mais dont la fonction est très nette : elles sont des points de repère qui renvoient à la Description du Cheval donnée quelques pages plus haut par Daubenton. On comprend donc d’emblée que l’Histoire naturelle ne sera pas ou pas seulement un recueil agréable : l’illustration y a pour fonction de faire connaître l’anatomie comparée des animaux.
9On peut également, soulignant la singularité de cette gravure, en donner une lecture politique. On soutiendra alors que la présence du cheval pommelé d’Oudry constitue une sorte de patronage ou de recommandation, à l’ouverture de l’Histoire naturelle : la référence à Oudry, peintre qui a su répondre aux goûts du groupe réuni autour de Marie Leczinska et du dauphin, semble défendre les goûts de la reine, en contrepoint aux fantaisies dans le style de Boucher, qui rattachent les vignettes à Mme de Pompadour, la maîtresse du roi5. Une fois acquitté ce droit d’entrée, qui place l’Histoire naturelle sous une double allégeance, l’ouvrage propose une longue série de dessins d’animaux en pied, qui seront signés principalement par Jacques de Sève.
10Ce choix de ne donner qu’un seul individu connaît de rares restrictions. D’abord, pour les espèces qui présentent un grand nombre de variétés (le chien, le chat…), le nombre des gravures présentant le spécimen en pied peut être considérablement augmenté. Ensuite, une même espèce peut être représentée sous plusieurs attitudes6. Enfin, le dimorphisme sexuel peut impliquer que Buffon double parfois le spécimen mâle par un spécimen femelle. Ce qui intéresse Buffon, c’est moins d’enregistrer le dimorphisme sexuel que de le signaler afin d’éviter aux naturalistes des confusions, plusieurs ayant donné des noms différents au mâle et à la femelle. Buffon recommande donc de veiller à ne pas multiplier inutilement les espèces faute de connaître assez bien le mâle et la femelle.
11On remarque que, pour certaines espèces, le texte donnant l’histoire (signé par Buffon) traite ensemble de plusieurs espèces qui entretiennent d’étroits rapports (par exemple, Le Palmiste, le Barbaresque et le Suisse au tome X ou L’Élan et le Renne au tome XII) ; en revanche, la description (signée Daubenton) donne, autant que possible, une description par espèce. Il est notable ici que la description suit l’histoire, mais que la gravure suit directement la description : s’il y a une histoire, mais plusieurs descriptions, il y aura aussi plusieurs planches de spécimens en pied7. L’illustration est donc clairement pensée comme un auxiliaire de la description plus que de l’histoire.
Les pièces anatomiques et le squelette
12Les premiers volumes de l’Histoire naturelle contiennent d’autres signatures que celle de De Sève, en particulier pour les pièces anatomiques. Plusieurs planches de quadrupèdes sont dues à Buvée dit “l’Amériquain” ; par exemple, au tome VI, le squelette du Chevreuil et la collection des bois bizarres de cette espèce (pl. 19-26 et 29-31) ; au tome VII, le squelette du Campagnol (pl. 48, avec un bel arbre effilé) ; au tome X, les planches 5 à 13 du Pécari, 22 à 24 du Polatouche ; au tome XI, l’ensemble des pièces anatomiques du Chameau et du Dromadaire, et leur squelette (pl. 10-21 et 23-24), la Brebis des Indes (pl. 36)…
13Certaines planches, plus rares, illustrent des particularités conservées au Cabinet du roi : par exemple, la planche 8 du tome VI présente un chat monstrueux nouveau-né. Les planches d’animaux sur pieds sont en général accompagnées d’une gravure du squelette complet de l’animal, également posé sur un socle. On peut remarquer que le squelette du Putois, par exemple, se singularise, parce qu’il a la tête à droite et non à gauche comme tous les autres (IR VII, pl. 24).
14Ces différents types d’illustration dessinent différentes lectures de l’Histoire naturelle. Un premier parcours mène d’un volume à l’autre, du gambadant cheval au mico vermillon (respectivement premier et dernier animaux illustrés). Un second parcours part des vignettes qui, à l’ouverture de chaque volume, présentent une série d’animaux désordonnés, et conduit de là aux différentes monographies consacrées à ces animaux. Un troisième parcours mène, à l’intérieur d’une espèce, de l’animal sur ses quatre pieds au spectacle articulé de son squelette. Ces différents niveaux prêtent à différentes interprétations. Montrant l’organe, la gravure prend une valeur didactique importante, isolant ce qui était caché dans l’intérieur de l’animal. Montrant l’animal sur pieds, la planche semble avoir un contenu informatif plus faible comme cela est manifeste pour les animaux domestiques : qui n’a vu un cheval, un porc, un chien ? On pourrait presque dire que l’illustration gagne alors en évocation et en familiarité ce qu’elle perd en information et en merveilleux ; mais la multiplication des variétés, copieusement représentées, vient réintroduire un sentiment d’étonnement et de curiosité : un chien, un chat ou un porc peuvent donc prendre tant de formes distinctes et bien établies ?
Dessinateurs et graveurs
Qui sont-ils ?
15Le Département des estampes de la Bibliothèque nationale de France conserve sous les cotes Jb 23 à 23c quatre grands volumes sous le titre “Recueil des dessins originaux de De Sève et de Buvée pour les quadrupèdes”. En regard de chaque dessin, se trouve une épreuve de la gravure de l’édition in-4° et une de celle de l’édition in-12. Hormis cela, les dessins originaux de De Sève semblent avoir presque entièrement disparu. Quatre dessins à l’encre de Chine pour des vignettes se trouvaient chez le Baron Portalis8. Selon Georges Heilbrun, le plus important recueil, 152 dessins d’animaux “exécutés d’après nature”, se trouvait dans la Bibliothèque de Mirabeau, vendue en 17919.
16L’équipe des dessinateurs se réduit à De Sève et Buvée l’Américain, sur lesquels nous ne savons rien. De la même manière, les historiens de l’Imprimerie nationale n’ont pu mettre à jour de fonds d’archives susceptibles d’éclairer l’histoire de la fabrication de l’ouvrage10. Jacques de Sève11 a signé presque tous les dessins originaux (plus de mille planches et les 38 vignettes-bandeaux) illustrant l’Histoire naturelle. Quant à Buvée, les historiens de l’illustration doivent pour l’instant se borner à affirmer qu’il fut actif pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, qu’il collabora à l’Histoire naturelle, et que son surnom d’“Américain” semble indiquer qu’il fit un voyage outre-Atlantique. On conviendra que ce sont là fort peu de choses12.
17Les dessins sont gravés par une équipe nombreuse13, au sein de laquelle on peut citer Basseporte14, Defehrt15, Baquoy16, Baron17, Haussard18, Jardinier19, Rousselet (veuve Tardieu)20 … En comparaison, la liste des collaborateurs ayant contribué au Spectacle de la Nature de l’abbé Noël-Antoine Pluche est beaucoup plus modeste21. Quant à la liste des illustrateurs des œuvres de Linné, elle est encore plus brève : son œuvre ne comprend pour l’essentiel aucune gravure à part les quelques planches qui occupent des ouvrages spéciaux, frontispices pour des descriptions de jardins ou de cabinets22. Nous reviendrons plus loin sur les raisons de cette absence en confrontant Buffon à son rival Linné, mais le résultat de cette simple comparaison permet de prendre acte du fait que l’illustration constitue une composante essentielle de l’Histoire naturelle. La publication de l’ouvrage par l’imprimerie royale est souvent invoquée pour expliquer cette abondance de l’illustration comme un signe de la munificence du roi, car la gravure coûte cher.
18La qualité des artistes, comme la valeur de ces gravures, est discutée par les historiens de l’art. De Sève a comme peintre et dessinateur, une réputation incertaine : parfois loué comme l’un des meilleurs illustrateurs de son temps, connu pour un ensemble de vignettes réalisées pour les Contes de Perrault (1742), les Fables de La Fontaine (1746) et les Œuvres de Jean Racine (1760, 3 vols)23 ; parfois au contraire, méprisé comme un artiste “sans génie, mais consciencieux”24. L’illustration pour sa part est jugée prestigieuse par certains spécialistes25, et au contraire dévalorisée par certains esthètes pour son manque de caractère artistique qui semble dénoter le manque de génie des graveurs26.
Comment travaillent-ils ?
19Le “dessin d’après nature” est une notion aussi floue que souvent invoquée. Ernst Gombrich a bien montré que l’expression “peint d’après nature” ne semble pas garantir une représentation faite effectivement “sur le terrain”27. On peut citer ici le cas rendu célèbre par Gombrich d’une baleine “ritratto qui dal naturale appunto” censée figurer un échouage survenu à Ancône en 1601, et qui reprend en fait une gravure hollandaise qui présentait les ailerons de la baleine comme de larges oreilles. Cela n’empêche pas qu’une baleine se soit effectivement échouée à Ancône en 1601, mais le dessin a été fait en copiant non la scène in situ, mais un modèle graphique. Le recours à l’observation de la baleine effectivement échouée a paru un détour inutile. Un autre cas fameux, celui du bois gravé du rhinocéros unicorne d’Albrecht Dürer, copié par toute l’Europe savante, est éclairant28. La figure se caractérise notamment par la présence d’écailles et d’une armure de cuir, formant un caparaçon ou un tablier, presque une carapace. Plusieurs auteurs en font la critique, prétendant travailler sur le vif, sans toutefois parvenir complètement à détacher leurs figure de l’exemplaire caparaçonné de Dürer. Ainsi Parsons, souvent cité par Buffon, dénonce, dans les Philosophical transactions pour l’année 1743, l’influence de Dürer :
La figure qu’a donnée de cet animal Albert Dürer, a induit en erreur la plupart des naturalistes qui ont écrit depuis lui ; car ils l’ont presque tous copié, et il y en a même beaucoup qui l’ont surpassé, en ornant les figures qu’ils ont données de cet animal avec des écailles et d’autres choses tirées de leur imagination. Enfin sa figure est si mal faite que je serais tenté de croire qu’il n’a jamais vu cet animal.29
20Parsons pour sa part affirme bien haut peindre un rhinocéros mâle “qu’on faisait voir en 1739 dans Eagle Street près de Red Lyon Square” (pp. 240-241) :
Je n’ai eu aucun égard dans ma description à celles qu’en ont données les autres auteurs ; mais je l’ai décrit simplement tel que je l’ai vu, non seulement dans l’endroit ci-dessus mentionné, mais encore longtemps après lorsqu’on le faisait voir auprès de London-Spaw.30
21En particulier, Parsons s’en prend à la deuxième corne que Durer place sur le dos de l’animal. De même, l’Histoire naturelle de Buffon et Daubenton est réputée avoir donné une bonne image de cet animal, peinte d’après nature31. Cette affirmation s’appuie sur la circulation des spécimens de rhinocéros dans les ménageries européennes, en particulier sur le fait qu’un rhinocéros a été peint à la foire de Saint-Germain en 1749, puis qu’un second rhinocéros est présent à la Ménagerie de Versailles autour de 1770-177232. De telles observations permettent aux auteurs de critiquer Dürer33. De la même manière, James Bruce critique le grand succès de la planche de Dürer en 1790 : il déclare pour sa part travailler sur le vif, d’après un spécimen “pris à Tcherkin près du Ras-el-Feel, dans une chasse” : il se loue de donner “la première gravure d’un animal à double corne”34.
22De manière générale, quand on approche l’illustration naturaliste, il faut toujours se souvenir que les dessins d’animaux, quand bien même ils seraient décrits comme “pris sur le vif” ou “peints d’après nature”, contiennent en fait des emprunts picturaux35. Dans le cas de la gravure du rhinocéros dans l’Histoire naturelle, il faut noter que Daubenton écrit très précisément : “Celui qui a servi de sujet pour cette description (pl. VII) était à Paris il y a douze ans” (Description du rhinocéros, IR XI, 198). Il ne dit en aucune manière qu’il a lui-même observé l’animal à la foire de Saint-Germain en 1749. En réalité, l’animal fut observé et la description (textuelle) fut faite d’après le spécimen, mais le dessin présenté dans l’Histoire naturelle est repris de la planche ajoutée par Demours, docteur en médecine et censeur royal, dans sa traduction du mémoire de Parsons. Cette gravure elle-même avait été réalisée d’après le tableau d’un rhinocéros peint par Jean-Baptiste Oudry36.
23Buffon et Daubenton font par ailleurs référence à plusieurs observations faites sur le vif. Certes, le Jardin du roi ne possède pas encore sa ménagerie propre, mais les naturalistes peuvent observer des bêtes à la foire Saint-Germain (un éléphant en 1773, un tigre en 178437), à la Ménagerie du roi à Versailles (observés vivants comme la panthère ou le zébu arrivé en août 1761 et observé en 1763 ; ou disséqués après leur mort comme un spécimen d’axis en janvier 1761 ; ou vus sous la forme de restes desséchés comme l’épiderme de l’éléphant disséqué par Claude Perrault ou le squelette de lionne apporté de Trianon et conservé au Jardin du roi sous le numéro DCCCL). Les naturalistes disposent encore des animaux capturés dans le parc de Versailles (hérissons, belettes…) ou encore dans leurs ménageries personnelles (Buffon élève un castor, et à Montbard, un pécari qu’il essaie de croiser avec une truie…). Ainsi, pour le tome IX : le texte du Lion indique que plusieurs spécimens ont été observés en 1757 au Combat du Taureau38 et les dessins de De Sève au Département des estampes portent la mention 1754 pour le mâle, et 1759 pour la femelle. Le tigre (pl. 9) est dessiné “d’après la peau empaillée” d’un tigre mort à la ménagerie de Versailles plusieurs années auparavant.
24Son dessin dans le volume Jb23b du Département des estampes porte la mention “De Sève 1759”, le squelette a été représenté par Buvée. “Les panthères de la ménagerie de Versailles” ont “été dessinées vivantes” (pls 11 et 12 ; “De Sève 1755”). Quant au jaguar, les naturalistes reconnaissent : “Nous n’avons pas vu cet animal vivant, mais on [Pagès, médecin du roi à Saint-Domingue] nous l’a envoyé bien entier et bien conservé dans une liqueur préparée, et c’est sur ce sujet que nous en avons fait le dessin et la description.” (IR IX, 201 ; “De Sève 1758”).
25Toutefois, le dessin d’après nature est loin d’être la règle. En l’espace de trois ans (entre le 1er juin 1759 et le 1er juin 1762), De Sève semble ne s’être déplacé à la ménagerie de Versailles que pour quatorze dessins d’animaux39. Le cas sera différent pour les oiseaux, pour lesquels Buffon recommande de travailler, autant que possible, à partir des oiseaux vivants40.
26Les dessins de Jacques de Sève et de Buvée l’Américain sont exécutés d’après des sources diverses. La représentation des pièces anatomiques du cheval, premier animal étudié, peut s’appuyer sur de nombreuses sources iconographiques. Dans la tradition française, il faut souligner le travail de Héroard, avec sept cuivres de Jakob de Weert (1599), mais aussi aux ouvrages de Pierre de La Noüe (La Cavalerie françoise et italienne, 1620, ornée de 41 cuivres) et surtout de Carlo Ruini (c. 1530-1598), incontournable pour ce qui concerne l’anatomie du cheval41. On sait en outre qu’un squelette de cheval était conservé à l’Académie royale des sciences. Enfin, Edme Bouchardon (1698-1762) réalise 838 études dont soixante-neuf sont consacrées au cheval, qui contiennent des dessins du squelette ou des écorchés, précisément annotés par l’énumération des différents muscles et parties anatomiques42.
27Le cas de l’éléphant est résumé par une note de Daubenton :
Cette figure a été dessinée d’après un modèle de l’éléphant dont l’Empereur des Turcs fit présent au roi de Naples, et qui a vécu longtemps dans la Capitale de ce royaume, où il est mort il y a quelques années. M. Sali, sculpteur, de l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris, modela cet éléphant à Naples en 1745 ; M. Soufflot, Contrôleur général des bâtiments du roi, à qui ce modèle appartient et qui a bien voulu nous le prêter, m’a assuré qu’il avait été fait avec beaucoup de soin et que l’on pouvait compter sur la justesse de ses proportions.43
28Pour faire l’histoire du renne, Buffon reconnaît n’avoir pas pu avoir l’animal vivant. C’est Collinson, membre de la Royal Society, qui lui a fait parvenir le dessin du squelette de cet animal, qui est représenté sur la planche 12 du tome XII. Quant à l’élan, Buffon eut bien l’occasion d’en voir un “il y a environ quinze ans” (écrit-il en 1764)44, mais l’animal resta si peu de jours à Paris que Buffon n’eut pas le temps de le faire dessiner et qu’il dut se borner à vérifier la description donnée dans les Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des animaux. De même, il se plaint dans l’histoire des gazelles de cette abondance d’animaux (chèvres, gazelles, bubales, chevrotains, mazames), “tous différents entre eux, plusieurs absolument inconnus, les autres présentés pêle-mêle par les naturalistes, et tous pris les uns pour les autres par les voyageurs”45. À propos de l’hippopotame, Daubenton doit également rendre compte des lacunes et du défaut d’observation :
Nous n’avons point vu d’hippopotame adulte. Cette description n’a pour sujet qu’un fœtus et des têtes décharnées d’hippopotames, qui sont au Cabinet du roi et les os des pieds qui nous ont été communiqués par M. Bernard de Jussieu.46
29Ainsi la planche 3 du volume XII représente ce fœtus d’hippopotame couché sur une table près des instruments d’anatomie qui doivent servir à le disséquer. On aperçoit à travers une fenêtre dans le lointain, un grand hippopotame, copié d’après la figure qu’en a donnée Fabio Colonna (1567-1650)47. Cette mise à distance a pour fonction de réduire les défauts de la gravure :
Quoique cette figure [celle de Colonna] soit réputée pour une des meilleures qu’il y ait de l’hippopotame, elle me paraît très défectueuse ; la copie qui en a été faite dans notre planche IIIe n’étant pas l’objet principal de cette planche, et ne pouvant être vue que dans le lointain à cause de la présence du fœtus sur l’avant de la planche, ses défauts sont moins apparents et n’empêchent pas qu’elle ne puisse contribuer avec le fœtus à donner quelque idée de l’hippopotame adulte.48
30Il faut remarquer ici la stratégie iconographique, qui consiste à représenter comme une vision éloignée une figure qui paraîtrait trop imprécise de près. Ainsi, l’hippopotame est présenté au second plan, sur les bords du fleuve Sénégal, ce qu’indique la silhouette singulière d’un baobab, dont Michel Adanson a donné la description dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences de 176149. Les Suppléments se chargeront de compléter ces lacunes, en particulier grâce à une description complète faite sur une peau bourrée conservée dans le Cabinet des curiosités naturelles de l’Université de Leyde, pièce unique dont Allamand fournit la description :
Comme c’est vraisemblablement la seule curiosité de ce genre qui soit en Europe, je crois que tous ceux qui aiment l’histoire naturelle me sauront gré de la leur avoir fait connaître par la gravure, et d’en avoir enrichi le magnifique ouvrage de M. de Buffon. Ainsi la planche que nous ajoutons ici représente l’hippopotame mieux qu’il n’a été représenté jusqu’à présent, ou plutôt c’est la seule figure que l’on en ait, car dans toutes les autres qui ont été publiées, cet animal n’est pas reconnaissable, si l’on en excepte celle qui se trouve dans un livre hollandais où il est question du Léviathan dont il est parlé dans l’Écriture Sainte, et qui a été faite sur le même modèle que l’on a copié ici […].50
Caractères généraux d’une gravure d’animal en pied
31Les gravures d’animaux en pied représentent les bêtes de profil, montées sur un piédestal, inscrites dans un décor de fantaisie, où l’on peut lire, comme le suggère Roland Barthes, la marque de l’homme dans la présence d’une ferme, d’une ruine, d’une statue51. Chaque bête et son squelette sont posés sur le même support, dans une pose identique. Le socle du bouquetin (IR XII, pl. 13) est même surélevé, présenté sur une sorte d’aplomb rocheux, qui mime l’habitat naturel de ces “chèvres sauvages”. Le piédestal comme un banc de pierre masque le socle de l’objet naturalisé52 : les animaux représentés sont des peaux bourrées ou des spécimens desséchés, mais ils réemploient aussi des peintures et des sculptures53. La présentation uniformisée et stylisée adoptée dans l’Histoire naturelle a pour fonction d’évacuer autant que possible le pittoresque. Les chauves-souris sont posées au sol sur le modèle des quadrupèdes, plutôt que pendues dans d’obscurs greniers. Surtout, on avait coutume de les présenter à la fin des oiseaux, les “ailes” grand ouvertes, de même que les caméléons et les tortues terminaient les “quadrupèdes”. À l’inverse, Buffon et Daubenton les réduisent à leur module de “quadrupèdes”54. Le chameau et le dromadaire sont dépouillés de leur bosse ; le hérisson, le cochon d’Inde, la taupe, créatures informes, se trouvent posées sur leurs quatre pattes et réduites au module général du corps animal qui court du cheval au mico, du quadrupède au quadrumane.
32La singularité de l’illustration dans l’Histoire naturelle de Buffon apparaît si on la compare à d’autres corpus iconographiques animaliers. En amont de l’œuvre de Buffon, on trouve un corpus réputé mais dépassé, le Theatrum universale omnium animalium d’Henricus Ruysch55. Les gravures sont pour l’essentiel des réimpressions des planches de l’Histoire naturelle des animaux de Jan Jonston et une compilation de textes tirés de Gesner, Aldrovandi, Margraff et Mouffet. C’est donc un ouvrage qui hérite une grande partie de ses contenus des histoires naturelles du XVIe siècle, auxquelles Buffon adressait le reproche d’être des fatras d’érudition, sans discrimination aucune concernant le contenu des matières. De fait, le Theatrum comprend encore des éléments mythiques, comme une figure du griffon. Pourtant, les naturalistes lui reconnaissent encore une certaine utilité vers 1740, surtout concernant la partie des poissons. Ainsi, l’abbé Pluche cite Ruysch à propos de la pêche, tout en restreignant le rôle accordé à cet ouvrage, celui-ci se bornant à éveiller la curiosité des débutants56.
33Le Theatrum de Ruysch se présente comme un tableau exhaustif de la Création, présentant poissons, insectes, crustacés, oiseaux et quadrupèdes. Ici se marque déjà une première différence : l’Histoire naturelle générale et particulière de Buffon et Daubenton, malgré son titre qui annonce un projet touchant l’ensemble des naturalia (et que visait d’ailleurs le prospectus initial) se borne à un ensemble d’animaux qui s’apparentent aux mammifères quadrupèdes.
34Un deuxième point de comparaison concerne la position des animaux. Dans l’ouvrage de Ruysch, l’éléphant nous est montré de dos, de profil et de face. À l’inverse, dans l’Histoire naturelle, les animaux sont toujours de profil, à quelques rares exceptions près57. Cette unicité et cette uniformité de la figure de chaque animal est un point capital. La place de l’homme est également un élément problématique et révélateur. Ruysch représente l’animal en interaction directe avec l’homme. L’éléphant est monté par son maître. De même, les ours sont présentés luttant et muselés en tenue de combat. Bâtons et muselières indiquent partout la maîtrise de l’homme. On a affaire à des animaux domestiques, remplissant une fonction sociale. Buffon au contraire nous montre l’éléphant et l’ours, en apparence au moins, dépouillés de tout élément humain. Ainsi, là où Ruysch présente un corpus propre à éveiller la curiosité, Buffon standardise la forme du corps animal, dont il fait un module. Nous procèderons plus loin à une comparaison de l’ouvrage de Buffon et Daubenton avec une précédente entreprise académique, les Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des animaux dirigés par Claude Perrault.
L’absence de couleurs
35Les gravures de l’Histoire naturelle générale et particulière sont en noir et blanc. Buffon reconnaît que l’usage des couleurs permettrait de donner “une description [...] plus parfaite et plus agréable qu’il ne serait possible de la faire par le discours”58 ; mais ce recours n’est pas nécessaire pour les animaux dont traite la première série. Comme il le précise plus tard, lorsqu’il aborde l’histoire et les description des oiseaux :
Dans les animaux quadrupèdes, un bon dessin rendu par une gravure noire suffit pour la connaissance distincte de chacun, parce que les couleurs des quadrupèdes n’étant qu’un petit nombre et assez uniformes, on peut aisément les dénommer et les indiquer par le discours.59
36Ce caractère est essentiel : illustrée en noir et blanc, l’histoire des quadrupèdes pourrait être “tirée à un très grand nombre en France, sans compter les éditions étrangères”60. À l’inverse, l’histoire des oiseaux connaît deux éditions : une édition noir et blanc, où De Sève s’occupe toujours de la gravure, et une édition enluminée, réalisée par François-Nicolas Martinet (né en 1731), “ingénieur, dessinateur et graveur du Cabinet du roi”, tirée à un petit nombre d’exemplaires (vraisemblablement pas plus de 450)61.
37C’est pourquoi on trouve chez d’autres naturalistes, Réaumur par exemple, une condamnation de l’enluminure, agréable à l’amateur mais peu profitable à la science. Réaumur en effet loue l’importance décisive de l’illustration :
C’est surtout aux ouvrages dont l’objet est de faire connaître les formes du corps et des parties de divers insectes que les dessins sont nécessaires ; ils animent, pour ainsi dire, ces ouvrages. La vie semble manquer à ceux à qui ils manquent. Dans ce genre, un ouvrage qui n’est presque que de dessins sera toujours mieux reçu qu’un autre qui en serait totalement privé, quelque exact et détaillé qu’il fût d’ailleurs.62
38Et Réaumur d’opposer ici le succès des planches de Maria-Sybilla Merian (1647-1717), tant des insectes d’Europe que de ceux de Surinam, à l’histoire des insectes donnée par le systématicien John Ray (1627-1705), absolument dénuée de figures et qui fut peu goûtée. Ainsi, dans la méthodologie de Réaumur, les termes observation et observateur, qui reviennent de manière incessante, sont couplés à la nécessité de l’illustration. Une fois observé, il faut rendre compte de ce qu’on a vu, c’est-à-dire : il faut peindre. On dispose alors de deux manières de peindre, le dessin et la description, dont le premier a sur le second l’avantage de la facilité et de la rapidité. Là où les mots sont fastidieux, le dessin est un secours précieux et un raccourci utile pour fixer l’attention et soutenir l’imagination : “Il est difficile de peindre exactement par des descriptions les différentes formes, les différents arrangements, et les différentes proportions des parties de certains corps. Mais il est encore plus difficile de fixer l’attention à des descriptions, qui rarement peuvent être suffisamment exactes sans être longues. Les dessins disent bien plus vite ce qu’ils ont à dire : ils ne peuvent pourtant pas toujours représenter tout ce qu’on voudrait qu’ils représentassent, mais ils soutiennent toujours l’imagination, et avec leur secours on lit et on entend des descriptions qu’autrement on n’entendrait ni ne lirait.”63
39Toutefois, ce privilège de l’image sur le texte n’est pas absolu : “quelques lignes”, si elles sont d’un bon auteur, comme Ray, permettent plus aisément de retrouver et de distinguer l’animal que ne le fait une gravure surtout enluminée. Simplement, l’image est plus immédiatement liée à l’imagination : le texte exige au contraire que le lecteur fournisse un effort de traduction. Il faut reconnaître que les planches égayent même si elles ne font pas toujours exactement connaître. Le problème tient ici principalement à ce que les peintres et les bons dessinateurs sont rares. Il faut aussi noter que la gravure appelle souvent, pour être utile et précise, les secours de l’enluminure, ce qui a pour effet d’augmenter de manière importante le coût du livre, sans toujours apporter une véritable plus-value intellectuelle. Ainsi l’éloge de Merian se retourne en une violente critique de ce type d’ouvrage : “ce qu’on retire d’avantage des enluminures n’est pas proportionné à leur prix.”64 Mieux vaut encore “n’avoir que de simples gravures, qui au moins ne nous trompent point et qui conservent des traits de ressemblance que l’application des couleurs fait souvent perdre”65.
40Ainsi, bien loin de vanter les beaux et coûteux livres d’images coloriées, Réaumur, pour sa part, préfère ne pas multiplier les figures et s’en tenir exclusivement aux gravures. Il souligne également la nécessité d’éviter autant que possible les intermédiaires : l’observateur devrait être dessinateur et le dessinateur devrait être le graveur66. Il faut autant que possible éviter le recours à “une main étrangère qu’on n’est pas maître d’avoir toujours auprès de soi”. Et quand le talent manque à l’auteur (comme c’est le cas de Réaumur lui-même, incapable de réaliser lui-même ses dessins), il faut superviser l’ensemble du travail : “Un dessinateur a beau être intelligent, il lui est impossible d’entrer dans les vues d’un auteur, si l’auteur ne conduit, pour ainsi dire, son pinceau. Le dessinateur sera frappé par certaines parties d’un objet qu’il cherchera à mettre plus en vue, et qui seront celles qu’il importe le moins de faire connaître.”67 Ainsi, l’auteur doit tout commander, tout guider et tout revoir : il doit être l’âme qui anime le dessin et qui en garantit l’authenticité, contre les fantaisies des peintres dont l’objet est seulement de “faire voir”, quitte à tordre la nature et à présenter les animaux dans des attitudes contrefaites. Ainsi, le réalisme ne consiste pas à faire tout voir : la bonne illustration doit savoir sacrifier l’exhaustivité à l’autel du bon point de vue.
Les éléments de décor et la nature des paysages représentés
41La présence d’un paysage ou d’un décor n’est pas une nécessité de la gravure naturaliste. Si l’on considère par exemple le cas d’André Thévet (1516-1590), l’usage des décors varie : le toucan sans décor des Singularités se trouve assorti d’un paysage dans la Cosmographie (t. II, p. 938 b) ; de même son haüt (l’aï) voit son décor s’enrichir des Singularités à la Cosmographie (t. II, p. 941 a)68. L’Histoire naturelle manifeste sur ce point plus de constance et les éléments de décor forment un élément important du caractère de ses gravures.
42Toutefois, il apparaît que le répertoire des décors ne correspond que rarement à l’animal. Le Loup est représenté devant les restes d’un mouton égorgé (IR VII, pl. 1), le Renard au milieu d’une basse-cour (IR VII, pl. 4) ou le Campagnol devant un champ de blé (IR VII, pl. 47). Mais le Doguin est sur le forum romain (IR V, pl. 44) ; le Hamster devant une cathédrale gothique (IR XIII, pl. 14) et le Fourmilier devant un imposant donjon crénelé (IR X, pl. 30) ; le Lori est devant une pagode chinoise (Oiseaux, VI, IR XXI, pl. 6, p. 134) qui rappelle celle de l’Éléphant. Si la Roussette et la Rougette (IR X, pl. 14 et pl. 17) sont dans des ruines indéterminées, nous pénétrons dans une église gothique aux imposantes travées avec les Chauves-souris étrangères (pl. 19) quand d’autres campent dans un décor de vieilles souches (pl. 20). La Mangouste est devant un sphinx et une pyramide (IR XIII, pl. 18, p. 162) ; de même, le Tamanoir, pris entre deux colonnes, est face à un sphinx étêté, pendant qu’un autre petit tamanoir, la queue relevée, est présenté en arrière-plan (IR X, pl. 29). Si le Kabassou de la planche 40 (IR X) semble être devant les ruines d’un temple égyptien, celui de la planche 41 semble se trouver devant un décor maya.
43On peut éclairer cette dimension de l’illustration à l’aide de la distinction proposée par Roger de Piles (1635-1709), dans son Cours de peinture par principes (1708), entre deux styles de paysages : le style héroïque et le style pastoral ou champêtre.
Le style héroïque est une composition d’objets qui dans leur genre tirent de l’art et de la nature tout ce que l’un et l’autre peuvent produire de grand et d’extraordinaire. Les sites en sont tout agréables et tout surprenants ; les fabriques n’y sont que temples, que pyramides, que sépultures antiques, qu’autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d’une régulière architecture ; et si la nature n’y est pas exprimée comme le hasard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins représentée comme on s’imagine qu’elle devrait être. Ce style est une agréable illusion, et une espèce d’enchantement quand il part d’un beau génie et d’un bon esprit, comme était celui de Poussin, lui qui s’y est si bien exprimé. Mais ceux qui voudront suivre ce genre de peinture et n’auront pas le talent de soutenir le sublime qu’il demande courent souvent le risque de tomber dans le puéril.
Le style champêtre est une représentation des pays qui paraissent bien moins cultivés qu’abandonnés à la bizarrerie de la seule nature. Elle s’y fait voir toute simple, sans fard et sans artifice ; mais avec tous les ornements dont elle sait bien mieux se parer lorsqu’on la laisse dans sa liberté que quand l’art lui fait violence.
Dans ce style, les sites souffrent toutes sortes de variétés : ils y sont quelquefois assez étendus pour y attirer les troupeaux des bergers, et quelquefois assez sauvages pour servir de retraite aux solitaires et de sûreté aux animaux sauvages.69
44Piles note que les deux styles sont souvent joints. Or, si l’art du peintre consiste à réaliser entre eux un équilibre, on peut retrouver cette balance à l’échelle d’un volume en distribuant les deux styles dans différentes gravures. On pourrait ainsi à l’aide de cette typologie diviser les planches de l’Histoire naturelle en deux groupes. La planche dessinée d’après Oudry et gravée par Bacquoy serait exemplaire du style pastoral : on aperçoit le paysage entre les pattes d’un cheval pie, un animal du Perche. L’ensemble est rustique, emprunté aux maîtres flamands : un manoir à pigeonniers, un horizon limité par les montagnes. De Sève suivra le même modèle pour de nombreuses gravures, composant, derrière les animaux, un tableau charmant (par exemple, derrière l’âne ou le taureau). De même, si l’on analyse les planches contenues dans le tome X, se rattacheraient plutôt au style pastoral ou champêtre des planches comme celle du Desman (pl. 2), du Polatouche (pl. 21), du Palmiste (pl. 26) ou de l’Écureuil suisse (pl. 28). En revanche, on pourrait attribuer au style héroïque, l’Ondatra (pl. 1) et plusieurs chauves-souris – la Roussette (pl. 14), la Rougette (pl. 17), les Chauves-souris étrangères (pl. 18 et 19), le Tamanoir (pl. 29)70, le Fourmilier (pl. 30), le Kabassou (pl. 40)… Cette distinction entre deux styles de paysage permet de donner un sens esthétique aux éléments architecturaux dont regorgent les planches ; ainsi la pyramide de Cestius à Rome, bien connue des ruinistes, qui se retrouve en arrière-plan de la Lionne (IR IX, pl. 2), de la Mangouste (IR XIII, pl. 19), de la Chèvre d’Angora (IR V, pl. 11), du Dromadaire (IR XI, pl. 9), du Chameau, (IR XI, pl. 22)71. Ces éléments ont tendance à resservir d’une planche à l’autre. Par exemple, la pyramide du Pinche (IR XV, pl. 17) est reprise dans le Crocodile (Serpents, I, IR XXXVII, 1788, pl. 14, p. 188 par De Sève et Sticotti) et on retrouve une pyramide maya avec des escaliers dans le Tupinambis (Serpents, I, IR XXXVII, 251, pl. 17).
45Certains emprunts sont manifestes72 : le Manucode (Oiseaux III, IR XVIII, 164, pl. 13) est représenté devant un pont de bois, suspendu entre deux rochers, repris de l’illustration que Oudry, dans son édition des Fables de La Fontaine (Desaint et Saillant, 1755-1759), donne pour L’Écrevisse et sa fille (Fables, XII, 10). Le Todier (Oiseaux VII, IR XXII, 230, pl. XI) apparaît perché devant une chaumière et un escarpement de roches : De Sève emprunte également ce motif à Oudry, qui lui-même l’avait puisé dans les paysages flamands de Nicolaes Berchem (1620-1683) ou de Meindert Hobbema (1638-1709).
46On peut noter également des éléments de décor, qui, faute d’avoir été identifiés par les historiens du livre, demeurent pour nous dans leur entière étrangeté. On citera en particulier la Panthère femelle (IR IX, pl. 12) : on y voit, au premier plan, une demi-colonne et une sorte de racine tortue, et derrière l’animal, un visage gravé sur un bas-relief, avec, dans le fond, une stèle et une silhouette drapée73. On retrouve une statue de forme similaire pour la Corine (IR XII, pl. 27). L’Ondatra se trouve devant un imposant pont-levis (IR X, pl. 1) quand le Desman se trouve dans la taïga devant des huttes et des pins étiques balayés par les vents (IR X, pl. 2). Sur d’autres planches, ce sont des éléments végétaux étranges qui occupent le premier plan, vers la gauche : une touffe d’herbe sur la gravure de la Lionne (IR IX, pl. 2) ou une souche d’arbre devant le squelette du Lion (IR IX, pl. 7). Visent-ils à masquer quelques repentirs ? D’autres créent un caractère rustique, comme les barrières de bois qui cèlent le socle du pécari (IR X, pl. 3).
47L’Histoire naturelle par ailleurs emprunte des gravures à d’autres ouvrages de référence. La gravure du Sarigue femelle (IR X, pl. 46, p. 334) est prise de l’imposant catalogue du Cabinet d’Albertus Seba, où l’animal était figuré sous le nom de philandre74. Sont également mises à contribution les gravures de l’édition hollandaise de l’Histoire naturelle, revue et commentée par Jean-Nicolas Sébastien Allamand (1713-1787)75. Tel est le cas, par exemple, du Gnou, au sujet duquel Buffon précise :
Je dois avertir, pour l’instruction de mes lecteurs et pour la plus exacte connaissance de cet animal “gnou”, que le dessin qu’il [Allamand] a fait graver dans l’édition d’Hollande de mon ouvrage et que je donne ici planche IX, me paraît plus conforme à la nature que celui de ma planche VIII ; les cornes surtout me semblent être mal représentées dans celle-ci, et l’espèce de ceinture de poils que l’animal porte autour du museau paraît factice.76
48Le style de présentation des pièces anatomiques opère également de nombreux emprunts. Sébastien Leclerc présentait dans les mémoires de Perrault chaque bête surmontée d’un drap avec ses organes. De même, la planche 34 du tome IX de l’Histoire naturelle, gravée par Defehrt, combine deux dessins originaux différents77 : le squelette de la Civette par Buvée est surmonté par un drap tendu représentant les “poches destinées à la sécrétion du parfum de la civette entre l’anus et la vulve” d’après un dessin original de De Sève. On retrouve ce procédé pour le squelette du Caïopollin (IR X, pl. 57). Le principe de l’écorché, pratiqué sur le cas de la patte de l’ours dans les Mémoires de Perrault, se retrouve appliqué au hérisson présenté sans ses épines (IR VIII, pl. 6) ou à la taupe, présentée sans sa fourrure (IR VIII, pl. 12).
Des choix sont opérés
49L’abondance de l’illustration ne doit pas nous faire oublier un point : que l’Histoire naturelle ne se borne pas à rassembler toutes les gravures possibles. On en a un exemple dans l’article consacré à L’Unau et l’Aï (IR XIII, 34). Sous ce nom, Buffon traite de l’haü de Thévet (ou “bête qui vit de vent”) et de l’aï sive ignavus de Piso. Buffon donne de cet animal une étude iconographique très précise : il rapporte la gravure de Pison à celle donnée par Clusius, tout en soulignant les deux apports du second : l’aï repens minor (petit aï rampant) de la page 321 et le squelette de la page 322, ainsi que l’aï dans un arbre présenté sur le frontispice de l’Histoire des deux Indes. Buffon cite aussi (IR XIII, 36) l’ouvrage de George Edwards78, dont “la première figure n’est pas mauvaise, quoique faite d’après une peau bourrée”. Buffon a donc procédé à une étude très précise des différentes images qui étaient à sa disposition dans les différents ouvrages. Toutefois, étrangement, alors que la représentation du squelette de l’aï figure dans Piso79, le texte de l’Histoire naturelle ne comprend ni le squelette de l’aï, ni celui de l’unau qui est pourtant possédé au cabinet (Pièce no MCCXXV, “un squelette d’unau”, décrit IR XIII, 69 mais non figuré). Daubenton décrit deux spécimens, l’un qui vient de la ménagerie du marquis de Montmirail (et que Buffon évoque également dans l’histoire de l’espèce – IR XIII, 47-48) ; l’autre qui a été envoyé de Surinam en Hollande et qui est conservé dans de l’alcool. La gravure présente un unau au sol, un autre suspendu à un arbre, plusieurs jeunes aïs et un aï adulte qui s’étire, quelques pièces organiques qui correspondent aux possessions du Cabinet : les planches 2 et 3 représentent des estomacs d’unau, la planche 4 les parties de la génération d’une femelle. Cet écart entre les gravures présentées et celles qui auraient été possibles indique, nous semble-t-il, que, si l’illustration est importante pour l’Histoire naturelle, elle n’en constitue pas le cœur : l’objet de l’ouvrage n’est pas de donner un catalogue exhaustif d’images. Il nous faut donc entrer plus avant dans la compréhension des caractères propres de l’Histoire naturelle et de son illustration.
Notes de bas de page
1 Nissen (Claus), Die zoologische Buchillustration. Ihre Bibliographie und Geschichte. Band I : Bibliographie, Stuttgart : A. Hiersemann, 1969, p. 72. La description sommaire des volumes de l’édition originale est donnée par Heilbrun (Georges),“Essai de bibliographie : description sommaire de l’édition originale de “l’Histoire naturelle générale et particulière avec la description du Cabinet du Roy””, in Bertin (L.), et al., Buffon : trente lettres inédites de Buffon, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1952, pp. 233-236 (Les Grands naturalistes français ; 1). Tous les volumes sont parus à l’imprimerie royale, dirigée de 1735 à 1788 par Jacques Anisson, assisté par son fils, Étienne-Alexandre Anisson-Duperron, qui lui est associé à partir de 1765. Il n’y a à cela qu’une exception, lorsqu’en 1787, Buffon se brouille avec l’imprimerie royale : “MM. de l’Imprimerie royale m’ayant fait attendre pendant plus de deux ans, Monseigneur, l’impression de mes derniers volumes des Minéraux, je me déterminai, l’été dernier, à faire imprimer ailleurs qu’à l’Imprimerie royale le cinquième volume de ces mêmes Minéraux, qui traite de l’aimant et qui paraît déjà depuis plusieurs jours.” (lettre de Buffon au ministre de la Maison du roi, 15 octobre 1787, Archives nationales, o1 610, 1er dossier, fo 112.) Alors que les livres sortis de l’Imprimerie royale n’avaient pas à solliciter le privilège (ils étaient donc soustraits à la censure préalable), le tome XXIX (tome V des Minéraux, contenant le Traité de l’Aimant et de ses usages) paraît avec privilège (mention qui n’apparaissait pas dans les autres volumes) parce que publié à l’Imprimerie des bâtiments du roi. Cf. Bassy (Alain-Marie), “À l’heure des grandes synthèses. L’œuvre de Buffon à l’imprimerie royale (1749-1789)”, in L’Art du livre à l’imprimerie nationale, Paris : impr. nationale, 1973, pp. 171-189.
2 . Huet exécute dix grandes toiles, d’une hauteur de trois mètres, en 1734-1735, aujourd’hui conservées au Musée Condé.
3 Cf. Fontenay (abbé Louis-Abel de), Dictionnaire des artistes, [1er impr., Paris : Vincent, 1776], Genève : Minkoff, 1972, t. 1, p. 232.
4 Cf. Locquin (Jean), “Le Paysage en France au début du XVIIIe siècle et l’œuvre de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755)”, Gazette des beaux-arts, 2e semestre 1908, pp. 353-380, parle d’un “programme réaliste” élaboré par Oudry (p. 375) et mentionne l’existence d’un “parti flamand”, dont Oudry est le chef artistique. Dans cette perspective, le manifeste du paysage moral dans le genre flamand fut “La Ferme”, tableau peint en 1750, sur les indications du dauphin et que la reine copia pour l’offrir en étrennes au roi. Toujours selon Locquin (p. 376) : “Les tendances moralisatrices du mouvement réaliste n’échappèrent pas au clergé. Tous les abbés amateurs et critiques d’art de l’époque, Gougenot, Garrigues de Froment, Raynal, Clément, Leblanc, exaltèrent à l’envi les mérites des paysages d’Oudry. Le père Laugier également.” Cf. aussi Opperman (Hal), J. B. Oudry : 1686-1755, exposition Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 1er octobre 1982-3 janvier 1983, Paris : Réunion des musées nationaux, 1982, 287 p. ; et Opperman (Hal), J. B. Oudry : 1686-1755, Exhibition Kimbell Art Museum, Fort Worth, February 26-June 5, 1983], [The Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City, July 15-September 4], Fort Worth (Tex.) : Kimbell Art Museum, 1983, 222 p.
5 Cette lecture est proposée par Bassy (Alain-Marie), “À l’heure des grandes synthèses. L’œuvre de Buffon à l’Imprimerie royale (1749-1789)”, art. cit., p. 179. Locquin (Jean), “Le Paysage en France au début du XVIIIe siècle et l’ouvre de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755)”, art. cit., p. 373 dresse une opposition entre les deux grands paysagistes français de l’époque : “Tandis que Boucher gagnait les faveurs de Mme de Pompadour et peignait pour lui plaire, Oudry répondait surtout aux tendances ‘ moralisantes’ du petit groupe qui s’était formé autour de Marie Leczinska et du dauphin.” Il est notable que l’on retrouve ces deux patronages (les vignettes à la Boucher et le cheval d’après Oudry) à l’ouverture de l’ouvrage de Buffon.
6 Cette multiplication des attitudes est surtout présente dans les volumes des Suppléments, notamment au tome VII (IR XXXVI). Par exemple, le Pithèque (pl. II à IV) est représenté dans “deux attitudes de mouvement, c’est-à-dire debout sur ses deux pieds de derrière, planches II et IV, et sur ses quatre pieds, planche III, dans laquelle il est aussi représenté en petit, assis, troisième attitude qu’il prend souvent lorsqu’il est en repos.” De même, le Douc (pl. XXIII) : “Nous donnons ici (pl. XXIII) la figure du douc vu par derrière : nous avons donné la figure de cette guenon vue par devant, vol. XIV, pl. XLI. Cet animal est si singulièrement habillé, que nous avons cru devoir le représenter des deux faces.”
7 Cf. par exemple Le Pangolin et le Phatagin (IR X, 180), dont Buffon fait l’histoire ensemble, donnent lieu à une double description (en IR X, 187 et IR X, 192) : chacun a par conséquent sa propre planche le représentant en pied (pls 34 et 35).
8 Portalis (Baron Roger), Les Dessinateurs d’illustrations au XVIIIe siècle, Paris : D. Morgand & C. Fatout, 1877, t. 2, p. 620.
9 Heilbrun (Georges), “Essai de bibliographie”, in Bertin (L.), et al., Buffon : trente lettres inédites de Buffon, op. cit., p. 236.
10 Cf. Grinevald (Paul-Marie), “Les Éditions de l’Histoire naturelle”, in Gayon (Jean) (sous la dir.), Buffon 88 : Actes du colloque pour le bicentenaire de la mort de Buffon, Paris, Montbard, Dijon, 14-22 juin 1988, Paris : Vrin ; Lyon : IIEE, 1992, pp. 631-637.
11 Comme le remarque le Baron Portalis (Roger), Les Dessinateurs d’illustrations au XVIIIe siècle, op. cit., t. 2, p. 619 : “Le peintre et dessinateur de Sève ne paraît pas avoir beaucoup attiré l’attention des biographes, et les renseignements sont fort rares sur son compte.” En particulier, ses dates de naissance et de mort sont inconnues. Le Dictionnaire critique et documentaire des peintres de E. Bénézit donne simplement : “Mort après 1790. […] Il travaillait de 1742 à 1788.” L’ouvrage de Thieme (Ulrich), Becker (Felix) (sous la dir.), Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler, Leipzig : Seemann, 1924, t. 30, ne fait que reprendre les mêmes informations. L’index bio-bibliographique de l’Allgemeines Künstlerlexikon (München ; Lepizig : Saur, 2000) renvoie au Thieme et Becker. Selon Portalis, De Sève “paraît descendre de Gilbert et de Pierre de Sève, tous deux peintres de la manufacture des Gobelins, et qui seraient ses grand-père et père.”
12 Exemplaire de cette ignorance des meilleurs historiens sur Buvée, la notice que Madeleine Pinault-Sørensen donne pour l’Allgemeines Künstlerlexikon, München ; Lepizig : Saur, 1997, t. 15, p. 394.
13 La liste complète des 59 graveurs figure dans Nissen (Claus), Die zoologische Buchillustration. Ihre Bibliographie und Geschichte. Band I : Bibliographie, op. cit., p. 72.
14 Madeleine-Françoise Basseporte (1701-1780) fut pastelliste et peintre pour la miniature au Jardin du roi (Aubriet fut son maître). Selon Roux (Marcel), Inventaire du fonds français : graveurs du XVIIIe siècle, Paris : Le Garrec, 1930, t. 2, p. 155, Basseporte a peu gravé, et seulement au début de sa carrière. Elle réalise pour Buffon la planche 9 du volume III.
15 A. J. Defehrt (1723-1774) a gravé quatorze planches de l’Histoire naturelle, réparties dans les tomes VI à VIII, ainsi que la planche VI du tome IX (les pièces anatomiques du lion) – cf. la liste complète dans Roux (Marcel), Inventaire du fonds français…, op. cit., t. 8, pp. 497-498.
16 Jean-Charles Baquoy (1721-1777) a réalisé 108 planches pour la première série de l’Histoire naturelle. La liste complète en est donnée par Roux (Marcel), Inventaire du fonds français…, op. cit., t. 1, pp. 445-453 et pp. 494-495 pour l’édition in-12°.
17 Claude Baron (1738-1770 ?), élève de Jacques-Philippe Le Bas. Roux (Marcel), Inventaire du fonds français…, op. cit., t. 2, pp. 69-70, donne la liste des gravures réalisées pour l’Histoire naturelle.
18 Catherine Haussard, fille aînée de Jean Haussard (1679 ?-1749), active dans le troisième quart du XVIIIe siècle (cf. Roux (Marcel), Inventaire du fonds français…, op. cit., t. 11, pp. 247-248).
19 Claude-Donat Jardinier (c. 1725-c. 1768) fut l’élève de J. Ph. Le Bas, N. Dupuis et Laurent Cars (cf. liste de ses gravures pour l’Histoire naturelle, dans Roux (Marcel), Inventaire du fonds français…, op. cit., t. 12, pp. 96-99).
20 Marie-Anne Rousselet, fille d’Alexis-Étienne Rousselet, graveur en médailles. Elle fut unie à la famille Tardieu, grande famille de graveurs, en épousant Pierre-François (né en 1711). Cf. Portalis (Roger), Béraldi (Henri), Les Graveurs du XVIIIe siècle, Paris : Morgand & Fatout, 1882, t. 3, p. 587.
21 Selon Nissen (Claus), Die zoologische Buchillustration. Ihre Bibliographie und Geschichte. Band I : Bibliographie, op. cit., p. 320, la liste des collaborateurs comprend seulement trois sources pour les dessins – Basseporte (qui fournit 9 frontispices et 203 planches), Oudry (dont un tableau est réutilisé) et Van Kessel. Il faut ajouter quatre graveurs : Back de Liège, J. P. Le Bas, P. Bourgoin et De Meuse.
22 Selon les recensions de Nissen, il faut compter en botanique les 36 planches de l’Hortus Cliffortianus de 1737 (dessinées par Georg Dyonisos Ehret et gravées par Jan Wandelaar) et, en zoologie, les 12 planches du Museum Tessinianum de 1753 et les 33 planches du Museum S. R. M. Adolphi Friderici Regis Suecorum de 1754 (notamment par J. E. Rehn). Les 12 planches de l’Entomologia fauna Suecicae sont liées à une édition posthume par C. de Villers (1789).
23 Le Baron Portalis est très élogieux du style de De Sève (Portalis (Roger), Les Dessinateurs d’illustrations au XVIIIe siècle, op. cit., t. 2, p. 620) : “Il dessinait avec beaucoup de naturel et de fidélité les animaux…”. Portalis réserve toutefois ses plus grands éloges pour l’illustration donnée par De Sève aux Œuvres de Racine (Jean) (Paris : impr. Le Breton, 1760, 3 vols in-4°).
24 Bassy (Alain-Marie), “À l’heure des grandes synthèses. L’œuvre de Buffon à l’Imprimerie royale (1749-1789)”, art. cit., p. 176.
25 Cf. Nissen (Claus), Die zoologische Buchillustration. Ihre Bibliographie und Geschichte. Band II : Geschichte, Stuttgart : A. Hiersemann, 1978, p. 132 : “An der Vervielfältigung sind alle Pariser Kupferstecher der Zeit, die Rang und Namen hatten, beteiligt worden.”
26 En particulier, Roux (Marcel), Inventaire du fonds français…, op. cit., t. 2, p. 69, porte un jugement sévère sur l’ouvre de Baron : “Son œuvre est en effet bien peu séduisant. C’est de la gravure purement commerciale.” De même, Pinault-Sørensen (Madeleine), Sørensen (Bent), “Recherches sur un graveur de l’Encyclopédie : Defehrt”, Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, no 15, octobre 1993, pp. 97-112, jugent Defehrt assez sévèrement (voir en particulier p. 112) : “Il n’est pas un graveur de très grand talent et il ne peut jamais se départir d’une certaine sécheresse. Ses qualités de précision sont particulièrement appréciables pour ces travaux de reproduction scientifique qui demandent en premier lieu une très grande fidélité. Un plus grand graveur n’aurait sans doute pas pu se plier à une telle discipline et aurait voulu donner un caractère artistique à ces représentations.”
27 Gombrich (Ernst Hans), L’Art et l’Illusion : psychologie de la représentation picturale, [trad. de la 3ème éd. anglaise par Durand Guy], nelle éd. révisée, Paris : Gallimard, 1996, pp. 110-111.
28 Cf. Albrecht Dürer : œuvre gravé : [exposition, Paris], Musée du Petit Palais, 4 avril-21 juillet 1996, [catalogue réd. par Sophie Renouard de Bussierre], Paris : Paris musées, 1996, pp. 254-255.
29 Parsons (James), “Natural History of the Rhinoceros”, Philosophical Transactions, no 470, 1743, p. 523, trad. Demours (Pierre), “Lettre à M. Martin Folkes, Écuyer, Président de la Société Royale, contenant l’histoire du Rhinocéros”, in Transactions philosophiques de la Société royale de Londres de 1737 à 1744, Paris : Briasson, 1759-1760, t. 7, pp. 237-254 ; ici, p. 237. La traduction de Demours ajoute une planche représentant l’animal d’après un tableau de Oudry.
30 Idem, p. 241.
31 Roger (Jacques), Buffon, un philosophe au Jardin du roi, Paris : Fayard, 1989, p. 357.
32 Cf. Rookmaaker (L. C.), “Histoire du rhinocéros de Versailles (1770-1793)”, Revue d’histoire des sciences, vol. 36, no 3-4, 1983, pp. 307-318.
33 Buffon (Le Rhinocéros, IR XI, 174) renvoie à Parsons, “où l’on voit aussi trois figures de cet animal, dont le mâle était à Londres en 1739, et la femelle en 1741” ainsi qu’à la traduction de Demours. Il renvoie également à la description contenue dans l’ouvrage de Edwards (George), Gleanings of Natural History : Exhibiting Figures of Quadrupeds, Birds, Insects, Plants, etc., Most of Which Have Not, Till Now, been either Figured or Described, Londres : Royal College of Physicians, 1758-64, 3 vols : “La figure est très bonne et a été faite d’après l’animal vivant en 1752 ; c’est le même Rhinocéros femelle que nous avons vu et fait dessiner à Paris en 1749.”
34 Bruce (James), Voyage en Nubie et en Abyssinie, entrepris pour découvrir les sources du Nil, pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771, 1772 et 1773, [trad. de l’anglais par Castera J. H.], Paris : Plassan, 1790-1792, 6 vols. La planche se trouve au tome VI (pl. 25), la description au tome V. Bruce précise : “Albert Dürer le rendit supérieurement ; et c’est pourtant d’après son tableau, qu’il s’est répandu dans toutes les parties du monde, tant de copies informes ou monstrueuses.” Le remède est venu de Parsons, Edwards et Buffon, qui représentent encore toutefois des rhinocéros unicornes (t. V, p. 106).
35 Ainsi, les emprunts de Jean-Baptiste Oudry à Pieter Boel (1622-1674) ou Nicasius Bernaerts (1620-1678) ont été bien documentés. Cf. Schönfeld (Claudia), Hegner (Kristina), Vermächtnis der Aufklärung : Jean-Baptiste Oudry, Jean-Antoine Houdon. Sammlung Staatliches Museum Schwerin, Schwerin : Staatliches Museum, 2000, 207 p. ; plusieurs éléments sont repris dans Droguet (Vincent), Salmon (Xavier), Véron-Denise (Danièle), Animaux d’Oudry. Collection des ducs de Mecklembourg-Schwerin, Paris : Réunion des musées nationaux, 2003, voir en particulier les notices 66 (p. 168) et 81 (p. 194).
36 Demours l’indique dans un long addendum au mémoire de Parsons, texte que Buffon cite intégralement et avec grands éloges (IR XI, 179) : “Ces remarques sont judicieuses et pleines de sens, comme tout ce qu’écrit M. de Mours.” Sur le tableau d’Oudry, actuellement conservé au Staatliches Museum de Schwerin (inv. G 1928), cf. Salmon (Xavier), “Le Peintre, le chirurgien, le duc et les animaux”, in Droguet (Vincent), Salmon (Xavier), Véron-Denise (Danièle), Animaux d’Oudry. Collection des ducs de Mecklembourg-Schwerin, op. cit., p. 141.
37 Buffon, Addition à l’article de l’Éléphant (supp. III, IR XXXII, 292) ; Nouvelle addition à l’article du Tigre (supp. VII, IR XXXVI, 227).
38 Daubenton (Louis Marie), Description du lion (IR IX, 27).
39 Cf. “Mémoire des dessins qui ont été faits par S. De Sève et Buvée pour L’Histoire naturelle générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi, depuis le 1er juin 1759 jusqu’au 1er juin 1762” (Bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle, manuscrit 218, fo 31 verso). Le texte indique, après la liste de deux vignettes et une liste de 43 dessins d’animaux : “Pour les frais de quatorze des dessins ci-dessus qui ont été faits à la Ménagerie de Versailles”, un paiement de 84 livres, soit 6 livres par dessin. Suivent ensuite les dessins concernant les pièces anatomiques et les oiseaux.
40 Buffon, Histoire naturelle des oiseaux (IR XVI, p. x).
41 Cf. Ruini (Carlo), Anatomia del cavallo, infermità e suoi rimedii, opera nuova, [1ère éd. Bologna, 1598], 3ème éd., Venezia : G. Bindoni il Giovane, 1602 ; repris dans Jourdin (Jean), La Vraye cognoissance du cheval, ses maladies et remèdes, avec l’anatomie du Ruyni, Paris : T. de Ninville, 1647, 126 p. ; Jourdin (Jean), Le Parfait cavalier, ou la Vraye connoissance du cheval, ses maladies et remèdes, avec l’anatomie du Ruyni, Paris : L. Chamhoudry, 1655, 126 p. et Solleysel (Jacques de), Le Parfait mareschal qui enseigne à connoistre la beauté, la bonté et les deffauts des chevaux, la manière de les conserver dans les fatigues des voyages... ensemble un traitté du haras, Paris : G. Clousier, 1654, 504 p.
42 Sur la postérité de l’iconographie de Ruini, cf. Sørensen (Bent), “The Enduring Vitality of a Flayed Horse. Carlo Ruini, Bouchardon and Others”, Apollo, mars 2002, pp. 30-39, qui complète les notices no 74-75 de Pinault
43 Daubenton, Description de l’éléphant (IR XI, 94). L’étude du modèle de terre cuite exécuté ad vivum par Jacques François Joseph Saly (1717-1776) et sa circulation ont été analysées par Sørensen (Bent), “L’Éléphant de Jacques François Joseph Saly”, Gazette des beaux-arts, octobre 1995, pp. 139-148.
44 Buffon, L’Élan et le Renne (IR XII, 109-110).
45 Buffon, Les Gazelles (IR XII, 220). La confusion des noms et des témoignages est ici encore compliquée par la recherche du “bézoard”, cette pierre précieuse qu’une seule espèce est supposée produire. Buffon fait la critique du mythe (IR XII, 231) : “Si l’on consulte les autres naturalistes et les voyageurs, on serait tenté de croire que ce sont indistinctement les gazelles, les chèvres sauvages, les chèvres domestiques et même les moutons qui portent cette pierre [...]” et (IR XII, 248) : “De tous ces faits, on peut conclure qu’en général, les bézoards ne sont qu’un résidu de nourriture végétale [...]”
46 Daubenton, Description de l’hippopotame (IR XII, 50 et pl. 3). (Madeleine), Les Mots dans le dessin, Paris : Réunion des musées nationaux, 1986, pp. 69-70.
47 Cf. Colonna (Fabio), Aquatilium et terrestrium aliquot animalium : aliarumq[ue] naturalium rerum observationes, [Rome] : [s. n.], [1616], p. 28 pour la description et pl. XXX pour la figure.
48 Daubenton, Description de l’hippopotame (IR XII, 50).
49 Adanson (Michel), “Description d’un arbre d’un nouveau genre, appelé Baobab, observé au Sénégal”, Mémoires de l’Académie royale des sciences, vol. 63, 1761, pp. 218-243, en particulier, pl. II, fig. A, qui donne la physionomie générale de l’arbre.
50 Buffon, Addition à l’article de l’Hippopotame (supp. III, IR XXXII, 304).
51 Barthes (Roland), “Les Planches de l’Encyclopédie”, in Le Degré zéro de l’Écriture, suivi de Nouveaux essais critiques, Paris : Le Seuil, 1972, pp. 89-105 (Points essais ; 35).
52 Nous analysons, sur le cas du lion, l’originalité des gravures de Buffon par rapport à d’autres corpus iconographiques, dans notre article “Une Animalité en pièces. Spécimens empaillés et bocaux d’organes dans les planches de l’Histoire naturelle de Buffon (1749-1767)”, art. cit.
53 Par exemple, L’Éléphant (IR XI, 104) : “Le jeune éléphant desséché qui est au Cabinet du roi…”.
54 Daubenton, Description des chauves-souris (IR VIII, 121) : “Je suis surpris que des naturalistes qui ont dû les observer de près, aient méconnu les caractères de quadrupèdes qu’ont ces animaux et se soient mépris au point de les mettre au rang des oiseaux. Toutes les figures que nous avons des chauves-souris, même dans les livres d’histoire naturelle, les représentent avec les ailes étendues : n’avait-on jamais remarqué que ces ailes sont des jambes, lorsque l’animal est au repos, et qu’il a quatre jambes comme les autres quadrupèdes ?” On a un bon exemple du travers critiqué dans Valentini (Michel Bernard), Amphiteatrum zootomicum, [1ère éd. 1720], 2ème éd., Francofurti ad Moenum : Ex officina Zunneriana, 1742, Pars altera, p. 78.
55 Henricus Ruysch, médecin d’Amsterdam et botaniste, n’est connu que comme étant l’éditeur du Theatrum omnium animalium, paru en 2 volumes, in folio, en 1718. Il ne faut pas le confondre avec son père, Frederik Ruysch (1638-1731), anatomiste hollandais, grand collectionneur possesseur d’un Cabinet de curiosité réputé dans toute l’Europe, membre de la Société des curieux de la nature, de la Société royale de Londres et élu en 1727 membre de l’Académie des sciences de Paris.
56 Pluche (Noël-Antoine), Le Spectacle de la nature, ou Entretiens sur les particularités de l’Histoire naturelle qui ont paru les plus propres à rendre les jeunes gens curieux et à leur former l’esprit. T. 1 : Ce qui regarde les animaux et les plantes, Paris : Vve Estienne Desaint, 1732, p. 405 (Quatorzième entretien). Le chevalier mis en scène dans le Spectacle (personnage libertin et naturaliste débutant) dit aimer se reporter au Theatrum et s’émerveiller à chaque page. Mais le comte (le naturaliste confirmé, chasseur, pêcheur et observateur) n’aime pas l’ouvrage. Pluche n’accepte donc le Theatrum que dans la mesure où il permet d’éveiller la curiosité et qu’il éveille surtout le désir de voir de ses yeux. L’exemple qui est pris par le comte, c’est celui de la trompe d’un éléphant, dont il est dit qu’on pourrait l’observer et en tirer la matière de plusieurs conversations.
57 Au titre des exceptions, on peut compter la Loutre et le Mulot au tome VII (pl. XI) présentés l’un et l’autre, de profil et de face ; ou la deuxième planche du tome XII, complétant le profil du zèbre par deux portraits, l’un “vu par devant” et l’autre faisant voir “le dessus du cou, du dos et de la croupe”.
58 Buffon, Histoire naturelle des oiseaux, Plan de l’ouvrage (IR XVI, p. ix).
59 Ibid., pp. v-vj.
60 Ibid., p. vj.
61 L’édition Martinet des Oiseaux de Buffon paraît en 10 volumes, de 1771 à 1786. Cette édition contient 973 planches d’oiseaux gravées par Martinet et 35 planches d’insectes – soit 1008 au total. Elle est au format grand in-folio, afin, explique Buffon, que de nombreux oiseaux puissent être présentés “dans leur format réel” (IR XVI, p. ix). Les gravures paraissent sous forme de cahiers de 24 planches : chaque cahier coûtait 15 livres en petit papier et 24 livres en grand papier (d’après la lettre de Buffon à Richard de Ruffey, 20 janvier 1766, in Buffon [Georges-Louis Leclerc, comte de], Correspondance générale [de] Buffon, recueillie et annotée par H. Nadault de Buffon, Genève : Slatkine, 1971, vol. 1, lettre CIII). Les planches enluminées de Martinet ont été entreprises en 1765, sous la direction de Edmé-Louis Daubenton, fils du collaborateur de Buffon. Sur cet ouvrage, cf. Ronsil (René), L’Art français dans le livre d’oiseaux : éléments d’une iconographie ornithologique française, Paris : Muséum national d’Histoire naturelle, 1957, chapitre III, pp. 23-32 (Mémoires du Muséum, nelle série A, Zoologie ; 15 [1]), qui souligne notamment les emprunts de cette série aux planches d’ornithologie de Salerne et Brisson.
62 Réaumur (René, Antoine, Ferchault), Mémoires pour servir à l’histoire des insectes. T. 1 : Sur les chenilles et sur les papillons, Paris : impr. royale, 1734, p. 52.
63 Ibid.
64 Ibid., p. 53.
65 Ibid., p. 54.
66 Ibid. : “Il conviendrait que tout observateur eût lui-même le talent de dessiner, pourvu qu’il ne s’y livrât pas trop, qu’il n’employât pas à des dessins le temps qu’il devrait donner à des recherches” et p. 55 : “Des dessins perdent souvent beaucoup dans la gravure, personne n’est plus propre à leur y conserver tout leur esprit que celui qui les a faits.”
67 Ibid., pp. 55-56. Réaumur pour sa part s’adjoint d’abord l’aide d’un “jeune homme”, qu’il a lui même formé et qu’il loge chez lui. Mais à la mort de celui-ci, il a recours à Philippe Simonneau (né en 1685), “fils d’un des premiers graveurs que nous ayons eu [Charles Louis Simonneau (1645-1728)], sur les traces duquel il s’efforce de marcher”. Réaumur mentionne également “une personne du même sexe que celle à qui nous devons ceux des insectes de Surinam, mais qui jusqu’ici ne s’était amusée que rarement à de pareils ouvrages, et qui est si éloignée d’en vouloir tirer quelque gloire, qu’elle ne me permet pas de la nommer”. Cette longue périphrase cache en fait Hélène Dumoustier de Marsigli que la correspondance nous permet d’identifier (cf. les lettres de Réaumur à Trembley, du 2 septembre et du 31 décembre 1751). Réaumur la choisira comme légataire universelle (1757). Plusieurs de ses dessins d’insectes (1734-1742) sont conservés à la Bibliothèque centrale du Muséum (manuscrit 1901) et aux Archives de l’Académie des sciences.
68 Thévet (André), Les Singularités de la France antarctique, autrement nommée Amérique et de plusieurs terres et îles découvertes de notre temps, [facsimile de l’éd. Paris : Héritiers de M. de La Porte, 1558], Paris : Le Temps, 1982, 76 p. ; Thévet (André), Cosmographie universelle, Paris : P. L’Huillier, 1575, 4 tomes en 2 vols.
69 Piles (Roger de), Cours de peinture par principes, [1ère éd. Paris : J. Estienne, 1708, 493 p.], Paris : Gallimard, 1989, pp. 99-100 (Tel ; 150). L’ouvrage fut constamment réédité au cours du XVIIIe siècle (notamment en 1767 et 1791).
70 La présence du décor antique donne à cette planche un caractère très différent de celle qui était présentée par Jacob-Theodor Klein dans son Quadrupedum dispositio de 1751. Dans l’ouvrage de Klein, l’animal est représenté dans un décor de jungle et l’attention se porte vers les fourmis qu’il est en train d’aspirer. Dans l’Histoire naturelle, ce sont les ruines qui attirent le regard et qui détournent l’attention de la présence des fourmis, devant le piédestal où est posé l’animal.
71 La pyramide de Cestius figure par exemple, sur un tableau de jeunesse de Giovanni Paolo Pannini (1691-1765), Ruines d’architecture antique, peint vers 1720, conservé au château de Fontainebleau (cf. Véron-Denise (Danièle), Droguet (Vincent), Peintures pour un château. Cinquante tableaux (XVIe-XIXe siècle) des collections du château de Fontainebleau, Paris : Réunion des musées nationaux, 1998, p. 96, notice no 39). On la trouvait déjà dans l’arrière-plan de la figure de la grande tortue des Indes, dans Perrault (Claude), Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des animaux, Paris : impr. royale, 1676, face à la p. 192.
72 Ils sont indiqués par Bassy (Alain-Marie), “À l’heure des grandes synthèses. L’œuvre de Buffon à l’imprimerie royale (1749-1789)”, art. cit., p. 187.
73 Cf. le catalogue de l’exposition Dessin et sciences, Paris : Musée du Louvre, Cabinet des dessins, 1984. La Panthère est présentée par Madeleine Pinault dans la notice 48 : cette notice n’apprend rien. On dirait aussi bien que cette silhouette n’est pas sans évoquer, pour le spectateur moderne, les effigies voilées et les “emballages” d’Olivier Brice. Cf. notamment Olivier Brice. Antiques drapées 1973 : exposition galerie Villand & Galanis, Paris, novembre-décembre 1977, Paris : Villand & Galanis, 1977, 35 p.
74 Seba (Albertus), Locupletissimi rerum naturalium thesauri accurata descriptio, Amsterdam : J. Wetstenium ; G. Smith ; Jansoninio-Waesbergios, 1734-1765, 4 vols. Pour la représentation de la femelle du philandre ou opossum du Brésil, cf. pl. 36, fig 2 et pl. 38, fig. 1 (p. 57), qui présentent les petits rentrant dans le sac ou la bourse (sacco seu marsupio) de la femelle.
75 Histoire naturelle générale et particulière, avec la Description du Cabinet du roi, par MMrs de Buffon et Daubenton. Nouvelle édition (publiée avec des additions par J.-N.-S. Allamand), Amsterdam : J. H. Schneider, 1766-1785, 17 tomes en 10 vols.
76 Buffon (supp. VI, IR XXX, 99-100 ; 92, pl. 8 et 100, pl. 9).
77 Bibliothèque nationale de France (Estampes, Jb 23 b).
78 Edwards (George), Gleanings of Natural History…, op. cit., part. II, pl. 310.
79 Piso (Gulielmo), De Indiae utriusque re naturali et medica, Amsterdam : L. et D. Elzevir, 1658, p. 321 (description de l’Aï) et p. 322 (son squelette).
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