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Les coléoptéristes et leurs collections

Aux xixe et xxe siècles

p. 75-98


Texte intégral

1La collection de coléoptères du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, telle qu’elle se présente au début du XXIe siècle, est composée pour une grande part (entre la moitié et les deux tiers) d’un ensemble de collections réunies par les entomologistes amateurs, à partir de 1750, mais surtout pendant ce qu’on pourrait appeller l’“âge d’or de l’entomologie”, qui dura de 1830 à 1960 environ. Il est donc indispensable de s’interroger sur les motivations et les pratiques de ces entomologistes amateurs : pourquoi et comment faire une collection de coléoptères ? Ce sont les questions auxquelles tentera de répondre le présent chapitre.

Pourquoi collectionner les coléoptères ?

2La pulsion de réunir et de conserver des “choses rares” semble aussi vieille que l’humanité1. On a évoqué plus haut (au premier chapitre) les “cabinets de curiosités”, qui apparaissent en Europe au XVIe siècle, et les cabinets d’histoire naturelle qui en dérivent et qui se répandent au XVIIIe. La collection d’insectes en général, et de coléoptères en particulier, peut être considérée comme la réduction minimaliste d’un tel cabinet à l’usage de personnes de peu de moyens (même si certains entomologistes sont très fortunés). Car les insectes sont gratuits, à la disposition de chacun voulant bien se donner la peine de les collecter : il n’y faut qu’un peu d’habileté, de soin, de persévérance. À la vérité, il ne s’agit pas là d’une activité “sérieuse”. Toutes les collections pourraient être l’objet de ce reproche ; mais beaucoup d’entre elles s’en disculpent par un argument décisif : celui de la valeur matérielle, marchande, vénale. Il est difficile d’accepter qu’un adulte puisse se livrer à une activité gratuite ; de fait, la “chasse aux papillons” a toujours été considérée comme une occupation puérile, typique de l’enfance ou de l’adolescence, et signalée comme telle par les écrivains de tous genres, de Rabelais2 à Georges Brassens3. Les adultes qui s’y consacrent doivent se cacher, prendre des précautions oratoires ou comportementales. En 1842, le lépidoptériste Achille Guenée a bien décrit la condescendance avec laquelle la société accueille un entomologiste, surtout muni du célébrissime filet :

Les gens raisonnables ne peuvent s’habituer à regarder un filet autrement que comme un jouet d’enfant, même ceux qui respectent la virilité dans le fusil de l’ornithologiste ou le râteau de l’horticulteur. Tel qui comprendra parfaitement qu’un homme sérieux s’occupe à faire de la tapisserie ou à tourner des tabatières, ne lui pardonnera pas de chasser des papillons. Les gens instruits eux-mêmes, qui sont convaincus de la nécessité et de l’élévation des sciences naturelles, ont une peine infinie à admettre l’entomologie au même rang que l’étude des grands animaux, comme si la nature avait proportionné à la grosseur ou tarifé au kilogramme l’intérêt et la beauté de ses productions. Mais les blâmes les plus violents que l’entomologiste ait à subir sont ceux de cette classe de personnes qui mettent au premier rang l’utilité et qui conçoivent difficilement qu’on puisse être supporté sur la terre à moins d’y spéculer sur les grains ou d’y auner des étoffes. Ces personnes, qui sont fermement convaincues qu’elles n’exercent leurs professions que pour le plus grand bien de l’humanité, ne trouvent pas assez de dédains pour l’homme qui se voue à une science si peu productive et, généralement, elles se contentent de l’accueillir au passage par un magnifique haussement d’épaules. Enfin, il n’est pas jusqu’à ces gens inoffensifs, ces hommes bonae voluntatis, dont parle l’Écriture, qui ne jettent aussi leur part d’improbation au pauvre entomophile ; seulement ceux-là sont plus doux dans leurs jugements et plaignent plutôt qu’ils n’accusent. J’en ai entendu s’écrier, avec une compassion parfaitement sincère : “Quel dommage que ce pauvre M. N*** ait la cervelle dérangée ! Un jeune homme qui pouvait aller à tout !4

3Pourquoi alors collectionner les insectes, et plus spécialement les coléoptères ? Il n’y a aucune réponse simple à cette question, mais il faut sans doute évoquer d’abord la pulsion de curiosité. Même si elle a parfois des aspects caricaturaux, comme ceux fustigés par La Bruyère5, voire des dérives plus ou moins criticables, la curiosité a toujours été le véritable moteur qui a fait avancer la connaissance du monde “depuis qu’il y a des hommes qui pensent”, et qui cherchent le “pourquoi” et le “comment” des choses. Dans les meilleurs des cas, cette curiosité a pu se transformer graduellement en intérêt scientifique. Les autres motivations de la collection paraissent moins déterminantes et moins légitimes, mais on peut penser que les désirs de possession, de domination symbolique, doivent jouer un rôle important chez les collectionneurs. Sans doute ces affects sont-ils aussi présents chez les autres personnes, mais celles-ci les expriment d’autres façons. Certains collectionneurs manifestent aussi, plus que d’autres, un intérêt esthétique, voire artistique, vis-à-vis des insectes, des boîtes de collection, ou de l’ensemble de cette dernière en tant qu’“œuvre d’art”6. Enfin, quelle que soit par ailleurs la valeur scientifique ou esthétique d’une collection, elle a également une valeur vénale, même si celle-ci est le plus souvent faible (seules les espèces à la fois “rares” et spectaculaires, le plus souvent exotiques, atteignent des prix élevés). De ce fait, certains ensembles, parfois d’un très grand intérêt scientifique, ont été dispersés, acquis par des “profanes”, plus ou moins dilapidés, et parfois entièrement perdus pour l’étude.

Pratiques entomologiques aux XIXe et XXe siècles

4Au début du XIXe siècle, l’entomologie se répand en France comme dans le reste de l’Europe. La création de la Société entomologique de France (1832)7, doyenne des associations entomologiques nationales8, consacre l’importance grandissante de la discipline. Comme le remarquait Latreille* en 1832 : “À peine [l’entomologie] comptait-elle, il y a une trentaine d’années, une dizaine d’amateurs connus ; et aujourd’hui il n’est presque pas de cité populeuse qui n’en offre quelqu’un, et souvent plusieurs”9. Le nombre des membres de la Société entomologique de France est passé de 98 en 1832 à 373 en 1882, puis à 704 en 1932. En 1993, ce nombre n’était que de 619, mais les dernières années montrent une augmentation, avec 655 adhérents en 2002 et 668 en 2004. La Société entomologique de France publie un Bulletin, des Annales, et divers volumes occasionnels10. La Société centrale d’Apiculture et d’Insectologie, à buts plus appliqués, sera créée en 1875, et la Société française d’Entomologie en 1882. Elles n’ont duré que quelques années, de même que les revues qu’elles publiaient, respectivement le Bulletin d’Insectologie agricole et la Revue entomologique. Enfin, l’Union entomologique est fondée en 192111 ; elle reprend la revue Miscellanea entomologica, créée en 1892 par Eugène Barthe (1862-1945) et Albert Argod-Vallon* (1859-1936), et qui subsistera jusqu’en 1955. La première section de l’Union entomologique, dévolue plus spécialement à l’étude des coléoptères, devint le Groupe amical des coléoptéristes parisiens, puis, en 1935, l’Association des coléoptéristes de la Seine, et enfin, en 1982, l’Association des coléoptéristes de la région parisienne, ou ACOREP, qui existe toujours. Plusieurs sociétés entomologiques locales se constituent également ; elles publient des revues, parfois de qualité. Il existe aussi des revues entomologiques indépendantes. La plus célèbre est L’Abeille, fondée en 1864 par l’abbé de Marseul* (1812-1890), et dont il édita juqu’à sa mort vingt-sept volumes12. Malgré son titre, elle était exclusivement consacrée à l’étude des coléoptères. On peut citer aussi les Petites nouvelles entomologiques, publiées par Émile Deyrolle* (1838-1917), le fils d’Achille (1813-1865)13, qui ne comptèrent que deux volumes, dont la publication s’étendit toutefois de 1869 à 187914. Ce dernier périodique avait un statut particulier du fait qu’il était publié par un négociant et dans un but clairement commercial ; mais ses colonnes étaient largement ouvertes aux échanges entre amateurs. Enfin Le Coléoptériste, fondé en 1890, ne dura que quelques années, mais réapparut à la fin du XXe siècle, par les soins de l’ACOREP, et subsiste encore aujourd’hui. Toutes ces revues avaient ou ont encore pour but de tisser plus étroitement les liens entre entomologistes et de faire connaître les résultats de leurs travaux. Elles se transforment ainsi plus ou moins, et d’une façon en quelque sorte involontaire, en périodiques scientifiques, dont le niveau est d’ailleurs très variable. C’est là que les spécialistes (débutants ou confirmés) décrivent les espèces nouvelles (ou du moins qu’ils croient telles), monographient les groupes sur lesquels ils travaillent, voire rectifient les erreurs de leurs collègues (avec les polémiques – parfois violentes – que ces débats provoquent, comme dans tous les groupes humains).

5Cette volonté d’association traduit les liens d’intérêt que les entomologistes ont toujours su établir. Car le but principal que poursuit la majorité d’entre eux (les amateurs ayant toujours été largement plus nombreux que les professionnels) apparaît clair : rassembler le plus grand nombre possible d’espèces d’insectes (ou seulement de coléoptères, ou de lépidoptères, etc.), pour en constituer des collections qui satisfassent aux pulsions décrites ci-dessus : curiosité (éventuellement scientifique), possession, “richesse” (au moins symbolique), etc. Cet objectif a toujours été celui des naturalistes, notamment des botanistes qui avaient mis au point le système des échanges de plantes desséchées (exsiccata), avec des sociétés spécialisées dans ce genre d’activité15. Des associations de jeunes naturalistes amateurs sont également créées, qui publient des périodiques, dans le but de promouvoir l’histoire naturelle et les échanges de spécimens, parmi lesquels les insectes représentent la majorité16. À mesure que s’écoule le XIXe siècle, toutefois, la prétention scientifique s’affirme de plus en plus clairement : les entomologistes ont à cœur d’ajouter leur pierre à l’édifice du savoir, de cette “science” dont la maîtrise s’avère accessible, presque prochaine. La prise en compte des aspects scientifiques est le cas, en particulier, de la Société entomologique de France, qui s’est prétendue longtemps la dépositaire de toute la tradition française de la discipline, et qui, à ce titre, se sentait concernée entre autres par le devenir des grandes collections réunies en France. Mais la prétention scientifique se colore parfois d’un particularisme national, voire nationaliste :

Tous les entomologistes connaissent la valeur scientifique de la collection de notre regretté collègue [Édouard Lefèvre]. […] Il faut espérer que cette collection, qui se compose de 1 500 à 1 800 espèces environ, pour la plupart des types, restera à la France, comme la collection d’Hémiptères de L. Lethierry. Son passage à l’étranger enlèverait à l’Entomologie française le bénéfice qu’elle est en droit d’en espérer. Cette collection doit rester entre les mains de l’un de nos entomologistes, ou bien devenir la propriété de l’État, dont le service entomologique au Muséum de Paris a pour mission de défendre les intérêts de l’Entomologie17.

6Plusieurs éléments sont remarquables dans ce passage : non seulement la connotation nationaliste, qui est en fait une pique dirigée contre l’Allemagne (où le nombre des entomologistes était alors le double de ce qu’il était en France), mais aussi le “rappel à l’ordre” du Muséum, considéré par bien des amateurs comme trop tiède dans la conservation du dogme, du culte et du patrimoine entomologiques18. Les mêmes phénomènes s’observent aussi en Allemagne. Par exemple, lorsque la collection du coléoptériste hambourgeois Schmidt* fut vendue à René Oberthür* en 1880, Gustav Kraatz (1831-1909) écrivit un article dans une revue entomologique, où il déplorait que de trop nombreuses collections allemandes fussent acquises par des entomologistes anglais ou français, diminuant et affaiblissant ainsi le patrimoine scientifique de l’Empire germanique. Pour finir, il faisait appel explicitement au patriotisme des entomologistes, les exhortant à ne plus vendre leurs collections à l’étranger19.

7Pour redescendre au niveau des amateurs moyens, il était – il est peut-être encore – relativement fréquent qu’un entomologiste se constitue un herbier, voire possède un petit “cabinet d’histoire naturelle”, digne des beaux jours du XVIIIe siècle. On y trouve, dans un ordre plus ou moins rigoureux, plantes phanérogames et cryptogames, coquilles terrestres et aquatiques, œufs d’oiseaux, fossiles, etc. Le cabinet du célèbre entomologiste Jean-Henri Fabre*, à Sérignan (Vaucluse), qui fut rassemblé dans les années 1850-1900 et subsiste encore de nos jours, fournit un intéressant exemple de ces pratiques20. Les pointes de flèches préhistoriques, les monnaies romaines et autres menues antiquités, rencontrées au cours des prospections entomologiques, s’ajoutent aux objets naturels et accentuent la prétention exhaustive de l’ensemble, sa similitude avec les “cabinets de curiosités” où coexistaient naturalia et artificialia. Ces accumulations d’objets divers, parfois disparates, allaient de pair avec l’absence de spécialisation des sociétés savantes locales, qui regroupaient “les sciences et les arts”, beaucoup de sociétaires s’intéressant aux deux. Ce n’est pas que les amateurs d’art ou d’archéologie fussent nécessairement naturalistes, encore moins entomologistes ; mais c’est que la plupart de ces derniers – de par leur disposition d’esprit particulière – s’intéressaient souvent aux autres branches du savoir.

La collection

Chasse et récolte

8Le point de départ de toute collection d’insectes est leur récolte. Il s’agit de quitter les villes et de se rendre dans les champs, les forêts, les montagnes, etc., bref en tous lieux où les insectes sont abondants. Pour se livrer à cette “chasse” particulière, que le grand écrivain allemand Ernst Jünger – qui était aussi un grand coléoptériste – qualifiait de “subtile”21, l’entomologiste s’équipe de façon spéciale, et de nombreux ouvrages lui prodiguent des recommandations détaillées sur les vêtements, les chaussures, etc., qu’il devra porter, et surtout sur les ustensiles indispensables dont il devra se munir22.

9Même pour les coléoptères, le célèbre filet “à papillons” est indispensable, car la plupart des insectes volent, cet ustensile archétypique jouant le rôle que l’on sait dans le “mythe” de l’entomologiste (ci-dessus). Les ouvrages donnent aussi toute une gamme de conseils sur d’autres outils plus spécialement utiles dans la recherche des coléoptères : filets “fauchoir” et “troubleau”, piochon, écorçoir, etc. On saisit les insectes à la main, ou mieux à l’aide d’une pince, la plus utilisée par les coléoptéristes étant celle dite “La Brûlerie”, inventée par l’entomologiste du même nom vers 187023, et fabriquée avec quelques centimètres de ressort de pendule. Enfin, on les occit dans un flacon de chasse, qui contient de la sciure de bois, ou de liège, ou tout autre support absorbant, imprégné d’une substance toxique, le plus souvent l’acétate d’éthyle. Le cyanure de potassium, très utilisé pour les lépidoptères, convient moins aux coléoptères. Après un séjour d’une durée suffisante dans le flacon, on en sort les coléoptères. On peut alors soit les préparer immédiatement, soit les placer sur des couches de cotons, emballées dans du papier journal et placées dans des caissettes de bois ou de carton, en attendant leur préparation.

Préparation et étiquetage

10Avant d’être placés dans les boîtes de collection, les insectes doivent être préparés. Les coléoptères ne présentent pas, pour cette opération, les mêmes problèmes que les lépidoptères, car ils sont beaucoup moins fragiles. La difficulté majeure est le très grand nombre – en fait, la majorité – d’espèces petites ou très petites. C’est ce qui explique pourquoi la plupart des enfants qui ont commencé une collection de coléoptères ne persévèrent pas longtemps. Les grands exemplaires sont presque toujours piqués, à l’aide d’épingles spéciales, plus longues que celles des couturières, et vernies ou inoxydables ; les petits sont collés sur des “paillettes” de bristol, et ce sont ces paillettes qui sont piquées. Ils existe plusieurs écoles, pour ce qui est de la préparation des coléoptères, tant des grands que des petits, mais cette étude nous entraînerait trop loin24. Les plus petites espèces (moins de 1 mm) sont parfois montées en préparations microscopiques25. Quelle que soit la technique utilisée, elle doit permettre d’observer toutes les parties extérieures de l’insecte. On dispose donc de façon convenable les différents appendices (pattes, antennes), et on laisse sécher quelques jours. Lorsque l’examen de parties internes est nécessaire, celles-ci sont extraites et collées sur des paillettes plus petites, voire montées en préparations microscopiques (le risque, dans ce cas, est que le corps du spécimen et ses parties disséquées ne soient séparés et leurs connexions perdues).

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FIG. 16 – Dans les années 1830, le nombre des entomologistes amateurs augmente. Divers ouvrages leur prodiguent conseils et “recettes” pour constituer et préserver une collection (A.-M. Perrot, Le chasseur d’insectes, Paris : Dauvin et Fontaine, 1838, pl. 6).

11Il est nécessaire que chaque épingle – c’est-à-dire, normalement, chaque spécimen, avec la possibilité qu’un même spécimen ayant été disséqué, ses différentes parties soient portées par deux, voire plusieurs épingles ; avec aussi la possibilité inverse, fréquente surtout autrefois, que plusieurs paillettes, voire plusieurs spécimens, soient “embrochés” sur la même épingle – soit étiquetée aussi complètement et précisément que possible. La ou les étiquettes doivent porter toutes les indications topographiques et chorologiques nécessaires à une localisation précise du spécimen dans l’espace géographique et écologique de son lieu de capture, y compris la date ; le nom du collecteur, qu’il est d’usage de mentionner, permet parfois de préciser la provenance (dans le cas de localités dont le nom est fréquent), ou ajoute au spécimen une valeur historique. Par exemple, des spécimens collectés en Afrique par Savorgnan de Brazza, ou par André Gide (deux cas représentés au Muséum), auront un intérêt qui dépassera l’entomologie stricto sensu. Dans les grandes collections, on utilise parfois des bristols de couleurs différentes suivant la provenance (blanc pour l’Europe, jaune pour l’Asie, bleu pour l’Afrique, vert pour l’Amérique, rose pour l’Australie et l’Océanie). Une étiquette additionnelle portera le nom scientifique attribué au spécimen par un spécialiste déterminateur, avec le patronyme de celui-ci (un autre spécialiste, qui ne serait pas d’accord avec le premier, pourrait ajouter au spécimen une nouvelle étiquette, portant sa propre détermination). Les étiquettes peuvent être écrites à la main (à l’encre de Chine). Jusque vers 1950, il était fréquent de les faire imprimer (en typographie ou lithographie). Aujourd’hui, on utilise la reproduction photographique, ou les imprimantes des ordinateurs (si la “police” qu’elles produisent est sufisamment petite). Les “types” sont souvent signalés par une étiquette rouge, ou bordée de rouge.

Rangement de la collection

12Il n’y a pas de règles pour le rangement de la collection. Ici aussi, suivant les lieux et les époques, les entomologistes utilisent des conventions différentes. Dans les collections à prétention scientifique, on recherche la plus grande exhaustivité possible. Mais, à nouveau, ce concept a varié suivant les époques. Jusque vers 1914, le principe était d’avoir le plus grand nombre possible de taxons du niveau espèce (espèces proprement dites, sous-espèces, variétés, “races”, etc.) ; mais la plupart des entomologistes, même très éclairés, ne conservaient qu’un petit nombre d’exemplaires de chacun, parfois guère plus de deux ou trois (davantage pour les espèces ou sous-espèces rares !). Tout le reste était classé parmi les “doubles” et disponible pour les échanges, parfois pour la vente. Par la suite, le concept typologique de l’espèce laissant la place à l’approche populationnelle, il est apparu intéressant de conserver un certain nombre d’exemplaires du plus grand nombre possible de populations, voire, si les caractères individuels sont variables, le plus grand nombre possible d’exemplaires de la même population.

13Les spécimens sont disposés dans des unités de rangement, cartons, boîtes en bois (parfois en matière plastique depuis quelques années), coffrets, tiroirs, eux-mêmes placés sur des rayonnages ou dans des meubles ou “cabinets” ad hoc. Ces unités de rangement ont un fond assez tendre pour qu’on puisse y piquer les épingles portant les exemplaires. Sans vouloir entrer ici dans les débats qui ont divisé, voire divisent encore les entomologistes (classement horizontal ou vertical des unités ; cartons isolés ou tiroirs ; sous-unités de rangement dans les unités principales ; etc.), il faut pourtant signaler que le classement dit “français”, suivant lequel les cartons à insectes sont rangés verticalement, comme les livres d’une bibliothèque26, présente de graves inconvénients. D’abord, lorsqu’un insecte piqué se dépique, ou, plus souvent, lorsqu’un insecte collé sur une paillette se décolle, il tombe au fond du carton. Dans sa chute, il subit divers dégâts ; en outre, s’il est volumineux, il en fait subir aux autres spécimens. Mais le principal dommage est le suivant : si deux insectes ou plus se sont décollés dans une même unité de rangement, et ont été séparés de leurs étiquettes, il est généralement impossible de réattribuer à coup sûr celles-ci à ceux-là. N’ayant plus aucune indication de provenance, les spécimens deviennent aussitôt sans valeur : c’est comme s’ils n’existaient plus. C’est particulièrement dans les groupes dont les espèces sont lisses et se décollent facilement (comme par exemple les histérides) que ce genre de dégât est habituel. Il est également plus fréquent dans les cartons dits “doubles” ou “lyonnais”, qui comportent deux couches d’insectes : l’une épinglée dans le fond, l’autre dans le couvercle. On conçoit que ces dégâts sont cumulatifs : au bout de quelques années, un carton rangé verticalement a pu perdre une proportion significative de son contenu originel.

Détermination, nomenclature, synonymie

14Les taxons sont repérés par des étiquettes spéciales qui indiquent leurs noms et qui sont piquées sur le fond de la boîte, du carton ou du tiroir à l’aide de minuscules épingles appelées “camions”. La détermination des espèces a toujours été difficile. On y parvient grâce aux monographies, publiées en grand nombre à partir du XIXe siècle, plus facilement en comparant les exemplaires à ceux – supposés bien identifiés – d’une collection préexistante. Les spécialistes savent résoudre ces problèmes, et nous avons vu que cette activité était “rémunérée” par la possibilité, pour le déterminateur, de conserver un certain pourcentage des spécimens déterminés (jusqu’à un tiers). Mais qu’en est-il des amateurs, voire des débutants ? Les années 1800-1950 voient la parution d’une grande quantité de publications de “vulgarisation”, dont un des buts est d’aider à l’identification – au moins approximative –, ainsi qu’à la classification des coléoptères. Moins favorisée que l’Allemagne, dont les éditeurs proposaient de nombreux titres illustrés, en particulier les fameux Käferbuch de Berge27, puis de Calwer28, et, par la suite, la non moins fameuse Fauna Germanica de Reitter*29, ainsi que le volume de Kuhnt30, la France a néanmoins disposé d’un certain nombre d’ouvrages destinés aux amateurs. Le plus beau et le plus célèbre est le Genera des coléoptères de Camille Jacquelin Du Val* (1828-1862), jeune “amateur” et collectionneur, qui ne vît pas l’achèvement de son entreprise31. Cet ouvrage est surtout connu pour son admirable iconographie, par Jules Migneaux, chef-d’œuvre de l’illustration entomologique. On peut également citer le volume publié en 1876 par l’éditeur Jules Rothschild, adaptation du Calwers Käferbuch dont il reprenait les 48 planches lithographiées et coloriées32. De proportions plus modestes, la Faune élémentaire de Fairmaire* fit l’objet d’éditions successives, à partir de 1870, dans lesquelles le nombre de planches (non coloriées) passa de 6 à 2633 ; une version révisée, avec planches chromolithographiées, fut procurée par Planet* en 191334. Une autre faune élémentaire était celle de Sériziat35. Les coléoptéristes belges avaient leurs propres ouvrages36. Entre les deux guerres, une ample documentation était offerte aux amateurs. Les débutants avaient le choix entre les volumes élémentaires de Houlbert37, de Perrier38 et de Portevin*39, auxquels s’ajoutait le petit atlas de Magnin*40 ; les coléoptéristes plus chevronnés pouvaient se lancer dans les volumes successifs de la “Faune franco-rhénane41”, ou dans les quatre tomes de Portevin42. Après la guerre, le choix est moins vaste, mais la nouvelle série des petits atlas Boubée est très appréciée par les débutants. René Jeannel* tint à rédiger lui-même les trois fascicules d’introduction43 ; trois autres fascicules de la série furent consacrés aux coléoptères44. Il y eut aussi plusieurs volumes publiés dans la “Faune de France45”. Pour les coléoptères exotiques, en dehors des nombreuses monographies savantes, il n’y a guère d’ouvrages destinés aux amateurs. On peut signaler, en France, la partie “coléoptères” de l’Encyclopédie d’Histoire naturelle du Dr Chenu (1851-1860)46, ou encore, en Allemagne, le superbe volume de Heyne et Taschenberg (1893-1908)47. Plus récemment, des ouvrages japonais ont été mis sur le marché48.

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FIG. 17 – La difficulté principale des amateurs, surtout débutants, est la détermination de leurs captures. L’ouvrage de Léon Fairmaire, Faune élémentaire des coléoptères de France (Paris : Deyrolle fils, 1870), est l’un des premiers permettant d’identifier, à partir de figures, les principales familles et les espèces les plus communes. La planche I montre des exemples de cicindélides, carabides, dytiscides et hydrophilides.

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FIG. 18 – À partir de 1945, René Jeannel et ses collaborateurs lancèrent une série de petits atlas, destinés aux amateurs débutants, et dont les planches en couleurs par Germaine Boca étaient le point fort (Luc Auber, Atlas des coléoptères de France, fascicule 3. Paris, Éditions N. Boubée & Cie, 1947, pl. V). Cette planche figure des chrysomélides.

15L’identification des espèces n’est pas le seul problème ; un autre est le nom qui doit leur être appliqué (la “nomenclature” ou “synonymie” utilisée). Le passage suivant exprime bien les difficultés que ces problèmes causaient aux entomologistes, vers 1850 :

Entré en relations d’échanges avec un grand nombre d’entomologistes, je ne tardai pas à ressentir combien il me serait utile d’avoir la synonymie de tous les coléoptères que j’envoyais ou que je recevais. Bien souvent, de différents points de la France ou de l’Allemagne, on m’adressait le même insecte sous quatre ou cinq noms différents, et, cet insecte que j’avais demandé, le plus ordinairement je le possédais moi-même sous un autre nom49.

16Des catalogues sont donc indispensables pour fournir à l’amateur éclairé, qui a dépassé le stade des ouvrages élémentaires, les noms des espèces et des genres ; ces catalogues apparaissent nombreux sur les marchés français et étranger. Le plus célèbre est celui de Dejean*, dont la première édition (1802) comprenait 910 espèces ; la seconde (1821), 6692 ; enfin la troisième (1833, presque entièrement détruite par un incendie et réimprimée en 1836-1837), 22 39950. Mais il ne résout pas toujours les problèmes qu’il pose :

Ce catalogue [édition de 1833] sera d’un grand secours pour tous ceux qui ont leur collection à classer, d’autant plus que la synonymie des espèces y est faite avec beaucoup de soin. Je n’en dirai pas autant de celle des genres : comme il y a une foule de nouveaux genres introduits dans ce catalogue, il eût été à désirer que les noms des anciens genres dont ceux-ci sont détachés fussent indiqués après chaque nouvelle coupe : cela eût beaucoup facilité les recherches. Plusieurs anciens genres sont même supprimés, ou on leur a donné de nouveaux noms, et, par défaut d’indication, on ne sait où les rapporter51.

17Certains catalogues – surtout en Allemagne – étaient imprimés d’un seul côté du papier et sous forme d’étiquettes (chaque nom encadré par un trait plus ou moins épais suivant le niveau hiérarchique du taxon : genre, espèce, sous-espèce, etc.). On n’avait plus qu’à les découper et à les piquer au fond des boîtes ou des tiroirs de collection, dans l’ordre du catalogue, ou arbitrairement (ordre alphabétique, rang de taille, etc.)52.

18Lorsqu’un entomologiste est devenu expert d’un groupe d’insectes, on lui confie souvent des matériaux à déterminer, et cela qu’il soit professionnel ou amateur. L’usage est souvent que l’expert conserve un exemplaire sur trois, en dédommagement du travail fourni. Cette pratique permet aux spécialistes d’enrichir leurs collections en espèces rares ou nouvelles.

Conservation

19Ainsi qu’il a été dit à plusieurs reprises, les collections entomologiques sont des objets fragiles, en butte à des dangers de toutes sortes, et dont l’effet est leur destruction plus ou moins complète si elles sont laissées à l’abandon. Les divers auteurs insistent sur la nécessité d’avoir des boîtes hermétiques. Plusieurs modèles furent mis au point par les fabricants, chacun se vantant d’apporter la solution de ce problème. On utilisait aussi divers extraits de plantes pour tenir à distance les insectes destructeurs. Mais il n’y avait pas de solution, sinon la surveillance étroite et régulière des collections. Lorsque celle-ci se relâchait, les dégâts étaient rapides, et le plus souvent irrémédiables. Parmi les exemples célèbres, on peut citer la collection d’insectes de l’Expédition d’Égypte, négligée par Savigny pendant des années, et presque entièrement détruite53. Il en fut de même pour celle du Pater entomologicus, Étienne Mulsant, léguée à son fils, laissée par ce dernier à son couvent, et abandonnée dans un grenier à la voracité des parasites54. Depuis les années 1950, l’utilisation généralisée des insecticides a enfin apporté une solution à ce problème. Mais ces substances sont parfois toxiques pour l’homme et les animaux domestiques, et leur utilisation doit être soigneusement dosée. Une autre cause de dégradation et de destruction des spécimens est, lorsqu’ils sont piqués avec des épingles en laiton, l’oxydation de ce métal sous l’effet des acides gras du corps, avec formation de cristaux volumineux de “vert-de-gris”, qui peuvent les déformer, voire les désarticuler complètement.

Échanges

20Les collectionneurs ont toujours pratiqué des échanges avec leurs semblables. Pendant tout l’“âge d’or” de l’entomologie, la chasse et les échanges furent les deux moyens principaux grâce auxquels les entomologistes se constituaient des collections. C’était d’ailleurs la coutume générale de tous les naturalistes collectionneurs de l’époque, à commencer par les botanistes, qui avaient mis au point des sociétés d’échanges de plantes desséchées, ou exsiccata. Lorsqu’ils rencontraient une espèce présumée “rare”, ou localisée, ou intéressante à quelque titre, les entomologistes en collectaient autant de spécimens qu’ils pouvaient, suivant un système voisin des “centuries” des botanistes55. Ils en conservaient quelques exemplaires pour leur propre collection ; les autres leur servaient de matériaux d’échange auprès des autres entomologistes, s’intéressant aux mêmes insectes qu’eux, mais habitant dans des régions différentes, voire lointaines. Toute une catégorie de publications se sont mises en place dès la première moitié du XIXe siècle pour faciliter ces contacts. En 1835, le libraire strasbourgeois Gustave Silbermann, philanthrope, franc-maçon et ami de Balzac, avait publié une Énumération des entomologistes vivans, destinée à leur faciliter les contacts et les échanges56. C’était aussi un des buts des sociétés savantes, locales ou nationales. Des publications périodiques apparurent dans les années 1860, dans lesquelles les entomologistes passaient des annonces proposant leurs espèces, ou répondaient à des annonces antérieures57. Différents annuaires et répertoires donnent les adresses des entomologistes d’une région donnée, voire du monde entier, comme par exemple ceux de Junk ou de Hoffmann*58.

21Les grands marchands (ci-après) jouaient un rôle important dans les échanges grâce à leurs catalogues. En effet, certaines espèces de coléoptères sont communes et d’autres rares ; ces dernières ont donc, on le comprend facilement, une valeur vénale plus élevée. Il n’est donc pas équitable de faire un échange sur la base d’un exemplaire pour un exemplaire. Pour faire leurs évaluations, les entomologistes utilisaient donc les catalogues des marchands. Dès 1833, Silbermann conseille cette pratique et mentionne quatre catalogues portant les prix des insectes59. Au début du XXe siècle, les listes des grands marchands mentionnent des milliers d’espèces60. Et si on ne peut pas les échanger, on peut toujours les leur acheter ! Certains collectionneurs, qui avaient de nombreux correspondants, proposaient leurs doubles à la vente. On peut citer comme exemples Lucien Buquet*, à Paris, et Georg Thorey* à Hambourg. Ils vendaient bien des insectes ; pour autant, ils n’étaient pas de véritables commerçants.

Achats et ventes

22Mais les vrais commerçants apparaissent dès qu’un marché potentiel se constitue. Les spécimens d’histoire naturelle, de par leur caractère de “curiosités”, ont été très tôt des objets de négoce. Au début, l’insecte n’étaient qu’un article parmi d’autres, relativement peu important, on l’a vu, par comparaison avec des curiosités plus estimées, comme les coquillages. Cependant, à cause des facilités de se procurer les insectes, les “voyageurs-naturalistes” en envoyaient ou en ramenaient des quantités. Au XIXe siècle, certains voyageurs se spécialisèrent dans les insectes, dont ils proposaient non seulement les plus spectaculaires, pour le grand public, mais également toutes les espèces susceptibles d’intéresser les collectionneurs, et ce d’autant plus qu’elles étaient “rares”. Le commerce des objets d’histoire naturelle en général, et des insectes en particulier, a joué un certain rôle dans l’histoire de la biologie du XIXe siècle. Henri Walter Bates* (1825-1892) et Alfred Russel Wallace* (1823-1913), notamment, ont financé leurs expéditions grâce à la vente de leurs récoltes, parmi lesquelles figuraient de nombreux insectes61. Outre ces grands noms, d’autres voyageurs, plus obscurs, ont apporté leur pierre à l’édifice de la connaissance, parfois au péril de leur vie. Pour l’Amérique du Sud, Pierre Moret en a donné un intéressant aperçu62. Mais ceux d’Afrique, d’Asie, d’Australie attendent encore leurs historiens. D’autre part, en Europe même, certains collectionneurs en possession de nombreux “doubles” (de par leurs chasses et leurs échanges), on l’a vu, en proposaient à la vente. Ces exemplaires étaient acquis par des entomologistes qui, pour diverses raisons, n’avaient pas ou pas assez de “doubles” pour faire des échanges à la hauteur de leurs désirs, ou qui avaient des moyens suffisants pour acquérir – parfois à prix d’or – les objets de leur passion. L’achat était aussi le seul moyen, pour les entomologistes européens, de se procurer les espèces exotiques qu’ils n’avaient pas la possibilité d’aller chasser eux-mêmes.

23Ce commerce générant de plus en plus de profits, des entreprises spécialisées se constituèrent. En France, on peut citer d’abord celle fondée en 1831 par Achille Deyrolle* (1813-1865) et reprise par son fils Émile (1838-1917), qui en accentua le caractère entomologique63. En 1885, un autre fils d’Achille Deyrolle, Henri (1827-1902), s’associa à un entomologiste belge, Henri Donckier de Donceel* (1854-1926), puis ce dernier continua seul un des principaux commerces d’insectes de Paris à cette époque. Son successeur fut Joseph Clermont (1882-1956), qui préféra s’établir en province. Le fonds de Clermont fut repris, de nouveau à Paris, par Eugène Le Moult (1882-1965). Ce dernier avait commencé par être collecteur d’insectes en Guyane et prétendait avoir le stock d’insectes le plus important du monde64. D’autres firmes, hors de France, étaient de taille au moins égale (l’une d’entre elles étant plus ancienne que Deyrolle) : Sommer* à Hambourg (fondée vers 1820), Janson* à Londres (1852), Staudinger & Bang-Haas à Dresde (1858), Reitter* à Troppau (1869), Watkins & Doncaster à Londres (1879). Ces marchands, souvent reconnus comme experts par les tribunaux, organisaient aussi des ventes aux enchères, au cours desquelles les grande collections des XIXe et XXe siècles ont été dispersées. Les ventes organisées à Londres par la firme Stevens, avec les différents membres de la famille Janson* comme experts, sont restées célèbres, par exemple celle de la collection d’Edwin Brown*, en mars 1877.

Balzac et son gendre, le comte Georges de Mniszech, un des plus grands coléoptéristes du XIXe siècle1
L’un des plus grands coléoptéristes du XIXe siècle, George Mniszech*, fut en relation familiale étroite avec l’illustre écrivain Honoré de Balzac. On sait que la comtesse Hanska fut, pendant dix-huit ans, à partir de 1832, la principale correspondante de Balzac, qui l’avait surnommée “L’Étrangère”. Or, Mniszech avait épousé en 1846 la fille unique de la comtesse, Anna Hanska. Après la mort du comte Hanski (1842), et bien des péripéties sentimentales, la comtesse Hanska épousa Balzac le 14 mars 1850. Mais il ne resta que cinq mois son mari, car il mourut le 18 août suivant. Pendant cette courte période, Georges Mniszech se retrouva le gendre de Balzac. Auparavant son nom revient à de nombreuses reprises dans les célébres Lettres à l’Étrangère, qui forme l’essentiel de la production littéraire de Balzac à la fin de sa vie.
Mniszech avait demandé à son futur beau-père d’être à Paris son commissionnaire en entomologie, et cette charge causa quelque souci à l’écrivain, bien que, curieusement, il semble ne pas avoir été complétement étranger aux choses des insectes. C’est ainsi, par exemple, que le nom d’un autre entomologiste figure dans les lettres à Mme Hanska : celui de l’imprimeur Silbermann, de Strasbourg. Collectionneur passionné, auteur d’une Énumération des Entomologistes vivans (Paris, 1835), éditeur à ses frais d’une Revue Entomologique, Silbermann paraît moins mériter à ces titres l’amitié du comte Mniszech que, pour d’autres raisons, assez étrangères à sa science, celle de Balzac. La comtesse Hanska passe-t-elle à Strasbourg au cours d’un voyage, c’est ce fidèle ami qui est chargé de lui remettre une lettre de son amant, de veiller aux commodités de son séjour, d’entourer sa personne de tous les égards convenables, voire même de s’occuper de ses provisions de route :

Soigne-toi bien ; prends un pâté à Strasbourg ; tu les aimes. Il te sera utile sur le bateau à vapeur. Qu’il soit nouveau, que Silbermann te le choisisse2.

Un tel dévouement est payé de retour. Peut-être un souci de réciprocité dans l’obligeance a-t-il amené Balzac à rencontrer le célèbre Schoenherr3 :

Tu connais les distances de Paris, Silbermann qui est si bon pour nous, m’avait prié de remettre un paquet d’insectes à un président d’Académie suédoise, qui l’avait oublié chez lui, j’ai perdu une heure4.

Apparaît ensuite le personnage de Buquet*, marchand d’insectes à Paris, 35 rue Dauphine :

M. Buquet m’a envoyé beaucoup d’insectes. Soumets son catalogue à Georges, et renvoie-moi sa lettre en priant Georges de choisir ce qui lui convient. Il pointera au crayon les insectes dont il voudra. Par la prochaine lettre que je t’écrirai, il aura ses réponses pour ses questions5.
Comment allez-vous ? Vous amusez-vous quelque-fois ? Georges prend-il mieux garde à vous ? S’il vous arrive quoi que ce soit, j’écrase les insectes de M. Buquet dans le bateau !6

Il n’y a là qu’une affectueuse boutade. Elle n’enlève rien au sentiment de Balzac, si préoccupé, au contraire, de s’attacher l’amitié du comte Mniszech qu’il assure de tout son dévouement, et pour lequel il découvre des trésors entomologiques :

Les insectes joints à ceux demandés par Georges sont tous nouveaux, voilà pourquoi il ne s’y reconnaît pas. Il a le fameux insecte si rare de la Guyane7.
Ma minette, il faut consoler ce pauvre George8. Je trouverai donc le Catalogue Dejean, c’est très rare (il a été brûlé en entier à la rue du Pot-de-Fer, lors de cet incendie qui a consumé les Contes drolatiques). Cela ne se trouve que dans les ventes ; mais je l’aurai9. De plus, je trouve par mes relations l’ouvrage que voici (tu en verras le titre ; il sert d’enveloppe). Écris-moi si Georges l’a. C’est la plus belle iconographie qui existe des Coléoptères10. Il n’y a plus que 7 exemplaires. On a plané les planches, et tout est dit. C’est à le rendre fou de joie, s’il ne l’a pas. Je le lui donnerai à notre première rencontre, avec ses insectes et son Dejean. (Entre nous, c’est 300 fr., au lieu de 600 fr.) Cela coûte près de 1000 fr. chez vous ou à l’étranger. C’est superbe du reste.

Mme Hanska veut offrir à Mniszech un coléoptère rare, le Catoxantha (Megaloxantha) bicolor, grand buprestide d’Asie tropicale et d’Indonésie. Elle le demande à Balzac, et celui-ci y revient à plusieurs reprises dans ses lettres :

Dis à Georges qu’il est horriblement difficile d’avoir son Buprestis bicolor, je l’ai vu chez Buquet, qui n’a pas voulu me donner le sien. On en trouve, mais mutilés, et il valent 60 fr11. Mon bien cher Georges, (…) j’ai la douleur de vous annoncer que je n’avais pris le Catoxantha que sous la condition expresse qu’il serait sain, entier, pas recollé, vu le prix qu’on en demandait, et que, le vendeur n’ayant pas répondu affirmativement, je n’ai pas osé le prendre, votre chère belle-mère voulant que cet insecte fût l’orgueil de votre collection. Ai-je bien fait ? Vous seriez-vous contenté d’un Catoxantha invalide ? (…) Donc, pour finir par vos insectes, si vous voulez le Catoxantha, quoique invalide, écrivez-le-moi, vous en avez encore le temps, à moins qu’il n’ait été acheté par quelqu’un d’aussi goulu que vous en fait de petites bêtes12.

Balzac ne manque pas aussi de mettre à profit d’autres occasions pour plaire à son futur gendre, façon détournée de faire sa cour à Mme Hanska :

Hier, j’ai dîné avec l’amiral Du Petit-Thouars, qui m’a promis de faire venir un Titanus giganteus mâle et femelle de la Guadeloupe pour mon cher Zorzi. N’est-ce pas vous dire que jamais le souvenir des Wierzchowniens ne me quitte13.

Les choses se compliquent quand Mniszech prend la décision d’acquérir en bloc la collection de Richard-Henri Dupont*, l’un des principaux marchands d’insectes de Paris. Les lettres de l’année1848 contiennent de nombreux passages relatifs à cette transaction, qui semble avoir causé bien des soucis à Balzac. Parfois, heureusement, on retrouve la verve balzacienne :

À mes bien aimés Zu mâle et femelle, superbes exemplaires de la collection angélique.
Mon cher Zorzi, j’étais hier au convoi de Chateaubriand, ce prince des Saltimbanques, et n’ai pu recevoir l’illustre Dupont dont la collection vous fait battre le cœur. (…) L’état des Antilles est tel qu’il n’en faut rien espérer ; mais, ô heureux Zouzi, j’ai trouvé M. Gaymard aux obsèques de Chateaubriand, et j’ai eu entre deux psaumes (vous me faites faire des sacrilèges !) une conversation sur vos affreux hannetons grillés, mais comme Gaymard est très voltairien, il n’y a que demi mal. Il m’a promis de venir ce matin, ou promptement, pour me donner des raretés, et un Titanus giganteus du Jardin des Plantes où il règne. En ce moment des milliers de coléoptères ont dû bourdonner autour de l’ombre illustre, et si ça l’a empêché d’entendre M. Patin, nous lui aurons rendu service14.

La collection Dupont fut expédiée de Paris à Wierzchownia, via Marseille et Odessa. Plus tard, après la mort de Balzac, Mme Hanska et sa famille s’établirent à Paris, et la collection y revint ; après un détour par Rennes, chez le grand collectionneur René Oberthür, elle est de nouveau retournées à Paris, où elle est actuellement conservée au Muséum d’Histoire naturelle.
En d’autres circonstances, la comtesse de Mniszech, bien que toujours profane en matière d’entomologie, ne se montra pas moins attachée que son mari à cette science. Au mois de mars 1877, son mari, retenu à Paris par sa santé, ne put se rendre à Londres pour assister à la vente Edwin Brown. Il y délégua le conservateur de sa collection, Henri Deyrolle, qui avait mission d’y acheter des insectes, et notamment deux types de cétonides, Anacamptorrhina fulgida Wallace et A. ignipes Blanchard, rapportés par Alfred Russell Wallace. Pendant les premiers jours, Henri Deyrolle traita les affaires avec une certaine hésitation. Le comte de Mniszech en conçut un vif mécontentement et chargea sa femme de télégraphier à ce déplorable commissionnaire. Celui-ci reçut aussitôt ce stupéfiant message :

“POUSSEZ JUSQU’À LA FOLIE ! ALLEZ JUSQU’À LA RAGE !”

Poussé au vif, Deyrolle acquit les deux types, qui entrèrent dans la collection Mniszech, passèrent chez René Oberthür, et se trouvent aujourd’hui au Muséum. Quant aux deux phrases sublimes de la comtesse Mniszech, elles semblent fournir une conclusion convenable au présent chapitre : le plus souvent incompris par la société, certains entomologistes arrivent à trouver compréhension et soutien au sein de leur famille.

24Lorsqu’une collection était vendue par familles, celles-ci étaient divisées. Le “premier choix” renfermait toutes les espèces, y compris celles qui n’étaient représentées que par un exemplaire unique ; le “second choix” renfermait le reste. Les grands collectionneurs, par l’achat de “premiers choix” successifs, arrivaient à réunir plusieurs exemplaires même des plus grandes raretés. C’est ainsi par exemple qu’Oberthür avait pu réunir six exemplaires du carabide Mouhotia gloriosa, espèce presque mythique à son époque65.

Notes de bas de page

1 Pomian (Krzysztof), Collectionneurs, amateurs et curieux : Paris-Venise, XVIe-XVIIIe siècle, Paris : Gallimard, 1987, 367 p. (Bibliothèque des histoires). Voir aussi les contributions rassemblées dans le dossier Collections et collectionnisme, de la revue Neuro-Psy, vol. 15, no 5, novembre 2000.

2 “Gargantua […] couroit voulentiers apres les parpaillons”, Rabelais (François), “De l’adolescence de Gargantua”, in Rabelais (François), Œuvres complètes, [éd. établie, présentée et annotée par Huchon Mireille ; avec la collab. de Moreau François], nelle éd., Paris : Gallimard, 1994, chapitre XI, p. 34 (Bibliothèque de la pléiade ; 15).

3 “Un bon petit diable, à la fleur de l’âge, […] allait à la chasse aux papillons”, Brassens (Georges), La Chasse aux papillons, Paris : Mercury France, 1952.

4 Guenée (Achille), Les Entomologistes peints par eux-mêmes, [1ère éd. 1842], Rennes : imprimerie Oberthür, 1934, pp. 25-28.

5 Cf. ci-dessus, au premier chapitre.

6 Tendance qui se manifestera surtout à la fin du XXe siècle, voir par exemple Kerchache (Jacques), Nature Démiurge : insectes, Arles : Actes sud ; Paris : Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2000, [160 p.], 100 illustrations en couleurs.

7 Peyerimhoff (Paul de), “La Société entomologique de France (1832-1931)”, in Livre du centenaire de la Société entomologique de France, Paris : au siège de la Société, 1932, pp. 1-86, pls I-XIII.

8 Plusieurs associations d’entomologistes sont plus anciennes, la première d’entre elles (The Aurelian Society) ayant été créée à Londres en 1738 ; mais il ne s’agissait pas de sociétés nationales [cf. Salmon (Michael A.), The Aurelian Legacy : British Butterflies and their Collectors, Colchester : Harley Books, 2000, 432 p., 162 figs, 41 pls].

9 Latreille (Pierre-André), “Discours prononcé le 29 février 1832, à l’ouverture de la première séance de la Société entomologique”, Annales de la Société entomologique de France, vol. 1, 1832, pp. 29-30.

10 Le plus connu est le Livre du centenaire de la Société entomologique de France, op. cit., in-8°, XII + 729 p., 33 pl. h. t.

11 Lhoste (Jean), Les Entomologistes français : 1750-1950, Versailles : INRA ; [Échauffour] : OPIE, 1987, pp. 227-231.

12 L’Abeille fut ensuite reprise par la SEF et publiée jusqu’en 1940.

13 Sur les différents membres de la famille Deyrolle, cf. au dernier chapitre de cet ouvrage.

14 Petites nouvelles entomologiques, vol. 1 : du no 1, 15 décembre 1869 au no 138, 15 décembre 1875, 554 p., tables et indices ; vol. 2 : du no 139, 1er janvier 1876 au no 216, 15 mars 1879, 312 p., tables et indices. Deyrolle remplaça ce journal, trop spécialisé, par un autre plus général : Le Naturaliste, qui subsista jusqu’en 1910.

15 Voir Dayrat (Benoît), Les Botanistes et la flore de France : trois siècles de découvertes, Paris : Muséum national d’Histoire naturelle, 2003, 690 p. (notamment pp. 477-478, p. 500 note 3, etc.) (Collection Archives).

16 Par exemple la Feuille des jeunes naturalistes, fondée en 1870 par cinq lycéens alsaciens, dont la rédaction se déplace à Paris en 1871, et qui paraîtra jusqu’en 1914. Une “Association d’échanges pour les coléoptères” était proposée dès juillet 1870 dans le cadre de cette revue (cf. Feuille des jeunes naturalistes, no 3, juillet 1870, p. 35).

17 [“Nouvelle diverses”], Bulletin de la Société entomologique de France, 1894, p. CLXXII.

18 La collection d’Édouard Lefèvre fut acquise par René Oberthür (cf. dernier chapitre de cet ouvrage).

19 Weidner (Herbert), Geschichte der Entomologie in Hamburg (Supplément aux Abhandlungen und Verhandlungen des Naturwissenschaftlichen Vereins in Hamburg), Hamburg : Cram, de Gruyter & Co., 1967, p. 186.

20 Pinault-Sørensen (Madeleine) (sous la dir.), De l’homme et des insectes : Jean-Henri Fabre, 1823-1915, Paris : Somogy ; Fondation EDF, 2003, 192 p., fig., pl. (cf. notamment p. 45 et nos 66-67, p. 174).

21 Jünger (Ernst), Chasses subtiles, [trad. de Subtile Jagde, Stuttgart : E. Klett, 1967, 337 p. par Plard Henri], Paris : Christian Bourgois, 1969, 450 p.

22 Ouvrages généraux : Boitard (Pierre), Manuel du naturaliste préparateur, ou l’Art d’empailler les animaux et de conserver les végétaux et les minéraux, Paris : Roret, 1825, 244 p. [plusieurs rééd.] ; Capus (Guillaume), Guide du naturaliste préparateur et du naturaliste collectionneur pour la recherche, la chasse, la récolte, le transport, l’empaillage, le montage, et la conservation des animaux, végétaux, minéraux et fossiles, Paris : J.-B. Baillière et fils, 1879, VIII + 344 p., 100 figs ; Bourlière (F.), Formulaire technique du zoologiste préparateur et voyageur, ce qu’il faut savoir pour l’observation, la récolte, la préparation, les élevages, Paris : P. Lechevalier, 1941, 186 p., 71 figs, etc. Publications spécialisées : Silbermann (Gustave), “Mémoire sur la chasse aux coléoptères et sur la manière de les conserver”, Revue entomologique, vol. 1, 1833, pp. 1-17 et 53-68 ; Perrot (Aristide-Michel), Le Chasseur d’insectes, Paris : Dauvin & Fontaine, 1838, 125 p. [rééd. 1860, 1867] ; Fairmaire (Léon), Pierret (A.), Guide du jeune amateur de coléoptères et de lépidoptères, indiquant les ustensiles nécessaires à la chasse de ces insectes, les lieux et les époques les plus favorables à cette chasse. Suivi de la manière de les préparer et de les conserver, Paris : Deyrolle, 1847, IV + 127 p. [plusieurs rééd.] ; Coupin (Henri), L’Amateur de coléoptères, guide pour la chasse, la préparation et la conservation, Paris : J.-B. Baillière & fils, 1894, VIII + 352 p., 217 figs ; Jullien (John), Guide du coléoptériste, Genève : A. Jullien, 1915, 75 p., 40 figs ; Colas (Guy), Guide de l’entomologiste, l’entomologiste sur le terrain, préparation, conservation des insectes et des collections, [fac-sim. de l’éd. de Paris : N. Boubée, 1948, 317 p., 144 figs ; rééd. 1962, 1969], Paris : N. Boubée, 1988, 329 p. ; etc.

23 Sur Charles Piochard de La Brûlerie (1845-1876), cf. sa biographie au dernier chapitre.

24 On pourra comparer, par exemple, la méthode européenne [in Colas (Guy), Guide de l’entomologiste, l’entomologiste sur le terrain, préparation, conservation des insectes et des collections, op. cit., pp. 205-220] et la méthode américaine [in White (Richard E.), A Field Guide to the Beetles of North America : Text and Illustrations, Boston : Houghton Mifflin Company, 1983, pp. 32-42].

25 Certains spécialistes des “micros” les collent sur des cheveux ou des poils, ces derniers sont eux-mêmes collés à des paillettes de bristol, lesquelles sont piquées avec des épingles entomologiques classiques.

26 Diverses boîtes de collection (comme celles créées par Audoin, cf. ci-dessus au second chapitre, ou celles de James Thomson, ci-dessous, au dernier chapitre), affectent la forme d’un livre, ou de deux livres accolés.

27 Berge (F.), Käferbuch : Allgemeine und specielle Naturgeschichte der Käfer […], Stuttgart : Hoffmann’sche Verlagsbuchhandlung, 1844, in-8°, 268 p., 36 pls dont 33 coloriées.

28 Calwer (C. G.), Käferbuch. Naturgeschichte der Käfer Europa’s zum Handgebrauche für Sammler, Stuttgart : Julius Hoffmann, 1858, in-8°, XXVIII + 788 p., 48 pls coloriées [réed. 1868, 1877, 1883, 1893, 1916].

29 Reitter (Edmund), Fauna Germanica, Die Käfer des Deutschen Reiches, Stuttgart : K G. Lutz, 1908-1916, 5 vols in-8°, 1679 p., 332 figs, 168 pls chromolithog.

30 Kuhnt (Paul), Illustrierte Bestimmungs-Tabellen der Käfer Deutschlands. Ein Handbuch zum genauen und leichten Bestimmen allen in Deutschland vorkommenden Käfer, Stuttgart : Nägele und Sproesser, 1913, in-4°, X + 1138 p., 10350 figs.

31 Jacquelin Du Val (Camille), Fairmaire (Louis), Manuel entomologique : genera des coléoptères d’Europe, comprenant leur classification en familles naturelles, la description de tous les genres, des tableaux dichotomiques destinés à faciliter l’étude, le catalogue de toutes les espèces, de nombreux dessins au trait de caractères, et près de treize cents insectes représentant un ou plusieurs types de chaque genre, dessinés et peints d’après nature avec le plus grand soin par M. Jules Migneaux, Paris : A. Deyrolle, 1857-1868, 4 vols in-8° de texte (+ 1 vol. de catalogue), 4 vols d’atlas in-4°, 303 pls gravées et coloriées [ouvrage terminé par Léon Fairmaire en 1862-1868, les dernières planches peintes par Théophile Deyrolle]. Sur Jacquelin Du Val, cf. au dernier chapitre de cet ouvrage.

32 Rothschild (J.) (sous la dir.), Musée entomologique illustré : histoire naturelle iconographique des insectes, publiée par une réunion d’entomologistes français et étrangers. T. 1 : Les Coléoptères, organisation, mœurs, chasse, collection, classification ; iconographie et histoire naturelle des coléoptères d’Europe, Paris : J. Rothschild, 1876, in-4°, [VIII] + 384 p., 335 figs, 48 pls color.

33 Fairmaire (Léon), Faune élémentaire des coléoptères de France, contenant la description des genres et des espèces qui se rencontrent le plus fréquemment en France, Paris : Deyrolle, 1870, in-12°, [IV] + 289 p., 6 pls noires [rééd. 1871, 1877, 1885, 1890, 1902 et sans date].

34 Fairmaire (Léon), Histoire naturelle de la France, 8e partie : Coléoptères, [nelle éd. entièrement refondue par Planet Louis-Marie], Paris : les fils d’Émile Deyrolle, 1913, in-16, iv + 505 p., 270 figs, 27 pls (26 en couleurs).

35 Sériziat (Charles-Victor-Émile, Dr), Histoire des coléoptères de France, précédée d’une introduction à l’étude de l’entomologie par M. Ch. Naudin, Paris : Firmin-Didot, 1880, in-18, [IV] + [VI] + 375 p., 240 figs [rééd. 1883].

36 Lameere (Auguste), Manuel de la faune de Belgique. T. 2 : Insectes inférieurs, Bruxelles : H. Lamertin, 1900, in-16, 858 p., 721 figs, voir notamment les coléoptères, pp. 258-830.

37 Houlbert (Constant), Les Coléoptères d’Europe : France et régions voisines : anatomie générale, classification et tableaux génériques illustrés, Paris : G. Doin, 1921-1922, 3 vols in-18, XII + 332 p., 104 figs, 16 pls ; [IV] + 340 p., 99 figs, 30 pls ; [IV] + 297 p., 30 figs, 30 pls.

38 Perrier (Rémy), La Faune de la France en tableaux synoptiques illustrés. T. 5 : Coléoptères (1ère partie), Paris : Delagrave, 1927, in-12 allongé, VIII + 192 p., 894 figs et T. 6 : Coléoptères (2ème partie), [en collab. avec Delphy Jean], Paris : Delagrave, 1932, IV + 230 p., 1100 figs.

39 Portevin (Gaston), Ce qu’il faut savoir des insectes. T. 2 : Coléoptères et hémiptères, Paris : P. Lechevalier, 1939, in-12, 308 p., 100 figs, 14 pls coul. (Savoir en histoire naturelle ; 3).

40 Magnin (Jules), Petit atlas des coléoptères, Paris : N. Boubée et Cie, [1930], 2 fasc. gd in-12, [III] + 8 p., fig., 12 pls chromolithogr. “en accordéon”, et [III] + 12 p., 12 pls idem.

41 Barthe (E.) (sous la dir.), “Tableaux analytiques illustrés des coléoptères de la Faune franco-rhénane”, Miscellanea entomologica, c. 1900-1950.

42 Portevin (Gaston), Histoire naturelle des coléoptères de France, Paris : P. Lechevalier, 1929-1935, 4 vols in-8°, 2100 p., 2035 figs, 20 pls coul.

43 Jeannel (René), Introduction à l’entomologie, Paris : N. Boubée & Cie, 1945-1946, t. 1 : Anatomie générale et classification, gd in-12, 83 p., 56 figs, X pls dont 4 coul. ; t. 2 : Biologie, gd in-12, 105 p., 69 figs, X pls dont 4 coul. ; t. 3 : Paléontologie et peuplement de la terre, gd in-12, [II] + 101 p., 24 figs, XIV pls. (Nouvel atlas d’entomologie ; 1).

44 Auber (Luc), Atlas des Coléoptères de France, Paris : N. Boubée & Cie, 1945-1947, t. 1 : Carabes, Staphylins, Dytiques, Scarabées, gd in-12, 83 p., 14 figs, XII pls coul. ; t. 2 : Ténébrions, Buprestes, Lampyres, Coccinelles, Taupins, Longicornes, gd in-12, 83 p., 12 figs, XII pls coul. ; t. 3 : Longicornes, Chrysomèles, Charançons, gd in-12, 89 p., 6 figs, XII pls coul. (Nouvel atlas d’entomologie ; 9).

45 Par exemple Paulian (R.), Coléoptères scarabéides (1941) ; Jeannel (R.), Coléoptères carabiques (1941-1942) ; Théry (A.), Coléoptères buprestides (1942) ; Hoffmann (A.), Coléoptères bruchides, anthribides et curculionides (1945-1958) ; Guignot (Dr F.), Coléoptères hydrocanthares (1947) ; Balachowsky (A.), Coléoptères scolytides (1949) ; Jeannel (R.), Coléoptères psélaphides (1950) ; etc.

46 Chenu (Jean-Charles Dr), [Desmarest (Eugène)], Encyclopédie d’histoire naturelle, ou Traité complet de cette science d’après les travaux des naturalistes les plus éminents de tous les pays et de toutes les époques [...]. Coléoptères, Paris : Firmin-Didot et Cie, E. Girard et A. Boitte, [1851-1860], 3 vols in-4°, [VIII] + 312 p., 472 figs, 12 + 28 + 4 pls h. t. ; [VIII] + 312 p., 231 figs, 40 pls h. t. ; [VIII] + 360 p., 290 figs, 48 pls h. t. Cet ouvrage fut probablement rédigé tout entier par Eugène Desmarest (1816-1889), aide-naturaliste au laboratoire d’Anatomie Comparée du Muséum, qui fut durant près d’un demi-siècle (1841-1889) secrétaire général de la Société entomologique de France.

47 Heyne (Alexander), Taschenberg (Otto Dr), Die exotischen Käfer in Wort und Bild, Leipzig ; Esslingen ; Munich : J. F. Schreiber, 1893-1908, in-f°, [VIII] + VIII + 262 + L p., 40 pls chromolithograp.

48 Par exemple Yasuda (Yukio), Okajima (Syuji), Beetles of the World, Tokyo : Gakken, 1980, in-8°, 144 p., 662 ill. coul.

49 Gaubil (Jules), Catalogue synonymique des coléoptères d’Europe et d’Algérie, Paris : Maison, 1849, p. 1.

50 Dejean (Auguste), Catalogue de la collection de coléoptères de M. le comte Dejean, 3e éd., Paris : Méquignon-Marvis, 1837, in-8°, XIV + 503 p. (sur Dejean, cf. au dernier chapitre de cet ouvrage). On peut également citer le Catalogus coleopterorum Europae, Stettin : Entomologische Verein, 1839, 58 p. [plusieurs rééd.]. En France, outre ceux de Dejean et de Gaubil, on doit signaler celui de Marseul (abbé S.-A. de), Catalogue des coléoptères d’Europe, Paris : chez l’auteur, 1857, XVI + 200 p. [plusieurs rééd. dont la dernière porte le titre de Catalogue synonymique et géographique des coléoptères de l’Ancien-Monde, Europe et contrées limitrophes en Afrique et en Asie, Paris : chez l’auteur, 1882-1889, IV + 559 p.] Pour la France seule, le dernier catalogue paru est celui de Sainte-Claire Deville (Jean), Catalogue raisonné des coléoptères de France, complété et publié par A. Méquignon, Paris : Société entomologique de France, 1935-1938, in-8°, 4 vols, II + 467 p. [publiés dans L’Abeille, journal d’entomologie, vol. 46, no 1-4, 1935-1938].

51 Silbermann (Gustave), [“Nouvelles diverses”], Revue entomologique, vol. 1, 1833, pp. 44-45.

52 “On coordonne dans chaque genre les espèces d’après leur ressemblance, en commençant ordinairement le genre par l’espèce de la plus forte taille”, Silberman (Gustave), Énumération des entomologistes vivans, suivie de notes sur les collections entomologiques des principaux musées d’histoire naturelle d’Europe, sur les sociétés d’entomologie, sur les recueils périodiques consacrés à l’étude des insectes, et d’une table alphabétique des résidences des entomologistes, Paris : Roret ; Lunéville : Creuzat, 1835, p. 58.

53 Voir la biographie de Savigny au dernier chapitre.

54 Voir la biographie de Mulsant au dernier chapitre.

55 Lorsqu’un botaniste rencontrait une espère rare ou intéressante, il en récoltait une centaine exemplaires ; il en conservait un, et pouvait envoyer les autres à ses correspondants. Ces derniers faisaient de même, sur une base d’échanges aussi équilibrés que possible.

56 Silbermann (Gustave), Énumération des entomologistes vivans…, op. cit, 116 p.

57 Par exemple la Revue entomologique fondée par Gustave Silbermann en 1833 ; les Petites nouvelles entomologiques, créées par Émile Deyrolle en 1869 ; la Feuille des jeunes naturalistes, lancée par Ernest Dollfus et Eugène Engel en 1870 ; L’Annuaire entomologique, rédigé par Albert Fauvel à partir de 1873 ; L’Échange, journal édité à Lyon depuis 1885 ; Miscellanea entomologica, publié par Eugène Barthe à partir de 1892 ; etc. Plus près de nous, on peut citer L’Entomologiste, fondé en 1945 par Guy Colas, Renaud Paulian et André Villiers, ainsi que Le Coléoptériste (Bulletin de liaison de l’Association des coléoptéristes de la région parisienne, ou “ACOREP”). Ces deux dernières revues sont encore vivantes.

58 Junk (Wilhelm), Entomologen-Adressbuch [= The Entomologist’s Directory] [= Annuaire des entomologistes], Berlin : W. Junk, 1905, 255 p. ; Hoffmann (Adolf), Entomologen-Adressbuch [= Annuaire des entomologistes], Vienne : A. Hoffmann, 1921, 435 p.

59 Silbermann (Gustave), “Mémoire sur la chasse aux coléoptères et sur la manière de les conserver”, art. cit., p. 61.

60 En 1909-1910, les deux fascicules de la Coleopteren-Liste Nr. 30 de la firme Staudinger & Bang-Haas, à Dresde, proposent environ 32 000 espèces, paléarctiques et exotiques, dont ils donnent les prix.

61 Pour Bates, cf. O’Hara (James E.), “Henri Walter Bates, his life and contributions to biology”, Archives of Natural History, vol. 22, 1995, pp. 195-219 ; pour Wallace, cf. Baker (D. B.), “Alfred Russel Wallace’s record of his consignments to Samuel Stevens, 1854-1861”, Zoologische Mededelingen Leiden, vol. 75, no 16, 2001, pp. 251-341.

62 Moret (Pierre), “Entomologistes et chasseurs d’insectes en Amérique du Sud au XIXe siècle”, in Laissus (Yves) (sous la dir.), Les Naturalistes français en Amérique du Sud (XVIe–XIXe siècles) : actes du 118e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Pau, 25-29 octobre 1993, Paris : CTHS, 1995, pp. 395-408.

63 La firme Deyrolle existe encore actuellement.

64 Le Moult (Eugène), Mes chasses aux papillons, Paris : P. Horay, 1955, 355 p., XX pls.

65 Pouillaude (Isidore), “Note sur le genre Mouhotia”, Insecta, 1914, pp. 327-330.

Notes de fin

1 D’après René Oberthür, in Guenée (Achille), Les Entomologistes peints par eux-mêmes, Rennes : Imprimerie Oberthür, 1934 (Appendice II, p. 61 et suivantes), complété à l’aide de Balzac (Honoré de), Lettres à Madame Hanska, édition de Roger Pierrot, Paris : Robert Laffont (collection “Bouquins”), 1990, 2 vols, LXXXVIII + 959 p., 16 pls h. t., et (VI) + 1210 p., 16 pl. h. t. (édition citée ci-après en abrégé “LMH”).

2 15 octobre 1845 (LMH, 2, p. 93).

3 “Schoenherr, conseiller de commerce, membre de la Société entomologique de France, etc., a immortalisé son nom par sa Synonymia Insectorum, dont la suite, contenant une monographie de plus de 3000 Curculionites, paraît en ce moment à Paris. Ce précieux travail est le fruit de trente années de travaux” [Silbermann (Gustave), Énumération des entomologistes vivans, op. cit.]

4 5 octobre 1845 (LMH, 2, p. 86).

5 16 juin 1846 (LMH, 2, p. 213).

6 15 décembre 1845 (LMH, 2, p. 125-126 ; Balzac comptait alors se rendre à Naples, pour y rejoindre Mme Hanska).

7 2 juillet 1846 (LMH, 2, p. 240).

8 Mniszech venait d’être malade.

9 Sur Dejean, cf. ci-après sa notice au dernier chapitre. Le Catalogue de sa collection, réédité en 1837, n’était pas difficile à trouver en 1846.

10 Il s’agit sans doute de l’ouvrage de Johann Eusebius Voet, Catalogus Systematicus Coleopterorum, La Haye : G. Bakhuysen, 1804-1806 (105 pls gravées sur cuivre).

11 Lettre du 22 août 1846 (LMH, 2, p. 310).

12 Lettre du 4 octobre 1846 à Georges Mniszech (LMH, 2, p. 366-367).

13 26 avril 1848 (LMH, 2, p. 813). “Zorzi” est l’un des surnoms de Mniszech. Quant au Titanus, le plus grand coléoptère du monde, il y a ici un lapsus, que Balzac reconnaît plus tard (LMH, 2, p. 844-845), car cette espèce ne vit pas aux Antilles.

14 À Georges et Anna Mniszech, 9 juillet 1848 (LMH, 2, p. 905). Zu, Zorzi, Zouzi sont des surnoms de Mniszech ; les “Saltimbanques” désignent, dans le vocabulaire balzacien, la “troupe” formée par luimême, Mme Hanska, Anna et Mniszech ; Becker et Gaymard sont des naturalistes ; enfin, Henri Patin avait prononcé l’éloge funèbre de Chateaubriand au nom de l’Académie française.

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