Conclusion
Perspectives possibles
p. 283-316
Texte intégral
1Les institutions semblent être faites de briques et de mortier, de papier et d’archives, de règlements et de statuts. On dit souvent que les êtres humains qui leur sont associés appartiennent aux institutions, de sorte que l’établissement lui-même semble posséder une vie, une individualité qui perdure au-delà de l’existence humaine. Ces perceptions de solidité et de permanence de notre part sont démenties par l’histoire du Jardin des plantes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. En effet, la question doit d’abord être envisagée dans l’autre sens : comment le sens de l’établissement fut-il construit à travers le jeu des relations sociales entre différents individus ? Même la structure physique de l’établissement dépendait de telles négociations pour sa construction et son entretien, sans parler de son existence en tant qu’ensemble institutionnel plutôt qu’en tant que groupe de bâtiments éparpillés aux abords de la Seine. Les droits d’accès, la lecture des collections, les réseaux de correspondance, les titres d’emplois, tout cela manifestait la culture au sein de laquelle l’établissement existait, ainsi que l’histoire et la constitution particulières du lieu lui-même. De même, des formes particulières de savoir peuvent survivre à leurs conditions de production. Elles peuvent être rejetées, mais elles peuvent également être reprises et employées à de nouveaux usages au sein de cultures scientifiques nouvelles. Parfois, la persistance de leur force est légitimée par une reconnaissance explicite de leurs origines historiques mais, même en pareil cas, la référence au passé est proactive et sert à construire une version particulière des événements à l’appui des affirmations présentes. Par conséquent, comme le sens même de l’histoire naturelle, l’institution avait besoin d’être constamment réinventée, surtout après 1789, lorsqu’une succession de nouveaux régimes soumettait son rôle à une remise en question continuelle.
2Cet effort pour faire du Jardin/Muséum une entité essentiellement indépendante de toute action humaine suggère quelques pistes historiques intéressantes. Tandis que les objets et les abstractions, comme les livres, les institutions ou les idéaux, doivent sans cesse être remodelés, à chaque instant et par chaque utilisateur, pour continuer à exister, ils peuvent simultanément se voir attribuer par ces utilisateurs des pouvoirs propres1. Si le Jardin/Muséum était un site au sein duquel les pouvoirs de la nature étaient invoqués pour revendiquer l’autorité scientifique, il reste à comprendre comment l’historien peut traiter ces pouvoirs. Alors que les histoires récentes de la Révolution française, ainsi que la majeure partie du présent ouvrage, ont mis l'accent sur le symbolique et le discursif en tant que manifestations du pouvoir, on devrait aussi tenir compte de la prudence de ceux qui demandent ce qui a changé à la suite de toutes ces manœuvres autour de la manifestation de la souveraineté. Les sociologues de la connaissance scientifique ont affirmé que le pouvoir n’est pas quelque chose que l’on possède, mais quelque chose que l’on exerce : “Quand vous ne faites que posséder le pouvoir... rien ne se passe, et vous êtes impuissant ; quand vous exercez le pouvoir... ce sont les autres qui accomplissent les actions et non pas vous”2. Si l’on considère l’histoire du Muséum jusqu’à la chute de Robespierre le 9 thermidor de l’an 11 (27 juillet 1794), les naturalistes semblent bien avoir gagné en pouvoir politique. Mais le sort ultérieur du Muséum suggère qu’avoir réussi à s’approprier la Nature, un symbole essentiel de souveraineté, n’a pas pour autant donné aux naturalistes plus qu’un pouvoir local, ou plutôt que les liens ténus entre pouvoir scientifique et pouvoir politique n’ont pu se maintenir que pendant une brève période.
3Le Jardin/Muséum exprimait la multiplicité de perspectives d’avenir qui s’ouvraient à la lin du siècle. Ses frontières morales et matérielles s’étendaient ou se réduisaient sous les différents régimes politiques, tout comme les frontières de la France elle-même. Son espace était ordonné et divisé selon des schémas compliqués déterminés par l’usage passé, présent et futur, dans un domaine où commodité, tradition et innovation rivalisaient. Parmi les nombreux avenirs possibles envisagés pour l’institution, peu furent cependant réellement mis en œuvre en tant que réformes de la matière même du Muséum. Mon but n’est pas d'opposer aux visions utopiques de l’administration professorale l’image d’un “vrai” Muséum, où les arbrisseaux étaient liés à des tuteurs, où les spécimens récoltés moisissaient dans l’amphithéâtre et où les professeurs étaient en proie à des difficultés continuelles dues au manque d’espace. C’est plutôt de suggérer que la réalité du Muséum, tant comme objet matériel que comme symbole, était l’aboutissement de négociations constantes entre différents groupes : les professeurs, les députés, mais aussi des ouvriers affamés et des visiteurs révolutionnaires. Ce contrôle absolu du corps et du regard du visiteur, que les historiens de l’architecture ont désigné comme étant la construction matérielle des relations de pouvoir au sein des institutions, ne s’est sans doute jamais entièrement réalisé. Il est toujours contrebalancé par la capacité du visiteur à échapper à de telles contraintes en conférant aux objets exposés des significations différentes et contradictoires et en transgressant physiquement les frontières de l’institution, comme le démontrent les problèmes rencontrés par Thouin avec les différents publics du Jardin. Il faudrait peut-être donc parler de pouvoirs divers, s’employant constamment à faire et à défaire des avenirs3. Cuvier pouvait bien critiquer l’état déplorable du Muséum en 1795, l’année de son arrivée à Paris ; mais pour les professeurs, les montagnes de spécimens nouvellement acquis, attendant dans leurs emballages d’être intégrés aux galeries nationales, étaient la preuve tant de la prodigalité de la nature que de la puissance militaire de la République, et la promesse d'un bel avenir4. Pour beaucoup de députés jacobins, le Muséum et ses professeurs représentaient effectivement une miniature de la terre régénérée, une manifestation d’amour fraternel et d’harmonie sociale dans un microcosme de l’ordre de la Nature. Dans un plan de messidor de l’an II (juin 1794) relatif à l’agrandissement du terrain du Muséum, l’architecte Molinos proposait un grand bâtiment de forme circulaire, pour accueillir le “grand livre de la Nature” (figure 39). À l’intérieur, le sol représenterait la topographie de la terre, le plafond les constellations et une galerie souterraine le règne minéral et la formation des roches. Des animaux el des végétaux orneraient l’espace intérieur, entourant une statue géante de la déesse Nature, et les murs seraient décorés des noms et des caractères d’animaux, de végétaux et de philosophes5. La collection en tant que microcosme n’était en rien une nouveauté ; mais elle n’avait pas été utilisée auparavant pour abolir les symboles de l’Église et de la Couronne en faveur d’un panthéisme républicain. Par la suite, cependant, avec l’affaiblissement du jacobinisme, les naturalistes se virent refuser même ce pouvoir d’exposer. Le temple de Molinos n’existe que sur le papier ; néanmoins, la possibilité même d’un accord de la République à un projet aussi ambitieux pour l’histoire naturelle révèle l’importance de cette discipline et du Muséum en particulier pour une certaine politique éphémère de la connaissance.
4Les historiens de l’architecture ont montré que l’espace des musées pouvait être conçu pour susciter certaines formes de comportement en dirigeant le mouvement du futur visiteur. De même, différents individus pouvaient invoquer des modèles d’usage historique et des projections de l’avenir pour contenir les emplois présents du terrain du Jardin6. En 1823 encore, Gabriel, le frère d’André Thouin, dessina un plan du Muséum qui était probablement une ultime tentative pour obtenir la réalisation du projet d’agrandissement envisagé en l’an II (figure 40). Là, le Muséum est à peine reconnaissable, ses principaux éléments étant éclipsés par les ajouts monumentaux au site existant. Mais les structures de l’Ancien Régime demeurent inscrites dans son territoire. Le labyrinthe et les serres évoquent les limites contemporaines de l’établissement. Même leur présence dans l’image est significative, car il n’était après tout pas nécessaire, dans un projet aussi utopique, de conserver des éléments du passé. L’avenir, comme le passé, pouvait ainsi être évoqué comme un motif d’action au présent. Gabriel ne représentait pas l’avenir tel qu’il allait être, car ni lui-même ni ses frères n’auraient jamais pu vivre assez longtemps pour voir se réaliser ce projet grandiose. Il présentait plutôt l’avenir tel qu’il aurait pu être s’il s’était réalisé à ce moment même – l’accomplissement des ambitions du personnel actuel quant au rôle du Muséum. Des affirmations prescriptives de ce type étaient absolument nécessaires aux négociations entre naturalistes, protecteurs, travailleurs et visiteurs qui remodelaient sans cesse la multiplicité de perspectives d’avenir dans la réalité concrète de la vie quotidienne de l’institution7.
5Le Muséum était, de fait, une hétérotopie8 autant qu’une utopie9. Il est peut-être plus vrai de dire qu’il put devenir une utopie justement parce qu’il était une hétérotopie. Je voudrais suggérer que si la transformation du Jardin en Muséum fut possible, c’est seulement parce que les naturalistes étaient des bricoleurs*, générant une variété de significations et de pratiques au sein d’un espace qui était très différent du monde homogène du laboratoire – qui lui-même comprenait d’ailleurs plus d’un laboratoire. Sa multiplicité en tant qu’espace physique était admirée des contemporains, qui s’employaient activement à aménager les jardins botaniques de manière à fournir des simulacres de différentes conditions climatiques et topographiques pour les végétaux et les animaux introduits10. Sur ce point, le Jardin/Muséum est très différent du genre de cadres de production de la connaissance scientifique qui ont fait l’objet des études récentes de la pratique scientifique11. D’autres naturalistes, envisageant le Muséum d’histoire naturelle comme un modèle pour leurs propres entreprises, pouvaient ainsi en adapter le sens à leurs propres objectifs.
6Le début du XIXe siècle ne devait pas connaître le règne, au Muséum, d’une version unique de l’histoire naturelle. Cela peut refléter le fait que l’histoire naturelle permettait moins le type de stratégies de mise en œuvre de preuves décisives qui ont été analysées par les historiens de la pratique expérimentale12. Dans l’axe entre le passé de l’Ancien Régime et l’avenir de la République, il était possible de transformer la pratique de l’histoire naturelle en France. Des changements eurent lieu dans le statut de l’institution et de ses praticiens, dans les relations politiques et le sens de l’histoire naturelle, dans la fonction de l’exposition et dans l’économie de la collection. Des changements eurent lieu également dans la capacité des naturalistes d’expliquer le monde naturel – de présenter une vision “vraie” de la nature. Le fait que ces changements se produisirent, qu’ils furent considérables, qu’ils donnèrent lieu à un nouveau monde de pratique de l’histoire naturelle au sein d’un nouveau monde politique, n’est nié par aucun historien de ce domaine. Cependant, d’importants désaccords demeurent quant à la nature de ces changements et aux ressources qu’il convient de mettre en œuvre pour les expliquer. Depuis la publication des ouvrages de Daudin au début du XXe siècle, les histoires de l’histoire naturelle française ont principalement mis l’accent sur les problèmes de classification et de nomenclature13. Les questions de classification étaient effectivement à l’ordre du jour des échanges naturalistes au XVIIIe siècle, mais elles ne constituaient nullement la totalité du sens de l’histoire naturelle. En fixant si exclusivement son attention sur ces questions, cette historiographie n’occulte pas seulement un grand nombre de pratiques et de praticiens de l'histoire naturelle, mais elle reproduit également des catégorisations de l’histoire naturelle en vigueur au XVIIIe siècle, où les aspects “philosophiques” de l’histoire naturelle, l’élaboration de systèmes et l’attribution de noms, étaient l’activité convenant aux gentilshommes, tandis que leurs subordonnés sociaux s’employaient à d’autres activités14. On peut assurément décrire le Jardin du roi comme un site lié à, ou structuré par, divers engagements politiques, scientifiques et de patronage, et diverses distinctions sociales. Mais limiter à cela les perspectives d’analyse historique serait perpétuer une histoire où la transformation du Jardin en Muséum national révolutionnaire sous l’impulsion des Jacobins serait inexplicable, puisqu’on ne trouverait pas le moyen d’analyser comment il avait pu être possible de construire un terrain d’entente commun. Ce dernier problème était particulièrement dangereux pour l'activité scientifique sous la Révolution. Plutôt que d’étudier les controverses scientifiques, j'ai donc examiné les règles de fonctionnement d'une certaine culture du consensus scientifique (et politique). Afin d’expliquer correctement la transformation du Jardin, j’ai dû modifier de deux manières la perspective de ma recherche, par rapport aux études antérieures. D’une part, mon analyse a attaché un intérêt particulier aux pratiques spécifiques à l’histoire naturelle qui ont été ignorées, marginalisées ou dépréciées depuis le XVIIIe siècle. Cela ouvre la possibilité de considérer sur un pied d’égalité des activités diverses, telles que la mise en ordre, la collecte, la conservation, la culture, l’observation, la représentation, la description et l’identification, quoique je n’aie bien sûr pas accordé la même place à toutes ces pratiques dans le présent ouvrage.
7D’autre part, et c’est là un point plus fondamental, je me suis écartée des histoires antérieures et de leur préoccupation pour la classification comme le mode essentiel et caractéristique de l’histoire naturelle : ma position reflète ici mes emprunts à une série de modèles récents de la connaissance en tant que pratique. Suggérer qu’une étude des pratiques de l’histoire naturelle est sans rapport avec le problème de la connaissance en histoire naturelle serait un contresens : les pratiques n’étaient pas seulement “liées” à la connaissance, elles constituaient même la connaissance d’une manière fondamentale. L’attention portée aux pratiques de l’histoire naturelle met en évidence une foule de préoccupations partagées par les naturalistes, non seulement au Jardin du roi ou en France, mais aussi en Europe et dans les colonies. Ces préoccupations n’ont pas été étudiées dans la plupart des ouvrages sur l’histoire naturelle française au XVIIIe siècle, probablement parce qu’elles relèvent d’activités qui ne sont plus considérées comme appartenant à l’histoire naturelle : l’amélioration agricole et horticole, l’élevage et l'acclimatation, des intérêts communs qui mettaient les naturalistes de nombreux endroits, y compris du Jardin, en relation étroite avec les centres du pouvoir gouvernemental. La classification apparaît, dans cette perspective, comme un épiphénomène de ces activités économiques et d’amélioration et, comme le montre aussi le cas de Banks en Angleterre, il n’était pas nécessaire d’être un classificateur célèbre pour être un naturaliste célèbre. Cette insistance sur la classification était la conséquence d’une méthodologie qui traitait les naturalistes comme de grands penseurs isolés, dont les ouvrages publiés étaient la principale manifestation de leurs préoccupations. Si, au contraire, on analyse les associations des naturalistes, leurs affiliations au niveau des institutions et du patronage, on peut aboutir à une explication très différente de la signification de leur entreprise naturaliste. Il convient toutefois de souligner que les naturalistes du Jardin œuvraient dans diverses sphères qui se superposaient. La présente étude elle-même doit être considérée comme une exploration ; elle suscite sans doute de nombreuses frontières problématiques en ignorant la chimie et la théorie de la terre et en s’intéressant aux relations des naturalistes au sein du Jardin au détriment d’autres cadres sociaux tels que l’Académie des sciences et la Société d’histoire naturelle. Il y a vingt ans, Stephen Shapin a suggéré une catégorisation des pratiques intervenant dans l’élaboration de la connaissance en histoire naturelle, qui a depuis été affinée par d’autres15. Suivant cette piste, je voudrais suggérer une vision de la pratique de l’histoire naturelle comme étant composée non pas d’idées mais de technologies. Ce terme implique des méthodes organisées pour faire survenir les choses, et Shapin l’a employé pour indiquer comment des prétentions rivales à la connaissance peuvent être validées aux yeux des membres d’une communauté particulière. Ces technologies structurantes, avançait-il, ne sont pas seulement incidentes au succès d’une forme donnée de connaissance (la physique, par exemple) dans une culture donnée ; d’une manière très importante, elles définissent “ce qu’est” la connaissance, rendant possible le sens et la conviction. Que ces technologies soient propres à la pratique scientifique ou qu’il s’agisse de ressources de conviction plus générales intervenant dans d’autres sphères de la vie, elles produisent des prétentions à la connaissance qui sont par définition sociales, puisque leur sens dérive non pas du praticien individuel mais de son acceptation ou de son rejet par une communauté compétente.
8Aux chapitres 1, 2 et 4, je me suis penchée sur la technologie linguistique de l’histoire naturelle. La Révolution bouleversa aussi bien le style littéraire que les conventions épistolaires ; les naturalistes passèrent d’une culture de la politesse*, de l’échange de présents et du langage honorifique, à un discours de communauté et de sentiment patriotique qui était aussi une forme d’expression révolutionnaire purifiée. Ces évolutions furent temporaires, mais elles étaient aussi profondément politiques, affectant la forme sociale que prenait la pratique de l’histoire naturelle ainsi que l’auto-présentation des naturalistes devant leurs pairs, la base de leur crédibilité et de leur statut et le siège de la souveraineté au sein de l’échange naturaliste. Le langage honorifique impliquait un code de comportement courtois qui était intrinsèquement antidémocratique, quand bien même son usage commun prétendait placer au même niveau le jardinier et le comte. Ce nivellement dépendait également de la perpétuation d’une économie de l’échange qui était elle-même une technologie sociale, modelant l’inégalité sociale à travers un déploiement d’objets matériels et devant son succès final à la perfection d’une technique de subordination apparente dans la relation entre protecteur et protégé.
9Toute une technologie matérielle était nécessaire pour préserver les fonds sur lesquels reposait cette économie, de sorte que les préoccupations relatives à la préservation et à la manipulation physique des spécimens et de l’espace étaient partie intégrante de la pratique de l’histoire naturelle. Mais le souci de présenter le monde matériel comme fonctionnant de certaines manières était aussi fondamental aux entreprises de classification comme celle d’Antoine-Laurent de Jussieu, ainsi qu’à la gigantesque entreprise républicaine de déplacement des objets scientifiques et artistiques partout en France. Il était également évident dans les projets utopiques des naturalistes et des agronomes* abordés au chapitre 3, et où l’acclimatation était considérée comme un moyen de transformer la France et les Français sur le plan physique autant que moral. Là, le remodelage physique du monde naturel devait être porté à l’extrême ; chaque production naturelle acclimatée avec succès pouvait constituer une preuve matérielle de l’authenticité des prétentions des naturalistes à la connaissance.
10Mais le monde changé que les naturalistes avaient contribué à créer devait aussi modifier le rôle et la pratique de l’histoire naturelle elle-même. Avec la disparition de la société polie de l’Ancien Régime, le fonds de crédit et de contrôle du Jardin fut également détruit. Les bouleversements révolutionnaires affectèrent sans doute la plupart des individus qui disposaient de l’argent, du temps libre, de l’intérêt et des terres nécessaires à la pratique et au patronage de l’histoire naturelle. La richesse personnelle et le temps libre étaient pratiquement indispensables aux individus cherchant à acquérir une instruction scientifique et à prendre part à la compétition pour la collecte de spécimens. L’entreprise naturaliste du Jardin du roi dans les années 1780 avait nécessité l’existence de nombreux individus travaillant en réseau et ayant accès à diverses sources de spécimens. En particulier, les expériences d’acclimatation étaient menacées. Les projets d’acclimatation, longtemps décrits comme des actes de patriotisme de portée générale, avaient en pratique fait l’objet d’une intense promotion principalement auprès d’un public de propriétaires terriens éclairés férus d’amélioration, et qui pour la plupart étaient nobles ou très riches : ce furent eux, justement, qui souffrirent le plus de la Révolution. Ainsi, les naturalistes du Jardin avaient besoin d’adapter l’histoire naturelle pratiquée dans leur établissement, et dans une certaine mesure dans le reste de la France, aux conditions et possibilités nouvelles auxquelles la Révolution les confrontait.
11Ces transitions sont illustrées par les listes de distribution des graines de Thouin. Tandis qu’en 1792 ses envois étaient encore très majoritairement destinés à des correspondants botanistes d’autres jardins, en 1794, après la promulgation des décrets relatifs aux jardins départementaux, les envois à des cultivateurs et à des députés prédominaient16. Le réseau de correspondance qui avait constitué le centre de son entreprise d’histoire naturelle sous l’Ancien Régime avait périclité. Mais en contrepartie, l’institution de Paris était devenue moins dépendante de ses homologues de province. La célébrité du Muséum lui permettait de fonctionner comme un emblème de la supériorité culturelle française. En liant leurs préoccupations aux intérêts de l’État, les naturalistes s’assurèrent un contrôle plus ferme que jamais sur l’ordre des spécimens. Même le retour forcé à leurs propriétaires antérieurs, en 1815, des collections d’histoire naturelle confisquées ne fit pas échouer leur entreprise, puisque les professeurs affirmèrent qu’il était impossible de séparer les spécimens originaux des séries nationales, et leur substituèrent leurs propres collections de doubles mises en ordre. La politesse* fit place à une situation qui comportait à la fois des promesses et des dangers pour ceux qui, malgré ce qu’ils en dirent par la suite, devaient leurs postes aux particularités historiques d’une société fondée sur le patronage : une poignée de Bourguignons, quelques adeptes sensibles du culte de la nature, plusieurs médecins respectables et aisés, un pharmacien et un artiste. Ils étaient là principalement en raison de leurs succès passés, et de ceux de leurs protecteurs, dans le jeu de patronage et de politique de l’entourage royal ; mais ils ne pouvaient rester à leur place qu’en s’appropriant adroitement les symboles, le langage et les occasions de l’extraordinaire succession de nouveaux régimes qui fit suite à la prise de la Bastille.
12La menace la plus grave pour le Jardin et ses naturalistes fut peut-être la crise révolutionnaire quant à la valeur de l’expertise scientifique en France. Les naturalistes du Muséum d’histoire naturelle durent défendre leur institution et la place qu’ils y occupaient contre l’abandon de la protection par l’État de la pratique organisée des sciences prônée par les démocrates extrémistes. La structure sociale de l’histoire naturelle dut donc elle aussi être adaptée à la vie républicaine. Daubenton, très sensible à la politique de la connaissance scientifique dans les années 1790, était attentif à ces questions, comme l’indique le texte de son cours de l’an III à l’École normale : “Si la durée d’une longue vie [...] et la jouissance d’une grande collection d’objets d’Histoire Naturelle, m’ont fait acquérir des connaissances qui vous manquent, tâchons de rétablir l’égalité entre nous”17.
13Il était très problématique de tenter d’établir l’autorité de certaines formes de connaissance dans une société radicalement démocratique. J’ai avancé au chapitre 5 que les rapports naturels reliant les familles dans le système d’Antoine-Laurent de Jussieu devaient être évidents aux sens des observateurs avertis. Cette forme d’éducation des sens, qui était potentiellement ouverte à tous avec l’organisation physique adéquate, convenait à une instruction publique démocratique. Mais elle fixait aussi l’attention sur la naturalisation de la fonction mentale, puisque, à l’instar de la République démocratique, une hiérarchie de la connaissance devait être rétablie uniquement à travers l’affirmation que les individus réagissaient naturellement de manières différentes à l’éducation*. Les innovations épistémologiques des idéologues*, un groupe de théoriciens politiques et de philosophes avec qui les professeurs du Muséum allaient avoir des liens importants dans la seconde moitié des années 1790, permirent de réinventer une hiérarchie naturelle de la connaissance correspondant à une hiérarchie du statut social et de l’autorité18. S’il était possible de montrer que les catégories de ces taxinomies étaient tirées de la nature, alors celui qui les utiliserait ne risquerait pas de se voir accuser d’être un aristocrate de la connaissance. Les conditions de la pratique de l’histoire naturelle sous la Première République firent donc beaucoup pour encourager le consensus parmi les naturalistes quant à savoir quelles catégories de classification étaient véritablement naturelles.
14Le projet d'histoire naturelle* du Jardin/Muséum pouvait être adapté aux exigences d’une variété de régimes tandis que ses praticiens continuaient à proclamer leur quête d’une Nature unitaire et du bonheur humain universel. Les naturalistes et les législateurs, les collectionneurs appartenant à l’élite, les lecteurs sensibles, les réformateurs radicaux faisaient tous appel à la nature en tant que source de l’autorité et de l’ordre véritable dans la société. Mais ce qu’on invoquait, la nature, fonctionnait différemment selon les cas. Les naturalistes eux-mêmes exprimèrent, ne fût-ce que pour une brève période, une vision commune du rôle du Muséum clans une république et de leur propre conduite au sein de cette institution, outre leur coopération sur un projet de classification défini dans ses grandes lignes et leur intérêt commun pour l’acclimatation et la régénération. De nombreux ouvrages secondaires ont exploré les divisions qui survinrent entre les professeurs du Muséum dans les conditions plus stables des premières décennies du nouveau siècle19. Mais si le consensus des années 1790 fut de courte durée, il ne faut pas pour autant l’interpréter comme artificiel ou simulé. Le faire serait prétendre que les intentions sont accessibles à l’historien, une affirmation problématique. De même, les historiens ont souvent suggéré que quelqu’un qui avait par la suite regretté ses liens avec les Jacobins avait en fait toujours été un modéré en secret. C’est affirmer la transparence des récits biographiques écrits après le 9 thermidor, donc à une époque où il était particulièrement nécessaire de se justifier. Il semble plus fructueux de considérer que les savants du XVIIIe siècle avaient des loyautés multiples et des rôles multiples. Cette pratique était avantageuse dans la société de patronage de l’Ancien Régime, mais pouvait être mortelle sous la Révolution. L’un des “programmes” scientifiques les plus cohérents des sciences de l’Ancien Régime, la nouvelle chimie de Lavoisier, ne parvint pas à affirmer pour les praticiens de la chimie une identité unique qui pût, aux yeux des députés républicains, remplacer d’autres manières de mesurer le statut. Alors que Lavoisier fut exécuté - en tant que fermier général et non pas en tant que chimiste - en 1794, des chimistes qui étaient ses partisans, Fourcroy, Hassenfratz et Guyton de Morveau, jouèrent un rôle important dans les efforts du Comité de salut public et du Comité d’instruction publique pour légiférer sur les sciences et l’instruction publique20. C’est pour ces raisons que j’ai essayé d’adopter une approche du traitement du rapport entre pratique scientifique et loyauté politique durant la période révolutionnaire légèrement différente de celle jusqu’alors suivie par la plupart des études secondaires, souvent écrites par des historiens cherchant à défendre certains praticiens scientifiques accusés de sympathies “de gauche” ou “de droite”. Justement à cause de la nature transitoire et fluctuante du monde politique durant la période entre 1789 et 1795, il a paru essentiel de traiter les catégories politiques comme elles aussi éphémères. Je n’affirme donc nullement que tous les naturalistes du Jardin étaient des Jacobins. Je ne me range pas non plus à l’opinion courante selon laquelle plusieurs d’entre eux étaient des “modérés” contraints par les pressions de la Terreur à assumer des positions politiquement en vue. Le contenu même de certaines positions politiques était en train d’être inventé pendant cette période ; les sympathies politiques n’étaient pas des données universelles et intemporelles que nous pourrions apposer sans problème aux différents participants des débats. Après tout, les catégories politiques ont émergé de ces négociations, elles ne les ont pas déterminées. Les traiter autrement serait effectivement nier le caractère ouvert de ces négociations.
15Le mélange des rôles savants et du statut politique devint particulièrement problématique après la chute de Robespierre. Presque immédiatement, les fonctionnaires qui avaient auparavant contribué à façonner ou à appliquer les politiques jacobines durent renoncer à leur engagement politique antérieur. Les savants s’attachèrent donc à démêler leurs affinités et leurs affiliations en tant que praticiens scientifiques de leur existence publique. De nombreux historiens ont par la suite répété, par conséquent, la description que les savants révolutionnaires donnaient d’eux-mêmes comme politiquement singuliers (alors qu’en fait leurs affiliations politiques étaient généralement plurielles) et scientifiquement universels (alors qu’en fait leurs cercles savants étaient très restreints et d’accès rigoureusement contrôlé). Les sciences elles-mêmes ne purent être protégées des dangers dus aux turbulences politiques qu’en étant par la suite décrites comme des activités politiquement neutres21. Les savants s’employaient sans cesse à réécrire leur rôle politique après 1789, mais de tels remaniements n’avaient pas toujours le succès recherché. Par exemple, Fourcroy était poursuivi par des affirmations qu’il avait laissé des motifs personnels le pousser à utiliser son pouvoir politique pour intervenir dans le monde savant, en ne sauvant pas Lavoisier en 1794 – autrement dit, qu’il avait mélangé trois catégories d’être incompatibles, le personnel, le savant et le politique22. Parmi les principaux partisans du Muséum figuraient des députés qui eux-mêmes façonnaient leur identité en fonction des régimes successifs, en particulier Joseph Lakanal. Mais il obtint aussi le soutien des réformateurs radicaux de l’espace public pendant la période où le Comité de salut public était au pouvoir.
16Tout au long de la République et du Premier Empire, le Muséum d’histoire naturelle ne cessa jamais de fonctionner comme un instrument culturel de l’État, même si les professeurs allaient perdre leur suprématie scientifique avec la fondation de l’Institut national des sciences et des arts en 1795, et leur droit à l’autodétermination par un décret impérial promulgué en l’an X23. Ainsi, un changement majeur de la fonction de l’institution, pouvant être considéré comme antérieur à la Révolution, fut sa recréation en tant qu’entité responsable devant une abstraction moderne, la nation, plutôt qu’en tant que miroir d’une manifestation de pouvoir liée au début de l’époque moderne, le monarque absolu. Bien que cette transition ait été souvent décrite par la théorie muséologique, ses mécanismes, tels qu’ils se manifestent à travers les collections, n’ont reçu que peu d’attention24. Le Muséum d’histoire naturelle offre un cadre particulièrement utile à une telle étude, puisqu’il fut considéré comme une institution scientifique modèle par de nombreux auteurs du XIXe siècle. Sa valeur en tant qu’innovation était évidente aux yeux des contemporains, alors même qu’ils rejetaient ses origines politiques.
17Il était crucial pour l’avenir du Muséum après 1795 que son existence et sa signification institutionnelles pussent être séparées du contexte républicain particulier de sa création et du contenu particulièrement républicain des affirmations de ses praticiens. Si les affirmations des naturalistes au sujet de la nature devaient conserver leur crédibilité dans d’autres circonstances politiques, il était urgent de recréer aussi bien leur statut d’experts que leur liberté de toute dépendance politique. L’un des principaux personnages qui prirent part à ce processus était un nouveau venu au Muséum, Georges Cuvier, au sujet duquel on a beaucoup écrit25. Mais Cuvier échoua notoirement à créer un espace de pratique scientifique qui fût universellement reconnu comme politiquement neutre. En élaborant une nouvelle version conservatrice de l’histoire naturelle, il s’opposait explicitement aux implications républicaines des explications du monde naturel fournies successivement par ses collègues Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire. Ce faisant, il s’impliquait dans trois décennies de conflit très public et hautement politisé au sein du professorat du Muséum. Les célèbres débats entre les naturalistes du Muséum dans les années 1820 et 1830 tournaient autour de deux questions principales : dans quelle mesure les êtres vivants pouvaient se transformer par leur propre effort en un laps de temps raisonnable, et à quel point les grands bouleversements ou les grandes révolutions de la terre pouvaient conduire à l’extinction définitive d’une espèce donnée. Ce n’est qu’en apprenant comment, au cours des décennies précédentes, le Muséum d’histoire naturelle avait déjà servi comme principal site pour la construction de la Révolution en tant que phénomène naturel, que nous pouvons comprendre les enjeux de l’histoire naturelle, bien avant qu’une controverse ouverte n’eût éclaté. Les débats sur la nature de la terre, sur les corps vivants et sur leurs rapports entre eux possédaient d’emblée une signification politique. Le souci des naturalistes d’acclimater la perfectibilité et la révolution au XIXe siècle reflète toutefois leurs modes d’appropriation profondément différents de la Révolution politique qu’ils venaient de vivre26.
Notes de bas de page
1 Jardine (Nicholas), “The Laboratory Revolution in Medicine as Rhetorical and Aesthetic Accomplishment”, in Cunningham (Andrew), Jardine (Nicholas) (sous la dir.), Romanticism and the Sciences, Cambridge : Cambridge University Press, 1990, pp. 304-323.
2 Latour (Bruno), “The Powers of Association”, in Law (John) (sous la dir.), Power, Action, and Belief : a New Sociology of Knowledge ?, Londres : Routledge ; Kegan Paul, 1986, pp. 264-265 ; Barnes (Barry), The Nature of Power, Cambridge : Polity Press, 1989, XIV-205 p.
3 Michel de Certeau explore les implications de l’extension des “technologies du pouvoir” de Michel Foucault à une société à pouvoirs multiples. Voir Certeau (Michel de), “Micro-Techniques and Panoptic Discourse : a Quid Pro Quo”, Certeau (Michel de), Heterologies : Discourse on the Other, [trad, par Massumi Brian], Minneapolis : University of Minnesota Press, 1986, pp. 185-192 ; Certeau (Michel de), L’Invention du quotidien. T. 1 : Arts de faire, Paris : Union générale d’éditions, 1980, 374 p.
4 Corsi (Pietro), Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme, 1770-1830, [trad. de l’italien par Ménard Diane], Paris : CNRS Éditions, 2001, chapitre 1.
5 Molinos, “Disposition générale pour le Muséum d’histoire naturelle et son jardin”, 3 messidor an II [21 juin 1794] (Archives nationales, F/17/1229, dossier 9, pièce 469) évoqué dans Harten (Hans-Christian), Harten (Elke), Die Versöhnung mit der Natur. Gärten, Freiheitsbäume, republikanische Wälder, heilige Berge, und Tugendparks in der französischen Revolution, Reinbek : Rowohlt, 1989, pp. 57-63. Pour des projets antérieurs de remaniement du terrain du Jardin, voir François (Yves), “Notes pour l’histoire du Jardin des plantes : Sur quelques projets d’aménagement du Jardin au temps de Buffon”, Bulletin du Muséum d’histoire naturelle, 2ème série, vol. XXII, 1950, pp. 675-693 ; Falls (William P.), “Buffon et l’agrandissement du Jardin du roi à Paris”, Archives du Muséum national d’Histoire naturelle ,6ème série, vol. X, 1933, pp. 131-200.
6 Forgan (Sophie), “The Architecture of Display : Museums, Universities, and Objects in Nineteenth-Century Britain”, History of Science, vol. 32, 1994, pp. 139-162 ; voir également Bennett (Tony), The Birth of the Museum : History, Theory, Politics, Londres ; New York : Routledge, 1995, chapitres 1 et 2.
7 Hawthorn (Geoffrey), Plausible Worlds, Princeton : Princeton University Press, 1992, XIII-192 p. ; Jardine (Nicholas), The Scenes of Enquiry, Oxford : Clarendon, 1991, X-245 p.
8 Le mot hétérotopie, lieu différent, est formé sur le modèle d’utopie, lieu de nulle part. Voir au sujet de l’hétérotopie : Foucault (Michel), “Of Other Spaces”, Diacritics, vol. 16, 1986, pp. 22-27.
9 Dominique Poulot fait remarquer qu’“avant la mise en place d’une nouvelle culture de l’objet, un désordre ‘carnavalesque’ règne un moment” dans les tentatives révolutionnaires de créer des musées (“Le Louvre imaginaire : essai sur le statut du musée en France, des Lumières à la République”, Historical Reflections, vol. 17, 1991, p. 172).
10 Les directeurs du jardin botanique de Montpellier réagirent aux circulaires de l’an II [1794] en faisant l’éloge des activités d’aménagement du fondateur du jardin à cet égard (Harten [Hans-Christian], Harten [Elke], Die Versöhnung mit der Natur..., op. cit., p. 46). Voir également chapitre 3.
11 Shapin (Steven), A Social History of Truth : Civility and Science in Seventeenth-Century England, Chicago : University of Chicago Press, 1994, XXXI-483 p. ; Shapin (Steven), “The House of Experiment in Seventeenth-Century England”, Isis, vol. 79, 1988, pp. 373-404 ; Latour (Bruno), Woolgar (Steve), Laboratory Life : the Social Construction of Scientific Facts, Londres : Sage, 1979, 272 p. ; Lynch (Michael), Art and Artifact in Laboratory Science : a Study of Shop Work and Shop Talk in a Research Laboratory, Londres : Routledge ; Kegan Paul, 1985, XVI-317 p. Sur les savoirs liés à des lieux, voir Ophir (Adi), Shapin (Steven), “The Place of Knowledge : a Methodological Survey”, Science in Context, vol. 4, 1991, pp. 3-22 ; Agnew (John A.), Duncan (James S) (sous la dir.), The Power of Place : Bringing Together Geographical and Sociological Imaginations, Boston : Unwin Hyman, 1989, 231 p. ; Pratt (Mary Louise), Imperial Eyes : Travel Writing and Transculturation, Londres : Routledge, 1992, XII-257 p. ; Driver (Felix), Rose (Gillian) (sous la dir.), Nature and Science : Essays in the History of Geographical Knowledge, n° spécial de Historical Geography Research, 28ème série, 1992, introduction.
12 Ma réflexion sur ces questions a été guidée par la lecture d’ouvrages comme Gooding (David), Experiment and the Making of Meaning : Human Agency in Scientific Observation and Experiment, Dordrecht : Kluwer Academic, 1990, XVIII-310 p. ; Latour (Bruno), Science in Action : How to Follow Scientists and Engineers through Society, Milton Keynes : Open University Press, 1987, 274 p. ; Gooding (David), Pinch (Trevor), Schaffer (Simon) (sous la dir.), The Uses of Experiment : Studies in the Natural Sciences, Cambridge : Cambridge University Press, 1989, XVII-481 p. ; Pickering (Andrew) (sous la dir.), Science as Practice and Culture, Chicago : University of Chicago Press, 1992, VIII-474 p. ; et les travaux de Schaffer et Shapin mentionnés dans l’introduction.
13 Daudin (Henri), De Linné à Jussieu : méthodes de la classification et idée de série en botanique et en zoologie (1740-1790), Paris : Félix Alcan, 1926, II-264 p. ; Daudin (Henri), Cuvier et Lamarck : les classes zoologiques et l’idée de série animale, 1790-1830, [reprod. en fac-similé], Paris : Les Belles-Lettres, 1988, 2 vols.
14 Bourguet (Marie-Noëlle), Voyage, statistique, histoire naturelle : l’inventaire du monde au XVIIIe siècle, Rapport de synthèse, Paris : Université de Paris I, Panthéon, Sorbonne, 1993 ; examiné aussi dans Pickstone (John V.), “Museological Science ? The Place of the Analytical/Comparative in Nineteenth-Century Science, Technology, and Medicine”, History of Science, vol. 32, 1994, p. 127.
15 Shapin (Steven), “Pump and Circumstance : Robert Boyle’s Literary Technology”, Social Studies of Science, vol. 14, 1984, pp. 481-520 ; Roberts (Lissa), “The Death of the Sensuous Chemist : the ‘New’ Chemistry and the Transformation of Sensuous Technology”, Studies in History and Philosophy of Science, vol. 26, 1995, pp. 503-530 ; Jardine (Nicholas), Spary (Emma C), “Introduction : the Natures of Cultural History”, in Jardine (Nicholas), Secord (James A.), Spary (Emma C.) (sous la dir.). Cultures of Natural History, Cambridge : Cambridge University Press, 1996, pp. 3-13.
16 “État de la Distribution des Graines en 1792”, “Distribution des Graines en l’an 3eme de la Repub.” (en fait l'an II) (BCMNHN, MS 313). La première mention par Thouin d’un envoi destiné à approvisionner un jardin départemental date du 20 pluviôse an II [8 février 1794], à Marin, député de Montblanc.
17 La Décade philosophique, littéraire et politique, no 4, 1795, p. 356.
18 Anderson (Wilda A.), “Scientific Nomenclature and Revolutionary Rhetoric”, Rhetorica, vol. 7, 1989, pp. 45-53.
19 Outram (Dorinda), Georges Cuvier : Vocation, Science, and Authority in Post-Revolutionary France, Manchester : Manchester University Press, 1984, VIII-299 p. ; Corsi (Pietro), Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme, 1770-1830, op. cit. ; Appel (Toby A.), The Cuvier-Geoffroy Debate : French Biology in the Decades before Darwin, Oxford : Oxford University Press, 1987, 305 p. ; Brown (A. W.), “Some Political and Scientific Attitudes to Literature and the Arts in the Years Following the French Revolution”, Forum for Modern Language Studies, vol. 2, 1966, pp. 230-252 ; et d’autres déjà mentionnés.
20 Dhombres (Nicole), Les Savants en Révolution, 1789-1799, Paris : Cité des sciences et de l’industrie, 1989, p. 105.
21 Outram (Dorinda), “The Ordeal of Vocation : The Paris Academy of Sciences and the Terror, 1793-1795”, History of Science, vol. 21, 1983, pp. 251-273.
22 Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit., chapitres 4 et 5 ; “Fourcroy”, in Nouvelle biographie universelle, Paris : Firmin Didot, 1853-1866, 46 vols ; Kersaint (Georges), “Antoine-François de Fourcroy, 1755-1809 : sa vie et son œuvre”, Mémoires du Muséum d’Histoire naturelle, série D, vol. 2, 1966, pp. 1-296 ; Smeaton (W. A.), Fourcroy : Chemist and Revolutionary, 1755-1809, Cambridge : Heffer and Sons, 1962, XXI-288 p. ; Eymery (Alexis), Dictionnaire des Girouettes, ou Nos contemporains peints d’après eux-mêmes : ouvrage dans lequel sont rapportés des discours... écrits sous les gouvernements qui ont eu lieu en France depuis vingt-cinq ans..., Paris : A. Eymery, 1815, 443 p.
23 Archives nationales, AJ/15/916. Le pouvoir des professeurs de nommer leurs propres collègues fut aboli par une loi de l’an X [1802], imposant un contrôle ministériel sur le choix des nouveaux candidats. Archives nationales, AJ/15/539 révèle le changement de ton abrupt des communications officielles au Muséum au cours des deux années écoulées entre la nomination de Dolomieu et celle de Haüy au poste de professeur de géologie.
24 On a un exemple d’une approche fructueuse dans Crow (Thomas Eugene), Painters and Public Life in Eighteenth-Century Paris, New Haven : Yale University Press, 1985, 290 p. Mais voir également Poulot (Dominique), “Musée et société dans l’Europe moderne”, Mélanges de l’école française de Rome, moyen âge-temps modernes, vol. 98, 1986, pp. 991-1096 ; Poulot (Dominique), “Le Louvre imaginaire...”, art. cit. ; Harten (Elke), Museen und Museumsprojekte der französischen Revolution : Ein Beitrag zur Entstehungsgeschichte einer Institution, Kunstgeschichte, Band 24, Munster : Lit, 1989, 663-60 p. Les conflits créés par l’évolution rapide des utilisations du Muséum après sa fondation ont été analysés dans Spary (Emma C), “Forging Nature at the Republican Muséum”, in Daston (Lorraine), Pomata (Gianna) (sous la dir.), The Faces of Nature in Enlightenment Europe, Berlin : Berliner Wissenschafts-Verlag, 2003, pp. 163-180.
25 Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit., chapitres 4 et 5.
26 Appel (Toby A.), The Cuvier-Geoffroy Debate..., op. cit. ; Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit. ; Desmond (Adrian), The Politics of Evolution : Morphology, Medicine, and Reform in Radical London, Chicago : University of Chicago Press, 1989, pp. 1-100 ; Burkhardt (Richard W., Jr), “Lamarck, Evolution, and the Politics of Science”, Journal of the History of Biology, vol. 3, 1970, pp. 275-298 ; Burkhardt (Richard W., Jr), “The Inspiration of Lamarck’s Belief in Evolution”, Journal of the History of Biology, vol. 5, 1972, pp. 413-438 ; Coleman (William), Georges Cuvier, Zoologist : a Study in the History of Evolution Theory, Cambridge : Harvard University Press, 1964, 212 p. ; Laurent (Goulven), Paléontologie et évolution en France, 1800-1860 : Cuvier-Lamarck à Darwin, Paris : CTHS, 1987, chapitres 1 et 2. Ce que les sources secondaires nomment généralement des catastrophes géologiques s’appelait bien sûr des révolutions de la terre pour les naturalistes français écrivant au début du XIXe siècle.
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