Le spectacle de la nature : le Muséum d’histoire naturelle et les Jacobins1
p. 227-281
Texte intégral
“La plus grande de toutes les économies, puisque c’est l’économie des hommes, consiste donc à les mettre dans leur véritable position : or il est incontestable qu’un bon système d’instruction est le premier des moyens pour y parvenir.”
Talleyrand-Périgord (Charles-Maurice de), Rapport sur l’instruction publique fait au nom du Comité de constitution les 10, 11 et 19 septembre 1791, Paris : Baudouin et Du Pont, 1791.
1En 1893, les professeurs du Muséum d’histoire naturelle célébrèrent le centenaire de leur institution dans un volume commémoratif. L’un d’entre eux, Ernest-Théodore Hamy, y décrivait la fondation du Muséum d’histoire naturelle le 10 juin 1793, lorsque le député Joseph Lakanal “descend de la tribune, ayant assuré [...] l’avenir des sciences naturelles dans notre pays”2. Cette description, d’une simplicité trompeuse, où le moment de la création du Muséum permettait une progression ininterrompue des sciences naturelles en France tout au long du siècle suivant, a souvent été reprise dans les récits historiques ultérieurs. Mais l’avenir du Muséum n’était pas si certain qu’il le paraît rétrospectivement. Au milieu des années 1790, l’organisation scientifique subissait de sévères attaques de la part de la Convention ; le Muséum fut pratiquement le seul établissement scientifique à échapper à la fermeture. Les chapitres précédents du présent ouvrage ont suggéré différentes raisons à ce succès : l’utilité attribuée à l’établissement et la capacité des professeurs à donner l’image d’une communauté républicaine. Tandis que l’accent mis par l’histoire naturelle du Jardin sur l’utilité et l’avancement des arts était généralement apprécié tout au long de la période révolutionnaire, la fondation du Muséum reflétait également les préoccupations particulières des dirigeants jacobins.
2La transformation révolutionnaire des mœurs* entraîna la transformation des pratiques qui avaient été le plus abondamment utilisées pour dénoter le statut social sous l’Ancien Régime – en particulier, les beaux-arts et l’histoire naturelle. Ces deux domaines allaient être liés de près aux projets d’instruction publique du milieu des années 1790. Alors que l’incorporation des beaux-arts dans les politiques culturelles jacobines a été analysée à fond, les questions relatives aux visions légitimes de la nature sous la Révolution française ont fait l’objet de beaucoup moins d’attention3. Avant la parution de l'Histoire naturelle, le pouvoir de vision occupait déjà une place importante dans l’épistémologie de l’histoire naturelle et l’auto-construction des naturalistes. Je soutiens que lorsqu’Antoine-Laurent de Jussieu affirmait être en train de découvrir la méthode correcte pour une classification naturelle, il s’appuyait précisément sur de telles présentations et sur une modestie épistémologique particulière construite sur des zones de consensus quant à ce qui constituait le “naturel” au sein des communautés de l’histoire naturelle et de la chimie.
3En se fondant sur la tradition du “sentiment de la nature” de la fin du XVIIIe siècle, telle qu’elle apparaît dans les œuvres de Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, les naturalistes pouvaient se présenter comme des républicains transparents, améliorés par l’effet moral du spectacle sublime de la nature. Dans ces écrits, les significations émotionnelles, esthétiques et physiologiques du terme sensibilité* se trouvaient réunies dans le seul acte de regarder la Nature. Pour de nombreux naturalistes et leur public, l’histoire naturelle était la science de la sensibilité par excellence. Ce statut allait permettre à l’histoire naturelle d’être assimilée aux tentatives républicaines pour améliorer le public grâce au contrôle de l’émotion4. Si les naturalistes avaient l’habitude de faire régner l’ordre dans l’espace physique restreint délimité par les grilles de fer de Buffon, les députés avaient la tâche bien plus difficile d’établir l’ordre dans une société nouvelle. Leurs activités classificatrices avaient pour objet de générer un “public” rousseauiste, non plus conçu en termes commerciaux ou culturels, mais comme une entité politique, la nation. Au cours de l’année 1793, les réformateurs culturels républicains décrivirent de plus en plus la tâche de l’instruction publique comme étant la régénération du public dégradé de l’Ancien Régime. En tant que l’une des principales institutions d’instruction publique de la période jacobine, le Muséum allait jouer un rôle prépondérant dans les projets visant à remodeler l’espace public afin d’exposer les citoyens à des spectacles moraux élaborés selon des critères précis. Cette instruction spectaculaire devint le modus operandi d’un réseau national de centres éducatifs où la technologie visuelle de l’histoire naturelle fournissait un modèle pour répandre les lumières, l’utilité et une auto-présentation transparente. Le sort du Muséum sous la République jacobine dépendait donc de la diversité des rôles que pouvaient jouer les collections d’histoire naturelle en tant que sites d’une vision disciplinée. Le transfert des anciennes collections royales au domaine public marqua le point où les spectacles de la nature fournis par l’établissement devinrent visibles au plus grand nombre. De fait, les professeurs du Muséum fournissaient aux députés et partisans jacobins de Paris une institution qui pouvait offrir aux yeux du public une série de perspectives d’avenir, politiques, physiques et visuelles.
Voir, c’est croire
4Les naturalistes du Jardin du roi se présentaient eux-mêmes, ainsi que la pratique de l’histoire naturelle en général, à travers une épistémologie sensorielle particulière, privilégiant les pouvoirs visuels. L’analyse donnée par Locke de la formation de l’entendement, où l’individu était à la naissance une tabula rasa se formant peu à peu grâce à l’impression d’expériences sensorielles successives et aux réflexions qui s’ensuivaient, étayait les préoccupations épistémologiques de Buffon dans le premier discours de l’Histoire naturelle en 17495. Le processus de l’apprentissage humain était une suite d’accrétions d’expériences sensibles altérant et augmentant les facultés du corps et de l’esprit. Cela était vrai aussi de l’histoire naturelle : “Lorsqu’on [était] parvenu à rassembler des échantillons de tout ce qui peuple l’Univers”, on se sentait d’abord submergé par l’immensité et la diversité de la nature. Mais on pouvait échapper à cet état de confusion cognitive et d’inadéquation : “En se familiarisant avec ces mêmes objets, en les voyant souvent, et, pour ainsi dire, sans dessein, ils forment peu à peu des impressions durables, qui bientôt se lient dans notre esprit par des rapports fixes et invariables ; et delà nous nous élevons à des vues plus générales, par lesquelles nous pouvons embrasser à la fois plusieurs objets différents ; et c’est alors qu’on est en état d’étudier avec ordre, de réfléchir avec fruit, et de se frayer des routes pour arriver à des découvertes utiles”6. Ici le développement personnel était lié de près à la faculté visuelle. L’abbé Étienne Bonnot de Condillac et d’autres, dont Jean-Jacques Rousseau, allaient remodeler les affirmations de John Locke sur la nature de la compréhension. Leurs discussions ont formé la base de ce qu’on appelle aujourd’hui la psychologie sensualiste de Locke et Condillac, mais qui à l’époque était essentiellement compris comme une théorie de l’éducation*, au sens large du terme. Les premiers écrits de Condillac sur l’éducation* furent attaqués comme ne faisant que reprendre des arguments avancés par Buffon dans l’Histoire naturelle. Toutefois, ses publications ultérieures, y compris le Cours d’études pour l’instruction du Prince de Parme de 1775, furent prises comme base de projets de réforme de l’éducation en France durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec des ouvrages célèbres comme l’Émile de Rousseau (1762). Pendant cette même période, les auteurs réformistes sur l’éducation mettaient de plus en plus l’accent sur la sensation plutôt que la réflexion en tant que moyen de modeler l’individu, et des matérialistes radicaux comme Helvétius finirent par rejeter totalement la réflexion7. La capacité de sentir, la sensibilité*, jouait un rôle central dans l’élaboration de la connaissance en histoire naturelle au Jardin dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les limites de la vision pouvaient, de fait, définir les limites de la recherche du naturaliste. Selon Daubenton, la pratique de l’histoire naturelle prenait fin là où l’intervention humaine devenait nécessaire à la production du savoir : “Dès que les procédés de l’art ont détruit la structure des minéraux, ou altéré l’organisation des plantes et des animaux, le naturaliste cesse d’observer ces productions de la Nature : le chimiste les a pulvérisées, dissoutes, macérées, distillées, calcinées, vitrifiées, etc.”8. Comme l’ont montré les travaux de Roberts et Schaffer, le chimiste réformiste Antoine-Laurent de Lavoisier et un grand nombre de ses partisans chimistes rejetaient cette “technologie sensuelle”9. Seuls les individus dotés de qualités mentales particulières leur permettant de résister aux séductions des sens pouvaient élaborer une véritable connaissance naturelle. On était très loin de l’ancien modèle de chimie, représenté par le démonstrateur du Jardin, Hilaire-Marin Rouelle, où l’expérience physique était le fondement même de la connaissance. À la différence des réformateurs de la chimie, pour qui l’instrumentation et la méfiance envers les sens jouaient un rôle central dans l’exécution correcte des expériences, les naturalistes distinguaient explicitement leur entreprise de l’art de l’expérimentation en insistant sur la possession de la sensibilité, qui était une condition préalable à la pratique de l’histoire naturelle. Cette technologie sensuelle non-interventionniste de l’histoire naturelle apparaissait dans l’intérêt montré par les naturalistes du Jardin, à la fin du siècle, pour la recherche de rapports*, les relations naturelles cruciales entre les êtres qui constituaient la base des prétentions d’Antoine-Laurent de Jussieu à développer la méthode naturelle* à partir des années 1770. Le choix du terme rapports* pour décrire la pratique classificatrice était significatif. Ce fut le premier que Jussieu employa dans le tout premier mémoire qu’il présenta à l’Académie royale des sciences, en 177310. L’expression était, disait-il, comparable en un sens aux affinités “que les Chimistes admettent dans les substances minérales soumises à leur examen”.
5Quelle était la signification de l’emploi par Jussieu d’un terme spécifiquement chimique ? Les affinités* étaient des phénomènes fondamentaux pour la chimie prélavoisierienne. Comme l’ont montré les travaux de Metzger et Goupil, les affinités* ou rapports* chimiques avaient été remis au goût du jour par Étienne-François Geoffroy dans un mémoire présenté à l’Académie royale des sciences en 171811. L’insistance de Geoffroy que les affinités* et les rapports* étaient des termes purement descriptifs, évoquant la tendance relative des substances chimiques à se combiner en composés, fut exploitée par les chimistes ultérieurs qui cherchaient à assurer un fondement empirique à leur discipline. En 1786, Guyton de Morveau pouvait écrire, dans son article “Affinité” pour l’Encyclopédie méthodique, que le terme était “aujourd’hui l’expression d’une action purement physique” et n’avait rien à voir avec des phénomènes occultes12. Les affinités* ou rapports* faisaient désormais partie d’une ontologie chimique particulière. Jussieu, qui avait étudié auprès de Rouelle, exploitait très probablement cela en proclamant que ses rapports* botaniques devaient être comparés à ceux des chimistes. Il expliquait ainsi l’analogie à son public de l’Académie des sciences :
L’affinité chimique est cette propension plus ou moins forte, que deux corps ont à contracter une union, elle n’est pas la même dans tous ; les uns s’unissent intimement et avec facilité ; d’autres ont une adhérence moins forte, et peuvent être séparés par un intermède ; quelques-uns ne s’unissent point ou seulement très difficilement. Les végétaux présentent à peu près les mêmes nuances, la même gradation ; ils ont des caractères par lesquels ils se rapprochent, ils en ont aussi par lesquels ils diffèrent : la combinaison variée des uns et des autres, a servi aux Botanistes pour constituer des classes, des sections, des ordres, des familles, des genres, des espèces13.
6Ainsi, les relations de classification élaborées par les botanistes n’étaient pas des créations mais des découvertes, antérieures à toute intervention théorique, présentes, en toute transparence, au regard de l’observateur dans un cadre tel qu’un jardin botanique, où des plantes de provenances diverses pouvaient être réunies et comparées. Dans un autre mémoire présenté devant l’Académie royale des sciences, Jussieu décrivit comment les familles naturelles étaient connues des botanistes précisément parce que les rapports entre les plantes qui les composaient étaient visibles pour l’observateur expert14. Les végétaux apparentés avaient des caractères communs, dans un spectre de caractéristiques se combinant de certaines manières apparemment déterminées par la nature elle-même, plutôt que d’être inclus de force dans des catégories suite à l’emploi exclusif de quelques caractères, comme c’était le cas dans des systèmes artificiels tels que celui de Linné.
7Pour les naturalistes du XVIIIe siècle, comme nous l’avons vu au chapitre 3, les végétaux étaient des êtres mobiles, changeants, politiquement et chimiquement puissants15. Les rapports* en histoire naturelle – sur lesquels se concentrèrent les activités des naturalistes sous la Révolution – étaient ce qui reliait les espèces, mais aussi ce qui les rassemblait, au sens matériel. Les rapports* étaient poursuivis comme un objectif immédiat de l’histoire naturelle par plusieurs naturalistes dans les années 1780 et 179016. Dans les publications de ces décennies, le terme était employé pour décrire la réalité des liens classificateurs entre les espèces végétales ou animales. Ainsi, par exemple, tandis que l’œuvre de Linné était utile comme aide mnémonique pour les naturalistes néophytes, le “vrai Naturaliste”, selon Lamarck, cherchait à “se former une idée exacte des rapports [...] que l’auteur de l’univers a mis très décidément entre toutes les espèces qui existent et se perpétuent dans la Nature ; afin de juger convenablement et de l’ensemble de ces êtres naturels, et de chacun d’eux en particulier”17. Parce que les rapports n’étaient fondés sur aucune hypothèse, ils n’admettaient pas non plus la controverse ; dans les cas les plus frappants, selon Lamarck, “il ne dépend d’aucune volonté particulière d’hésiter à les admettre [dans un genre], ou de penser à les rejeter”18. Cette exclusion inconditionnelle de la subjectivité permettait aux naturalistes d’affirmer que les “volontés particulières” ne pouvaient pas intervenir dans la transition de l’observation à la connaissance de la nature. Les naturalistes du jardin défendaient leurs innovations en matière de classification sur la base de leur expérience sensorielle, à la fois contre les chimistes qui proclamaient l’autorité des instruments et contre les programmes de classification rivaux qui contrevenaient à la transparence de l’observation sensorielle. Les rapports* étaient authentiques, non pas arbitraires, et évidents au regard de l’observateur expérimenté.
8Ce fut en ce sens que le projet de Jussieu de l’histoire naturelle en tant que recherche des rapports* porta ses fruits au début des années 1790. Les professeurs couvraient des domaines très divers de l’histoire naturelle ; leur compréhension du statut ontologique de l’acte classificateur variait grandement, de même que leurs convictions théologiques et philosophiques. Mais, au niveau de la pratique, plusieurs d’entre eux parvinrent à tomber d’accord que le dénominateur commun fondamental de la recherche en histoire naturelle devrait être la recherche des rapports* naturels. Jussieu ne se présentait pas, et n’était pas non plus considéré, comme ayant découvert la classification naturelle dans sa forme achevée, mais simplement le fondement correct sur lequel la construire. Au début du XIXe siècle, la méthode naturelle allait remplacer la méthode sexuelle de Linné, qui avait été la plus connue et la plus couramment utilisée pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais dont même son concepteur reconnaissait le caractère artificiel. Cependant, d’autres naturalistes, dont Linné et Adanson, avaient aussi tracé les grandes lignes d’arrangements naturels des espèces végétales19. Comme Antoine-Laurent de Jussieu, ces deux hommes avaient été les élèves de Bernard de Jussieu, l’oncle d’Antoine-Laurent, qu’un commentateur du milieu du siècle avait décrit comme “le plus grand botaniste du royaume”20. L’affirmation de Bernard de Jussieu qu’il élaborait une méthode naturelle fut appuyée après sa mort par Antoine-Laurent et d’autres, qui décrivaient le botaniste célibataire comme un homme simple, modeste et sans ambition. Le fait même que Bernard n’avait jamais publié son système était ainsi mis en avant comme une preuve de l’authenticité de son contact avec le monde naturel. Antoine-Laurent, l’héritier naturel de son oncle, allait gérer de diverses manières la crédibilité de Bernard. Après la mort de son oncle, il écrivit des notes pour l’éloge* de Condorcet à l’Académie, présentant ses propres activités de classification comme le simple achèvement d’une tâche en grande partie accomplie par Bernard ; l’implication était que les idées de l’illustre prédécesseur avaient été implantées intactes dans l’esprit de son successeur. C’était une stratégie assez couramment utilisée pour permettre à de jeunes hommes de présenter de nouvelles prétentions à la connaissance sans pour autant outrepasser les limites du comportement acceptable dans une société fondée sur le patronage21. Antoine-Laurent de Jussieu continua à exceller à s’effacer de la scène du labeur scientifique et politique. Après la fondation du Muséum d’histoire naturelle, il en fut le directeur pendant la majeure partie de la première décennie de son existence. Les deux seules autres personnes élues au poste furent Daubenton et Lacepède, le premier pour son ancienneté et son statut symbolique, le second pour son rôle politique et sa maîtrise de la sensibilité comme mode de vie. Jussieu, par contre, ne participa guère aux événements politiques à titre individuel à partir de 1793.
9La première description complète de la méthode de Jussieu parut moins de quinze jours avant la prise de la Bastille, dans son seul ouvrage majeur, Genera plantarum secundum ordines naturales disposita juxta methodum in Horto Regio Parisiensi exatarum, un texte écrit en latin, et donc destiné à un public masculin érudit. Le titre peut être traduit : Les Genres des plantes, disposés selon l’ordre naturel, d’après la méthode exposée dans le Jardin du roi de Paris. Jussieu adoptait deux méthodes différentes pour former des groupes de classification. D’une part, il insistait sur le caractère naturel des principes même qu’il déployait dans sa classification, qui étaient “très étroitement inhérents aux plantes et qui se présentent facilement à quiconque les observe”. Certains genres et certains ordres possédaient une existence naturelle sur laquelle tous les botanistes pouvaient s’accorder. La tâche du classificateur consistait donc à étudier ces groupes manifestement naturels afin de déterminer quels caractères leur étaient communs et dans quelles combinaisons, comme par exemple la position relative des étamines, de la corolle, des stigmates et des ovaires. Ensuite, chaque caractère devait être évalué pour sa stabilité ; si un caractère ou une combinaison de caractères était stable dans un genre mais pas dans un autre, sa valeur devait être moindre pour l’économie naturelle et donc pour le classificateur. Ces genres et ordres naturels allaient fournir des modèles que le “Botaniste attaché à suivre la Nature” pourrait appliquer aux groupes taxinomiques dont l’existence ne faisait pas l’objet d’un consensus universel. Les caractères utilisés pour générer les classes étaient tirés de parties a priori jugées essentielles à la conservation de l’espèce au sein de l’économie de la nature – la graine, la fleur, le fruit. Un élément fondamental de la méthode naturelle était que les trois grandes divisions du règne végétal, les acotylédones, les monocotylédones et les dicotylédones, étaient basées sur le nombre de feuilles séminales de l’embryon22.
10En fait, par de nombreux aspects, la méthode de Jussieu n’était pas sans ressembler à celles de ses pairs ; de même, il était loin d’être le seul naturaliste à affirmer découvrir des rapports naturels entre les végétaux. La différence résidait en ce que, pendant et surtout après la Révolution, la méthode naturelle* de Jussieu allait réussir à être décrite comme la classification la plus naturelle des végétaux. Dans ses premiers cours au nouveau Muséum, même Daubenton, partisan acharné des critiques de Buffon à l'encontre des classificateurs, appuya l’emploi de la classification de Bernard et Antoine-Laurent de Jussieu comme étant la plus proche de la nature23. La “naturalité” perçue dans la méthode de Jussieu et ses affirmations sur la transparence empirique des rapports entre les végétaux dépendait de l’acceptation par ses pairs de sa propre authenticité en tant qu’investigateur de la nature. Des recherches plus poussées sont nécessaires pour analyser la manière dont, pendant cette décennie cruciale, Jussieu jongla entre son statut politique et botanique et son rôle de directeur du Muséum. Mais il est évident que le statut épistémologique de la connaissance en histoire naturelle, l’auto-présentation du naturaliste et le problème de la sensibilité étaient étroitement liés. En outre, Jussieu se donnait du mal pour souligner les points de consensus entre les investigateurs de la nature. Avec sa double stratégie d’auto-effacement et d’emploi de ressources épistémologiques comme les rapports* et les “genres naturels”, Jussieu maximisait ses ressources de présentation et de représentation du naturel. Comme nous allons le voir, ces stratégies n’étaient pas sans rappeler celles utilisées pour obtenir l’appui du gouvernement au Muséum d’histoire naturelle.
11L’insistance sur la transparence de la connaissance naturaliste était très présente dans les écrits sur l’histoire naturelle*. Par conséquent, la plus grave critique qu’un naturaliste pouvait faire à un autre était de l’accuser de souffrir d’un “esprit de système”. Une vision filtrée par des “systèmes” était une vision corrompue, qui pervertissait la transparence du contact de l’observateur avec la nature. Buffon lui-même avait qualifié sa discussion du rôle de la vision dans l’élaboration de la connaissance, faisant du toucher le seul sens capable de rectifier les erreurs des autres sens24. Mais d’Angiviller, dans ses Mémoires de l’an XIII (1805), désigna précisément la faible vue de Buffon comme une cause directe des défauts de son histoire naturelle : “Si je voulais chercher une excuse à cet esprit de système que je crois qu’on peut lui reprocher [à Buffon] avec raison, j’en trouverais peut-être une bien naturelle et bien simple dans son organisation même. Presque entièrement privé du sens de la vue, il n’a pu voir que ce qu’il a considéré avec attention et soin ; presque toutes les découvertes sont les enfants du hasard”25. Les descriptions de spécimens de Buffon s’appuyaient en grande partie sur des études de seconde main, et il lui manquait l’accès sensoriel personnel à la nature. Cela rendait problématique le statut de ses écrits, que lui-même et d’autres décrivaient comme une “peinture” de la nature : comment un aveugle pouvait-il produire une reproduction fidèle ?26 Les critiques des capacités d’observation de Buffon en tant que naturaliste remontaient aux années 1740 ; en particulier, l’expérience fort controversée où, avec le naturaliste anglais John Turberville Needham, il avait utilisé un microscope nouvellement élaboré pour révéler l’existence des molécules organiques, était mise en avant par les opposants de Buffon pour remettre en question ses facultés visuelles27. D’Angiviller, en réponse aux attaques virulentes récemment parues dans les mémoires de Marmontel, essaya de sauver la réputation posthume de Buffon en le décrivant comme un prophète plutôt qu’un savant : quelqu’un qui pouvait accéder à la nature grâce à ses dons intérieurs, plutôt qu’à sa sensibilité extérieure. “Sa taille élevée, ses beaux cheveux blancs, la noblesse de sa physionomie, la noblesse plus grande encore de ses expressions, la majesté de ses idées et de son style qu’il transportait même dans la conversation, la faiblesse même de sa vue, qui ne lui permettant de rien distinguer, l’empêchait de fixer ses regards, donnaient à son discours un air prophétique qui imposait”28. Néanmoins, ces représentations traitaient le “Pline français” lui-même comme un objet à voir, plutôt qu’un observateur actif de la nature. La fiabilité des sens des observateurs pouvait devenir essentielle dans l’évaluation de leur statut de naturalistes29.
12Les naturalistes, comme les anatomistes et les médecins, avaient un enjeu particulier dans les négociations plus générales sur l’importance de la sensibilité dans l’expérience personnelle, politique et savante30. Ils étaient les experts qui pouvaient prédire la relation entre la conformation et les capacités morales ou physiques. Inversement, ils pouvaient aussi mettre en rapport les effets des sens et la structure physique du corps. Par exemple, en 1782, le discours de Mauduyt sur les sens des oiseaux faisait la différence entre les facultés provenant des mécanismes du corps et “celles qui émanent des sens [...] [qui] ont une relation immédiate et intime avec la volonté ; elles appartiennent en propre à l’animal libre de se déterminer, et son choix pour l’action à laquelle il se décide, forme son caractère”31. Le sens dominant chez les animaux déterminait le type de caractère que possédait l’espèce. Pendant les années 1780, un certain nombre des protégés de Daubenton s’occupaient d’établir un lien entre la conformation et les qualités morales, à l’exception remarquable de Vicq d’Azyr, qui exclut simplement toute discussion de cet ordre de son Traité d’Anatomie de 178632.
13Mais des préoccupations semblables structuraient également l’auto-représentation des naturalistes. Deux ans après la publication d’une traduction française de l’essai de Johann Caspar Lavater sur la physiognomonie en 1781, un nouveau passe-temps apparut dans les rues de Paris. Le physionotrace* était un instrument qui permettait, un peu comme une camera lucida, de produire des portraits exacts de profil ou de face, qui seraient ensuite déchiffrés selon les lois de la physiognomonie33. L’art ancien de la physiognomonie permettait de lire le caractère moral intérieur sur les traits extérieurs du visage et de la tête34. Comme le suggérait l’auteur d’une revue de l’ouvrage de Lavater, en raison de l’attention qu’elle prêtait aux liens entre les propriétés externes et internes, la physiognomonie était “la base de toutes les autres [sciences], ou plutôt c’est l’unique science, la seule à notre portée. Tout ce que nous savons, tout ce que nous sommes capables de savoir autant sur nous-mêmes que sur les êtres qui nous entourent, est de la physiognomonie”35. En 1789, l’année de la publication de son Genera plantarum, Antoine-Laurent de Jussieu fit tirer son portrait au physionotrace* (figure 30). Comme dans le cas de ses expériences sur le magnétisme animal, de tels intérêts ne doivent pas être considérés comme de simples incursions de dilettante dans des domaines pseudo-scientifiques, car ils laissent entrevoir comment, d’une manière plus générale, Jussieu concevait sa propre entreprise de classification. Comme dans le cas des végétaux qu’il classifiait, Jussieu considérait apparemment que sa propre conformation traduisait son caractère intérieur. L’une des principales affirmations de Jussieu pour prouver, à ses débuts, le caractère naturel de sa méthode, se fondait sur le fait que le succès de cette découverte serait démontrable parce que les espèces végétales naturellement apparentées partageraient des vertus semblables. La conformation physique était un guide certain vers les propriétés – médicales, alimentaires ou autres – possédées par une plante donnée ; ainsi, trouver l’ordre naturel était un acte explicitement patriotique, intéressant les botanistes “qui souhaitent unir le titre de Savant à celui d’utile Citoyen”36. Les discours habituels sur Futilité et le patriotisme, typiques de la littérature botanique et agronomique française à partir des années 1760, étaient ici liés à un exposé des relations entre conformation et ordre naturel. Tandis que la recherche des vertus des plantes était une tâche ancienne des botanistes, une approche physiognomonique de l’étude des plantes était peut-être aussi un moyen de résoudre le problème épistémologique soulevé par Buffon dans son discours préliminaire au tout premier volume de l’Histoire naturelle, en 1749. Ici, l’intendant s’engageait dans la controverse en attaquant tous les classificateurs qui prétendaient fonder leur ordre sur la véritable nature interne des choses ; ces essences étaient inconnaissables. Au lieu de cela, il appelait à une nouvelle histoire naturelle basée sur des descriptions et des définitions adéquates et complètes de chaque espèce. Les choses n’étaient rien en elles-mêmes, telles qu’elles se présentaient à l’observateur, même si leur nom était connu : “elles commencent à exister pour nous lorsque nous leur connaissons des rapports, des propriétés ; ce n’est même que par ces rapports que nous pouvons leur donner une définition”37. La physiognomonie constituait peut-être un modèle au moyen duquel Jussieu tentait d’éviter les accusations d’essentialisme scolastique, tout en conservant l’accès privilégié du botaniste au lien entre les apparences extérieures et les vertus intérieures.
14Toute la connaissance en histoire naturelle était fondée sur un équilibre délicat entre voir et croire. La fiabilité du témoignage dépendait en partie de ce qu’on pouvait voir sur le visage du témoin et, comme dans le cas des malheureux Calmuques, tout un barrage de jugements moraux était axé sur l’observation correcte de la conformation. La sensibilité pouvait être un moyen de lier l’apparence et le comportement extérieurs à la nature intérieure, et en ce sens elle jouait un rôle central dans les efforts de régénération révolutionnaire. Le 27 août 1791, les électeurs et hommes de lettres de Paris, dont plusieurs naturalistes, présentèrent une pétition à l’Assemblée Nationale pour faire transférer les cendres de Rousseau au Panthéon. Ils faisaient son éloge pour “cette habitude qu’il nous a donnée de pénétrer sous l’écorce des fausses conventions sociales, et de voir à nu les hommes et les choses”38. L’exposition du caractère intérieur allait être un thème de prédilection des disciples républicains de Rousseau, qui déployaient toute une batterie de stratégies oratoires, vestimentaires et gestuelles pour démontrer la vertu intérieure39. La prétention à pouvoir voir les choses “telles qu’elles sont” était toutefois fondamentale dans les discours des naturalistes sur leur propre légitimité en tant qu’observateurs du monde naturel. En outre, ce positionnement nécessitait une auto-présentation émotionnelle et esthétique explicite qui était déjà centrale à l’histoire naturelle, à la différence des sciences expérimentales.
15Il existait un second sens dans lequel la sensibilité* jouait un rôle central dans l'histoire naturelle40. La sensibilité, dont le siège dans le corps animal était recherché par l’anatomie comparée des années 1770 et 1780, était aussi la sensibilité qui faisait verser des larmes aux lecteurs de Jean-Jacques Rousseau41. Dans les livres d’histoire naturelle, l’amour du grand homme pour la botanique était souvent rappelé aux lecteurs. Dans un monde où les écrits de Buffon et de Rousseau avaient fait de l’étude de la nature et de l’appréciation de ses beautés un élément essentiel de toute éducation civilisée, les naturalistes de la génération qui fit suite à Buffon trouvèrent une forme opportune pour leurs adresses aux législateurs dans l’évocation de cette double tradition de la sensibilité*. Ils n’empruntaient pas seulement à une tradition externe de littérature du sentiment de la nature, manifestée dans les écrits de Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre et une foule d’auteurs moins connus : la sensibilité était profondément ancrée dans les écrits sur l’histoire naturelle en France pendant les années 1780 et 1790. Tout au long de la fin du XVIIIe siècle, les naturalistes, dans leurs publications, décrivaient la nature comme le siège de l’expérience émotionnelle, dépeignant pour leurs lecteurs de charmantes scènes de verdure et de paix pastorale42. Malgré l’affirmation par certains que les écrivains sentimentaux devaient être distingués des naturalistes “scientifiques”, cette opinion n’était pas répandue, en particulier parmi les lecteurs des ouvrages d’histoire naturelle hors du cadre des institutions savantes. Le choix du ministre de l’Intérieur de nommer le célèbre écrivain Bernardin de Saint-Pierre intendant du Jardin des plantes pendant les six derniers mois de son existence révèle à quel point la nature sentimentale pouvait être identifiée à la nature des naturalistes.
16Des préoccupations semblables quant aux liens entre vision et sentiment apparaissaient dans les discours contemporains sur l’histoire naturelle comme sur les beaux-arts. La réponse émotionnelle aux arts différait seulement en degré, mais pas en nature, de celle suscitée par la vue des œuvres de la nature. Inversement, le langage employé pour décrire les productions naturelles usait largement de la terminologie picturale et théâtrale. Les collections d’histoire naturelle, les paysages et les jardins étaient souvent décrits comme des spectacles ou des tableaux*43. Les commentateurs polis du XVIIIe siècle appliquaient les critères du goût aussi bien aux productions de l’art qu’à celles de la nature44. Les cabinets reflétaient le bon goût de leur propriétaire, et les collections d’histoire naturelle continuèrent jusqu’à la Révolution à jouer un rôle important dans l’auto-construction de l’individu cultivé. Ces collections étaient évaluées selon leur mérite esthétique aussi bien que selon leur qualité scientifique, tant par leur propriétaire que par les visiteurs. Des jugements critiques étaient émis de la même manière, et souvent dans le même paragraphe, sur les productions de la nature et celles de l’art, une association rendue explicite dans l’édition posthume de La Conchyliologie de Dezallier d’Argenville, publiée en 1780 par deux artistes : “Les beaux-arts ont pour objet l'imitation de la nature : or, pour imiter la nature il faut la connaître. Se flatterait-on d’y parvenir en la cherchant uniquement dans des copies qui jamais ne la présenteront avec une entière exactitude. N’est-il pas indispensable d’aller à la source, de contempler, d’étudier l’original même ?”45. Leur proposition de créer un cabinet d’amateur faisait implicitement appel à la raison et au goût. La collection idéale serait située dans une pièce carrée, “éclairée du côté nord seulement par de grandes fenêtres : le génie pittoresque décorera ses autres côtés dans toute leur hauteur, des individus des trois règnes ; il saura rendre agréable aux yeux l’ordre méthodique fait pour plaire à l’esprit”46. Ces préoccupations pour le bon goût jouaient un rôle bien plus important qu’on ne l’a reconnu jusqu’à présent dans la détermination du sujet de l’histoire naturelle dans le monde cultivé parisien au XVIIIe siècle. En 1786, Vicq d’Azyr affirmait que l’anatomie comparée avait été négligée parce qu’elle était trop répugnante pour attirer “ces amateurs qu’il faut captiver par l’élégance et la mobilité du spectacle”47. Quarante ans auparavant, dans sa discussion de l’arrangement du Cabinet du roi, Daubenton avait émis une affirmation radicale sur les stratégies d’exposition de la collection : ni les distributions méthodiques traditionnelles, ni les ordres purement symétriques conformes aux règles du goût, ne parvenaient réellement à saisir le naturel, et les uns comme les autres étaient donc artificiels. Néanmoins, le Cabinet était conçu avec des espaces démontrant les méthodes les plus utiles et les arrangements les plus beaux ; leur comparaison pouvait permettre à l’observateur de voir les véritables rapports naturels présents derrière les contraintes artificielles de méthode et de symétrie en œuvre dans d’autres collections48. De cette manière, Daubenton posait les fondements de la distinction entre l’observateur de bon goût, qui ne pouvait pas regarder au-delà de l’ordre superficiel de la collection et recherchait activement les beaux arrangements, et l’observateur véritablement scientifique pour qui les arrangements humains étaient des épiphénomènes à l’étude de la nature.
17Mais quel que fût l’intérêt du naturaliste pour la réforme, sous l’Ancien Régime tous dépendaient d’un public qui ne traçait pas de limite stricte entre le naturel et l’artistique. Les écrits de Rousseau furent particulièrement importants dans l’élision des aspects “sensoriel” et “sentimental” de la sensibilité, ouvrant la voie à l’auto-construction des naturalistes comme des individus sensibles parce qu’exposés à la nature. Plus d’un naturaliste se construisit selon ce schéma, comme ce fut le cas de Lacepède. Arrivant à Paris à l’âge de vingt ans, le jeune noble y trouva, en 1776, une société qui lui était ouverte en tant que riche héritier d’une famille qui avait été au service du roi au moins depuis le règne de Louis XIV. Il fréquenta les meilleurs salons, fut présenté à la cour, et développa ses relations avec des musiciens et des savants de renom, dont Gluck et Buffon. Après ses premiers succès dans l’écriture d’opéras et d’ouvrages sur l’électricité, Lacepède fut invité par Buffon, en 1784, à remplacer le cousin de Daubenton, Edmé-Louis, qui se retirait du poste de sous-garde et sous-démonstrateur du Cabinet pour raisons de santé49. Lacepède emménagea l’hiver suivant dans l’appartement situé au-dessus du Cabinet pour continuer à travailler sur l’Histoire naturelle, avec des écrits sur les quadrupèdes ovipares, les cétacés, les poissons et les serpents50. Tout au long de sa vie, Lacepède chercha à représenter l’homme public sensible, se tournant vers l’étude de la nature comme une récréation qui néanmoins structurait et légitimait ses portraits de lui-même dans la vie publique et privée51. Dans ses premiers écrits, Lacepède faisant constamment appel à la nature comme source et paradigme du beau dans les arts. Ainsi, dans sa Poétique de la musique de 1785, il démontra à maintes reprises comment la musique était ancrée dans la nature ; les compositeurs accomplis pouvaient créer des mélodies qui suscitaient inévitablement des sentiments en utilisant des notes qui étaient l’expression naturelle des passions désirées. En même temps, il tentait aussi d’expliquer les effets de la musique en termes scientifiques52. Ses écrits en histoire naturelle allaient être critiqués par les naturalistes du XIXe siècle parce qu’ils mettaient trop l’accent sur la beauté du spectacle de la nature et les effets émotionnels de la vue des productions naturelles53. Cependant, cette insistance sur le fondement émotionnel de la relation entre l’observateur et la nature était un lieu commun à l’époque. Dans le Dictionnaire de Botanique de 1783, Lamarck établissait le même lien entre l’étude de la nature et la vie émotionnelle : “La nature a-t-elle un point de vue plus riant et plus gracieux que cette multitude de végétaux qui lui forment, comme à l’envi, une parure infiniment variée et toujours renaissante ? Même l’homme le moins instruit ne peut jeter un regard attentif sur une belle prairie, sur un bois riche en plantes, sans éprouver une sorte de joie soudaine qu’il serait vain de chercher ailleurs. Qu’en serait-il de celui qui porterait sur ces objets, déjà agréables en eux-mêmes, un regard éclairé par la science ?”54. Le regard scientifique était ici présenté comme un moyen de rehausser l’expérience sensible de la nature. D’autres botanistes comme Millin, Étienne-Pierre Ventenat, et Jean-Louis-Marie Poiret, collaborateur de Lamarck pour le Dictionnaire de Botanique, s’extasiaient eux aussi sur la nature dans des publications savantes55. Tout à la fin du siècle, cependant, les expressions de sensibilité étaient activement pourchassées dans les publications produites par les professeurs du Muséum d’histoire naturelle56.
18L’insistance de Buffon sur l’importance de l’histoire naturelle en tant que source d’expérience sensorielle susceptible de transformer irréversiblement les individus acquit ainsi une signification accrue vers la fin de l’Ancien Régime. Les naturalistes exploraient la nature et les limites de la sensibilité en étudiant non seulement les animaux, mais aussi la sensitive et d’autres végétaux mobiles57. Desfontaines, collègue d’Antoine-Laurent de Jussieu, publia en 1787 une description du sexe des végétaux employant un langage d’une grande richesse érotique pour décrire les mouvements de la fécondation des plantes : une “sensation d’amour” poussait les étamines des plantes à se pencher vers les stigmates et à féconder la fleur58. Cela représentait une extrémité d’un spectre d’opinions sur la sensibilité des plantes, l’autre étant Vicq d’Azyr qui affirmait, dans son Traité d’Anatomie et de Physiologie de 1786, que tous les mouvements des plantes étaient purement mécaniques et causés par des forces extérieures, et non pas par une volition interne59. Ces débats avaient des implications dans l’interprétation de la sensibilité humaine dans les années 1780 et 1790, car les limites entre sensibilité physiologique et émotionnelle pouvaient ainsi être explorées et, avec le développement du culte de la sensibilité, estompées. En outre, ils étaient essentiels à l’auto-description des naturalistes comme des hommes sensibles (donc vertueux). On considérait à l’époque que l’étude de la nature et de l’histoire naturelle apportait une plus grande sensibilité. Ainsi leur contact permanent avec les beautés de la nature assurait-il aux naturalistes eux-mêmes une plus grande crédibilité morale et, en fin de compte, politique.
Les autorités naturelles
19Les écrits de Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre et d’autres mettaient généralement en avant la nature en tant que lieu de l’expérience individuelle, et Outrant a traité de la fonction de la nature en tant que retraite consolatrice rousseauiste pour les savants sous la Terreur60. À propos de la fondation du Muséum d’histoire naturelle, elle écrit qu’elle fut la conséquence de “l’idéologie, si puissante chez les Jacobins, selon laquelle l’exposition des beautés de la nature dans des sites privilégiés comme le Muséum représentait une partie essentielle de l’existence humaine parce qu’elle contribuait à la vertu humaine”61. Toutefois, la réforme du Jardin en juin 1793 entrait dans le cadre du projet jacobin d’établir des institutions d’instruction publique en France, plutôt que d’une découverte de soi solitaire. Dans un tel contexte, l’affirmation de Lamarck selon laquelle l’instruction pouvait améliorer la sensibilité de l’individu à la Nature acquiert une signification nouvelle.
20Ce que nous connaissons des utilisations publiques du Jardin au XVIIIe siècle se base principalement sur deux sortes de sources : les discussions relatives à l’ordre public par les employés du Jardin et les commentaires critiques émanant de visiteurs experts, qu’il s’agisse de savants ou de connaisseurs. Cette dichotomie se reflétait dans leur approche du monde de l’écrit. Lorsqu’ils voulurent rendre public le projet de réforme de 1790, ils n’en firent imprimer que deux mille exemplaires, dont la majorité alla aux membres de l’Assemblée Nationale et à diverses organisations politiques et scientifiques parisiennes. Il n’était certainement pas question de distribuer le projet aux visiteurs révolutionnaires du Jardin. Les historiens de l’art ont considéré l’ouverture des collections royales sous la Révolution française comme une démocratisation de la culture, le moment où la vie privée monarchique allait devenir une propriété publique. Pendant la période révolutionnaire, le “public” allait devenir plus large que jamais auparavant. Loin d’être le siège de la politesse* et du commerce à la fois social et financier, le public allait être remodelé en tant que sphère d’exercice des droits politiques, siège de la volonté nationale et source de la vertu* morale62. Mais un public revalorisé s’opposait au personnel du Jardin quant à ce qui constituait un comportement approprié au sein d’un établissement depuis peu national. À la fin de 1792, Bernardin demandait de l’aide au ministre de l’Intérieur, Roland : “Des agitateurs persuadent le peuple que le Jardin étant à la Nation, toute la Nation a le droit d’y cueillir des plantes. Le jour de la Toussaint, une troupe considérable d’hommes et de femmes ont pillé les fleurs, en menaçant de maltraiter les garde-bosquets qui voulaient s’y opposer [...]. En vain j'ai donné des ordres de mener les délinquants à la section, les gardes n’osent les exécuter [...]. Il est cependant urgent d’obliger les mauvais citoyens à respecter les propriétés publiques”63. La violence révolutionnaire toucha aussi le Jardin d’autres manières. Le buste de plâtre de Linné, qui avait cérémonieusement été placé dans le Jardin par la Société d’histoire naturelle en août 1790, fut probablement brisé au cours de 1792 par des sans-culottes* croyant que l’inscription en latin faisait référence à un roi. Les émeutes de la faim de l’hiver 1792 à 1793 endommagèrent également le Jardin, utilisé comme un grenier à grain public64. Ces atteintes à l’ordre public, tel qu’il était défini par le personnel du Jardin, reflétaient un problème beaucoup plus vaste qui était désormais une tâche primordiale des députés, à savoir le maintien de l’ordre dans le domaine public. Le Jardin était bien sûr un microcosme politique.
21Tout comme l’autorité des naturalistes sur le Jardin pouvait être érodée par le désordre public, il en était de même des prétentions au pouvoir de telle ou telle faction. En août 1792, l’autorité municipale autoproclamée de Paris, la Commune, supprima l’assemblée électorale municipale existante. Thouin, Lacepède et Jussieu virent leur carrière politique active s’achever subitement65. L’Assemblée Nationale ne réussit pas à obtenir la reconnaissance de son autorité sur la Commune et, son autorité irrémédiablement affaiblie, laissa place à la Convention Nationale quelques jours plus tard. Un peu plus d’un mois plus tard, la République était proclamée en France.
22Les nouveaux députés étaient confrontés au problème de groupes potentiellement rebelles, situés en dehors du gouvernement central et entretenant des alliances délicates avec différentes factions gouvernementales. Un gouvernement stable mais véritablement républicain devait à la fois paraître manifester la volonté publique et pouvoir se préserver de la violence publique. L’instruction publique allait être invoquée dans ce but. Le 20 mars 1793, le député Lanthenas, membre du Comité d’instruction publique, envisageait un nouveau rôle pour l’instruction publique. “Personne ne l’a considérée”, disait-il, “comme puissance révolutionnaire, avant de l’envisager comme moyen de perfection morale et physique pour l’espèce”66. Une instruction républicaine changerait “la morale et l’opinion” du public. En fait, Lanthenas suggérait qu’une tâche essentielle de l’instruction publique était de justifier l’emprise de la Convention sur la souveraineté. Au début des années 1790, les projets d’instruction publique présentés à l’Assemblée et à la Convention abandonnèrent peu à peu les propositions de formation d’un corps de savants doté d’une grande autonomie pour superviser l’instruction publique. Dans un débat de juillet 1790, la plupart des députés étaient favorables à un projet qui mettait en avant le rôle social des savants et prônait un soutien financier substantiel de l’État. Le député Martineau était une voix isolée en 1790, mais plus en 1794 : “Craignez-vous de manquer de savants ? C’est des agriculteurs dont vous avez besoin ; réservez pour eux des récompenses”67. Les prétentions des savants à être des experts du monde naturel étaient de plus en plus traitées par les radicaux comme le signe d’un despotisme du savoir. En outre, les programmes interventionnistes d’éducation universelle étaient de plus en plus critiqués. Le gouvernement devait apparaître comme une manifestation de la volonté générale, venant du cœur du citoyen, plutôt que comme un ordre imposé d’en haut68. Au cours de 1793, les propositions de réforme se firent plus favorables à la “nation autodidacte”, chez qui la vertu serait engendrée et la corruption défaite par le spectacle moral et l’exemple patriotique69.
23Les factions politiques successives de la Convention et du Directoire luttèrent pour créer une forme de souveraineté qui permettrait une action politique efficace et rallierait à leur cause d’autres groupes puissants. Cela devait être réalisé grâce à la maîtrise des symboles révolutionnaires, comme la Liberté, la Nature et la Justice. La Nature, l’un des plus importants symboles révolutionnaires, était souvent invoquée dans le discours politique révolutionnaire pour légitimer le rejet des coutumes de l’Ancien Régime70. Cependant, le sens de la nature était contesté. En 1792 et 1793, la France était en proie à une grave pénurie de grain. Certains sans-culottes* considéraient la Révolution comme l’aube d’une période d’abondance pour tous, où la France, en tant que siège de la seule société naturelle, deviendrait fertile. La famine était donc une preuve de l’erreur du gouvernement, et signifiait que les députés modérés n’avaient pas su saisir correctement le sens du symbole Nature. Les insurrections jacobines du 31 mai et du 2 juin 1792, qui mirent fin au pouvoir de Roland, Brissot de Warville et leurs partisans, étaient en partie légitimées sur cette base.
24Les naturalistes du Muséum, ainsi que les partisans gouvernementaux de la nouvelle agriculture, offraient une version différente de la Nature. Dans un discours de brumaire an II (novembre 1793), Grégoire insistait sur le fait que la réforme politique n’apporterait pas automatiquement l’abondance. “Vous proposez, m’a-t-on dit, d’acclimater chez nous des plantes et cultures étrangères : mais notre sol a tout ; la nature a placé chez nous ce qui nous est nécessaire. Je commence par nier cette assertion : la nature, à la vérité, nous a donné un terroir fertile, et c’est à peu près tout”71. La version de la Nature des naturalistes du Muséum serait appliquée dans les enseignements publics offerts par leur institution, comme un élément central du projet jacobin d’instruction publique. Leur contribution à l’instruction publique était donc double. D’une part, dans des cours ils enseignaient aux citoyens comment interpréter les lois de la Nature comme des signes de l’hégémonie du nouveau gouvernement et de la faction au pouvoir en particulier. Les cours de cette période qui ont été conservés révèlent que le public du Muséum recevait une forte dose de rhétorique pro-gouvernementale de la part de professeurs qui comptaient parmi eux des orateurs célèbres comme Fourcroy, également connu à travers la Convention et le Club des Jacobins, Lacepède, Desfontaines et Brongniart72. D’autre part, le crédit politique que les naturalistes acquéraient par de telles pratiques leur permit, seuls parmi les institutions savantes en 1793-1794, de devenir la voix officielle de la Nature au sein de la République.
25Il existait d’importants points communs entre les problèmes rencontrés par les naturalistes dans l’élaboration de la connaissance en histoire naturelle, et par les députés dans le maintien de l’autorité politique. La souveraineté républicaine comme la crédibilité naturaliste étaient assurées uniquement par la capture de sources d’autorité qui étaient à la fois invisibles et intangibles. Des représentations adéquates de la Nature permettraient aux députés de représenter la volonté publique tout en effaçant du processus législatif l’action de leur propre volonté73. Ainsi l’action politique pouvait-elle être légitimée par l’affirmation que les lois étaient effectivement tirées de la Nature. Tout au long de 1793 et 1794, pour assurer la visibilité de leur authentique souveraineté au moyen de l’instruction publique, les législateurs s’appuyaient sur le spectacle, tant naturel qu’artificiel, pour créer l’effet le plus puissant. En mai 1793, Dutard, membre d’un réseau d’espions déployés par le ministre de l’Intérieur Dominique-Joseph Carat, expliquait le problème de l’ordre public comme un problème de l’art social. “J’ai entendu dire à un peintre que pour juger un tableau, pour voir tous les effets généraux qu’il comprend, il est nécessaire de se situer exactement au point de vue qui convient. Celui à qui le rayon visuel fait défaut ne verra qu’une masse confuse de couleurs diverses, qui ne présenteront rien de plus pour lui que des demi-traits... C’est ainsi que dans notre politique révolutionnaire, peu d’hommes ont vu cet ensemble si nécessaire et les vrais rapports qui existaient entre les diverses classes qui formaient le corps social”74. Tandis que les législateurs de la République bataillaient pour saisir le “point de vue” pour le spectacle de la société et le présenter aux citoyens, les naturalistes prétendaient posséder la capacité de voir, directement et sans l’intervention de “systèmes”, les lois de la nature à l’œuvre, l’ordre derrière le chaos apparent où la Révolution était tombée. Comme l’écrivait Merlet de La Boulaye, le correspondant de Thouin à Angers : “La guerre civile ravage notre département. Le Grec et le Troyen nous pillent [...]. Vous êtes peut-être surpris que je m’occupe à orner et à planter un jardin botanique au milieu des dissensions de la guerre civile, mais je suis à mon poste et je vois que les hommes peuvent brûler, piller, massacrer, mais qu’ils ne peuvent rien faire contre l’ordre immuable de la nature. Quand donc ils seront las de s’égorger, je me plais à croire que mes compatriotes seront bien aises de trouver un jardin utile et instructif tout formé”75. Ainsi les naturalistes affirmaient-ils être capables de saisir la Nature au sein des collections d’histoire naturelle, que ce fût dans un cabinet ou dans un jardin. L’abrégé de la nature présenté ici permettait à l’observateur de visualiser la totalité de l’ordre naturel, la beauté de l’Univers, les rapports naturels entre les individus et les espèces, à travers son souvenir de quelques spécimens. Cette fonction est peut-être le plus clairement exprimée dans les cours manuscrits de Lacepède de l’an III (1794) : “Citoyens, c’est dans cette première pièce du cabinet d’histoire naturelle, que vous récapitulerez dans votre souvenir, tout ce qui, jusqu’à cet instant a été l’objet de nos leçons ; [...] là s’agrandiront vos idées sur ce qu’on ne peut jamais trop étudier, la Nature ! Que sera-ce, lorsqu’après notre Cours sur le Règne végétal et celui sur le règne animal, je vous montrerai en détail dans les deux autres pièces [...] du Cabinet d’histoire naturelle, les autres richesses qui présentent des utilités immenses et des charmes réels ? Ah ! alors vous bénirez la République et la Convention Nationale”76. L’affirmation de plusieurs naturalistes du Muséum, au début des années 1790, d’être à la recherche de rapports*, des rapports qui étaient naturels et évidents aux sens et indiquaient des lois naturelles sous-jacentes, était donc d’une importance considérable pour l’histoire naturelle en tant que forme d’instruction républicaine. Les collections étaient des instruments scientifiques, mais, fait capital, leur artificialité était transparente aux regards contemporains. Ce qu’elles paraissaient exposer était en fait invisible : c’était la Nature elle-même77.
26Les mêmes principes peuvent être vus en œuvre dans les fêtes révolutionnaires imaginées par le disciple de Robespierre, l’artiste Jacques-Louis David. C’est entre ses mains que l’utilisation du spectacle organisé comme moyen de contrôler le public prit sa forme la plus élaborée78. Le discours de Robespierre, en floréal de l’an II (mai 1794), peu après l'institution du culte de l’Être Suprême, mettait en évidence la véritable nature du spectacle révolutionnaire.
Il est [...] une sorte d’institution qui doit être considérée comme une partie essentielle de l’éducation publique, et qui appartient nécessairement au sujet de ce rapport. Je veux parler des fêtes publiques. Rassemblez les hommes, vous les rendrez meilleurs ; car les hommes rassemblés chercheront à se plaire, et ils ne pourront se plaire que par les choses qui les rendent estimables ; donnez à leur réunion un grand motif moral et politique, et l'amour des choses honnêtes entrera avec plaisir dans tous les cœurs ; car les hommes ne se voient pas sans plaisir. L'homme est le plus grand objet qui soit dans la nature ; et le plus magnifique de tous les spectacles, c’est celui d’un grand peuple assemblé79.
27L’organisation du public dans les rituels des fêtes morales était une représentation en miniature de la manière dont, pour Robespierre et ses partisans, la société tout entière devait fonctionner. Le public devait être contrôlé par l’art (l’art social), mais, en même temps, par sa réaction émotionnelle à la Nature80. La visualisation était le principal moyen de susciter et de diriger les sentiments patriotiques.
28Les fêtes* conçues par David étaient une extension des efforts des Républicains pour s’approprier l’autorité de la Nature comme stratégie de légitimation81. Dans ces fêtes, le public lui-même devenait le sujet d'une nouvelle forme d’art, conçue pour contenir et dépeindre l’émotion à une échelle inconnue jusqu’alors. Les fêtes étaient des tableaux vivants, un spectacle estompant la limite entre le naturel et l’artificiel. En ce sens, d’ailleurs, elles ressemblaient aux collections d’histoire naturelle elles-mêmes, telles qu’on les voyait à l’époque. Les fêtes étaient composées de corps naturels, mis en scène comme au théâtre, et elles représentaient les symboles de la République. Elles contribuaient également, comme d’autres formes de manifestations physiques révolutionnaires, à rendre les citoyens transparents, à ôter cette “écorce” de corruption. Robespierre et ses acolytes s’efforçaient de conserver un contrôle strict sur l’authenticité du spectacle82. Le 11 messidor an II (29 juin 1794), Joseph Payan, membre de la Commission exécutive d’instruction publique, condamna les tentatives faites pour convertir les grandes fêtes en pièces de théâtre, affirmant que cela réduirait la puissance du grand spectacle de la nature au niveau d’un simple spectacle de lanterne magique, autrement dit d’une tromperie83. Des métaphores semblables étaient utilisées par les naturalistes, comme dans le cours d’ichthyologie de Lacepède en floréal an III (mai-juin 1795), où l’approche erronée de la nature était décrite comme substituant “les images imparfaites et les vains spectres d’une lanterne magique, au spectacle de la nature”84.
29Les récits de témoins oculaires de la Fête de l’Être Suprême prouvent avec quel succès David put susciter l’émotion des masses85. La puissance émotionnelle émanant des fêtes dépendait du succès avec lequel elles représentaient le spectacle de la nature qui sous-tendait le nouvel ordre social. À la Fête de l’Être Suprême, le 20 prairial an II (8juin 1794), Robespierre déclara : “Le véritable prêtre de l’Être suprême, c’est la Nature, son temple l’Univers, son Culte la vérité, ses fêtes, la joie d’un grand peuple assemblé pour nouer les doux nœuds de la Fraternité, et vouer la mort des tyrans”86. Les organisateurs des fêtes utilisaient la Nature pour légitimer la construction de l’ordre social adéquat. Mais le “véritable prêtre” de la fête était Robespierre, qui parut sur une estrade au centre de la scène, vêtu d’un habit de cérémonie spécial avec redingote bleue et pantalon doré87. Le plan de la fête précisait comment le regard du public devait être dirigé : “La Convention Nationale, précédée d’une musique éclatante, se montre au peuple : le président paraît à la tribune élevée au centre de l’amphithéâtre ; il fait sentir les motifs qui ont déterminé cette fête solennelle ; il invite le peuple à honorer l’auteur de la nature”. Et, à la fin de la cérémonie, “le son perçant de la trompette éclate dans les airs [...]. Le peuple se dispose ; il est en ordre : il part”88. Le peuple devait être son propre observateur dans ce spectacle, mais ce regard devait ensuite se reporter vers ceux qui représentaient ce qu’on ne pouvait voir : la Nature. Après qu’on s’était adressé à lui au nom de la Nature et de l’Être Suprême, le peuple devait se mettre lui-même en ordre.
30Comme les naturalistes, les députés républicains œuvraient à se rendre transparents pour leur public, à effacer les marques intempestives d’effort individuel dans la construction de la connaissance sociale89. Cet aspect particulier des réformes axées sur l’instruction publique a été mal vu des historiens du XXe siècle, qui y trouvent l’écho “d’une idéologie compulsive et un avant-goût de la manipulation de masse utilisée plus récemment par les régimes totalitaires”, selon les termes employés par Robert Palmer90. Peut-être en conséquence de cela, les travaux des historiens ont largement sous-évalué le rôle du Muséum en tant qu’institution dispensatrice de l’instruction publique jacobine. Pourtant, tout au long de la Révolution, les naturalistes du Muséum fournissaient explicitement aux législateurs le type de ressources que les fêtes étaient destinées à apporter. L’invisibilité tant des naturalistes que des députés dans le processus législatif était soulignée dans la présentation des naturalistes à l’Assemblée en août 1790 : “Accoutumés à considérer le grand et magnifique spectacle de la puissance de la nature et de l’unité de ses lois, ils ont cru cependant que leur admiration n’avait pas changé d’objet en se portant vers l’immortel ouvrage que la puissance nationale élève par vos mains”91. Les naturalistes continuèrent à transférer le regard de leur public du spectacle de la Nature à celui du gouvernement après la réforme du Jardin. Dans son discours de clôture au cours sur l’anatomie des animaux, prononcé dans le nouvel amphithéâtre du Muséum le 11 germinal an il (31 mars 1794), Mertrud évoquait, dans son préambule, son rôle consistant à révéler à ses élèves le spectacle de la nature : “Rien n’est petit dans la nature aux yeux de l’observateur éclairé : nos devoirs sont d’en admirer la grandeur, d’en connaître les lois, d’y rechercher toutes les propriétés qui y ont été attachées par la main du créateur, d’en extraire les choses utiles et de les appliquer aux besoins des hommes. Je n’ai pu citoyens, que crayonner faiblement ce tableau ; c’est une partie de la tâche qui m’est imposée. D’autres professeurs vont agrandir ce spectacle et vous en présenter toute la majesté”. À la fin du discours, cependant, il avait effectué la transition au spectacle du pouvoir législatif : “Est-il dans l’univers un spectacle plus grand que celui que présentent des législateurs qui, d’une main abaissent les traîtres, et de l’autre soutiennent et protègent ce peuple immense qui s’est confié à leurs soins ?”92.
Le “moment muséologique”
31Le succès du Muséum d’histoire naturelle en tant qu’institution d’instruction publique sous un régime jacobin dépendait de l’aptitude des naturalistes à démontrer les lois naturelles à travers des présentations visuelles qui symboliseraient l’ordre mais permettraient aussi la re-création morale et physique du public. Le visiteur du Muséum d’histoire naturelle devait être transformé par cette rencontre, sur le plan émotionnel, esthétique et rationnel. J’ai déjà fait remarquer comment la fondation de la ménagerie, en floréal an II (mai 1794), fut justifiée par sa capacité de révéler aux visiteurs les conséquences de la participation à la société révolutionnaire, en dirigeant le regard du public vers le fonctionnement des lois de la Nature au sein d’un jardin républicain. L’effet moral de la vision de la nature dans le nouvel établissement n’était pas restreint à la vue d’animaux vivants. Les “Essais de Botanique morale”, publiés dans la revue La Décade philosophique, littéraire et politique, établissent un lien étroit entre la botanique en tant qu’éducation morale et en tant que spectacle visuel, évoquant explicitement Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre93. “La botanique n’adoucit pas seulement les mœurs par des inclinations saines et modérées ; elle attache plus fortement à la patrie par l’image de ses productions, par les tableaux champêtres, par les souvenirs qu’elle grave dans le cœur, par les monuments qu'elle peut embellir d’une manière si intéressante”94. La réification du Muséum d’histoire naturelle était indissociable de son aptitude à fournir un site d’exposition, et donc de son image de dispensateur de savoir patriotique. Ce n’était pas le seul établissement à jouer un tel rôle. Les programmes révolutionnaires de réforme institutionnelle des beaux-arts étaient fondés sur des préoccupations similaires. Le 27 juillet 1793, sept semaines environ après la fondation du Muséum d’histoire naturelle, la Convention décrétait la fondation, au Louvre, d’un Muséum national des arts95. Le développement de projets muséologiques dans le but de mettre un terme au factionnalisme et de créer un public vertueux favorable à l’ordre existant avait commencé dans les années 1770 avec le projet d’un Louvre public imaginé par d’Angiviller96. Mais leur effet le plus visible, sur le plan de la réforme institutionnelle, se fit sentir en l’an II et III, sous le régime jacobin. Dans ce “moment muséologique”, comme l’a appelé Pickstone, on vit une épidémie de fondation de musées dans tous les domaines ; quoique la plupart de ces institutions n’aient pas duré, elles firent du musée la principale manifestation de la réforme culturelle jacobine97. S’adressant à la Convention le 13 messidor an II (1er juillet 1794), Bertrand Barère proposait de convertir tout Paris en musée révolutionnaire, “un monument nouveau pour l’instruction publique”98. La nature, l’art, l’architecture devaient être déployés simultanément pour construire un environnement républicain total où chaque espace public contribuerait au “vaste plan de régénération” de Barère99. Quoique l’histoire naturelle ait joué un rôle moindre dans cette vaste transformation, c’est néanmoins dans ce contexte que la fonction du Muséum en l’an II et III peut être comprise. La politique institutionnelle commune concernant l’histoire naturelle et les arts était reflétée par leur fonction esthétique semblable. Les objets d’exposition, naturels comme artificiels, suscitaient chez l’observateur des effets similaires, et les uns et les autres recevaient en conséquence le même traitement aux mains des députés de la Convention dans leurs réformes de l’instruction publique. Ainsi, un article de La Décade philosophique, littéraire et politique de messidor an II (juin-juillet 1794) notait que l’histoire naturelle et les arts tiraient leur capacité à perfectionner l’esprit de la présentation d’un spectacle continuel :
Les beaux-arts perfectionnent notre intelligence ; ils aident puissamment au développement de nos facultés morales. Quel est le but de presque tous les arts libéraux ? D’imiter la nature, de nous en offrir l’image la plus rapprochée. Eh bien ! c’est ce spectacle continuel de la nature, tant réelle qu’imitée, qui augmente nos sensations, nous offre de continuelles occasions de comparer, nous force de porter un plus grand nombre de jugements, enrichit conséquemment notre mémoire d’un plus grand nombre d’idées, et donne de l’accroissement à notre esprit. Et qu’est-ce que l’esprit ? [... ] On sait qu’il est fort ou faible, léger ou profond en raison de la quantité de sensations que nous avons éprouvées, et du nombre de comparaisons que nous avons eu occasion et intérêt de faire d’après ces mêmes sensations100.
32Le Muséum d’histoire naturelle et son alter ego, le Muséum national des arts, partageaient le pouvoir de présenter des spectacles moraux au public. Dans un cas comme dans l’autre, l’institution assumait une fonction quasi-religieuse.
Ce grand monument élevé à la Nature, est tel dans ce moment, par le soin qu’a eu la Convention nationale de l’enrichir d’une multitude d’objets précieux dispersés dans divers cabinets, qu’on peut assurer qu’il n’est aucune nation dans le monde entier, qui puisse se glorifier de posséder une aussi vaste et aussi importante collection. Elle est bien digne d’un peuple libre qui prépare les bases d’une éducation fondée sur la Nature, c’est-à-dire sur l’étude des faits. On peut considérer ce point central et nécessaire des sciences, comme un temple où chacun pourra venir consulter la Nature, qui lui répondra toujours elle-même, en étalant ses richesses rassemblées [...]101.
33De même, le Muséum national des arts était décrit par les membres de la Commission des arts qui présida à sa fondation comme un “temple de la nature et du génie”102. Ces deux musées fournirent le premier contexte institutionnel pour les tentatives des Jacobins visant à contrôler l’esprit public en redirigeant le regard public dans un cadre explicitement pédagogique.
34Pendant l’été 1794, après que Robespierre avait temporairement éliminé l’opposition à son régime en guillotinant Hébert et Danton, le Comité de salut public vota de nombreux décrets favorisant les deux musées et instaurant des établissements semblables dans les départements, ainsi qu’un autre site d’exposition de première importance, le Palais national103. Fourcroy, qui remplaça le 22 juillet 1793 à la Convention Marat assassiné, jouait un rôle important dans ces projets, en tant que membre actif des Jacobins. Avec David, Boisset et Granet, il était au Comité de salut public l’un des praticiens les plus efficaces du programme républicain d’instruction publique*104. Fourcroy fit également participer Thouin à l’amélioration de certains des lieux les plus publics de Paris105.
35En floréal an II (avril-mai 1794), Fourcroy annonça à ses collègues du Muséum une visite éclair du Comité de salut public106. Peu de temps après, la Commission des travaux publics, dirigée par le protégé de Robespierre, l’architecte Fleuriot-Lescot, reçut du Comité l’ordre de faire un rapport sur l’avancement de la nouvelle ménagerie107. La présence de plusieurs professeurs pour faire à la Commission une visite guidée de l’établissement contribua peut-être à sa décision de soumettre un projet qui “portait à la fois sur ce qu’il faut faire provisoirement dans ce jardin, et sur ce que le Comité de salut public pourrait ordonner définitivement pour la construction du plus beau jardin possible d’histoire naturelle”108. Cette construction ne se réalisa jamais. Elle aurait dû voir l’extension du domaine du Muséum à plus de cinq fois sa taille existante, d’une cinquantaine d’arpents à environ deux cent soixante-dix. Le coût du projet pour la nation était estimé à quatre millions de livres – une somme considérable, même en tenant compte de l’inflation. La zone où le Muséum devait s’étendre comprenait la totalité des terres précédemment occupées par les moines de Saint-Victor, des quais désaffectés le long de la Seine et les terres et propriétés de certains émigrés. Elle devait aller du Pont Bernard à l’est jusqu’à l’hôpital à l’ouest, en longeant la Seine sur toute cette distance. Les plans de cette entreprise furent examinés activement pendant environ dix-huit mois, et furent rendus publics dans la presse périodique109.
36Le second rapport de la Commission donnait du Muséum ainsi imaginé une vision attrayante : “Les yeux ne pourraient rien voir de plus beau, l’imagination ne pourrait se figurer un spectacle plus varié ni plus enchanteur. Dans ce vaste jardin, agréable à tous les âges, utile à tous les états, le physicien étudierait la nature, le jeune homme apprendrait à l’aimer, le philosophe, le vieillard y trouveraient la source des méditations les plus profondes ; les plus beaux textes pour la pensée. Le public en sent déjà tous les charmes, jamais il n’a été si fréquenté”. On imaginait “la beauté d’un tel lieu, [... ] l’ensemble vivant de tant d’objets divers, [... ] l’effet enchanteur de toutes les merveilles de la nature, de toutes les productions réunies et offertes à l’homme par son semblable, pour les admirer, les étudier et les comprendre”. La formation du nouvel établissement offrait également des opportunités inégalées pour les artistes de la République : “Rien ne leur manquera, les finances d’une grande République, un vaste Espace où l’imagination ne sera pas rétrécie, les merveilles des trois Règnes, la force vivante de la nature et tous les Éléments réunis pour concourir avec Eux à l’exécution du plus beau jardin de l’univers”110. L’opposition des artistes* au patronage et aux corporations exclusives de l’Ancien Régime, dirigée par David, devenu membre du Comité d’instruction publique, avait déjà conduit à la fermeture de l’Académie des sciences et de la Société d’agriculture. Or, ce rapport conférait à l’histoire naturelle un rôle esthétique unique parmi les sciences111. Les professeurs eux-mêmes envisageaient le nouvel espace comme leur offrant l’occasion de présenter à leur public des tableaux de la nature encore plus nombreux et plus grands : Thouin suggéra que l’enseignement de la botanique pourrait être complété par “le plus complet Tableau des végétaux qui couvrent la surface du globe, rangés dans un ordre méthodique, fondé sur les rapports naturels”112.
37Mais par-dessus tout, les commissaires attiraient l’attention du Comité de salut public sur le pouvoir du Muséum d’exposer l’avenir : l’établissement agrandi “présenterait en petit des échantillons complets de la nature entière, il serait enfin l’abrégé du monde physique comme la France régénérée sera celui du monde moral”113. Le Comité approuva le projet de décret de la Commission à la fin de floréal (mai), et une série de décrets au sujet de l’achat et de la protection des terres jouxtant le Muséum furent votés en été 1794114. Ainsi le Muséum devint-il un point central de la représentation de l’avenir républicain de la France aux citoyens115. Son existence en tant qu’institution républicaine était indissociable de son aptitude à dispenser des images de l’avenir. Cette fonction concernait également les objets physiques ; le Jardin produisit, à partir de l’an II, des arbres de la liberté, pour devenir finalement le fournisseur officiel des arbres de la liberté que la loi imposait de planter devant les bâtiments publics116.
Des centres de diffusion des lumières
38Les décrets votés par la Convention et le Comité de salut public entre l’automne 1793 et l’été 1794 laissent apparaître que le Muséum était engagé dans une nouvelle forme d’instruction publique. Il devait être un centre de diffusion des lumières, reproduisant partout en France l’instruction en histoire naturelle. Le 13 brumaire an II (3 novembre 1793), sur la base d’un projet commandé à Thouin par le député Grégoire, les comités d’instruction publique et d’aliénation approuvèrent l’établissement dans tous les départements français d’un réseau de jardins botaniques et de collections d’histoire naturelle mettant principalement l’accent sur l’agriculture. Le but de ces collections serait de permettre l’acclimatation de plantes et d’animaux exotiques, pour leur utilité et leur beauté, dans les différents climats dont disposait la France. Les collections devaient imiter, à une échelle beaucoup plus réduite, le genre d’activités qui avaient lieu au Muséum de Paris. “Nous ne présentons pas un tableau fantastique”, s’enthousiasmait Grégoire, “en disant que [en votant le décret] vous ferez de la France un vaste jardin”117.
39La Convention vota, le 16 nivôse an II (5 janvier 1794) puis à nouveau le 8 pluviôse (27 janvier), la conservation des plantes étrangères pour Futilité et l’instruction publique ; elle continua tout au long de l’été et de l’automne de l'an II à favoriser l’institution de jardins régionaux avec le surplus du Muséum d'histoire naturelle118. Les comités d’aliénation, d’instruction publique et de finances, la Commune de Paris, le ministère de l’Intérieur (jusqu’à son abolition), les commissions robespierristes et de nombreuses autres commissions éphémères négocièrent longuement sur la question. Des décrets furent votés entre brumaire et messidor an II (octobre 1793-juin 1794), subordonnant partiellement les jardins provinciaux au Muséum d’histoire naturelle et promouvant le démantèlement de collections nationales se trouvant dans les maisons et les jardins des émigrés. Pendant les cinq années qui suivirent, le personnel du Muséum eut fort à faire pour établir un ordre parmi le chaos de spécimens arrivant en provenance des collections pillées dans le reste de la France et de l’Europe, et pour compiler les collections de spécimens superflus à l’intention des jardins départementaux. Les décrets fondant l’École normale le 9 brumaire an III (30 octobre 1794) et les écoles centrales le 7 ventôse an 111 (25 février 1795), tous deux proposés pendant le régime robespierriste, soulignaient le rôle du Muséum en tant que centre des centres119. Il devait être une source de lumières politiques, agricoles et morales qui pourraient, selon Thouin, “instruire des Républicains actifs qui venus de tous les départements y vinssent rapporter les connaissances nécessaires au perfectionnement des Sciences et des Arts qui tiennent de si près au bonheur de l’humanité”120. Dans le discours d’ouverture de son cours de l’an II, Mertrud, le professeur d’anatomie des animaux, offrait à ses étudiants, de la part du Muséum national d’histoire naturelle, “les riches connaissances des trois règnes de la Nature ; recueillez-les de toute part, pour les répandre ensuite dans le sein de la République, au bénéfice de l’humanité ; vos succès ne seront point sans récompense”121.
40Ce modèle d’instruction publique était basé sur les cours sur la fabrication de la poudre à canon et du salpêtre donnés dans le laboratoire de chimie du Muséum aux citoyens de plusieurs districts, au cours de ventôse an II (février 1794), sur ordre du Comité de salut public122. Les leçons de Fourcroy pour cette cause révolutionnaire connurent un tel succès que l’expérience fut répétée à l’École de Mars pendant l’été de l'an II123. Là encore, le but était qu’après avoir reçu l’instruction, les étudiants retourneraient dans leurs départements transmettre à leurs concitoyens la lumière du savoir. Au cours du printemps et de l’été de l'an II, l’enseignement de l’histoire naturelle était envisagé selon le même mode de fonctionnement. Le 6 floréal an II (25 avril 1794), le texte du décret allouant des fonds pour rénover les jardins botaniques exprimait la même idée : “Le Muséum est, pour ainsi dire, un réservoir commun, qui fournira aux autres jardins et recevra d’eux des échanges ; ces jardins répandront dans leur voisinage des lumières, par l’exemple d’une culture éclairée”124. Les musées et les différentes écoles instaurés par les Jacobins laissaient apparaître une approche commune de l’instruction publique, la diffusion des lumières du centre à la périphérie par la simple force du zèle républicain. Les étudiants éclairés retourneraient dans leur province pour en quelque sorte faire rejaillir leurs lumières sur leurs compatriotes. La création de jardins provinciaux est explicitement décrite comme une solution au problème de l’ordre public dans un brouillon de commentaire peut-être écrit par Jean Thouin, le frère d’André. “Les Jardins destinés à l’instruction des jeunes élèves de la Nation doivent être simples agréables et instructifs [...]. C’est en mettant de bonne heure sous les yeux des jeunes citoyens les productions de la nature, leur en inspirant l’amour, qu’on parviendra à les leur faire connaître et qu’on leur ménagera des ressources de plusieurs genres contre les faux goûts et contre l’ennui et le désœuvrement source de tous les maux”125. Le nouveau Muséum, incarnation de la gestion bourgeoise d’une économie de spécimens, était maintenant devenu un site où les spécimens étaient utilisés pour gérer les personnes.
41Puisque la nature, l’objet et le but de l’exposition avaient changé avec l’ordre politique et moral, de même, les disciplines qui avant la Révolution avaient principalement attiré leur public grâce à l’exposition devaient être modifiées. Fourcroy évoquait la Convention qui avait “arraché au luxe et à l’oisiveté” les terres de la noblesse pour les convertir à la culture de “plantes utiles” : “Les collections de minéraux et d’animaux ne sont plus, comme auparavant, entassées sans goût et sans méthode, ressemblant à des trésors plutôt qu’aux musées d’hommes studieux”126. La réforme de l’histoire naturelle comme des arts passait par le démantèlement des anciennes collections du luxe et de la tyrannie et le remodèlement de leurs éléments en des objets destinés à l’instruction publique et au regard du public. C’était ainsi que l’art et la nature devaient être re-créés comme des instruments de contrôle du public à travers l’expérience individuelle. Le discours de Fourcroy à la Convention, suggérant les moyens d’encourager les sciences et les arts, désignait les spécimens transférés comme des “trésors pour l’instruction publique”, destinés à créer des ingénieurs, des astronomes, des orateurs, des historiens, des peintres, des médecins, des naturalistes et des chimistes – toutes ces catégories de personnes dont “la nation a besoin”127. La valeur attribuée aux spécimens, qu’ils fussent des productions de l’art ou de la nature, avait changé radicalement avec les nouvelles exigences de la représentation de l’ordre moral dans la société.
42De même, la nouvelle ménagerie du Muséum était en partie peuplée d’animaux soustraits de force à l’ancienne ménagerie royale de Versailles. Une caricature concernant le transfert de la famille royale à la prison du Temple en 1792 (voir figure 34) exprimait son message en représentant le roi, la reine et les enfants royaux comme des bêtes rares et dangereuses. Mais le transfert des animaux royaux au Muséum, qui eut finalement lieu en 1794, symbolisait, comme continuaient de le souligner les naturalistes du Muséum et d’autres partisans, leur conversion de monuments de luxe despotique en représentations de la vertu républicaine128. Comme le reste des présentations du Muséum, la ménagerie permit l’ouverture d’anciennes propriétés royales ou privées au regard d’un nouveau public de citoyens, mais aussi une conversion de la “monnaie” de l’histoire naturelle en devises républicaines.
43Les autorités révolutionnaires successives nommèrent des naturalistes au Jardin pour entreprendre la partie concernant l’histoire naturelle du démantèlement, du catalogage et du transport des collections confisquées. Le rôle du ministre Roland dans le dépouillement par Thouin des jardins d’émigrés* et nationaux de Paris et des environs a été traité au chapitre 2. Roland obtint également un décret de la Convention Nationale le 27 mars 1793, ordonnant le transfert de la collection d’histoire naturelle de Chantilly, découverte emmurée dans une tour, à la “collection nationale” du Jardin, et allouant quinze mille livres pour permettre l’effectuer les aménagements nécessaires pour la recevoir129. L’opération fut supervisée par la Commission des monuments, instituée en 1790 pour sauvegarder les objets d’exposition précieux dans le domaine des arts et des sciences130. Le transfert des spécimens de Chantilly au nouveau Muséum n’eut lieu qu’après la destitution de Roland : Geoffroy, Van Spaendonck et Lamarck se rendirent à Senlis pour superviser l’opération sous les auspices de Daubenton et du nouveau ministre de l’Intérieur, Garat. Ces deux événements marquèrent les premiers grands transferts de spécimens au nouveau Muséum national d’histoire naturelle. Cependant, ce fut sous les Jacobins que la redistribution des “monuments des arts et des sciences” atteignit son apogée. Le 24 août 1793, la Convention institua une Commission temporaire des arts avec pour tâche d’établir des inventaires de toutes les collections “nationales” confisquées. Cinq jours plus tard, ses trente-huit membres, appartenant à tous les domaines des arts, commençaient la première d’une longue série de réunions aux bureaux du Comité d’instruction publique131. Thouin et Desfontaines représentaient la section botanique de la Commission ; Lamarck prit plus tard place dans la section zoologique, après le départ pour Bayonne de l'adjoint* Alexandre Brongniart. Pendant toute la période d’existence de la Commission, il y eut au moins deux fois autant de membres pour l’histoire naturelle que pour aucun autre domaine.
44Pendant les onze mois qui suivirent, ces commissaires sillonnèrent la zone qui leur avait été désignée, dans un rayon de trente lieues* autour de Paris, pour faire des inventaires de collections précieuses appartenant à des émigrés*, à des condamnés et à la famille royale. Thouin et Desfontaines déposèrent finalement leurs inventaires auprès de la commission exécutive de l’instruction publique de Robespierre le 3 thermidor an II (21 juillet 1794)132. Ils avaient catalogué vingt-cinq collections ou dépôts différents, avec un total de 1 061 675 arbres133. Il en restait treize à faire. Lors de chaque transfert, les spécimens précieux et rares étaient expédiés au Muséum d’histoire naturelle central ou, dans le cas des objets d’art, au Muséum national des arts. Les objets de moindre valeur et les copies étaient stockés dans des dépôts réservés à cet effet, comme l’ancienne Maison des Petits-Augustins. Les plantes vivantes avaient aussi leurs dépôts ; le jardin du Trianon en était un : Antoine Richard, le correspondant de Thouin et Desfontaines, s’y occupait des plantes jusqu’à ce qu’on pût les transférer ailleurs. Souvent, si un terrain présentait un intérêt particulier pour l’histoire naturelle, la culture ou l’économie rurale, Thouin adressait un appel spécial à la Convention, par l’intermédiaire de Fourcroy, pour le faire exclure de la vente des biens nationaux*134.
45Les productions de l’art et de la nature qui étaient confisquées, cataloguées et renvoyées à Paris provenaient de nombreux endroits de France et plus tard d’autres parties de l’Europe conquises par l’armée révolutionnaire, de Belgique et de Hollande en l’an III et IV et d’Italie en l’an VI. Une fois les meilleurs spécimens mis de côté pour les deux collections nationales, les spécimens restants étaient triés pour être transférés aux collections départementales, puis emballés et expédiés par les membres de la commission135. Il manque une étude détaillée montrant dans quelle mesure les envois des musées nationaux atteignirent leur destination et servirent effectivement à fonder des collections. Il semble cependant probable que la Terreur, les problèmes liés à une bureaucratie centralisée et un chaos administratif généralisé aient entravé ces envois optimistes de Paris. Néanmoins, les documents de Thouin suggèrent un succès au moins partiel du nouveau réseau136.
46Les activités de la commission, qui aboutirent à un afflux quasi-continuel de nouveaux objets dans les nouveaux musées, furent en partie stimulées par des incidents que le député Grégoire qualifia plus tard de vandalisme* des propriétés nationales137. Il était préférable que les spécimens rares et précieux fussent surveillés dans un nombre limité de dépôts officiels tenus par des hommes formés pour cela. L’une des tâches de Geoffroy et Lamarck à Senlis était l’évaluation de l’ensemble de la collection, qu’ils accomplirent avec Gilles Gaillard, un marchand de spécimens d’histoire naturelle138, et les deux administrateurs du district de Senlis. Les savants du Jardin étaient considérés par les députés comme des experts sur la valeur des objets d'histoire naturelle, jouant un rôle dans la conservation des richesses de la nation139. Cependant, l’établissement de l’inventaire faisait aussi partie de l’objectif des Jacobins de faire du Muséum d’histoire naturelle et de son établissement frère le Muséum des arts les collections les plus riches et les plus extraordinaires au monde.
47Les objets des collections confisquées n’étaient pas seulement déplacés d’un endroit à un autre, mais transférés d’une manière bien plus fondamentale en étant renommés et réorganisés philosophiquement et physiquement par les commissaires140. Quel qu’ait pu être l’ordre original de la collection, Thouin et Desfontaines choisissaient l’ordre préféré au Muséum pour réaliser leur inventaire national : la nomenclature linnéenne et la méthode de Jussieu. La méthode de Jussieu fit également son entrée au programme des écoles centrales141. En ce sens, les naturalistes de l’ancien Jardin commencèrent à acquérir un contrôle véritablement national sur l’ordre naturel, en l’appliquant aux spécimens d’histoire naturelle qui devaient alimenter les collections des départements et en contrôlant l’interprétation morale des productions naturelles.
■
48Le soutien gouvernemental au Muséum, et aux établissements d’histoire naturelle et de beaux-arts en général, pendant les ans II et III, émanait d’un programme d'instruction publique particulier qui cherchait à générer un nouvel ordre public tout en maintenant simultanément les législateurs à distance de la scène de la production taxinomique. Le Muséum servait de site d’instruction privilégiant le comportement public, par rapport à la conduite privée. Pendant les premières années de la République, quasiment tous les aspects de l’individu devinrent des questions publiques. Non seulement la tenue vestimentaire et le langage devaient être conformes à l’existence révolutionnaire, mais aussi (ou peut-être surtout) l’expression des émotions142. Au Muséum, on définissait même les sentiments appropriés pour le bon citoyen confronté au spectacle moral de la Nature. De fait, au fur et à mesure que l’espace public s’étendait, l’espace privé rétrécissait, jusqu’au point où même l’état moral intérieur de l’individu devint soumis à une intervention visant à vaincre la corruption ; mais ces rejets de l’Ancien Régime et de ses pratiques étaient venus du cœur, de l’intérieur de chaque citoyen, puisque la fondation de la République était la nature même, la nature si profondément ancrée au sein de l’humanité.
49L’histoire naturelle au Muséum était précieuse pour les députés jacobins parce qu'elle symbolisait la maîtrise invisible du spectacle. Dans le cadre restreint du Muséum, les naturalistes possédaient le pouvoir de mettre en évidence les liens entre le fonctionnement des lois de la Nature dans l’univers dans son ensemble, et le fonctionnement de ces mêmes lois dans la nouvelle République. Le bien-fondé et la perfection de ces lois étaient mis en évidence par les professeurs lorsqu’ils indiquaient à leur public comment regarder les collections. Les citoyens éprouvaient une réaction émotionnelle à la vue de la nature dans le cadre soigneusement ordonné d’une collection d’histoire naturelle ; à travers leur sensibilité* innée, ils seraient régénérés, à la fois moralement et physiquement, par le Muséum. Le transfert des objets d’art et de la nature et les fêtes révolutionnaires étaient ainsi différents aspects d’une même entreprise, où le spectacle public était recadré pour toucher la sensibilité du citoyen.
50Sous la Révolution, l’établissement connut un déclin de sa fonction de centre d’une correspondance fondée sur le patronage. Ne dépendant plus exclusivement pour ses revenus de réseaux de protégés et de protecteurs, il était désormais un centre diffusant la propagande révolutionnaire, aussi bien à travers l’enseignement des professeurs qu’à travers la distribution de spécimens qui permettraient de montrer dans d’autres cadres le spectacle moral de la nature. La répétition, partout en France républicaine, de la vision de l’histoire naturelle des naturalistes du Muséum, dénotait aussi l’expansion des frontières du Muséum à l’échelle de la nation ; grâce à l’émulation, une utopie du jardin allait peu à peu se propager à l’ensemble de la France républicaine. Même le rôle du Muséum dans la distribution des connaissances agricoles et des plantes comestibles répondait à la fois au besoin des conventionnels* de maîtriser les symboles d’un gouvernement républicain vertueux et à la crise de subsistance. L’expérience fut toutefois de trop courte durée pour avoir un effet durable sur les pratiques agricoles françaises, comme l’ont souvent souligné les historiens143.
51En bref, le Muséum d’histoire naturelle était le lieu où la future perfection de la France pouvait être montrée à tous les citoyens. Même si ces perspectives d’avenir pour l’histoire naturelle ne se concrétisèrent pas, leur ampleur indique l’importance considérable du Muséum et de ses douze professeurs pour le nouveau système politique. Le Jardin et les naturalistes qui y travaillaient tirèrent un grand profit de cette traduction des besoins des Jacobins par l’intermédiaire de leurs propres pratiques. En tant que site de fabrication invisible de l’ordre naturel, le Muséum bénéficiait d’un soutien considérable de la Convention, dont un afflux continuel de spécimens et la promesse d’encore plus de ressources spatiales et financières. Ainsi, croire sur parole les affirmations de l’époque sur l’iconoclasme scientifique et artistique des Jacobins revient à lire le régime de Robespierre avec les yeux du Directoire144. La majeure partie de ce qui a été écrit sur les Robespierristes et les sciences et les arts s’appuie sur ces portraits polémiques de barbarisme culturel. Cependant, ces récits étaient souvent l’œuvre d’individus qui avaient servi sous Robespierre et le Comité de salut public, et qui après le 9 thermidor cherchaient à brouiller leur piste en se décrivant comme des modérés forcés à obéir au tyran. Ainsi, Fourcroy et Grégoire s’efforcèrent tous deux, après le 9 thermidor, de décrire le régime de Robespierre comme prônant des politiques de “vandalisme”, à un moment où ils cherchaient à prendre leurs distances vis-à-vis de la dictature déchue ; néanmoins, comme nous l’avons vu, ils avaient tous deux joué un rôle essentiel dans l’exécution de ses projets d’instruction publique. Par exemple, en avril 1793 – à l’époque même où, à en croire ses déclarations ultérieures, le “vandalisme”* jacobin aurait été le plus actif – Fourcroy s’en était pris à ceux qui considéraient la République comme un système politique arbitrairement destructeur145.
52La propagation, partout en France, de l’enseignement de l’histoire naturelle peut donc également être envisagée comme l’expansion d’un régime de gestion du public. L’avenir de l’histoire naturelle et les frontières du Muséum d’histoire naturelle dépendaient du succès de ce programme. Il est donc approprié que l’échec du projet d’agrandissement du Muséum ait été lié à son échec dans l’accomplissement de son rôle de contrôle de son public. Après le 9 thermidor, d’anciens membres du Comité d’instruction publique et de la Commission temporaire des arts, dont Fourcroy, Thibaudeau, Louis-François-Antoine Arbogast et Noël-Gabriel-Luce Villar, continuèrent à promouvoir la réalisation du projet d’agrandissement. Cependant, si le Jardin de l’Ancien Régime s’était adressé à une élite, le nouveau système d’éducation publique dont le Muséum faisait partie était de nature explicitement démocratique. Il allait s’avérer très difficile de contrôler la manière dont un public non initié à la culture visuelle experte de la société polie interpréterait les affirmations des savants. L’École normale ouverte fin 1794 dans l’amphithéâtre du Muséum ferma en moins d’un an, car les étudiants, incapables de suivre les cours des professeurs, gaspillaient les ressources des départements dans les cafés parisiens146. Quelques mois après la chute de Robespierre, le projet de quintuplement de la surface du Muséum avait été réduit à un doublement147. Le Muséum avait toujours ses partisans jacobins, mais un projet de décret* présenté en 1795 par Thibaudeau, à la fin d’un long discours enflammé décrivant la puissance du Muséum en tant que spectacle naturel, ne parvint à obtenir que le rétablissement de Lacepède au poste de troisième professeur de zoologie ; d’autres demandes, comme l’augmentation du traitement des professeurs, le paiement de dettes importantes pour des travaux publics et l’achat de terrains devant être rattachés à l’établissement, furent ignorées148. Entre-temps, la fondation la même année du nouvel Institut national des sciences et des arts amenait un puissant rival sur la scène scientifique149. En dehors du Muséum aussi, l’exercice d’une autorité centralisée dut céder devant un imbroglio de prétentions territoriales rivales, tandis que les propriétaires des terrains adjacents protestaient auprès de la Convention quant à la manière dont ils étaient dédommagés pour leurs terres150. Après une année d’inaction, le Directoire nomma le 9 fructidor an V (26 août 1797) une commission spéciale pour faire un rapport sur le Muséum. Dans l’intérêt de l’économie et de la propriété, mais probablement surtout en raison de l’affaiblissement de leurs relations politiques, les professeurs renoncèrent en 1797 à toute prétention à faire appliquer le projet d’expansion151. Les derniers vestiges de leur vision ambitieuse avaient disparu.
Notes de bas de page
1 Une version antérieure de ce chapitre est parue sous le titre “Le Spectacle de la nature : contrôle du public et vision républicaine dans le Muséum jacobin”, in Blanckaert (Claude), Cohen (Claudine), Corsi (Pietro), Fischer (Jean-Louis) (sous la dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1997, pp. 457-479 (Archives ; 3).
2 Hamy (Ernest-Théodore), “Les Derniers jours du Jardin du roi et la fondation du Muséum d’histoire naturelle”, in Centenaire de la fondation du Muséum d’histoire naturelle, 10 juin 1793-10 juin 1893 : volume commémoratif publié par les professeurs du Muséum, Paris : impr. nationale, 1893, p. 66.
3 Sur les beaux-arts pendant la période révolutionnaire, voir Poulot (Dominique), “Le Louvre imaginaire : essai sur le statut du musée en France, des Lumières à la République”, Historical Reflections, vol. 17, 1991, pp. 171-204 ; Harten (Elke), Museen und Museumsprojekte der französischen Revolution : Ein Beitrag zur Entstehungsgeschichte einer Institution, Kunstgeschichte, Band 24, Munster : Lit, 1989, 663-60 p. ; Crow (Thomas Eugene), Emulation : Making Artists for Revolutionary France, New Haven : Yale University Press, 1995, 364 p. ; Leith (James A.), Media and Revolution : Moulding a New Citizenry in France during the Terror, Toronto : University of Toronto Press, 1968, 90 p. ; Leith (James A.), The Idea of Art as Propaganda in France, 1750-1799 : a Study in the History of Ideas, Toronto : University of Toronto Press, 1965, IX-184 p. ; Leith (James A.), Space and Revolution : Projects for Monuments, Squares, and Public Buildings in France, 1789-1799, Montreal : McGill-Queen’s University Press, 1991, XIV-363 p. Sur la nature révolutionnaire, voir Corvol (Andrée) (sous la dir.), La Nature en Révolution, 1750-1800, Paris : L’Harmattan, 1993, 232 p. ; Harten (Hans-Christian), Harten (Elke), Die Versöhnung mit der Natur. Gärten, Freiheitsbäume, republikanische Wälder, heilige Berge, und Tugendparks in der französischen Revolution, Reinbek : Rowohlt, 1989, 239 p. ; Richefort (Isabelle), “Métaphores et représentations de la nature sous la Révolution”, in Corvol (Andrée), Richefort (Isabelle) (sous la dir.), Nature, environnement, et paysage : l’héritage du XVIIIe siècle : guide de recherche archivistique et bibliographique, Paris : L’Harmattan, 1995, pp. 3-17.
4 Le culte révolutionnaire du sentiment de la nature est traité dans Trahard (Pierre), La Sensibilité révolutionnaire, 1789-1794, Paris : Boivin, 1936, 283 p., chapitre 6.
5 Sloan (Phillip R.), “The Buffon-Linnaeus Controversy”, Isis, vol. 77, 1976, pp. 356-375.
6 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Discours sur la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi, Paris : impr. royale, 1749, vol. I, pp. 3-62.
7 Dagognet (François), “L’Animal selon Condillac”, in Condillac (Étienne Bonnot de), Traité des animaux, [éd. par Dagognet François], Paris : Vrin, 1987, pp. 10-131 ; Chisick (Harvey), The Limits of Reform in the Enlightenment : Attitudes toward the Education of the Lower Classes in Eighteenth-Century France, Princeton : Princeton University Press, 1984, XVI-324 p. ; Stettler (Antoinette), “Sensation und Sensibilität : Zu John Lockes Einfluβ auf das Konzept der Sensibilität im 18. Jahrhundert”, Gesnerus, vol. 45, 1988, pp. 445-460. Py (Gilbert), Rousseau et les éducateurs : étude sur la fortune des idées pédagogiques de Jean-Jacques Rousseau en France et en Europe au XVIIIe siècle, Oxford : Voltaire Foundation, 1997, VI-624 p., et Bloch (Jean), Rousseauism and Education in Eighteenth-Century France, Oxford : Voltaire Foundation, 1995, XI-261 p., sont moins intéressés par le modèle du processus d’acquisition du savoir étayant les différents projets d’instruction publique.
8 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Introduction à l’histoire naturelle”, in Daubenton (Louis-Jean-Marie), Histoire naturelle des Animaux, Paris : Panckoucke, 1782, vol. I, p. I [Partie de l’Encyclopédie méthodique, ou par ordre de matières. Par une Société de gens-de-lettres, de savants, et d’artistes, Paris ; Liège, 1782-1830, 190 vols] ; voir également Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Cours de Zoologie professé après 1786, soit à l’École normale soit au Collège de France, soit à l’école d’Alfort. Mammifères”, f°. 1 (BCMNHN, MS 807).
9 Roberts (Lissa), “The Death of the Sensuous Chemist : the ‘New’ Chemistry and the Transformation of Sensuous Technology”, Studies in History and Philosophy of Science, vol. 26, 1995, pp. 503-530 ; Schaffer (Simon), “Self Evidence”, Critical Inquiry, vol. 8, 1992, pp. 328-362.
10 Jussieu (Antoine-Laurent de), “Examen de la famille des Renoncules”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1773, Paris : impr. royale, 1777, Mémoires, pp. 214-240.
11 Metzger (Hélène), Les Doctrines chimiques en France du début du XVIIe à la fin du XVIIIe siècle, Paris : Presses Universitaires de France, 1923, 496 p. ; Goupil (Michelle), Du flou au clair ? Histoire de l’affinité chimique de Cardan à Prigogine, Paris : CTHS, 1991, chapitres 4 et 5 ; Anderson (Wilda A.), Between the Library and the Laboratory : the Language of Chemistry in Eighteenth-Century France, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1984, pp. 56, 73-74 ; Geoffroy (Étienne-François), “Table des différents rapports observés en Chimie entre différentes substances”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1718, Paris : impr. royale, 1719, Mémoires, pp. 202-212.
12 Guyton de Morveau (Louis), “Affinité”, in Dictionnaire de chimie, Encyclopédie méthodique, Paris : Panckoucke, 1786, vol. I, pp. 535-536, cité dans Goupil (Michelle), Du flou au clair ?..., op. cit., p. 180.
13 Jussieu (Antoine-Laurent de), “Examen de la famille des Renoncules”, art. cit., p. 214.
14 Jussieu (Antoine-Laurent de), “Exposition d’un nouvel ordre de plantes adopté dans les démonstrations du Jardin royal”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1774, Paris : impr. royale, 1778, Mémoires, pp. 175-197.
15 Sur les plantes en tant qu’entités actives, voir Delaporte (François), Le Second règne de la nature : essai sur les questions de la végétalité au XVIIIe siècle, Paris : Flammarion, 1979, 242 p., en particulier pp. 160-199.
16 Les rapports sont traités dans Desfontaines (René-Louiche), “Histoire naturelle. Cours de botanique élémentaire et de physique végétale. Discours d’ouverture”, La Décade philosophique, littéraire et politique, no 5, 1795, pp. 449-461, 513-520 ; no 6, 1796, pp. 1-11, 129-143, 193-202, 321-330 et 449-453 ; Geoffroy Saint-Hilaire (Étienne), “Mémoire sur les rapports naturels des Makis Lémur”, Magazin encyclopédique, ou Journal des Sciences, des Lettres et des Arts, vol. I, 1796, pp. 20-36 ; Bosc d’Antic (Louis-Guillaume), “Ripiphorus”, et “Coturnix Ypsilophorus”, Journal d’Histoire naturelle, vol. II, 1794, pp. 293-296 et 297-298 ; voir également Légée (Georgette), “Étienne-Pierre Ventenat (1757-1806), botaniste limousin, face aux problèmes de classification et de sexualité végétales”, Comptes Rendus du 102e congrès national des sociétés savantes, Limoges, 1977, Section des sciences, vol. III, 1977, pp. 33-46. Ventenat, bibliothécaire de la bibliothèque Sainte-Geneviève, qui devint par la suite professeur à l’École centrale du Panthéon, fut l’un des principaux avocats de la méthode naturelle à ses débuts.
17 Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), “Sur l’étude des rapports naturels” Journal d'Histoire naturelle, vol. I, 1792, p. 362.
18 Idem, p. 365.
19 Daudin (Henri), De Linné à Jussieu : méthodes de la classification et idée de série en botanique et en zoologie (1740-1790), Paris : Félix Alcan, 1926,11-264 p. ; Guédès (Michel), “Jussieu’s Natural Method”, Taxon, vol. 22, 1973, pp. 211-219 ; Stevens (Peter F.), The Development of Biological Systematics : Antoine-Laurent de Jussieu, Nature, and the Natural System, New York : Columbia University Press, 1994, XXIII-616 p. ; pour les descriptions de l’ordre naturel par Linné, voir Eriksson (Gunnar), “Linnaeus the Botanist”, in Frängsmyr (Tore) (sous la dir.), Linnaeus : the Man and his Work, Canton, MA : Science History Publications, 1994, pp. 63-109 ; Duris (Pascal), Linné et la France, 1780-1850, Genève : Droz, 1993, 281 p. ; Müller-Wille (Staffan), Botanik und weltweiter Handel : Zur Begründung eines Natürlichen Systems der Pflanzen durch Carl von Linné, 1707-1778. Band 3 : Studien zur Theorie der Biologie, Berlin : Verlag für Wissenschaft und Bildung, 1999, 348 p., chapitres 2 et 3 ; Larson (James L.), Reason and Experience : the Representation of Natural Order in the Work of Carl Linnaeus, Berkeley : University of California Press, 1971, VII-171 p. ; Stafleu (Frans A.), Linnaeus and the Linnaeans : the Spreading of their Ideas in Systematic Botany, Utrecht : Oosthoek, 1971, XVI-386 p., en particulier chapitre 9. Sur Adanson, voir Guédès (Michel), “La Méthode taxonomique d’Adanson”, Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, vol. 20, 1967, pp. 361-386 ; Stafleu (Frans A.), “Adanson and his ‘Familles des Plantes”’, in Lawrence (George H. M.) (sous la dir.), Adanson : the Bicentennial of Michel Adanson’s Familles des Plantes, Pittsburgh : Hunt Botanical Library ; Carnegie Institute of Technology, 1963-1964, vol. I, pp. 123-264, en particulier pp. 178-202.
20 Tourneux (Maurice) (sous la dir.), Correspondance littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc. revue sur les textes originaux, comprenant, outre ce qui a été publié à diverses époques, les fragments supprimés en 1813 par la censure ; les parties inédites conservées à la Bibliothèque ducale de Gotha et d l'Arsenal à Paris, Paris : Garnier frères, 1877-1882, vol. III, p. 132. Voir également Brongniart (Adolphe), “Notice historique sur Antoine Laurent de Jussieu”, Annales des sciences naturelles, vol. 7,1837, pp. 5-24.
21 Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de). “Éloge de M. de Jussieu”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1777, Paris : impr. royale, 1780, Histoire, pp. 94-117.
22 Daudin (Henri), De Linné à Jussieu..., op. cit., pp. 210-212. Les citations sont traduites du latin par Daudin.
23 Daubenton (Louis-Jean-Marie), fragment MS apparemment une partie des “Caractères distinctifs de la conformation de l’homme et des animaux”, [après 1793] (BCMNHN, MS 218).
24 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Des sens en général”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière. op. cit., vol. III, chapitre 8.
25 Bobé (Louis) (sous la dir.), Mémoires de Charles Claude Flahault, comte de La Billarderie d’Angiviller : notes sur les mémoires de Marmontel publiés d’après le manuscrit, Copenhague : Levin et Munksgaard, 1933, p. 56.
26 C’est ce qu’exprimait le poème satirique de Champcenetz contre Buffon en 1787 :
“C’était dans le repos du travail et de la nuit,
L’image de Buffon devant moi s’est montrée
Comme au Jardin du roi pompeusement parée.
Ses erreurs n’avaient point abattu sa fierté :
Même il usait encore de ce style apprécié
Dont il eut soin de peindre et d’orner son ouvrage
Pour éviter des ans l’inévitable outrage.”
(Cité dans Buffon [Georges-Louis Leclerc, comte de], Correspondance générale [de] Buffon, recueillie et annotée par H. Nadault de Buffon, Genève : Slatkine, 1971, vol. II, p. 341).
27 Sloan (Phillip R.), “Organic Molecules Revisited”, in Beaune (Jean-Claude), Benoît (Serge), Gayon (Jean), Woronoff (Denis) (sous la dir.), Buffon 88 : actes du colloque international pour le bicentenaire de la mort de Buffon, Paris, Montbard, Dijon, 14-22 juin 1988, Paris : Vrin ; Institut interdisciplinaire d’Études épistémologiques, 1992, pp. 162-187 ; Spary (Emma C), “Codes of Passion : Natural History Specimens as a Polite Language in Late Eighteenth-Century France”, in Bödeker (Hans Erich), Reill (Peter Hanns), Schlumbohm (Jürgen) (sous la dir.), Wissenschaft als kulturelle Praxis, 1750-1900, Göttingen : Vanderhoek et Ruprecht, 1999, pp. 105-135. Ces critiques émanaient particulièrement du cercle d’expérimentateurs naturalistes de Réaumur ; cf. Bonnet (Charles), “Observations sur quelques auteurs d’histoire naturelle”, in Tourneux (Maurice) (sous la dir.), Correspondance littéraire, philosophique et critique..., op. cit., vol. IV, p. 169 ; Hublard (Émile), Le Naturaliste hollandais Pierre Lyonet : sa vie et ses œuvres (1706-1789) d’après des lettres inédites, Bruxelles : J. Lebègue et Cie, 1910, p. 50.
28 Bobé (Louis) (sous la dir.), Mémoires de Charles Claude Flahault, comte de La Billarderie d’Angiviller..., op. cit., p. 54 ; Marmontel (Jean-François), Mémoires : édition critique établie par John Renwick, Clermont-Ferrand : G. de Bussac, 1972, pp. 224-225, publié à l’origine en 1804 dans ses Œuvres posthumes. Durant ces années, les poètes et philosophes aveugles étaient réhabilités comme des génies créatifs ; voir Paulson (William R.), Enlightenment, Romanticism, and the Blind in France, Princeton : Princeton University Press, 1987, IX-259 p., chapitre 5.
29 Dawson (Virginia P.), Nature’s Enigma : the Problem of the Polyp in the Letters of Bonnet, Trembley, and Réaumur, Philadelphia : American Philosophical Society, 1987, 266 p., cite de nombreuses lettres entre Réaumur et Bonnet suggérant une problématique semblable autour des prétentions de ce dernier à la connaissance après qu’il avait perdu la vue encore jeune.
30 Staum (Martin S.), Cabanis : Enlightenment and Medical Philosophy in the French Revolution, Princeton : Princeton University Press, 1980, Xl-430 p. ; Jordanova (Ludmilla J.), The Natural Philosophy of Lamarck in its Historical Context, Thèse de Ph.D., Université de Cambridge, 1976, chapitre 5.
31 Mauduyt de La Varenne (Pierre-Jean-Claude), “Ornithologie”, in Daubenton (Louis-Jean-Marie), Histoire naturelle des Animaux, Paris : Panckoucke, 1782, vol. I, p. 360.
32 Vicq d’Azyr (Félix), Traité d’Anatomie et de Physiologie, avec des Planches coloriées représentant au naturel les divers organes de l’Homme et des Animaux, Paris : Didot l’aîné, 1786, t. 1 [aucun autre publié], et voir Vicq d’Azyr (Félix), “Recherches sur la structure du Cerveau, du Cervelet, de la Moelle allongée, de la Moelle épinière ; & sur l’origine des Nerfs de l’Homme et des Animaux”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1781, Paris : impr. royale, 1784, pp. 495-622. Sur la sensibilité, voir Staum (Martin S.), Cabanis..., op. cit.
33 Melot (Michael), “Caricature and the French Revolution : the Situation in France in 1789”, in French Caricature and the French Revolution, Chicago : University of Chicago Press, 1988, p. 28.
34 Sur la physiognomonie, voir Tytler (Graeme), Physiognomy in the European Novel, Princeton : Princeton University Press, 1982, XIX-436 p. ; Porter (Roy S.), “Making Faces : Physiognomy and Fashion in Eighteenth-Century England”, Études anglaises, vol. 38, 1985, pp. 385-396 ; Dumont (Martine), “Le Succès mondain d’une fausse science : la physiognomonie de Johann Kaspar Lavater”, Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 54, 1984, pp. 3-30 ; Cowling (Mary), The Artist as Anthropologist : the Representation of Type and Character in Victorian Art, Cambridge : Cambridge University Press, 1989, XXII-391 p., chapitre 1. À la fin du XVIIIe siècle, les descriptions physiognomoniques étaient courantes dans les éloges.
35 Tourneux (Maurice) (sous la dir.), Correspondance littéraire, philosophique et critique..., op. cit., vol. XIII, p. 202.
36 Jussieu (Antoine-Laurent de), “Exposition d’un nouvel ordre de plantes adoptés dans les démonstrations du Jardin royal”, art. cit., p. 175 ; Jussieu (Antoine-Laurent de), “Mémoire sur les rapports existants entre les caractères des plantes, et leurs vertus”, in Histoire de la société royale de médecine avec les mémoires de médecine et de physique médicale tirés des registres de cette société, 1786, Paris : Philippe-Denys Pierres, 1790, p. 189.
37 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Discours préliminaire”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi, op. cit., vol. I, p. 25 ; voir des commentaires semblables dans l’introduction de Jussieu (Antoine-Laurent de), Genera plantarum secundum ordines naturales dispositajuxta methodum in Horto Regio Parisiensi exatarum, anno M. D. CC. LXXIV, Paris : Hérissant et Barrois, 1789, pp. II-XX. Sloan (Phillip R.), “The Buffon-Linnaeus Controversy”, art. cit., suggère de manière convaincante que ces préoccupations de Buffon provenaient de sa lecture de Locke.
38 Mavidal (Jérôme), Laurent (Émile) (sous la dir.), Archives parlementaires de 1789 à 1860 ; recueil complet des débats législatifs et politiques des chambres françaises, Paris : G. Dupont, 1867-1969, 1ère série [1787-1794], vol. 29, p. 756. La pétition était signée par Fourcroy et Desfontaines, ainsi que par Broussonet, Millin et Bosc. Sur Rousseau et la transparence, voir Starobinski (Jean), Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l’obstacle, Paris : Gallimard, 1971, 457 p.
39 Ainsi, lors de l’invention des “suspects” à l’automne 1793, chacun devait observer attentivement le langage, la tenue vestimentaire et le comportement de ses voisins pour y rechercher des indications suspectes qui pourraient révéler une corruption intérieure (Bouloiseau [Marc], La République jacobine : 10 août 1792-9 thermidor an II, Paris : Seuil, 1972, pp. 106-111).
40 Sur la sensibilité, voir Denby (David J.), Sentimental Narrative and the Social Order in France, 1760-1820, Cambridge : Cambridge University Press, 1994, XI-281 p. ; Vincent-Buffault (Anne), Histoire des larmes, XVIIIe-XIXe siècles, Paris : Rivages, 1986, 259 p. ; Moravia (Serge), “From Homme Machine to Homme Sensible : Changing Eighteenth Century Models of Man’s Image”, Journal of the History of Ideas, vol. 39, 1978, pp. 45-60 ; Staum (Martin S.), Cabanis..., op. cit. ; Haigh (Elizabeth L.), “Vitalism, the Soul, and Sensibility : the Physiology of Théophile Bordeu” Journal for the History of Medicine and Allied Sciences, vol. 31,1976, pp. 30-44. Des écrits plus abondants existent au sujet de l’Angleterre, mais ils concernent principalement la sensibilité en littérature.
41 Darnton (Robert), The Great Cat Massacre and Other Episodes in French Cultural History, Harmondsworth, Middlesex : Penguin, 1985, XIV-298 p., chapitre 6 ; Mullan (John), “Hypochondria and Hysteria : Sensibility and the Physicians”, Eighteenth Century : Theory and Interpretations, vol. 25, 1984, pp. 141-174 ; Lawrence (Chris), “The Nervous System and Society in the Scottish Enlightenment”, in Barnes (Barry), Shapin (Steven) (sous la dir.), Natural Order : Historical Studies of Scientific Culture, Beverly Hills : Sage Publications, 1979, 255 p. ; Staum (Martin S.), Cabanis..., op. cit.
42 Stafford (Barbara Maria), Voyage into Substance : Art, Science, Nature, and the Illustrated Travel Account, 1760-1840, Cambridge : MIT Press, 1984, XXIII-645 p. ; Charlton (D. G.), New Images of the Natural in France : a Study in European Cultural History, 1750-1800, Cambridge : Cambridge University Press, 1984, IX-254 p. ; Thomas (Keith), Man and the Natural World : Changing Attitudes in England, 1500-1800, Harmondsworth, Middlesex : Penguin, 1984, 425 p. ; Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, Paris : SEVPEN, 1967, vol. 2, chapitre 11.
43 Par exemple, entre autres, dans l'Histoire naturelle ou dans le Spectacle de la Nature de Pluche. Dans “De l’art d’écrire”, rédigé vers 1786, Buffon commentait : “Tous les objets que nous présente la nature, et en particulier tous les êtres vivants, sont autant de sujets pour lesquels l’écrivain doit faire non seulement le portrait en repos, mais le tableau mouvant, dans lequel toutes les formes se développeront, tous les traits du portrait paraîtront animés, et présenteront ensemble tous les caractères extérieurs de l’objet” (reproduit dans Buffon [Georges-Louis Leclerc, comte de], Correspondance générale [de] Buffon, recueillie et annotée par H. Nadault de Buffon, op. cit., vol. I, pp. 95-96).
44 Pomian (Krszysztof), Collectionneurs, amateurs, et curieux : Paris, Venise, XVIe-XVIIIe siècles, Paris : Gallimard, 1987, 367 p. ; Spary (Emma C.), “Rococo Readings of the Book of Nature”, in Frasca Spada (Marina), Jardine (Nicholas) (sous la dir.), Books and the Sciences in History, Cambridge : Cambridge University Press, 2000, pp. 255-275.
45 Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), La Conchyliologie, ou Histoire naturelle des Coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles, avec un Traité de la Zoomorphose, ou Représentation des Animaux qui les habitent, [éd. par Favanne de Montcervelle Jacques et Guillaume], 3eme éd., Paris : De Bure, 1780, 2 vols, p. XIV.
46 Idem, p. 195.
47 Vicq d’Azyr (Félix), Traité d’Anatomie et de Physiologie..., οp. cit., vol. I, p. 1. Dans “Forging Nature at the Republican Muséum”, in Daston (Lorraine), Pomata (Gianna) (sous la dir.), The Faces of Nature in Enlightenment Europe, Berlin : Berliner Wissenschafts-Verlag, 2003, pp. 163-180, j’explore plus en détail la création d’un public divisé au Muséum à partir de 1793. Voir aussi Daston (Lorraine), “Nature by Design”, in Jones (Caroline A.), Galison (Peter) (sous la dir.), Picturing Science : Producing Art, New York : Routledge, 1998, pp. 232-253 ; Daston (Lorraine), Park (Katharine), Wonders and the Order of Nature, 1150-1750, New York : Zone Books, 1998, 511 p., chapitre 7.
48 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Description du Cabinet du roy”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi, op. cit., vol. III, pp. 1-12, en particulier pp. 5-8. Ce texte fut reproduit en partie dans Diderot (Denis), “Cabinet d’histoire naturelle”, in Diderot (Denis), D’Alembert (Jean Le Rond) (sous la dir.), Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris : Briasson, 1751, vol. II, pp. 489-492.
49 Les opéras étaient Omphale (1777), à la demande de Gluck ; Alcine et Scanderberg (1781), à la demande de l’Académie royale de Musique. Les travaux de physique de Lacepède étaient l’Essai sur l’électricité naturelle et artificielle, Paris : impr. de Monsieur, 1781, 2 vols, et Physique générale et particulière, Paris : impr. de Monsieur, 1782-1784, 2 vols. Voir Théodoridès (Jean), “Le Comte de Lacepède, 1756-1825 : naturaliste, musicien, et homme politique”, Comptes Rendus du 96e congrès national des sociétés savantes, Toulouse, 1971, Section scientifique, vol. I, 1974, pp. 47-61.
50 Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), Histoire naturelle des Quadrupèdes Ovipares et des Serpents, Paris : Hôtel de Thou, 1788, 2 vols ; Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), Histoire naturelle des Serpents, Paris : Hôtel de Thou, 1789.
51 Hahn (Roger), “L’Autobiographie de Lacepède retrouvée”, Dix-huitième siècle, vol. 7, 1975, pp. 49-85.
52 Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), La Poétique de la musique, [reprod. en facsimilé de l’éd. de 1785], Genève : Slatkine, 1970, 2 vols ; Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), Physique générale et particulière, Paris : impr. de Monsieur, 1782-1784, 2 vols.
53 De nombreuses histoires modernes ont vu en Lacepède une version médiocre de Buffon, comme Hahn (Roger), “Sur les débuts de la carrière scientifique de Lacepède”, Revue d’histoire des sciences, vol. 27, 1974, pp. 347-353, notes. Voir, par exemple, Fox (Robert), “The Rise and Fall of Laplacian Physics”, Historical Studies of the Physical Sciences, vol. IV, 1974, pp. 89-136 ; Gillispie (Charles Coulston), Science and Polity in France at the End of the Old Regime, Princeton : Princeton University Press, 1980, p. 161.
54 Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), “Botanique”, in Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), Dictionnaire de Botanique, Paris : Panckoucke, 1783, vol. I, p. 440.
55 Poiret (Jean-Louis-Marie), “Plantes”, in Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), Dictionnaire de Botanique, op. cit., an XII [1803], vol. V, pp. 394-427 ; Millin de Grandmaison (Aubin-Louis), Rapport fait à la Société d’histoire naturelle, en sa séance du 21 prairial, Par A. L. Milin [sic], l’un de ses membres, sur l’ouvrage qui a pour titre : Calendario entomologico, etc. etc., de M. Giorna le fils, membre de la même société, Paris : impr. du Magazin encyclopédique, an III [1795].
56 Ce problème est traité plus avant dans Spary (Emma C), “Forging Nature at the Republican Muséum”, art. cit.
57 Maniquis (Robert M.), “The Puzzling Mimosa : Sensitivity and Plant Symbols in Romanticism”, Studies in Romanticism, vol. 8, 1969, pp. 129-155. Ces préoccupations étaient également prépondérantes dans les travaux de Linné.
58 Desfontaines (René-Louiche), “Observations sur l’irritabilité des organes sexuels d’un grand nombre de plantes”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1787, Paris : impr. royale, 1789, Mémoires, pp. 468-480. Dans Darwin (Erasmus), The Botanic Garden ; a Poem, in Two Parts. Part I : Containing the Economy of Vegetation. Part 11 : The Loves of the Plants. With Philosophical Notes, Londres : J. Johnson, 1791, 2 vols, Erasmus Darwin décrivait également le sexe des végétaux en termes émotionnels et érotiques. Voir Browne (Janet), “Botany for Gentlemen : Erasmus Darwin and The Loves of the Plants”, Isis, vol. 80, 1989, pp. 593-621 ; Browne (Janet), “Botany in the Boudoir and Garden : the Banksian Context”, et Bewell (Alan), “On the Banks of the South Sea’ : Botany and Sexual Controversy in the Late Eighteenth Century”, in Miller (David Philip), Reill (Peter Hanns) (sous la dir.), Visions of Empire : Voyages, Botany, and Representations of Nature, Cambridge : Cambridge University Press, 1996, pp. 153-172 et pp. 173-193 ; Schiebinger (Londa), Nature’s Body : Sexual Politics and the Making of Modern Science, Londres : Pandora, 1994, chapitre 1 ; Schiebinger (Londa), “The Private Life of Plants : Sexual Politics in Carl Linnaeus and Erasmus Darwin”, in Benjamin (Marina) (sous la dir.), Science and Sensibility : Gender and Scientific Enquiry, 1780-1845, Oxford : Basil Blackwell, 1991, pp. 121-143.
59 Vicq d’Azyr (Félix), Traité d’Anatomie et de Physiologie..., op. cit., vol. I, pp. 1-16.
60 Outram (Dorinda), “The Ordeal of Vocation : the Paris Academy of Sciences and the Terror, 1793-1795”, History of Science, vol. 21, 1983, pp. 251-273 ; voir également Fried (Michael), Absorption and Theatricality : Painting and Beholder in the Age of Diderot, Chicago : University of Chicago Press, 1980, chapitre 3.
61 Outram (Dorinda), Georges Cuvier : Vocation, Science, and Authority in Post-Revolutionary France, Manchester : Manchester University Press, 1984, pp. 164-165. Voir Gillispie (Charles Coulston), “The Encyclopédie and the Jacobin Philosophy of Science : a Study in Ideas and Consequences”, in Clagett (Marshall) (sous la dir.), Critical Problems in the History of Science, New York : Madison, 1959, pp. 255-289.
62 Baker (Keith Michael), Inventing the French Revolution : Essays on French Political Culture in the Eighteenth Century, Cambridge : Cambridge University Press, 1990, chapitre 8 ; Hunt (Lynn), Politics, Culture, and Class in the French Revolution, Berkeley : University of California Press, 1984, XV-251 p. ; Chartier (Roger), Les Origines culturelles de la Révolution française, Paris : Seuil, 1990, chapitre 2 ; Ozouf (Mona), “L’Opinion publique”, in Baker (Keith Michael) (sous la dir.), The Political Culture of the Old Regime, Oxford : Pergamon, 1987, pp. 419-434 ; Ozouf (Mona), “Public Opinion at the End of the Old Regime”, Journal of Modern History, vol. 60 (suppl.), 1988, pp. 1-21 ;Jaume (Lucien), “Le Public et le privé chez les Jacobins, 1789-1794”, Revue française de science politique, vol. 37, 1987, pp. 230-248 ; Hampson (Norman), Will and Circumstance : Montesquieu, Rousseau, and the French Revolution, Londres : Duckworth, 1983, X-282 p. ; Habermas (Jurgen), L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, [trad, par De Launay Marc B.], Paris : Payot, 1978, 324 p. ; Nathans (Benjamin), “Habermas’s ‘Public Sphere’ in the Era of the French Revolution”, French Historical Studies, vol. 16, 1990, pp. 620-644 ; Crow (Thomas Eugene), Painters and Public Life in Eighteenth-Century Paris, New Haven : Yale University Press, 1985, 290 p.
63 Bernardin de Saint-Pierre à Roland, fin 1792, cité dans Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes à la croisée des chemins avec André Thouin, 1747-1824, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1989, pp. 304-305.
64 BCMNHN, MS 315. Le bris du buste est mentionné dans les Mémoires auto-exculpatoires de Grégoire, dans le cadre de son attaque contre le vandalisme jacobin.
65 Schmidt (Adolf), Paris pendant la Révolution d’après les rapports de la police secrète, 1789-1800, [trad, par Viollet P.], Paris : Champion, 1880-1894, vol. I, p. 9.
66 Lanthenas (François-Xavier), “Bases fondamentales de l’instruction publique et de toute constitution libre ou moyens de lier l’opinion publique, la morale, l’éducation, l’enseignement, l’instruction, les fêtes, la propagation des lumières et le progrès de toutes les connaissances au gouvernement national républicain...”, in Mavidal (Jérôme), Laurent (Émile) (sous la dir.), Archives parlementaires de 1789 à 1860..., op. cit., vol. 64, pp. 457-458.
67 Mavidal (Jérôme), Laurent (Émile) (sous la dir.), Archives parlementaires de 1789 à 1860..., op. cit., vol. 17, p. 446. Les commentaires de Martineau étaient très probablement une allusion à l’association faite par Jean-Jacques Rousseau entre les savants et la corruption dans le Discours sur les sciences et sur les arts (Rousseau [Jean-Jacques], Discours sur les sciences et les arts. Édition critique avec une introduction et un commentaire par George R. Havens, [1751], New York : Modern Language Association of America ; Londres : Oxford University Press, 1946, en particulier p. 150).
68 Le “bureau pour l’esprit public” de Roland, un organisme s’occupant de la gestion du public, fut fondé en 1792. Voir Schmidt (Adolf), Paris pendant la Révolution d’après les rapports de la police secrète, 1789-1800, op. cit., vol. I, pp. 129-132 ; Rudé (George), The French Revolution, Londres : Weidenfeld and Nicolson, 1988, pp. 89-106.
69 Julia (Dominique), Les Trois couleurs du tableau noir : La Révolution, Paris : Belin, 1981, 394 p. ; Grenon (Michel), “Science ou vertu ? L’idée de progrès dans le débat sur l’instruction publique, 1789-1795”, Études françaises, vol. 25, 1989, pp. 177-190.
70 Schama (Simon), Citizens : a Chronicle of the French Revolution, Harmondsworth, Middlesex : Penguin, 1989, pp. 799-800 ; Hunt (Lynn), The Family Romance of the French Revolution, Londres : Routledge, 1992, p. 154 ; Herbert (R. L.), David, Voltaire, Brutus, and the French Revolution : an Essay in Art and Politics, Londres : Allen Lane, 1972, 160 p. ; Agulhon (Maurice), Marianne into Battle : Republican Imagery and Symbolism in France, 1789-1880, Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’Homme ; Cambridge : Cambridge University Press, 1979, pp. 16-19 ; Paulson (Ronald), Representations of Revolution, 1789-1820, New Haven : Yale University Press, 1983, chapitre 1.
71 Grégoire (Henri), Nouveaux développements sur l’amélioration de l’agriculture, par l’établissement de maisons d’Économie rurale ; présentés par le citoyen Grégoire à la séance du 16 brumaire, l’an deuxième de la République une et indivisible, Paris : impr. nationale, an II [1794].
72 Kersaint (Georges), “Antoine-François de Fourcroy, 1755-1809 : sa vie et son œuvre”, Mémoires du Muséum d’histoire naturelle, série D, vol. 2, 1966, pp. 1-296 ; Laissus (Joseph), “La Succession de Le Monnier au Jardin du roi : Antoine-Laurent de Jussieu et René-Louiche Desfontaines”, Comptes Rendus du 91e congrès national des sociétés savantes, 1966, Section des sciences, vol. I, 1967, pp. 137-152. L’enseignement de Brongniart au Jardin était “très brillant” (Archives nationales, AJ/15/509, pièce 274) ; Lacepède, en tant que député à l’Assemblée Nationale en 1791, était habitué à la rhétorique publique.
73 Hampson (Norman), Will and Circumstance..., op. cit., pp. 57-58, voit là un élément central de la doctrine politique de Robespierre.
74 Dutard à Garat, 9 mai 1793, cité dans Schmidt (Adolf), Tableaux de la Révolution française publiés sur les papiers inédits du département et de la police secrète de Paris, Leipzig : Veit, 1867-1870, vol. I, pp. 198-199.
75 Merlet de La Boulaye à Jean Thouin, Angers, 3 avril 1793, cité dans Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes à la croisée des chemins avec André Thouin, 1747-1824, op. cit., p. 319.
76 Lacepède, [cours sans titre], an III [1794] (BCMNHN, MS 1529).
77 Je m’appuie ici sur l’idée de Pomian que les collections jouent un rôle sémiotique en dénotant, à travers un série de signes visibles, la capture de l’invisible. Voir Pomian (Krszysztof), “Entre l’invisible et le visible : la collection”, in Collectionneurs, amateurs, et curieux : Paris, Venise, XVIe-XVIIIe siècles, op. cit., pp. 15-59 ; Baudrillard (Jean), “The System of Collecting”, in Eisner (John), Cardinal (Roger) (sous la dir.), The Cultures of Collecting, Londres : Reaktion Books, 1994, pp. 7-24 ; Hooper-Greenhill (Eilean), Museums and the Shaping of Knowledge, Londres : Routledge, 1992, IX-232 p. ; mais aussi Latour (Bruno), Science in Action : How to Follow Scientists and Engineers through Society, Milton Keynes : Open University Press, 1987, chapitre 2 ; Schaffer (Simon), “Natural Philosophy and Public Spectacle in the Eighteenth Century”, History of Science, vol. 21, 1983, pp. 1-43.
78 Ozouf (Mona), La Fête révolutionnaire, 1789-1799, Paris : Gallimard, 1976, 340 p. ; Biver (Marie-Louise), Fêtes révolutionnaires à Paris, [préf. de Tulard-Jean], Paris : Presses Universitaires de France, 1979, 223 p. ; Ehrard (Jean), Viallaneix (Paul) (sous la dir.), Les Fêtes de la Révolution : colloque de Clermont-Ferrand, juin 1974, Paris : Société des Études robespierristes, 1977, VII-645 p. ; Andia (Béatrice de), Jouffre (Valérie Noëlle) (sous la dir.), Fêtes et Révolution, Dijon : Musée des Beaux-Arts, 1989-1990, 218 p. ; Lamadon (A.), “Fêtes en Révolution, 1789-1794”, Revue d’Auvergne, vol. 103, 1989, pp. 59-82 ; Strong (Roy), Art and Power : Renaissance Festivals, 1450-1650, Woodbridge, Suffolk : Boydell, 1984, XIII-227 p. ; Parker (Noel), Portrayals of Revolution : Images, Debates, and Patterns of Thought on the French Revolution, New York : Harvester Wheatsheaf, 1990, VII-244 p. Sur le rôle de David, voir Dowd (David Lloyd), Pageant-Master of the Republic : Jacques-Louis David and the French Revolution, Lincoln : University of Nebraska Studies, 1948, XIV-205 p. ; Herbert (R. L.), David, Voltaire, Brutus, and the French Revolution..., op. cit. Rabreau (Daniel), “Architecture et fêtes dans la nouvelle Rome”, in Ehrard (Jean), Viallaneix (Paul) (sous la dir.), Les Fêtes de la Révolution : colloque de Clermont-Ferrand, juin 1974, Paris : Société des Études robespierristes, 1977, pp. 355-376, note que la nature était un thème omniprésent dans ces fêtes.
79 Robespierre (Maximilien), “Rapport fait au nom du Comité de salut public, sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains et sur les fêtes nationales”, La Décade philosophique, littéraire et politique, no 1, 1794, pp. 243-244.
80 Baker (Keith Michael), “Politics and Social Science in Eighteenth-Century France : the Société de 1789”, in Bosher (J. F.) (sous la dir.), French Government and Society, 1500-1850 : Essays in Memory of Alfred Cobban, Londres : Athlone, 1973, pp. 208-230.
81 Dowd (David Lloyd), Pageant-Master of the Republic..., op. cit. ; Leith (James A.), The Idea of Art as Propaganda in France, 1750-1799...,op. cit.
82 Parker (Noel), Portrayals of Revolution..., op. cit., chapitre 2.
83 Payan (Joseph), “Rapport et arrêté de la Commission de l’instruction publique”, 11 messidor an II [29 juin 1794], cité dans Julia (Dominique), Les Trois couleurs du tableau noir..., op. cit., p. 352.
84 Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), “Introduction au cours d’ichthyologie, donné dans les galeries du Muséum d’histoire naturelle, par le citoyen Lacepède, et commencé le 13 floreal de l’an 3e”, Magazin encyclopédique, ou Journal des Sciences, des Lettres et des Arts, vol. 1, an III [1795], p. 449.
85 Ozouf (Mona), La Fête révolutionnaire, 1789-1799, op. cit. ; Parker (Noel), Portrayals of Revolution..., op. cit., chapitre 2 ; Schama (Simon), Citizens..., op. cit., pp. 748-750.
86 Paraphrase contemporaine d’une phrase de Robespierre, “Rapport”, 243, inscrite à la base d’une image coloriée de la Nature publiée pour célébrer la Fête de l’Être Suprême en l’an II.
87 “Robespierre”, in Nouvelle biographie universelle, Paris : Firmin Didot, 1853-1866, 46 vols.
88 Robespierre (Maximilien), “Rapport fait au nom du Comité de salut public, sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains et sur les fêtes nationales”, art. cit., pp. 250-251.
89 Shapin (Steven), “Pump and Circumstance : Robert Boyle’s Literary Technology”, Social Studies of Science, vol. 14, 1984, pp. 481-520 ; Schaffer (Simon), Shapin (Steven), Leviathan and the Air-Pump : Hobbes, Boyle, and the Experimental Life, Princeton : Princeton University Press, 1985, X1V-440 p. ; Latour (Bruno), Science in Action..., op. cit., traite de l’effort pour rendre invisibles les traces produites par les praticiens scientifiques.
90 Palmer (Robert R.), The Improvement of Humanity : Education and the French Revolution, Princeton : Princeton University Press, 1985, pp. 190-191.
91 “Première adresse”, in Hamy (Ernest-Théodore), “Les Derniers jours du Jardin du roi...”, art. cit., pp. 97-100.
92 Mertrud, Discours prononcé à l’Amphitéâtre du Muséum national d’histoire naturelle, pour la clôture du cours de l’anatomie des animaux, le Primidi 11 Germinal l’an deuxième de la République française une et indivisible, Paris : [s.n.], an II [1794], 8 p. Comme le suggèrent Hans-Christian et Elke Harten, “Das Naturgeschichtemuseum verstant sich als ein Kraft der Revolution” (= “Le Muséum d’histoire naturelle se comprenait comme un pouvoir de la Révolution”, Harten (Hans-Christian), Harten (Elke), Die Versöhnung mit der Natur..., op. cit., p. 59).
93 Bernardin de Saint-Pierre, intendant du Jardin des plantes jusqu’à sa réforme, allait ensuite devenir le premier professeur de morale de l’École normale en l’an III [1797], confirmant ainsi le lien entre les questions morales et l’histoire naturelle.
94 La Décade philosophique, littéraire et politique, no 1, 20 messidor an II [8 juillet 1794], p. 455. Voir Drouin (Jean-Marc), “L’Histoire naturelle à travers un périodique : La Décade philosophique”, in Corvol (Andrée) (sous la dir.), La Nature en Révolution, 1750-1800, Paris : L’Harmattan, 1993, pp. 175-181 ; Drouin (Jean-Marc), “Le Jardin des plantes à travers La Décade philosophique”, in Fischer (Jean-Louis) (sous la dir.), Le Jardin entre science et représentation : actes du 120e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Aix-en-Provence, 1995, Paris : CTHS, 1999, pp. 47-58.
95 Bazin (Germain), The Louvre, Londres : Thames and Hudson, 1971, 264 p. ; McClellan (Andrew), Inventing the Louvre : Art, Politics, and the Origins of the Modern Museum in Eighteenth-Century Paris, Cambridge : Cambridge University Press, 1994, XIII-289 p. Le Muséum national des arts ouvrit début août 1793, mais ferma peu après pour travaux et ne fonctionna que par intermittence pendant la décennie suivante.
96 Poulot (Dominique), “Le Musée entre l’histoire et ses légendes”, Débat, vol. 40, 1988, pp. 69-83, voit le musée révolutionnaire comme étant légitimé par l’appel à un public vertueux, spontané, “mobilisable pour le Bien par la simple vue du Beau et du Vrai” (p. 72). Voir également Levin (Miriam R.), “‘Ideology’ and Neoclassicism : the Problem of Creating a Natural Society through Artificial Means”, Consortium on Revolutionary Europe, 1750-1850 : Proceedings, 1981, pp. 177-187 ; Harten (Elke), Museen und Museumsprojekte der französischen Revolution..., op. cit. ; Poulot (Dominique), “Le Louvre imaginaire...”, art. cit., pp. 183, 196 ; Poulot (Dominique), “Musée et société dans l’Europe moderne”, Mélanges de l’école française de Rome, moyen âge-temps modernes, vol. 98, 1986, pp. 991-1096 ; Vidler (Anthony), The Writing on the Walls : Architectural Theory in the Late Enlightenment, Londres : Butterworth Architecture, 1989, VII-230 p. ; Hooper-Greenhill (Eilean), Museums and the Shaping of Knowledge, op. cit. ; Hooper-Greenhill (Eilean), “The Museum in the Disciplinary Society”, in Pearce (Susan M.) (sous la dir.), Museum Studies in Material Culture, Leicester : Leicester University Press, 1989, pp. 61-72 ; Vergo (Peter) (sous la dir.), The New Museology, Londres : Reaktion Books, 1989, VIII-230 p. La “démocratisation” de l’exposition décrite dans certains de ces ouvrages tend à faire oublier la nature extrêmement contestée de la souveraineté que de telles expositions avaient pour objet d’évoquer.
97 Pickstone (John V.), “Museological Science ? The Place of the Analytical/Comparative in Nineteenth-Century Science, Technology, and Medicine”, History of Science, vol. 32, 1994, pp. 111-138.
98 Cité dans Harten (Elke), Museen und Museumsprojekte der französischen Revolution..., op. cit., p. 28. Barère avait été membre du Comité d’instruction publique à l’époque de la fondation du Muséum d’histoire naturelle.
99 Barère (Bertrand), in Le Moniteur, vol. 20, an II [1794], p. 192 (12 germinal [1er avril]), cité dans Leith (James A.), Space and Revolution..., op. cit., pp. 149, 151. Le remodelage de l’espace public est traité dans le même ouvrage, et dans Ozouf (Mona), La Fête révolutionnaire, 1789-1799, op. cit., chapitre 6.
100 La Décade philosophique, littéraire et politique, no 1, 1794, p. 401 (10 messidor [28 juin]). Ce périodique allait devenir le principal organe d’expression d’un groupe de philosophes, d’écrivains et de savants connus aujourd’hui comme les idéologues, d’après le nom de la nouvelle science des idées, l’idéologie, qu’ils cherchaient à inventer. Pendant la seconde moitié des années 1790, le professorat du Muséum allait posséder de nombreuses relations avec les idéologues au gouvernement et au sein de l’Institut national des sciences et des arts nouvellement fondé. Voir Gusdorf (Georges), La Conscience révolutionnaire : les idéologues, Paris : Payot, 1978, 551 p. ; Jordanova (Ludmilla J.), Lamarck, Oxford : Oxford University Press, 1984, VIII-118 p. ; Hahn (Roger), The Anatomy of a Scientific Institution : the Paris Academy of Sciences, 1666-1803, Berkeley : University of California Press, 1971, XIV-433 p. ; Staum (Martin S.), Cabanis..., op. cit. ; Szyfman (Léon), Jean-Baptiste Lamarck et son époque, Paris : Masson, 1982, chapitres 23-29.
101 La Décade philosophique, littéraire et politique, no 1, 1794, p. 519.
102 Michel (André), Migeon (Gaston), Les Grandes institutions de France. Le Musée du Louvre : sculptures et objets d’art du moyen âge, de la Renaissance, et des temps modernes, Paris : Renouard, 1912, 172 p. ; voir aussi le Journal de l’Instruction publique d’août 1793, cité dans Harten (Elke), Museen und Museumsprojekte der französischen Revolution..., op. cit., pp. 185-187. Dans ses Observations, Faujas décrivait Buffon comme le fondateur du “Temple de la Nature” au Jardin. On trouve d’autres références au Muséum d’histoire naturelle en tant que temple dans Cuvier (Georges), Notice historique sur Daubenton, lue à la séance publique de l’Institut national de France du 15 germinal an 8, Paris : Institut national, an IX [1800], 32 p. ; Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), Discours d’ouverture du cours d’histoire naturelle de l’homme, des quadrupèdes, des cétacés, des oiseaux, des quadrupèdes ovipares, des serpents et des poissons, Paris : [s.n.], an VII [1799], pp. 2, 3 ; Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), Discours d’ouverture et de clôture du cours d’histoire naturelle donné dans le Muséum national d’Histoire naturelle, l’an VIII de la République, Paris : Plassan, an VIII [1800], p. 5 ; Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), Discours de clôture du cours d’histoire naturelle de l’an IX, Paris : [s.n.], an IX [1801], p. 20. Cette version était beaucoup plus répandue que la description du Muséum comme un Élysée évoquée par Outram (Dorinda), “New Spaces in Natural History”, in Jardine (Nicholas), Secord (James A.), Spary (Emma C.) (sous la dir.), Cultures of Natural History, Cambridge : Cambridge University Press, 1996, pp. 255-256, et qui ne semble avoir été utilisée que lors de l’enterrement de Daubenton au Jardin.
103 Harten (Elke), Museen und Museumsprojekte der französischen Revolution..., op. cit., 2eme partie ; Leith (James A.), Space and Revolution..., op. cit., pp. 154-155 ; Sherman (Daniel), Worthy Monuments : Art Museums and the Politics of Culture in Nineteenth-Century France, Cambridge : Harvard University Press, 1989, chapitre 3. Par exemple, l’achat de la collection Joubert le 5 prairial an II [24 mai 1794] (Aulard [François-Victor-Alphonse] [sous la dir.], Recueil des actes du Comité de salut public, avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du Conseil exécutif provisoire, Paris : impr. nationale, 1889-1951, vol. 13, p. 717 ; Archives nationales, F/14/187B).
104 Kersaint (Georges), “Antoine-François de Fourcroy, 1755-1809...”, art. cit. ; Bradley (Margaret), “The Financial Basis of French Scientific Education and the Scientific Institutions of Paris, 1700-1815”, Annals of Science, vol. 36, 1979, pp. 451-492 ; Aulard (François-Victor-Alphonse) (sous la dir.), Recueil des actes du Comité de salut public..., op. cit., vols 10-17 ; Archives nationales, F/14/189B. Le 25 floréal an II [14 mai 1794], Fourcroy, Granet et David furent choisis pour superviser l’amélioration du Palais national et de son parc. Le 27 floréal an II [16 mai 1794] et le 8 messidor an II [26 juin 1794], Fourcroy et Boisset reçurent l’ordre de superviser l’amélioration du Muséum d’histoire naturelle. Le 19 messidor an II [7 juillet 1794], Fourcroy, Granet et David furent désignés pour superviser des améliorations au Muséum national des arts (Aulard [François-Victor-Alphonse] [sous la dir.], Recueil des actes du Comité de salut public..., op. cit., vol. 13, pp. 512 et 546 ; vol. 14, pp. 538 et 773).
105 Idem, vol. 13, p. 719.
106 Lettre de Fourcroy à l’administration, 27 floréal an II [16 mai 1794], cité dans Letouzey (Yvonne), Le Jardin des Plantes à la croisée des chemins avec André Thouin, 1747-1824, op. cit., p. 323. Voir BCMNHN, MS 457 ; Aulard (François-Victor-Alphonse) (sous la dir.), Recueil des actes du Comité de salut public..., op. cit., vol. 13, pp. 544-545 et 538.
107 Fleuriot-Lescot fut nommé à la Commission par Robespierre et le Comité de salut public une quinzaine de jours après avoir été choisi, avec Joseph Payan, pour diriger la Commune de Paris après l’exécution de Chaumette et de l’ancien maire de Paris, Pache. La Commission des travaux publics était l’une des commissions mises en place par le Comité de salut public pour remplacer les ministères après le 12 germinal an II [1er avril 1794] (Aulard [François-Victor-Alphonse] [sous la dir.], Recueil des actes du Comité de salut public..., op. cit., vol. 12, pp. 664-665).
108 “Premier Rapport au Comité de salut public fait par la Commission des travaux publics relativement au Jardin des plantes”, 27 floréal an II [16 mai 1794] (BCMNHN, MS 457, P. 1) ; “Second Rapport fait par la Commission des travaux publics au Comité de salut public relativement au Jardin des plantes” (BCMNHN, MS 457, f°. 2).
109 Archives nationales, F/14/187B ; La Décade philosophique, littéraire et politique, no 1, floréal an II [avril-mai 1794], pp. 445-446.
110 BCMNHN, MS 457.
111 Hahn (Roger), The Anatomy of a Scientific Institution…, op. cit., chapitre 5.
112 “Programme pour la Distribution du Terrain affecté au Muséum national d’histoire naturelle”, après floréal an II [mai 1794] (BCMNHN, MS 308) ; Harten (Hans-Christian), Harten (Elke), Die Versöhnung mit der Natur…, οp. cit., pp. 57-63.
113 “Second Rapport fait par la Commission des Travaux publics au Comité de salut public relativement au Jardin des Plantes” (BCMNHN, MS 457) (italiques originales).
114 “Projet d’arrêté présenté par la Commission des Travaux publics au Comité de salut public relativement à un Jardin national des Plantes”, an II [26 juin 1794] ; Aulard (François-Victor-Alphonse) (sous la dir.), Recueil des actes du Comité de salut public..., op. cit., vol. 13, pp. 544-546, 27 floréal an II [16 mai 1794].
115 Sur le Muséum en tant qu’utopie, voir Harten (Hans-Christian), Harten (Elke), Die Versöhnung mit der Natur..., op. cit., pp. 9-19 et 57-63 ; Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit., pp. 183-185.
116 [Thouin (Jean)], “Registre des Dons faits par le jardin National à Ses Correspondants, à de Cultivateurs ou Amateurs répandus dans les Départements de la République dans Ses Colonies et dans les différentes parties du Monde”, [an II [1794]] ; [Thouin (A.)], “Notes sur la plantation et le choix des arbres qui doivent être consacrés à la Liberté”, [s.d.] ; Hell (Franz Joseph), Suite des Notes sur les Arbres de la Liberté, [s.d.] (BCMNHN, MS 1905) ; “Jardins, Arbre de la Liberté, an 6-an 8” (Archives nationales, AJ/15/847) ; voir également Ozouf (Mona), La Fête révolutionnaire, 1789-1799, op. cit., pp. 250-256 ; Corvol (Andrée), “The Transformation of a Political Symbol : Tree Festivals in France from the Eighteenth to the Twentieth Centuries”, French History, vol. 4,1990, pp. 455-486.
117 Grégoire (Henri), Rapport et projet de décret, sur les moyens d’améliorer l’agriculture en France, par l’établissement d’une maison d’économie rurale dans chaque département, présentés à la Séance du 13 du premier mois de l’an deuxième de la République française, au nom des Comités d’Aliénation et d’instruction publique, par le Citoyen Grégoire, Paris : impr. nationale, an II [1793], p. 24. Également cité dans Harten (Hans-Christian), Harten (Elke), Die Versöhnung mit der Natur..., op. cit., p. 19.
118 Voir chapitre 2 ; aussi Harten (Elke), Museen und Museumsprojekte der französischen Revolution,.,οp. cit., p. 73. Des musées des beaux-arts fondés en 1793-1794 existent encore à Nancy, Poitiers, Reims, Toulouse et Tours, pour n’en citer que quelques-uns. Ainsi la politique d’établissement d’institutions provinciales fonctionnait-elle aussi en tandem pour favoriser les beaux-arts et l’histoire naturelle.
119 Julia (Dominique), Les Trois couleurs du tableau noir..., op. cit., pp. 154-156 et 264-267.
120 Thouin, “Programme pour la Distribution du Terrain affecté au Museum d’Histoire Naturelle” [après floréal, an II [mai 1794]] (BCMNHN, MS 308).
121 Mertrud, Discours prononcé dans l’amphithéâtre du Museum national d’Histoire naturelle, à l’ouverture du cours de l’anatomie des animaux ; le primidi 21 nivos, l’an deuxième de la République française, une et indivisible, [Paris] : impr. de la rue des Droits de l’Homme, an II [1794], 8 p.
122 Julia (Dominique), Les Trois couleurs du tableau noir..., op. cit., pp. 293-296.
123 Idem, p. 292 ; Dhombres (Nicole), Les Savants en Révolution, 1789-1799, Paris : Cité des Sciences et de l’Industrie, 1989, 180 p., chapitre 6 ; Staum (Martin S.), “Science and Government in the French Revolution”, in Knafla (Louis A.), Staum (Martin S.), Travers (T. H. E.) (sous la dir.), Science, Technology, and Culture in Historical Perspective, Calgary : University of Calgary Press, 1976, pp. 105-126 ; Gillispie (Charles Coulston), “Science and Secret Weapons Development in Revolutionary France, 1792-1804 : a Documentary History”, Historical Studies in the Physical and Biological Sciences, vol. 23, 1992, pp. 35-152.
124 Guillaume (James) (sous la dir.), Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention nationale, Paris : impr. nationale, 1891, vol. IV, p. 510.
125 Thouin [Jean ou André], [s.d.] (BCMNHN, MS 315).
126 Fourcroy (Antoine-François de), Discours sur l’État actuel des Sciences et des Arts dans la République française. Prononcé à l’ouverture du Lycée des arts le dimanche 7 Avril 1793, l’an second de la République, Paris : [s.n.], 1793, 35 p. Sur cette institution, voir Smeaton (W. A.), “The Early Years of the Lycée and the Lycée des Arts : a Chapter in the Lives of A. L. Lavoisier and A. F. de Fourcroy”, Annals of Science, vol. 11, 1955, pp. 257-267 et 309-319.
127 Fourcroy (Antoine-François de), “Rapport et projet de décret sur l’enseignement libre des sciences et des arts”, 19 frimaire an II [9 décembre 1793], cité dans Julia (Dominique), Les Trois couleurs du tableau noir..., op. cit., pp. 75-76 ; voir également Langins (Janis), La République avait besoin de savants : les débuts de l’École polytechnique : l’École centrale des travaux publics et les cours révolutionnaires de l’an III, Paris : Belin, 1987, 287 p. Sur les relations de pouvoir implicites dans les présentations muséologiques, voir, entre autres, Stocking (George W., Jr), “Essays on Museums and Material Culture”, in Stocking (George W., Jr) (sous la dir.), Objects and Others : Essays on Museums and Material Culture, Madison : University of Wisconsin Press, 1985, pp. 3-14 ; introduction de Bennett (Tony), The Birth of the Museum : History, Theory, Politics, Londres ; New York ; Routledge, 1995, X-278 p.
128 Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), Cuvier (Georges), La Ménagerie du Muséum national d’Histoire naturelle, ou les Animaux vivants, peints d’après nature..., Paris : Miger, an X [1801], pp. 1-6 ; Osborne (Michael A.), “Applied Natural History and Utilitarian Ideals : ‘Jacobin Science’ at the Muséum d’histoire naturelle, 1789-1870”, in Raglan (Bryant T., Jr), Williams (Elizabeth A.) (sous la dir.), Recreating Authority in Revolutionary France, New Brunswick : Rutgers University Press, 1992, pp. 132-133.
129 Archives nationales, AJ/15/836.
130 Poulot (Dominique), “Naissance du monument historique”, Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 32, 1985, pp. 418-450 ; Rappaport (Rhoda), “Revolutions, Accidents, and ‘Bouleversements’”, Histoire et nature, vol. 19-20, 1981-1982, pp. 57-58. Le terme “monument” était encore couramment utilisé dans le sens de “marques” ou de “jalons”.
131 BCMNHN, MS 315. Une liste des membres nommés à la Commission temporaire des arts, qui se réunit pour la première fois fin août 1793, se trouve dans Guillaume (James) (sous la dir.), Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention nationale, op. cit., vol. II, pp. 508-510.
132 La commission exécutive avait été instituée par le Comité de salut public le 12 germinal an II [1er avril 1794], pour superviser “la conservation des monuments nationaux, bibliothèques publiques, musées, cabinets d’histoire naturelle et collections précieuses ;... les écoles et le mode d’enseignement ; tout ce qui concerne les inventions scientifiques et la recherche ; la fixation des poids et mesures ; les spectacles et les fêtes nationales ; la formation de tables de population et d’économie politique” (Aulard [François-Victor-Alphonse] [sous la dir.], Recueil des actes du Comité de salut public..., op. cit., vol. 12, p. 327, art. 5). Pour les rapports achevés, voir Archives nationales, F/17/1050, F/17/1223, F/17/1224 et F/17/1238.
133 Thouin (A.), “Projet d’Organisation de la Section d’Histoire naturelle arrêté le 30 Août dans l’ass. des 6 Commissaires”, “Exposé Succincte des Travaux de la Division de Botanique Section de l’Histoire Naturelle de la Commission temporaire des Arts”, 30 messidor an II [18 juillet 1794], “Aperçu des Travaux qui restent à faire pour la division de Botanique, Section de l’Histoire Naturelle de la Commission temporaire des Arts”, vers août 1793 (BCMNHN, MS 315) ; BCMNHN, MS 312 ; Guillaumin (André), “André Thouin et l’enrichissement des collections de plantes vivantes du Muséum aux dépens des jardins de la liste civile, des émigrés, et condamnés : d’après ses notes manuscrites”, Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, 2eme série, vol. 16, 1944, pp. 483-490 ; Letouzey (Yvonne), Le Jardin des Plantes à la croisée des chemins avec André Thouin, 1747-1824, op. cit., p. 359.
134 “Métairie centrale de la République”, “Notes sur les moyens d’Employer utilement les Domaines nationaux réservés par le décret du floréal 2de.”, “Commission d’Économie rurale adjointe au Comité de salut public”, “Programme pour la Distribution du Terrain affecté au Muséum national d’histoire Naturelle” (BCMNHN, MS 308).
135 Les études sur ce point ont porté presque exclusivement sur les objets d’art renvoyés par les commissions entre 1793 et 1799 ; voir Pommier (Édouard), “La Fête de thermidor an VI”, in Andia (Béatrice de), Jouffre (Valérie Noëlle) (sous la dir.), Fêtes et Révolution, op. cit., pp. 178-215 ; Pommier (Édouard), “La Révolution française et l’origine des musées”, Communication présentée au Département d’Histoire de l’Art et de l’Architecture, Cambridge, avril 1992 ; Pommier (Édouard), Le Problème du musée à la veille de la Révolution, Montargis : Musée Girodet, 1989, 31 p. ; Müntz (Eugène), “Les Annexations de collections d’art et de bibliothèques et leur rôle dans les relations internationales, principalement pendant la Révolution française, 2ème partie”, Revue d’histoire diplomatique, vol. 9, 1895, pp. 375-393 ; Boyer (Ferdinand), Le Monde des arts en Italie et la France de la Révolution et de l’Empire : études et recherches, Turin : Società Editrice Internazionale, 1969, VII-355 p. ; Gould (Cecil), Trophy of Conquest : the Musée Napoléon and the Creation of the Louvre, Londres : Faber and Faber, 1965, chapitres 2 et 3.
136 BCMNHN, MS 313.
137 Grégoire (Henri), “Rapport sur les destructions opérées par le Vandalisme, et sur les moyens de le réprimer. Par Grégoire, Séance du 14 Fructidor, l'an second de la République une et indivisible, suivi du décret de la Convention Nationale”, “Second rapport sur le vandalisme... Séance du 8 brumaire l’an III” et “Troisième rapport sur le vandalisme... Séance du 24 frimaire l’an III”, in Grégoire (Henri), Œuvres de l’abbé Grégoire, Paris : Éditions d’Histoire sociale ; Nendeln : Kraus-Thomson Organisation, 1977, vol. II, pp. 258-278, pp. 321-334 et pp. 335-358.
138 Archives nationales, F/14/241, carton 4, dossier Desnoor.
139 Desfontaines à Garat, 3 août 1793 (Archives nationales, AJ/15/836). Cependant, les professeurs gardaient aussi leurs distances vis-à-vis de toute participation à l’évaluation commerciale des spécimens, comme en atteste la présence de Gaillard parmi les commissaires.
140 Thouin (André), “Notes relatives à la confection des Inventaires, à la conservation et au transport des objets du Règne végétal qui se trouvent dans les dépôts de la République” (BCMNHN, MS 315).
141 Pour des textes pédagogiques anciens, voir Johanneau (Éloi), Tableau synoptique de la méthode botanique de B. et A L. Jussieu, Paris : impr. de la République, an V [1797] ; [Morel (Jean-Marie)], Tableau de l’École de Botanique du Jardin des Plantes de Paris, ou Catalogue général des Plantes qui y sont cultivées et rangées par classes, ordres, genres et espèces, d’après les principes de la Méthode naturelle de A. L. Jussieu. Suivi d’une Table alphabétique des Noms vulgaires des Plantes les plus fréquemment employées en Médecine, dans les Arts, la décoration des jardins, etc. ; avec les Noms des Genres et des Espèces auxquels elles se rapportent, [1ere éd., Paris : Didot le jeune, an VIII [1800]], 2ème éd., Paris : Méquignon l’aîné, an IX [1801], 11-107 p. Un grand nombre de naturalistes enseignant dans les écoles centrales étaient des protégés des professeurs : par exemple, Alexandre Brongniart, Georges Cuvier, Sébastien Gérardin et Dominique Villars. L’organisation de l’enseignement de l’histoire naturelle dans les écoles centrales, qui s’adressaient à des adolescents, était laissée aux professeurs ; d’abord un élément important bien qu’élémentaire du programme, l’histoire naturelle perdit peu à peu du terrain lors des réformes successives et disparut à la fermeture des écoles centrales, pour ne plus jouer aucun rôle dans le programme du nouveau système de lycées qui les remplaça (Julia [Dominique], Les Trois couleurs du tableau noir..., op. cit. ; Lamande [Pierre], “La Mutation de l’enseignement scientifique en France (1750-1810) et le rôle des écoles centrales : l’exemple de Nantes”, n° spécial de Sciences et techniques en perspective, vol. 15, 1988-1989 ; Williams [L. Pearce], “Science, Education, and the French Revolution”, Isis, vol. 44, 1953, pp. 311-330).
142 Outram (Dorinda), The Body and the French Revolution : Sex, Class, and Political Culture, New Haven : Yale University Press, 1989, chapitre 5 ; Vincent-Buffault (Anne), Histoire des larmes, XVIIIe-XIXe siècles, Paris : Rivages, 1986, chapitre 5.
143 Festy (Octave), L’Agriculture pendant la Révolution française. T. 1 : Les Conditions de production et de récolte des céréales : étude d’histoire économique, 1789-1795, Paris : Gallimard, 1947, pp. 91-95 ; Price (Roger), The Economic Modernisation of France, 1730-1875, Londres : Macmillan, 1975, chapitre 2 ; mais cf. Rosenthal (Jean-Laurent), The Fruits of Revolution : Property Rights, Litigation, and French Agriculture, 1700-1860, Cambridge : Cambridge University Press, 1992, XIV-216 p. Boulaine (Jean), Histoire de l’agronomie en France, Paris : Lavoisier Tec Doc, 1992, 392 p., parle d’une lente transformation.
144 Par exemple Fayet (Joseph), La Révolution française et la science, 1789-1795, Paris : Marcel Rivière, 1960, 498 p. ; Gillispie (Charles Coulston), “The Encyclopédie and the Jacobin Philosophy of Science...”, art. cit. ; Hahn (Roger), “Élite scientifique et démocratie politique dans la France révolutionnaire”, Dix-huitième siècle, vol. 1, 1969, pp. 229-235.
145 Cf. Fourcroy (Antoine-François de), Discours sur l’État actuel des Sciences et des Arts dans la République française..., op. cit., et Grégoire (Henri), “Rapport sur les destructions opérées par le Vandalisme..art. cit. Ce dernier rapport date du mois qui suivit l’exécution de Robespierre. Voir également Vidler (Anthony), “Grégoire, Lenoir, et les ‘monuments parlants’”, in Bornet (Jean-Claude) (sous la dir.), La Carmagnole des muses, Paris : Armand Colin, 1986, pp. 131-159 ; Sprigath (Gabriele), “Sur le vandalisme révolutionnaire, 1792-1794”, Annales historiques de la Révolution française, vol. 52,1980, pp. 510-535 ; Hahn (Roger), The Anatomy of a Scientific Institution,,.,οp. cit., pp. 289-290 ; Outram (Dorinda), “The Ordeal of Vocation...”, art. cit. Parmi les autres législateurs aux préoccupations semblables, on peut citer Freron, Lanthenas, Boissy d’Anglas, Daunou et La Harpe.
146 Julia (Dominique), Les Trois couleurs du tableau noir..., op. cit., pp. 168-171.
147 Bradley (Margaret), “The Financial Basis of French Scientific Education and the Scientific Institutions of Paris, 1700-1815”, art. cit. ; Kersaint (Georges), “Antoine-François de Fourcroy...”, art. cit. ; Archives nationales, F/14/187B. Le 21 frimaire an III [11 décembre 1794], la Convention vota un décret approuvant le projet révisé à la baisse d’agrandissement du Muséum, et le 17 prairial an IV [6 juin 1796], le Directoire autorisa l’achat ou l’échange de tous les terrains concernés par le projet d’agrandissement. Voir Favard de L’Anglade (Guillaume-Jean), Rapport fait par Favard au nom d’une commission spéciale, sur des bâtiments et terrains réunis au Muséum d’histoire naturelle. Séance du 15 Brumaire an VI, Paris : impr. nationale, an VI [1797], 6 p.
148 Thibaudeau (Antoine-Clair), Rapport fait au nom des comités d’instruction publique et des finances, sur le Muséum national d’histoire naturelle... à la séance du 21 frimaire, l’an 3, Paris : impr. nationale, an III [1794], 20 p.
149 Hahn (Roger), The Anatomy of a Scientific Institution..., op. cit., chapitre 10.
150 Pétition des Propriétaires des Maisons et Terrains environnant le Jardin des Plantes, à la Convention nationale, Paris : Démonville, an Ill [1794-1795]. Les propriétaires refusaient d’être “récompensés” en assignats, qui se dévaluaient rapidement ; voir Dubois (Dieudonné), Rapport fait... au nom d’une commission, sur un Message du Directoire exécutif du 15 nivôse dernier, tendant au rapport de la loi du 9 du même mois, interprétative de celle du 17 prairial de l’an 4, concernant les terrains destinés à l’agrandissement du Muséum d’Histoire naturelle, Paris : impr. nationale, an V [1797], 34 p.
151 Favard de L’Anglade (Guillaume-Jean), Rapport fait par Favard au nom d’une commission spéciale, sur des bâtiments et terrains réunis au Muséum d’histoire naturelle..., op. cit. ; Archives nationales, F/17/1229, dossier 9. Comme le révèle la correspondance échangée entre les propriétaires locaux et le Comité d’instruction publique, la valeur du Muséum en tant que lieu d’instruction publique, et en particulier d’agriculture, n’était pas en cause.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Michel-Eugène Chevreul
Un savant, des couleurs !
Georges Roque, Bernard Bodo et Françoise Viénot (dir.)
1997
Le Muséum au premier siècle de son histoire
Claude Blanckaert, Claudine Cohen, Pietro Corsi et al. (dir.)
1997
Le Jardin d’utopie
L’Histoire naturelle en France de l’Ancien Régime à la Révolution
Emma C. Spary Claude Dabbak (trad.)
2005
Dans l’épaisseur du temps
Archéologues et géologues inventent la préhistoire
Arnaud Hurel et Noël Coye (dir.)
2011