Naturaliser l'arbre de la liberté : génération, dégénération et régénération au Jardin du roi
p. 127-185
Texte intégral
“L’arbre de la liberté serait-il le seul qui ne pût pas être naturalisé au Jardin des plantes ? ”
“Seconde adresse des officiers du Jardin des plantes à l’Assemblée Nationale”, in Adresses et projet de reglements présentés à l’Assemblée Nationale par les officiers du Jardin des plantes et du Cabinet d’histoire naturelle, d’après le décret de l’Assemblée Nationale, du 20 aout 1790, Paris : Buisson, 1790, [21-80 p.
1L’histoire naturelle, telle que la définissaient Buffon et Daubenton, était un vaste domaine. Mais c’était par l’étude des processus de changement chez les êtres vivants que l'histoire naturelle* se rapprochait le plus des préoccupations pour l’amélioration communes aux propriétaires terriens, aux législateurs, aux médecins et à de nombreux acteurs de l’administration centralisée des institutions françaises et, en fin de compte, de la nation française. J’ai suggéré au chapitre 2 qu’une grande partie des recherches françaises en histoire naturelle portaient sur l’étude de l’économie naturelle – le cycle de processus régissant la perpétuation de la nature, comme de tous les corps organisés sur terre. Les explications du fonctionnement de l’économie naturelle étaient également motivées par le besoin des naturalistes de rendre compte à leurs protecteurs du changement survenant dans le monde naturel. La capacité qu’avaient les naturalistes d’interpréter les qualités utiles des êtres vivants leur permettait de servir de conseillers à des législateurs férus d’amélioration. Toutefois, les distinctions contemporaines entre science pure et appliquée ont relégué ces activités dans les histoires de l’agriculture, de l’économie rurale et de l’élevage, plutôt que de l’histoire naturelle1. La parution récente d’études sur l’économie naturelle et le gouvernement concernant la Suède, Weimar et l’Angleterre a encore souligné l’absence de narration établissant le lien entre le rôle d’administrateurs de l’économie naturelle des naturalistes français et la fonction politique de leurs explications du changement dans le monde naturel2.
2Ainsi, les tentatives modernes pour écrire l’histoire de la biologie ont érigé entre différentes parties de la pratique de l’histoire naturelle des frontières qui reflètent le développement de la spécialisation scientifique au XIXe siècle3. Tandis qu’une étude importante recherche l’origine de “la biologie de l’évolution, la biogéographie, l’écologie, l’anthropologie physique, la géologie historique et la cosmologie modernes” dans l'histoire naturelle du XVIIIe siècle, d’autres ont porté leur attention sur la taxinomie4. Mais essayer d’établir un lien entre l’histoire naturelle du passé et la biologie moderne est problématique, car cela a conduit les historiens à interpréter sélectivement les travaux des naturalistes. Certains aspects de la discipline du XVIIIe siècle n’apparaissent même pas comme de la “véritable science” à un regard moderne, et ont par conséquent été ignorés ; d’autres sont présentés comme des exemples de l’anthropocentrisme inconsidéré de l’époque des Lumières. Il est donc devenu très difficile d’établir les liens entre les pratiques apparemment diverses qui constituaient l’histoire naturelle du XVIIIe siècle et les significations sociales et politiques que cette discipline possédait à l’époque. Dans ce chapitre, je proposerai ce que pourrait être une histoire de l’histoire naturelle si ces liens étaient considérés comme un élément essentiel de la discipline au XVIIIe siècle.
3Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, les naturalistes parisiens se penchèrent sur les effets de divers facteurs extérieurs sur les caractéristiques des êtres vivants. Les deux principaux déterminants du changement des caractéristiques d’une espèce étaient le climat – un terme général tiré des classiques, qui pouvait comprendre la qualité du sol, la composition de l’air, la température, la topographie et le degré d’humidité – et l’homme, par les processus de domestication5. Les discussions sur le climat et l’intérêt pour l’importance relative de la culture et de la nature dans la détermination des caractéristiques des êtres vivants revêtirent une dimension particulière dans les débats révolutionnaires sur la meilleure manière de gérer la société. Les théories climatiques de la régénération, fondamentales à l'histoire naturelle* après 1749, acquirent chez les révolutionnaires une implication plus utopique, devenant un moyen de mettre en œuvre des programmes pratiques pour le perfectionnement futur de l’espèce humaine. En tant qu’établissement royal et centre d’acclimatation, le Jardin des plantes s’était profondément engagé, depuis le début du mandat d’intendant de Buffon, dans l’étude de la génération, de la dégénération et de la régénération. Quoique le rôle de la dégénération dans l’œuvre de Buffon ait été traité récemment, le lien entre les significations du terme pour l’histoire naturelle et pour la politique n’a pas été analysé dans la littérature secondaire, puisqu’il a été principalement élaboré, de façon éphémère, après la mort de Buffon6. C’est essentiellement en tant que métaphores politiques que la dégénération et la régénération ont trouvé une place dans l'historiographie de la Révolution française7. Le souci d’expliquer les phénomènes caractéristiques des espèces vivantes motivait l’intérêt croissant des naturalistes pour le potentiel des nouvelles entités de la physique, y compris l’électricité, le magnétisme, les airs et même le magnétisme animal. Dans la culture radicale de la Révolution française, le modèle révisé du climat était appliqué dans les programmes nationaux de réforme de la condition physique et morale de l’humanité.
4Les naturalistes français adeptes de l’amélioration allaient au-delà de l’utilité et du patriotisme pour mettre en œuvre des programmes utopiques dans lesquels les productions naturelles jouaient un rôle formateur dans la construction de l’avenir de la France républicaine. En tant qu’administrateurs savants des sites où étaient pratiquées l’histoire naturelle et l’agriculture, les naturalistes faisaient quotidiennement l’expérience des relations entre le naturel et le social. Sous le nouveau régime, ils affirmaient que leur connaissance experte du fonctionnement de l’économie naturelle contribuerait à la compréhension du gouvernement adéquat de la société. Au Jardin des plantes, les naturalistes promettaient des explications naturalisées de la révolution et de la régénération grâce à leur compréhension privilégiée des effets de la culture sur les êtres vivants : de fait, ils promettaient de convertir la France entière en un jardin bien cultivé. Ce projet hautement politique pour l’histoire naturelle allait progressivement être démantelé dans le programme de Cuvier préconisant une histoire naturelle dépersonnalisée, déductive et politiquement neutre ; mais c’est là une autre histoire8.
Génération, dégénération et régénération
5Les plus célèbres écrits des Lumières se référaient explicitement à la signification sociale du climat. L’article de Jean Le Rond d’Alembert sur le “Climat” dans l’Encyclopédie attribuait à Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu, la renaissance de l’assertion que le climat était le principal déterminant des institutions sociales des différents pays9. Dans De l’esprit des lois (1748), Montesquieu se référait au climat pour justifier son affirmation que la société française devrait être réformée conformément aux lois naturelles. Selon d’Alembert, on ne pouvait douter “que le climat n’influe sur la disposition habituelle des corps, et par conséquent sur les caractères ; c’est pourquoi les lois doivent se conformer au physique du climat dans les choses indifférentes, et au contraire le combattre dans les effets vicieux”10. Mais malgré la longue tradition hippocratique de la médecine climatique, c’était du domaine de l’histoire naturelle, affirmait d’Alembert, que relevait réellement l’étude des effets du climat sur la constitution des êtres vivants. Ce furent précisément les résultats d’une telle étude qui parurent dans les volumes successifs de l’Histoire naturelle de Buffon.
6Le relativisme social et moral d’auteurs comme Montesquieu et Buffon reflétait les descriptions des effets du climat sur la société présentes dans d’autres genres littéraires, notamment les récits de voyage, bénéficiant d’un large public, qui décrivaient en détail les institutions politiques, religieuses et sociales de sociétés humaines exotiques, en parallèle avec la description du climat et des productions naturelles, et insistaient particulièrement sur les habitudes et l’apparence des hommes et des animaux. Ces récits comparaient la société européenne aux autres cultures et aux autres pays, et attribuaient fréquemment les différences de coutumes et de caractères à des différences de climat11. Ainsi l’observation des différences physiques et morales dans d’autres lieux était-elle une prise de position normative, propre à appuyer des arguments quant au déclin ou à la supériorité des Européens12. Les différentes civilisations étaient situées sur une courbe du progrès en fonction d’une classification implicite où certains traits physiques et moraux dénotaient la perfection13. Les contrastes culturels n’étaient donc pas statiques et inaltérables, mais résultaient de processus qui étaient l’œuvre combinée de la nature et de l’homme, appelés en France la dégénération et la régénération. Buffon officialisa l’étude de ces processus sous la forme d’un programme expérimental qui s’étendit sur près d’un demi-siècle. Comme Montesquieu, Buffon liait le degré de dégénération physique au sein d’une société donnée au degré d’éclairement ou de civilisation de cette société. Les deux aspects étaient intégrés : une nation pouvait apprendre à contrer les effets dégénératifs du climat en devenant plus éclairée, tandis qu’une amélioration du climat pouvait contrer la dégénération de la société14. Ainsi, alors que les auteurs médicaux contemporains et même Buffon lui-même présentaient l’homme comme relativement insensible aux effets dégénératifs du climat, c’était encore le facteur le plus souvent invoqué pour expliquer les différences raciales et les rapports entre nature et culture chez les humains15.
7La préoccupation de Buffon pour la détermination des causes de la dégénération se reflétait dans son intérêt pour l’étude des êtres vivants qui changeaient de climat – un sujet que ses contemporains, savants ou non, abordaient avec un empressement considérable. Les dangers de voyager vers des climats exotiques étaient largement reconnus à cette époque coloniale. Pour beaucoup, le débat visait à déterminer si le déplacement d’un site où la nature avait produit les originaux d’une espèce était une cause de dégénération. Cette idée de la spécificité de la localité pour les différents types naturels était encore courante dans les années 178016. Les défaillances locales de la nature pouvaient causer la dégénération de différentes manières : par des variations de température, d’altitude, de direction du vent, de constitution du sol, mais aussi par l’alimentation, la maladie et la reproduction. Comme le disait Buffon :
C’est principalement par les aliments que l’homme reçoit l’influence de la terre qu’il habite, celle de l’air et du ciel agit plus superficiellement... Dans les animaux, ces effets sont plus prompts et plus grands ; parce qu’ils tiennent à la terre de bien plus près que l’homme ; parce que leur nourriture étant plus uniforme, plus constamment la même, et n’étant nullement préparée, la qualité en est plus décidée et l’influence plus forte ; parce que d’ailleurs les animaux ne pouvant ni se vêtir, ni s’abriter, ni faire usage de l’élément du feu pour se réchauffer, ils demeurent nuement exposés, et pleinement livrés à l’action de l’air et à toutes les intempéries du climat17.
8Le climat influençait les animaux de manières particulières : dans les pays chauds ils étaient plus forts et plus grands, dans les pays froids, plus faibles et plus petits. Ces questions dérivaient de la cosmogonie fort contestée de Buffon, où la terre était une masse de matière en rapide refroidissement, autrefois détachée du soleil par le passage d'une comète. Dans Les Époques de la nature, publié en 1778, Buffon décrivit les différentes époques climatiques de l’histoire de la terre, affirmant que la Nature vivante n’avait pu apparaître sur la planète qu’une fois que celle-ci s’était refroidie jusqu’à un certain point, et prendrait fin lorsque la terre serait devenue trop froide. Trois ans auparavant, dans la “Partie hypothétique” du second volume du Supplément de l’Histoire naturelle, il avait soigneusement calculé le taux de refroidissement de tous les corps du système solaire, suggérant dans quel ordre et pendant combien d’années la “Nature vivante” pourrait se manifester sur chacun, et tirant “la conclusion générale de l’existence réelle des êtres organisés et sensibles dans tous les corps du système solaire, et de l’existence plus que probable de ces mêmes êtres dans tous les autres corps qui composent les systèmes des autres Soleils, ce qui augmente et multiplie presque à l’infini l’étendue de la Nature vivante, et élève en même temps le plus grand de tous les monuments à la gloire du Créateur”18.
9La cosmologie de Buffon était en partie fondée sur l’assertion que deux catégories fondamentales de matière, la matière organique et la matière brute, avaient existé ab origine. Dans des expériences réalisées dans les années 1740 avec Daubenton et le naturaliste anglais John Turberville Needham, et qui firent grand bruit à l’époque, Buffon démontrait que la génération était le résultat de l’intégration des molécules organiques à un moule intérieur*. À leur mort, les corps vivants se désintégraient à nouveau en ces molécules qui les constituaient. L’alimentation était l’un des principaux facteurs physiques avancés par Buffon comme causes de la dégénération, car l’être humain absorbait avec sa nourriture des molécules inorganiques du sol local qui déformaient son moule intérieur*, marquant irréversiblement l’individu des caractéristiques de son milieu19. La forme la plus grave de dégénération était toutefois celle subie par les êtres vivants qui manquaient de “liberté”20. Buffon entendait par là la liberté de choisir les conditions d’existence les plus appropriées – en bref, la liberté d’agir pour s’empêcher de dégénérer, moralement ou physiquement. Plus tard, les naturalistes du Jardin devaient interpréter explicitement la liberté buffonienne comme une version naturalisée du terme politique21. Mais même au cours des années 1760, l’implication politique était claire : une société bonne permettrait à l’homme d’agir de toutes les manières possibles pour contrer les effets dégénératifs du climat. “C’est de [la société] que l’homme tient sa puissance, c’est par elle qu’il a perfectionné sa raison, exercé son esprit et réuni ses forces ; auparavant, l’homme était peut-être le plus sauvage et le moins redoutable de tous [les animaux]”22. L’histoire naturelle devenait, entre les mains de Buffon, un moyen d’analyser le développement passé et de prédire le développement futur de l’humanité23. Buffon était en tête de ceux qui affirmaient que l’humanité constituait une seule espèce ; c’était d’ailleurs seulement ainsi que les descriptions des effets positifs et négatifs du climat sur les sociétés exotiques pouvaient paraître concerner la société européenne24. Le type original de l’homme avait été l’Européen ; d’autres variétés étaient apparues “lorsqu’après des siècles écoulés, des continents traversés et des générations déjà dégénérées par l’influence des différentes terres, il a voulu s’habituer dans les climats extrêmes”25. La dégénération avait cependant des causes à la fois naturelles et sociales, et les pouvoirs de l’investigation scientifique pouvaient être opposés aux forces de la nature afin de la combattre : “Pour faire l’expérience du changement de couleur dans l’espèce humaine, il faudrait transporter quelques individus de cette race noire du Sénégal en Danemark, où l’homme ayant communément la peau blanche, les cheveux blonds, les yeux bleus, la différence du sang et de l’opposition de couleur est la plus grande. Il faudrait cloîtrer ces Nègres avec leurs femelles, et conserver scrupuleusement leur race sans leur permettre de la croiser ; ce moyen est le seul qu’on puisse employer pour savoir combien il faudrait de temps pour réintégrer à cet égard la nature de l’homme ; et par la même raison, combien il en a fallu pour la changer du blanc au noir”26.
10Sous la monarchie absolue, la plupart des bourgeois instruits et un grand nombre de nobles ne pouvaient pas participer à la vie politique, au sens de “gouvernementale”, de la France, ni même émettre des commentaires explicites sur le roi ou l’Église. Avec la théorie du climat, Buffon et Montesquieu purent faire de la naturalisation des institutions sociales un geste politique, tout en contrant la réprobation royale à l’encontre de toute réflexion critique sur la société française grâce à l’affirmation implicite que la théorie du climat était une loi naturelle, donc hors de la portée des monarques. L’Histoire naturelle était étonnamment exempte de références au statu quo social et moral. Elle proposait plutôt une moralité basée sur la nature, énoncée dans un style factuel ressemblant à celui des récits de voyage. En recourant à ce type de style, Buffon pouvait à la fois rallier le lectorat existant des récits de voyage et ancrer ses affirmations sur la condition morale de la société française dans ce qui se targuait d’être une description incontestable, puisque c’était un exposé de la nature. Il était donc significatif que la nouvelle classification de la connaissance de Buffon, contrairement même à l'Encyclopédie pourtant radicale, renonçait totalement à l’histoire sacrée : “On pourrait donc diviser toutes les sciences en deux classes principales, qui contiendraient tout ce qu’il convient à l’homme de savoir ; la première est l’Histoire civile, et la seconde l’Histoire naturelle”27. Les auteurs des récits de voyage du XVIIIe siècle se restreignaient essentiellement à ces deux catégories. La littérature de voyage, en tant que genre, offrait ainsi la possibilité de générer une nouvelle moralité séculière, où les questions de comportement social et individuel ne seraient plus traitées à l’intérieur d’un cadre de prescriptions scripturales sur la conduite humaine28. Les perceptions culturelles eurocentriques pouvaient être appliquées à d’autres sociétés à travers le style “factuel” de la littérature de voyage d’une manière qui occultait le travail d’interprétation intervenu dans la rédaction du récit29.
11Mais Buffon et Montesquieu étaient l’un comme l’autre considérés par certains comme frôlant les limites de l’acceptabilité. L’Histoire naturelle fut attaquée par la revue janséniste Nouvelles ecclésiastiques pour avoir réduit les vérités morales à des questions de décorum et de probabilité30. C’était là une affirmation dangereuse à une époque où toute la structure de la société était censée reposer sur des lois morales inaltérables édictées par l’État et l'Église. Certains passages de l’Histoire naturelle furent également condamnés par la Sorbonne. Montesquieu souffrit plus encore : son ouvrage controversé, publié à Genève où la presse était plus libérale, fut presque immédiatement placé sur l’Index des livres interdits. Cela ne l’empêcha pas de connaître vingt-deux éditions en moins de deux ans31. De tels ouvrages contribuèrent à faire de la théorie du climat une ressource discursive commune pour tous les lecteurs éclairés.
12Ainsi culture et nature étaient-elles intimement liées dans l’histoire naturelle*. On s’intéressait beaucoup, à l’époque, aux phénomènes démontrant les rapports entre ces deux agents, comme la domestication. Aux volumes 4 et 6 de l'Histoire naturelle, Buffon tente d’expliquer le processus de domestication des animaux utiles comme étant l’œuvre combinée de l’homme et du climat :
Mais lorsqu’avec le temps l’espèce humaine s’est étendue, multipliée, répandue, et qu’à la faveur des arts et de la société l’homme a pu marcher en force pour conquérir l’Univers, il a fait reculer peu à peu les bêtes féroces [... ] il a opposé les animaux aux animaux, et subjuguant les uns par adresse, domptant les autres par la force, ou les écartant par le nombre, et les attaquant tous par des moyens raisonnés, il est parvenu à se mettre en sûreté [... ]32.
[Les animaux sauvages] ont donc dégénéré, si leur nature était la férocité jointe à la cruauté, ou plutôt ils n’ont qu’éprouvé l’influence du climat : sous un ciel plus doux, leur naturel s’est adouci, ce qu’ils avaient d’excessif s’est tempéré, et par les changements qu’ils ont subis, ils sont seulement devenus plus conformes à la terre qu’ils ont habitée33.
13Il existe clairement une tension dans l’interprétation faite par Buffon des conséquences de la domestication. Il en parle, en un sens, comme de la pire forme possible de dégénération, dont les effets sont encore plus dévastateurs que ceux du climat ; cette affirmation sera réitérée par Jean-Jacques Rousseau et ses adeptes34. Pourtant, à peu près à la même période de son œuvre, Buffon décrit aussi le rôle de l’homme lorsqu’il introduit artificiellement, domestique et acclimate de nouvelles espèces comme une manière d’“embellir”, ou de perfectionner la Nature35. Les hybrides, par exemple, sont monstrueux d’un point de vue naturel, mais illustrent aussi la capacité de l’homme à transformer la Nature “brute [...] et mourante” en un paradis terrestre36.
14Pour Buffon comme pour son co-auteur Daubenton, la faculté rationnelle de l’homme, le don unique du Créateur, justifiait sa domination sur les autres créatures, même au point de les détourner de leur plan originel pour répondre à son besoin d’animaux et de plantes domestiqués. Comme l’écrit Daubenton, “l’homme surpasse en dignité tous les êtres matériels, par le rayon de la Divinité qui l’anime et qui l’éclaire. Son âme, immortelle, lui donne l’empire de la terre, et la jouissance de toutes ses productions”. Contrairement à Buffon, cependant, Daubenton traitait l’homme comme distinct des animaux dans son introduction à l'Histoire naturelle des Animaux dans l’Encyclopédie méthodique de 1782. “L’homme ne peut être confondu parmi [les productions] d’aucun des trois Règnes de la Nature, puisqu’il en est le roi. Sa puissance est fondée, non-seulement sur la conformation de son corps, dont les organes produisent plus d’effets que ceux des animaux, mais encore mieux sur son intelligence, sa raison, et son industrie [...]”37. Le rayon divin permettait à l’homme d’améliorer la nature et de contrer les effets dégénératifs d’un climat défavorable. Une telle attitude appuyait aussi bien les efforts déployés par Daubenton dans les années 1760 et 1770 pour “améliorer” la race des ovins français, que la fonction du Jardin comme centre pour l’introduction et l’acclimatation de nouvelles plantes utiles en provenance du monde entier. En 1766, alors que le dernier volume de l'Histoire naturelle des Quadrupèdes était sous presse, Daubenton, qui avait préparé les descriptions anatomiques pour ce volume, fut pressenti par le ministre Daniel-Charles Trudaine et son fils Jean-Charles-Philibert Trudaine de Montigny pour servir de conseiller auprès du gouvernement en entreprenant un programme financé par l’État pour améliorer la qualité de la laine française. Pendant les quinze années qui suivirent, Daubenton étudia non seulement l’élevage, mais aussi l’alimentation, la situation géographique et la température qui convenaient le mieux aux animaux importés de différents climats (le Maroc, l’Espagne, la Hollande et l’Angleterre, entre autres)38. Les résultats de ses travaux furent présentés à la Société royale de médecine et à l’Académie royale des sciences, et publiés dans six mémoires entre 1770 et 178239. Des programmes semblables furent réalisés par d’autres naturalistes français à partir des années 1760. Dans les années 1780, par exemple, l’abbé Henri-Alexandre Tessier, l’un des plus vieux amis d’Antoine-Laurent de Jussieu et un personnage central de la Société royale d’agriculture, fut chargé par le roi de réaliser une étude de toutes les productions agricoles d’Europe, et d’établir dans ce but une ferme expérimentale sur le domaine royal de Rambouillet40. Il existait donc un rapport étroit entre les charges liées aux postes des naturalistes dans l’administration royale en cette seconde moitié du XVIIIe siècle, et l’attention qu’ils portaient aux interactions de la nature et de la culture.
15Alors que la Nature de Buffon était un tout organique en changement permanent, dont le plan se déployait dans le temps plutôt que dans l’espace, les investigations de Daubenton privilégiaient le rapport entre conformation et adaptation à la réalisation d’un rôle donné dans l’économie de la nature. Par conséquent, les travaux de Daubenton consacraient moins de place à la détermination de l’étendue et des causes de la dégénération des êtres vivants41. Les deux naturalistes partageaient cependant un intérêt commun pour l’investigation des mœurs* des animaux. Ce terme de mœurs embrassait le comportement, la coutume, le caractère, les habitudes et les instincts. L’emploi d’une seule expression pour couvrir les phénomènes moraux des animaux, des humains et de nations entières est révélateur de la nature à la fois politique, sociale et scientifique du discours de l’histoire naturelle pour Buffon et Daubenton. Une analyse détaillée d’un long article, “Le Lion”, du volume 9 de l’Histoire naturelle (1761), illustre la manière dont les descriptions d’espèces animales pouvaient être converties en commentaires sur la société humaine, ainsi que les différentes stratégies mises en œuvre par Buffon pour décrire une espèce comme un type naturel.
16L’“Histoire du Lion” de Buffon commence par une comparaison prolongée des effets du climat sur l’homme avec ses effets sur les animaux. Chez l’homme, l’air pouvait causer des changements dans la couleur de la peau et d’autres caractéristiques dénotant les différentes races, mais il ne pouvait pas produire des espèces différentes. Au contraire, chez les animaux, les nombreuses variétés et les espèces très proches semblaient avoir été produites par l’exposition aux effets du climat. Certaines espèces pouvaient exister seulement sous certains climats, certaines sous d’autres : chaque animal “a son pays, sa patrie naturelle dans laquelle chacun est retenu par nécessité physique”. Seul l’homme semblait capable d’habiter tous les climats ; la raison qu’en donnait Buffon était que la “nature [des animaux] est infiniment moins perfectionnée, moins étendue que celle de l’homme”42. Les histoires d’espèces individuelles s’inséraient donc dans les commentaires détaillés de Buffon sur les rapports entre l’homme et le monde naturel, et permettaient à la nature, aux pouvoirs et aux qualités propres de l’homme d’être mises en évidence par comparaison avec des qualités particulières des animaux.
17En préfaçant sa description du lion par une discussion détaillée de la nature de l’homme, Buffon s’assurait que sa discussion des mœurs du lion posséderait une signification implicite pour ces mêmes qualités morales chez l’homme. Il comparait défavorablement le lion en captivité à l’individu sauvage, “le plus fier, le plus terrible de tous [les animaux]” : “On l’a souvent vu dédaigner de petits ennemis, mépriser leurs insultes et leur pardonner des libertés offensantes ; on l'a vu réduit en captivité, s’ennuyer sans s’aigrir, prendre au contraire des habitudes douces, obéir à son maître, flatter la main qui le nourrit”. Mais la description de Buffon dépassait de beaucoup l’intérêt ésopien pour les qualités morales d’animaux précis, pour s’étendre aux rapports plus généraux entre l’homme et les animaux43 :
À toutes ces nobles qualités individuelles, le lion joint aussi la noblesse de l’espèce ; j’entends par espèces nobles dans la Nature, celles qui sont constantes, invariables, et qu’on ne peut soupçonner de s’être dégradées : ces espèces sont ordinairement isolées et seules de leur genre ; elles sont distinguées par des caractères si tranchés, qu’on ne peut ni les méconnaître, ni les confondre avec aucune des autres. À commencer par l’homme, qui est l’être le plus noble de la création, l’espèce en est unique, puisque les hommes de toutes les races, de tous les climats, de toutes les couleurs, peuvent se mêler et produire ensemble, et qu’en même temps l’on ne doit pas dire qu’aucun animal appartienne à l’homme ni de près ni de loin par une parenté naturelle. Dans le cheval l’espèce n’est pas aussi noble que l’individu, parce qu’elle a pour voisine l’espèce de l’âne [... ] ; puisque ces deux animaux produisent ensemble des individus, qu’à la vérité la Nature traite comme des bâtards indignes de faire race, incapables même de perpétuer l’une ou l’autre des deux espèces desquelles ils sont issus ; mais qui, provenant du mélange des deux, ne laisse pas de prouver leur grande affinité44.
18Dans sa célèbre attaque sur la base philosophique de toute classification, dans le discours préliminaire du premier volume de l’Histoire naturelle, Buffon avait défini l’espèce comme une succession d’actes génératifs45. Au fur et à mesure de ses expériences sur le croisement des différentes espèces d’animaux – le cheval et l’âne, la chèvre et le mouton, le loup et le chien – entre 1749 et 1766, Buffon fut continuellement amené à réviser ses positions sur les formes originelles de la Création. À la fin de sa vie, il écrivait des articles comme “Des Mulets”, où il s’adonnait à ce que ses pairs considéraient comme des discussions hautement spéculatives sur le développement des espèces présentes à partir de croisements passés46. Il appuyait ses arguments en faveur de l’unité de l’espèce humaine en soulignant les limites des possibilités de métissage, mais les effets du climat et de l’alimentation sur les humains étaient néanmoins profonds. On ne sait pas grand-chose sur les expériences de Buffon en matière de croisement, hormis ce qu’il en relate dans l’Histoire naturelle, mais le Dictionary of Scientific Biography mentionne son habitude d’arranger des mariages parmi les paysans de Montbard47 – probablement pour vérifier ses théories sur les effets régénérateurs du métissage, puisque, écrivait-il, “qu’on examine dans le même canton les hommes qui habitent les terres élevées [...], et qu’on les compare avec ceux qui occupent le milieu des vallées voisines, on trouvera que les premiers sont agiles, dispos, bien faits, spirituels, et que les femmes y sont communément jolies ; au lieu que dans le plat pays, où la terre est grosse, l’air épais, et l’eau moins pure, les paysans sont grossiers, pesants, mal faits, stupides, et les paysannes* presque toutes laides”48. L’intervention humaine pouvait donc inverser l’appauvrissement de la Nature, ainsi que contrer les effets dégénératifs des changements de climat. Comme l’affirmait Buffon tout à la fin de sa discussion des variétés de l’espèce humaine, au volume 3 de l'Histoire naturelle :
Il semble que le modèle du beau et du bon soit dispersé par toute la terre, et que dans chaque climat il n’en réside qu’une portion qui dégénère toujours, à moins qu’on ne la réunisse à une autre portion prise au loin ; en sorte que pour avoir de bon grain, de belles fleurs, etc. il faut en échanger les graines et ne jamais les semer dans le même terrain qui les a produits ; et, de même, pour avoir de beaux chevaux, de bons chiens, etc. il faut donner aux femelles du pays des mâles étrangers, et réciproquement aux mâles du pays des femelles étrangères ; sans cela les grains, les fleurs, les animaux dégénèrent, ou plutôt prennent une si forte teinture du climat, que la matière domine sur la forme et semble l’abâtardir [...]. En mêlant [...] les races, et surtout en les renouvelant toujours par des races étrangères, la forme semble se perfectionner, la Nature se relever et donner tout ce qu’elle peut produire de meilleur49.
19À l’époque de la publication du volume 9 de l’Histoire naturelle, Buffon avait encore élaboré sa position sur la portée morale du métissage. Dans “Le Lion”, il affirmait que les espèces animales inférieures, du chien – dont les espèces apparentées comprenaient le loup, le renard et le chacal – aux lapins, rats et autres animaux de petite taille, ayant un nombre beaucoup plus important de branches collatérales, constituaient des familles se reproduisant de plus en plus entre elles, au sein desquelles il était même difficile de retrouver la souche commune*. Chez d’autres types d’animaux comme les insectes et les oiseaux, il pouvait même devenir nécessaire de classifier les espèces comme un bloc de formes apparentées. De telles affirmations légitimaient le manque d’intérêt relatif de Buffon pour ces “espèces infimes de la Nature” si chargées d’hybrides que l’espèce originelle s’en trouvait déguisée. Elles sous-tendaient aussi ses idées sur la classification : “Dire que le lion est un chat à crinière et queue longue ; c’est dégrader, défigurer la nature au lieu de la décrire ou de la dénommer”. Cette pique en direction de Linné révèle aussi l’enjeu totalement différent de la classification pour Buffon ; de toute évidence, puisque les rapports classificatoires devaient être fondés sur des actes génératifs passés, le classificateur devait choisir soigneusement les espèces apparentées : “C’est là la véritable origine des méthodes”. Par ce point de son Histoire naturelle, les expériences de Buffon sur les croisements et l’ordre qu’il adoptait pour la description des espèces laissaient entrevoir une hiérarchie de noblesse naturelle, à une époque où les débats sur l’importance de la lignée, des mariages consanguins et des liaisons adultérines pour la condition de noble donnaient lieu à de nombreux écrits50.
20L’article “Le Lion” servait également de commentaire politique sur différentes questions concernant les ministres, dans le cas présent, la population et l’industrie. Buffon traitait de l’influence au sens large que l’homme avait, ou pourrait avoir, sur la nature : “L’industrie de l’homme augmente avec le nombre, celle des animaux reste toujours la même”51. C’était ce pouvoir croissant des sociétés humaines, proportionnel à la population, qui avait permis à l’homme d’assujettir et d’altérer la nature des animaux sauvages. Buffon était cité par de nombreux auteurs d’études démographiques pour son intérêt pour la population, une préoccupation importante dans la France du XVIIIe siècle52. En outre, ses commentaires sur l’importance de l’industrie pour l’histoire naturelle de l'espèce humaine et les effets particuliers de la captivité sur la nature de l’homme et des animaux trahissaient une préoccupation politique pour la nature morale du travail et de la liberté qui le poussa à s’allier au gouvernement de Necker dans les années 1780. Il est bien connu qu’en 1749 il s’était opposé à la traite des esclaves dans les colonies dans “Variétés dans l’espèce humaine” : “Je ne puis écrire leur histoire sans m’attendrir sur leur état, ne sont-ils pas assez malheureux d’être réduits à la servitude, d’être obligés de toujours travailler sans pouvoir jamais rien acquérir ! faut-il encore les excéder, les frapper et les traiter comme des animaux ! l’humanité se révolte contre ces traitements odieux que l’avidité du gain a mis en usage, et qu’elle renouvellerait peut-être tous les jours”. C’était là un argument humanitaire, dans notre sens du terme, mais aussi un argument économique, faisant de la libre disposition par chacun des fruits de son propre travail une condition fondamentale de la liberté. Ces préoccupations se reflétaient parfaitement dans ses activités philanthropiques sur ses terres de Montbard, qui consistaient à fournir du travail rémunéré aux pauvres de la région, dans le cadre d’un mouvement plus général de réaction contre les formes traditionnelles de charité qui était également soutenu par la famille Necker53. Les études de mœurs* et les descriptions des effets de la domestication traçaient donc la topographie des soucis politiques de Buffon. Son histoire du lion liait les animaux à l’homme, et tous les êtres vivants à une cosmologie construite autour de la durée et des pouvoirs de la “Nature vivante” qui était le fil conducteur de toutes ses diverses préoccupations dans le domaine de l’histoire naturelle, des expériences sur les animaux sauvages et domestiques aux affirmations sur les races humaines, de la constitution de la matière à la température de l’air, du sens de l’industrie, des sciences et des arts à la fin de la vie elle-même.
21Le rôle de Daubenton, qui était d’écrire la description des espèces, paraît de prime abord plus neutre et moins ambitieux. Pour “Le Lion”, son commentaire se limitait à une description topographique de la surface du corps du lion, indiquant la couleur et la texture de sa fourrure, les proportions des parties de son corps, leur couleur et leur position, décrivant un exemple authentique vu par Daubenton au “Combat du taureau” à Paris en 1757, et notant les points où le corps de la lionne différait de la description déjà donnée. Sa méthode consistait à mesurer les proportions du corps, et s’appuyait sur des études anatomiques détaillées. Des tables fournissaient des mesures précises de longueur, d’épaisseur, de circonférence, de distance et de largeur des différentes parties du corps, modelant un lion virtuel avec des chiffres. La partie suivante de la description traitait des organes internes, avec de nombreuses références aux illustrations correspondantes, puis fournissait de même des tables de mesure des organes, donnant leur longueur, leur circonférence, leur épaisseur, la distance entre eux et leur largeur. Enfin, la même méthode était suivie pour le squelette, os par os. Des contemporains comme Grimm et Bonnet firent l’éloge de cette approche qu’ils considéraient, à terme, plus utile que les spéculations cosmologiques et les portraits globaux de la nature auxquels s’adonnait Buffon54. Dans les écrits plus tardifs de Daubenton, toutefois, la signification sociale et politique de son entreprise naturaliste est évidente. L’étude de la conformation sous-tendait toute description des facultés physiques et morales de l'homme et des animaux ; et chez l’homme, la conformation, le caractère et le degré de civilisation étaient intimement liés. “Les Calmouchs, quoique situés plus bas, vers la mer Caspienne, semblent offrir les traits les plus chargés de ce profil lugubre et effrayant sous lequel se présente ici l’espèce humaine. Ce sont, au rapport de Tavernier, les plus affreux de tous les Hommes... [Les traits des] autres Tartares... se civilisent et se radoucissent à mesure que l’on avance vers la Chine, où nous allons trouver une race d’Hommes moins disgraciés par la Nature”55. Les recherches sur le monde naturel entreprises par une nouvelle génération de naturalistes nourris des quinze volumes de l'Histoire naturelle de Buffon et Daubenton, qui parurent entre 1749 et 1767, se fondaient sur les deux traditions, et étudiaient à la fois la conformation dans son rapport aux facultés morales et physiques, et les effets et les causes des changements de conformation et de constitution56. De telles préoccupations étaient courantes chez les naturalistes européens ; mais au Jardin, l’accent était nettement mis sur l’exploitation des pouvoirs de transformation des êtres vivants, plutôt que sur l’exploration des limites de cette transformation. Les naturalistes débattaient de la rapidité, de la réversibilité et de l'hérédité des transformations résultant de changements dans l’environnement physique ; et le meilleur endroit où l’on pouvait mener des expériences à ce sujet était le site privilégié du jardin botanique, où les naturalistes centraux étaient constamment confrontés aux pouvoirs de transformation de la nature et de la culture.
L’acclimatation
22On peut, déclarait Lamarck dans son article “Jardin de Botanique” de l'Encyclopédie méthodique,
reprocher aux jardins d’avoir l'inconvénient de changer un peu le vrai port des plantes ; de ne donner de ce port qu’une idée imparfaite et quelquefois trompeuse ; d'augmenter presque toujours les dimensions des parties des plantes qu’on cultive ; et souvent d'altérer en elles les parties qui appartiennent à la fructification, par des multiplications monstrueuses qui s’opèrent dans les fleurs, aux dépens de leurs organes les plus essentiels. Ces multiplications monstrueuses, produites sans doute par une sève abondante qui donne lieu à un développement ou à un accroissement vicieux des parties de la fructification, constituent ce qu’on nomme fleurs pleines, fleurs doubles, fleurs semi-doubles, et sont pour les Fleuristes un objet d’agrément très recherché. Mais le Botaniste qui a uniquement en vue de connaître la nature, ne retrouve plus dans ces plantes les vrais traits qui la caractérisent et qu’il cherche. Ainsi les parties des plantes qui ont subi ces changements qui les dénaturent, ne sont plus susceptibles d’être étudiées. [...] Ainsi, dans les Jardins, l’abondance de la sève peut déformer et anéantir les organes essentiels des fleurs ; mais les caractères qui subsistent ne trompent point ; tant qu’on peut les retrouver, ils sont ce qu’il convient qu’ils soient57.
23Le jardin du XVIIIe siècle était donc un site où l’on pouvait observer de près l’interaction de la nature et de la culture – le lieu d’une recherche sur l’importance relative des forces naturelles et de l’intervention humaine dans le remodelage de l’être vivant et sur les limites d’un tel remodelage. Les remarques de Lamarck sur les effets de la culture sur les plantes à fleurs synthétisent tous les aspects du jardin qui rendaient celui-ci à la fois utile à l’homme et de moindre valeur pour le savant intéressé par l’étude de la “vraie nature”. Les fleurs doubles que la culture pouvait produire dans un jardin avaient certes une valeur pour les horticulteurs et les jardiniers amateurs, mais elles n’en restaient pas moins des productions artificielles et n’étaient, du point de vue de la nature, que des versions dégénérées de la “réalité”.
24Ainsi des naturalistes comme Lamarck s’efforçaient-ils de faire la preuve de leur capacité à distinguer le naturel de l’artificiel dans les propriétés physiques et morales des êtres vivants. En pratique, cependant, de telles distinctions étaient hautement problématiques et les jugements portant sur l’acclimatation étaient contestés non seulement en France même mais au sein de la communauté naturaliste européenne en général58. Les pratiques caractéristiques de l’histoire naturelle du XVIIIe siècle soulignaient la difficulté de définir le naturel, car les naturalistes étaient constamment confrontés à une série de nouveaux végétaux dont la taille, la forme, la couleur et l’habitus changeaient avec une rapidité surprenante. Dans le même ouvrage, Lamarck explique comment “les semences d’une même plante portées dans deux endroits différents, exposées et cultivées dans des circonstances tout à fait contraires, produiront nécessairement, au bout de quelques années, deux plantes qui différeront beaucoup, principalement par leur aspect ; de sorte que l’une pourra être vigoureuse, succulente, d’un vert plus foncé, plus garnie dans toutes ses parties, etc., tandis que l’autre sera maigre, dure, moins élevée, moins droite [...]”59. Ce comportement caméléonesque posait des problèmes aussi bien pour déterminer lesquels des traits d’un être vivant il convenait d’appeler “naturels” que, potentiellement, pour définir les frontières “naturelles” entre les taxons. L’attribution des modifications survenant dans les jardins à l’intervention humaine ou à la culture plutôt qu’à la nature permettait aux naturalistes de définir leurs propres domaines d’expertise tout en démontrant leur contrôle de la forme et des caractéristiques des corps naturels. Selon la phrase de Daubenton, “l’agriculteur fortifie la Nature dans la production des plantes, par des labours et par des engrais”60. Nombreux étaient les botanistes français qui considéraient les déformations observées dans les jardins comme le résultat d’un excès de “jus nutritifs” dans le sol des jardins, dû à l’engrais appliqué par les jardiniers aux plantes cultivées. La nature du principe fertilisant était abondamment discutée durant la seconde moitié du siècle. Pour Lamarck et d’autres, comme le botaniste suisse Louis Reynier, écrivant dans le Journal d’Histoire naturelle édité par Lamarck, les variations dans la structure des végétaux causées par la culture étaient le résultat direct d’un excès de molécules nutritives, que la plante assimilait sous forme de structures supplémentaires, par exemple des pétales61. Un correspondant anonyme de la revue révolutionnaire La Décade philosophique, littéraire et politique s’inspira de l’opinion de Wallerius selon laquelle le principe actif des engrais était les “émanations” animales sous forme de graisse animale, tout en affirmant que “le premier, le meilleur des engrais est cet humide nourricier qui est dans l’air, et que la Nature combine elle-même”62. Pour tous ces auteurs, les engrais étaient les manifestations d’un principe nutritif circulant au sein de la nature entre les règnes minéral, végétal et animal. L’application d’engrais n’était qu’un moyen de renforcer le principe nutritif du sol, puisque le fumier animal était une forme concentrée des produits de la fermentation et de la putréfaction que “les végétaux puisent dans l’air qui les environne”63.
25La malléabilité de la nature vivante permettait aux savants d’expérimenter, dans les soins apportés aux animaux et végétaux exotiques, afin de mettre fin au processus de dégénération menaçant les êtres vivants lorsqu’ils changeaient de climat. Des programmes complexes furent mis sur pied pour étudier les rapports entre le climat, la culture et les caractéristiques des plantes, comme les expériences proposées par Thouin sur les espèces de céréales exotiques, où le type de sol, le moment des semis et la croissance des plants devaient être consignés dans des registres et associés à des tables des conditions climatiques64. Le rôle du botaniste, lorsqu’il s’agissait de déterminer l’utilité de végétaux exotiques, était de vérifier si ces plantes venues de l’extérieur pouvaient être “acclimatées" en France. De telles entreprises étaient toutefois fondées sur un paradoxe : “l’acclimatation” ou la “naturalisation” était le processus par lequel un opérateur social parvenait à modifier les propriétés naturelles d’un être vivant. En raison du lien étroit entre constitution et caractéristiques physiques et morales, les productions “acclimatées” avaient besoin d’être cultivées, à court terme tout au moins, au moyen d’un environnement artificiel qui les empêcherait de perdre leurs caractéristiques utiles. Pour Thouin, les jardins botaniques pouvaient servir de centres d’acclimatation. Dans son rapport à la Convention sur l’utilité que les jardins de province présentaient pour la République, il décrivit Bordeaux comme étant “la seule des cités maritimes du globe qui se trouve placée sur le 45ème degré de latitude, et cette distance égale des climats brûlants et des climats glacés indique d’elle-même le climat le plus convenable aux expériences nécessaires pour naturaliser en France les plantes les plus utiles de la Suède, de la Russie, de la Tartarie, de l’Amérique septentrionale et méridionale, de l’Afrique et des Indes”65. De même, les jardins coloniaux étaient des intermédiaires dans le processus de naturalisation, leur rôle étant d’amortir le choc que le changement de climat infligeait aux espèces exotiques ; les serres remplissaient une fonction semblable (figure 15). La naturalisation était un processus qui devait s’effectuer avec précaution, souvent en plusieurs étapes. Dans son dictionnaire ornithologique de 1782, qui faisait partie de l’Encyclopédie méthodique, Pierre-Jean-Claude Mauduyt de La Varenne consacre plusieurs pages à la discussion de la manière d’acclimater les oiseaux utiles qui devaient être introduits en France : “Il faut d’abord, suivant la température du climat quelles habitaient, les transporter ou dans nos provinces du nord ou dans celles du Midi. La France est heureusement située pour ce choix”. Les effets d’un brusque changement de climat étaient très dangereux pour la constitution des êtres vivants ; ils ne pouvaient être surmontés qu’au prix des plus grandes précautions dans le transport des espèces importées, leur alimentation et le degré de leur exposition au climat. Une fois que l’espèce se serait reproduite sous le nouveau climat, cependant, “on aura moins à craindre de la perdre, il faudra accoutumer progressivement les jeunes au climat sous lequel ils seront nés ; et en procédant prudemment, ils pourront passer par degrés du parquet dans les basses-cours”66.
26L’acclimatation des êtres vivants exotiques représentait pour la Couronne un potentiel financier considérable. Il était donc important de déterminer si ces êtres, une fois importés, conservaient leurs caractéristiques et pourraient être naturalisés, ou si au contraire ils présentaient une tendance à dégénérer, au détriment éventuel des qualités qui faisaient leur valeur. Le Jardin du roi, sous les frères Jussieu et par la suite sous Le Monnier, avait été parmi les premiers établissements parisiens à obtenir des résultats utiles à l’État en acclimatant une espèce exotique, comme Thouin et ses confrères naturalistes de la génération suivante devaient le répéter pendant trente ans dans leurs requêtes au gouvernement en faveur de cette institution. “Depuis un siècle la majeure partie des végétaux introduits en France a eu pour berceau le Jardin du roi et il en est qui dans ce moment sont devenus l’objet d’un commerce considérable dont le produit rapporte à l’État plusieurs millions tel que celui que procure la culture du café”67. Les nombreuses entreprises militaires menées par la France dans la première moitié du siècle, auxquelles s’ajoutait la désastreuse incapacité de ce pays à conserver des possessions coloniales, créèrent une situation instable empêchant les naturalistes de former des réseaux de correspondance à l’échelle mondiale. Diverses colonies changèrent de mains plusieurs fois entre 1730 et 1760, durant la période au cours de laquelle Buffon et ses collègues auraient sinon pu s’employer à constituer des réseaux. Le creux de la vague, pour l’ambition coloniale française, fut l'abandon aux Anglais de la colonie indienne de Pondichéry, pendant la guerre de Sept Ans, pour lequel l’officier en charge du commandement, Lally-Tollendal, fut exécuté. Ce ne fut qu’en 1763, après le Traité de Paris, que la France reprit le contrôle d’un grand nombre de ses possessions coloniales d’Inde, d’Amérique du Nord et des Antilles68. La Compagnie des Indes fut contrainte de vendre l’île de Bourbon et l'île de France à la Couronne en 176469. C’est à peu près à cette époque que les naturalistes parisiens commencèrent à s’efforcer de manière concertée de se servir de la Couronne pour faire parvenir les plantes exotiques en France et dans les jardins parisiens. Pierre Poivre, botaniste voyageur et correspondant de Buffon – qui le mentionne plusieurs fois dans son Histoire naturelle – fonda un jardin botanique au quartier des Pamplemousses sur l'île de France en 1767. Louis Le Monnier, professeur de botanique au Jardin du roi entre 1759 et 1786, constitua un réseau colonial de correspondance au milieu des années 176070. Le botaniste De Reine établit à la fin des années 1760 un réseau colonial dont le centre était le jardin du Petit Trianon71. Ce ne fut qu’au début des années 1770, toutefois, que Buffon et Thouin constituèrent des réseaux de correspondance reconnus par l’État, reconnaissance justifiée par la perspective d’avantages pour la nation et de profit financier. Même en dehors des cercles physiocratiques, l’idée que la richesse d’une nation était fondée sur ses productions naturelles était couramment mise en avant par les propriétaires terriens éclairés et alimentée par un corpus de textes didactiques sur l’agriculture dont les plus célèbres étaient probablement les ouvrages de Duhamel du Monceau. Les principaux ministres protecteurs des savants au cours des décennies 1760 à 1780, comme par exemple Turgot et Bertin, interprétaient également l’histoire naturelle et l’agriculture du point de vue du développement des ressources naturelles, et jouèrent un rôle considérable par le soutien qu’ils apportèrent aux programmes d’introduction de plantes utiles dans les centres d’acclimatation. Un arbre qu’Antoine-Laurent de Jussieu fit pousser à partir d’une graine envoyée au Jardin du roi en 1778 par le cousin de Turgot, qui était un membre important de la Société d’agriculture de Paris, a survécu jusqu’à nos jours72.
27Pendant toute la seconde moitié du siècle, propriétaires terriens et naturalistes s’employèrent à expérimenter les effets du climat sur un nombre croissant d’espèces exotiques nouvelles arrivant en France. La carrière de Buffon exemplifie de bien des points de vue l’intérêt du propriétaire terrien paternaliste pour les progrès de l’agriculture et du commerce en France. Il œuvra sa vie durant pour faire de son domaine de Montbard un modèle de la nouvelle agriculture, en plantant des arbres, des vergers et des jardins potagers ainsi qu’avec sa célèbre fonderie73. La préoccupation de Buffon pour l'amélioration apparaît dans ses efforts pour agrandir le Jardin du roi, mais aussi dans le choix de ses subordonnés, dont beaucoup passaient aisément de l’histoire naturelle à ses arts auxiliaires lorsqu’ils jouaient le rôle de conseillers auprès de la Couronne. Daubenton, Desfontaines et Thouin étaient membres de la Société parisienne d’agriculture, la principale d’un réseau de sociétés d’agriculture initialement constituées sous le ministère de Bertin dans les années 1760 et 177074. L’activité de ces sociétés était très variable, mais on remarque un net déclin d’intérêt chez leurs membres au début des années 1770, peut-être dû au fait que la Couronne désapprouvait l’utilisation de ces sociétés comme forums pour débattre de la réforme de l’agriculture. Les autorités locales et centrales interdisaient qu’on débatte de modifications des pratiques agricoles qui auraient impliqué une réforme législative ; une activité si ouvertement politique allait à l’encontre des mesures de plus en plus répressives du gouvernement de Louis XV dans ses efforts pour contrôler les répercussions de l’affaire Damiens et de l’attitude de défi du parlement*75.
28L’avènement de Louis XVI en mai 1774 fut perçu par une grande partie de l’élite cultivée française comme préludant un règne éclairé pour la nation française76 La préoccupation pour les facteurs climatiques qui caractérisait les entreprises savantes entre les années 1760 et 1770 s’exprimait souvent dans le cadre d’un programme plus vaste envisageant la réforme de l’agriculture en France. C’était le cas aussi bien à la Société d’agriculture de Paris qu’au Jardin du roi77. À la même époque, la nation française commença à être dépeinte comme ayant besoin d’une réforme morale à grande échelle. Les écrivains rousseauistes présentaient aux citadins aisés l’image de la décadence française. L’histoire naturelle et l’agriculture semblaient aux yeux de beaucoup apporter des solutions aux problèmes de dégénération morale et physique de la nation, et ces sciences en vinrent également à incarner les préoccupations de réforme sociale de nombreux individus qui allaient par la suite participer à la Révolution française78. André Bourde, dans son étude détaillée de l’agronomie française, met en évidence un programme de “nouvelle agriculture” auquel prenaient part des personnalités gouvernementales, des propriétaires privés, des jardiniers, des naturalistes et des agronomes79. Dans les appels qu’ils lancèrent aux ministres entre 1774 et 1789, les savants français attribuaient la prospérité plus grande de l’Angleterre à la suprématie de ce pays en matière d’agriculture – un argument puissant dans le contexte d’une rivalité commerciale et militaire prolongée avec l’Angleterre80. Ces réformateurs fondaient leurs thèses sur les écrits de pionniers anglais de l’amélioration agricole tels que Jethro Tull, connus du public français par le biais des traductions libres qu’en fit Duhamel du Monceau après 175081. Aux mains des Français de la fin du XVIIIe siècle, les réformes de Tull se diversifièrent en un vaste programme d’amélioration de l’agriculture, comprenant l’amendement des sols, le défrichage et le drainage des terres et l’introduction de nouvelles cultures sur des terres auparavant considérées comme inutilisables, telles que les jachères ou les friches. De nombreux partisans de l’amélioration agricole en Europe et en Amérique purent expérimenter dans les divers aspects de la culture ou de l’élevage sur leurs propres domaines, souvent en employant des jardiniers savants – parfois des protégés de Thouin – pour introduire les pratiques et les cultures de la nouvelle agriculture dans leurs fermes et leurs plantations. Dans les années 1770, la science agricole avait atteint une grande popularité, principalement parmi les personnes aisées et instruites82. Mais l’affirmation que le progrès agricole devait s’effectuer en éclairant les esprits avait son revers, et il ne faut pas prendre au mot les naturalistes lorsqu’ils affirmaient améliorer l’agriculture dans le but d’apporter le bonheur au peuple83. Les membres des sociétés d'agriculture s’efforçaient de façonner une paysannerie nouvelle qui accepterait sans discuter l’autorité des savants sur les questions concernant la nature et obéirait à leurs injonctions. L’intérêt que les savants portaient à l’amélioration de l’agriculture n’était donc pas neutre politiquement. Amélioration, réseaux de correspondance et autorité étaient intimement liés au sein d’une politique particulière de connaissance de la nature : une compréhension plus approfondie de la nature des choses pourrait servir à ordonner et améliorer la nature, les hommes et les arts. Ainsi, par exemple, les mémoires de Daubenton sur les moutons étaient-ils présentés comme des conseils adressés aux éleveurs, plutôt que comme des textes spécialisés destinés à des lecteurs possédant une culture scientifique. Les simples éleveurs étaient censés obtenir un bon rendement et tirer profit de leurs troupeaux par un gouvernement approprié de leurs bêtes : en bénéficiant, grâce aux travaux des savants éclairés, d’une meilleure compréhension des productions naturelles, les éleveurs pourraient améliorer cette nature et donc leur propre situation et celle de la nation.
29Les auteurs français qui traitaient de l’agriculture et de l’histoire naturelle pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle exhortaient les lecteurs éclairés à prendre en main la tâche de l’amélioration ; la réforme de l’agriculture accomplirait l’amélioration économique et climatique de la France. Ce discours prônant le progrès sur le plan national et personnel était employé pour obtenir financement et soutien des propriétaires, des ministres et de la Couronne. Les savants, de plus en plus souvent employés comme conseillers d’une monarchie adepte de l’amélioration, associaient leurs affirmations sur les effets du climat à des déclarations politiques sur les devoirs du gouvernement envers le citoyen. Écrivant au prince de Soubise en vue d’obtenir le soutien royal pour un réseau botanique dont le centre était le jardin du Petit Trianon, le botaniste De Reine promettait ainsi que “le roi jouira, et sans frais, de la vue de toutes les productions de la zone torride, et cet amusement est d’autant plus digne d’un grand roi qu’il devient très utile pour le bonheur de son peuple”84. La régénération de l’agriculture devait conduire au bonheur du citoyen – le véritable but du gouvernement, selon de nombreux écrivains éclairés. Pendant les années 1780, de nouvelles organisations servaient d’intermédiaires entre les savants prônant la nouvelle agriculture et les responsables gouvernementaux. Une sous-section de la Société royale d’agriculture, connue sous le nom de Comité d’agriculture, fut constituée en 1785 pour assurer la liaison avec le comité spécial gouvernemental de même nom85. L’une de ses principales fonctions était l’introduction en France de plantes utiles en provenance de l’étranger. En fait, l’État manilestait son approbation et son soutien à une pratique qui possédait déjà une longue histoire dans les centres botaniques. Mais ces changements témoignaient d’un intérêt accru du gouvernement pour les réseaux botaniques, qui allait augmenter le pouvoir des naturalistes qui y occupaient une position centrale.
30L’acclimatation allait toutefois acquérir un rôle plus considérable pendant la Révolution française. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, des échanges de vues avaient lieu entre les auteurs spécialistes de l’histoire naturelle et de l’économie politique au sujet de la régénération et de la perfectibilité des espèces vivantes, y compris l’homme. Le ministre Turgot et son protégé Condorcet soutenaient tous deux que la rationalité de l’homme, ce don distinctif du Créateur, lui permettait de contrer les effets de la dégénération naturelle et laissait envisager une perfectibilité infinie. Dans un écrit sur l’instruction publique datant de 1791, Condorcet voyait dans la civilisation le fruit de la poursuite de la vérité et concluait que, chaque vérité conduisant à d’autres vérités, “il est impossible d’assigner aucun terme à ce perfectionnement”86. Pour Condorcet, comme pour beaucoup de ses contemporains, il existait un lien étroit entre la culture et la société utopique ; “il n’est pas si chimérique qu’il le paraît au premier coup d’œil, de croire que la culture peut améliorer les générations elles-mêmes, et que le perfectionnement dans les facultés des individus est transmissible à leurs descendants”87. La “culture” en question faisait autant référence à l’histoire naturelle qu’à l’éducation. Condorcet avait été particulièrement enthousiasmé par les expériences de Daubenton en matière d’élevage ovin ; elles semblaient suggérer qu’une amélioration qualitative pouvait être obtenue au bout d’un très petit nombre de générations. Il était donc facile de glisser vers la discussion des perfectionnements que la culture pourrait apporter à l’être humain, même si Condorcet soulignait que chez les humains d’autres facteurs, comme le type de gouvernement, pouvaient modifier les effets de la culture88. C’était précisément dans ces débats sur les pouvoirs que la culture et l’acclimatation conféraient à l’humanité que les naturalistes et les agronomes possédaient une expertise dont les législateurs allaient fréquemment se servir dans la préparation de leurs projets de réforme entre 1789 et 1795.
31Les descriptions des effets du climat et de la culture estompaient la distinction entre gouvernement de la société et gouvernement de la nature, car les naturalistes affirmaient pouvoir utiliser des opérations sociales – l’introduction et l’acclimatation d’espèces exotiques – pour produire des transformations naturelles. Les législateurs révolutionnaires s’adressaient à eux comme à des experts capables de démontrer les faits naturels qui sous-tendaient ces relations entre société et nature, dans leurs efforts pour assurer le succès d’opérations ultérieures d’intervention sur la nature. Aux mains des membres des réseaux botaniques, les théories climatiques étaient donc au cœur des problèmes sociaux, aussi bien avant que pendant la Révolution. Après 1770, Thouin, au confluent des domaines de l’agriculture et de l’histoire naturelle, était constamment occupé à des projets d’introduction de denrées alimentaires et d’autres plantes utiles en France et dans les colonies89. Il décrivait ce rôle comme un enrichissement ou une amélioration de la Nature : “La Nature n’avait donné au climat de la France, que des légumes fades, des fruits insipides et des fleurs de peu d’agrément [... ] tout ce que nous possédons de bon et d’agréable nous a été envoyé des Pays étrangers”90. L’un des principaux objectifs de l’acclimatation, pour Thouin lui-même, était l’introduction de la culture de l’arbre à pain aux Antilles. Thouin fondait sa position sur la description du fruit à pain par John Ellis en 1776, qui avait récemment été traduite en français (figure 18)91. Depuis l’expédition de Bougainville à Tahiti, où le fruit à pain constituait une denrée de base, au milieu des années 1760, Tahiti et tout ce qui s’y rapportait était chargé de valeur symbolique pour l’élite française92. L’intérêt porté par Thouin à la naturalisation de l’arbre à pain au milieu des années 1780, peu après l’échec de l’expédition britannique du Bounty, révélait bien plus qu’une simple rivalité nationaliste93. Le fruit à pain était le rêve des partisans de l’acclimatation et de l’amélioration – on le décrivait comme l’aliment idéal pour l’humanité, éliminant la nécessité de consommer d’autres légumes et équilibrant la constitution. Si la société tahitienne devait uniquement au fruit à pain sa perfection physique (et morale selon certains), alors le fruit lui-même contribuait assurément à cet état social utopique. Lahaye, protégé de Thouin, accompagna comme jardinier l’expédition d’Entrecasteaux partie en 1791 à la recherche de l’expédition Lapérouse portée disparue. Dans ses instructions à son protégé, Thouin soulignait particulièrement la valeur de l’arbre à pain :
Mais une chose à laquelle il doit s’attacher de préférence est d’employer tous les moyens qui sont en son pouvoir pour se procurer la plus grande quantité qu’il pourra emporter de pieds de la meilleure variété de l’Arbre à Pain et de faire l’impossible en les cultivant soigneusement pour les transporter vivants à l'île de France ou autres colonies françaises ou européennes qu’il rencontrera sur sa route, et enfin d’en rapporter en Europe. [...] S’il parvient à nous enrichir de cet arbre précieux, il fera à sa patrie le plus utile de tous les présents et à lui seul il aura plus fait pour le bonheur des hommes que tous les savants du monde94.
32Les idées utopiques de Thouin sur la valeur alimentaire du fruit à pain étaient partagées par ses collègues de la Société d’histoire naturelle, dont le rapport à l’Assemblée Nationale sur l’expédition d’Entrecasteaux soulignait l’importance de la naturalisation du fruit à pain “qui à lui seul peut remplacer tous les végétaux nécessaires à la vie”95. Les expériences sur l’arbre à pain se poursuivirent pendant toute la période révolutionnaire ; Guillaume-Antoine Olivier publia une histoire de la découverte, des variétés et de la culture de l’arbre à pain dans le Journal d'Histoire naturelle, dont lui-même et Lamarck étaient les éditeurs96. Quelques années plus tard, l’une des recommandations de Thouin et Obvier était appliquée : La Décade philosophique, littéraire et politique, en fructidor de l’an III (août-septembre 1795), rapportait les tentatives de Bermond, “cultivateur éclairé”, pour naturaliser la plante ainsi que d’autres espèces exotiques dans le département des Alpes-Maritimes97. Les partisans de la naturalisation soulignaient la nécessité de faire intervenir l’effort et la main de l’homme pour produire l’aliment idéal. En 1778, Buffon avait avancé dans ses Époques de la nature que “le grain dont l’homme fait son pain n’est point un don de la Nature mais le grand, Futile fruit de ses recherches et de son intelligence dans le premier des arts ; nulle part sur la terre, on n’a trouvé du blé sauvage, et c’est évidemment une herbe perfectionnée par ses soins”, et il poursuivait en définissant les principes de la nouvelle agriculture98. De même, le mémoire d’Olivier notait à propos de l’arbre à pain qu’il “est très probable que c’est la culture qui a rendu insensiblement imparfaites les parties de la fructification de cet arbre” – puisque les fruits à pain cultivés étaient tous dépourvus de graines et qu’on propageait l’arbre par bouturage99. L’utopie des nouveaux agriculteurs n’allait pas être mise en œuvre ni poursuivie sans effort.
33Dans le contexte d’une crise alimentaire qui se prolongea durant toute la période révolutionnaire, les efforts de Thouin et de ses collègues pour introduire de nouvelles plantes alimentaires retinrent l’attention d’une succession d’organes législatifs et de cultivateurs républicains100. Au printemps de l'an II, Thouin fut chargé par le ministre de l'Intérieur, Jules Paré, d’organiser le labourage des jardins de luxe de Paris – les Tuileries et le Luxembourg – et leur ensemencement avec des pommes de terre101. Toutefois, le contrôle par le gouvernement central des réformes effectivement pratiquées était loin d’être parfait, puisque les autorités municipales arrêtaient parfois des propriétaires qui essayaient de planter des cultures fourragères sur leurs terres. Par exemple, en pluviôse an II (février 1794), la marquise de Marbeuf, qui avait correspondu avec Thouin en 1781, fut exécutée pour avoir appliqué un programme d’agriculture nouvelle sur ses terres au lieu de cultiver du blé sur toute la surface disponible102. Malgré leurs promesses de régénération et d’abondance, les pratiques centralisatrices de la nouvelle agriculture n’étaient pas unanimement considérées comme clairement bénéfiques. Néanmoins, la variété des domaines auxquels touchaient les partisans de l’amélioration et l’engouement que leurs travaux suscitaient chez beaucoup montrent quels liens étroits étaient en train de s’établir entre l’économie politique, rurale et naturelle. Pendant les années 1770 et 1780, cependant, l’étude de l’économie de la Nature allait recevoir une nouvelle impulsion – principalement alimentée par les récents travaux sur les airs et les atmosphères effectués par un certain nombre de physiciens d’Europe.
La révolution dans l’air
34Buffon parut pour la première fois sur la scène du monde savant en tant que traducteur de la Statique des végétaux du physicien anglais Stephen Haies103. Ce fait est en soi révélateur de la priorité accordée à l’économie naturelle dans le projet d’étude du monde naturel du futur intendant. Les mêmes préoccupations furent partagées par les naturalistes, jardiniers et agronomes parisiens de la génération suivante, qui intégrèrent au programme de réformes agricoles une série d’études chimiques récentes sur les effets des végétaux sur l’air, parfois décrites comme une tradition de recherche dérivant du célèbre ouvrage de Haies.
35Les modifications apportées à l’utilisation du sol du Jardin durant le mandat de Buffon révèlent l’importance particulière des arbres pour Thouin et Buffon. Après l’expansion, la plus grande surface fut occupée par des plantations d’arbres, dont une grande pépinière réservée aux arbres d’Amérique du Nord pouvant être naturalisés en France. Avant 1739, par contre, c’était l’école de botanique qui occupait la plus grande surface du Jardin (figures 19 et 20). Ces transformations reflètent un intérêt collectif pour la promotion de la plantation d’arbres ; le bois était en effet utilisé comme le principal matériau pour la construction, en particulier la construction navale, et comme combustible104. Avant même de devenir intendant du Jardin des plantes en 1739, Buffon, ami de Duhamel du Monceau, s’était considérablement intéressé à la sylviculture, très présente dans ses premiers écrits pour l’Académie royale des sciences105. En France, les partisans de la nouvelle agriculture étaient favorables à la plantation d’arbres en bordure du nouveau réseau routier. Toutefois, le magistrat Joly de Fleury notait que, bien que les arbres fussent fournis gratuitement par un système de pépinières royales établi dans toute la France en 1721, leur succès demeurait négligeable au bout de soixante ans106. L’aval de la Couronne à l’établissement de pépinières partout en France et dans les colonies donna lieu à plusieurs projets de plantation d’arbres à grande échelle. En Bourgogne, Marc-Antoine-Louis Claret de Fleurieu de La Tourette, le correspondant de Thouin, fut nommé directeur d’une école royale où une centaine d’orphelins de bonne famille recevaient une formation d’apprentis sylviculteurs. Durant la période d’existence de cette école, environ un million de jeunes arbres furent cultivés et distribués parmi les propriétaires terriens de la région. André Michaux, correspondant de Thouin comme de Le Monnier, fut envoyé par la Couronne, à son retour d’une fructueuse expédition en Perse, pour fonder et diriger une pépinière d’arbres d’Amérique du Nord à Charleston. Au cours des années 1780, lui-même et son jardinier Saunier renvoyèrent des cargaisons d’arbres destinés à être plantés dans le domaine royal de Rambouillet, et acquis spécialement dans ce but107.
36À partir des années 1760, des expériences menées partout en Europe et dans les colonies indiquèrent que les arbres avaient un effet important sur le climat. Les efforts de Pierre Poivre pour interdire la déforestation de l’île de France, aujourd’hui île Maurice, semblent être l’exemple le plus ancien de telles observations savantes à l’origine de la politique administrative locale108. Poivre défendait sa politique en affirmant que supprimer les arbres conduisait à la sécheresse et à l’érosion du sol. Dans ses Époques de la nature de 1778, Buffon attribuait à la perte en arbres de l’Europe occidentale les températures plus clémentes qu’on y constatait, par comparaison à la Hongrie, la Pologne et d’autres endroits moins civilisés109. Un climat plus doux, bien entendu, contribuerait directement aux mœurs plus raffinées et aux idées plus éclairées de l’Occident. De telles affirmations pouvaient être directement adaptées à un usage révolutionnaire. Quatorze ans plus tard, Louis Reynier réalisa une étude détaillée des références au climat de la Rome républicaine antique dans le Journal d’Histoire naturelle, et en conclut “que le climat de Rome était à peu près le même que le climat actuel de Paris”, conférant ainsi à Paris une légitimité climatique en tant que siège d’un gouvernement républicain110. Les membres de la Société royale d’agriculture étaient eux aussi fort intéressés par l’usage révolutionnaire qui pouvait être fait de la connaissance des rapports entre climat, économie politique et économie de la nature. Ils se basaient pour cela sur la tradition anglaise de recherche expérimentale sur le rôle des végétaux et de l’air dans l’économie naturelle. Ils sollicitaient particulièrement les travaux du dissident et physicien anglais Joseph Priestley, qui avait en 1772 présenté à la Royal Society une communication où il décrivait, entre autres, les résultats de ses expériences sur l’air putride, émis par la respiration des animaux et la décomposition de la matière111. Priestley présentait comme un problème qui se posait depuis longtemps à la physique la question du renouvellement de l’air, puisque bien que les animaux et les hommes n’eussent cessé de respirer et de se décomposer depuis tant d’années, la réserve atmosphérique d’air purifié ou déphlogistiqué n’était pas encore épuisée. Il utilisa ses expériences pour démontrer que les végétaux possédaient le pouvoir de purifier l’air putride et de le rendre à nouveau respirable. Pour Priestley, l’aspect le plus important de son travail était qu'il révélait le véritable rôle, jusqu’alors inconnu, du règne végétal dans l’économie naturelle.
37D’autres physiciens européens reproduisirent les expériences de Priestley et leur donnèrent une importance accrue, en particulier le pasteur genevois Jean Senebier et l’expérimentateur hollandais Jan Ingen-Housz112. Leurs écrits attribuaient aux végétaux un rôle central dans la détermination de la qualité du climat. Ce modèle protestant de l’économie végétale fut aussi introduit dans les écrits agricoles de la France de la fin du XVIIIe siècle ; il fut résumé en 1785 dans l’article “Air” du Cours complet d’agriculture, rédigé par un éminent agronome et membre de la Société royale d’agriculture, François Rozier. En végétant pendant la journée, les végétaux décomposaient l’air atmosphérique en deux parties : l’air fixe, mortel pour les animaux, mais absorbé comme nourriture par la plante elle-même ; et l’air déphlogistiqué, nocif pour les plantes. “Cette pluie abondante d’air déphlogistiqué se mêle à l’air atmosphérique, et [...] augmente la proportion de ce principe sur celle de l’air fixe. De là, la pureté de l’air de la campagne : l’abondance des plantes et des arbres, absorbant et consumant sans cesse une quantité d’air fixe, et répandant de tout côté des flots d’air pur, le rend sans cesse plus propre à être respiré. Admirable compensation de la nature ! chef d’œuvre de sagesse par son auteur !”113. Les mémoires soumis à la Société royale d’agriculture dans les années 1780 recouraient à la même série d’études chimiques pour appuyer des propositions de programmes nationaux de plantation d’arbres. Plus, ces ambitieux projets étaient exprimés en des termes explicitement politiques, dans le cadre d’appels à des réformes agricoles spécifiques qui devaient bientôt resurgir dans les programmes législatifs des gouvernements révolutionnaires successifs114. En 1789, le jeune Jean-Augustin-Victor Yvart, fermier* de l’archevêque de Paris et correspondant de la Société royale d’agriculture, envoya à cette dernière un mémoire qui fut lu devant l’assistance réunie par Thouin et Mathieu Tillet, qui étaient alors tous deux membres du très sélectif Comité d’agriculture de la Société. Le mémoire d’Yvart portait sur un sujet qui semblera familier à toute personne ayant étudié l’agriculture sous la Révolution française : la nécessité d’enclore les terres. Toutefois, il présentait les arbres comme les instruments de clôture idéaux, se référant explicitement aux travaux de Priestley et d’Ingen-Housz, dont les expériences avaient montré “qu’elles [les plantes] possédaient l’étonnante faculté de purifier l’air qu’elles contenaient dans leur substance et qu’elles avaient sans doute absorbé de l’atmosphère [...] qu’elles versaient une espèce de pluie abondante, s’il est permis de parler ainsi, de cet air vital et dépuré, qui en se répandant dans la masse de l’atmosphère, contribue réellement à entretenir la salubrité de l’air, et à le rendre plus propre à entretenir la vie des animaux”115. Yvart reliait ces travaux à des études plus récentes des correspondants de la Société royale d’agriculture elle-même, comme le baron de Tschudy, qui “nous assure que l’essart qu’on fit d’une forêt de cèdres dans une île de la mer pacifique, rendit l’air si malsain qu’on fut obligé de les replanter”. Tschudy était un correspondant de longue date de Thouin, qui le connaissait depuis la fin des années 1770, et un expert dans le domaine de l’acclimatation116. En outre, Yvart soulignait que la plantation d’arbres, contrairement à ce que l’on pensait auparavant, améliorait en fait la qualité du sol. “Personne n’ignore qu’une infinité d’endroits insalubres, qu’un très grand nombre de marais, autrefois malsains, incultes et inhabités, doivent aux plantations la salubrité de l’air qu’on y respire maintenant, et la fertilité qui s’y manifeste de toutes parts”. Ainsi appuyait-il ses affirmations quant aux effets des arbres sur le climat à la fois sur les études sur les végétaux et l’air effectuées depuis une décennie, et sur la tradition de réforme agricole dans laquelle lui-même et son public se situaient.
38De même, dans un mémoire présenté à la Société royale d’agriculture par Thouin et l’abbé d’Harpicourt douze jours avant la prise de la Bastille, Brunet, un correspondant de la Société, associait explicitement les déficits de l’état actuel de l’agriculture à une distinction rousseauiste entre la ville et la campagne, déplorant le fait que les seigneurs* résidaient souvent à Paris et non pas sur leurs terres :
C’est un malheur [...] que les riches fonciers abandonnent leur héritage et leur campagne. C’est au milieu de ces possessions qu’ils auraient trouvé la force dans leur tempérament, une santé robuste, des mœurs douces, peu de maladie, et une tranquillité d'âme bien au-dessus des plaisirs factices qu’éprouvent journellement les citoyens blasés des villes et des grosses cités. Ces hommes faibles se sont presque tous éloignés de la nature, en s’éloignant de leur patrie. Ils étaient faits pour elle, leurs organes acclimatés, pour ainsi dire, au pays qui les a vu naître [...]. L’inconstance de l’air influe sur notre âge et notre santé. Nous la corrigeons par notre prudence. Pourquoi n’agirions-nous pas de même à l’égard de l’influence que l’air donne à nos propriétés ?117
39Juste avant que la Révolution éclate, les membres de la Société royale d’agriculture de Paris liaient leurs modèles de climat et d’acclimatation aux nouvelles entités de la physique de manière à soutenir une certaine physiologie et une politique de comportement pour le propriétaire terrien français. Un élément fondamental de leurs affirmations était l’établissement d’un lien entre le climat, la prospérité nationale et la condition de la société ; par conséquent, de nombreux aspects de la “nouvelle agriculture” furent convertis en efforts pour contrer les inconvénients locaux du climat. Le sol devait être fertilisé et cultivé dans des zones jusque-là stériles et désertes. Des projets d’assèchement des marécages visaient à améliorer la qualité de l’air dans des régions où le risque de maladies infectieuses était élevé118.
40Les législateurs révolutionnaires s’appuyèrent largement, dans le domaine agricole, sur l’expertise de savants comme Thouin et ses collègues de la Société royale d’agriculture. Les mesures climatiques devinrent un élément central de l’évaluation de la richesse d’une nation, comme l’indiquent les “Questions d’Économie Politique” de Constantin-François Chassebeuf de Volney (1794), dont une section entière était consacrée au climat ou “État du Ciel”119. Les partisans de la nouvelle agriculture affirmaient que les lumières et l’éducation pouvaient contrer les effets dégénératifs du climat ; de fait, en initiant les cultivateurs aux principes de la nouvelle agriculture, le climat de la France pouvait être amélioré, comme le suggérait en mai 1790 le rapport sur le plan des travaux du Comité d’agriculture et de commerce : “Répandez les lumières, vous fertiliserez le sol. Les sociétés agricoles produiraient cet heureux effet ; et une meilleure éducation physique et morale, donnée aux enfants des colons, serait un second bienfait qui accélérerait ce changement si désiré dans nos mœurs”120. Pour ces réformateurs révolutionnaires, l’agriculture et l’histoire naturelle devaient donc être une importante voie d’amélioration de la nation française. Au début des années 1790, les naturalistes parisiens décrivaient leurs activités sur un ton de plus en plus utopique, affirmant pouvoir régénérer la nature française grâce à un enseignement éclairé, et ainsi transformer la société française. L’expertise qu’ils affirmaient posséder hait inextricablement la connaissance de la culture et de l’économie naturelle au bien de la nation. Un ensemble de réformes climatiques et législatives accomplirait le projet de régénération révolutionnaire. D’où la double signification de l’appel lancé par les naturalistes du Jardin devant les députés assemblés en 1790, puis de nouveau en 1793, sollicitant la fondation d’un Muséum d’histoire naturelle national. Leur discours préliminaire s’achevait par cette question : “L’arbre de la liberté serait-il le seul qui ne pût pas être naturalisé au Jardin des plantes ?”121.
41Les projets français de réforme de l’air datant de la fin du XVIIIe siècle ont souvent été analysés essentiellement en tant que source des politiques d’hygiène du XIXe siècle. Cependant, comme le montrent les travaux de Corbin sur l’histoire de l’odeur, les réformes de l’hygiène publique reposaient sur des arguments médicaux quant aux effets des atmosphères sur la constitution humaine. Schaffer a montré comment les efforts pour mesurer et réformer la qualité de l’air dans l’État européen étaient motivés par des préoccupations pour l’administration morale de la société122. Les atmosphères et les airs occupaient une large place non seulement dans les discours sur la médecine ou la chimie mais aussi, bien sûr, en histoire naturelle. En 1784, Antoine-Laurent de Jussieu rédigea un rapport sur ses expériences en tant que membre de la commission de la Société royale de médecine, l’une de deux commissions chargées d’enquêter sur le mesmérisme123. Jussieu était le seul membre de sa commission à ne pas être d’accord avec les conclusions du rapport principal. Certaines observations semblaient au médecin botaniste être en contradiction avec le rapport de ses collègues à la commission de la Société royale de médecine, Mauduyt, Andry et Caille, dénonçant le magnétisme animal, à la suite de Lavoisier et de la commission sœur de l’Académie royale des sciences, comme un produit de l’imagination et par conséquent sans aucune valeur124.
42Bien que Jussieu ait agi en sa capacité de médecin, son rapport est d’un intérêt direct pour la compréhension des préoccupations de l’histoire naturelle, car il révèle la nature de ses opinions sur le rapport entre l’atmosphère, l’économie animale et l’économie de la Nature d’une manière que l’on ne retrouve pas dans le seul autre ouvrage qu’il publia durant cette période, Genera plantarum. Jussieu énumérait les expériences qu’il avait réalisées personnellement ; la plupart de ses patients avaient ressenti une impression de chaleur, certains avaient eu des réactions plus violentes comme des crises, des spasmes émotionnels ou physiques irrésistibles, et occasionnellement des guérisons. Dans le cas des effets les plus spectaculaires, les “faits positifs” paraissaient, pour la plupart, appuyer l’affirmation que les effets du magnétisme devaient être attribués à l’imagination. Dans quelques cas, cependant, Jussieu lui-même avait pu produire des résultats physiques alors même que le patient n’était pas conscient de ses activités. “[Ces résultats] suffiront pour faire admettre la possibilité de l’existence d’un fluide ou agent, qui se porte de l’homme à son semblable, et exerce quelquefois sur ce dernier une action sensible. [...] De cette union de faits et de conséquences, il résulte que le corps humain est soumis à l’influence de différentes causes, les unes internes et morales, telles que l’imagination ; les autres externes et physiques [...]”. Les trois processus de magnétisation – le frottement, le contact et l’action d’un fluide émanant d’un corps semblable – produisaient tous les mêmes effets, et pouvaient donc tous être attribués à une même cause. “[Mais] quel est le principe qui s’insinue ainsi dans les corps ?” Dans les corps animés, expliquait Jussieu, il existait deux principes premiers : la matière et le mouvement, ce dernier étant la cause de toutes les fonctions animales. “Principe de mouvement dans la Nature entière, il devient celui de la chaleur animale dans les corps vivants ; de là cette correspondance marquée entre les variations de l’atmosphère et l’état de nos organes”. Sous un autre nom, ajoutait-il, ce principe du magnétisme animal pouvait être identifié à l’électricité, principe “connu par ses effets, répandu dans les corps, et exerçant une action sensible”125.
43Reflétant la communauté de langage et de préoccupations quant à l’économie naturelle entre la médecine et l’histoire naturelle, le rapport de Jussieu assimilait les atmosphères mesmériques aux atmosphères chimiques telles que celles étudiées par les naturalistes partout en Europe. Vers la fin du siècle, les naturalistes français décrivaient de plus en plus la matière et l’activité dans le monde comme une quantité finie, suivant un cycle perpétuel à travers le monde vivant et inanimé, de sorte que l’économie naturelle était aussi équilibrée que les ressources financières du registre comptable d’un administrateur126. La description par Jussieu du fonctionnement du “principe électrique” dans l’économie de la nature était probablement inspirée d’un certain nombre d’explications, données à l’époque, du rôle joué par l’électricité dans l’économie naturelle, en particulier les travaux de Pierre-Joseph Bertholon et Jean-Antoine Nollet, et peut-être ceux de Mauduyt et de Lacepède127. De fait, Jussieu considérait sa présentation de l’économie naturelle comme si évidente qu’il ne donnait pas de sources à l’appui de ses affirmations ; elles n’étaient, soulignait-il, “pas neuves”. Puisque le fluide électrique tendait à être également distribué partout dans le monde, il passerait “avec impétuosité” dans les corps qui en étaient privés. “Répandu dans l’air sans s’unir avec lui, ayant avec l’eau la plus grande affinité, ce fluide est saisi par les vapeurs élevées de terre ; condensé dans les nuages, il y forme de grands météores ; ramené sur terre avec l’eau de la pluie, il la pénètre et y apporte la vie et la fécondité”. De même, chez les animaux le principe formait une atmosphère équilibrée autour de chaque individu “quelquefois assez facile à reconnaître par le sens de l’odorat, lorsqu’elle est chargée de particules odorantes”. Les atmosphères personnelles, suggérait Jussieu, pouvaient être mesurées grâce aux particules odorantes qu’elles contenaient128. Les plantes possédaient également une atmosphère vivante, de sorte qu’un aveugle pouvait percevoir la présence d’un arbre129. Chaque être vivant était un “véritable corps électrique”, et la quantité du principe actif dans chaque organe en déterminait l’activité. Des changements malins pouvaient être détectés par un toucher très délicat ; et deux corps en déséquilibre s’équilibreraient au moyen d’un doigt conducteur – cela expliquait, selon Jussieu, le phénomène du magnétisme animal.
44Les végétaux et les animaux, rappelait Jussieu à ses lecteurs, étaient influencés par des causes physiques et externes telles que la nature du sol, l’exposition locale et les variations de l’atmosphère. Chez les animaux, les effets du climat étaient confondus par leur organisation plus complexe. Comme Daubenton, il attribuait le caractère des animaux à leur conformation : les systèmes nerveux et la musculature rendaient possible la possession d’un mouvement volontaire et d'une sensibilité ou d’une imagination. Sous l’influence de l’imagination, le “principe actif” pouvait réagir variablement “et détermine[r] ainsi des effets salutaires ou nuisibles”. Chez l’homme également, l’imagination avait des effets variables sur la constitution, et différents groupes d’individus, selon la quantité d’imagination qu’ils possédaient, contenaient une quantité proportionnelle de principe actif. En fin de compte, Jussieu concluait que le véritable principe “qui établit l’influence physique de l’homme sur l’homme”, et les effets du magnétisme animal pouvaient être attribués aux effets d’un transfert de chaleur130. “On ne peut nier à la vérité l’existence d’un principe identifié avec le feu, avec le fluide électrique, pénétrant le corps humain, et y portant la chaleur”. La valeur thérapeutique du mesmérisme, comme de l’électricité, résidait donc dans sa capacité à stimuler la chaleur animale chez les personnes. Le corps électrique du XVIIIe siècle était ainsi assimilé à une longue tradition de médecine climatique dérivée des anciens et étayant les questionnements d’histoire naturelle du demi-siècle précédent. Mais surtout, ce rapport reliait très directement les causes physiques et morales et leurs effets au principe actif du monde – qu’il se manifestât par l’électricité ou la chaleur animale – qui circulait à travers toute l’économie de la nature, du ciel aux végétaux, aux animaux et à l’atmosphère, et entre les différents êtres humains. Dans la France pré-révolutionnaire, les atmosphères n’étaient pas seulement dangereuses pour la santé, elles étaient ce qui liait entre eux les membres d’une société, déterminait leurs qualités physiques et morales et les rattachait à l’économie de la nature. La cohésion de la société elle-même était en jeu lorsqu’on parlait d’amélioration de l’air.
45L’emploi par Jussieu de l’électricité comme le médiateur d’interactions morales et physiques n’avait donc rien d’inhabituel dans les années 1780. Mais son fluide du monde ressemblait en de nombreux points au fluide universel mesmérien. En outre, son analyse fut prise par le radical Jean-Louis Carra comme base de sa théorie politique révolutionnaire, ainsi décrite par Darnton : “Les causes morales, comme les lois injustes, perturbent l’atmosphère et partant la santé, de même que les causes physiques entraînent la maladie ; et réciproquement, les causes physiques peuvent produire des effets moraux même sur une grande échelle. ‘Les mêmes effets ont lieu, à chaque instant, dans la société et l’on ne s’est pas encore avisé, je pense, d’y attacher cette importance parce qu’on n’a pas encore assez lié le moral au physique’”131. L’analyse de ce lien entre le moral et le physique au sein de l’économie de la nature caractérisa une grande partie de l’activité des savants au cours de la Révolution. De surcroît, l’économie de la nature devint un site d’investigation scientifique de plus en plus important sous la Révolution. En 1792, l’Académie des sciences proposa comme sujet de son concours l’économie de la nature, puisqu’“il était temps de fixer l’attention des savants sur la solution de ce grand problème”. “Par quels procédés”, demandait-elle, “la nature opère-t-elle cette circulation entre les trois règnes ? [...] La cause et le mode de ces phénomènes ont été jusqu’à présent enveloppés d’un voile presque impénétrable”132.
46Au nouveau Muséum d’histoire naturelle, l’intérêt pour l’étude de la relation entre le moral et le physique se manifestait dans les dissections publiques, comme la dissection du rhinocéros de Versailles par Mertrud le 26 septembre 1793, devant les membres du Comité de salut public. Un récit détaillé de cet événement, comprenant une brève description des mœurs* de l’animal par Daubenton, survit sous forme de manuscrit133. L’étude des mœurs* animales fut aussi revendiquée plus activement par les naturalistes durant la Révolution, et reçut un soutien considérable de l’État. En 1791, dans ses “Recherches à faire par les voyageurs pour concourir efficacement aux progrès de la zoologie”, un mémoire écrit pour la Société d’histoire naturelle alors que ses membres s’employaient à décider comment instruire les voyageurs partant à la recherche de Lapérouse, Pinel regrettait l’insuffisance de la connaissance que les naturalistes avaient des variétés, “un objet d’histoire naturelle qui peut encore à peine être ébauché”. La zoologie de Pinel devait être “anthropocentrique” comme l’avait été celle de Buffon vingt ou trente ans auparavant : les recherches des zoologues devaient contribuer à la compréhension des effets du climat sur l’homme. Par-dessus tout, il demandait aux voyageurs de “remarquer avec soin tout ce qui peut exercer une influence plus ou moins puissante” sur les espèces, comme “la position des lieux, leur température, les variations des saisons, les qualités du sol et les inégalités qui peuvent les rendre bas ou montueux, les principales productions végétales qui y croissent naturellement, la Nature des aliments qui en résulte pour les animaux et pour l’homme, l’état plus ou moins sauvage et agreste de ces derniers ou la civilisation plus ou moins avancée des individus de l’espèce humaine”134. Une telle recherche devait, selon Pinel, transformer la pratique de l’histoire naturelle. Le rapport de la Société d’histoire naturelle à l’Assemblée Nationale sur l’expédition de Lapérouse soulignait lui aussi l’importance de l’examen des effets du climat135.
47Peu après sa nomination au poste d’intendant du Jardin en août 1792, l’écrivain Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre avait déjà attiré l’attention en proposant d’établir une ménagerie au Jardin136. Aubin-Louis Millin, Pinel et Alexandre Brongniart écrivirent un rapport favorable sur son mémoire de 1792 pour la Société d’histoire naturelle137. Cependant, la ménagerie ne vit le jour qu’en 1794. La Commission des travaux publics, dans son rapport sur la demande des professeurs quant à la création d’une ménagerie en floréal de l’an II (mai 1794), produisit un récit de mœurs* captivant pour persuader le Comité de salut public de la valeur d’une ménagerie :
Ce jardin peut devenir le plus beau de l’univers ; on y verra réuni tout ce que la terre offre de plus curieux, les merveilles des trois Règnes, les animaux les plus rares, les plantes de tous les climats ; chaque animal y serait placé à l’exposition qui lui convient le mieux ; près de lui seraient les arbres qu'il aime, les plantes qui lui sont propres : Le Lion d’Afrique y aurait son Bauge dans un Roc près de l’ombre des Palmiers et des Cocotiers réunis ; la Panthère féroce, le Tigre sanguinaire habiteraient la même région ; mais l’ours blanc de Sibérie abrité par quelque haute roche des Vents et de la chaleur du midi, serait placé dans le lieu le plus froid138.
48Les membres de la commission n’avaient aucun doute non seulement sur la nécessité d’utiliser la surface du Jardin comme une série de sites de culture, mais aussi sur les effets bénéfiques que la vue du rapport climat-mœurs* pourrait avoir sur les citoyens français. La description de la ménagerie dans La Décade philosophique, littéraire et politique de vendémiaire de l’an III (octobre 1794) comprenait un extrait de l’histoire, relatée par le bibliothécaire du Muséum, du lion de la ménagerie qui avait comme plus proche compagnon un chien (figure 21). Le lion avait été élevé tout petit au Sénégal et donné au directeur de la Compagnie des Indes. Entre les mains du personnel du Muséum, il devint le symbole de la capacité de la société républicaine de réconcilier le naturel et l'artificiel, et d’améliorer l’un et l’autre. “Le lion de la ménagerie a conservé tous les traits primitifs de son espèce. Rendu aux plaines de l’Afrique, il y régnerait encore par le sentiment de sa force qu’il doit à la Nature. La société n’a pas détruit son instinct, mais elle l’a perfectionné”139. Les animaux révélaient la manière dont la vie sous un gouvernement républicain conduisait au perfectionnement de la société – tant qu’on prenait les mesures appropriées contre les effets délétères du climat.
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49Une tradition omniprésente dans l’histoire naturelle buffonienne recherchait les liens entre la nature physique et morale de l’homme et des animaux, et les associait de près aux effets de la nature et de la culture sur les êtres vivants. De ce lien, naturalistes et agronomes dérivèrent des arguments radicaux quant à la nécessité de réformer la société française, s’appuyant également sur les écrits d’auteurs individuels comme Bernardin de Saint-Pierre et Jean-Jacques Rousseau, même si les modèles de la nature étaient de toute évidence différents chez ce dernier. La fascination exercée par les écrits de Buffon en tant que germe des disciplines biologiques modernes a toutefois eu tendance à obscurcir certaines des interprétations données à son époque à l’entreprise naturaliste dans laquelle lui-même et ses contemporains étaient engagés. Des projets comme l’étude du fraisier de Versailles par Antoine-Nicolas Duchesne ou les expériences sur les croisements de blé de Michel Adanson ont plutôt été envisagés comme les précurseurs des théories mendéliennes sur l’hérédité. Dans d’autres cas, les études sur le climat et la dégénération ont été interprétées comme les premiers balbutiements des théories de l’évolution ou de la génétique140. La recherche des origines de la science moderne a effectivement masqué la centralité des programmes d’acclimatation et de culture dans les préoccupations des naturalistes après les années 1770. En fait, la situation de nombreux naturalistes du XVIIIe siècle, y compris ceux du Jardin du roi, au sein des programmes nationaux d’amélioration, dirigeait leur attention vers les problèmes matériels et épistémologiques associés à l’introduction et à l’amélioration de plantes et d’animaux utiles. Leur présentation de l’acclimatation ressemble peut-être superficiellement aux modèles de l’évolution et de l’hérédité qui apparurent par la suite, et auxquels on l’a comparée. Mais, au-delà du présentisme qui consiste à identifier de tels discours comme “identiques” aux présentations du monde naturel des XIXe et XXe siècles, il existe des différences plus profondes qui doivent modifier notre vision de la signification des théories climatiques du XVIIIe siècle. La principale est l’échelle temporelle employée à l’époque pour décrire les changements qui se produisaient : de leur point de vue au jardin, naturalistes et agronomes pouvaient observer les transformations se produisant pendant la vie d’un individu, ou tout au moins sur une génération ou deux. Même Buffon concluait ses Époques de la nature de 1778, où il appelait à une expansion de l’âge de la terre jusqu’à un nombre d’années beaucoup plus grand que celui reconnu par les experts des Écritures, par un appel dramatique à ses lecteurs visant à leur faire reconnaître l’immense pouvoir transformateur dont disposait l’homme à travers les sciences et les arts : “Et que ne pourrait-il pas sur lui-même, je veux dire sur sa propre espèce, si la volonté est toujours dirigée par l’intelligence ? Qui sait jusqu’à quel point l’homme pourrait perfectionner sa nature, soit au moral, soit au physique ?”141. Il y avait là une arme puissante pour les projets révolutionnaires de transformation totale de la société. Au chapitre 5, je me pencherai en détail sur la question de la relation entre l’enseignement de l’histoire naturelle et la transformation du citoyen.
50L’intérêt du XVIIIe siècle pour le climat poussa les naturalistes, les médecins, les agronomes et d’autres à étudier les effets des conditions physiques extérieures sur les corps vivants. Leur recherche a été implicitement associée aux théories de l’environnement des XIXe et XXe siècles. Toutefois, le mot “environnement” est devenu tellement chargé d’implications biologiques et écologiques modernes que son emploi risque de créer une compréhension erronée des objectifs particuliers que servaient les théories du climat pour les auteurs du XVIIIe siècle. J’ai donc évité de l’employer ici, malgré les diverses éludes excellentes qui ont appliqué ce terme au XVIIIe siècle142. En particulier, et comme le montre l’usage récent de l’expression “topographie médicale”, la théorie du climat était caractérisée par ses origines et implications médicales. La maladie était le plus évident de toute une série de bouleversements de l’économie animale dus au climat, à l’alimentation et aux institutions sociales. Je me suis efforcée d’insérer la préoccupation des naturalistes pour le climat dans le cadre d’un projet hippocratique largement conçu, qui ne ressemble guère à l’environnementalisme moderne que ce soit dans son contenu ou dans ses utilisations sociales. La rapidité avec laquelle les transformations étaient supposées se produire dans les corps, et l’opinion communément répandue selon laquelle les changements pouvaient devenir irréversibles et même héréditaires, expliquent à la fois la crainte relativement plus importante que le climat inspirait aux gens de l’époque et leur engagement optimiste dans des projets qui paraissent aujourd’hui incroyablement lointains, comme la naturalisation de l’arbre à pain dans les pays tempérés. Les naturalistes offraient à leurs contemporains le pouvoir de transformer à la fois la nature et la société.
51De tels arguments possédaient, comme je l’ai montré, un attrait considérable pendant la période de la Révolution. Mais l’étude de l’histoire naturelle requiert également une nouvelle approche historiographique de la compréhension de la Révolution française. Ni la vision marxiste de la Révolution en tant qu’événement suscité par des facteurs socio-économiques, ni les histoires intellectuelles plus récentes de la Révolution, exprimées sous la forme d’une série de luttes de pouvoir symboliques et linguistiques, ne représentent de façon adéquate les significations données à la Révolution par les naturalistes, ni, probablement, celles employées par les membres des gouvernements révolutionnaires successifs qui promouvaient activement les programmes d’acclimatation et de réforme climatique en France. La régénération, la liberté et l’amélioration faisaient partie des conséquences pratiques censées résulter d’un gouvernement révolutionnaire adéquat, et c’était des termes impliquant un processus naturel et physique de transformation des corps vivants. De telles transformations pouvaient être observées quotidiennement dans les établissements d’histoire naturelle, dans les importations exotiques, lors des expéditions, et même dans les jardins privés. Elles étaient reconnues de la plupart des gens instruits, et les discussions à leur sujet étaient courantes dans la presse. En affirmant être experts dans le contrôle de l’acclimatation, les naturalistes semblaient offrir la possibilité de limiter ou d’inverser de tels changements, tout comme les médecins prodiguaient d’abondants conseils pour protéger le corps de l’individu des intempéries du climat. La réforme agricole, comme la constitution de réseaux botaniques, laisse apparaître un puissant soutien de la Couronne aux mesures anti-dégénératives, même avant la Révolution. Pour les naturalistes, la Révolution conférait une légitimité nouvelle aux projets d’acclimatation. En l’an II (1793-1794), La Décade philosophique, littéraire et politique résumait le rôle des activités d’acclimatation en termes révolutionnaires : “La culture des plantes, envisagée dans ses rapports avec la prospérité nationale, devient, pour le citoyen, la pratique d’une vertu morale, fondée sur l’amour de la patrie”143.
52La littérature secondaire a traité de l’acclimatation du point de vue de l’utilité qu on y percevait dans la fourniture de nouvelles productions naturelles pour l’alimentation et pour les arts144. Le présent chapitre soutient une telle lecture, tout en indiquant néanmoins la nécessité de la dépasser. En effet, l’utilité est, comme d’autres l’ont fait remarquer, une notion relative, et c’était à cette période une expression politiquement chargée dénotant une auto-représentation particulière, l’une des nombreuses manières par lesquelles les naturalistes s’assuraient le soutien des régimes qui se succédèrent entre 1774 et 1799. L’anecdote, souvent répétée, où Daubenton déclara devant la section des sans-culottes* que son métier était berger* afin d’obtenir un certificat de civisme, illustre, même si elle est apocryphe, jusqu’à quel point le jacobinisme allait devenir synonyme de modèles grossièrement utilitaires de la science145. L’utilité seule ne suffit pas, toutefois, à expliquer la fondation du Muséum à une époque où d’autres établissements scientifiques étaient supprimés. Elle ne saurait non plus suffire à expliquer le succès des naturalistes du Jardin dans la promotion de leurs projets d’autonomie, alors que les activités “utiles” d’autres naturalistes n’appartenant pas à l’établissement ne les sauvèrent pas de l’appauvrissement ni de la persécution. Un bon exemple est le jardin d’acclimatation de Tessier à Rambouillet, qui fut fermé par la Convention Nationale. Au prochain chapitre, je me pencherai donc sur les stratégies d’agencement politique mises en œuvre par les naturalistes du Jardin pour répondre aux problèmes posés par la vie sous la Révolution. Les discours sur l’économie naturelle, la nature et la culture au sein de la communauté naturaliste parisienne étaient inévitablement politiques, tant dans leur emploi par les naturalistes s’adressant aux responsables gouvernementaux adeptes de l’amélioration, que dans leur emploi durant la Révolution par ces mêmes naturalistes pour parler de la régénération de la société. Comme le rôle du cultivateur acquérait des connotations de plus en plus utopiques sous la République, les naturalistes devinrent de plus en plus importants pour l’État révolutionnaire. Par opposition aux nombreuses utopies, littéraires, religieuses ou politiques, qui fonctionnaient principalement dans les royaumes de l’imagination, les révolutionnaires décrivaient souvent l’état naturel et social idéal comme étant presque à portée de main, et comme étant même peut-être représenté par certains lieux privilégiés tels que les jardins et les fermes146. Les programmes transformateurs des naturalistes étayaient de telles réifications des jardins en tant qu’espaces idéaux. La Révolution et la régénération devaient s’étendre non seulement à la réforme de la vie politique, morale et sociale, mais aussi au remodelage de la nature physique. S’adressant aux députés de l’Assemblée Nationale en 1790, les naturalistes déclarèrent même qu’eux-mêmes étaient des “hommes nouveaux”147. Ce ne serait qu’après la Révolution que l’étendue de telles transformations, telle qu’on l’envisageait dans les années 1780, allait être sérieusement remise en question148.
Notes de bas de page
1 Festy (Octave), L'Agriculture pendant la Révolution française. T. 1 : Les Conditions de production et de récolte des céréales : étude d’histoire économique, 1789-1795. T. 2 : L'Utilisation des jachères, Paris : Gallimard, 1947-1950, 463 + 155 p. ; Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, Paris : SEVPEN, 1967, 3 vols, 1743 p.
2 Koerner (Lisbet), “Purposes of Linnaean Travel : a Preliminary Research Report”, in Miller (David Philip), Reill (Peter Hanns) (sous la dir.), Visions of Empire : Voyages, Botany, and Representations of Nature, Cambridge : Cambridge University Press, 1996, pp. 117-152 ; Jackson (Myles), “Natural and Artificial Budgets : Accounting for Goethe’s Economy of Nature”, Science in Context, vol. 7, 1994, pp. 409-431 ; Larson (James L.), Interpreting Nature : the Science of Living Form from Linnaeus to Kant, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1994, IX-227 p. ; Linné (Carl von), L’Équilibre de la nature, [introd. de Limoges Camille], Paris : Vrin, 1972, 170 p.
3 Farber (Paul L.), “Research Traditions in Eighteenth-Century Natural History”, in Bernardi (Walter), La Vergata (Antonello) (sous la dir.), Lazzaro Spallanzani e la biologia del settecento : Teorie, esperimenti, istituzioni scientifiche, Florence : Leo Olschki, 1982, pp. 397-403 ; Caron (Joseph), “Biology in the Life Sciences : a Historiographical Contribution”, History of Science, vol. 26, 1988, pp. 223-268.
4 Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature : Readings from Buffon and his Critics, Notre Dame : University of Notre Dame Press, 1981, p. 3. Voir également Roger (Jacques), “Buffon et la théorie de l’anthropologie”, in Bingham (Alfred J.), Topazio (Virgil W.) (sous la dir.), Enlightenment Essays in Honour of Lester G. Crocker, Oxford : Voltaire Foundation, 1979, pp. 253-261 ; Hilts (Victor), “Enlightenment Views on the Genetic Perfectibility of Man”, in Mendelsohn (Everett) (sous la dir.), Transformation and Tradition in the Sciences : Essays in Honour of I. Bernard Cohen, Cambridge : Cambridge University Press, 1984, pp. 255-271.
5 On trouvera une bonne introduction dans Feldman (Theodore S.), “The Ancient Climate in the Eighteenth and Early Nineteenth Century”, in Shortland (Michael) (sous la dir.), Science and Nature : Essays in the History of the Environmental Sciences, Oxford : Alden Press, 1993, pp. 23-40.
6 Voir Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., op. cit. ; Eddy (John H., Jr), “Buffon, Organic Alterations, and Man”, Studies in the History of Biology, vol. 7, 1984, pp. 1-45 ; Rheinberger (Hans-Jörg), “Buffon : Zeit, Veränderung, and Geschichte”, History and Philosophy of the Life Sciences, vol. 12, 1990, pp. 203-223.
7 Des critiques semblables, soulignant la signification médicale de ces termes, ont été émises par Gelbart (Nina Rattner), “The French Revolution as Medical Event : the Journalistic Gaze”, History of European Ideas, vol. 10, 1989, pp. 417-427 ; Horn (Jeffrey), “The Revolution as Discourse [compte-rendu de Baker (Keith Michael), Inventing the French Revolution]”, History of European Ideas, vol. 13, 1991, pp. 623-632. Voir également Gay (Peter), “The Enlightenment as Medicine and as Cure”, in Barber (W. H.), Brumfitt (J. H.), Leigh (R. A.), Shackleton (R.), Taylor (S. S. B.), The Age of the Enlightenment : Studies Presented to Theodore Besterman, Edimbourg : Oliver and Boyd, 1967, pp. 375-386.
8 Remarquablement racontée, entre autres, par Outram (Dorinda), Georges Cuvier : Vocation, Science, and Authority in Post-Revolutionary France, Manchester : Manchester University Press, 1984, VI1I-299 p. ; Corsi (Pietro), Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme, 1770-1830, [trad. de l'italien par Ménard Diane], Paris : CNRS Éditions, 2001, 440 p. ; Appel (Toby A.), The Cuvier-Geoffroy Debate : French Biology in the Decades before Darwin, Oxford : Oxford University Press, 1987, 305 p. ; Laurent (Goulven), Paléontologie et évolution en France, 1800-1860 : Cuvier-Lamarck à Darwin, Paris : CTHS, 1987, XIV-553 p. ; Desmond (Adrian), The Politics of Evolution : Morphology, Medicine, and Reform in Radical London, Chicago : University of Chicago Press, 1989, pp. 1-100.
9 D’Alembert (Jean Le Rond), “Climat (Géog.)”, in Diderot (Denis), D’Alembert (Jean Le Rond) (sous la dir.), Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris : Briasson, 1753, vol. III, pp. 532-534. Sur la théorie du climat, voir Riley (James C.), The Eighteenth-Century Campaign to Avoid Disease, New York : St. Martin’s Press, 1987, XVII-213 p. ; Jordanova (Ludmilla J.), “Earth Science and Environmental Medicine : the Synthesis of the Late Enlightenment”, in Jordanova (Ludmilla J.), Porter (Roy S.) (sous la dir.), Images of the Earth : Essays in the History of the Environmental Sciences, Chalfont St. Giles : British Society for the History of Science, 1979, pp. 119-146 ; Glacken (Clarence J.), Traces on the Rhodian Shore : Nature and Culture in Western Thought from Ancient Times to the End of the Eighteenth Century, Berkeley : University of California Press, 1967, XXVIII-763 p., en particulier pp. 551-596 ; Feldman (Theodore S.), “Late Enlightenment Meteorology”, in Frängsmyr (Tore), Heilbron (John L.), Rider (Robin E.) (sous la dir.), The Quantifying Spirit in the Eighteenth Century, Berkeley : University of California Press, 1990, pp. 143-177. Certaines parties d’une version précédente de mon analyse ont été reproduites dans Grove (Richard H.), Green Imperialism : Colonial Expansion, Tropical Island Edens, and the Origins of Environmentalism, 1600-1860, Cambridge : Cambridge University Press, 1995, chapitre 4, en particulier pp. 162-164.
10 D’Alembert (Jean Le Rond), “Éloge de M. le baron de Montesquieu”, in Diderot (Denis), D’Alembert (Jean Le Rond) (sous la dir.), Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris : Briasson, 1755, vol. V, pp. III-XVIII.
11 Wade (Ira O.), The Intellectual Origins of the French Enlightenment, Princeton : Princeton University Press, 1971, XXI-678 p. ; Adams (Percy G.), Travelers and Travel Liars, 1600-1800, Berkeley : University of California Press, 1962, 292 p. ; Broc (Numa), “Voyages et géographie au XVIIIe siècle”, Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, vol. 22, 1969, pp. 137-154. Citons par exemple le récit d’un voyageur-naturaliste du Jardin Sonnerat (Pierre), Voyage à la Nouvelle Guinée, dans lequel on trouve la description des lieux, des observations physiques et morales, et des détails relatifs à l’histoire naturelle dans le règne animal et le règne végétal, Paris : Ruault, 1776, XVI-208 p.
12 Vyverberg (Henry), Human Nature, Cultural Diversity, and the French Enlightenment, Oxford : Oxford University Press, 1989, XII-223 p. Pick (Daniel), Faces of Degeneration : a European Disorder, c. 1848-c. 1918, Cambridge : Cambridge University Press, 1989, 275 p., analyse l’histoire ultérieure de la dégénération.
13 Williams (Elizabeth A.), The Physical and the Moral : Anthropology, Physiology, and Philosophical Medicine in France, 1750-1850, Cambridge : Cambridge University Press, 1994, XII-281 p. ; Glacken (Clarence J.), Traces on the Rhodian Shore..., op. cit., chapitres 12-14 ; Spadafora (David), The Idea of Progress in Eighteenth-Century Britain, New Haven : Yale University Press, 1990, XV-464 p. ; Lovejoy (A. O.), The Great Chain of Being, Cambridge : Harvard University Press, 1970, pp. 246 et suiv.
14 Voir par exemple Roger (Jacques), Buffon : les Époques de la nature : édition critique, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1988, pp. 212-213 (Mémoires, série C, Sciences de la terre ; 10) ; Blanckaert (Claude), “Buffon and the Natural History of Man : Writing History and the ‘Foundational Myth’ of Anthropology”, History of the Human Sciences, vol. 6, 1993, p. 36 ; Sloan (Phillip R.), “The Idea of Racial Degeneracy in Buffon’s Histoire Naturelle”, in Pagliaro (Harold E.) (sous la dir.), Racism in the Eighteenth Century, Cleveland : Press of Case Western Reserve University, 1973, pp. 293-321 ; Duchet (Michèle), Anthropologie et histoire au siècle des Lumières : Buffon, Voltaire, Rousseau, Helvétius, Diderot, Paris : Maspero, 1971, p. 240 ; Cherni (Amor), “Dégénération et dépravation : Rousseau chez Buffon”, in Beaune (Jean-Claude), Benoît (Serge), Gayon (Jean), Woronoff (Denis) (sous la dir.), Buffon 88 : actes du colloque international pour le bicentenaire de la mort de Buffon, Paris, Montbard, Dijon, 14-22 juin 1988, Paris : Vrin ; Institut interdisciplinaire d’Études épistémologiques, 1992, pp. 143-154 ; Marouby (Christian), “From Early Anthropology to the Literature of the Savage : the Naturalisation of the Primitive”, Studies in Eighteenth-Century Culture, vol. 14, 1985, pp. 289-298.
15 Voir des articles comme “Le Lion”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi, Paris : impr. royale, 1761, vol. IX, pp. 1-2. Le débat sur les causes de la couleur de la peau était cependant très animé durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Voir Le Cat (Claude-Nicolas), Traité de la couleur de la peau humaine en général, de celle des nègres en particulier, et de la métamorphose d’une de ces couleurs en l’autre, soit de naissance, soit accidentellement, Amsterdam : [s.n.], 1765, XIV-191 p. ; Schiebinger (Londa), Nature’s Body : Sexual Politics and the Making of Modern Science, Londres : Pandora, 1994, chapitre 4 ; Duchet (Michèle), Anthropologie et histoire au siècle des Lumières..., op. cit., pp. 267-269.
16 Voir par exemple Mauduyt de La Varenne (Pierre-Jean-Claude), “Ornithologie”, in Daubenton (Louis-Jean-Marie), Histoire naturelle des Animaux, Paris : Panckoucke, 1782, p. 423. Ces discussions sur la géographie de la Création dans son rapport à la distribution étaient courantes dans toute l’Europe : voir Larson (James L.), Interpreting Nature..., op. cit., chapitre 4 ; Larson (James L.), “Not without a Plan : Geography and Natural History in the Late Eighteenth Century”, Journal of the History of Biology, vol. 19, 1986, pp. 447-488 ; Drouin (Jean-Marc), Réinventer la nature : l’écologie et son histoire, Paris : Flammarion, 1993, chapitre 1.
17 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1766, vol. XIV, pp. 319-322. Sur les expériences de Buffon sur les effets de la domestication sur les habitudes alimentaires des animaux sauvages, voir par exemple Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Le Blaireau”, “La Fouine”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1757, vol. VII, pp. 104-110 et 161-165.
18 “Partie hypothétique”, “Premier mémoire. Recherches sur le refroidissement de la Terre & des Planètes”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., Supplément, 1775, vol. II, pp. 509 et 515.
19 Sur les expériences avec Needham, voir Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., op. cit., pp. 165-209 ; Sloan (Phillip R.), “Organic Molecules Revisited”, Beaune (Jean-Claude), Benoît (Serge), Gayon (Jean), Woronoff (Denis) (sous la dir.), Buffon 88..., op. cit., pp. 162-187. La division que faisait Buffon de toute la nature en matière organique et inorganique, si elle n’était pas universellement rejetée, ne trouvait guère d’écho chez les autres naturalistes. Voir Eddy (John H., Jr), “Buffon, Organic Alterations, and Man”, art. cit. ; Sloan (Phillip R.), “The Idea of Racial Degeneracy in Buffon’s Histoire Naturelle”, art. cit. ; Roger (Jacques), Les Sciences de la vie dans la pensée française du XVIIIe siècle, Paris : Armand Colin, 1963, pp. 527-584 ; Vartanian (Aram), “Trembley’s Polyp, La Mettrie, and Eighteenth-Century French Materialism”, Journal of the History of Ideas, vol. 11, 1950, pp. 259-286 ; Gasking (Elizabeth), Investigations into Generation, 1651-1828, Londres : Hutchinson, 1967, 192 p. Les auteurs qui admettaient explicitement ou implicitement l’existence des molécules organiques ont reçu moins d’attention. Voir Panckoucke (Charles-Joseph), De l’homme, et de la reproduction des différents individus. Ouvrage qui peut servir d’introduction & de défense à l’Histoire naturelle des animaux par M. de Buffon, Paris : [s.n.], 1761, 214 p. Vicq d’Azyr (Félix), “Table pour servir à l’histoire anatomique et naturelle des corps vivants ou organiques”, Observations sur la physique, sur l’histoire naturelle et sur les arts, série 2, vol. IV, [1774], p. 479, laissait une place aux molécules organiques dans l’ordre de la nature.
20 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Les Animaux domestiques”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1753, vol. IV, p. 169.
21 Hamy (Ernest-Théodore), “Les Derniers jours du Jardin du roi et la fondation du Muséum d’histoire naturelle”, in Centenaire de la fondation du Muséum d’histoire naturelle, 10 juin 1793-10 juin 1893 : volume commémoratif publié par les professeurs du Muséum, Paris : impr. nationale, 1893, pp. 97-98.
22 Cité dans Roger (Jacques), Buffon : un philosophe au Jardin du roi, Paris : Fayard, 1989, pp. 343-345.
23 Dans Rousseau (Jean-Jacques), Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, [1755], [préf. de Delacampagne Christian], Paris : Gallimard, 1985, 185 p., l’auteur considérait l’exposé de Buffon sur l’histoire naturelle des animaux et de l’homme comme fondamental à sa propre analyse. Voir Rousseau (Jean-Jacques), Œuvres complètes, Paris : Seuil, 1971, vol. II, pp. 248-251. Parmi les écrits traitant des emprunts de Rousseau à Buffon, voir Moran (Francis, III), “Between Primates and Primitive : Natural Man as the Missing Link in Rousseau’s Second Discourse”, Journal of the History of Ideas, vol. 54, 1993, pp. 37-58 ; Horowitz (Asher), “‘Laws and Customs Thrust Us Back into Infancy’ : Rousseau’s Historical Anthropology”, Review of Politics, vol. 52, 1990, pp. 215-241 ; Horowitz (Asher), Rousseau, Nature, and History, Buffalo : University of Toronto Press, 1987, XIII-273 p. ; La Freniere (Gilbert F.), “Rousseau and the European Roots of Environmentalism”, Environmental History Review, vol. 14, 1990, pp. 41-72 ; Géhin (Étienne), “Rousseau et l’histoire naturelle de l’homme social”, Revue française de sociologie, vol. 22, 1981, pp. 15-31. Les écrits des naturalistes du XVIIIe siècle à propos d’une “science de l’homme” étaient hautement marqués par la différence des sexes, mon emploi du mot “homme” n’est donc pas anodin ; voir Tomaselli (Sylvana), “The Enlightenment Debate on Women”, History Workshop, vol. 20, 1985, pp. 101-124.
24 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1749, vol. III, pp. 371-530. Sur la place de Buffon dans le débat sur l’unité de l’humanité, voir Duchet (Michèle), Anthropologie et histoire au siècle des Lumières..., op. cit., pp. 235-237.
25 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “De la dégénération des animaux”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1766, vol. XIV, p. 311. Pour une analyse plus détaillée, voir Eddy (John H., Jr), “Buffon, Organic Alterations, and Man”, art. cit.
26 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1766, vol. XIV, p. 314. Cf. Staum (Martin S.), Cabanis : Enlightenment and Medical Philosophy in the French Revolution, Princeton : Princeton University Press, 1980, p. 26.
27 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de). Œuvres philosophiques de Buffon, [éd. par Piveteau Jean], Paris : Presses Universitaires de France, 1954, pp. 15-16 (Corpus général des philosophes français, auteurs modernes ; 41,1) ; cf. Darnton (Robert), The Great Cat Massacre and Other Episodes in French Cultural History, Harmondsworth, Middlesex : Penguin, 1985, chapitre 5.
28 Sur l’avènement de l’histoire séculière, voir Frei (H. W.), The Eclipse of Biblical Narrative, New Haven : Yale University Press, 1974, IX-355 p.
29 Pratt (Mary Louise), Imperial Eyes : Travel Writing and Transculturation, Londres : Routledge, 1992, chapitres 2-4.
30 Lyon (]ohn), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., op. cit., p. 242.
31 “Montesquieu”, in Edwards (Paul) (sous la dir.), The Encyclopedia of Philosophy, New York : Macmillan, 1967, 8 vols.
32 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1753, vol. IV, p. 173.
33 Idem, 1756, vol. VI, pp. 55-58. Cf. l’attaque de Condorcet sur la traite des esclaves dans son “Éloge de Camper”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1789, Paris : impr. royale, 1793, pp. 45-52 : si les Européens civilisaient et éclairaient l’Afrique au lieu de la dépeupler, les bêtes féroces disparaîtraient.
34 Rousseau (Jean-Jacques), Émile, ou De l’éducation, [1762], Paris : Garnier-Flammarion, 1966, p. 34 : “Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme. Il force une terre à nourrir les productions d’une autre, un arbre à porter les fruits d’un autre ; il mêle et confond les climats, les éléments, les saisons ; il mutile son chien, son cheval, son esclave”. Je développe davantage ces questions dans Spary (Emma C.), “The Nut and the Orange : Natural History, Natural Religion, and Republicanism in Late Eighteenth-Century France”, article inédit.
35 Ces attitudes opposées sont exprimées dans “Première Vue de la nature”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1764, vol. XII, et “De la dégénération des animaux”, in idem, 1766, vol. XVI, pp. 311-374. Voir également Burkhardt (Richard W., Jr), “Le Comportement animal et l’idéologie de domestication chez Buffon et chez les éthologues modernes”, in Beaune (Jean-Claude), Benoît (Serge), Gayon (Jean), Woronoff (Denis) (sous la dir.), Buffon 88..., op. cit., pp. 569-582. Sur les problèmes de la domestication au XIXe siècle, voir, entre autres, Ritvo (Harriet), “At the Edge of the Garden : Nature and Domestication in 18th- and 19th-Century Britain”, Huntington Library Quarterly, vol. 55, 1992, pp. 363-378 ; Secord (James A.), “Nature’s Fancy : Charles Darwin and the Breeding of Pigeons", Isis, vol. 62, 1981, pp. 162-186.
36 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Première Vue de la nature”, art. cit. Buffon concluait son exposé en implorant le Créateur de mettre fin aux guerres sur terre et de faire advenir une époque de paix et d’abondance – une préoccupation révélatrice à l’issue de la guerre de Sept Ans-, mais aussi un passage d’un ton nettement utopique. Eddy (John H., Jr), “Buffon’s Histoire Naturelle : History ? A Critique of Recent Interpretations”, Isis, vol. 85, 1994, pp. 644-661, présente cependant un Buffon essentiellement pessimiste. Au sujet de l’expérimentation et de l’intérêt du XVIIIe siècle pour l’hybridation, voir Glass (Bentley), “Heredity and Variation in the Eighteenth Century Concept of Species”, in Glass (Bentley), Temkin (Owsei), Straus (William L., Jr) (sous la dir.), Forerunners of Darwin, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1959, pp. 144-172 ; Larson (James L.), Interpreting Nature..., op. cit., chapitre 3 ; Eriksson (Gunnar), “Linnaeus the Botanist”, in Frängsmyr (Tore) (sous la dir.), Linnaeus : the Man and his Work, Canton, MA : Science History Publications, 1994, pp. 95-98.
37 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Histoire naturelle de l’Homme”, in Daubenton (Louis-Jean-Marie), Histoire naturelle des Animaux, op. cit., vol. I, p. XIX. Il faut noter que c’était là une réaction contre Linné plutôt que Buffon. Dans des fragments manuscrits sur les singes, Daubenton critiquait le choix de caractères de Linné parce qu’il incluait l’homme parmi les quadrupèdes, et poursuivait en construisant une attaque générale des “erreurs” et des “fautes” du système linnéen (BCMNHN, MS 216).
38 Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit., vol. II, pp. 857-878 ; Gillispie (Charles Coulston), Science and Polity in France at the End of the Old Regime, Princeton : Princeton University Press, 1980, pp. 165-168.
39 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Mémoire sur le mécanisme de la rumination, et sur le tempérament des bêtes à laine”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1768, Paris : impr. royale, 1770, Mémoires, pp. 389-398, lu le 13 avril 1768 ; Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Observations sur les bêtes à laine parquées pendant toute l’année”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1772, Paris : impr. royale, 1775, vol. I, Mémoires, pp. 436-444, lu le 15 novembre 1769 ; Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Mémoire sur l’amélioration des bêtes à laine”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1777, Paris : impr. royale, 1780, Mémoires, pp. 79-87, lu le 9 avril 1777 ; Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Mémoire sur les remèdes les plus nécessaires aux troupeaux”, in Histoire de la Société royale de médecine avec les mémoires de médecine et de physique médicale tirés des registres de cette société, 1776, Paris : Philippe-Denys Pierres, 1779, pp. 312-320, lu le 3 décembre 1777 ; Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Mémoire sur le régime le plus nécessaire aux troupeaux, dans lequel l’auteur détermine par des expériences ce qui est relatif à leurs aliments et à leur boisson”, in Histoire de la Société royale de médecine avec les mémoires de médecine et de physique médicale tirés des registres de cette société, 1777-1778, Paris : Philippe-Denys Pierres, 1780, vol. II, pp. 570-578, lu le 11 décembre 1778 ; Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Mémoire sur les laines de France, comparées aux laines étrangères”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1779, Paris : impr. royale, 1782, Mémoires, pp. 1-11, lu le 6 novembre 1779. Ces mémoires, ou des extraits, parurent également dans différentes éditions de son Instruction pour les Bergers et pour les propriétaires de troupeaux, Paris : Ph.-D. Pierres, 1782, XVI-414 p.
40 Tessier (Henri-Alexandre), “Mémoire sur la manière de parvenir à la connaissance exacte de tous les objets cultivés en grand dans l’Europe, et particulièrement dans la France”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1786, Paris : impr. royale, 1788, Mémoires, pp. 574-589. Il participa également à la correspondance coloniale mise en place par Thouin et La Luzerne : voir son “Mémoire sur l’importation et les progrès des arbres à épicerie dans les colonies françoises”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1789, Paris : impr. royale, 1793, Mémoires, pp. 585-596.
41 Farber (Paul L.), “Buffon and Daubenton : Divergent Traditions within the Histoire naturelle”, Isis, vol. 66, 1975, pp. 63-74.
42 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Le Lion”, art. cit., p. 2.
43 Pour des arguments semblables concernant d’autres périodes et d’autres lieux, voir Burke (Peter), “Fables of the Bees : a Case-Study in Views of Nature and Society”, in Teich (Mikulaš), Porter (Roy S.), Gustafsson (Bo) (sous la dir.), Nature and Society in Historical Context, Cambridge : Cambridge University Press, 1997, pp. 112-123 ; Ritvo (Harriet), The Animal Estate : the English and Other Creatures in the Victorian Age, Cambridge : Harvard University Press, 1987, VIII-347 p.
44 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Le Lion”, art. cit., p. 9.
45 BCMNHN, MS 218 ; Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Premier discours”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1749, vol. I, pp. 3-62. Voir également Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), “Espèce”, in Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de). Dictionnaire de Botanique, Paris : Panckoucke, 1786, vol. II, p. 395 ; Mauduyt de La Varenne (Pierre-Jean-Claude), “Discours deuxième", in “Ornithologie”, art. cit., vol. I, p. 372. Sur la définition philosophique de l’espèce pour Buffon, voir Sloan (Phillip R.), “Buffon, German Biology, and the Historical Interpretation of Biological Species”, British Journal for the History of Science, vol. 12, 1979, pp. 109-153 ; Lovejoy (A. O.), “Buffon and the Problem of Species, in Glass (Bentley), Temkin (Owsei), Straus (William L., Jr) (sous la dir.), Forerunners of Darwin, 1745-1859, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1959, pp. 84-113.
46 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., Supplément, 1789, vol. VII, pp. 1-38 ; Larson (James L.), Interpreting Nature..., op. cit., pp. 78-84.
47 “Buffon”, in Gillispie (Charles Coulston) (sous la dir.), Dictionary of Scientific Biographe, New York : Charles Scribner, 1970-1980, 16 vols.
48 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1749, vol. III, p. 529.
49 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Le Cheval”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1753, vol. IV, pp. 215-217. Probablement la source du modèle d’élevage proposé par le député jacobin Coupé (Jacques-Michel), Des animaux de travail et de leur tenue, [Paris] : impr. nationale, an III [1794], 28 p. Le fait que de telles questions préoccupaient encore Daubenton et ses successeurs dans les expériences menées sur l’élevage au Jardin et ailleurs est démontré par la note de Huzard, note 422, à l’édition posthume de l’ouvrage de Daubenton (Louis-Jean-Marie), Instruction pour les Bergers et pour les Propriétaires de Troupeaux ; Avec d’autres Ouvrages sur les Moutons et sur les Laines, [3ème éd.], Paris : impr. de la République, an X [1802].
50 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Le Lion”, art. cit., pp. 9-10 ; Chaussinand-Nogaret (Guy), La Noblesse au XVIIIe siècle : de la féodalité aux Lumières, Paris : Hachette, 1976, 239 p. ; Bien (David D.), “Manufacturing Nobles : the Chancellerie in France to 1789”, Journal of Modern History, vol. 61, 1989, pp. 445-486 ; Spary (Emma C), “Codes of Passion : Natural History Specimens as a Polite Language in Late Eighteenth-Century France”, in Bödeker (Hans Erich), Reill (Peter Hanns), Schlumbohm (Jürgen) (sous la dir.), Wissenschaft als kulturelle Praxis, 1750-1900, Göttingen : Vanderhoek et Ruprecht, 1999, pp. 105-135 ; Spary (Emma C.), “The ‘Nature’ of Enlightenment”, in Clark (William), Golinski (Jan V.), Schaffer (Simon) (sous la dir.), The Sciences in Enlightened Europe, Chicago : University of Chicago Press, 1999, pp. 272-304.
51 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Le Lion”, art. cit., pp. 3, 7, 5.
52 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Des probabilités de la durée de la vie”, et “État général des Naissances, des Mariages & des Morts”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., Supplément, 1777, vol. IV, pp. 149-264 et 265-288 ; Morand, “Mémoire sur la population de Paris, et sur celle des Provinces de la France, avec des Recherches qui établissent l’accroissement de la Population de la Capitale & du reste du Royaume. Depuis le Commencement du siècle”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1779, Paris : impr. royale, 1782, Mémoires, pp. 459-478 ; Laplace (Pierre-Simon), “Sur les naissances, les mariages et les morts à Paris, depuis 1771 jusqu’en 1784 ; & dans toute l’étendue de la France, pendant les années 1781 & 1782”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1783, Paris : impr. royale, 1786, Mémoires, pp. 693-702.
53 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Variétés dans l’espèce humaine”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1749, vol. III, p. 469. Au sujet du soutien de Buffon à Necker, voir chapitre 1 ; sur ses activités philanthropiques de Montbard, voir Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon, recueillie et annotée par H. Nadault de Buffon, Genève : Slatkine, 1971, 2 vols.
54 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Description du lion”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1761, vol. IX, pp. 26-48 ; Tourneux (Maurice) (sous la dir.), Correspondance littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc. revue sur les textes originaux, comprenant, outre ce qui a été publié à diverses époques, les fragments supprimés en 1813 par la censure ; les parties inédites conservées à la Bibliothèque ducale de Gotha et à l’Arsenal à Paris, Paris : Garnier frères, 1877-1882, vol. III, pp. 112-113 et 301-306 ; vol. IV, pp. 131 et 170 ; vol. V, p. 55.
55 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Seconde Variété”, in Daubenton (Louis-Jean-Marie), Histoire naturelle des Animaux, op. cit., vol. I, p. XXXII.
56 Cette double tradition est également apparue dans d’autres pays européens. Voir Wood (Paul B.), “The Natural History of Man in the Scottish Enlightenment”, History of Science, vol. 27, 1989, pp. 89-123.
57 Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), “Jardin de Botanique”, in Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), Dictionnaire de Botanique, vol. III, 1789, pp. 211-212.
58 Larson (James L.), Interpreting Nature..., op. cit. ; Wood (Paul B.), “Natural History of Man in the Scottish Enlightenment”, art. cit.
59 Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), “Espèce”, art. cit., p. 395.
60 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Introduction à l’Histoire naturelle”, in Daubenton (Louis-Jean-Marie), Histoire naturelle des Animaux, op. cit., 1782, vol. I, p. IX.
61 Lamarck (Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de), “Jardin de Botanique”, art. cit., p. 212 ; Reynier (Louis), “De l’influence du climat sur la forme et la nature des végétaux”, Journal d’Histoire naturelle, vol. 1, 1792, pp. 101-148.
62 “Agriculture : engrais”, La Décade philosophique, littéraire et politique, no 4, 1794-1795, p. 455. Cet intérêt pour le principe fertilisant était partagé par les chimistes. Van Helmont, parmi d’autres, prétendait que les végétaux pouvaient pousser dans seulement de l’eau, mais durant les années 1770 Lavoisier argua que l’atmosphère complexe régnant près du sol contenait des principes nutritifs sous forme de fluides subtils, qui nourrissaient les végétaux (Lavoisier [Antoine-Laurent del, “Mémoires sur la nature de l’eau, et sur les expériences par lesquelles on a prétendu prouver la possibilité de son changement en terre”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1770, Paris : impr. royale, 1773, Mémoires, pp. 73-89 et 90-107). Voir Schaffer (Simon), “The Earth’s Fertility as a Social Fact in Early Modern England”, in Teich (Mikulaš), Porter (Roy S.), Gustafsson (Bo) (sous la dir.), Nature and Society in Historical Context, Cambridge : Cambridge University Press, 1997, pp. 124-147.
63 “Prix proposé par l’Académie des sciences, pour l’année 1794”, Journal d’Histoire naturelle, vol. 1, 1792, pp. 467-469.
64 Thouin, “Observations et expériences à faire sur la division des Plantes Céréales”, prairial an II [mai 1794] (BCMNHN, MS 318).
65 Thouin, “État des Jardins Botaniques de la République, d’après les renseignements adressés à la Commission d’agriculture”, vers 1793 (BCMNHN, MS 315).
66 Mauduyt de La Varenne (Pierre-Jean-Claude), “Quatrième Discours”, in “Ornithologie”, art. cit., vol. I, p. 433.
67 Thouin, “Ébauche de projet de règlement du Jardin”, septembre 1788 (Archives nationales, AJ/15/502). Lavoisier estimait ainsi la quantité de marchandises consommée annuellement à Paris : des épices pour une valeur de 10.000.000 de livres, du cacao pour 500.000 livres, du sucre pour 78.000.000 livres et du café pour 3.125.000 livres (Mavidal [Jérôme], Laurent [Émile] [sous la dir.], Archives parlementaires de 1789 à 1860 : recueil complet des débats législatifs et politiques des chambres françaises, Paris : G. Dupont, 1867-1969, 1ère série [1787-1794], vol. 12, 15 mars 1791). Le café et le cèdre du Liban, d’abord introduits en France et dans ses colonies par les botanistes du Jardin durant la première moitié du siècle, étaient des symboles bien connus et tangibles de ce que les projets de naturalisation avaient de prometteur. Voir Bourguet (Marie-Noëlle), “La Collecte du monde : voyage et histoire naturelle, fin XVIIe siècle-début XIXe siècle”, in Blanckaert (Claude) et al. (sous la dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1997, pp. 180-183 (Archives).
68 Galliano (Paul), Philippe (Robert), Sussel (Philippe), La France des Lumières, 1715-1789 : histoire de la France, Paris : Denoël, 1970, pp. 171-177.
69 Grove (Richard H.), Green Imperialism..., op. cit., chapitre 6. Sur la situation coloniale durant les dernières années de l’Ancien Régime, voir Butel (Paul), “Revolution and the Urban Economy : Maritime Cities and Continental Cities”, in Forrest (Alan), Jones (Peter) (sous la dir.), Reshaping France : Town, Country, and Region during the French Revolution, Manchester : Manchester University Press, 1991, pp. 37-51. Voir aussi Mavidal (Jérôme), Laurent (Émile) (sous la dir.), Archives parlementaires de 1789 à 1860..., op. cit., vol. 12, 9 avril 1790 ; vol. 24, 15 mars 1791.
70 BCMNHN, MS 357 ; correspondance de Thouin (BCMNHN, MSS 1971-1985) ; Savage (Henry, Jr), Savage (Elizabeth J.), André and François André Michaux, Charlottesville : University Press of Virginia, 1986, pp. 10-14.
71 BCMNHN, MS 357.
72 Il s’agit du Pin Laricio (variante de Pinus nigra) qu’on voit aujourd’hui encore dans l’école de botanique au Jardin des plantes à Paris (figure 16). [Note de l’éditeur].
73 Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit., vol. I, pp. 238-242. Pour une autre monographie, voir Middleton (Robin), “The Château and Gardens of Mauperthuis : the Formal and the Informal”, in Garden History : Issues, Approaches, Methods, Washington, DC : Dumbarton Oaks Research Library and Collection, 1992. pp. 219-242.
74 Sur la fondation des sociétés d’agriculture, voir Boulaine (Jean), “Les Avatars de l’Académie d’agriculture sous la Révolution”, in Scientifiques et sociétés pendant la Révolution et l’Empire : actes du 114e congrès national des sociétés savantes (Paris, 3-9 avril 1989), Section histoire des sciences et des techniques, Paris : CTHS, 1990, pp. 211-227 ; Boulaine (Jean), Histoire de l’agronomie en France, Paris : Lavoisier Tec ; Doc, 1992, chapitre 6 ; Regourd (François), “La Société royale d’agriculture de Paris face à l’espace colonial, 1761-1793”, Bulletin du centre d’histoire des espaces atlantiques, Nelle série vol. 8, 1998 pp. 155-194 ; Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit., vol. II, pp. 1109-1116 ; Roche (Daniel), Le siècle des Lumières en province : académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris : Mouton, 1978, vol. 1, pp. 61-63. Le périodique Feuille du cultivateur, 7 vols (Paris : Bureau de la Feuille du Cultivateur, 1790-1798), édité par Dubois, Broussonet le secrétaire perpétuel de la Société royale d’agriculture et l’abbé Lefebvre, et les Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiés par la Société royale d’agriculture de Paris, 25 vols (Paris : Buisson/Cuchet/Bureau de la Feuille du Cultivateur, 1785-1791), permettent de constater que les contributeurs étaient souvent les mêmes personnes que les correspondants coloniaux ou domestiques de Thouin. Voir en particulier Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, op. cit., vol. I, pp. 22-23.
75 Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit., vol. III, pp. 1195-1198 ; Van Kley (Dale), The Damiens Affair and the Unravelling of the Ancien Regime, 1750-1770, Princeton : Princeton University Press, 1984, XII-373 p. ; Baker (Keith Michael), “Politics and Social Science in Eighteenth-Century France : the Société de 1789”, in Bosher (J. F.) (sous la dir), French Government and Society. 1500-1850 : Essays in Memory of Alfred Cobban, Londres : Athlone, 1973, pp. 208-230.
76 Schama (Simon), Citizens : a Chronicle of the French Revolution, Harmondsworth, Middlesex : Penguin, 1989, XX-948 p.
77 Falls (William P.), “Button et l’agrandissement du Jardin du roi à Paris”, Archives du Muséum national d’histoire naturelle, 6ème série, vol. X, 1933, pp. 129-200 ; François (Yves), “Button au Jardin du roi, 1739-1788”, in Bertin (Léon) et al, Buffon : trente lettres inédites de Buffon, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1952, pp. 105-124 (Les Grands naturalistes français).
78 Charlton (D. G.), New Images of the Natural in France : a Study in European Cultural History, 1750-1800, Cambridge : Cambridge University Press, 1984, IX-254 p., en particulier le chapitre 9 ; Schama (Simon), Citizens..., op. cit., chapitre 1. Darnton (Robert), La Fin des lumières : le Mesmérisme et la Révolution, [trad. par Revellat Marie-Alyx], Paris : Odile Jacob, 1995, pp. 132-133, traite du mesmérisme comme voie alternative pour la régénération de la France ; voir également Ozouf (Mona), “La Révolution française et l’idée de l’homme nouveau”, in The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture. T. 2 : Lucas (Colin) (sous la dir.), The Political Culture of the French Revolution, Oxford : Pergamon, 1988, pp. 213-232. Les origines religieuses du terme “régénération” sont analysées dans Peronnet (Michel), “L’Invention de l’Ancien Régime en France”, History of European Ideas, vol. 14, 1992, pp. 49-58.
79 Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit. ; Rosenthal (Jean-Laurent), The Fruits of Revolution : Property Rights, Litigation, and French Agriculture, 1700-1860, Cambridge : Cambridge University Press, 1992, XIV-216 p.
80 Black (Jeremy), Natural and Necessary Enemies : Anglo-French Relations in the Eighteenth Century, Londres : Duckworth, 1986, chapitres 2 et 3 ; Todericiu (Doru), “L’Académie royale des sciences de Paris et la mise en valeur des richesses minérales du Roussillon au XVIIIe siècle”, Comptes Rendus du 106e congrès national des sociétés savantes, Perpignan, 1981, Section des sciences, vol. IV, 1982, pp. 153-159. Le financement par la Couronne de l’exploitation des ressources naturelles était plus répandu en France qu’en Angleterre. Voir Allan (D. G. C), “The Society of Arts and Government, 1754-1800 : Public Encouragement of Arts, Manufactures, and Commerce in Eighteenth-Century England”, Eighteenth-Century Studies, vol. 7, 1973-1974, pp. 434-452 ; Le Rougetel (Hazel), “Encouragement Given by the Society of Arts to Tree Planters : John Buxton’s Work at Shadwell, Norfolk”, Journal of the Royal Society of Arts, vol. 129, 1981, pp. 678-681 ; Powell (Dulcie), “The Voyage of the Plant Nursery, H.M.S. Providence, 1791-1793”, Economical Botany, vol. 31, 1977, pp. 387-431 ; Carter (Harold B.), Sir Joseph Banks, 1743-1820, Londres : British Museum (Natural History), 1988, XI-671 p.
81 Festy (Octave), L’Agriculture pendant la Révolution française. T. 1 : Les Conditions de production..., op. cit., chapitre 2 ; Bourde (André), The Influence of England on the French Agronomes, 1750-1789, Cambridge : Cambridge University Press, 1953, XI-249 p. Young (Arthur), Travels in France, during the Years 1787, 1788, and 1789, [éd. par Kaplow J.], Garden City, NY : Anchor Books, 1969, XXIII-495 p. Young lui-même était correspondant de la Société royale d’agriculture.
82 Adams (William Howard), The French Garden, 1500-1800, Londres : Scolar Press, 1979, chapitre 5, traite de la mode des folies agricoles dans les jardins des riches à la fin du XVIIIe siècle. Voir également Charlton (D. G.), New Images of the Natural in France..., op. cit., chapitre 2 ; Malesherbes (Chrétien-Guillaume Lamoignon de), Mémoire sur les moyens d’accélérer les progrès de l’économie rurale en France, Paris : Ph.-D. Pierres, 1790, 88 p. ; Desplaces de Montbron (Laurent-Benoît), Préservatif contre l’agromanie, ou L’Agriculture réduite à ses vrais principes, Paris : Hérissant, 1762,197 p.
83 Gillispie (Charles Coulston), Science and Polity in France..., op. cit., pp. 244-256, et Forster (Robert), “Obstacles to Agricultural Growth in Eighteenth-Century France”, American Historical Review, vol. 75, 1970, pp. 1600-1615, prennent le parti des réformateurs. Une vision plus critique des activités des agronomes est proposée par Hoffman (Philip T.), “Institutions and Agriculture in Old Regime France”, Politics and Society, vol. 16, 1988, pp. 241-264, et Rosenthal (Jean-Laurent), The Fruits of Revolution..., op. cit., en particulier la première partie.
84 BCMNHN, MS 357.
85 Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit., vol. III, p. 1310 ; Lettres, Comité d’agriculture à Thouin, 1785 (Archives nationales, F/10/201).
86 Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de), “Première mémoire : nature et objet de l’instruction publique”, in Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de), Condorcet : Écrits sur l’instruction publique, [avec notes et introd. de Coutel Charles et Kintzler Catherine], Paris : Edilig, 1991, vol. I, p. 42 ; Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de), Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, Paris : Agasse, an III [1794], VIII-389 p. Le protecteur de Condorcet, le ministre Turgot, était l’auteur d’un manuscrit en latin écrit en 1750 et traduit ensuite sous le titre “Tableau philosophique des progrès successifs de l’esprit humain” à l’intention de ses amis ; ce texte fut publié en anglais sous le titre On the Progress of the Human Mind, [trad. par McQuillin De Grabce], Hanover, NH : Sociological Press, 1929. Voir également Morange (Michel), “Condorcet et les naturalistes de son temps”, in Rashed (Roshdi) (sous la dir.), Sciences à l’époque de la Révolution française, Paris : Albert Blanchard, 1988, pp. 445-464.
87 Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de), “Premier mémoire...”, art. cit., vol. I, p. 44. Le terme “culture” était souvent employé pour les végétaux, mais désignait également le développement des enfants.
88 Histoire et mémoires de l’Académie royale des sciences, 1777, Paris : impr. royale, 1780, Mémoires, pp. 16-17. Voir également Staum (Martin S.), Cabanis..., op. cit., chapitre 8.
89 Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes à la croisée des chemins avec André Thouin, 1747-1824, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1989, p. 175.
90 Thouin, “Notes pour le Représentant du Peuple. Le Cen. Boisset”, seconde rédaction, automne 1793 (BCMNHN, MS 308).
91 Ellis (John), Description du mangostan et du fruit à pain, Rouen : P. Machuel, 1779, 64 p.
92 Bougainville (Louis-Antoine de), Voyage autour du monde par la frégate du roi La Boudeuse et la flûte l’Étoile, en 1766, 1768, & 1769, 2ème éd., Paris : Saillant et Nyon, 1772, 2 vols. Voir également Charlton (D. G.), New Images of the Natural in France..., op. cit. ; Mornet (Daniel), Le Sentiment de la nature en France de J.-J. Rousseau à Bernardin de Saint-Pierre : essai sur les rapports de la littérature et des mœurs, Paris : Hachette, 1907, 572 p. ; Stafford (Barbara Maria), Voyage into Substance : Art, Science, Nature, and the Illustrated Travel Account, 1760-1840, Cambridge : MIT Press, 1984, XXIII-645 p. ; Smith (Bernard), European Vision and the South Pacific, 2ème éd., New Haven : Yale University Press, 1985, XIII-370 p.
93 Mackay (David), In the Wake of Cook : Exploration, Science, and Empire, 1780-1801, Londres : Croom Helm, 1985, pp. 130-131.
94 Thouin, “Instruction pour le Jardinier de l’Expédition autour du monde de M. D’Entrecasteaux”, 1791, in Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes..., op. cit., p. 234.
95 “Observations générales de la Société d’histoire naturelle sur le voyage à entreprendre pour aller à La Recherche de Mr. De La Peyrouse”, [1790-1791] (Archives nationales, AJ/15/565).
96 Olivier (Guillaume-Antoine), “Observations sur la culture de l’arbre-à-Pain et des épiceries”, Journal d’Histoire naturelle, vol. 2, 1794, pp. 72-80.
97 “Essai tenté pour la naturalisation de plusieurs végétaux”, La Décade philosophique, littéraire et politique, no 2, 1795, pp. 340-344 ; no 3, 1795, pp. 199-202.
98 Roger (Jacques), Buffon : les Époques de la nature..., op. cit., pp. 217-218.
99 Olivier (Guillaume-Antoine), “Observations sur la culture de l’arbre-à-Pain et des épiceries”, art. cit., p. 79.
100 Petersen (Susanne), Lebensmittelfrage und revolutionäre Politik in Paris, 1792-1793 : Studien zum Verhältnis von revolutionärer Bourgeoisie und Volksbewegung bei Herausbildung der Jakobinerdiktatur, Munich : Oldenbourg, 1979, 305 p. Des lettres de Thouin accompagnant l’envoi de plantes alimentaires à des cultivateurs sont encore parfois conservées dans les archives de province ; par exemple, 4 :f°. 102,16 germinal an 11 [5 avril 1794] (Bibliothèque du Port de Brest, MS 1507).
101 Aulard (François-Victor-Alphonse) (sous la dir.), Recueil des actes du Comité de salut public, avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du Conseil exécutif provisoire, Paris : impr. nationale, 1889-1951, vol. II, 13 germinal an II [2 avril 1794] ; Paré à Thouin, 18 ventôse an II [8 mars 1794] (BCMNHN, MS 308) ; Harten (Hans-Christian), Harten (Elke), Die Versöhnung mit der Natur. Gärten, Freiheitsbäume, republikanische Wälder, heilige Berge, und Tugendparks in der französischen Revolution, Reinbek : Rowohlt, 1989, pp. 28-32.
102 Festy (Octave), L’Agriculture pendant la Révolution française. T. 1 : Les Conditions de production..., op. cit., vol. I, p. 137. La Convention fut apparemment favorable aux efforts des nouveaux agriculteurs pendant toute son existence, malgré les sans-culottes et l’opposition des municipalités. L’étude classique des sans-culottes demeure Soboul (Albert), Les Sans-culottes parisiens en l'an II : histoire politique et sociale des sections de Paris, 2 juin 1793-9 thermidor an II, 2ème éd., Paris : Clavreuil, 1962, 1168 p.
103 Hales (Stephen), La Statique des végétaux et l’analyse de l’air, expériences nouvelles lues à la Société royale de Londres, [trad. par Buffon Georges-Louis Leclerc de], Paris : Jacques Vincent, 1735, XXV-410 p.
104 Par exemple, Duhamel du Monceau (Henri-Louis), Du transport, de la conservation et de la force des bois, Paris : Delatour, 1767, XXXII-556 p. ; Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit., passim. Voir également Corvol (Andrée), “L’Arbre et la nature, XVIIe-XXe siècle”, Histoire, économie et société, vol. 6, 1987, pp. 67-82 ; Corvol (Andrée), L’Homme et l’arbre sous l’Ancien Régime, [préf. de Chaunu Pierre], Paris : Economica, 1984, XIII-757 p. ; Buttoud (Gérard), Letouzey (Yvonne), “Les Projets forestiers de la Révolution”, Revue forestière française, 1983, pp. 9-20.
105 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Sur la conservation et le rétablissement des forêts”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1739, Paris : impr. royale, 1741, reproduit dans Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., Supplément, 1775, vol. II, pp. 249-270 ; Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Moyen facile d’augmenter la solidité, la force et la durée du Bois”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1738, Paris : impr. royale, 1740, reproduit dans Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., Supplément, 1775, vol. II, pp. 185-203. Voir Hanks (Lesley), Buffon avant l’Histoire naturelle, Paris : Presses Universitaires de France, 1966, 326 p. Sur l’intérêt de Duhamel du Monceau pour le climat, voir Pueyo (Guy), “Duhamel du Monceau, précurseur des études climatiques et micro-climatiques”, Actes du XIIe congrès international d’histoire des sciences, 1968, vol. 12, 1971, pp. 63-68.
106 Bourde (André), Agronomie et agronomes en France au XVIIIe siècle, op. cit., vol. III, p. 1548.
107 “Michaux”, “La Tourette”, in Nouvelle biographie universelle, Paris : Firmin Didot, 1853-1866, 46 vols ; Savage (Henry, Jr), Savage (Elizabeth J.), André and François André Michaux, op. cit., pp. 39-44.
108 Grove (Richard H.), Green Imperialism..., op. cit., chapitre 6.
109 Roger (Jacques), Buffon : les Époques de la nature..., op. cit., pp. 213-214.
110 Reynier (Louis), “De l’influence du climat sur la forme et la nature des végétaux”, art. cit. Voir Feldman (Theodore S.), “The Ancient Climate in the Eighteenth and Early Nineteenth Century”, art. cit. Sur Rome en tant que cité-État modèle pour les révolutionnaires, voir Outram (Dorinda), The Body and the French Revolution : Sex, Class, and Political Culture, New Haven : Yale University Press, 1989, 197 p.
111 Priestley (Joseph), “Observations upon Different Kinds of Air”, Philosophical Transactions, 1772, pp. 156-247 ; Priestley (Joseph), Experiments and Observations on Different Kinds of Air, Londres : J. Johnson, 1774-1777, 3 vols,
112 Senebier (Jean), Action de la lumière sur la végétation, Paris ; Didot, 1780 ; Senebier (Jean), Mémoires physicochimiques, sur l’influence de la lumière solaire pour modifier les êtres des trois règnes de la nature, & surtout ceux du règne végétal, Genève : B. Chirol, 1782, 3 vols ; Senebier (Jean). Recherches sur l’influence de la lumière solaire pour métamorphoser l’air fixe en air pur pour la végétation. Avec des expériences & des considérations propres à faire connaître la nature des substances aériformes, Genève : B. Chirol, 1783, XXXII-385 p. ; Ingen-Housz (Jan), Expériences sur les végétaux, spécialement sur la propriété qu’ils possèdent à un haut degré, soit d’améliorer l’Air quand ils sont au soleil, soit de la corrompre la nuit, ou lorsqu’ils sont à l’ombre ; auxquelles on a joint une méthode nouvelle de juger du degré de salubrité de l’Atmosphère, [trad. par Ingen-Housz Jan], Paris : Didot, 1780, LXVIII-333 p.
113 “Air”, in Rozier (François) (sous la dir.), Cours complet d’agriculture théorique, pratique, économique, et de médécine rurale et vétérinaire, suivi d’une Méthode pour étudier l’agriculture par principes ; ou Dictionnaire universel d’agriculture, Paris : rue et hôtel Serpente [Cuchetl, 1785-1797, vol. I, pp. 342-343 ; voir également “Arbre”, idem, vol. I, p. 627.
114 Priestley lui-même invoqua ses découvertes sur l’air à l’appui de la Révolution, qu’il considérait comme le prélude à une époque de perfection pour la société européenne. Voir Fruchtman (Jack, Jr), The Apocalyptic Politics of Richard Price and Joseph Priestley : a Study in Late Eighteenth-Century English Republican Millennialism, Philadelphia : American Philosophical Society, 1983, 125 p.
115 Yvart (Jean-Augustin-Victor), “Mémoire sur les bornes ou limites des Champs” (BCMNHN, MS 318). Les discussions agronomiques sur l’air datant des années 1780 se référaient explicitement au modèle chimique et au programme expérimental de Priestley plutôt que de Lavoisier. Sur le sort de la chimie de Priestley en France, voir Golinski (Jan V.), Science as Public Culture : Chemistry and Enlightenment in Britain, 1760-1820, Cambridge : Cambridge University Press, 1992, XI-342 p. ; Simon (Jonathan), The Alchemy of Identity : Pharmacy and the Chemical Revolution, 1777-1809, Thèse de Ph.D., University of Pittsburgh, 1997.
116 Voir Spary (Emma C), “The Nut and the Orange...”, art. cit.
117 BCMNHN, MS 318.
118 Desaive (Jean-Paul), Goubert (Jacques-Philippe), Le Roy Ladurie (Emmanuel) (sous la dir.), Médecins, climat, et épidémies à la fin du XVIIIe siècle, Paris : Mouton, 1972, 254 p. ; Tschudy (Jean-Baptiste-Louis-Théodore, baron de), De la transplantation, de la naturalisation et du perfectionnement des végétaux, Londres ; Paris : Lambert et P. F. Didot le jeune, 1778, 48 p.
119 Magazin encyclopédique, ou Journal des Sciences, des Lettres et des Arts, rédigé par Millin, Noel et Warens, Paris : impr. du Magazin encyclopédique, an III [1795], vol. 1, pp. 352-362.
120 Mavidal (Jérôme), Laurent (Émile) (sous la dir.). Archives parlementaires de 1789 à 1860..., op. cit., vol. 15, p. 437 ; Grégoire (Henri), Rapport et projet de décret, sur les moyens d’améliorer l’agriculture en France, par l’établissement d'une maison d’économie rurale dans chaque département, présentés à la Séance du 13 du premier mois de l’an deuxième de la République française, au nom des Comités d’aliénation et d’instruction publique, par le citoyen Grégoire, Paris : impr. nationale, an II [1793]. Andrée Corvol note, dans son résumé et sa préface de Corvol (Andrée) (sous la dir.), La Nature en Révolution, 1750-1800, Paris : L’Harmattan, 1993, 232 p., que, malgré la poursuite des débats sur la régénération après la Révolution, les affirmations les plus ambitieuses courantes avant et pendant la période révolutionnaire ne trouvaient plus guère d’écho.
121 “Première adresse des officiers du Jardin des plantes et du Cabinet d’histoire naturelle, lue à l’Assemblée Nationale le 20 août 1790”, in Hamy (Ernest-Théodore), “Les Derniers jours du Jardin du roi...”, art. cit., pp. 97-100. Des membres importants des comités d’agriculture jacobins adhéraient aux mêmes modèles climatiques que les naturalistes. Dans son discours “Des arbres de la liberté”, de l’an II [1794], le député Grégoire avait explicitement décrit les arbres de la liberté comme les purificateurs potentiels de l’air corrompu (Harten [Hans-Christian], Harten [Elke], Die Versöhnung mit der Natur..., op. cit., p. 23 ; Grégoire [Henri], “Essai historique et patriotique sur les arbres de la liberté. Par Grégoire, membre de la Convention Nationale”, in Grégoire [Henri], Œuvres de l’abbé Grégoire, Paris : Éditions d’Histoire sociale ; Nendeln : Kraus-Thomson Organisation, 1977, vol. 12, pp. 5-72, en particulier p. 55). Des “projets de décret” sur l’agriculture rédigés par le député montagnard du département de l’Oise, Jacques-Michel Coupé, et publiés sur ordre de la Convention Nationale, révèlent qu’il connaissait bien les différents effets atmosphériques et climatiques attribués aux arbres par les agronomes. Voir Coupé (Jacques-Michel), De l’amélioration générale du sol français dans ses parties négligées ou dégradées, Paris : [s.n.], an III [1794], p. 8 ; Coupé (Jacques-Michel), De la tenue des bois, Paris : impr. nationale, an III [1794], pp. 26-27. Coupé fut membre du Comité d’instruction publique pendant l’été 1793 et du Comité d’agriculture en l’an III [1794-1795].
122 Schaffer (Simon), “Measuring Virtue ; Eudiometry, Enlightenment, and Pneumatic Medicine”, in Cunningham (Andrew), French (Roger) (sous la dir.), The Medical Enlightenment of the Eighteenth Century, Cambridge : Cambridge University Press, 1990, pp. 281-318 ; Corbin (Alain), Le Miasme et la jonquille : l’odorat et l’imaginaire social, XVIIIe-XIXe siècles, Paris : Aubier Montaigne, 1982,334 p. Voir Hannaway (Owen), Hannaway (Caroline C.), “La Fermeture du cimetière des Innocents”, Dix-huitième siècle, vol. 9, 1977, pp. 181-191 ; et Jordanova (Ludmilla J.), “Urban Health in the French Enlightenment”, Society for the Social History of Medicine Bulletin, vol. 32,1983, pp. 31-33, au sujet des projets de l’Académie des sciences sur l’hygiène dans les années 1770 et 1780, auxquels Daubenton et Fourcroy participèrent.
123 Jussieu (Antoine-Laurent de), Rapport de l’un des Commissaires chargés par le roi de l’examen du magnétisme animal, Paris : Hérissant et Barrois, 1784, 79 p.
124 Poissonnier (Pierre-Isaac), Mauduyt de La Varenne (Pierre-Jean-Claude), Caille, Andry (Charles-Louis-François), Rapport des Commissaires de la Société royale de médecine, nommés par le roi, pour faire l’examen du magnétisme animal, Paris : impr. royale, 1784, 39 p. L’existence du fluide magnétique animal avait précédemment été soutenue par Charles-Louis-François Andry qui publia, avec un collègue médical, Michel-Augustin Thouret, des Observations et Recherches sur l’usage de l’aimant en médecine, ou Mémoire sur le magnétisme animal”, Histoire de la Société royale de médecine avec les mémoires de médecine et de physique médicale tirés des registres de cette société, 1779, Paris : Philippe-Denys Pierres, 1782, pp. 531-688.
125 Jussieu (Antoine-Laurent de), Rapport de l’un des Commissaires chargés par le roi de l'examen du magnétisme animal, op. cit., pp. 25-26. Voir également Thourry (de), “Mémoire qui a remporté le Prix proposé par l’Académie des Sciences, Belles-Lettres & Arts de Lyon, sur cette Question : L’Électricité de l’Atmosphère a-t-elle quelque influence sur le corps humain ? quels sont les effets de cette influence ?”, Observations sur la physique, sur l’histoire naturelle et sur les arts, série 2, vol. 9, janv.-juin 1777, pp. 401-437.
126 Wise (M. Norton), “Work and Waste : Political Economy and Natural Philosophy in Nineteenth Century Britain”, 1ère partie, History of Science, vol. 27, 1989, pp. 263-301 ; Teich (Mikulaš), “Circulation, Transformation, Conservation of Matter, and the Balancing of the Biological World in the Eighteenth Century”, in Bernardi (Walter), La Vergata (Antonello) (sous la dir.), Lazzaro Spallanzani e la biologia del settecento : Leone, esperimenti, istituzioni scientifiche, Florence : Leo Olschki, 1982, pp. 363-380.
127 Bertholon (Pierre-Joseph), De l’électricité du corps humain clans l’état de santé et de maladie ; ouvrage couronné par l’Académie de Lyon, dans lequel on traite de l'électricité de l’Atmosphère, de son influence & de ses effets sur l’économie animale, des vertus médicales de l’électricité, des découvertes modernes & des différentes méthodes d’électrisation, Paris : P. F. Didot, 1780, VIII-541 p. ; Bertholon (Pierre-Joseph), De l’électricité des végétaux. Ouvrage dans lequel on traite des effets de l’électricité de l’athmosphère sur les plantes, de ses effets sur l’économie des végétaux, de leurs vertus médico & nutritivo-électriques, & principalement des moyens de pratique de l'appliquer utilement à l'agriculture, avec l’invention d’un électro-végétomètre, Paris : P.-F. Didot jeune, 1783, XVI-468 p. ; Bertholon (Pierre-Joseph), De la salubrité de l’air des villes, et en particulier des moyens de la procurer, Montpellier : J. Martel Aîné, 1786, 102 p. ; Nollet (Jean-Antoine), Essai sur l’électricité des corps, Paris : Frères Guerin, 1746, XXIV-228 p. ; Nollet (Jean-Antoine), Leçons de physique expérimentale, Paris : Frères Guerin, 1745-1768, 6 vols ; Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de). Essai sur l’électricité naturelle et artificielle, Paris : impr. de Monsieur, 1781, 2 vols ; Mauduyt de La Varenne (Pierre-Jean-Claude), “Mémoires sur l’électricité, considérée relativement à l’économie animale et à Futilité dont elle peut être en médecine”, in Histoire de la Société royale de médecine avec les mémoires de médecine et de physique médicale tirés des registres de cette société, 1776, Paris : Philippe-Denys Pierres, 1779, pp. 461-528 ; Mauduyt de La Varenne (Pierre-Jean-Claude), “Mémoire sur le traitement électrique administré à quatre-vingt-deux malades”, in Histoire de la Société royale de médecine avec les mémoires de médecine et de physique médicale tirés des registres de cette société, 1777-1778, Paris : Philippe-Denys Pierres, 1780, vol. II, pp. 199-431 ; “Mémoire sur les effets généraux, la nature et l’usage du fluide électrique, considérée comme médicament”, idem, pp. 432-455. Le professeur de chimie du Jardin, Pierre-Joseph Macquer, écrivait dans son compte-rendu de l’Essai sur l’électricité de Lacepède dans le Journal des Sçavans, vol. 52, no 13, novembre 1781, p. 115, “aucun Physicien n’a jeté jusqu’à présent, sur l’électricité, un coup-d’œil aussi étendu, aussi général & aussi hardi que M. le Comte de la Cepède. Il considère cette matière d’une subtilité & d’une mobilité extrême, comme un des plus grands ressorts de la nature”. Voir également Walker (W. Cameron), “Animal Electricity before Galvani”, Annals of Science, vol. 2, 1937, pp. 84-113 ; Sutton (Geoffrey V.), “Electric Medicine and Mesmerism”, Isis, vol. 72, 1981, pp. 375-392 ; Pera (Marcello), The Ambiguous Frog : the Galvani-Volta Controversy on Animal Electricity, [trad. par Mandelbaum Jonathan], Princeton : Princeton University Press, 1992, XXVI-203 p. ; Heilbron (John L.), Electricity in the Seventeenth and Eighteenth Centuries : a Study of Early Modern Physics, Berkeley : University of California Press, 1979, pp. 353-354.
128 Cette opinion était partagée par Daubenton ; voir BCMNHN, MS 219.
129 Probablement une allusion au mathématicien anglais Nicholas Saunderson (1682-1739), également mentionné dans l’“Histoire naturelle de l’homme” de Daubenton, in Histoire naturelle des Animaux, op. cit., vol. I, 1782, pp. XIX-LXXXII, LIII.
130 Jussieu (Antoine-Laurent de), Rapport de l’un des Commissaires chargés par le roi de l’examen du magnétisme animal, op. cit., p. 35. Lamarck étudia également les fluides subtils présents dans la terre. Voir Burkhardt (Richard W., Jr), The Spirit of System : Lamarck and Evolutionary Biology, Cambridge : Harvard University Press, 1977, pp. 65-69. L’importance de l’atmosphère et du climat dans ces débats des années 1770 à 1790 à propos des changements du corps animal suggère des raisons à l’intérêt porté par Lamarck à la météorologie dans ses publications à partir des années 1790.
131 Darnton (Robert), La Fin des lumières..., op. cit., p. 116, citant Carra.
132 “Prix proposé par l’académie des sciences, pour l’année 1794”, Journal d’Histoire naturelle, vol. 1, 1792, pp. 467-469.
133 BCMNHN, MS 219. L’animal était mort trois jours plus tôt et son odeur était atroce, mais “les anatomistes sont familiarisés avec les mauvaises odeurs” (Rookmaaker [L. C.], “Histoire du rhinocéros de Versailles, 1770-1793”, Revue d’histoire des sciences, vol. 36, 1983, pp. 307-318).
134 Pinel, “Recherches”, [1790-1791] (Archives nationales, AJ/15/565).
135 “Observations générales de la Société d’histoire naturelle sur le voyage à entreprendre pour aller à La Recherche de Mr. de La Peyrouse”, [1790-1791] (Archives nationales, AJ/15/565).
136 “Mémoire sur la nécessité de joindre une ménagerie au Jardin national des plantes de Paris par Jacques Bernardin Henri de Saint-Pierre [sic]”, [1792] (Archives nationales, AJ/15/512, pièce 573). Voir à ce propos Iriye (Masumi), Le Vau’s Menagerie and the Rise of the Animalier : Enclosing, Dissecting, and Representing the Animal in Early Modern France, Thèse de Ph.D., Université du Michigan, 1994.
137 “Rapport fait à la Société d’histoire naturelle de Paris, sur la nécessité d’établir une ménagerie ; par A. L. Millin, Pinel et Alex. Brongniart”, Paris, 14 décembre 1792 (Archives nationales, AJ/15/512, pièce 572). Pour un traitement détaillé de la fondation de la ménagerie, voir Burkhardt (Richard W., Jr), “La Ménagerie et la vie du Muséum”, in Blanckaert (Claude) et al. (sous la dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, op. cit., pp. 481-508.
138 “Second Rapport fait par la Commission des travaux publics au Comité de salut public relativement au Jardin des plantes” (BCMNHN, MS 457).
139 “Description de la ménagerie du Muséum d’histoire naturelle. Suite de l’Histoire du Lion et du Chien”, La Décade philosophique, littéraire et politique, no 3, 1794, pp. 129-138 et 193-199. Basé sur Toscan (Georges-Louis), Histoire du lion de la Ménagerie et de son chien, par le citoyen Toscan, bibliothécaire du Muséum, Paris : Cuchet, an III [1794], 40 p.
140 Duchesne (Antoine-Nicolas), Histoire naturelle des fraisiers, contenant les vues d’économie réunies à la botanique ; & suivie de remarques particulières sur plusieurs points qui ont rapport à l’histoire naturelle générale, Paris : P.-F. Didot le jeune, 1766, XII-324-118 p. ; Adanson (Michel), “Examen de la question : si les espèces changent parmi les plantes ; nouvelles expériences tentées à ce sujet”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1769, Paris : impr. royale, 1772, Mémoires, pp. 31-48. Sur les interprétations de ces travaux en tant que “débuts de la génétique”, voir, par exemple, Zirkle (Conway), “An Overlooked Eighteenth-Century Contribution to Plant Breeding and Plant Selection”, Journal of Heredity, vol. 59, 1968, pp. 195-198 ; Nicolas (J.-P.), “Adanson : ses travaux sur les blés, ses observations sur l’orge miracle” Journal d’agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 11, 1964, pp. 231-249.
141 Roger (Jacques), Buffon : les Époques de la nature..., op. cit., p. 253 ; voir aussi Ehrard (Jean), L’Idée de nature en France dans la première moitié du XVIIIe siècle, Genève : Slatkine, 1981, 861 p. Les sources secondaires suggèrent qu'’Époques de la nature joua un rôle crucial dans l’introduction d’une nouvelle échelle temporelle pour les événements naturels : voir Lepenies (Wolf), “De l’histoire naturelle à l’histoire de la nature”, Dix-huitième siècle, vol. 11, 1979, pp. 175-182 ; Rheinberger (Hans-Jörg), “Buffon : Zeit, Veränderung, and Geschichte”, art. cit., pp. 203-223 ; “Introduction”, in Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., op. cit.
142 Par exemple, Jordanova (Ludmilla J.), “Earth Science and Environmental Medicine...”, art. cit. ; Riley (James C.), The Eighteenth-Century Campaign to Avoid Disease, op. cit. Plus récemment, Jordanova (Ludmilla J.), “Environmentalism in the Eighteenth Century”, in Driver (Felix), Rose (Gillian) (sous la dir.), Nature and Science : Essays in the History of Geographical Knowledge, n° spécial de Historical Geography Research, 28ème série, 1992 ; Grove (Richard H.), Green Imperialism..., op. cit. ; Drouin (Jean-Marc), Réinventer la nature..., op. cit. ; Corvol (Andrée), Richefort (Isabelle) (sous la dir.), Nature, environnement et paysage : l’héritage du XVIIIe siècle : guide de recherche archivistique et bibliographique, Paris : L’Harmattan, 1995, 259 p. Mes réflexions font suite à la mise en garde de Bowler (Peter J.), “Science and the Environment : New Agendas for the History of Science ?”, in Shortland (Michael) (sous la dir.), Science and Nature : Essays in the History of the Environmental Sciences, Oxford : Alden Press, 1993, p. 4.
143 La Décade philosophique, littéraire et politique, no 4, nivôse an III [décembre 1794], p. 130.
144 Osborne (Michael A.), Nature, the Exotic, and the Science of French Colonialism, Bloomington : Indiana University Press, 1994, XVI-216 p., qui concerne principalement le XIXe siècle ; Osborne (Michael A.), “Applied Natural History and Utilitarian Ideals : ‘Jacobin Science’ at the Muséum d’histoire naturelle, 1789-1870”, in Raglan (Bryant T., Jr), Williams (Elizabeth A.) (sous la dir.), Recreating Authority in Revolutionary France, New Brunswick : Rutgers University Press, 1992, pp. 125-143, surtout pp. 129-132 ; Gillispie (Charles Coulston), “The Encyclopédie and the Jacobin Philosophy of Science : a Study in Ideas and Consequences”, in Clagett (Marshall) (sous la dir.), Critical Problems in the History of Science, New York : Madison, 1959, pp. 255-289 ; Williams (L. Pearce), “Science, Education, and the French Revolution”, Isis, vol. 44, 1953, pp. 311-330, en particulier pp. 321-322.
145 Cette anecdote est rarement documentée lorsqu’elle est rapportée, mais elle trouve apparemment son origine dans les mémoires d’Henri Grégoire. Voir Grégoire (Henri), Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois, député à l’Assemblée constituante et à la Convention Nationale, Sénateur, membre de l’Institut ; suivies de la Notice historique sur Grégoire d’Hippolyte Carnot, [préf. de Jeanneney Jean-Noël, introd. de Leniaud Jean-Michel], Paris : Éditions de Santé, 1989, p. 61.
146 Parmi tout ce qui a été écrit sur le millénarisme et les utopies, voir en particulier Baczko (Bronislaw), “Lumières et utopie : problèmes et recherches”, Annales : économies, sociétés, civilisations, vol. 26, 1971, pp. 355-386 ; Tuveson (Ernest L.), Millennium and Utopia : a Study in the Development of the Idea of Progress, Berkeley : University of California Press, 1949, XI-254 p. ; Garrett (Clarke), Respectable Folly : Millenarians and the French Revolution in France and England, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1975, X-237 p. ; Mannheim (Karl), Ideology and Utopia : an Introduction to the Sociology of Knowledge, [trad. par Wirth Louis et Shils Edward], [préf. de Wirth Louis et Turner Bryan], Londres : Routledge, 1991, LVIII-318 p., en particulier pp. 173-236 ; Venturi (Franco), Utopia and Reform in the Enlightenment, Cambridge : Cambridge University Press, 1971, V-160 p. ; Kenyon (Timothy), “Utopia in Reality : ‘Ideal’ Societies in Social and Political Theory”, History of Political Thought, vol. 3,1982, pp. 123-155 ; Shklar (Judith N.), “The Political Theory of Utopia : from Melancholy to Nostalgia”, Daedalus, vol. 94,1965, pp. 367-381 ; Ozouf (Mona), “La Révolution française au tribunal de l’utopie”, in The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture. T. 3 : Furet (François), Ozouf (Mona) (sous la dir.), The Transformation of Political Culture, 1789-1848, Oxford : Pergamon, 1989, pp. 561-574.
147 Hamy (Ernest-Théodore), “Les Derniers jours du Jardin du roi...”, art. cit., pp. 64-68.
148 Voir par exemple Bourguet (Marie-Noëlle), “L’Image des terres incultes : la lande, la friche, le marais”, in Corvol (Andrée) (sous la dir.), La Nature en Révolution, 1750-1800, op. cit., pp. 15-29. Tandis que Williams (Elizabeth A.), The Physical and the Moral..., op. cit., p. 104, avance que les doctrines médicales pré-comme post-révolutionnaires de la perfectibilité soulignaient la nature limitée du progrès, je suggérerais plutôt que les événements et expériences de la Révolution contribuèrent de manière cruciale à la remise en question de la notion de progrès.
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