La place de l'Histoire naturelle au Jardin du roi
p. 37-73
Texte intégral
“Un jour du début des années mille huit cent soixante, alors que j’étais petit garçon, je me trouvais en compagnie de ma nourrice en train d’acheter quelque chose dans une petite librairie papeterie de Camden Street à Dublin, lorsque entra un homme d’un certain âge, imposant et solennel, qui s’avança vers le comptoir et dit pompeusement : ‘Avez-vous les œuvres du célèbre Bouffon ?’
Mes propres œuvres n’étaient pas encore écrites à l’époque, sans quoi il eût été possible que la vendeuse se méprît suffisamment sur mes intentions pour lui tendre un exemplaire d'Homme et surhomme. En fait, elle savait parfaitement ce qu’il voulait ; car cela se passait avant que la Loi sur l’Éducation de 1870 n’eût produit des vendeuses sachant lire et ne sachant rien d'autre. Le célèbre Bouffon n’était pas un humoriste, mais l'illustre naturaliste Buffon. Tout enfant instruit, à l’époque, connaissait l'Histoire naturelle de Buffon aussi bien que les Fables d’Ésope. Et pas un enfant n’avait encore entendu le nom qui a depuis effacé Buffon dans la conscience populaire : celui de Darwin.”
Shaw (George Bernard), Back to Methuselah : a Metabiological Pentateuch. London ; New York : Oxford University Press, [1946], 300 p.
1Le nom de Georges-Louis Leclerc de Buffon est très peu connu aujourd’hui. On a du mal à croire que ce nom définissait pour beaucoup ce qu’était “l’histoire naturelle” pendant plus d’un siècle, depuis la publication par Buffon en 1749 des trois premiers volumes de son ouvrage à succès, l’Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi, jusqu’aux années 1860, époque où, si l’on en croit Shaw, le nom de Charles Darwin devint plus célèbre que celui de Buffon. Depuis l’entrée en fonctions de Buffon au Jardin en 1739 jusqu’à sa mort en 1788, l’intendant œuvra à la réalisation de son projet d’histoire naturelle. Ce projet se manifestait dans deux objets matériels : l’Histoire naturelle et le Jardin du roi.
2L’achèvement de l’Histoire naturelle et l’amélioration du Jardin furent poursuivis après la mort de Buffon par ses protégés. La conversion du Jardin à partir d’un petit jardin médicinal essentiellement destiné à l’enseignement aux étudiants en médecine et aux apprentis apothicaires, en tant que principal centre mondial de l’histoire naturelle entre 1800 et 1830, avait débuté beaucoup plus tôt, mais au cours des cinquante années où Buffon en fut l’intendant, l’établissement fut radicalement transformé1. L’intendant s’efforçait en toute occasion de réduire ou même d’effacer la fonction médicinale du Jardin et de décrire l’établissement comme un centre d’activité scientifique, comme l’avait déjà fait son prédécesseur Charles-François de Cisternay Dufay. Bien que l’enseignement médical y ait continué – le Jardin servait aux étudiants de l'École de médecine*, située à quelques minutes à pied, ainsi qu’aux apprentis apothicaires – un changement significatif était en train de survenir dans la fonction de l'établissement. Un grand nombre des naturalistes du Jardin avaient fait des études médicales mais, parmi les plus éminents, plusieurs n’avaient jamais étudié la médecine. Louis-Claude Bourdelin fut le premier professeur de chimie, en 1743, à ne pas recevoir dans son titre la charge supplémentaire de la pharmacie. En 1745, Louis-Jean-Marie Daubenton fut nommé au poste précédemment intitulé “garde du droguier”. Cependant, dans son brevet – le document officiel qui tenait lieu d’engagement de loyauté, de description des tâches et de certificat de bonne moralité pour les employés de la Couronne – Daubenton était décrit comme le “garde et démonstrateur du Cabinet d’histoire naturelle et du Jardin du roi”. Cela était, en soi, hautement significatif : la Couronne ne devait qu’au milieu du XVIIIe siècle reconnaître explicitement la pratique de l’histoire naturelle comme étant la fonction principale d’un établissement royal. Buffon obtint également la création de plusieurs nouveaux postes : le cousin de Daubenton, Edmé-Louis, fut employé comme “garde et sous-démonstrateur du Cabinet d’histoire naturelle du roi” en 1766, et Barthélémy Faujas de Saint-Fond, correspondant de longue date de Buffon, comme “adjoint au garde du Cabinet d’histoire naturelle” en 17872. Le poste de correspondant officiel du Jardin du roi, créé en 1773, remplaça le vague titre de “naturaliste du roi” que Buffon avait auparavant réussi à faire conférer aux individus entreprenant un voyage susceptible de procurer des spécimens utiles pour les collections3.
3Définir l’histoire naturelle comme une entreprise en elle-même scientifique, indépendamment de la médecine, signifiait inventer une nouvelle expertise du monde naturel qui pourrait être démontrée aux pairs, aux protecteurs et au public scientifique en général. Une telle expertise n’existait pas a priori pour les naturalistes du milieu du XVIIIe siècle. Elle fut rendue possible par l’existence d’une société de patronage d’une grande complexité coexistant, et se chevauchant en grande partie, avec un commerce du savoir en pleine expansion. Les naturalistes participaient généralement à l’un comme à l’autre. Certains, comme Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de Lacepède, qui aida Buffon à achever l'Histoire naturelle après 1784, disposaient d’une fortune personnelle. Mais même Lacepède ne méprisait pas la reconnaissance publique du statut de savant et l’accès à la hiérarchie royale qui accompagnaient un poste dans un établissement royal. Ceux qui étaient en dehors du système de patronage royal vantaient leur indépendance dans leurs écrits, mais à moins d’avoir d’autres protecteurs ils gagnaient habituellement une existence précaire en vendant l'histoire naturelle comme un divertissement à un public raffiné, sous forme de gravures, de livres et de spécimens4. Buffon convertit son capital financier et le crédit social et scientifique qu’il obtint grâce à l'Histoire naturelle en postes pour des naturalistes dans la hiérarchie royale. Ces postes ressemblaient aux autres postes royaux : ils étaient à vie et leur valeur résidait plus dans les contacts qu’ils procuraient à leur titulaire avec des protecteurs plus haut placés que dans le revenu qu’ils rapportaient, et qui était souvent insuffisant pour assurer le train de vie d’un gentilhomme. Ainsi le Jardin faisait-il partie des structures de patronage de la société française du XVIIIe siècle.
4Le patronage détermina, dans une certaine mesure, l’évaluation de Buffon et de son projet d’histoire naturelle par ses contemporains. Cependant, cette époque connaissait deux autres systèmes sociaux complexes d’évaluation des écrits relatifs au monde naturel. Le premier était le monde de l'édition : l'Histoire naturelle étant reconnue comme un chef-d’œuvre littéraire, elle se trouva en possession de tous les lecteurs, qui usèrent librement de leur droit de commenter le caractère de Buffon comme figurant les revendications morales, scientifiques et stylistiques qu’ils trouvaient dans l’ouvrage5. Un grand nombre de ces évaluations reflétaient également l’importante visibilité de Buffon dans l’élite cultivée ; en tant que philosophe, il fréquentait de nombreux salons à la mode dans les années 1750 et 1760 et sa présence suscitait aussi bien des compliments que des critiques, ce qui était la coutume des salons. Comme le montrent les textes contemporains, il était considéré comme l’un des “grands hommes” de la société française, et on le mentionnait habituellement aux côtés de Diderot, d’Alembert, Rousseau, Helvétius et d’autres6. Mais à la différence de beaucoup d’autres philosophes, les activités de Buffon dépassaient largement le domaine de la vie littéraire, grâce à son activité au Jardin du roi et à sa renommée croissante auprès de la Couronne. L’intégration, grandement sous-étudiée, de l’activité scientifique dans la haute société dans la France du XVIIIe siècle, apparaît dans le fait que les attaques sectaires d’autres philosophes comme Marmontel ou Grimm purent par la suite entamer la réputation de Buffon en tant que praticien scientifique. Les critiques de son histoire naturelle comme étant non scientifique ou artificielle émanaient souvent de la plume de personnages qui aujourd’hui ne sont pas principalement considérés comme des naturalistes, comme Voltaire, Condorcet et le philosophe genevois Charles Bonnet7. Cependant, il est important de signaler aussi que, d’une manière générale, la réputation scientifique de Buffon, du Jardin et de l’Histoire naturelle ne fut pas remise en cause efficacement ni très publiquement avant la Révolution française. L’interruption du système de patronage dont dépendaient les structures de nomination au Jardin et l’évaluation du caractère moral des naturalistes ouvrit la voie à de nouvelles sortes de lectures, et finalement au rejet, de l’Histoire naturelle comme écrit scientifique et de Buffon comme praticien scientifique. Le Jardin du roi, par contre, ne perdit jamais sa crédibilité en tant que lieu d’élaboration d’un savoir naturel authentique. Je me contenterai ici de donner un bref aperçu de l’accueil reçu par l’Histoire naturelle, dans la mesure où il contribua aux évaluations du Jardin du roi, à l’époque, en tant que lieu de pratique de l’histoire naturelle.
5L’histoire naturelle au Jardin au milieu du XVIIIe siècle représentait également la tentative de Buffon de revendiquer le type de savoir scientifique que produisait l’Académie des sciences, où il avait récemment été un candidat malheureux au poste le plus influent, celui de secrétaire permanent8. Là, son plus terrible ennemi, Réaumur, régnait sans partage sur l’histoire naturelle depuis les années 1710 et s’était construit un large réseau de soutien parmi les naturalistes de diverses parties de l’Europe, y compris Charles Bonnet et Abraham Trembley. La version de l’histoire naturelle proposée par le Jardin n’était donc pas la seule qui avait cours, même parmi les institutions scientifiques parisiennes. Néanmoins, durant le demi-siècle où Buffon en fut l’intendant, son nom allait quasiment devenir synonyme d’histoire naturelle ; et ce fut la vision buffonienne de la nature qui inspira Jean-Jacques Rousseau et à laquelle se référèrent d’innombrables législateurs révolutionnaires, tout comme ce fut sur elle que furent posés les fondements de la nouvelle histoire naturelle en France. Le but du présent chapitre est d’envisager Buffon, l'Histoire naturelle et le Jardin comme les trois instruments qui ont forgé un programme d’histoire naturelle dont on parlera en détail aux chapitres suivants, et de démontrer à quel point la prééminence de l’histoire naturelle au XVIIIe siècle en général, et la prééminence des naturalistes du Jardin en particulier, était tributaire des relations de Buffon avec ses protégés et ses protecteurs.
La définition du naturaliste
6La renommée des naturalistes du Muséum d’histoire naturelle au début du XIXe siècle devait beaucoup aux vastes ressources en spécimens, en voyageurs et en crédibilité sociale et scientifique qu’avaient accumulées leurs prédécesseurs au Jardin du roi au XVIIIe siècle9. Les naturalistes entreprirent d’asseoir leur réputation sociale et naturaliste en élaborant l’histoire naturelle en un programme de recherche distinct, s’adressant à des publics divers. À la monarchie, ils offraient un cadre policé au sein duquel la gloire royale pouvait être exposée. Pour les ministres épris d’amélioration, ils posaient comme des experts scientifiques qualifiés pour enrichir la nation, tandis que face à la haute société ils se présentaient comme des connaisseurs émérites du naturel. Enfin, ils rejoignaient les autres savants en affirmant partager leur désir de valider la pratique scientifique en tant qu’entreprise dotée d’une signification sociale propre.
7Même au milieu des années 1780, il était rare de voir quelqu’un gagner sa vie grâce à l’histoire naturelle. Les chaires de professeur d’histoire naturelle ne commencèrent à voir le jour en France que durant les années 1770 : citons celle fondée au collège bénédictin de Sorèze en 1778, ou encore celle occupée par Louis Daubenton au Collège royal à partir de 178410. Parmi les quelque mille huit cents correspondants avec lesquels André Thouin, le jardinier en chef du Jardin à partir de 1764, entretint un échange, quelques-uns seulement sont consignés dans ses registres en tant que “chimiste”, “naturaliste” ou même “botaniste”. L’histoire naturelle était donc dans la France du XVIIIe siècle une activité telle que les praticiens devaient tirer leur statut social et leur revenu d’autres ressources. Cela était vrai aussi bien des naturalistes employés au Jardin que de ceux qui pratiquaient l’histoire naturelle en dehors d’un contexte “institutionnel” reconnaissable. Le démonstrateur de botanique, Antoine-Laurent de Jussieu, avait hérité une somme substantielle de son oncle, le médecin et ancien naturaliste du Jardin Bernard de Jussieu, et pratiquait la médecine pour son propre compte, comme ses collègues Antoine-François de Fourcroy, Louis Le Monnier et Daubenton11. L’intérêt croissant suscité par l’histoire naturelle permettait de gagner de l’argent en exerçant les activités de conférencier, conservateur, collectionneur ou enseignant. Des/conférenciers comme Fourcroy et Jacques-Christophle Valmont de Bomare purent augmenter leurs revenus grâce à des séries de cours sur l’histoire naturelle et la chimie qui commencèrent respectivement en 1780 et en 175612. La publication d’ouvrages était également un moyen de se présenter, apprécié des naturalistes, et l’Histoire naturelle de Buffon ouvrit de nouvelles possibilités pour une industrie de l’écriture répondant aux besoins croissants du public en ouvrages d’histoire naturelle, comme le Manuel du naturaliste de Pierre-Joseph Macquer et Henri-Gabriel Duchesne en 1770. Les naturalistes occupant un poste salarié, souvent dans la maison d’un noble, étaient supposés exercer les fonctions de tuteurs ou réunir et mettre correctement en ordre des collections pour leur employeur13. D’autres dirigeaient des jardins botaniques et des cabinets publics dans divers endroits d’Europe14. Un grand nombre de ceux qui pratiquaient l’histoire naturelle possédaient des moyens financiers indépendants ; mais la plupart de ceux-là ont depuis été expulsés du domaine de l’histoire naturelle “scientifique” par les efforts des naturalistes institutionnels pour déplacer les limites de l’expertise naturaliste15.
8Enfin, et de plus en plus sous le règne de Louis XVI, la Couronne commença à recruter les naturalistes comme conseillers. Cette évolution montre à quel point leurs revendications d’hégémonie sur le monde naturel commençaient à être admises dans les milieux gouvernementaux : la stratégie qui avait consisté, des décennies durant, à nommer des ministres académiciens honoraires avait porté ses fruits. Mais l’acte de servir comme conseiller consolidait cette expertise, en particulier dans le domaine public. Pendant toute la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’État travailla en coordination avec des institutions savantes - l’Académie royale des sciences, les sociétés d’agriculture, le Jardin du roi et l’Observatoire. Des savants étaient souvent employés comme administrateurs et comme conseillers : ce fut le cas par exemple aux manufactures royales de Sèvres et des Gobelins, aux Ponts et Chaussées, dans les innombrables inspections des pêches, offices des eaux et forêts*, manufactures et hôpitaux de l’Ancien Régime. Les savants réputés cumulaient des postes dans différentes organisations ou commissions royales. Macquer, le professeur de chimie du Jardin de 1777 à 1784, était chimiste conseiller à la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres après 176616. À partir de 1766, Daubenton fut chargé par la dynastie ministérielle des Trudaine d’étudier les meilleures méthodes pour améliorer les ovins français17. Pendant les années 1780, il fut membre de deux des plus importantes commissions royales de l’Académie des sciences, chargées de l’étude du projet de réformer l’Hôtel-Dieu en construisant quatre nouveaux hôpitaux à la périphérie de Paris et de celui d’éloigner les abattoirs du centre de Paris18. Le secrétaire perpétuel de la Société royale de médecine de Paris, Félix Vicq d’Azyr, fut recruté par la Couronne dans un effort pour endiguer les épidémies désastreuses qui décimaient les troupeaux. André Thouin fit partie d’un comité réuni à la hâte parmi les membres de la Société royale d’agriculture pour préparer des conseils sur les mesures à prendre à la suite d’une tempête de grêle qui dévasta les récoltes en juillet 178819. Le premier poste administratif occupé par Buffon avait été celui de régisseur de la pépinière établie avec des fonds royaux sur son propre domaine près de Montbard, avec l’agronome* Henri-Louis Duhamel de Monceau qui en dirigeait une à Denainville sur les terres de son frère20.
9Les praticiens de l’histoire naturelle, même ceux révérés dans l’historiographie moderne comme les “grands naturalistes” du XVIIIe siècle, dépendaient des rouages d’une société de patronage mais aussi d’une élite riche et oisive qui avait les moyens de réunir des collections et d’employer des naturalistes pour les administrer. Le nouveau savoir naturaliste était produit dans les jardins et les cabinets de ceux qui possédaient les plus magnifiques ressources naturelles. Depuis l’origine des muséums et des cabinets, ces propriétaires étaient les plus fortunés, les nobles et les princes ; toutefois, au XVIIIe siècle, les collections d’histoire naturelle commençaient à être la propriété de gentilshommes et de riches21. Lorsque l’histoire naturelle devint à la mode en France dans les années 1730, sa popularité devait beaucoup au fait que c’était une science de représentation. Les manifestations visibles de pratique scientifique exposée dans les cabinets et les jardins pouvaient conférer à leur propriétaire un statut à la fois social et économique. Les collections pouvaient mettre en évidence le pouvoir du propriétaire de déplacer des objets distants, de contrôler le rare et l’inhabituel aussi parfaitement que possible22. Ainsi les problèmes de public et d’exposition sont-ils cruciaux pour comprendre la formation du savoir en histoire naturelle au XVIIIe siècle. Le soutien royal au Jardin était fondé autant sur sa valeur en tant que vitrine et spectacle que sur son rôle dans la production d’un savoir utile pour l’enseignement et la recherche. En juin 1746, Buflon sollicita de Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas, le ministre de la maison du roi, le transfert de douze cabinets et d’une table incrustée de pierres précieuses de la Salle des gardes de l’Académie royale des sciences “pour orner le Cabinet d’histoire naturelle du roi”. Il s’agissait d’objets de luxe : l’un était décrit comme “un grand cabinet d’ébène profilé d’étain en trois parties, la première ornée de six grandes colonnes de lapis à bases et chapiteaux de cuivre doré d’ordre de Corinthe, dans le milieu, une porte avec son frontispice ornée de deux colonnes de marbre de Sicile à bases et chapiteaux de cuivre doré d’ordre de Corinthe”23.
10Buffon et ses protecteurs considéraient ces objets comme des vitrines adéquates pour exposer la collection royale d’histoire naturelle ; le faste du Cabinet du roi se retrouvait dans ceux appartenant à des membres de la famille royale et à des nobles fortunés. Les mêmes préoccupations apparaissaient dans les types de spécimens que Buffon et Daubenton exposaient dans le Cabinet. Les guides publiés insistaient sur les pièces les plus voyantes de la collection royale, pour le plaisir du connaisseur : “Le règne minéral orne la seconde salle de ce qu’il y a de plus riche et de plus brillant dans la nature. On y admire de précieux morceaux, tels que des mines d’or, d’argent, de cuivre, d’étain, de plomb et de fer”24. À en juger d’après ces guides, le public qui entrait au Jardin et au Cabinet le mardi et le jeudi après-midi désirait voir le luxe et la splendeur. Ces préoccupations façonnaient aussi, d’ailleurs, la réaction de l’observateur averti devant le Cabinet25. La visibilité était par conséquent un élément de motivation des réformes entreprises au Jardin – ou, tout du moins, une excuse appropriée permettant à Buffon de faire des demandes qui aboutirent à des décrets royaux tels que celui de 1766 où, parce que “une suite [de spécimens] la plus complète qui soit en Europe ne peuvent être mis en évidence, ni exposés à l’examen des savants Étrangers et Régnicoles [...] sa Majesté a préféré prendre pour augmenter le dit cabinet le logement qu’occupe au dit Jardin royal le Sr de Buffon”26. Les palais, cabinets et jardins de la vie royale étaient des sites d'exhibition, dont la valeur résidait dans leur visibilité. Le contrôleur des bâtiments du roi*, Charles-Claude de Flahault, comte de La Billarderie d’Angiviller, était responsable du Jardin et d’autres établissements des sciences, mais à partir du milieu des années 1770 il fut aussi chargé d’ouvrir les collections artistiques royales pour exposer à un large public la vertu morale et la suprématie de la monarchie27. La collection servait à exposer la puissance du protecteur, de sorte que les naturalistes devaient maximiser ses qualités visuelles les plus frappantes. Mais elle servait en même temps à fournir aux naturalistes des témoins à l’appui de leurs revendications concernant le monde naturel. Comme Denis Diderot, utilisant probablement des notes de Daubenton, devait l’écrire à l’article “Histoire naturelle” de l'Encyclopédie : “On a trouvé le moyen de raccourcir et d’aplanir la surface de la terre en faveur des naturalistes ; on a rassemblé des individus de chaque espèce d’animaux et de plantes, et des échantillons des minéraux dans les cabinets d’histoire naturelle. On y voit des productions de tous les pays du monde, et pour ainsi dire un abrégé de la nature entière”28. La collection royale soigneusement construite par Buffon était aussi un palais des plaisirs étincelant pour la haute société. Seuls les riches avaient les moyens d’acheter son Histoire naturelle, eux seuls posséderaient l’instruction et l’expérience nécessaires pour employer les critères esthétiques de la collection, pour être capables d’accorder de la valeur à un sceau, à une gravure ou à une coquille, ou même pour connaître précisément le degré de rareté d’une production naturelle ou d’un artéfact sauvage. Ainsi l’expérience même de la richesse était-elle nécessaire pour effectuer des évaluations relatives du mérite financier et esthétique. La capacité de formuler un commentaire critique d’une collection était une question d’éducation29. Bien qu’il reste apparemment peu de traces écrites du public qui visitait le Jardin, le démonstrateur de chimie, Antoine-Louis Brongniart, tenait un registre de ceux qui assistaient à ses séries de cours entre 1777 et 1791, et dont plusieurs avaient lieu au Jardin. Cela permet de savoir que ces cours étaient suivis par l’élite : les nobles et le clergé étaient fortement représentés et prédominaient parfois30. Au milieu du XVIIIe siècle, les collections d’histoire naturelle n’étaient plus l’apanage de la classe dirigeante. Le Jardin du roi conservait toujours le caractère royal indiqué par son nom depuis sa fondation. Mais l’élite urbaine cultivée, tout état confondu, constituait un public croissant pour l’exposition scientifique des cabinets et des expériences ainsi que pour les ouvrages scientifiques alliant instruction et divertissement, des ouvrages qui étaient quelque peu risqués car leurs auteurs frisaient l’hétérodoxie politique et religieuse mais qui néanmoins offraient à leurs lecteurs une nouvelle politique de citoyenneté active à travers l’exploitation des ressources naturelles. La plupart des savants faisaient d’ailleurs eux aussi partie de cette même élite culturelle.
L'Histoire naturelle
11Buffon et Daubenton se servirent de leur travail commun sur l’histoire des quadrupèdes, la première partie de l'Histoire naturelle, pour tirer parti de cette demande culturelle croissante. Les trois premiers volumes furent publiés en 1749, en format inquarto, richement illustrés de planches gravées et parfois peintes à la main, dont celles illustrant les anatomies de Daubenton, parfois colorées dans des tons criards31. L’œuvre était ambitieuse, tant dans son style et son exhaustivité que dans les objectifs épistémologiques et disciplinaires qu’elle professait. Son discours préliminaire était de la plume de Buffon, et la version originale en avait été présentée quelques années auparavant à une réunion de l’Académie royale des sciences. Cette déclaration de programme a généralement été lue comme un texte écrit par un naturaliste à l'intention d’autres spécialistes32. Mais c’était aussi la première fois que Buffon s’adressait à son plus large public, et c’était par le lecteur non initié qu’il commençait.
12Un peu comme le premier homme, le nouveau venu à l’histoire naturelle ouvrirait les yeux sur une variété étourdissante de productions naturelles. La connaissance authentique de la Nature et des lois naturelles n’apparaîtrait que progressivement, à la suite d'observations répétées qui en même temps feraient se développer chez l’individu des qualités remarquables comme la “force de génie”, le “courage”, le “goût” ; les qualités antithétiques consistant à tout embrasser “d’un coup d’œil” et à s’attacher laborieusement au plus petit détail. Comme ses contemporains, Buffon insistait à la fois sur l’utilité du savoir naturaliste pour l’homme du monde, et sur son charme et son attrait émotionnel. Parmi ces qualités utiles figurait la valeur didactique de l’histoire naturelle. L’étude de l’histoire naturelle était bénéfique aux jeunes gens, avançait Buffon, parce qu’elle rabaissait leur amour-propre et leur faisait sentir combien il y avait de choses qu’ils ignoraient. Mais, par-dessus tout, “une étude même légère de l’histoire naturelle élèvera leurs idées, et leur donnera des connaissances d’une infinité de choses que le commun des hommes ignore, et qui se retrouvent souvent dans l’usage de la vie”33.
13Il y avait là un double appel éloquent au public que Buffon s’efforçait de recruter pour l'Histoire naturelle. Dans une société où un nombre important de roturiers utilisaient leur richesse pour entrer dans la noblesse par l’achat d’un titre ou par le mariage, et échapper ainsi à la masse indifférenciée du tiers état, Buffon présentait l’histoire naturelle comme une voie vers la supériorité sociale, une manière de se distinguer du “commun des hommes”34. Comme le montre l’ascension de nombreux philosophes de l’obscurité aux cercles brillants de la vie de salon, au milieu du siècle le savoir, la culture, la finesse mondaine commençaient à être appréciés presque autant que le rang et les relations comme des marques de supériorité sociale35. Buffon n’était pas le seul à attribuer à l’histoire naturelle le pouvoir de développer des qualités adéquates chez les jeunes gens, tout en démontrant les qualités exceptionnelles possédées par ses praticiens. L’un des précurseurs de l’Histoire naturelle fut Le Spectacle de la nature de l’abbé Noël-Antoine Pluche, publié en 1732, qui proposait une version nettement théologique de l’histoire naturelle36. Edmé-François Gersaint, un marchand d’antiquités et de tableaux, découvrit au début des années 1730 tout un nouveau marché pour les spécimens d’histoire naturelle, qu’il attribua à la popularité de l’ouvrage de Pluche37. Bien que Buffon ait probablement voulu profiter des retombées de ce succès, l’Histoire naturelle s’avéra, quant à elle, encore plus populaire. Dans une étude sur les bibliothèques privées dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Mornet a établi que l’Histoire naturelle figurait en troisième position parmi les ouvrages le plus souvent possédés, malgré sa longueur et son coût certain38. La première édition fut épuisée en quelques semaines et l’éditeur, Panckoucke, travailla d’arrache-pied pour en publier une autre à temps pour satisfaire la demande39.
14Buffon lui-même représentait et en même temps s’adressait à l’individu compétent, moral, instruit, capable de gravir les échelons. Mais la popularité de l’Histoire naturelle eut d’autres conséquences pour son principal auteur. Une importante hagiographie se développa autour de Buffon, de son vivant même. Il était décrit en termes élogieux dans des ouvrages comme Les Illustres Français de Nicolas Ponce, dans les écrits de ses successeurs et même dans les publications périodiques40. La presse fit état de la parution de gravures ou de portraits de lui et de sa famille des années 1760 à 1780 ; à propos du portrait signé du célèbre peintre de salon François-Hubert Drouais, le Mercure faisait remarquer en 1761 : “Depuis longtemps le Public demande le Portrait de M. de Buffon aux imprimeurs de son Histoire naturelle”41.
15Ces gravures étaient collectionnées par les disciples de Buffon. L’Histoire naturelle elle-même était une référence pour les affirmations au sujet des animaux et de l’homme ; ainsi était-elle mentionnée dans les caricatures anglaises attaquant l’exercice par les hommes du métier de sage-femme (“Un Homme-Sage-Femme, ou Un Animal nouvellement découvert, inconnu à l’époque de Buffon”) ou utilisée comme autorité par Louis-Sébastien Mercier dans le Tableau de Paris42. Elle empêcha le comte de Tilly de mourir d’ennui loin du monde chez son oncle de province, car c’était quasiment le seul livre que ce brave homme possédait43. Lacepède, lorsqu’il était jeune homme, le lut dans une sublime solitude, surplombant la plaine de la Garonne, et Georges Cuvier coloria les illustrations44. Les lecteurs réagissaient à l'Histoire naturelle avec le même ravissement que celui décrit par Robert Darnton à propos des œuvres de Rousseau45. À la mort de Buffon, dans une lettre à André Thouin, l’un des principaux protégés de Buffon, le cultivateur Gérard écrivait : “Connaissant tout le cas qu’il faisait de vous, je juge de votre sensibilité par celle que j’ai éprouvée, quoique je ne connusse M. de Buffon que par ses ouvrages. Il appartenait à l’univers entier dont il était le chef d’œuvre”46.
16Cette approbation n’était pas toujours sans réserve. Certains, comme Friedrich Melchior Grimm, ont accusé l'Histoire naturelle d’être une œuvre de l’imagination47. Cette critique a fait l’objet d’une attention particulière, puisqu’elle fut une arme importante employée pour démanteler l’histoire naturelle buffonienne au XIXe siècle. Mais il est loin d’être sûr que de telles critiques atteignirent toujours leur but du vivant de Buffon ; les membres de l’élite française étaient presque certainement plus nombreux à considérer, avec Ferry de Saint-Constant et Lacepède, que la Nature, en tant que lieu du sublime, devait être décrite en termes poétiques48. Le style était un élément important de la fonction, jouée par l'Histoire naturelle, d’hommage au roi en tant que protecteur et ce ne fut pas par coïncidence que Buffon fut élu à l’Académie française en 175349.
17En effet, l'Histoire naturelle n’était pas seulement un ouvrage d’histoire naturelle, ni un appel à une élite instruite cherchant à se cultiver. C’était aussi, surtout peut-on dire, un produit du système de patronage, dans la mesure où elle contenait la description du Cabinet du roi. Elle était préfacée d’une longue dédicace au roi par Buffon et Daubenton. Par ses illustrations et sa reliure luxueuses, l'Histoire naturelle témoignait du pouvoir royal de rapporter des objets du bout du monde. De même, le Jardin lui-même servait à exhiber le pouvoir royal aux visiteurs de l’élite cultivée et ainsi, en un sens, leur conférait un rôle politique en sollicitant leur approbation de visions de gloire monarchique50. Le succès de l’Histoire naturelle et du Jardin en tant que lieux de représentation de l’histoire naturelle était redevable de la capacité de Buffon d’exceller dans deux sphères – d’une part, en faisant appel à la perception de soi d’un lectorat à la mode, dans la culture de l’ouvrage imprimé en pleine expansion en ce milieu du XVIIIe siècle, d’autre part en négociant des relations de protectorat au sein des hiérarchies royales. Pendant les cinquante dernières années de l’Ancien Régime, la hiérarchie monarchique demeurait le centre des aspirations de nombreuses familles aisées. Si tant est que l’Histoire naturelle comportait un message à l’intention des rivaux de Buffon dans le domaine de l’histoire naturelle, il dérivait de l’engagement explicite de Buffon en faveur de la philosophie anglaise importée. L’admirateur de Newton était aussi un partisan des attaques de John Locke à l’encontre des descriptions essentialistes de la nature51. Cependant, contrairement aux physiciens anglais de son époque, Buffon dénigrait le genre d’explications théologiques avancées par Réaumur et ses partisans52. Il considérait comme non fondées les tentatives pour utiliser la nature vivante afin de prouver la puissance créatrice et l’infinie bonté de Dieu dans l’organisation du monde tel qu’il était.
18Parce qu’il rejetait cette référence directe à Dieu en tant que cause naturelle, certains des contemporains de Buffon considéraient qu’il tentait de promouvoir un panthéisme implicite sous couvert d’un privilège* royal53. L’attitude sceptique de Buffon était tout à la fois une critique de la théologie naturelle concurrente de Réaumur, son rival dans le monde des institutions scientifiques, et la tentative d’un philosophe pour situer la nouvelle autorité morale de la nature dans le cadre d’une société fondée sur le patronage. Mais l’Histoire naturelle pouvait plaire aux deux camps ; lue avec approbation par les uns comme une théologie naturelle, elle était également ou approuvée ou décriée par les autres comme un ouvrage athée54. Les premiers volumes furent publiés à une époque où les écrits des philosophes suscitaient un très vif intérêt, mais où les censeurs de la Couronne réprimaient encore toute œuvre menaçant le maintien du statu quo moral et politique55. Parmi les fréquentations habituelles de Buffon, nombreux étaient ceux qui avaient souffert aux mains des censeurs. Outre Diderot et Voltaire, il y avait le cercle de salon de Paul Thiry, baron d’Holbach, lui-même secrètement matérialiste, qui était fréquenté par Claude-Adrien Helvétius, l’auteur d’un De l’Esprit provocateur dans la lignée de Hobbes, et le naturaliste Charles-Georges Leroy, connu pour sa description matérialiste des mœurs animales dans les Lettres sur les animaux, publiées dans la première moitié des années 1760. Madame d’Holbach était très liée avec Madame de Buffon. Ainsi Buffon était-il proche d’un grand nombre des matérialistes et athées au sujet desquels le lieutenant général de la force de police de Paris possédait des dossiers56. Mais il ne s’avança jamais aussi loin. En tant qu’intendant du roi, espérant publier une description du Cabinet du roi avec l’aval du roi, sa position ne lui permettait pas d’exprimer ouvertement des spéculations philosophiques radicales. Le volume 4 de l’Histoire naturelle comportait une rétractation publique – tournée en dérision par certains comme une satire – des affirmations hérétiques détectées par les théologiens de la Sorbonne dans les trois premiers volumes57. Il critiquait également ses pairs pour leur approche insuffisamment nuancée des idées radicales. Ainsi le jeune parlementaire* Marie-Jean Hérault de Séchelles fit-il circuler anonymement un récit d’une visite à Montbard au cours de laquelle Buffon lui aurait dit : “Il ne faut jamais heurter de front, comme faisaient Voltaire, Diderot, Helvétius”58. Buffon s’éloigna du cercle social d’Holbach et Helvétius lorsqu’ils devinrent trop radicaux, ce qui lui valut les attaques de l’écrivain Jean-François Marmontel59.
19Les commentateurs modernes ont souligné les aspects les plus controversés de l'Histoire naturelle, comme par exemple la théorie de la terre, où Buffon émettait l’hypothèse d’une échelle temporelle très étendue pour l’histoire de la terre, s’opposant ainsi aux récits des Écritures60. De fait, ces affirmations suscitèrent des attaques de la part des théologiens. Mais qu’en est-il des aspects de l'Histoire naturelle que l’on pouvait rattacher à l’expérience personnelle de l’élite aisée et cultivée dans les cabinets et les jardins ? La majorité de la première partie de l'Histoire naturelle était constituée de descriptions d’animaux et de variétés d’hommes. On ne demandait pas aux lecteurs de Buffon, comme à ceux de Réaumur, d’admirer l’organisation élaborée de minuscules parties du corps comme une preuve de la puissance divine. On leur présentait plutôt, comme nous le verrons au chapitre 3, de multiples aperçus des rapports entre nature et société. Dans ses écrits, Buffon transposait souvent dans le monde naturel le monde moral et les préoccupations sociales qu’il partageait avec un grand nombre de ses lecteurs, puis les transformait en des affirmations normatives sur l’appropriation humaine de la nature, fidèlement représentées à travers les collections d’histoire naturelle du Jardin du roi, avec l’accent qui y était mis sur la valeur humaine des spécimens. Mais, paradoxalement, il ne disait rien de l’organisation providentielle de la nature à l’usage de l’homme. La nature de Buffon n’était pas la source pure de la vertu envisagée par Rousseau comme corrompue par le contact de l’homme. Plutôt, elle dégénérait constamment, dans une décomposition progressive dont l’issue était la mort. Dans l’Histoire naturelle, Buffon opposait à cette tendance négative l’ingéniosité et l’habileté de l’homme qui combattait la dégénération au moyen des progrès que pouvaient apporter les sciences, les arts et la société61. Le travail était au cœur des perceptions politiques de Buffon, aussi bien au Jardin que sur son propre domaine, où il remplaça la charité traditionnelle par des projets visant à donner du travail à ses fermiers pauvres ; à la fin de sa vie, il se rallia au style paternaliste du ministère de Necker, devenant un ami intime de Suzanne Curchod de Necker, l’épouse du banquier suisse Jacques Necker qui devint contrôleur-général des finances* en 177662.
20En décrivant l’entreprise scientifique comme un moyen de contribuer à l’amélioration nationale, Buffon exprimait les préoccupations de nombreux savants de la France de la fin du XVIIIe siècle. Mais en se représentant comme des experts de l’amélioration, les savants avaient besoin d’attribuer une valeur nouvelle au travail intellectuel, mettant en évidence la supériorité de l’esprit sur la force physique63. De telles auto-représentations coïncidaient avec le développement d’un intérêt bourgeois pour le travail en tant que légitimation de l’existence politique. Le travail constituait une échelle d’évaluation qui trouvait parfois sa place dans la hiérarchie du système de patronage. À la mort de Jean-André Thouin, le jardinier en chef, Daubenton écrivit à son fils André Thouin, alors âgé de dix-sept ans : “Vous devez trouver quelque consolation dans le bon emploi que vous avez fait de votre temps, j’espère que vous en recueillerez le fruit car j’ai appris que M. de Buffon est bien disposé pour vous ; il se plaît à protéger les gens qui sont appliqués à leurs devoirs”64. Daubenton poursuivait en offrant sa protection au jeune homme, sous la forme d’une lettre de recommandation de Thouin à Buffon ; André succéda au poste en 1764. De même, dans les éloges*, où étaient exprimées les caractéristiques des savants idéaux, les vertus du zèle et de l’ardeur au travail étaient fréquemment soulignées65. De telles préoccupations persistaient également dans le discours révolutionnaire66. Mais la valeur morale du travail était aussi à la base des critiques que les savants faisaient de la société de patronage dans laquelle ils évoluaient, et où l’ascension sociale était accomplie et validée tout à fait différemment. L’insistance sur le travail pouvait être une manière de dissocier les activités des savants de la poursuite de l’histoire naturelle comme loisir que recommandaient les manuels d’étiquette. Les condamnations de la “corruption" des sinécures, du favoritisme et du népotisme étaient des assertions polémiques en faveur d’un code moral différent, et non pas, comme l’ont sous-entendu de nombreux historiens, des réflexions objectives sur l’état de la société67. Ces critiques étaient en partie la conséquence du succès d’une vision relativement nouvelle du mérite intellectuel comme le fondement adéquat d’un bon gouvernement. Dans l’élite cultivée, le changement social passait par les relations de protection, et cette forme de gouvernement conserva une grande importance jusqu’à la Révolution68.
Les jeux de pouvoir du patronage
21Les individus instruits devaient, au XVIIIe siècle, se procurer une protection afin d’obtenir de l’avancement. Ce système de patronage était présent à tous les niveaux de la société, en un réseau de ramifications complexes qui contrôlait l’obtention des financements et des postes. Tout en permettant à certains une rapide mobilité sociale, le patronage pouvait également être une immense source de frustration et d’amertume pour les individus qui avaient moins de succès dans ce jeu des protections69. La Révolution allait exiger des savants en particulier de produire de nouvelles versions de la nature de la vie scientifique, en réaction aux nouvelles circonstances politiques qui avaient sapé les fondements du patronage en tant que système politique70. Ces pressions soulèvent la question de l’utilisation en tant que sources historiques des descriptions de relations personnelles, de carrières et de sentiments, comme les autobiographies et les éloges*71. Ces textes reflètent en effet soit la délicate négociation d’associations dans une société de patronage, soit le besoin, par la suite, de se présenter comme indépendant de ces liens immoraux. La valeur individuelle était envisagée à travers les relations de protection et les propositions de réforme du gouvernement par les écrivains des Lumières, y compris les savants, supposaient en même temps de nouveaux programmes de conduite morale.
22Les savants ne souhaitaient pas tous la disparition du patronage en tant que conséquence nécessaire des idées des Lumières ; certains, comme Buffon, étaient particulièrement habiles à mêler, dans leur poursuite des sciences, la nouvelle moralité des Lumières et le cadre du patronage. L’un des principaux changements survenus au Jardin fut le doublement de la surface de l’établissement, lors d’une série de réformes entre 1778 et 1788. Comme le montre William Falls, Buffon gagna plusieurs centaines de milliers de livres dans les transactions foncières entreprises durant l’agrandissement, principalement en achetant des sites adjacents au Jardin avec son propre capital, puis en recevant de généreux bénéfices de la Couronne (le prix de vente additionné d’une prime). Falls considère clairement que les actions de Buffon dans cette affaire ont été quelque peu troubles72. Cependant, cette image de Buffon comme administrateur corrompu et détourneur de fonds mérite d’être remise en question à la lumière de sa position au sein des réseaux de protection. Chaque transaction, chaque demande d’argent concernant le Jardin devait être approuvée par les ministres de la maison du roi et de ses finances73. L’honnêteté de Buffon vis-à-vis du roi et de ses ministres n’est nullement en cause. Les sommes d’argent qui étaient octroyées à Buffon étaient d’un autre ordre : on peut les considérer comme les bénéfices d’un investissement. La pratique de Buffon au Jardin était conforme à un schéma bien établi de redistribution du crédit dans la société de l’Ancien Régime : il donnait un crédit financier et recevait en retour un crédit social74. En mettant à disposition du roi ce qui était légalement son propre bien ou son propre logement, il se conformait aussi aux règles d’une société où la distinction linguistique entre propriété individuelle et propriété royale n’existait pas toujours. Même dans les détails, Buffon administrait le Jardin comme une spéculation, tirant profit de la vague de soutien ministériel aux arts et aux sciences sous Louis XV et Louis XVI ; le Jardin fournissait à ses terres de Montbard légumes et arbres fruitiers à partir des années 1760, tandis que sa forge de Montbard fabriqua les grilles de fer qui furent élevées autour des nouvelles limites du Jardin après son agrandissement75.
23De fait, le système de patronage permettait la délégation du pouvoir du roi à des administrateurs compétents, qui agissaient toujours au nom du roi, mais disposaient d’une licence* considérable dans la manière dont ils interprétaient les désirs du roi dans leur propre sphère d’autorité. Les avantages d’un tel système fonctionnaient dans les deux sens : le roi pouvait exercer son influence en de nombreux endroits à la fois, et le licencié pouvait faire appel à une source d’autorité supérieure à lui-même pour contraindre ses pairs à accepter ses idées, et ses subordonnés à réaliser ses désirs. Le réseau d’administrateurs royaux et d’inspecteurs contrôlait et filtrait les requêtes des sujets royaux, et administrait les affaires royales en une hiérarchie sinueuse de délégations de pouvoirs qui émanait du roi. Les actions de Buffon peuvent être comparées à la pratique ordinaire qui consistait à administrer les affaires royales comme des spéculations privées – si cette tâche était accomplie à la satisfaction de l’État, les administrateurs spéculateurs pouvaient s’attendre à réaliser des gains considérables. En échange de la faveur du roi, Buffon allait investir son propre capital dans le Jardin du roi et réaliser des réformes et des réparations, administrer le personnel et les spécimens... en bref, il allait cultiver le Jardin.
24Au Jardin, pouvoir royal et pouvoir administratif s’interpénétraient jusqu’à un certain point. Le “scientifique employé par l’État” n’existait pas : selon les termes de leur brevet, Buffon et ses subordonnés n’avaient pas à rendre compte de leur travail à la bureaucratie anonyme d’un État mais au roi lui-même ; le Jardin était donc en ce sens littéralement le Jardin du roi76. La volonté du roi au sujet de son jardin passait par l’intermédiaire de ministres qui eux-mêmes rendaient personnellement compte au roi. Les individus qui travaillaient au Jardin du roi et le dirigeaient étaient donc liés en une hiérarchie complexe, subordonnée au monarque. Ils étaient bien, littéralement, dépourvus de pouvoir, puisque tout ce qui se passait au Jardin était censé découler de l’exercice de la volonté royale. Mais cela n’empêchait pas certains individus entreprenants de mener à bien d’ambitieux projets qui nécessitaient le soutien royal à plusieurs niveaux : financier, légal, personnel ou institutionnel, par exemple. Agir au nom du roi permettait d’agir en son nom propre, à travers une série de manœuvres complexes qu’Outram a appelées des “micro-négociations”77. En un sens, la “politique” pré-révolutionnaire résidait dans la structure de telles micro-négociations, qui impliquait tous les individus de l’élite française dans un langage de devoir, d’honneur et d’obligation.
25En raison de la nature du pouvoir royal, toute suggestion visant à améliorer l’institution, ou tout changement juridique comme la création de nouveaux postes, devait émaner du roi. Par conséquent, de telles suggestions suivaient un chemin linguistique tortueux, depuis Buffon ou ses subordonnés jusqu’aux ministres, et de là jusqu’au roi. Ce fut le cas pour chaque tentative entreprise par Buffon pour réaliser des changements au Jardin : dans le cas d’un certain abbé Galloys, nommé naturaliste au Jardin en 1763, par exemple, la requête dut passer par le ministre de la maison du roi, le duc de La Vrillière, pour parvenir au roi ; vint alors une lettre de confirmation à Buffon de la part de son protecteur direct, le ministre, ainsi que la permission officielle du roi78. Il fallait littéralement “faire faire des requêtes” auprès des ministres ; et le recrutement du patronage royal était fondé sur un langage paternaliste complexe qui dépendait de l’approbation de ses sujets par le roi79.
26Le langage honorifique était le véhicule du type de transactions que Buffon effectuait au sein du Jardin et avec la Couronne. Ce n’était pas un contrat juridiquement contraignant, où on lui promettait un certain bénéfice financier pour ses activités d’administration et d’amélioration de cet établissement. Au lieu de cela, il versait son capital dans l’institution, comme preuve de son dévouement à la Couronne ; et en échange, “Sa Majesté désirant de plus en plus faire connaître l’estime et la bienveillance particulière dont elle honore ledit Sieur Buffon, si célèbre dans la république des Lettres ce qui par ses soins et l’étendue de ses connaissances a conduit le Cabinet de Sa Majesté au degré de supériorité où il se trouve aujourd’hui” donnait périodiquement des marques de cette bienveillance, en l’occurrence sous la forme d’une pension de six mille livres par an, dont quatre mille devaient revenir à l’épouse et au fils de Buffon à sa mort80. L’argent et le statut social n’étaient pas conférés par la Couronne en échange de services particuliers, mais en échange d’un “service” plus général de loyauté et de soumission au roi. Le pouvoir était délégué de la même manière, de sorte que Buffon était officiellement licencié pour administrer le Jardin au nom du roi en vertu de ses qualités personnelles – sa naissance, sa moralité, son zèle, son dévouement au service de la Couronne. En outre, le succès remarquable de l'Histoire naturelle en faisait un hommage de valeur à son protecteur, et faisait de Buffon un protégé particulièrement désirable ; il pouvait représenter l’excellence française, et royale, au sein de la République internationale des Lettres81.
27En vertu de la licence que Buffon avait obtenue du roi, il exerçait un contrôle considérable sur les événements et les personnes au sein du Jardin, soit en choisissant d’intervenir personnellement, soit – comme ce fut de plus en plus fréquent pendant les dernières années de sa vie – en déléguant à son tour à ceux de ses protégés auxquels il faisait le plus confiance, André Thouin le jardinier en chef ou Louis Daubenton, son collaborateur pour l'Histoire naturelle. Il n’était pas, toutefois, sans engager sa propre responsabilité. À l’occasion de la nomination du père d’André Thouin, Jean-André, comme jardinier en chef du Jardin en 1745, Maurepas, alors ministre de la maison du roi*, écrivit à Buffon : “Vous pouvez, [Monsieur], nommer à la place de Jardinier du Jardin royal que vous me marquez être vacante je suis persuadé que vous ne ferez qu’un bon choix vous savez que cette place exige un homme soigneux et fidèle et je m’en rapporte fort à l’attention que vous y donnez”82. Buffon était tenu, de par ses obligations envers la Couronne, de choisir quel candidat présenter au roi comme successeur au poste vacant. Il était tenu de présenter quelqu’un qui fût capable, catholique, fidèle et de bonne moralité. À leur entrée en fonctions, les titulaires de postes prêtaient un serment d’allégeance qui était consigné dans leur brevet*. Ce système se poursuivit jusqu’en 1792, où le brevet* d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire pour le poste d’“adjoint à la garde du Cabinet d’histoire naturelle” comportait les mêmes mentions que celui de ses prédécesseurs, la seule concession à la Révolution étant que le Jardin était désigné comme national et non plus royal. De tels faits peuvent sembler n’être que des reliquats sans intérêt d’un système de loyautés obsolète auquel la Révolution française avait mis fin. Toutefois, ce système d’expressions de l’amour, de l’honneur, de la fidélité et de la loyauté avait lié pendant longtemps les échelons supérieurs de la société de l’Ancien Régime. Les pensions* et les brevets* royaux étaient attribués en récompense du bon comportement, et les “candidats” pouvaient être nommés par des individus bénéficiant déjà de la faveur du roi.
28Bien que Buffon paraisse, comme le suggère Ratières, obtenir “tout ce qu’il requiert” des ministres, ce succès était néanmoins le fruit de beaucoup de travail83. Tout au long de son mandat, chaque fois que des postes devenaient vacants ou que des lettres de succession étaient disponibles, ou lorsqu’il obtenait la création de nouveaux postes, Buffon saisissait toutes les occasions pour promouvoir ses propres protégés. Cela est clair dès le début de sa carrière, avec le choix de Daubenton comme garde du Cabinet et de Jean-André Thouin comme jardinier en chef. Tous deux étaient originaires de Montbard en Bourgogne, la ville où est situé le château de Buffon. Buffon demanda à Daubenton de venir à Paris pour être son collaborateur au Jardin et dans ses projets relatifs à l’Histoire naturelle en 1740, et lui obtint un poste officiel cinq ans plus tard. Leurs familles continuèrent à être liées de près. Le fils de Buffon épousa une petite-nièce de Daubenton, Betzy. Le frère de Daubenton, Pierre, fut l’avocat* de famille des Buffon, des Daubenton et des Thouin pendant plusieurs décennies ; son fils Georges-Louis était le filleul de Buffon et Philibert Guéneau de Montbeillard, un autre collaborateur à l'Histoire naturelle, était l’oncle de l’épouse de Georges-Louis84.
29Jean-André Thouin était un jardinier que l’intendant envoya à Paris, où il s’installa dans une maison dans l’enceinte du Jardin, se maria et fonda une famille de quatre fils et deux filles. Le fils aîné, André, succéda sans surprise à son père comme jardinier en chef ; le second, Jacques, entra dans l’administration financière et devint le comptable du duc d’Orléans ; le troisième, Gabriel, devint concepteur de jardins ; et le quatrième, Jean, travailla au Jardin comme second jardinier sous la direction d’André. Les filles eurent leur part d’avantages : l’aînée, Marie-Jeanne, épousa un tuteur du fils de Buffon, tandis que la cadette, Louise, devenait la servante du troisième enfant du roi85. Beaucoup de ces places constituaient des avancées considérables au sein de la hiérarchie royale, et mettent en évidence le pouvoir qu’un protecteur tel que Buffon exerçait sur l’avenir de toute une famille. Mais le succès de l’intendant dans ces négociations de protection n’était jamais un succès de l’autonomie. Les négociations relatives au pouvoir, aux postes et aux personnes se “jouaient” comme des jeux, avec leur langage et leurs règles propres. Buffon était loin d’être le seul à ce jeu ; les ministres, les savants et les proches des individus concernés participaient tous au processus de nomination.
30Ainsi, il existait un choix de candidats pour la succession de Le Monnier, le professeur de botanique du Jardin jusqu’à sa retraite en 178686. Le Monnier, un riche médecin, fut nommé au service des armées royales en 1770. Il eut alors recours à la pratique apparemment courante, quoique rarement consignée officiellement, de prendre un jeune suppléant* pour enseigner à sa place au Jardin. Il choisit un candidat qui s’imposait, Antoine-Laurent de Jussieu, alors âgé de vingt-trois ans. Antoine-Laurent était le fils de Christophle de Jussieu, l’aîné des quatre fils nés du second mariage d’un apothicaire lyonnais aisé. Christophle était resté à Lyon où naquit son fils. Le second frère, Antoine, avait occupé le poste de professeur de botanique au Jardin jusqu’à sa mort en 1758, date à laquelle le poste revint à Le Monnier. Le troisième frère, Bernard, avait rejoint Antoine, d’abord comme garde du Cabinet d’histoire naturelle, puis, après avoir été supplanté par Daubenton, comme démonstrateur de plantes – un poste moins prestigieux que celui de professeur, et avec un salaire inférieur. Le quatrième frère, Joseph, avait été chirurgien de bord lors du voyage au Pérou de La Condamine et Bouguer pour mesurer l’arc du méridien. Échoué en Amérique du Sud lorsque les fonds octroyés par la Couronne furent épuisés, Joseph y passa trente-six ans et revint mourir en France à l’âge de soixante-et-onze ans en ayant oublié sa langue maternelle. Leur neveu Antoine-Laurent quitta Lyon pour rejoindre l’oncle qui lui restait, Bernard, en 176487.
31Il était courant dans les familles françaises d’“investir” dans le statut financier et social du fils aîné, puisque son succès promettait de rejaillir sur le reste de la famille. Les individus titulaires d’un poste, en particulier ceux qui travaillaient pour la Couronne, avaient le pouvoir et le devoir d’utiliser les relations qui en résultaient pour promouvoir les membres de leur famille, leurs amis, leurs concitoyens et leurs protégés. Les éloges*, qui étaient des formes courantes d’hommage de la part de protégés, soulignaient habituellement les qualités paternelles du protecteur. Les relations familiales se mêlaient à cette rhétorique d’honneur et de loyauté qui soudait plus généralement la société. Buffon exprime en des termes simples mais révélateurs ce qu’était cette société patriarcale : Un Empire, un Monarque, une famille, un père, voilà les deux extrêmes de la société : ces extrêmes sont aussi les limites de la Nature”88. Comme le montre la complexité des relations entre les familles de Montbard au Jardin, ces “limites sociales” étaient représentatives du schéma selon lequel s’effectuait réellement le recrutement de nombreux individus originaires de province. L’attribution de places au Jardin dépendait toujours de relations personnelles entre des individus : les candidats et leurs protecteurs, les protecteurs et les ministres, les ministres et le roi. Ces relations étaient souvent familiales, géographiques ou tutélaires.
32La famille d’Antoine-Laurent jouissait donc d’une relation longue et fructueuse avec le Jardin du roi, antérieure à l’arrivée de la faction bourguignonne conduite par Buffon. Il était un candidat tout trouvé aux lettres de succession au poste de Le Monnier : non seulement il possédait des appuis puissants au sein même du Jardin, mais il avait aussi enseigné à la place de Le Monnier de 1770 à 1778 durant les périodes où les fonctions médicales du professeur l’en empêchaient. La suppléance* était d’ailleurs un acte qui impliquait très fréquemment l’obtention de lettres de succession. La famille Jussieu tentait de reconquérir le poste qu’elle avait perdu au profit de quelqu’un d’extérieur lorsque, à la mort d’Antoine, il ne s’était trouvé aucun parent susceptible de combler la brèche. En 1774, Antoine-Laurent de Jussieu obtint de Buffon la permission de réorganiser l’école de botanique du Jardin pour présenter la méthode de classification naturelle de son oncle Bernard ; et en 1778 Buffon approuva la succession d’Antoine-Laurent à la chaire de démonstrateur de Bernard89. Malgré ces marques d’approbation, cependant, Buffon n’appréciait guère le projet du jeune homme de continuer d’enseigner à la place de Le Monnier et d’obtenir des lettres de succession au poste de professeur. En tant qu’intendant, Buffon eut le dernier mot dans la négociation au sujet de la succession, malgré l’expérience et les liens familiaux qu’Antoine-Laurent pouvait revendiquer et malgré le soutien de Le Monnier lui-même. Antoine-Laurent de Jussieu vit l’intérêt de l’intendant se tourner vers le jardinier du Jardin des apothicaires, Jean Descemet, comme successeur de Le Monnier.
33Pendant ce temps, toutefois, un vote à l’Académie des sciences pour attribuer la place de botaniste-adjoint* laissée vacante par Brisson semblait offrir de nouveaux espoirs. Bien que Descemet eût obtenu le plus grand nombre de voix, Jussieu eut l’impression que la préférence de Buffon pour ce candidat diminuait au profit de Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet, chevalier de Lamarck, le second candidat ; et il fit appel à ses protecteurs Le Monnier et d’Angiviller, tous deux bien connus à Versailles, pour encourager cette relation, affirmant que Lamarck “est un homme de mérite et vaut infiniment plus que [Descemet]”. Buffon fut poussé à exercer son influence en faveur de Lamarck, qui obtint l’adjonction à l’Académie par décret royal. Jussieu encouragea encore Le Monnier à envisager comme successeur l’un de ses propres protégés et amis, René-Louiche Desfontaines, un Breton appauvri étudiant pour sa licence* de médecine. La relation émotionnelle du patronage est parfaitement exprimée dans la lettre de Desfontaines à un ami, le naturaliste Savary : “Je suis très aimé de M. Le Monnier [...] c’est un excellent homme qui a des mœurs pures et honnêtes au milieu de la cour, un cœur droit, sensible et bienfaisant ; avec toutes ces qualités, chose singulière, il jouit du plus grand crédit [...] Je suis toujours aimé de M. de Jussieu”90. Ce passage montre également comment le caractère et la fonction publique se mêlaient dans l'évaluation du résultat des actes de patronage : des protégés comme Desfontaines aidaient à faire la réputation du protecteur. Une fois que Desfontaines eut obtenu sa licence*. Le Monnier put lui procurer un poste dans une expédition en Barbarie, ce qui lui donna l’expérience nécessaire pour briguer la succession en 1786. Il y réussit, et ce fut lui qui obtint la chaire de professeur en 1786, lorsque Le Monnier partit en retraite. Les processus par lesquels cette lutte pour une position fut réglée mettent en évidence l’étendue et les limites des manœuvres autour des postes officiels. Dans une société fondée sur le patronage, la promotion était souvent une question de précédence. Si Antoine de Jussieu était resté en vie jusqu’à ce que son neveu fût en âge de lui succéder à son poste, la chaire de professeur serait allée à Antoine-Laurent – mais, en perdant la place, la famille avait aussi perdu le pouvoir de déterminer qui allait l’occuper. Le Monnier n’ayant pas de successeur naturel, la question de la succession donna ensuite lieu à une lutte plus ouverte entre des postulants comparables. Antoine-Laurent succéda à son oncle Bernard en tant que démonstrateur, officieusement en 1771, puis officiellement en 1778 à la mort de Bernard.
34Un problème similaire se présenta pour Buffon lui-même. En 1771 il tomba gravement malade et engagea rapidement des négociations depuis son lit pour tenter d’assurer la succession à l’intendance à son fils, Louis-Marie Leclerc de Buffon. Ses protecteurs étaient toutefois réticents, considérant que Buffonet (comme on l’appelait) était trop jeune, à l’âge de sept ans, pour recevoir des lettres de succession. Le plan de Buffon fit long feu : les lettres de succession furent bien accordées, mais au comte d’Angiviller, tandis que Buffon se rétablit et vécut jusqu’à un âge où son fils aurait certainement été assez âgé pour bénéficier de la succession. La réversion du poste était supposée passer à Buffonet lorsqu’il aurait atteint l’âge de vingt-cinq ans, mais cela ne pouvait pas être exprimé officiellement dans le texte de nomination pour la profession de foi de d’Angiviller – son “titre” au poste. Dans une lettre révélatrice du commis* L’Échevin à Buffon en avril 1771, le premier remarquait que seule sa connaissance de la gravité de l’état de Buffon avait décidé d’Angiviller à accepter la place afin de la transmettre au fils, “autrement elle était perdue pour lui, et une des brigues qui voulaient la réunion à la place de premier médecin l’aurait certainement emporté... M. de Buffon est trop juste et trop honnête pour exiger que M. d’Angiviller n’ait que l’air de passer dans cette place et qu’il ne l’ait occupée que pour servir de tuteur à son fils [celui de Buffon]”91. Mais le poste fut néanmoins perdu, car à la mort de Buffon en 1788 l’intendance passa au frère aîné de d’Angiviller, Auguste-Charles-César de Flahault, marquis de La Billarderie. La seule consolation était que d’Angiviller devint contrôleur-général des bâtiments du roi* en 1778. À ce poste, il était responsable de l’avancement de toutes les affaires relatives au Jardin, et s’avéra un protecteur extrêmement important, en particulier dans le soutien qu’il apporta à l’agrandissement de l’établissement après 1778.
35De même, Buffon ne réussit pas toujours à promouvoir d’autres individus à des postes au Jardin. À une occasion qui fut peut-être (à part Buffonet) la plus grande défaite de sa carrière administrative, les projets de Buffon d’établir un protégé au Jardin furent contrecarrés par ses propres protecteurs. Félix Vicq d’Azyr, un jeune médecin en pleine ascension et d’un esprit réformateur, remplaça à partir de mars 1775 le professeur d’anatomie du Jardin du roi, Antoine Petit, durant la maladie de ce dernier. Cependant, Antoine Portai, un autre jeune anatomiste, était parvenu à obtenir les lettres de succession dès que Petit avait annoncé sa possible intention de se retirer. Portai put réussir grâce au soutien du ministre de la maison du roi* de l’époque, le duc de La Vrillière. D’après les lettres à Buffon qui subsistent dans les registres de l’Ancien Régime, il est clair que ce dernier était favorable au souhait de Petit de voir la chaire de professeur revenir à Vicq d’Azyr plutôt qu’à Portal. Vicq d’Azyr était l’élève de Daubenton en anatomie comparée et faisait partie de sa famille, ayant épousé sa nièce Zoé. En outre, en tant que médecin, Petit avait été sévèrement critiqué par Portai dans son Histoire de l’anatomie et de la chirurgie, lue par un large public92. Les liens familiaux aussi bien que les conflits institutionnels jouaient en faveur de Vicq d’Azyr. Cependant, parce qu’il restait le subordonné des ministres devant qui il était responsable, Buffon ne parvint pas à faire nommer Vicq d’Azyr. Le 15 mars 1775, La Vrillière le lui rappelait : “Monsieur Portai qui travaille depuis longtemps à cette partie et dont vous connaissez les talents aussi bien que moi désirerait pouvoir succéder [à Petit] et je ne puis lui refuser de vous faire connaître l’intérêt que je prends à ce qui le regarde”. Le 31 mars, deux semaines plus tard : “Monsieur Petit, Monsieur, m’ayant fait demander que M. de Vicq d’Azyr puisse suppléer ses leçons d’anatomie au Jardin du roi jusqu’à ce que sa santé soit rétablie, je n’y vois nul inconvénient mais bien entendu toutefois que cette permission ne lui donnera aucun droit à cette place qui comme vous savez est promise à un autre”93. Buffon dut capituler : il ne lui était pas possible de s’opposer aux souhaits de ses protecteurs, même lorsqu’ils étaient contraires aux siens, comme le montrait l’avertissement voilé de La Vrillière.
36Chrétien-Guillaume Lamoignon de Malesherbes fut nommé au ministère de la maison du roi* dans le courant de l’année 1775. Puisque de nouveaux protecteurs pouvaient avoir de nouveaux intérêts, Buffon écrivit à Malesherbes en décembre au sujet du problème entre Vicq d’Azyr et Portai. On ne connaît pas le contenu de la lettre, mais la réponse de Malesherbes montre que Buffon avait proposé quelque compromis pour satisfaire à la fois Portai, le successeur officiel, et Petit, le titulaire de la chaire qui soutenait Vicq d’Azyr et le voulait comme remplaçant pour ses cours d’anatomie. Malesherbes suggérait aussi que Vicq d’Azyr reçoive la succession de préférence à Portal94. Toutefois, le mandat de Malesherbes fut trop bref pour lui permettre de mener à bien ces propositions, et cet échange de lettres n’aboutit à rien.
37Buffon n’abandonna pas. Lorsque Petit décida finalement de se retirer, en 1777, le ministre de la maison du roi était un proche ami, l’ancien intendant de Bourgogne Antoine-Jean Amelot de Chaillou. Dans des conditions de patronage si avantageuses, Buffon ne put résister à la tentation d’essayer une dernière fois de faire remplacer Portai par Vicq d’Azyr, devenu secrétaire permanent de la Société royale de médecine. Il semble qu’il ait préparé un document de présentation officiel pour Portai (en tant que candidat devant être proposé au roi pour le poste vacant) mais “la première condition que vous imposez au S. Portai est de donner l’adjonction de sa chaire du Collège royal au S. Vicq d’Azir [sic]”. Amelot l’avertit : “Il ne m’est pas possible d’acquiescer à l’arrangement que vous proposez [...] Cette adjonction serait absolument contradictoire avec les dernières lettres patentes rendues pour l’administration du Collège royal en 1772. Je ne vous dissimulerai pas d’ailleurs que j’ai des vues différentes pour la première chaire qui viendra à vaquer dans ce Collège”95.
38Les communications suivantes de la part d’Amelot au sujet de Portai et de la chaire d’Anatomie et de Chirurgie du Jardin ne mentionnaient plus Vicq d’Azyr. Buffon avait dû faire machine arrière. De toute évidence, les savants aspirants avaient intérêt à se procurer plus d’un protecteur, et en particulier à obtenir l’appui de protecteurs le plus haut placés possible sur l’échelle du patronage. Malgré les multiples efforts de Buffon, presque toutes les sources biographiques sur Vicq d’Azyr, à commencer par son éloge dans le journal révolutionnaire La Décade philosophique, littéraire et politique décrivent Buffon comme s’étant opposé aux prétentions de Vicq d’Azyr à la chaire de Petit, en intendant tyrannique préférant le favoritisme au mérite96. Peut-être Buffon n’informa-t-il pas Vicq d’Azyr des raisons de son rejet, ou peut-être l’intendant constituait-il simplement une cible opportune pour critiquer les institutions scientifiques de l’Ancien Régime. Il est certain que Portai avait beaucoup plus de raisons de se plaindre d’avoir été malmené par Buffon.
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39L’affaire Vicq d’Azyr montre qu’il était possible de faire un mauvais usage du système de patronage et que, souvent, un protecteur en faisait ce mauvais usage afin de tester ou d’étendre les limites de son pouvoir personnel97. Les actes de protection constituaient un processus continu de négociation sociale qui servait simultanément à établir le pouvoir du protecteur et celui du protégé, ainsi que la puissance relative de leur lien par comparaison à d’autres relations de protection. Ainsi l’échec concernant Vicq d’Azyr ne déterminait-il pas seulement le pouvoir de ce dernier, mais avait-il également des conséquences sur le pouvoir d’autres individus engagés dans cette affaire : Petit, Daubenton, Portal, Buffon, Amelot, Malesherbes et La Vrillière. Les relations de patronage liaient de nombreux individus dans de tels processus, et le résultat de chaque négociation avait des répercussions sur les actions futures de ces mêmes individus ; une fois le poste obtenu, Portai disposait alors du pouvoir sur sa propre succession. Le patronage était donc un processus historisant et historique par lequel le statut social (et naturaliste) était construit et reconstruit en permanence. La réussite d’une promotion dépendait donc fréquemment de si l’on s’était procuré le protecteur le plus haut placé, celui possédant le plus grand pouvoir pour décider du sort d’un poste au sein d’une hiérarchie donnée. Ce faisant, et plus généralement au cours des relations de patronage, une grande variété de ressources était déployée. D’après les lettres de Buffon à Thouin, il est clair que lui-même imaginait sans cesse des moyens de flatter et d’amuser ses protecteurs dans le cadre de ses efforts pour entretenir la relation, comme par exemple par des présents ou l’emploi d’un langage honorifique. En 1780, le registre de comptes de Thouin mentionnait “un cadeau d’arbustes et de plantes d’ornement fait par M. le Comte à M. Amelot”98. C’était l’époque où Amelot était ministre. De même, Buffon gratifiait ses protecteurs et ses correspondants importants d’autres cadeaux comme des portraits miniatures de lui-même ou des médailles d'or représentant son buste1’99. Avec l’accroissement de sa propre renommée, de tels objets entrèrent eux-mêmes dans les domaines de la collection et de l’exhibition.
40Le cas de Vicq d’Azyr apporte également une leçon édifiante concernant les récits historiques quant à la réputation scientifique dans une société de patronage. Buffon avait la responsabilité de s’assurer que ses subordonnés possédaient les qualités morales requises ; aux yeux de ses propres protecteurs, leur valeur morale rejaillissait sur lui. De même, la réputation morale de l’intendant était élaborée à travers des textes de patronage comme les éloges et les lettres. La relation d’affection et de confiance qui s’exprimait dans les échanges entre protecteur paternel et protégé filial était une forme de gouvernement linguistique auquel tous les membres de l’élite française du XVIIIe siècle étaient sujets dans leur progression à travers la société. Cependant, le mode de discours caractéristique de la société de patronage fut par la suite interprété comme une description objective du tempérament d’un individu, gommant l’énorme charge politique que portaient ces caractérisations. Ainsi les activités de protecteur de Buffon ont-elles souvent été représentées par ses biographes comme profondément révélatrices de son caractère100. Les attaques à l’encontre de ses qualités personnelles et scientifiques émanaient souvent, toutefois, de ceux qui appartenaient à des réseaux de patronage concurrents. Ainsi, la sécession de Buffon de la compagnie de d'Holbach et Helvétius et ses nouvelles alliances avec Mme Necker et son salon donnèrent lieu à des écrits vengeurs émanant de personnages comme Condorcet, un protégé de Turgot, le rival politique de Necker, et Marmontel, un protégé de d’Holbach. Le problème fondamental que posent les psycho-biographies de personnages du XVIIIe siècle apparaît clairement ici. Le système de patronage était une manière de conduire les affaires qui ne pouvait être séparée de la construction des réputations ; ce ne fut qu’après la Révolution que les écrits émanant de rivalités entre groupes de patronage et entre réseaux de relations furent réinterprétés comme des évaluations objectives des caractères.
41Si les érudits du XVIIIe siècle voulaient réussir leur promotion sociale, ils ne pouvaient le faire qu’en s’engageant dans les échanges, le langage et le système de valeurs qui caractérisait le système de patronage. Dans un article fort perspicace, Robert Darnton a suggéré que politique, politesse* et réglementation policière étaient trois questions intimement liées. Autrement dit, toute révision politique impliquait la remise en cause des structures de courtoisie et de politesse sur lesquelles étaient fondés les rapports sociaux sous l’Ancien Régime. Il en était de même pour le fondement de la police. Si le rôle moral du roi était de contrôler ou de réglementer les événements du domaine public, celui du chef de la police était de maintenir l’ordre moral dans la sphère publique. Ainsi, le lieutenant de police* Jean-Charles-Pierre Lenoir, l’ami de Buffon, avait pour tâche de réglementer les textes et les auteurs, les biens et les lieux publics, en même temps que d’astreindre les pauvres à des valeurs physiques et morales éclairées101. Buffon et son personnel du Jardin du roi cherchaient à se présenter en des termes justifiant leur position, selon les termes de Schaffer, de “gestionnaires moraux” des autres102. Outre le problème local de rétablissement de l’ordre au sein de leur établissement, les administrateurs du Jardin allaient s’efforcer d’étendre cet ordre au-delà de ses limites durant les dernières décennies du XVIIIe siècle. La collection d’histoire naturelle était un site où discipliner les personnes et discipliner les spécimens relevaient de la même problématique. Tandis que les naturalistes mettaient en ordre leurs spécimens, ils mettaient simultanément en ordre la société, indiquant quels types de savoirs en histoire naturelle étaient fiables et comment s’assurer de la fiabilité des participants de l’entreprise d’histoire naturelle. En même temps, ils œuvraient à accroître leur crédit social : la bonne réputation, l’autorité politique et la valeur morale. L’histoire naturelle était fondée sur une économie matérielle des objets qui devait être contrôlée par une économie sociale des mœurs. C’est sur cette économie que nous nous pencherons au chapitre deux.
Notes de bas de page
1 Howard (Rio Cecily), Guy de La Brosse : the Founder of the Jardin des plantes in Paris, Thèse de Ph. D., Cornell : Cornell University, 1974.
2 Laissus (Yves), “Le Jardin du roi”, in Taton (René) (sous la dir.), Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIIIe siècle, [nouv. tirage], Paris : Hermann, 1986, pp. 287-341 ; Brockliss (Laurence), French Higher Education in the Seventeenth and Eighteenth Century : a Cultural History, Oxford : Clarendon, 1987, XIII-544 p., et Brockliss (Laurence), Jones (Colin), The Medical World of Early Modern France, Oxford : Clarendon, 1997, XVIII-960 p., suggèrent que les circonscriptions de la médecine et de l’histoire naturelle continuaient d’entretenir des rapports proches.
3 Archives nationales, AJ/15/510, pièce 364.2.
4 Spary (Emma C.), “The Nut and the Orange : Natural History, Natural Religion, and Republicanism in Late Eighteenth-Century France”, article inédit ; Spary (Emma C), “The ‘Nature’ of Enlightenment”, in Clark (William), Golinski (Jan V.), Schaffer (Simon) (sous la dir.), The Sciences in Enlightened Europe, Chicago : University of Chicago Press, 1999, pp. 272-304.
5 Une étude approfondie des lectures de l'Histoire naturelle fait cruellement défaut, mais voir Lepenies (Wolf), Das Ende der Naturgeschichte : Wandel kultureller Selbstverständlichkeiten in den Wissenschaften des 18. und 19. Jahrhunderts, Munich : Hanser Verlag, 1976, 227 p. ; Grinevald (Paul-Marie), “Les Éditions de l'Histoire naturelle”, in Beaune (Jean-Claude), Benoît (Serge), Gayon (Jean), Woronoff (Denis) (sous la dir.), Buffon 88 : actes du colloque international pour le bicentenaire de la mort de Buffon, Paris, Montbard, Dijon, 14-22 juin 1988, Paris : Vrin ; Institut interdisciplinaire d’études épistémologiques, 1992, pp. 631-637 ; Bourdier (Franck), “Buffon d’après ses portraits”, in Bertin (Léon) et al, Buffon : trente lettres inédites de Buffon, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1952, pp. 167-180 (Les Grands naturalistes français).
6 Marmontel (Jean-François), Mémoires : édition critique établie par John Renwick, Clermont-Ferrand : G. de Bussac, 1972, pp. 119, 139 ; Tourneux (Maurice) (sous la dir.), Correspondance littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc. revue sur les textes originaux, comprenant, outre ce qui a été publié à diverses époques, les fragments supprimés en 1813 par la censure ; les parties inédites conservées à la Bibliothèque ducale de Gotha et à l’Arsenal à Paris, Paris : Garnier frères, 1877-1882, vol. Il, p. 303.
7 Bonnet (Charles), “Observations sur quelques auteurs d’histoire naturelle”, in Tourneux (Maurice) (sous la dir.), Correspondance littéraire, philosophique et critique..., op. cit., vol. IV, pp. 163-171 ; Marmontel (Jean-François), Mémoires..., op. cit., pp. 224-225 ; Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de), “Éloge de M. le Comte de Buffon”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1788, Paris : impr. royale, 1790, pp. 50-84 (aussi publié séparément en 1790) ; Lepenies (Wolf), Das Ende der Naturgeschichte..., op. cit. ; Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature : Readings from Buffon and his Critics, Notre Dame : University of Notre Dame Press, 1981, XIV-406 p., donnent des traductions en anglais de nombreuses revues de l’Histoire naturelle, mais, par exemple, la longue attaque du magistrat, censeur et ministre Chrétien-Guillaume Lamoignon de Malesherbes sur les fondements philosophiques de l’ouvrage ne fut publiée qu’en 1798. Sur la vie des salons, voir Goodman (Dena), The Republic of Letters : a Cultural History of the French Enlightenment, Ithaca, NY : Cornell University Press, 1994, XII-338 p. ; Kors (Alan Charles), D’Holbach’s Coterie : an Enlightenment in Paris, Princeton : Princeton University Press, 1976, pp. 12 et 95-96.
8 Hahn (Roger), The Anatomy of a Scientific Institution : the Paris Academy of Sciences, 1666-1803, Berkeley : University of California Press, 1971, XIV-433 p.
9 Limoges (Camille), “The Development of the Muséum d’Histoire Naturelle of Paris, c. 1800-1914”, in Fox (Robert), Weisz (George) (sous la dir.), The Organisation of Science and Technology in France, 1808-1914, Cambridge : Cambridge University Press, 1980, p. 212.
10 Lemoine (Robert), “L’Enseignement scientifique dans les collèges bénédictins”, in Taton (René) (sous la dit.), Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIIIe siècle, [nouv. tirage], Paris : Hermann, 1986, pp. 101-123.
11 Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de), “Éloge de M. de Jussieu”, in Histoire et Mémoires de l'Académie royale des sciences, 1777, Paris : impr. royale, 1780, pp. 94-117 ; voir les notices “De Jussieu”, “Daubenton”, “Le Monnier”, in Nouvelle biographie universelle, Paris : Firmin Didot, 1853-1866,46 vols ; Audelin (Louise), Les Jussieu : une dynastie de botanistes au XVIIIe siècle, 1680-1789, Thèse, Paris : École des Chartes, 1987 ; sur Fourcroy, voir Vess (David M.), Medical Revolution in France, 1789-1796, Gainesville : University Presses of Florida, 1975, 216 p.
12 Voir les notices “Fourcroy”, “Valmont de Bomare”, in Gillispie (Charles Coulston) (sous la dir.), Dictionary of Scientific Biography, New York : Charles Scribner, 1970-1980, 16 vols.
13 Cuvier, par exemple, commença sa vie active comme tuteur du fils d'une famille noble de Normandie. Voir Outram (Dorinda), Georges Cuvier : Vocation, Science, and Authority in Post-Revolutionary France, Manchester : Manchester University Press, 1984, chapitre 2.
14 L’“État de la Correspondance de M. A. Thouin” (BCMNHN, MS 314, vers 1791) mentionne François Bonami à Nantes, Antonio José Cavanilles à Madrid, William Forsyth à Chelsea.
15 Par exemple, le “président” Laurent de Chazelles à Metz ou Paul Demidoff à Moscou (ibid.).
16 Voir la notice “Macquer”, in Gillispie (Charles Coulston) (sous la dir.), Dictionary of Scientific Biography, op. cit.
17 Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Mémoire sur l’amélioration des bêtes à laine”, in Histoire et Mémoires de l'Académie royale des sciences, 1777, Paris : impr. royale, 1780, pp. 79-87.
18 Lassone (Joseph-Marie-François de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Tenon (Jacques-René), Bailly (Jean-Sylvain), Lavoisier (Antoine-Laurent de), Laplace (Pierre-Simon), Coulomb (Charles-Augustin), D’Arcet (Jean), “Rapport des Commissaires chargés, par l’Académie, de l’examen du Projet d’un nouvel Hôtel-Dieu”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1785, Paris : impr. royale, 1788, Histoire, pp. 2-110 ; idem, “Deuxième rapport des Commissaires chargés, par l’Académie, de l’examen des projets relatifs à l’établissement des quatre hôpitaux”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1786, Paris : impr. royale, 1788, Histoire, pp. 1-12 ; idem, “Troisième rapport des Commissaires chargés, par l’Académie, de l’examen des projets relatifs à l’établissement des quatre hôpitaux”, in idem, pp. 13-41 ; idem, “Rapport des mémoires et projets pour éloigner les Tueries de l’intérieur de Paris”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1787, Paris : impr. royale, 1789, Histoire, pp. 19-43. La participation de Daubenton à ce puissant “noyau dur” d’académiciens, qui comprenait aussi l’agronome Mathieu Tillet, a été insuffisamment étudiée, mais a pu influer sur le rôle de protecteur qu’il joua à la fin de sa vie.
19 Hannaway (Caroline C.), “The Société royale de Médecine and Epidemics in the Ancien Régime”, Bulletin for the History of Medicine, vol. 46, 1972, pp. 257-273 ; Thouin (André), Bourgeois (Charles-Germain), Parmentier (Antoine-Augustin), Avis aux Cultivateurs dont les Récoltes ont été ravagées par la Grêle du 13 Juillet 1788. Rédigé par la Société royale d’agriculture, et publié par ordre du roi, Paris : impr. royale, 1788, 16 p.
20 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon, recueillie et annotée par H. Nadault de Buffon, Genève : Slatkine, 1971, vol. I, p. 22. La pépinière de Buffon fut fondée en 1736, agrandie en 1741 et supprimée en 1777.
21 Pour une sélection d’études analysant cette transition, voir Findlen (Paula), Possessing Nature : Museums and Collecting in Early Modern Italy, Berkeley : University of California Press, 1994, XVII-449 p. ; Hooper-Greenhill (Eilean), Museums and the Shaping of Knowledge, Londres : Routledge, 1992, IX-232 p. ; Impey (Oliver), MacGregor (Arthur) (sous la dir.), The Origins of Museums : the Cabinet of Curiosities in Sixteenth-and Seventeenth-Century Europe, Oxford : Clarendon, 1985, XIII-335 p. ; Pomian (Krszysztof), Collectionneurs, amateurs, et curieux : Paris, Venise, XVIe-XVIIIe siècles, Paris : Gallimard, 1987, 367 p.
22 L’affirmation selon laquelle le fait de collecter conférait le pouvoir de déplacer des objets à distance est un lieu commun dans la littérature secondaire. Voir par exemple Olmi (Giuseppe), “Science-Honour-Metaphor : Italian Cabinets of the Sixteenth and Seventeenth Centuries”, in Impey (Oliver), MacGregor (Arthur) (sous la dir.), The Origins of Museums : The Cabinet of Curiosities in Sixteenth and Seventeenth-Century Europe, Oxford : Clarendon, 1985, pp. 5-16 ; Pomian (Krszysztof), Collectioneurs, amateurs et curieux : Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle, Paris : Gallimard, 1987, p. 85 ; MacGregor (Arthur), “Die besonderen Eigenschaften der ‘Kunstkammer’, in Grote (Andreas) (sous la dir.), Macrocosmos in microcosmo. Die Welt in der Stube. Zur Geschichte des Sammelns 1450-1800, Opladen : Leske ; Budrich, 1994, pp. 61-106 ; Whitaker (Katie), “The Culture of Curiosity”, in Jardine (N.), Secord (J. A.), Spary (E. C.) (sous la dir), Cultures of Natural History, Cambridge : Cambridge University Press, 1996, pp. 75-90, voir surtout p. 88 ; voir aussi Latour (Bruno), “Visualization and Cognition : Thinking with Eyes and Hands”, Knowledge and Society, no 6, 1986, pp. 1-40 ; Schaffer (Simon), “Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation”, Science in Context, no 2, 1986, pp. 115-145.
23 “État des Cabinets et Tables incrustez de différentes pierres précieuses...”, 25 avril 1748 (Archives nationales, AJ/15/512, pièce 492).
24 Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), La Conchyliologie, ou Histoire naturelle des Coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles, avec un Traité de la Zoomorphose, ou Représentation des Animaux qui les habitent, [éd. par Favanne de Montcervelle Jacques et Guillaume], 3ème éd., Paris : De Bure, 1780, p. 201.
25 Voir Spary (Emma C.), “Forging Nature at the Republican Muséum”, in Daston (Lorraine), Pomata (Gianna) (sous la dir.), The Faces of Nature in Enlightenment Europe, Berlin : Berliner Wissenschafts-Verlag, 2003, pp. 163-180.
26 5 septembre 1766 (Archives nationales, AJ/15/507, pièce 161).
27 Leith (James A), The Idea of Art as Propaganda in France, 1750-1799 : a Study in the History of Ideas, Toronto : University of Toronto Press, 1965, pp. 77-79 ; McClellan (Andrew), Inventing the Louvre : Art, Politics, and the Origins of the Modern Museum in Eighteenth-Century Paris, Cambridge : Cambridge University Press, 1994, chapitre 2. Sur l’apogée de l’exhibition monarchique dans la France absolutiste, voir Burke (Peter), The Fabrication of Louis XIV, New Haven : Yale University Press, 1992, XI-242 p.
28 Diderot (Denis), D’Alembert (Jean Le Rond) (sous la dir.), Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris : Briasson, vol. VIII, pp. 225-230. Certaines affirmations de cet article paraissent très proches d’assertions faites plus tard par Daubenton dans son cours d’anatomie comparée au Collège de France, bien que le style semble plutôt celui de Diderot.
29 Pomian (Krszysztof), “Marchands connaisseurs, curieux à Paris au XVIIIe siècle”, in Collectionneurs, amateurs, et curieux..., op. cit., pp. 163-194.
30 (Archives nationales, AJ/15/509, pièce 274). À son “Second cours de Physique février 1778”, Brongniart compta dix-huit étudiants, dont quatre marquis, deux barons, deux chevaliers, un comte, un seigneur et deux abbés. Il gagna huit cent quarante livres, l’équivalent des deux tiers de son salaire annuel au Jardin en tant que démonstrateur de chimie. Sur le public scientifique en France, voir Torlais (Jean), “La Physique expérimentale”, in Taton (René) (sous la dir.), Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIIIe siècle, [nouv. tirage], Paris : Hermann, 1986, pp. 342-384 et Laissus (Yves), “Les Cabinets d’histoire naturelle”, idem, pp. 342-384.
31 Sur la publication et l’illustration de la première partie de l'Histoire naturelle, voir Bassy (Alain M.), “L’Œuvre de Buffon à l’imprimerie royale, 1749-1789”, in Blanchot (Raymond) et al. (sous la dir.), L’Art du livre à l’Imprimerie nationale, Paris : impr. nationale, 1973, pp. 171-189 ; Grinevald (Paul-Marie), “Les Éditions de l'Histoire naturelle”, art. cit.
32 Sloan (Phillip R.), “The Buffon-Linnaeus Controversy”, Isis, vol. 77, 1976, pp. 356-375 ; voir l’introduction de Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., op. cit. ; Roger (Jacques), Buffon : un philosophe au Jardin du roi, Paris : Fayard, 1989, 645 p. ; Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Œuvres philosophiques de Buffon, [éd. par Piveteau Jean], Paris : Presses Universitaires de France, 1954, pp. VII-XXXVIII (Corpus général des philosophes français, auteurs modernes ; 41,1).
33 “Discours”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Œuvres philosophiques de Buffon, op. cit., p. 8 ; voir également “Des sens en général”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi, Paris : impr. royale, 1749, vol. III, chapitre 8. De tels arguments pour entreprendre une étude étaient relativement nouveaux en Angleterre, selon Shapin (Steven), “‘A Scholar and a Gentleman’ : the Problematic Identity of the Scientific Practitioner in Early Modern England”, History of Science, vol. 29, 1991, pp. 279-327, en particulier pp. 295-296.
34 Bien (David D.), “Manufacturing Nobles : the Chancellerie in France to 1789”, Journal of Modern History, vol. 61, 1989, pp. 445-486 ; Chaussinand-Nogaret (Guy), La Noblesse au XVIIIe siècle : de la féodalité aux Lumières, Paris : Hachette, 1976, 239 p.
35 Sur les philosophes et le mérite, voir Gay (Peter), The Enlightenment : an Interpretation, Londres : Weidenfeld and Nicolson, 1967, 2 vols ; on trouvera aussi des remarques sur l’exclusivité des cercles des salons dans Darnton (Robert), The Literary Underground of the Old Régime, Cambridge : Harvard University Press, 1982, 1X-258 p. ; Darnton (Robert), La Fin des lumières : le Mesmérisme et la Révolution, [trad. par Revellat Marie-Alyx], Paris : Odile Jacob, 1995, 220 p. ; Goodman (Dena), The Republic of Letters..., op. cit., p. 5.
36 Pluche (Noël-Antoine), Le Spectacle de la nature, ou Entretien sur les particularités de l’histoire naturelle, qui ont paru les plus propres à rendre les jeunes gens curieux, et à leur former l’esprit, 2ème éd., Paris : Veuve Estienne, 1732-175, 8 vols.
37 Laissus (Yves), “Les Cabinets d’histoire naturelle”, art. cit.
38 Mornet (Daniel), “Les Enseignements des bibliothèques privées, 1750-1780”, Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 17, 1910, pp. 449-496.
39 Bassy (Alain M.), “L’Œuvre de Buffon à l’Imprimerie royale, 1749-1789”, art. cit., pp. 172-173.
40 Voir également Ferry de Saint-Constant (Jean-Louis, comte), Génie de M. de Buffon, par M.***, Paris : Panckoucke, 1778, XXVIII-386 p. ; Lacepède (Bernard-Germain-Étienne de La Ville-sur-Illon, comte de), “Éloge du Comte de Buffon”, in Histoire naturelle des Serpents, Paris : Hôtel de Thou, 1789, pp. 1-8.
41 Mercure de France, octobre 1761, p. 163. D’autres portraits de Buffon furent mentionnés dans le Mercure d’avril et octobre 1775, juillet 1777 et à plusieurs reprises durant les années 1780, en particulier après sa mort en 1788. Daubenton, par contre, ne fut mentionné qu’une seule fois durant cette période, lorsque son buste par Lecomte fut exposé au salon de 1783. Voir Bourdier (Franck), “Buffon d’après ses portraits”, in Bertin (Léon) et al., Buffon..., op. cit., pp. 167-180. (Italiques originales).
42 La caricature de S. W. Fores, “Man-midwifery exposed”, 1793, est reproduite dans Wilson (Adrian), The Making of Man-Midwifery : Childbirth in England, 1660-1770, Londres : UCL Press, 1995, p. 4 ; voir également Mercier (Louis-Sébastien), Tableau de Paris, critiqué par un solitaire du pied des Alpes, Nyon : Natthey, 1783, 3 vols.
43 Chaussinand-Nogaret (Guy), La Noblesse au XVIIIe siècle..., op. cit., pp. 77-78.
44 Hahn (Roger), “L’Autobiographie de Lacepède retrouvée”, Dix-huitième siècle, vol. 7, 1975, pp. 49-85 ; Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit., p. 19.
45 Darnton (Robert), The Great Cat Massacre and Other Episodes in French Cultural History, Harmondsworth, Middlesex : Penguin, 1985, chapitre 6.
46 Lettre de Gérard à André Thouin, 8 mai 1788 (BCMNHN, MS 1975 (2), lettre 898).
47 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., vol. I, p. 109.
48 Ferry de Saint-Constant (Jean-Louis, comte), Génie de M. de Buffon..., op. cit., p. XII ; Louis-François Métra considérait la qualité littéraire comme un élément essentiel de l’élaboration du savoir concernant la nature, “puisqu’aucune observation ne peut lever nos doutes dans cette recherche [quant aux lois premières de la nature]” (Métra [Louis-François], Correspondance secrète, politique et littéraire, ou Mémoires pour servir à l’histoire des Cours, des Sociétés et de la Littérature en France, depuis la mort de Louis XV, Londres : John Adamson, 1788, vol. IX, p. 155). Ma propre position va à l’encontre d’une tradition historiographique qui a cherché à réhabiliter Buffon en niant son importance littéraire ; voir par exemple Roule (Louis), L’Histoire de la nature vivante d’après l’œuvre des grands naturalistes français. T. 1 : Buffon et la description de la nature, Paris : Ernest Flammarion, 1924, pp. 9 et 242-243 ; de même, Roger (Jacques), Buffon...,op. cit., p. 14, déclarait que “trop souvent Buffon n’a été considéré que comme un écrivain, et j’ai tenté de réagir, sans doute excessivement, contre cette tendance”. Une étude, par ailleurs excellente, de Buffon en tant qu’auteur, se range néanmoins du côté de ceux qui tentaient, dans les années 1780, de faire en sorte que les sciences naturelles soient des domaines non littéraires (Lepenies (Wolf), Das Ende der Naturgeschichte., op. cit.). Les problèmes soulevés par une telle vision sont analysés dans les travaux de Anderson (Wilda A.), Between the Library and the Laboratory : the Language of Chemistry in Eighteenth-Century France, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1984, 190 p. ; Terrall (Mary), “Salon, Academy, and Boudoir : Generation and Desire in Maupertuis’s Science of Life”, Isis, vol. 87, 1996, pp. 217-229.
49 Le “Discours prononcé à l’Académie française par M. de Buffon, le jour de sa réception", généralement connu comme le “Discours sur le style”, est encore utilisé dans les écoles françaises comme sujet de dictées (reproduit dans Buffon [Georges-Louis Leclerc, comte de], Œuvres philosophiques de Buffon, op. cit., pp. 500-509). Tout le monde ne faisait pas l’éloge du style de Buffon : Malesherbes y critiquait “les phrases détachées, et le style coupé [qui] sont actuellement le style à la mode” (Malesherbes [Chrétien-Guillaume Lamoignon de], Observations de C.-G. Lamoignon de Malesherbes sur l’histoire naturelle générale et particulière de Buffon et Daubenton, [éd. par Abeille Paul], Paris : Pougens, an VI [1798], vol. I, p. 188).
50 Dominique Poulot a de même suggéré que les programmes de salon de d’Angiviller dans les années 1770 supposaient un public déjà acquis à l’idée du pouvoir monarchique (“Le Louvre imaginaire : essai sur le statut du musée en France, des Lumières à la République”, Historical Reflections, vol. 17, 1991, p. 184).
51 Sloan (Phillip R.), “The Buffon-Linnaeus Controversy”, art. cit.
52 Dans une lettre à un physicien florentin au sujet des débats sur la génération qui préoccupaient les naturalistes après 1740, Buffon s'en prenait à Haller et Bonnet “qui s’imaginent que |le système des germes préexistants] est lié avec la religion” (Buffon [Georges-Louis Leclerc, comte de], Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., vol. I, pp. 327-331, lettre 259, 8 novembre 1776). Voir également Vartanian (Aram), “Trembley’s Polyp, La Mettrie, and Eighteenth-Century French Materialism”, Journal of the History of Ideas, vol. 11, 1950, pp. 259-286 ; Roe (Shirley A.), Mazzolini (Renato G.) (sous la dir.), Science against the Unbelievers : the Correspondence of Bonnet and Needham, 1760-1780, Oxford : Voltaire Foundation, 1986, XIX-409 p. Cf. l’utilisation de Newton, en Angleterre, à l'appui de la théologie naturelle, en particulier Benjamin (Marina), “Elbow Room : Women Writers on Science, 1790-1840”, in Benjamin (Marina) (sous la dir.), Science and Sensibility : Gender and Scientific Enquiry, 1780-1845, Oxford : Basil Blackwell, 1991, pp. 27-59 ; Stewart (Larry), The Rise of Public Science : Rhetoric, Technology, and Natural Philosophy in Newtonian Britain, 1660-1750, Cambridge : Cambridge University Press, 1992, XXXIV-453 p., première partie ; Gillespie (Neal C.), “Natural History, Natural Theology, and Social Order : John Ray and the ‘Newtonian Ideology’”, Journal of the History of Biology, vol. 20, 1987, pp. 1-49.
53 Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., op. cit., pp. 235-252 ; Pappas (John), “Buffon vu par Berthier, Feller, et les Nouvelles ecclésiastiques”, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, vol. 216, 1983, pp. 26-28 ; Royou (Thomas), Le Monde de verre réduit en poudre, ou Analyse et réfutation des Époques de la nature de M. le comte de Buffon, Paris : J.-G. Mérigot le jeune, [1780], III-175 p. ; pour l’Écosse, Wood (Paul B.), “The Natural History of Man in the Scottish Enlightenment”, History of Science, vol. 27, 1989, pp. 89-123. Sur les Lumières en tant qu’entreprise séculière, voir Gay (Peter), The Enlightenment : an Interpretation. T. 1 : The Rise of Modern Paganism, Londres : Weidenfeld and Nicolson, 1967, 555 p.
54 La plus célèbre présentation de Buffon en tant que matérialiste, qui resta en manuscrit pendant de nombreuses années, fut Hérault de Séchelles (Marie Jean), La Visite à Buffon, ou Voyage à Montbard, Paris : Solvet, an IX [1801], XII-136 p. Le texte que Hérault de Séchelles publia à l’époque de sa visite était plus anodin et reçut l’aval de Buffon lui-même : “Parallèle de Jean-Jacques Rousseau et le comte de Buffon”, Journal encyclopédique, no 3, 1786, pp. 329-330. Cf les sentiments de théologie naturelle exprimés par la comtesse de Beauharnais, “Aux incrédules. Épître envoyée à M. le Comte de Buffon”, Journal de Paris, 7 novembre 1778 ; Panckoucke (Charles-Joseph), De l’homme, et de la reproduction des différents individus. Ouvrage qui peut servir d’introduction & de défense à l’Histoire naturelle des animaux par M. de Buffon, Paris : [s.n.], 1761, 214 p.
55 Darnton (Robert), The Literary Underground of the Old Régime, op. cit.
56 Sur les fréquentations sociales de Buffon, voir Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., passim ; Roger (Jacques), Buffon..., op. cit. ; Bobé (Louis) (sous la dir.), Mémoires de Charles Claude Flahault, comte de La Billarderie d'Angiviller : notes sur les mémoires de Marmontel publiés d’après le manuscrit, Copenhague : Levin et Munksgaard, 1933, XXXV-219 p. ; Anderson (Elizabeth), “Introduction”, in Leroy (Charles-Georges), Lettres sur les animaux, [éd. par Anderson Elizabeth], Oxford : Voltaire Foundation, 1994, p. 51 ; sur son amitié avec Lenoir (Archives nationales, AJ/15/514, pièce 639) ; sur la surveillance policière des auteurs philosophiques, voir Darnton (Robert), The Great Cat Massacre..., op. cit., chapitre 4 ; Darnton (Robert), The Literary Underground of the Old Régime, op. cit. ; Wellman (Kathleen), La Mettrie : Medicine, Philosophy, and Enlightenment, Durham : Duke University Press, 1992, XIV-342 p.
57 Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., op. cit., pp. 283-293.
58 Hérault de Séchelles (Marie Jean), La Visite à Buffon..., op. cit. Buffon exprima à mainte reprise son désir d’éviter la controverse publique, par exemple sa lettre à l'abbé Le Blanc, Montbard, 21 mars 1750, au sujet de Montesquieu dans Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., vol. I, pp. 66-70.
59 Bobé (Louis) (sous la dir.), Mémoires de Charles Claude Flahault..., op. cit., p. 52 ; Marmontel (Jean-François), Mémoires..., op. cit., pp. 224-225.
60 “Introduction”, in Lyon (John), Sloan (Phillip R.), From Natural History to the History of Nature..., art. cit. ; Rheinberger (Hans-Jörg), “Buffon : Zeit, Veränderung, and Geschichte”, History and Philosophy of the Life Sciences, vol. 12, 1990, pp. 203-223.
61 “Première Vue de la nature”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1764, vol. XII, p. VIII ; voir Blanckaert (Claude), “Buffon and the Natural History of Man : Writing History and the ‘Foundational Myth’ of Anthropology”, History of the Human Sciences, vol. 6, 1993, pp. 30-31.
62 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., passim.
63 Lavoisier (Antoine-Laurent de), Séguin (Armand), “Premier mémoire sur la respiration des animaux”, in Histoire et Mémoires de l'Académie royale des sciences, 1789, Paris : impr. royale, 1793, Mémoires, pp. 566-581 ; Daubenton (Louis-Jean-Marie), “Mémoire sur les laines de France, comparées aux laines étrangères”, in Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1779, Paris : impr. royale, 1782, Mémoires, pp. 1-2.
64 Daubenton à Thouin, 3 février 1764, in Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes à la croisée des chemins avec André Thouin, 1747-1824, Paris : Muséum national d’histoire naturelle, 1989, p. 49.
65 Paul (Charles), Science and Immortality : the Éloges of the Paris Academy of Sciences, Berkeley : University of California Press, 1980, X-202 p. ; Outram (Dorinda), “The Language of Natural Power : the Éloges of Georges Cuvier and the Public Language of Nineteenth-Century Science”, History of Science, vol. 16, 1978, pp. 153-178.
66 Mais voir les conclusions de Smith (Jay M.), The Culture of Merit : Nobility, Royal Service, and the Making of Absolute Monarchy in France, 1600-1789, Ann Arbor : University of Michigan Press, 1996, VII-305 p.
67 Voir par exemple Soboul (Albert), La France à la veille de la Révolution. T. 1 : Économie et société, Paris : Société d’édition d’enseignement supérieur, 1966, 196 p. ; Rudé (George), The French Revolution, Londres : Weidenfeld and Nicolson, 1988, 224 p. Bien (David D.), “Offices, Corps, and a System of State Credit : the Uses of Privilege under the Ancien Régime”, in Baker (Keith Michael) (sous la dir.), The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture. T. 1 : The Political Culture of the Old Regime, Oxford : Pergamon, 1987, pp. 89-114, et Darnton (Robert), The Business of Enlightenment : a Publishing History of the Encyclopédie, 1775-1800, Cambridge : Harvard University Press, Belknap Press, 1979, p. 72, relient la distinction entre bons et mauvais titulaires de postes à des critères d’activité et d’efficacité. Toutefois, ces préoccupations elles-mêmes trouvaient probablement leur origine dans une critique politique particulière des élites de cour. Voir Elias (Norbert), La Société de cour, [trad. par Kamnitzer Pierre), Paris : Calmann-Lévy, 1974, 323 p. ; Goodman (Dena), The Republic of Letters..., op. cit.
68 La plupart des études sur le patronage ou le clientélisme s’intéressent aux XVIe et XVIIe siècles : par exemple, Burke (Peter), The Italian Renaissance : Culture and Society in Italy, Cambridge : Polity Press, 1987, VI-287 p. ; Burke (Peter), The Fabrication of Louis XIV, op. cit. ; Mousnier (Roland), Les Institutions de la France sous la monarchie absolue, 1598-1789, Paris : Presses Universitaires de France, 1974, 2 vols ; Kettering (Sharon), Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth Century France, New York : Oxford University Press, 1986, X-322 p. ; Biagioli (Mario), Galileo, Courtier : the Practice of Science in the Culture of Absolutism, Chicago : University of Chicago Press, 1993, XII-402 p. ; Findlen (Paula), Possessing Nature..., op. cit.
69 Voir par exemple Hahn (Roger), The Anatomy of a Scientific Institution..., op. cit., chapitre 6, sur les attaques révolutionnaires de Marat à l’encontre de l’Académie des sciences, qui avait précédemment rejeté ses travaux en physique. Ma position, considérant l’activité scientifique au sein des institutions comme le produit de négociations de protection plutôt que comme une “professionnalisation”, est plus proche d’Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit., que de travaux plus anciens comme Hahn (Roger), “Scientific Research as an Occupation in Eighteenth-Century Paris”, Minerva, vol. 13, 1975, pp. 501-513 ; Hahn (Roger), “Scientific Careers in Eighteenth-Century France”, in Crosland (Maurice P.) (sous la dir.), The Emergence of Science in Western Europe, Londres : Macmillan, 1975, pp. 127-138, et Crosland (Maurice P.), “The Development of a Professional Career in Science in France”, in Crosland (Maurice P.) (sous la dir.), The Emergence of Science..., op. cit., pp. 139-160.
70 Hahn (Roger), “L’Autobiographie de Lacepède retrouvée”, art. cit. ; Outram (Dorinda), “The Ordeal of Vocation : the Paris Academy of Sciences and the Terror, 1793-1795”, History of Science, vol. 21, 1983, pp. 251-273.
71 Comme dans Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit.
72 Falls (William P.), “Buffon et l’agrandissement du Jardin du roi à Paris”, Archives du Muséum national d’histoire naturelle, 6ème série, vol. X, 1933, pp. 129-200. Voir aussi Bertin (Léon), “Buffon, homme d’affaires”, in Bertin (Léon) et al., Buffon..., op. cit., pp. 87-104 ; Beaune (Jean-Claude), Benoît (Serge), Gayon (Jean), Woronoff (Denis) (sous la dir.), Buffon 88..., op. cit., section 1, en particulier Fortunet (Françoise), Jobert (Philippe), Woronoff (Denis), “Buffon en affaires”, pp. 13-28. Les débats de l’époque quant à la moralité de la probité financière et de l’efficacité sont admirablement analysés dans Bosher (J. F.), French Finances, 1770-1795 : from Business to Bureaucracy, Cambridge : Cambridge University Press, 1970, XVI-369 p.
73 Raitières (Anna), “Lettres à Buffon dans les registres de l’Ancien Régime, 1739-1788”, Histoire et nature, vol. 17-18, 1980-1981, pp. 85-148. Les attaques au sujet de l’honnêteté de Buffon trouvent leur origine dans une pétition imprimée de 1790, sans titre, adressée au roi et signée par Verdier, Delaune et Picquenard, trois locataires évincés des anciennes terres de l’abbaye de Saint-Victor absorbées par le projet d’agrandissement du Jardin dans les années 1780. Mais ce document suggère également que, selon les autorités ministérielles et de police de l’Ancien Régime, les actions de Buffon n’avaient rien d’illégal, ni même de malhonnête.
74 Bien (David D.), “Offices, Corps, and a System of State Credit...”, art. cit. ; Bosher (J. F.), French Finances, 1770-1795..., op. cit., chapitre 5, souligne que la Couronne dépendait d’un système de prêts. Roche (Daniel), Le Peuple de Paris : essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle, Paris : Aubier Montaigne, 1981, 286 p., montre que même les petits salariés investissaient dans des rentes royales avant la Révolution.
75 “M. Thouin. Dépenses pour le Jardin, 1760 à 1793” (Archives nationales, AJ/15/149). En 1765, Thouin nota le coût de l’envoi à Montbard de trois douzaines de tubercules, trois cents pieds d’asperges, des figuiers et des graines de légumes.
76 Le terme “bureaucratie” date de cette période, mais désignait péjorativement le secret ministériel plutôt qu’une administration étatique neutre. Voir Dubois (Jean) (sous la dir.), Petit dictionnaire de la langue française, Paris : Larousse, 1993, XXXII-1095 p. ; Baker (Keith Michael), Inventing the French Revolution : Essays on French Political Culture in the Eighteenth Century, Cambridge : Cambridge University Press, 1990, pp. 160-162. On trouvera des descriptions différentes du patronage dans des institutions scientifiques du début de l’époque moderne dans Stroup (Alice), A Company of Scientists : Botany, Patronage, and Community at the Seventeenth Century Parisian Royal Academy of Sciences, Berkeley : University of California Press, 1990, XV-387 p. ; Sturdy (David J.), Science and Social Status : the Members of the Académie des sciences, 1666-1750, Woodbridge, Suffolk : Boydell, 1995, XVI-461 p. ; Lux (David S.), Patronage and Royal Science in Seventeenth-Century France : the Académie de Physique in Caen, Ithaca, NY : Cornell University Press, 1989, XIII-199 p. ; Moran (Bruce T.) (sous la dir.), Patronage and Institutions : Science, Technology, and Medicine at the European Court, 1500-1750, Woodbridge, Suffolk : Boydell, 1991, 261 p.
77 Outram (Dorinda), Georges Cuvier..., op. cit., p. 3, et voir son analyse détaillée des relations de protection de Cuvier, passim. Son approche attribue toutefois à Cuvier une autonomie considérable en tant qu’agent historique.
78 Raitières (Anna), “Lettres à Buffon dans les registres de l’Ancien Régime, 1739-1788”, art. cit. ; Archives nationales, AJ/15/509.
79 Sur l’évolution des usages du patriarcat au XVIIIe siècle, voir par exemple Fliegelman (Jay), Prodigals and Pilgrims : the American Revolution against Patriarchal Authority, 1750-1800, Cambridge : Cambridge University Press, 1982, chapitres 1 et 2 ; Merrick (Jeffrey), “Patriarchalism and Constitutionalism in Eighteenth-Century Parlementary Discourse”, Studies in Eighteenth-Century Culture, vol. 20, 1990, pp. 317-330 ; Hunt (Lynn), The Family Romance of the French Revolution, Londres : Routledge, 1992, XVI-213 p.
80 Archives nationales, AJ/15/507, pièce 162.
81 Sur l’homme de lettres en tant que personnage à la fois international et patriotique, voir Goodman (Dena), The Republic of Letters..., op. cit., chapitre 1.
82 Raitières (Anna), “Lettres à Buffon dans les registres de l’Ancien Régime, 1739-1788”, art. cit., pp. 91-92.
83 Ibid., p. 85.
84 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., vol. I, pp. 110 et 215-216.
85 Letouzey (Yvonne), Le Jardin des plantes..., op. cit., pp. 27-33.
86 Laissus (Joseph), “La Succession de Le Monnier au Jardin du roi : Antoine-Laurent de Jussieu et René-Louiche Desfontaines”, Comptes Rendus du 91e congrès national des sociétés savantes, 1966, Section des sciences, vol. I, 1967, pp. 137-152.
87 Voir les notices de “Antoine de Jussieu”, “Bernard de Jussieu”, “Antoine-Laurent de Jussieu”, “Joseph de Jussieu”, in Gillispie (Charles Coulston) (sous la dir.), Dictionary of Scientific Biography, op. cit. ; Audelin (Louise), Les Jussieu..., op. cit.
88 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), “Les Animaux carnassiers”, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie), Guéneau de Montbeillard (Philibert), Bexon (Gabriel-Léopold-Charles-Aimé), Histoire naturelle, générale et particulière..., op. cit., 1758, vol. VII, pp. 3-38.
89 Jussieu (Antoine-Laurent de), “Exposition d’un nouvel ordre de plantes adopté dans les démonstrations du Jardin royal”, in Histoire et Mémoires de l’Académie loyale des sciences, 1774, Paris : impr. royale, 1778, Mémoires, pp. 175-197.
90 Desfontaines à Savary, 10 septembre 1779, cité dans Laissus (Joseph), “La Succession de Le Monnier au Jardin du roi..., art. cit., p. 147.
91 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., vol. I, p. 202. L’Échevin était l’un des premiers commis du ministre de la Maison du roi, le duc de La Vrillière.
92 Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., vol. I, p. 110 ; Portai (Antoine), Histoire de l’anatomie et de la chirurgie, contenant l’origine & les progrès de ces sciences ; avec un Tableau chronologique des principales découvertes, & un catalogue des ouvrages d’anatomie & de chirurgie, des Mémoires académiques, des dissertations insérées dans les journaux, & de la plupart des thèses qui ont été soutenues dans les Facultés de médecine de l’Europe, Paris : P. Fr. Didot le jeune, 1770-1773, vol. I, p. XIII et vol. V, pp. 389-405. L’importance de cette attaque comme cause de l'opposition de Petit à Portai montre à quel point le Jardin du roi continuait de fonctionner comme le siège de groupes médicaux rivaux.
93 La Vrillière à Buffon, 15 et 31 mars 1775 (Archives nationales, AJ/15/509, pièces 238 et 234).
94 Malesherbes à Buffon, 7 décembre 1775 (Archives nationales, AJ/15/509, pièce 239).
95 Amelot à Buffon, 24 mai 1777 (Archives nationales, AJ/15/509, pièce 242).
96 Lalande (Joseph-Jerôme Lefrançois de), “Éloge de Vicq d’Azir”, La Décade philosophique, littéraire et politique, no 3, 1794, pp 513-521 ; no 4, 1795, pp. 1-10.
97 Voir la description de la corruption sous les Tudor dans Ellis (Steven G.), Tudor Ireland – Crown, Community, and the Conflict of Cultures, 1470-1603, Londres : Longman, 1985, X-388 p. ; voir également Biagioli (Mario), Galileo, Courtier..., op. cit.
98 Archives nationales, AJ/15/149.
99 Buffon à Thouin, Montbard, 9 août 1785, in Buffon (Georges-Louis Leclerc, comte de), Correspondance générale [de] Buffon..., op. cit., vol. II, pp. 292-294.
100 Voir Heim (Roger), “Préface à Buffon”, in Bertin (Léon) et al, Buffon..., op. cit., pp. 5-13 ; voir également Gillispie (Charles Coulston), Science and Polity in France at the End of the Old Regime, Princeton : Princeton University Press, 1980, XII-601 p., en particulier pp. 150-151. Goodman (Dena), The Republic of Letters..., op. cit., et Goldgar (Anne), Impolite Learning : Conduct and Community in the Republic of Letters, 1680-1750, New Haven : Yale University Press, 1995, ΧIII-395 p., offrent d’excellentes analyses des réseaux de patronage d’hommes de lettres et des pressions ensuite exercées sur les philosophes pour réécrire la nature de leurs relations.
101 Darnton (Robert), The Literary Underground of the Old Régime, op. cit. ; Darnton (Robert), “Le Lieutenant de police J.-P. Lenoir, la guerre des farines, et l’approvisionnement de Paris à la veille de la Révolution”, Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 16, 1969, pp. 611-624 ; Adams (Thomas McStay), Bureaucrats and Beggars : French Social Policy in the Age of the Enlightenment, New York : Oxford University Press, 1990, 384 p. ; Rudé (George), The Crowd in the French Revolution, Westport, CT : Greenwood Press, 1986, X-283 p. ; Jordanova (Ludmilla J.), “Policing Public Health in France, 1780-1815”, in Ogawa (Teizo) (sous la dir.), Public Health : Proceedings of the 5th International Symposium on the Comparative History of Medicine – East and West, Tokyo : Saikon Publishing, 1981, pp. 12-32 ; Rosen (George), From Medical Police to Social Medicine : Essays on the History of Health Care, New York : Science History Publications, 1974, 327 p. ; le programme médical est défini dans Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1776, Paris : impr. royale, 1779. L’approche de Outram (Dorinda), The Body and the French Revolution : Sex, Class, and Political Culture, New Haven : Yale University Press, 1989, 197 p., m’a beaucoup éclairée.
102 Schaffer (Simon), “Measuring Virtue ; Eudiometry, Enlightenment, and Pneumatic Medicine”, in Cunningham (Andrew), French (Roger) (sous la dir.), The Medical Enlightenment of the Eighteenth Century, Cambridge : Cambridge University Press, 1990, pp. 281-318.
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