L’Écriture sainte dans la prédication de quelques Victorins
p. 113-126
Texte intégral
1On connaît l’attachement des chanoines de Saint-Victor pour saint Augustin, qu’ils considéraient comme leur fondateur. Ils ont composé et préservé dans leurs manuscrits plusieurs sermons faits à l’occasion de la célébration solennelle de sa fête, le 28 août, et cette production tranche sur la relative discrétion des recueils victorins pour tout ce qui relève de la catégorie du de sanctis, si l’on excepte saint Victor, lui aussi souvent célébré. C’est à l’un de ces sermons consacrés à saint Augustin et adressé aux chanoines que je demanderai, d’emblée, de nous introduire à la question de l’attention prêtée par les Victorins à l’Écriture, telle qu’elle peut s’exprimer dans la prédication1.
2L’orateur, maître Maurice, est un chanoine victorin dont on ne sait rien, même si on a pu lui attribuer une vocation tardive, après une période de service de l’église de Paris comme archidiacre, au temps de l’évêque Maurice de Sully2. Il faudrait alors situer son prêche à la toute fin du xiie siècle ou dans les premières années du xiiie siècle. Ce sermon, fondé sur le début du chapitre 2 du Lévitique (Anima cum obtulerit sacrificium oblationis, simila erit oblatio eius, fundetque super eam oleum et thus… etc.), interprète l’offrande sacrificielle, qui doit être faite « d’une fine farine sur laquelle on répand l’huile et l’encens », dans les deux perspectives de la matière offerte, figure de l’Écriture, et du geste de l’offrande, figure de l’exégèse de ce texte sacré. L’éloge de saint Augustin occupe seulement les premières lignes du texte : après qu’il eut été appelé à se convertir en sortant de la nuit où étaient les gentils, constate Maurice, la lumière s’est répandue grâce à lui sur l’Église, car il a expliqué ce qui était obscur et il a répandu la lumière dans les ténèbres. Il peut donc être placé au premier rang des saints docteurs, aussitôt après les apôtres (post apostolos primum locum tenet). Pareille exaltation n’est pas en soi originale : on trouve des points de vue analogues sous la plume de Godescalc d’Orbais et de Pierre le Vénérable3. L’argumentation l’est davantage, et elle semble en même temps appelée par le contexte proprement victorin de ce sermon, qui incline l’orateur à unir dans le même éloge le saint docteur et la sainte Écriture éclairée grâce à lui. L’Écriture est reconnaissable sous la figure de la fine farine (simila). Ses interprètes, tel Augustin, la rendent intelligible, une fois devenus « prophètes » par l’effusion de l’Esprit qui est signifiée par celle de l’huile sur l’offrande du sacrifice ; mais pour accomplir leur offrande, compte tenu de l’orgueil qui guette les savants, il est bon qu’ils se munissent de l’encens de la prière, afin de ne pas succomber à la tentation. Maître Maurice conclut sur l’évocation des « hommes apostoliques », en qui l’on devine le profil de ses auditeurs. Ils sont réputés pour leur vertu et leur enseignement ; la farine de la contemplation et de la connaissance de Dieu leur revient ; et c’est avec eux qu’il faut s’entretenir au sujet du verbe de vie, comme Augustin le faisait avec Jérôme après avoir été le disciple d’Ambroise, et comme Paul le fit avec Ananie avant de rejoindre les autres apôtres, afin de préserver l’unité et l’unanimité de la foi.
3Au cœur du sermon, qui est relativement bref4, prend place l’interprétation de la farine et des façons dont elle est l’objet, qui occupe environ le quart du texte. La finesse de la farine de froment (simila) signifie par excellence celle de la sainte Écriture qui partage avec elle l’utilité et la subtilité. Le grain de blé dont cette farine provient, c’est le Christ : il est le pain de vie, et le pain des anges, car les anges ne lisent pas sur les pages d’un livre faites de peaux d’animaux morts, mais dans le livre de vie. Et ce grain est moulu entre les meules de la lettre et de l’esprit : la première, en dessous, immobile, est méprisable si elle prétend se suffire à elle-même, car la lettre reçue littéralement tue ; et la seconde, au-dessus, est agile à la manière du mouvement multiple des interprétations spirituelles de l’allégorie, de la tropologie et de l’anagogie5. La confection du pain demande aussi l’eau de l’intelligence naturelle. Et le four dans lequel il est cuit est le ventre de la mémoire, où il faut conserver le sens spirituel, afin de pouvoir le produire publiquement quand c’est nécessaire. Ce pain blanc et savoureux, c’est en effet le sens spirituel ; mais encore faut-il, pour le goûter, ne pas avoir mauvaise bouche, comme le malade qui trouve amer ce qui est doux.
4Le prédicateur récapitule ici tout ce qui fait le quotidien de l’activité des Victorins, par le truchement d’images bibliques convenues comme celle de la farine de la sainte Écriture, ou celles de l’onction de l’Esprit et de l’encens de la prière. Plus originale, l’interprétation des deux meules, dont saint Grégoire avait fait la figure de l’action conjointe de la crainte et de l’espérance du pécheur6, manifeste de manière inédite l’exigence, souvent rappelée à Saint-Victor, de la distinction du sens littéral et du (ou des) sens spirituel(s). L’ultime évocation des échanges à propos du verbe de vie, au sein de la communauté qui ne doit pas contrevenir à la règle sacro-sainte de l’unanimité, dessine l’horizon d’un idéal plus qu’elle ne reflète la réalité, sans doute. Du moins renforce-t-elle, jusque dans les dernières lignes du texte, le motif central d’une communauté vouée à l’exploration des sens mystérieux et profonds de la sainte Écriture.
5Si je me suis longuement attardée sur ce texte, c’est aussi parce qu’il est exceptionnel. Des allusions à l’Écriture et à son interprétation se lisent ailleurs : par exemple, dans ses sermons, Richard de Saint-Victor compare la fréquentation de l’Écriture à un régime de santé7, et il récapitule la distinction nécessaire du sens historique et du sens allégorique ou spirituel dans l’image de la roue, qui ne cesse, dans le mouvement continuel qui l’anime, de toucher terre puis de s’élever8. La profondeur des sens de l’Écriture, et leur enfouissement, appellent aussi volontiers les images classiques de l’eau dans le puits, ou du grain semé dans le champ9. Chez maître Maurice, le regard embrasse davantage l’activité exégétique : exaltée sur le modèle même de celle de saint Augustin, elle fait clairement partie, à ses yeux, de l’expérience spirituelle communautaire à laquelle aspirent les chanoines de Saint-Victor.
6La question qui se pose maintenant est la suivante : quelle place revient à la prédication dans cette expérience spirituelle tout entière nourrie par la fréquentation de l’Écriture ? Maurice n’y insiste guère dans son sermon. Et pourtant, l’histoire de la production intellectuelle au sein de l’abbaye parisienne suggère une perméabilité entre les activités, qui s’est traduite par des échanges importants entre les genres. Les commentaires des livres de l’Écriture sont parfois désignés sous le nom d’« homélies10 », alors qu’ils ne reflètent pas la pratique oratoire, mais prolongent sans doute la tradition séculaire de la copie d’homélies patristiques destinées à la méditation ou à la lecture publique au réfectoire, par exemple. À l’inverse, Richard de Saint-Victor a remployé une partie substantielle des textes écrits de ses sermons, qu’il a introduits en blocs dans la seconde partie de son Liber exceptionum dont l’objectif était, selon le prologue, de former un disciple à l’étude de l’Écriture. De plus, les textes victorins qui nous sont parvenus depuis le xiie siècle sous la désignation de « sermons » ont probablement été rassemblés à l’initiative de l’armarius de l’abbaye, chargé de fournir les chanoines en livres de lecture spirituelle publique et privée qui puissent contribuer à leur édification, elle-même fondée sur la familiarité avec l’Écriture11.
7Il serait téméraire d’avancer que ces manuscrits préservent la trace fidèle des prises de parole des orateurs. Plusieurs de leurs caractéristiques, comme la forte stabilité des textes d’un manuscrit à l’autre, l’absence de classement chronologique des sermons, ou même l’absence de classement dans l’ordre du temps liturgique, nous éloignent d’autant des formes usuelles de préservation de la prédication effective à partir de la réception des propos par un ou plusieurs auditeurs. De plus, il est impossible d’évaluer le travail de réécriture qui a pu être engagé par leurs auteurs, qu’ils aient été ou non les orateurs dans tous les cas, avant de les livrer à la copie. Parmi ces textes, il en est quelques-uns qui ont pris tant d’ampleur qu’ils s’apparentent plutôt à des traités spirituels : ainsi, les trois longs sermons d’Achard qui sont souvent rapprochés dans les mêmes manuscrits, et dont il est bien difficile aujourd’hui de discerner la matrice oratoire première12. À l’inverse, les extraits de commentaires évangéliques rassemblés par Richard de Saint-Victor à la fin de son Liber exceptionum13 sont quelquefois si courts qu’on ne peut plus y voir que des pièces oratoires mutilées au point d’être méconnaissables. Il reste une masse assez consistante de textes, une cinquantaine environ pour la partie éditée de manière critique14, qui, malgré les retouches et les réécritures que l’on soupçonne – entre autres, par la présence de renvois internes d’un sermon à l’autre qui n’ont de sens que dans un texte écrit pour être lu –, sont susceptibles de refléter plus justement la pratique régulière et, semble-t-il fréquente, de la prédication au chapitre, telle qu’elle était réglementée dans le Liber ordinis15. Paradoxalement, la seule allusion à de telles circonstances se trouve dans l’un des « sermons » d’Achard en forme de traité, très certainement remanié par rapport à sa prestation orale16. Mais la longueur modérée de la plupart des autres textes, qui correspond à des temps de parole d’une vingtaine de minutes, ainsi que les mentions explicites de circonstances liturgiques, et les protestations d’indignité du prédicateur qui trouvent place de plus en plus souvent au fil du temps dans les premières lignes du texte, rattachent assez nettement ces témoins à la pratique oratoire pour que je choisisse de les privilégier dans mon analyse. Celle-ci tentera de répondre à deux questions : d’une part, où et comment l’Écriture est-elle présente dans cette prédication ? et d’autre part, dans quelle mesure la pratique même de la prédication influe-t-elle sur la façon de considérer l’Écriture à Saint-Victor ?
8Grâce à l’extrême soin apporté par Jean Châtillon à ses éditions, la présence de l’Écriture dans les textes est immédiatement appréhensible, et elle se révèle d’emblée massive. Sans chercher à faire ici plus que l’éditeur au sujet de la distinction qu’il a constatée entre les citations du texte de la Bible à partir des manuscrits dont l’usage est plausible à Saint-Victor au xiie siècle et les citations empruntées à d’autres canaux, qui sont principalement la liturgie et les commentaires patristiques, il convient de souligner cette forte pénétration du vocabulaire biblique dans les sermons. Tantôt les mots de la Bible sont absorbés par l’orateur dans sa propre langue, tantôt ils en sont formellement distingués par l’annonce de citations. Et ces annonces mettent en valeur la structure de l’argumentation, presque uniquement fondée sur des autorités bibliques. Dans un des sermons de Pâques de Gautier, qui compte cent quatre-vingt-treize lignes dans l’édition, on trouve cinquante-cinq références scripturaires, dont vingt-neuf sont empruntées aux épîtres de Paul17, et seulement une citation de la liturgie, une autre du Symbole Quicumque, une autre encore (implicite) de Grégoire le Grand. Quatorze références, soit moins du tiers du total des emprunts à l’Écriture, proviennent de l’Ancien Testament, et elles sont presque toujours données sous forme de citations introduites par des formules du type : « in lege dicit » ; « iuxta prophetiam » ; « iuxta illud David » ; « inquit Scriptura ». Seuls les Psaumes, au demeurant massivement présents puisque les citations qui en proviennent représentent près de la moitié du total des citations identifiées, font exception à la règle, en imprégnant les propos de Gautier à la manière des épîtres de Paul. Ces proportions ne sont pas surprenantes, mais il importait de les mentionner pour marquer le lien structurel puissant entre Écriture et prédication, que ce soit dans les modes d’expression ou dans l’argumentation18.
9L’essor de la pratique consistant à construire un sermon entier sur un verset thématique ne s’affirme pas de manière irrécusable avant le xiiie siècle19. Toutefois, chez les Victorins, il ne semble pas que le commentaire des péricopes évangéliques ait été d’usage courant, d’autant que la prédication avait lieu au chapitre – mais il est vrai que quelques sermons de Richard, dans l’état actuel de leur transmission, en portent la trace néanmoins20. Sur la cinquantaine de sermons que j’ai pris en compte dans mon enquête, cela ne se présente qu’une seule fois, dans un sermon de septuagésime d’Achard sur la parabole des ouvriers embauchés par le maître dans sa vigne pour le salaire uniforme d’un denier, quelle que soit l’heure de l’embauche21. Achard prend d’ailleurs des libertés avec la parabole, tirant prétexte de l’image de la culture de la vigne pour en évoquer les façons successives au cours de l’année, comme si les « heures » appelaient d’emblée une interprétation allégorique. Dans un autre sermon, pour le premier dimanche de carême, il indique clairement son choix de se limiter au premier verset de l’évangile du jour, celui de la tentation du Christ au désert22 dont la brièveté, constate-t-il, va de pair, avec la profondeur de sens – d’où la longueur du texte tel qu’il nous est parvenu. Des remarques analogues sont faites par d’autres prédicateurs, comme lui enclins à concentrer leur attention et celle de leurs auditeurs sur un seul verset pour en explorer toute la richesse23. Pour autant, aucune norme ne s’est encore imposée au milieu du xiie siècle : plusieurs sermons d’Achard, notamment, sont dépourvus de thème, à la différence de ceux de Gautier, de Maurice, et de quelques anonymes, qui doivent refléter davantage la pratique de la fin du siècle24. Quant aux raisons qui guident le choix du verset, marqué par la variété, elles ne sont pas toujours discernables. Les ressources de la liturgie sont assez fortement exploitées, ce qui conduit à ériger les antiennes et les versets, selon un usage alors très répandu, en autorités analogues à celles qui proviennent directement de l’Écriture. Le savoir biblique, enrichi par la pratique intense de l’exégèse des deux Testaments, ou par la connaissance de textes de sermons plus anciens et qui peuvent servir de modèles, se laisse aussi deviner dans certains cas25.
10Il ne faut pas d’ailleurs assortir d’une appréciation péjorative l’absence de thème initial, au sens où cela n’implique pas une moindre attention au texte de l’Écriture. Dans son sermon de Noël, Achard fait surgir ce thème par allusion, dans une complicité culturelle probable avec son auditoire, car il s’agit du fameux verset d’Isaïe 7, 14-15 : Ecce virgo concipiet (…). Vocabitur nomen eius Emanuel. Butyrum et mel comedet. En ce cas, la place donnée au commentaire de ce verset dans les traités spirituels d’Hugues et plus tard de Richard26 implique une familiarité des chanoines avec l’usage de s’y référer pour célébrer la Nativité, ce qui dispensait le prédicateur d’en faire davantage. D’ailleurs, dans ce cas comme dans celui de la citation explicite du verset, le mouvement du développement est analogue, se déroulant méthodiquement, par étapes, pour proposer l’explication successive des membres implicitement découpés dans ce verset, avec le support de grappes d’autorités consonantes, rapprochées par le sens plus souvent que par les mots27. La minutie des commentaires semble grandir avec le temps : Gautier en tout cas y excelle, s’arrêtant parfois à chaque mot pour en scruter le sens28.
11D’autres types de construction se substituent ou se combinent à cette forme assez bien attestée, et renforcent le caractère scolaire plus que proprement rhétorique des sermons victorins, qui sont en tout cas aux antipodes des formes théâtrales présentes dans certains sermons de saint Bernard qui glissent du registre de l’exposé à celui des interpellations au Christ, ou à l’auditoire, ou à lui-même29. En particulier, la distinction du sens littéral ou historique et des sens spirituels est pratiquée, soit en microstructure, soit comme élément majeur de construction. À la fin d’un sermon pour le dimanche des Rameaux, Achard développe de manière discrète l’interprétation tropologique30 ; et dans un sermon d’Épiphanie, Gautier distingue selon un ordre délibéré, à propos des offrandes des mages qu’il ne commente pas au sens littéral, l’interprétation tropologique, puis allégorique31. On trouve aussi un usage courant de la typologie qui relie l’Ancien Testament au Nouveau, et de la sorte, fait voir des figures du Christ dans divers personnages de l’ancienne Loi, éventuellement avec le secours de l’interprétation des noms bibliques32. Plus rarement, l’attention se concentre sur un seul mot, qui appelle toute une série de distinctions : Achard, par exemple, dans un sermon sur la transfiguration, énumère toutes les transfigurations (ou défigurations), au sens littéral, que la chair du Christ a connues, puis, dans un deuxième mouvement, à consonance tropologique en quelque sorte, il considère les transfigurations successives par lesquelles l’homme doit passer33. On ne trouve guère, en revanche, ni chez Achard ni chez les autres prédicateurs, d’usages de la distinction comme microstructure du texte, à la différence de ce qui se pratique dans les mêmes années à Paris34.
12Une autre manière de développer consiste à substituer à l’exploration méthodique du sens d’un seul verset cité au début du sermon, des juxtapositions et des collages de morceaux successifs, explorant des passages distincts des Écritures, mais qui deviennent, sous le regard du prédicateur, coordonnés. Le premier des deux sermons d’Achard pour Pâques juxtapose ainsi le commentaire de plusieurs extraits signifiants de la liturgie : l’antienne de Pâques sur le jour nouveau Hec est dies quam fecit Dominus, exultemus et letemur in ea, l’épître de Paul (1 Co 5, 7) Expurgate vetus fermentum ut sitis nova conspersio, sur le vieux ferment à rejeter, et les lectures de l’office de la vigile pascale sur la célébration de la Pâque juive (Ex 12, 8-9), dont chaque prescription alimentaire appelle une interprétation spirituelle, allégorique et / ou tropologique35. De même, dans le sermon anonyme sur la croix36, le commentaire de la citation de Galates 6, 14 : Absit michi gloriari nisi in cruce domini nostri Iesu Christi per quem michi mundus crucifixus et ego mundo, est relayé par l’introduction et le commentaire de deux autres citations qui font référence à la croix : au paragraphe 6, le verset évangélique des synoptiques Qui vult venire post me, tollat crucem suam ; puis au paragraphe 8, un verset de l’épître aux Hébreux (12, 1-2) : Hoc tamen nobis propositum per patientiam curramus, aspicientes in auctorem fidei Iesum qui proposito gaudio sustinuit crucem contempta confusione, pour culminer au paragraphe 9 dans la métaphore de la cithare, signifiant le Christ en croix et les ultimes paroles qu’il y prononça.
13L’écho que pouvait rencontrer cette métaphore37, et d’autres comme celles du combat et des armes, culturellement familières aux auditeurs, quels qu’ils fussent, n’était certainement pas ignoré des prédicateurs victorins. Pour autant, le recours à la métaphore comme à un outil pédagogique et heuristique est, au total, rare dans leurs sermons38, à cet égard différents de ceux des moines cisterciens du même siècle (et en particulier de ceux de saint Bernard), et tout autant, des sermons des frères mendiants et des séculiers du xiiie siècle. Achard, cependant, fournit encore un bel exemple des ressources poétiques de la métaphore dans son sermon sur Augustin. Celui-ci s’ouvre paradoxalement sur l’expression de la coulpe du prédicateur, qui se décrit emporté par les « chevaux » de sa nature humaine viciée par le péché. L’image bientôt se précise : il s’agit du cheval rouge, du cheval noir et du cheval verdâtre de l’Apocalypse, ceux qui conduisent à la colère, à la gourmandise, et à l’hypocrisie. Ils l’ont mené, avoue-t-il, dans la « région de la dissemblance », celle précisément qu’Augustin a quittée dans sa conversion, comme le proclame le répons de l’office propre de sa fête, sur lequel est construite toute la fin du sermon39.
14De cette enquête sur les méthodes de traitement du texte de l’Écriture, qui ne peut ignorer les variations introduites par les choix individuels des prédicateurs, se dégage la tendance bien partagée à prolonger la lectio par le sermon, tendance peut-être accusée par le mode de transmission des textes. Il reste maintenant à appréhender de manière plus synthétique le regard porté par les prédicateurs victorins sur l’Écriture, et à tenter de discerner l’influence que leur prédication a pu exercer sur la façon de considérer l’Écriture à Saint-Victor.
15Les mots habituels par lesquels les prédicateurs désignent l’Écriture dans leurs sermons relèvent de deux champs sémantiques. Le plus attendu est celui du livre, et plus largement, de l’écrit, récapitulé dans la formule même de sacra Scriptura40 que concurrence sacra pagina. Des expressions consacrées par l’exégèse, comme loci scripturae, alimentent la même perception. Et parfois, les citations érigées en autorités la renforcent, comme celle de Rom 15, 4 qui déclare : Quecumque scripta sunt ad nostram doctrinam scripta sunt. Sans que l’on puisse savoir l’attention prêtée généralement à l’ordre des livres (d’autant que la Bible circule encore souvent en plusieurs volumes), il ressort des propos d’Achard que le dernier de ces livres, soit l’Apocalypse, fait sens, comme lieu privilégié de mémoire, et encore plus les derniers mots de ce dernier livre qui supplient : Veni, Domine Jesu. Il les a donc choisis à dessein comme thème d’un sermon d’Avent41. Le constat, d’ailleurs, a dû séduire Gautier, qui s’en empare dans un sermon de Purification, en le transformant : ces ultimes paroles du canon des Écritures portent la marque, à ses yeux, de la perfection accomplie de ceux qui vont à la rencontre du Christ42.
16L’autre champ sémantique est celui de la parole, en écho au nom même qui désigne la seconde personne de la Trinité, à la présence de ce Verbum dans la Révélation que portent les livres de l’Écriture, et à la continuation de la transmission orale de son message de salut par les prédicateurs. La conviction que la Révélation est une Parole vivante, autant et plus qu’un écrit, est consubstantielle au christianisme, et affleure en tous temps. Il n’est pas impossible qu’elle ait été confortée par la pratique même de la prédication, et par les formes d’expression qui s’y déploient. Il faudrait mener l’enquête dans toute l’œuvre des Victorins pour y vérifier la place du vocabulaire de l’oralité par rapport à celui de l’écrit dans la manière d’introduire les citations des autorités scripturaires. Dans la prédication, la formule « scriptum est » est rare, au regard des nombreux « dicit », « ait », « loquitur », et même « uerba », qui renvoient plus immédiatement à une communication par la voix, et non à celle qui dépend de l’encre et du parchemin. La conscience des enjeux propres à l’acte de communication est en même temps entretenue par ce que l’on pourrait appeler des « prothèmes » avant la lettre – je veux dire les réflexions, de plus en plus habituelles, qui s’étendent parfois sur plusieurs paragraphes au début du sermon, au sujet de la contrainte que représente l’office de prédication, ou de la réceptivité attendue des auditeurs à la parole qui leur est dispensée, ou des missions poursuivies dans l’acte de prêcher43. Au type du magister ou du doctor expert dans la pratique de la sacra pagina, se superpose dans le discours des prédicateurs celui du messager (nuntius) dont la figure typique est celle de l’ange, relayée par celle du légat, ou celle des deux témoins majeurs de l’Évangile dans leur prédication que furent saint Jean Baptiste et saint Paul44. De plus, la présence des mots de l’Écriture dans les prières, qui peuvent être, comme le Notre Père, directement issues des évangiles, ouvre un autre registre, celui des paroles entrées dans la mémoire et appropriées par tous les membres de la communauté, à force d’être dites et redites. Achard parle ainsi du « royaume que nous demandons quand nous disons : Adveniat regnum tuum45 ». Sans chercher à réduire la place faite au texte écrit, il faut bien reconnaître, en définitive, que le champ de l’oralité trouve son assise affermie dans la pratique de la prédication, comme le suggère aussi la prépondérance du lexique relatif à verbum dans les sermons.
17Un autre apport de la prédication réside dans son fort ancrage liturgique. La fréquence probable des sermons au chapitre a conduit les compilateurs à préserver un certain nombre de sermons valables en toutes circonstances, qu’on appellerait sans doute aujourd’hui sermons du temps ordinaire, et que les rubriques du xiie et du xiiie siècle désignent comme sermo communis. Mais la plupart des sermons sont, on l’a déjà dit, identifiés par la fête du temps liturgique qu’ils célèbrent, plus régulièrement même qu’ils ne sont attribués à un auteur dans les manuscrits. La fiabilité de ces identifications n’est pas toujours garantie. La mémoire des chants liturgiques propres à telle ou telle fête a pu abuser dans certains cas le compilateur. On le soupçonne au moins dans le cas d’un sermon construit sur le verset qui décrit la vision de l’échelle de Jacob46 : ce verset est incorporé à une antienne de la fête de la Dédicace, et c’est probablement la raison qui a conduit à rubriquer le texte dans certains manuscrits sous l’intitulé de « sermon pour la dédicace », alors que les propos du prédicateur laissent plutôt entendre qu’il s’agit d’un sermon de Toussaint47. Il est certain, en tout cas, que le regard sur les textes de l’Écriture peut être orienté par l’ordre spécifique dans lequel les péricopes découpées dans les textes du Nouveau Testament sont distribuées au cours de l’année dans les lectures de la messe, ainsi que par la relation établie au sein de la liturgie entre les mystères qui y sont célébrés et les passages de l’Écriture qui sont intégrés aux chants de l’office. Achard donne un témoignage manifeste de ce rôle de la liturgie dans son sermon de septuagésime consacré à la parabole des ouvriers de la vigne. Il y découvre la proximité thématique entre cette parabole et de celle du dimanche suivant (dimanche de la Sexagésime), qui est la parabole du semeur : il observe la même mise en scène du maître qui sort (exiit), et la complémentarité des lieux de production évoqués dans les deux textes, la vigne et le champ, qui sont essentiels à la nourriture des hommes. C’est l’occasion pour lui de s’interroger sur l’ordre paradoxal des actions du maître, plus prompt à donner à boire qu’à manger. Ce questionnement appelle aussitôt une explication qui distingue le temps de la loi et celui de la grâce, le temps de la nourriture qui étouffa Adam puis les Hébreux au désert, et celui de la sobre ivresse à laquelle sont conviés tous les baptisés48. À propos des chants de l’office, on a déjà évoqué le motif de la dissemblance, rapproché de l’expression évangélique in longinquam partem dans un sermon pour la fête de saint Augustin parce qu’il est chanté dans le répons de l’office de cette fête49. Dans d’autres cas, la célébration simultanée de plusieurs événements de l’histoire du salut le même jour, comme cela se produit lors de l’Épiphanie, induit le rapprochement de la méditation sur les miracles correspondants : celui de la venue des mages, celui du baptême du Christ, et celui de l’eau changée en vin à Cana50.
18Enfin, la liturgie qui s’inscrit concrètement dans le temps et l’espace porte dans ses cérémonies l’expression figurée de réalités et de démarches spirituelles par ailleurs présentes dans l’Écriture et dans les commentaires qui en sont proposés. De ce point de vue elle peut devenir un véritable lieu herméneutique. Aux yeux d’Achard51, la restauration de l’homme rendu à l’immortalité après son périple terrestre est figurée dans la fête de la dédicace, qui signifie la consécration à Dieu de l’homme, devenu sa tente ou son temple ; mais l’octave de cette fête prend sens à son tour, devenant en quelque sorte figure de l’annonce de la résurrection ultime des corps, à la fin des temps. Toujours selon Achard52, les processions qui se déroulent lors des fêtes majeures des Rameaux et de l’Ascension ont une portée symbolique qui les charge d’un sens spirituel équivalent et en résonance avec le sens des textes sacrés qui leur correspondent, pour l’une dans le registre de la réconciliation, et pour l’autre, dans celui du salut. Cette fois, on trouve l’écho amplifié de cette conception dans l’opuscule De tribus processionibus de Richard, qui considère aussi, avant les processions des Rameaux et de l’Ascension, la troisième procession de la Purification, et qui expose tout le déroulement de la vie spirituelle à partir de ces trois processions, certainement familières aux Victorins, dans un traité qui semble développer la matière de sermons qu’il avait d’abord prononcés53. Enfin, dans un sermon anonyme pour la fête de la dédicace, on trouve l’idée que certains des signes mentionnés dans le Nouveau Testament sont devenus palpables et visibles pour la société chrétienne, comme les croix sur les murs des églises qui signifient la charité dans ses quatre dimensions, et c’est de cette observation que part le développement du prédicateur sur ce qu’est la charité54. On ne saurait mieux rendre perceptible le dialogue entre l’Écriture et les réalités liturgiques – éventuellement traduites en images dans les lieux liturgiques –, que les prédicateurs victorins ont parfois pris l’initiative d’instaurer.
Conclusion
19Pour filer la métaphore du repas et de la nourriture, qui est souvent utilisée à propos de la lectio de l’Écriture sainte, je suggèrerais volontiers, pour conclure, que la prédication entrait dans la composition du menu. À ce titre, et bien que ses fonctions premières soient de remémorer le message de salut, ou d’affirmer les réalités de foi, ou de nourrir la dévotion, elle peut être considérée comme l’un des lieux spécifiques du développement de l’exégèse à Saint-Victor, un développement à la fois conforme aux pratiques du studium et distinct de celles-ci à la mesure du rôle joué par l’environnement liturgique où la prédication prenait place.
20Il faut aussi observer que cette prédication a été adressée principalement au monde clos et bien circonscrit de la communauté canoniale en quête de perfection et de contemplation, si l’on excepte les prises de parole de certains chanoines à l’occasion des synodes55, et malgré l’ouverture relative du chapitre à toute personne désireuse de venir y entendre la prédication. Toutefois la circulation de l’écrit a compensé les limites de l’audience et de la réception immédiate de cette prédication. D’une part, des extraits des recueils de sermons composés à Saint-Victor sont parvenus dans les bibliothèques de moines bénédictins et cisterciens et de clercs, entre le xiie et le xiiie siècle. D’autre part, l’influence de Richard de Saint-Victor sur Maurice de Sully est bien connue depuis l’édition de la version française des sermons de ce dernier par Alan Robson56. Les emprunts substantiels de l’évêque de Paris aux extraits du Liber exceptionum qui ont circulé sous le titre d’Allegorie in Vetus et Novum Testamentum ont acclimaté dans la prédication au peuple la méthode victorine de la distinction des sens, le sens historique d’abord, le sens spirituel ensuite57. Dans son manuel destiné aux curés du diocèse de Paris dans les années 1170, Maurice de Sully a systématiquement appliqué cette méthode à l’explication des péricopes évangéliques, dans des textes brefs, denses et efficaces, dont le succès a traversé les siècles. Le curé d’Ars, on le sait bien, en goûtait encore la saveur.
Notes de bas de page
1 Maître Maurice, sermon 6, dans Galterii a Sancto Victore et quorumdam aliorum sermones ineditos triginta sex, éd. Jean Châtillon, Turnhout, Brepols, 1975 (CCCM, 30), p. 226-231. Les sermons connus des Victorins sont répertoriés, pour la plupart, dans Johannes-Baptist Schneyer, Repertorium der Lateinischen Sermones des Mittelaters für die Zeit von 1150-1350, Münster-Westfalen, 1971-1990, 11 vol., vol. 1, p. 39-41, s.v. Achardus de Sancto Victore ; vol. 2, p. 118-119, s.v. Galterus de Sancto Victore, et p. 203-206, s.v. Gofedrifus de Britolio ; vol. 5, p. 162-170, s.v. Richardus de Sancto Victore. Dans cette étude, je me suis limitée aux sermons publiés, dans le volume qui vient d’être cité (sermons de Gautier et de quelques autres), et dans : Achard de Saint-Victor, Sermons inédits, éd. Jean Châtillon, Paris, Vrin, 1970. Outre ces remarquables éditions, on doit au même savant spécialiste de la production des chanoines de Saint-Victor une présentation lucide et substantielle des œuvres oratoires victorines : Jean Châtillon, « Sermons et prédicateurs victorins de la seconde moitié du xiie siècle », AHDLMA, 32, 1965, p. 7-60. Sur la pratique de la prédication à Saint-Victor, voir aussi J. Longère, « La fonction pastorale à Saint-Victor à la fin du xiie et au début du xiiie siècle », dans L’abbaye parisienne de Saint-Victor au Moyen Âge. Communications présentées au XIIIe colloque d’humanisme médiéval de Paris (1986-1988) et réunies par Jean Longère, Turnhout, Brepols, 191 (Bibliotheca victorina, 1), p. 293-300.
2 Jean Châtillon, éd. citée à la note précédente, introduction p. 197-200.
3 Jean Châtillon l’a noté dans son édition (ouvr. cité, voir n. 1), à la p. 226 ; voir Godescalc d’Orbais, De corpore et sanguine Domini, éd. Cyrille Lambot, Œuvres théologiques et grammaticales de Godescalc d’Orbais, Louvain, 1945, p. 327, l. 5-6 ; Pierre le Vénérable, Ep. 111, éd. Giles Constable, The Letters of Peter the Venerable, Cambridge Mass., 1967, t. I, p. 182 et 441, et Idem, Contra Petrobrusianos, 253, éd. James Fearns, CCCM 10, p. 149, l. 1-2.
4 Il comprend 167 lignes dans l’édition.
5 « Duae autem molae inter quas teritur et molitur simila est littera et spiritus. Inferior mola, quae in imo iacet, immobilis est, littera uilis et contempta, quia littera occidit si litteraliter accipiatur. Mola autem superior, quae mouetur, est spiritus, cuius motus in hoc notatur quod multipliciter exponitur, secundum allegoriam, tropologiam, anagogè. Quod autem grossius est a simila se cernitur cum littera a spirituali intelligentia separatur » (éd. citée n. 1, p. 229, l. 102-108).
6 Grégoire le Grand, Moralia in Iob, l. XXXIII, cap. 12, 24 (CCSL 143 B, éd. Marcus Adriaen) Turnhout, Brepols, 1980, p. 1694, l. 80-93 ; ce passage de Grégoire est cité dans la Glose ordinaire de Dt 24 : Biblia latina cum Glossa ordinaria. Facsimile Reprint of the Editio Princeps A. Rusch of Strasburg 1480/81, Turnhout, Brepols, 1992, t. I, 406 B.
7 On connaît la matière d’une partie des sermons de Richard grâce au Liber exceptionum où il les a utilisés. Voir ici : Liber exceptionum, secunda pars, lib. X, sermo undecimus, éd. Jean Châtillon, Paris, Vrin, 1958, p. 399, l. 35-41.
8 Ibidem, sermo sextus decimus, p. 406, l. 6-21 : « Queramus aratrum et ustensilia aratri (…). Rote scientiam duum significant Testamentorum : recte namque per rotas Testamenta figurantur, que quasi deorsum tangunt terram per historiam, et sursum levantur per allegoriam ; deorsum deponuntur per sensum carnalem, sursum levantur per sensum spiritualem ; deorsum per significantia, sursum per significata. »
9 L’image de l’eau dans le puits se trouve dans le sermon 6 de maître Maurice, éd. citée n. 1, p. 227, l. 36-40, et à la fin du sermon 3 de Gautier, dans une perspective d’accomplissement eschatologique (ibidem, p. 32, l. 193). À propos du champ de l’Écriture, voir par exemple Gautier, sermon 4, dans Galterii a Sancto Victore…, éd. citée, p. 36, l. 120-129.
10 Il en va ainsi du commentaire que Hugues de Saint-Victor nous a laissé de l’Ecclésiaste (PL 175, col. 113-256).
11 Sur la fonction de l’armarius à Saint-Victor, voir le Liber ordinis Sancti Victoris Parisiensis, cap. 19, De officio armarii, éd. Luc Jocqué et Ludo Milis (CCCM 61), Turnhout, Brepols, 1984, p. 82, l. 82-85. Sur les manuscrits de l’abbaye, voir Jean Châtillon, « Sermons et prédicateurs victorins », art. cité.
12 Achard, Sermons inédits, sermons 13 à 15, éd. citée, p. 139-243.
13 Liber exceptionum, secunda pars, lib. XI-XIV, éd. citée, p. 439-517.
14 Voir les éditions par Jean Châtillon, citées plus haut n. 1, des sermons d’Achard d’une part, de Gautier, de Maurice et de quelques prédicateurs anonymes d’autre part.
15 Liber ordinis, cap. 33, De hora capituli, éd. citée, p. 156, l. 51-54.
16 « Capitulum in quo nunc consistimus » : sermo 13 § 25, éd. citée p. 156-157.
17 Sermo in sollempnitate paschali II, dans Galterii a Sancto Victore…, éd. citée, p. 19-25. Très souvent, les emprunts aux épîtres de Paul sont des réminiscences intégrées au fil du discours.
18 Un comptage sommaire à l’aide de l’index locorum sacrae Scripturae dans l’édition donnée par Jean Châtillon des sermons de Gautier et de quelques autres Victorins (éd. citée, p. 293-318), donne pour l’Ancien Testament dix pages d’index, dont trois pour les citations des Psaumes ; et pour le Nouveau Testament, quatorze pages et demi, dont sept pour les épîtres, contre six pour les évangiles.
19 Sur cette manière de faire, voir Nicole Bériou, « Les sermons latins après 1200 », dans The Sermon, dir. Beverly Mayne Kienzle, Brepols, Turnhout, 2000 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, fasc. 81-83), spécialement aux p. 370-382.
20 Voir les derniers chapitres du Liber exceptionum. Le lien de ces exposés avec la performance oratoire est par ailleurs suggéré ici ou là ; par exemple dans : Secunda pars, lib. XII, cap. III, De duobus quorum unus assumetur, alter relinquitur, à la fin (éd. citée, p. 463, l. 30-31) : « Videat modo quisque quomodo sit, et talem se faciat ut debeat assumi, non relinqui. »
21 Sermo de vinea Domini excolenda, éd. citée, sermon 10, p. 109-114.
22 Sermon in quadragesima, sur Ductus est Iesus in desertum, éd. citée p. 199-243.
23 Par exemple, Gautier, sermon 6, pour la Purification, sur le thème Sint lumbi vestri precincti (Lc 12, 35-36), éd. p. 47-56 ; sermon 7, pour l’Épiphanie, sur le thème Hic est filius meus, ipsum audite (antienne inspirée des récits évangéliques du baptême du Christ), éd. p. 57-62 ; sermon anonyme 3 pour la dédicace sur le thème Vidit Iacob in sompnium scalam (Gn 28, 12 et antienne de la dédicace), éd. p. 245-249 ; sermon anonyme 8 (sermo communis) sur le thème Ego sum via, veritas et vita (Io 14, 6), éd. p. 283-290.
24 Une fois sur deux, les sermons de Godefroid copiés dans le ms. Paris, Mazarine 1002 s’ouvrent sur un verset thématique ; dans celui de Paris, BnF, lat. 14515, c’est le cas pour tous. Sur la tradition manuscrite de ses sermons, voir Philippe Delhaye, « Les sermons de Godefroy de Saint-Victor. Leur tradition manuscrite », Revue de Théologie ancienne et médiévale, 21, 1954, p. 194-210.
25 Par exemple, d’Achard à Gautier, comme l’observe Jean Châtillon dans son introduction à l’édition des sermons de Gautier (ouvr. cité, p. 9), et dans les notes de cette édition ; d’Achard, sermon 9, à l’auteur anonyme du sermon sur Augustin (anonyme, sermon 7, éd. p. 276-282), sur le thème de la région de dissemblance.
26 Hugues, De cibo Emmanuelis : voir PL 177, col. 477-481 ; Richard, De Emanuele, PL 196, col. 601-666.
27 Par exemple Achard, sermon 1 (In Natale, sur Is. 7, 14-15) et sermon 2 (In dedicatione, sur Ps 18, 6, In sole posuit tabernaculum suum et ipse tanquam sponsus procedet de thalamo suo), éd. citée, p. 24-35 et 37-41; Gautier, sermon 6 sur le thème Sint lumbi vestri precincti (Lc 12, 35-36) pour la Purification, éd. p. 47-56 : le plan de ce dernier sermon envisage successivement la purification, la lumière, et l’attente du Seigneur ; ensuite, il introduit l’image de mémoire empruntée à la description du Temple d’Ezéchiel qui permet au prédicateur de récapituler les trois éléments du propos qu’il vient de développer ; on notera en particulier, dans cette description, la mention aux l. 255-267 du chérubin à deux faces (d’homme et de lion), regardant l’une et l’autre vers les palmes (d’après Ez 41, 18-19, la palme signifie le triomphe de la récompense éternelle).
28 Ainsi, dans le sermon 12, pour Noël, éd. p. 104-114 (les mots en italiques font l’objet de commentaires suivis) : Verbum caro factum est et habitavit in nobis et vidimus gloriam eius, gloriam quasi unigeniti a Patre plenum gratie et veritatis ; voir aussi le sermon anonyme 2 de dédicace (éd. p. 245-249) : Vidit Iacob in sompnis scalam stantem super terram, angelosque Dei descendentes et ascendentes per eam et cacumen eius celos tangere videbatur.
29 Voir par exemple son deuxième sermon pour l’Ascension (Sancti Bernardi Opera, éd. Jean Leclercq, Henri Rochais, Guido Hendrix, Rome, Ed. Cistercienses, 1958-1997, vol. 5, 1968, p. 126-131), et le commentaire qui en est donné par Beverly Mayne Kienzle, « The Twelfth-Century Monastic Sermon », dans The Sermon, ouvr. cité, p. 312-317.
30 Achard, sermon 5, éd. citée p. 67-72 (§ 5, p. 72).
31 Gautier, sermon 4, éd. citée p. 33-39, § 4-7.
32 Maurice, sermon 2 : Gedeon, i.e. in utero circuiens ; Samson, i.e. sol eorum (éd. p. 205-210, § 6 et 7).
33 Sermon 12, éd. p. 122-130.
34 Voir, pour un exemple de l’usage magistral de la distinction à Paris au dernier tiers du xiie siècle, le traitement de la triple vocation dans le sermon de Pierre Comestor sur le thème Ex aegipto uocaui filium meum (Os 11, 1), présenté par Marc Zier, dans The Sermon, dir. Beverly Kienzle, ouvr. cité, p. 352-362. Sur la distinction comme microstructure d’exégèse, voir aussi Gilbert Dahan, L’exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval (xiie-xvie siècle), Paris, Cerf, 1999 (Patrimoine. Christianisme), p. 134-138.
35 Achard, sermon 4, p. 54-65.
36 Anonyme, sermon 3, p. 250-255.
37 Sur ce point, je me permets de renvoyer à Nicole Bériou, « Les instruments de musique dans l’imaginaire des prédicateurs », dans Les représentations de la musique au Moyen Âge. Actes du colloque organisé à Paris, Cité de la Musique, avril 2004, par Martine Clouzot, Christine Laloue et Isabelle Marchesin, Paris, Musée de la Musique, 2005, p. 108-119.
38 On les trouve davantage dans les sermons développés en traités, tels ceux d’Achard (sermons 13 à 15).
39 Sermon 9, p. 101-107.
40 Gautier distingue aussi la Scriptura Novi Testamenti (sermon 3, p. 27, l. 25-26). La recherche lexicale dans les sermons est facilitée par l’excellent Index verborum et locutionum notabilium confectionné par Jean Châtillon en accompagnement de son édition.
41 Achard, sermon 3, p. 42-52.
42 Gautier, sermon 6, p. 54, l. 239-244.
43 Par exemple, chez Gautier, dans le sermon 7, p. 57, une seconde citation, assortie d’un commentaire en relation avec l’expérience de la prédication, est introduite après le verset thématique ; il s’agit de Jc 1, 19 : Sit omnis homo velox ad audiendum, tardus ad loquendum. Voir aussi le sermon 12, p. 104, et le sermon 18, p. 150-152 : ce dernier s’ouvre sur un long développement à propos de la position insupportable du prédicateur pris entre les reproches qui lui viennent d’autrui et son orgueil personnel, suivi du rappel qu’il est de son devoir de faire aux autres le reproche de leurs péchés, et qu’à ce titre, il doit aussi porter un bon témoignage et faire preuve d’autorité. À plusieurs reprises, on trouve par ailleurs chez Achard une amorce de réflexion, au début de son sermon, sur son indignité (ainsi dans les sermons 9, 13, et 14), qui pourrait toutefois relever davantage d’une pratique rhétorique que de l’invention de la pratique du prothème.
44 Gautier, sermon 21, p. 177, introduit une invocation afin d’être illuminé et enflammé par Dieu, à l’image des anges messagers et légats du Verbe divin ; puis il appelle ses auditeurs à unir en chacun d’eux la science dans sa plénitude et la ferveur de la charité, à l’image de Jean et de Paul, dont il leur faut désormais scruter les paroles (le thème du sermon est tiré de l’épître aux Galates), et singulièrement, à propos de Paul, parce qu’il vient du troisième ciel.
45 Achard, sermon 3, p. 43.
46 Sermon anonyme 2, p. 245-249.
47 Voir en particulier p. 248, § 6, l. 117-119 : « Per cacumen scalae triumphans designatur Ecclesia, cuius hodierna die Ecclesia quae militans est natalitia colit » (c’est moi qui souligne).
48 Achard, sermon 10, p. 109-110.
49 Sermon 9, p. 101-107 : voir plus haut, note 39.
50 Gautier, sermon 4, éd. citée p. 33-39.
51 Achard, sermon 2 pour la dédicace, éd. citée p. 37-41.
52 Achard, sermon 11 pour les Rameaux, éd. citée p. 116-120.
53 Voir Richard de Saint-Victor, Sermons et opuscules inédits. Tome I : l’édit d’Alexandre ou les trois processions. Texte latin, introduction et notes de Jean Châtillon et Walter-John Tulloch, trad. fr. de Joseph Barthélemy, Paris, Desclée de Brouwer, 1951.
54 Anonyme, sermon 6, in dedicatione, p. 270-275, l. 62-76.
55 Par exemple Richard (comme cela est attesté dans le Liber exceptionum). Je n’en ai pas tenu compte ici.
56 Sur cette influence, voir Jean Châtillon, introduction à l’édition critique du Liber exceptionum, ouvr. cité, p. 86. L’édition de référence pour la version française des sermons de Maurice de Sully est : Charles Alan Robson, Maurice de Sully and the medieval vernacular Homily, Oxford, B. Blackwell, 1952.
57 Principalement, chez Maurice de Sully, dans l’exposé du sens tropologique, et moins systématiquement, allégorique.
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