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Avant-propos

p. 11-18


Texte intégral

1Bien que les paroles des prédicateurs de jadis ne se soient pas toutes envolées, elles échappent en partie à l’historien qui s’interroge sur les modes de communication du message religieux en d’autres temps que le sien.

2Dans toute la période médiévale, les sermons modèles constituent de loin la masse documentaire la plus abondante. Certains recueils, proches de la prédication effective et appréciés très tôt, ont résisté à l’usure du temps : par exemple, les sermons de Césaire d’Arles au peuple, ou les Homélies de Grégoire le Grand sur les évangiles lus le dimanche à la messe. Les pasteurs qui savaient les ressources limitées des clercs en charge d’âmes en ont recommandé l’usage. Il s’est fortement répandu à l’époque carolingienne, et leur présence dans beaucoup de bibliothèques atteste que leur audience n’a pas faibli durant des siècles. Cependant, ces collections offraient un enseignement daté, dans la forme et le fond. Écrits dans une langue encore proche du latin classique, les textes qu’ils contenaient ne se prêtaient pas aisément à la traduction immédiate dans les langues vernaculaires qui s’imposèrent comme langue de communication, un peu partout en Europe, dans les derniers siècles du premier millénaire de notre ère1. Certes, on reconnaissait toujours la qualité et la richesse de leur enseignement, et l’ordonnance du temps liturgique auquel ils se conformaient en facilitait l’usage. Au début du xiiie siècle encore, le pape Innocent III décida, un jour où l’évangile racontait la conversion de Marie Madeleine en larmes aux pieds de Jésus, de suivre à la lettre l’homélie de Grégoire sur cet évangile en se contentant de la traduire : c’était une manière de mettre en garde ceux qui regardaient ces anciens textes avec un brin de condescendance2.

3Cependant la manière d’aborder les textes de l’Écriture et d’en distiller le message dans la prédication avait alors changé. Dès le xie siècle, la parole ardente des ermites qui se faisait davantage entendre faisait retentir des exhortations évangéliques à la conversion et au changement de vie qu’ils avaient eux-mêmes expérimentés. Les textes hagiographiques écrits à leur sujet en gardent la mémoire. Mais de leur parole de prédication il ne reste quasiment rien, en dehors du constat de la fascination qu’elle exerçait sur leurs auditoires3. Le travail sur la Bible, fortement renouvelé au xiie siècle dans les écoles cathédrales4, et aussi dans certaines communautés canoniales5, scrutait le sens des mots, et privilégiait les interrogations transversales de tout le texte sacré. Les exégètes savouraient les enseignements de l’Écriture en confrontant les passages où les mêmes mots se chargeaient, de l’un à l’autre, d’une richesse insoupçonnée de sens. À terme, il devenait possible de parler d’abondance en organisant le propos autour d’un ou deux mots de l’Écriture, grâce à la technique de la distinction des sens dont les mots se chargeaient selon le contexte des versets qui les contenaient6. De la sorte, on faisait prévaloir le commentaire structuré des mots sur la recherche des niveaux de sens des récits bibliques, telle que les Pères, jadis, l’avaient pratiquée volontiers.

4En quelques générations, la mutation de la forme du sermon, évoluant vers le « sermon moderne », fit naître le besoin de nouveaux modèles. À Paris, la précocité du renouveau intellectuel facilita leur éclosion. Prédicateurs assidus au sein de leur communauté et auprès des étudiants, les chanoines de Saint-Victor7 s’illustrèrent dans cette production, et de même les chanoines de l’école cathédrale, illustrée par des personnalités de l’envergure de Pierre le Mangeur8, puis de Pierre le Chantre9. Dans les premières années du xiiie siècle, les intuitions évangéliques de François et de Dominique, accueillies par leurs premiers disciples, se traduisirent aussi par un nouvel élan de la prédication. Les frères prêcheurs d’abord, les frères Mineurs ensuite furent bientôt les plus actifs dans le domaine de la production de recueils de sermons modèles. L’épicentre de la diffusion fut aussi le milieu parisien10, et ils connurent un succès prodigieux, gagnant toute l’Europe où le réseau des couvents établis par les frères contribua massivement à leur circulation.

5Le classement des textes demeurait, en règle générale, celui du calendrier liturgique. Certains auteurs cependant, alors que la prédication devenait un mode privilégié d’enseignement et d’encadrement des fidèles, ont aussi tenu compte des catégories d’hommes et de femmes à qui devait s’adresser cette prédication, et des circonstances particulières de la vie sociale et religieuse qui pouvaient donner aux prédicateurs l’occasion de prendre la parole. Ils ont pour cela composé les fameuses collections dites ad status, où se côtoient des sermons aux chevaliers, aux marchands, aux paysans, aux femmes mariées… et même aux lépreux11. D’autres sermons s’y ajoutèrent, adaptés aux circonstances (de diversis casibus) : pour les synodes, les élections épiscopales, les mariages, les départs en pèlerinage, les funérailles, parmi d’autres. Eudes de Châteauroux, en particulier au temps où il était cardinal (1244-1273), a gardé la trace de sermons qu’il a donnés dans de multiples circonstances et des lieux divers, très souvent indiqués dans les titres des copies manuscrites12. L’examen de tous ces textes, de préférence considérés en de vastes ensembles documentaires, permet de discerner le projet de dissémination du message religieux qui a surgi d’un temps où l’Église latine était ébranlée par de violents mouvements de contestation et de dissidence13, et d’analyser les procédés mis en œuvre à cet effet.

6Entre la prescription et ses applications, toutefois, un écart existe toujours. Comment se passait, en réalité, la prédication ordinaire ? Qui fréquentait les sermons ? Que retenaient les prédicateurs de leurs modèles quand ils prêchaient, que disaient-ils et comment le disaient-ils ? Quelle pouvait être, enfin, l’audience de leurs propos ? Seuls les témoignages sur la prédication effective sont susceptibles de fournir quelques réponses à ces questions d’historien.

7À des titres divers, l’apport des chroniques et celui des images qui décrivent des scènes de prédication au xiiie siècle sont, de ce point de vue, partiellement décevants. Les premières ne s’intéressent pas à la banalité du quotidien, mais à l’événement qui la rompt14. Les secondes reconstruisent le réel et sont, d’une certaine manière, des prédications muettes à elles seules, dont le sens peut nous échapper, tant les circonstances de la production des peintures monumentales, des sculptures dans les églises et des enluminures des livres manuscrits présentent des contours indécis15.

8Les traces écrites de la prédication effective nous préservent en revanche de la perte irrémédiable des paroles un jour prononcées mais bien souvent vouées à l’oubli. Les prédicateurs nous les ont quelquefois livrées, presque malgré eux, dans des brouillons préparatoires autographes qui étaient destinés à leur usage privé. Certains d’entre eux se sont employés à revoir ce qu’ils avaient dit pour en retenir dans un second temps ce qui leur semblait utile, dans une rédaction plus soignée que celle d’un simple brouillon. De la parole proférée à sa mise par écrit, tous les remaniements étaient possibles, en vue de la diffusion plus large et plus durable que l’écrit autorise. Cependant les recueils de modèles s’appuyaient sur l’expérience de leur auteur pour accompagner l’apprentissage de la prédication. Des textes de longueur raisonnable, en latin ou en langue vernaculaire, furent par ailleurs compilés en réponse aux attentes des clercs et des laïcs – souvent des femmes, moniales ou béguines – en quête de support de leurs méditations pieuses16.

9À ces témoignages produits par les prédicateurs se sont ajoutées, à partir du xiiie siècle, les notes prises par certains de leurs auditeurs. À la différence des secrétaires de saint Bernard17, ils le faisaient de moins en moins au profit des orateurs qui avaient conçu le projet de rédiger la version écrite de leur prédication, et de plus en plus pour eux-mêmes. Le caractère privé de ces notes les vouait dans bien des cas à la perte ou à la destruction. Celles qui ont été préservées sont d’autant plus précieuses à nos yeux.

10Ces notes d’auditeurs ou « reportations » sont, au xiiie siècle, une production parisienne, due aux étudiants en théologie qui se fournissaient de la sorte en modèles, au lieu d’acquérir les recueils tout faits mis en vente chez les libraires, ou d’en confectionner des copies en louant l’un après l’autre les cahiers de ces recueils18. Elles sont rédigées dans une langue utilitaire, où le latin est envahi de mots et de tournures de la langue vulgaire. Fruits de l’activité d’auditeurs souvent anonymes, elles constituent les documents les plus proches de la prédication effective, au premier degré de la réception du message des prédicateurs. Cependant, elles ne sont pas l’enregistrement intégral de ce qui fut dit, ni le reportage délibéré de l’événement que chaque prise de parole est susceptible de constituer. Elles exigent, au plus haut degré, d’être considérées d’un œil critique et averti, afin d’évaluer le plus précisément possible la teneur de leur témoignage19.

11Les travaux réunis dans ce volume ont répondu en leur temps, sous la forme de recherches menées en ordre dispersé, à la préoccupation constante de l’analyse critique de ces reportations. Variablement attestée dans le temps long de l’histoire, la nouveauté de cette pratique, notamment dans le contexte parisien du xiiie siècle, fait l’objet de la première partie. On y trouvera d’abord un éclairage sur les manières de procéder pour capter la parole et la préserver, en confrontant, quand cela est possible, soit le témoignage convergent de plusieurs reportateurs écoutant le même sermon, soit un brouillon de prédicateur et les notes de l’un de ses auditeurs. À cela s’ajoute le bilinguisme : à Paris au xiiie siècle, les notes, prises par des clercs, sont en latin, alors que les sermons ont été prononcés en langue vernaculaire – ou plus précisément, ces témoignages sur la prédication effective sont préservés dans une langue hybride qui laisse affleurer la langue de la performance orale. Indirectement, les réflexions qui accompagnent les recueils de modèles dans leurs prologues éclairent aussi l’activité des reportateurs en fonction d’intentions partagées. On y discerne l’omniprésence, dans le milieu des clercs auquel auteurs et reportateurs appartiennent, de la référence à l’Écriture ; assez souvent, ces prologues commencent même, à la manière des sermons, par la citation commentée d’un verset biblique.

12La légitimité des paroles des prédicateurs suppose d’ailleurs qu’elles s’appuient sur l’autorité par excellence que détient l’Écriture aux yeux des clercs et des simples gens. Les Arts de prêcher y insistent, quand ils déclinent les méthodes de persuasion avec lesquelles les prédicateurs doivent se familiariser. La deuxième partie de ce livre, consacrée aux « autorités » et à leurs usages, met d’abord l’accent sur cette prééminence, dans une double enquête. Elle prend comme premier angle d’attaque le cœur du message religieux, véhiculé à partir des textes évangéliques et plus largement, du Nouveau Testament. Vient ensuite un éclairage plus spécifique, portant sur la présence de l’autorité biblique dans les sermons des chanoines Victorins, rompus à la connaissance de toute l’Écriture par leur activité exégétique soutenue. En contrepoint, il est nécessaire de prendre aussi la mesure de la Tradition, constituée et véhiculée dans l’Église par la parole des Pères. Sur ce plan, la recherche que j’ai menée en collaboration avec Martin Morard nous a permis de baliser dans le temps long de plusieurs siècles l’audience des Pères. L’autorité qui leur était reconnue était celle de « docteurs », dont les quatre plus fameux parmi les Pères latins (Ambroise, Augustin, Jérôme et Grégoire) feront finalement l’objet, au xive siècle, d’une distinction particulière, attestée par la fondation de la fête liturgique qui leur est dédiée. L’autorité doctrinale des maîtres contemporains des prédicateurs, cependant, n’est pas négligeable, et dans certains cas, elle va de pair avec l’attention du prédicateur à des questions d’actualité. L’allègement possible de la souffrance des âmes en enfer par les prières des vivants est ainsi une préoccupation forte de Federico Visconti, archevêque de Pise au troisième quart du xiiie siècle. Il revient à plusieurs reprises sur cette question dans sa prédication, puisant ses arguments dans l’enseignement doctrinal d’Hugues de Saint-Cher. Or, c’est à Paris que Federico Visconti s’est longuement initié à la théologie. Il y avait suivi les leçons de ce frère Prêcheur, et pris l’habitude de se référer à ses œuvres majeures : les Postilles sur toute la Bible, dont le frère avait orchestré la composition au couvent de Saint-Jacques, et le Commentaire des Sentences de Pierre Lombard, un exercice que Hugues est l’un des premiers maîtres parisiens à avoir pratiqué. L’une et l’autre sont devenues les instruments de travail les plus exploités par Federico Visconti pour donner autorité à sa prédication pisane. Enfin, si la structure des sermons modernes ne peut se passer de ce double réseau d’autorités et si leur enseignement s’enrichit quelquefois des débats les plus contemporains, les prédicateurs savent la nécessité de maîtriser en même temps l’art de la persuasion. Il est ici observé par le menu à partir d’un sermon modèle du frère Mineur Jean de La Rochelle, expert dans la combinaison adroite de la culture savante et de celle, construite dans l’expérience du quotidien, que les prédicateurs partagent avec ceux qui écoutent leurs sermons. L’équilibre dans l’usage des ressources fait la part belle, à côté des citations d’autorités, aux comparaisons et métaphores, aux proverbes et aux exempla. Cet art de la composition est même le fondement de l’esthétique à laquelle les prédicateurs aspirent d’atteindre, afin de mieux faire pénétrer leur message dans les mémoires de tous20.

13La troisième et dernière partie de ce livre est alors conçue comme un observatoire, sur quatre siècles, des prédicateurs et de leurs auditoires dans divers lieux parisiens. Dans la documentation disponible, celle qui concerne Saint-Germain-des-Prés cumule les apports des textes d’auteurs, représentés par le recueil des sermons d’Abbon, moine à Saint-Germain-des-Prés au xe siècle, et des reportations de sermons donnés par des clercs séculiers de renom, comme Thomas de Chobham et Philippe le Chancelier au début du xiiisiècle. Pendant tout le xiiisiècle, les reportations parisiennes constituent ensuite une mine documentaire continue. Toutefois, il importe de les confronter à ce que nous apprennent les recueils de modèles qui entrent dans la panoplie des instruments de travail de tous les prédicateurs à cette époque. On trouvera ici un exemple de ces outils avec les deux recueils de sermons modèles composés à Paris sur la base de son expérience de prédicateur par Gérard de Mailly, un frère Prêcheur dont le prénom fut malmené par la postérité (il est connu sous le nom de Guillaume de Mailly). Ces modèles ont connu un très grand succès, attesté par leur diffusion manuscrite, et ils ont même encore séduit au xvsiècle les Lollards, disciples de John Wyclif, qui y appréciaient la place prépondérante réservée à la Bible.

14De la fin du xiie à la fin du xiiie siècle, deux dossiers consistants illustrent pour finir la richesse de la source constituée par les reportations parisiennes. C’est par elles que nous connaissons les prises de parole d’Étienne Langton, maître à Paris pendant une trentaine d’années, au tournant des xiie et xiiie siècles, avant de rentrer en Angleterre comme archevêque de Canterbury. On peut déjà y observer un art de prêcher maîtrisé avec vigueur, comme l’avait pressenti Phyllis Roberts dans l’étude pionnière qu’elle a consacrée aux sermons d’Étienne. On peut également, par ce dossier, se convaincre de la richesse documentaire des reportations, qui transmettent souvent la parole du maître prédicateur sous la forme de notes simultanées de plusieurs auditeurs écoutant le même sermon. L’autre dossier exceptionnel, formé par les deux recueils complémentaires conservés à la Bibliothèque nationale de France sous les cotes Latin 16481-16482, a été élaboré une bonne soixantaine d’années plus tard, dans les années 70 du xiiie siècle, à l’initiative de Raoul de Châteauroux, un étudiant en théologie résidant au collège de Sorbonne. Les deux derniers chapitres de cette troisième partie lui sont consacrés21. L’un révèle l’art oratoire d’un chanoine de Notre-Dame qui allait bientôt succéder à Étienne Tempier sur la chaire de l’évêque de Paris. Devant des auditoires très divers, Ranulphe de La Houblonnière fait preuve d’un savoir-faire ajusté aux circonstances de ses prises de parole, dont la variété ressort du témoignage attentif de son auditeur, Raoul de Châteauroux, qui faisait son apprentissage à l’écoute des sermons parisiens. L’autre chapitre prend comme point de référence le grand béguinage que le roi saint Louis avait établi à Paris vers 1260, à peu près en même temps que Robert de Sorbon fondait, avec le soutien du même roi, le collège qui porte son nom. Les cinquante-sept sermons au béguinage pris en notes et conservés dans les manuscrits Latin 16481-16482 représentent à eux seuls un bon quart de la prédication parisienne de 1272-1273 documentée par les deux manuscrits de Raoul de Châteauroux. Des travaux récents ont mis en lumière les liens étroits que les deux institutions ont noués d’emblée, dès le moment de leur fondation22, conformément à la volonté de Robert de Sorbon. Celui-ci avait discerné l’exemplarité de l’expérience religieuse des femmes vivant au béguinage, au point de se déclarer « béguin » dans l’un de ses sermons et de recommander leur mode de vie aux étudiants en théologie vivant dans son collège. La riche série des sermons notés par Raoul de Châteauroux dans la chapelle des béguines tout au long de l’année liturgique corrobore l’existence de ces liens, peu avant la mort de Robert en 1274. Elle donne en même temps un aperçu éclairant de la prédication effective des maîtres séculiers, des chanoines réguliers et des frères mendiants qui se partagèrent les prises de parole en ce lieu représentatif de la prédication parisienne au dernier tiers du xiiie siècle.

Notes de bas de page

1 Sur l’évolution des langues, voir Michel Banniard, Viva voce. Communication écrite et communication orale du ive au ixe siècle en Occident latin, Paris, Institut d’Études augustiniennes, 1992 ; sur l’offensive carolingienne pour la prédication dans la langue du peuple, Michel Zink, « La prédication en langues vernaculaires », dans Le Moyen Âge et la Bible, sous la direction de Pierre Riché et Guy Lobrichon, Paris, Beauchesne, 1984, p. 489-516.

2 Humbert de Romans, De eruditione predicatorum, I, 7, dans B. Humberti de Romanis Opera de vita regulari, éd. Joachim Joseph Berthier, vol. II, Rome, 1889, p. 397.

3 Voir Patrick Henriet, « Verbum Dei disseminando. La parole des ermites prédicateurs d’après les sources hagiographiques (xie-xiie siècles) », dans La parole du prédicateur (ve-xve siècle). Études réunies par Rosa Maria Dessì et Michel Lauwers, Turnhout, Brepols (Collection du Centre d’études médiévales de Nice, vol. 1), 1997, p. 153-185.

4 Entre autres, dans l’école de Laon (voir Cédric Giraud, Per verba magistri. Anselme de Laon et son école au xiie siècle, Turnhout, Brepols (Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen Âge, 8), 2010, mais aussi dans celles de Liège et des sièges cathédraux d’Allemagne (voir Stephen Jaeger, The Envy of Angels: Cathedral Schools and European Social Ideals, 950-1200, Philadelphia: Univ. of Pennsylvania Press, 1994) et de Lincoln en Angleterre (voir Joseph Goering, William de Montibus (c. 1140-1213). The Schools and the Literature of Pastoral Care, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies [Studies and Texts, 108] 1992).

5 Notamment dans celles de Saint-Ruf et de Prémontré, à l’origine de réseaux de nouvelles fondations sur de vastes espaces, en France du Sud et Catalogne d’une part, en France du Nord et Allemagne de l’autre. Voir en général : Les chanoines réguliers : émergence et expansion (xie-xiiie s.), Actes du sixième colloque international du CERCOR, Le-Puy-en-Velay, 2006, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2009.

6 Une base de connaissances consacrée à ces distinctions est en cours d’alimentation et de développement sur internet, sous le nom de Distinguo : voir Marjorie Burghart, « Distinguo : projet de base de connaissances sur les distinctiones médiévales », dans Retravailler la Bible. Instruments herméneutiques et transmission du savoir religieux au Moyen Âge, Paris, nov. 2015 (halshs-01985736).

7 Jean Châtillon a consacré à la production de cette école, notamment dans le domaine de la prédication, une grande partie de ses travaux. Voir aussi : L’école de Saint-Victor de Paris. Influence et rayonnement du Moyen Âge à l’époque moderne, Colloque international du CNRS pour le neuvième centenaire de la fondation (1108-2008) organisé par Patrick Gautier Dalché, Cédric Giraud, Luc Jocqué, Dominique Poirel et Patrice Sicard, Actes réunis par Dominique Poirel, Turnhout, Brepols, 2010 (« Bibliotheca Victorina », XXII).

8 Voir en dernier lieu Pierre le Mangeur ou Pierre de Troyes, maître du xiie siècle, études réunies par Gilbert Dahan, Turnhout, Brepols (Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen Âge 12), 2013.

9 Voir surtout les travaux de John Baldwin, dont sa thèse, fondamentale : Masters, Princes and Merchants. The Social Views of Peter the Chanter and his Circle, Princeton University Press, 1970, 2 vol. Pour une mise au point sur la tradition plurielle de son ouvrage le plus diffusé, le Verbum abbreviatum (connu en trois versions différentes qui ont récemment fait l’objet d’une édition critique par Monique Boutry, CCCM 196, 196 A et 196B), voir Nicole Bériou, « Au commencement il y eut Paris. De l’enseignement de Pierre le Chantre aux canons du Concile de Latran IV », dans Il Lateranense IV. Le ragioni di un concilio. Atti del LIII Convegno internazionale (Todi, 2016), Spoleto, Centro italiano di Studi sull’Alto Medioevo, 2017, p. 21-44. Le recueil de ses Distinctiones a été aussi depuis peu édité par Stephen A. Barney dans le CCCM, vol. 288 et 288A, Turnhout, Brepols, 2020, 2 vol.

10 Voir David d’Avray, The Preaching of the Friars. Sermons diffused from Paris before 1300, Oxford, Clarendon Press, 1985.

11 Sur les sermons aux lépreux (avec édition des textes), voir Nicole Bériou et François-Olivier Touati, Voluntate Dei leprosus. Les lépreux entre conversion et exclusion aux xiie et xiiie siècles, Spoleto, 1991 (Testi, Studi, Strumenti, 4). Ils font partie des trois grandes collections composées au xiiie siècle, respectivement par Jacques de Vitry, Humbert de Romans, et Guibert de Tournai, dans lesquelles la liste des auditoires est beaucoup plus riche que les listes anciennes héritées de Grégoire le Grand dans la troisième partie de son Liber Pastoralis, puis d’Honorius Augustodunensis dans son Sermo generalis et d’Alain de Lille dans son Ars predicandi. Le P. Jean Longère a donné une édition critique des trente-six premiers sermones vulgares vel ad status de Jacques de Vitry, CCCM 255, Turnhout, Brepols, 2013. Ceux de Guibert de Tournai ont fait l’objet de la thèse de doctorat de Marjorie Burghart soutenue à Lyon (Université Lumière Lyon 2) en 2013 sous l’intitulé : « Remploi textuel, invention et art de la mémoire : Les Sermones ad status du franciscain Guibert de Tournai († 1284), actuellement sous presse à l’École française de Rome.

12 Voir Fortunato Iozzelli, Odo da Châteauroux. Politica e religione nei sermoni inediti, Padova, Bottega d’Erasmo, 1994 ; Alexis Charansonnet, L’Université, l’Église et l’État dans les sermons du cardinal Eudes de Châteauroux (1190?-1273), thèse soutenue à l’université Lumière Lyon 2 en 2001, 3 vol.

13 Sur le cas particulier du Midi de la France, voir La prédication en Pays d’Oc (xiie-début xve siècle), Toulouse, Privat, 1997 (Cahiers de Fanjeaux 32) ; Le « catharisme » en questions, sous la direction de Jean-Louis Biget, Sylvie Caucanas, Michelle Fournié et Daniel Le Blévec, Centre d’études historiques de Fanjeaux, 2020 (Cahiers de Fanjeaux 55) ; et Jean-Louis Biget, Église, dissidence et société dans l’Occitanie médiévale, études réunies par Julien Théry, CIHAM-Éditions, Lyon-Avignon, 2020. À propos des pays du Nord, voir Franco Morenzoni, « Les sermons contra haereticos du cardinal Eudes de Châteauroux († 1273) », Sacris Erudiri, 54, 2015, p. 265-408).

14 Sur la difficulté à conjoindre les témoignages des chroniques et des recueils de sermons, voir l’introduction de David d’Avray au recueil d’une sélection de nos articles, publié sous le titre : Modern questions about Medieval Sermons. Essays on Marriage, Death, History and Sanctity, Spoleto, Centro italiano di Studi sull’Alto Medioevo, 1994.

15 À propos des chapiteaux romans, voir par exemple les questions soulevées par Neil Stratford dans son article : « Cluny and Vézelay. The Paradox of the Romanesque Capital in Burgundy », Revue Mabillon, nouvelle série, 30 (t. 91), 2019, p. 5-36.

16 Ce dernier type de textes est notamment présent dans les recueils de sermons en français : voir Michel Zink, La prédication en langue romane avant 1300, Paris, Honoré Champion, 1976 (²1983).

17 Voir à leur sujet dom Jean Leclercq, « Saint Bernard et ses secrétaires », dans Recueil d’études sur saint Bernard et ses écrits, I, Rome, 1962, p. 3-25 (Storia e Letteratura, 92).

18 Sur cette technique de reproduction, voir : La production du livre universitaire au Moyen Âge. Exemplar et pecia. Actes du Symposium tenu au Collegio San Bonaventura (mai 1983). Textes réunis par Louis Jacques Bataillon, Bertrand G. Guyot et Richard H. Rouse, Paris, Éditions du CNRS, 1988.

19 Ce sujet rejoint la question plus large du multilinguisme dans les pratiques orales et écrites, qui a retenu récemment l’attention des éditeurs de la revue en ligne Medieval Worlds. Son dernier numéro, publié en décembre 2020 et intitulé Rethinking Scholastic Communities and Ideologies of Translation, II, inclut les reportations de sermons parmi les sources qui méritent considération.

20 À juste titre, Siegfried Wenzel a souligné cette préoccupation esthétique avec beaucoup de clairvoyance, en l’inscrivant dans le contexte du temps : voir notamment ses ouvrages Preachers, Poets and the Early English Lyric, Princeton, 1986, et plus récemment Macaronic Sermons. Bilingualism and Preaching in Late Medieval England, AnnArbor, The University of Michigan Press, 1994.

21 J’ai modifié dans ces deux chapitres l’attribution du travail de compilation, ayant trouvé au cours de mes recherches suffisamment d’indices pour identifier le compilateur en la personne de Raoul de Châteauroux, au lieu de Pierre de Limoges. Tous deux furent sociétaires du collège de Sorbonne, et Raoul légua ces manuscrits à Pierre qui les légua à son tour à la bibliothèque du collège avant de mourir. J’ai par ailleurs puisé dans les reportations de Raoul de Châteauroux une grande partie de la documentation exploitée dans mes deux thèses : La prédication de Ranulphe de La Houblonnière. Sermons aux clercs et sermons aux simples gens à Paris au xiiie siècle, Paris, Institut d’Études augustiniennes, 1987, 2 vol. ; L’avènement des maîtres de la Parole. La prédication à Paris au xiiie siècle, Paris, Institut d’Études augustiniennes, 1998, 2 vol. L’identification que j’ai été amenée à faire de Ranulphe de La Houblonnière sous ce nom, et la place qu’il a tenue dans plusieurs de mes recherches m’ont convaincue que je devais corriger le nom sous lequel je l’avais désigné (Ranulphe d’Homblières) dans mes premiers travaux en me fiant à la tradition historiographique. Je n’ai pas introduit d’autres modifications dans l’ensemble des contributions choisies pour constituer ce livre, sauf à indiquer la référence bibliographique exacte d’ouvrages que je citais « sous presse » ou « à paraître » dans les rédactions initiales.

22 Voir Tanya Stabler Miller, The Beguines of Medieval Paris. Gender, Patronage and Spiritual Authority, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2014. Le sujet du colloque qui s’est tenu à Fiore en septembre 2019 m’a donné l’occasion de revenir sur le regard que Robert de Sorbon posait sur les béguines et l’état de béguinage dans la perspective de sa réflexion sur le devenir de l’Église, dans un article intitulé : « Désordres dans l’Église et ‘ordre de la charité’. Échos de la pensée de Joachim de Flore chez Robert de Sorbon », dans Ordini e disordini in Gioacchino da Fiore, Atti del 9° Congresso internazionale di studi gioachimiti (San Giovanni in Fiore, 19-21 settembre 2019), a cura di Marco Rainini, Viella, Roma (Opere di Gioacchino da Fiore: testi e strumenti, 29), 2021, p. 231-242. Peu enclin à dramatiser la fin des temps et les tribulations qui accompagneront le règne de l’Antéchrist, Robert en effet conçoit plutôt l’Église de son temps en mouvement vers son accomplissement ; et pour lui, l’expérience de vie des béguines semble bien correspondre, mutatis mutandis, à l’épanouissement de l’âge de l’Esprit selon Joachim de Flore.

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