2. Effet protecteur des moustiquaires non traitées et des moustiquaires imprégnées
p. 37-49
Texte intégral
1L’usage des moustiquaires de lit remonte à des temps très anciens. Il en est fait mention dans la Bible et dans certains écrits de l’époque romaine. Lors de ses voyages, Marco Polo rapporte l’utilisation des moustiquaires par les riches familles de l’Inde. Au XIXe siècle, époque des grandes expéditions, les explorateurs qui découvraient les voies de l’Afrique firent de la moustiquaire leur arme de prédilection contre les insectes piqueurs. Si les moustiquaires sont utilisées depuis des temps immémoriaux, ce n’est que depuis un quart de siècle seulement que cette mesure de protection est reconnue comme un véritable moyen de lutte contre les moustiques.
L’EFFET PROTECTEUR DES MOUSTIQUAIRES NON IMPRÉGNÉES
2Les méthodes modernes de lutte antivectorielle préconisent l’usage de la moustiquaire imprégnée d’insecticide. Or, une moustiquaire non traitée en bon état représente en elle-même une barrière physique normalement infranchissable. Cette constatation toute simple entraîne la question suivante : quel est le comportement de A. gambiae à l’intérieur des maisons, selon que l’habitat est dépourvu de moustiquaire ou, au contraire, pourvu d’une moustiquaire non traitée, intacte ou détériorée ? Afin de répondre à cette question, nous avons évalué ces trois types de situations dans les cases-pièges (fig. 1) de Yaokoffikro et de la vallée du M’bé en Côte d’Ivoire (encadré 6).
3Afin de simuler les conditions de terrain, où les moustiquaires sont souvent déchirées, les moustiquaires trouées ont été percées de 225 trous carrés de deux centimètres de côté (0,8 % de la surface totale).
4Le simple fait d’utiliser une moustiquaire intacte diminue de 75 % à 80 % le taux de gorgement de A. gambiae par rapport aux deux autres situations expérimentales, ce qui induit une plus forte exophilie des femelles (32 %) toujours à la recherche de leur repas de sang. La mortalité globale de A. gambiae de 9,6 % est significativement supérieure à celles relevées dans la case sans moustiquaire (5,1 %) et dans les cases pourvues de moustiquaires trouées (4,3 %). Cependant, une moustiquaire intacte ne confère pas une protection totale, puisque 17 % des femelles sont retrouvées gorgées, sans qu’aucune d’entre elles n’ait été capturée sous la moustiquaire. Durant son sommeil, la personne qui dort peut avoir une partie du corps en contact avec la moustiquaire, permettant ainsi aux femelles de A. gambiae de piquer à travers le tulle. Une moustiquaire intacte représente donc une barrière physique efficace, mais pas totale contre les piqûres de moustiques.
Encadré 6
Les évaluations en cases-pièges
Avec l’apparition des premières résistances de Anopheles gambiae aux pyréthrinoïdes, des stations expérimentales ont été construites à Yaokoffikro et dans la vallée du M’bé, en Côte d’Ivoire, ainsi qu’à Malanville, au Bénin. Les cases-pièges ont pour dimensions 3,50 m de longueur sur 2 m de largeur et 2 m de hauteur. Elles sont constituées d’une pièce d’habitation dont les murs sont en parpaings crépis de ciment, le sol en ciment, la charpente en bois et le toit en tôles ondulées. Une bâche en plastique est tendue en dessous des tôles pour faciliter la récolte des moustiques sur le plafond. Les matériaux employés sont ceux habituellement utilisés pour la construction des maisons dans la région. Les cases-pièges sont équipées de quatre ouvertures contrôlées (chicanes en bois) qui permettent l’entrée des moustiques dans la case, mais contrarient leur sortie, et d’une véranda-piège en moustiquaire rigide, équivalente à une porte de sortie pour les moustiques.
Avant de mener une expérimentation en phase II (cf. encadré 8), l’étude doit être agréée par le comité d’éthique des autorités nationales du pays. Au niveau du personnel de la station, il faut informer les dormeurs/captureurs de la nature du travail et des mesures à prendre en cas d’irritation de l’épiderme, des muqueuses ou de tout autre incident lié à la présence de l’insecticide. Enfin, avant l’évaluation proprement dite, il est nécessaire de réaliser de dix à quinze captures préliminaires pour estimer l’attractivité intrinsèque de chaque habitation. Lors de la première capture, les dormeurs sont tirés au sort pour leur emplacement dans les maisons, puis ils procèdent à une permutation circulaire à chaque séance, pour éviter l’attraction particulière que certains pourraient présenter.
Le dormeur/captureur s’installe dans la case-piège et y demeure de 20 heures à 06 heures. Les captures de moustiques sont réalisées à 06 heures et 08 heures dans chaque maison. Les moustiques sont récoltés individuellement dans des tubes puis identifiés et triés en différents lots (morts/vivants ; à jeun/gorgés) et étiquetés en fonction de l’heure et du lieu de la capture : à l’intérieur et à l’extérieur de la moustiquaire, sur les murs et le plafond de la case, et dans la véranda-piège.
Quatre indicateurs entomologiques sont utilisés pour évaluer l’action des insecticides :
– l’effet dissuasif = réduction des taux d’entrée (Diss), obtenu en comparant les nombres de moustiques capturés dans les cases traitées et dans les cases témoins ;
– l’effet d’expulsion = augmentation des taux de sortie (Exp), obtenu en relevant le nombre de femelles récoltées dans les vérandas-pièges et dans les maisons elles-mêmes, ce qui permet de chiffrer l’exophilie naturelle (cases témoins) et l’exophilie induite par la présence d’un insecticide ;
– l’effet d’inhibition = réduction des taux de gorgement, obtenu en comparant le nombre de femelles gorgées avec le total des spécimens capturés, ce qui permet d’évaluer les taux de gorgement (Gorg) dans les cases témoins et celles traitées ;
– l’effet létal = augmentation des taux de mortalité (MG). Les femelles récoltées mortes [mortalité immédiate = (I)] sont identifiées et comptées juste après leur capture. Les femelles prises vivantes sont mises en observation pendant 24 heures au laboratoire, dans des gobelets en plastique pourvus d’un tampon d’eau miellée. Les moustiques morts après une journée d’observation constituent la mortalité différée (D). La mortalité globale est obtenue par le cumul des mortalités immédiate et différée. Le rapport (I/D) mesure la rapidité d’action de l’insecticide sur les moustiques qui entrent dans les habitations traitées.
5Avec les moustiquaires trouées, le taux de gorgement est légèrement réduit par rapport à la case sans moustiquaire (respectivement 68 % et 83 %) mais ni l’exophilie, ni la mortalité ne sont significativement différentes.
6L’utilisation d’une moustiquaire intacte modifie le comportement et le taux de survie des populations anophéliennes, en ce sens que la limitation du contact homme/vecteur induit une mortalité plus importante ainsi qu’un comportement de migration des femelles à jeun vers l’extérieur de la maison. Avec les moustiquaires trouées, les femelles peuvent piquer le dormeur et conserver leur comportement endophile habituel. Cette étude en cases-pièges montre donc les limites d’efficacité des moustiquaires non traitées (Darriet et al., 2000), limites « entomologiques » bien traduites sur le plan épidémiologique (encadré 7) par le faible impact des moustiquaires non imprégnées d’insecticide sur la mortalité palustre (Snow et al., 1988 a).
Encadré 7
L’évaluation de la transmission du paludisme
L’évaluation de la transmission du paludisme est basée sur la capture des anophèles au moyen de diverses méthodes : les moustiquaires-pièges, les captures de la faune matinale résiduelle (captures à l’intérieur des maisons) ou bien encore la récolte des moustiques sur les jambes de captureurs expérimentés (captures sur hommes).
Les moustiques récoltés sont dénombrés, identifiés puis disséqués. Les sporozoïtes (le stade du parasite qui est transmis à l’homme durant la piqûre) sont recherchés dans les glandes salivaires. L’âge physiologique, c’est-à-dire l’état de parturité (femelle qui a déjà pondu des œufs) ou de nulliparturité (femelle qui n’a jamais pondu) est déterminé après dissection des ovaires et observation des trachéoles ovariennes.
L’indice sporozoïtique moyen (s) est obtenu par le rapport du nombre de femelles porteuses de sporozoïtes sur le nombre de femelles disséquées et le taux de parturité (TP), par le nombre de femelles pares sur la somme des femelles à la fois pares et nullipares.
Enfin le taux annuel d’inoculation du parasite (hc) est calculé en multipliant l’indice sporozoïtique moyen (s) par le nombre annuel de piqûres d’anophèles que subit un individu (ma).
La lutte antivectorielle dirigée sur les adultes a pour objectif d’interrompre la transmission de la maladie. Nombreux sont les insecticides qui par leur effet excito-répusif réduisent le contact entre l’homme et le moustique. Quant à l’action létale des insecticides, elle agit sur la longévité des vecteurs en diminuant leur probabilité de survie jusqu’à un âge épidémiologiquement dangereux.
LE MODE D’ACTION ET L’EFFICACITÉ DES MOUSTIQUAIRES IMPRÉGNÉES DE PYRÉTHRINOÏDE
7C’est durant la Seconde Guerre mondiale que les services de santé des armées ont commencé à traiter les vêtements et les moustiquaires des soldats pour les protéger des maladies à transmission vectorielle. Beaucoup plus tard, en 1975, quatre insecticides (le fénitrothion, le chlorpyriphos-méthyl, le chlorphoxim et le pirimiphosméthyl) appartenant à la famille des organophosphorés ont été étudiés en imprégnation de moustiquaires (Brun et Sales, 1976). Le chlorphoxim utilisé à la dose de 0,2 g/m2 a donné des résultats encourageants avec une mortalité des anophèles de 88 % pendant 3 mois. Les trois autres insecticides ont montré une efficacité plutôt médiocre, avec des temps d’activité ne dépassant pas deux mois.
8Les moustiquaires traitées n’ont pris un réel essor qu’au début des années 1980, lorsque leur imprégnation fut réalisée avec des insecticides de la famille des pyréthrinoïdes. Les rémanences de la deltaméthrine et de la perméthrine ont été suivies sur différents tissus entrant dans la confection des moustiquaires (Hervy et Sales, 1980). Aux doses de 8 mg/m2 de deltaméthrine et de 80 mg/m2 de perméthrine, l’efficacité des deux composés s’est révélée satisfaisante pendant six mois, avec des mortalités des lots de A. aegypti de l’ordre de 90 % à 100 %.
9Par la suite, la première évaluation de phase II (encadré 8) de moustiquaires imprégnées de perméthrine (Darriet et al., 1984) a été menée sur le terrain au Burkina Faso et a démontré de façon spectaculaire l’efficacité du procédé. De même au Mali, une évaluation de moustiquaires imprégnées avec de la deltaméthrine a montré que cette méthode de prévention contre les piqûres d’anophèles assurait un rôle protecteur vis-à-vis de la maladie (Ranque et al., 1984). Depuis, le nombre d’études réalisées sur le sujet est si élevé qu’il serait difficile d’en rendre compte de manière exhaustive.
Encadré 8
Les évaluations insecticides en phases I, II et III
Une évaluation insecticide en phase I
La phase I regroupe toutes les évaluations menées en laboratoire, que ce soit sur les larves ou les adultes de moustiques. Les institutions en charge de ces activités (centres collaborateurs de l’OMS) y réalisent des tests d’efficacité, de rémanence et de résistance des moustiques aux insecticides.
Une évaluation insecticide en phase II
Une phase II est une évaluation conduite dans des conditions naturelles, à échelle réduite, sur des populations naturelles du ou des vecteur(s) présent(s) localement. Les recherches sont réalisées avec des composés formulés, fournis par l’industrie. L’action de ces produits sur la faune non cible peut être évaluée si nécessaire. Des observations sur l’effet des insecticides sur les utilisateurs peuvent être menées. Les centres collaborateurs de l’OMS sont retenus dans la mesure du possible pour la prise en charge de ces activités.
Une évaluation insecticide en phase III
Il s’agit d’une évaluation à moyenne échelle associant d’ordinaire l’OMS, l’industrie et une ou plusieurs institutions de recherche et de santé publique. L’objectif de la phase III est d’évaluer sur les plans entomologique, parasito-clinique et épidémiologique l’efficacité d’un insecticide sur un vecteur donné, à l’échelle d’un ou de plusieurs villages. Les effets sur la faune non cible, les caractéristiques physiques des insecticides, les précautions d’emploi ou encore les facilités d’application sont également précisés au cours de cette phase.
10Rappelons simplement qu’une moustiquaire imprégnée avec un insecticide rémanent protège l’utilisateur d’une barrière chimique qui renforce la barrière physique, bien souvent altérée par des trous et des déchirures. Les différents pyréthrinoïdes utilisés pour les imprégnations de moustiquaires induisent une dynamique nouvelle des populations de moustiques au pourtour et à l’intérieur des maisons (Darriet, 1998). Les taux de mortalité importants, la diminution des taux de gorgement ainsi que les effets de dissuasion et d’expulsion occasionnés par les moustiquaires traitées sont autant d’effets directs et indirects qui retiennent l’attention des responsables de santé. Les effets secondaires de la dissuasion (réduction des taux d’entrée dans les maisons) et d’expulsion (exophilie induite par les insecticides) entraînent de profondes modifications du comportement des moustiques. À cause de l’effet dissuasif des pyréthrinoïdes, beaucoup de moustiques ne franchissent pas le seuil des habitations, ce qui diminue le contact entre l’homme et le vecteur. Le facteur expulsion écourte quant à lui le temps de contact entre le moustique et le substrat traité. Il existe toutefois des pyréthrinoïdes à fort effet choc (effet KD), comme la deltaméthrine et la lambda-cyhalothrine, qui tuent le moustique avant qu’il ne pique et cela en dépit de leur action insectifuge (Darriet et al., 2000 ; Darriet et al., 2002).
11L’efficacité de la moustiquaire imprégnée se limite à une protection individuelle lorsque son effet se fait sentir au niveau de la personne ou de la cellule familiale. Lorsque les moustiquaires traitées sont distribuées dans un ou plusieurs villages avec un taux de couverture supérieur à 80 %, les effets de l’insecticide agissent à l’intérieur de toutes les habitations. La limitation du contact homme/vecteur, bien souvent renforcée par la mortalité rapide des anophèles, réduit le taux de survie des vecteurs, ce qui se traduit par une protection communautaire exprimée par une diminution parfois très nette de la transmission du paludisme. Non seulement une moustiquaire imprégnée protège des piqûres de moustiques mais, en plus, elle tue le moustique agressif. Ces effets sont particulièrement intéressants pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, principales victimes du paludisme dans le monde.
12La moustiquaire imprégnée avec un pyréthrinoïde à fort effet choc représente à l’heure actuelle le meilleur moyen de lutte contre les vecteurs du paludisme mais demeure pour beaucoup de gens résidant dans les zones rurales inaccessible, car encore trop onéreuse. Dans les villes en revanche, où les revenus sont supérieurs, l’usage de la moustiquaire imprégnée pourrait être généralisé, afin de mieux protéger les populations urbaines contre les moustiques nuisants et vecteurs de maladies.
L’EFFICACITÉ DES MOUSTIQUAIRES PRÉIMPRÉGNÉES INDUSTRIELLEMENT
13Si, de façon générale, l’efficacité des moustiquaires imprégnées n’est plus contestée, les problèmes opérationnels se posent en termes de faisabilité et de durabilité de la méthode. L’imprégnation des moustiquaires se pratique dans la phase initiale des programmes dont la mise en œuvre est généralement bien adoptée par les agents de santé. En revanche, les problèmes limitant la durabilité des actions se situent au niveau de la réimprégnation des moustiquaires, interrompue le plus souvent faute de financement, de disponibilité de l’insecticide et/ou de compétence technique. La durée d’efficacité d’un pyréthrinoïde sur une moustiquaire imprégnée selon la méthode du trempage est d’environ six mois, ce qui, pour une durée d’utilisation de cinq ans, représente un total de dix traitements. Moins de 10 % des moustiquaires utilisées en Afrique sont réimprégnées régulièrement. La commercialisation de matériaux directement traités à l’usine présenterait alors des avantages évidents.
14Les recherches semblent avoir abouti, avec la mise sur le marché d’une gamme de produits performants. À titre d’exemple, Olyset Net® est un type nouveau de moustiquaire développée par Sumitomo Chemical Co Ltd (Japon), dans laquelle l’insecticide (perméthrine utilisée à la concentration de 2 % poids/poids, soit environ 900 mg/m2) est incorporé par fusion dans une fibre composée de résine polyéthylène. Par rapport à une imprégnation par trempage où le produit est simplement déposé sur les fibres, le processus de fabrication des Olyset Net® intègre l’insecticide dans le support au moment de sa polymérisation. Comme l’incorporation de l’insecticide dans le substrat est réalisée à de fortes températures, seule la perméthrine – parmi tous les composés pyréthrinoïdes actuels – supporte un tel procédé sans que sa molécule en soit altérée. Selon le fabricant, ces moustiquaires auraient une durée d’efficacité de trois ans. C’est d’ailleurs pour mieux cerner l’efficacité des Olyset Net® sur les vecteurs du paludisme qu’une évaluation de ces moustiquaires a été réalisée en phase II dans les cases-pièges de la station expérimentale de Yaokoffikro (N’Guessan et al., 2001).
15Les moustiquaires testées étaient toutes intactes (pas de trou dans le tulle) et répondaient aux caractéristiques suivantes :
une moustiquaire en tulle polyester non traitée ;
une moustiquaire Olyset Net® neuve ;
une moustiquaire Olyset Net® de 3 ans, non lavée ;
une moustiquaire Olyset Net® de 3 ans, lavée.
16Les deux moustiquaires Olyset Net® de 3 ans provenaient du village de Kafiné en Côte d’Ivoire où elles avaient été utilisées quotidiennement par leur propriétaire (fig. 3).
17Avec la moustiquaire Olyset Net® neuve, le taux d’entrée de A. gambiae dans la case est diminué de 44 % par rapport à la moustiquaire non traitée. Lorsque l’Olyset Net® est âgée de trois ans, l’effet dissuasif est réduit de moitié (20 %) et cet effet n’existe plus lorsque celle-ci est lavée. Une moustiquaire qui a subi un lavage perd donc une partie de son insecticide, ce qui se traduit par une limitation moins grande du contact entre l’homme et le vecteur. Pour ce qui est de l’exophilie induite par la perméthrine, 40 % à 50 % des anophèles sont retrouvés dans la véranda-piège, et les taux de gorgement n’ont pas été significativement réduits par rapport à la moustiquaire non traitée. Cette non-significativité des pourcentages de moustiques gorgés n’est en rien étonnante, car nous avions déjà montré qu’une moustiquaire intacte non traitée entraînait une baisse de 70 % des taux de gorgement de A. gambiae. Concernant la mortalité globale, l’Olyset Net® neuve est la plus efficace, avec 27,5 % des femelles trouvées mortes dans la case-piège. Toutefois, la moustiquaire âgée de trois ans et lavée engendre une mortalité immédiate plus importante (P = 0,019) que la moustiquaire Olyset Net® neuve. Les rapports (I/D) de respectivement 20,3 et 2,2 (cf. tabl. 1 en annexe) attestent que l’efficacité de la perméthrine est d’autant plus rapide que sa quantité sur la moustiquaire est faible. Cette observation s’explique principalement par l’altération de son pouvoir insectifuge, qui fait que les moustiques restent en contact plus longtemps avec les matériaux traités. La baisse de l’effet irritant du pyréthrinoïde entraîne donc directement une action létale plus immédiate.
18Lors d’une évaluation en phase III dans le village de Kafiné, en Côte d’Ivoire, la protection assurée par les Olyset Net® s’est traduite chez les villageois par une réduction des fortes infestations à Plasmodium falciparum (fixées arbitrairement à 5 000 000 de parasites par ml de sang) et une réduction de la fréquence des accès palustres (Henry et al., 1999). Ainsi, que ce soit en phase II ou en phase III, les Olyset Net® ont montré une efficacité de longue durée sur le terrain et ont été les premières moustiquaires préimprégnées à être recommandées par l’OMS. Une autre moustiquaire connue sous le nom de PermaNet® est également conseillée par l’OMS. PermaNet® est une moustiquaire dans laquelle l’insecticide, en l’occurrence de la deltaméthrine dosée à 50 mg/m2, est mélangée à une résine qui enrobe les fibres en polyester. Le pyréthrinoïde ainsi fixé sur le support est progressivement relâché par la résine, de sorte que la moustiquaire conserve son efficacité, même après plusieurs lavages. Des essais en laboratoire réalisés sur A. gambiae avec des cônes OMS (encadré 9) ont montré qu’après 20 lavages, un contact de trois minutes des moustiques avec les tulles traités induisait toujours 100 % d’effet knock-down (KD), alors qu’une moustiquaire imprégnée avec le même insecticide selon la méthode du trempage ne possédait plus aucune action de KD. Au niveau des mortalités, une PermaNet® lavée 20 fois tuait encore 50 % des lots d’anophèles, alors que la moustiquaire traitée par trempage ne possédait plus qu’une efficacité inférieure à 10 % (Duchon et al., 2003).
Encadré 9
Les tests sur les adultes en cônes OMS
Les femelles de moustiques à jeun, âgées de 3 à 5 jours, sont introduites par lot de 5 dans des cônes en polyéthylène. Le temps de contact des moustiques avec les tulles moustiquaires traités ou non est de 3 minutes. Le polyéthylène étant une matière sur laquelle le moustique s’accroche très difficilement, celui-ci n’aura pas d’autre choix que de rester en vol ou bien de se poser sur le substrat. De 20 à 30 répliques de 5 moustiques sont réalisées pour chaque condition traitée et témoin. L’efficacité des insecticides est mesurée d’après leur effet Knock-Down (KD) et les mortalités qu’ils engendrent après 24 heures d’observation. L’effet KD est observé pendant une heure à des intervalles de temps réguliers qui varient de 5 à 10 minutes. L’analyse statistique des résultats permet d’établir une droite de régression log (temps)-probit (mortalités) qui détermine les Kdt50 et les Kdt95. Les valeurs de ces deux paramètres (Kd = knock-down time) correspondent au temps au bout duquel respectivement 50 % et 95 % des moustiques sont assommés.
19Comparées aux moustiquaires imprégnées par trempage, les moustiquaires préimprégnées présentent donc des avantages évidents, à savoir une imprégnation unique et définitive en usine, pas de réimprégnation sur le terrain, et enfin une durée d’efficacité de 3 ans au moins, qui correspond à la durée de vie de la moustiquaire. L’action prolongée de ce type de moustiquaire pourrait d’ailleurs jouer en faveur d’une meilleure acceptabilité auprès des communautés urbaines et villageoises. Les programmes de lutte fondés sur l’emploi des moustiquaires préimprégnées devront cependant poursuivre l’évaluation de la sensibilité des populations d’anophèles, afin de sélectionner les insecticides les plus actifs nécessaires au maintien de l’efficacité de cette nouvelle génération de moustiquaire.
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