1. Modes d’action des principaux insecticides dans la lutte contre les moustiques
p. 27-36
Texte intégral
1La découverte de composés possédant une action insecticide remonte à l’Antiquité. Elle ne concernait à l’origine que des substances naturelles, d’origine minérale et végétale. C’est ainsi que l’arsenic, les huiles minérales, le pyrèthre, la roténone et la nicotine furent utilisés pendant des siècles pour détruire les insectes. Les méthodes de lutte, plutôt empiriques, faisaient appel à des poudres et à des huiles minérales ainsi qu’à des décoctions, des broyats ou bien encore à des infusions de plantes. Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle, grâce aux progrès de la chimie organique, qu’il a été possible de synthétiser les premiers insecticides chimiques. Ce sont pour la plupart des molécules beaucoup plus actives et stables que les composés naturels, mais aussi plus toxiques pour l’homme et son environnement. Les insecticides les plus utilisés tant en agriculture qu’en santé publique appartiennent aux familles chimiques des organochlorés, des pyréthrinoïdes, des carbamates et des organophosphorés.
MODE D’ACTION DES INSECTICIDES ORGANOCHLORÉS ET PYRÉTHRINOÏDES
2Les insecticides organochlorés se divisent en trois groupes selon la structure chimique de leurs composés : le DDT, le lindane et les cyclodiènes (dieldrine). Le DDT fut synthétisé en 1873 par Othmar Zeidler mais ce n’est qu’en 1939 que le chimiste Paul Hermann Müller lui découvrit des propriétés insecticides puissantes. Ce composé a été largement utilisé en agriculture mais aussi en santé publique et il devint, dans les années 1950, le pivot du programme mondial d’éradication du paludisme. Le DDT contribua à sauver des millions de vies humaines, mais sa trop grande persistance dans les milieux naturels a entraîné son interdiction dans la plupart des pays. Le DDT fut le précurseur de la famille des organochlorés avec, à sa suite, la synthèse de la dieldrine et du lindane, pour ne citer que les plus connus.
3Les pyréthrinoïdes ont été conçus à partir des « ancestrales » pyréthrines naturelles extraites des capitules de fleurs de pyrèthre (Chrysanthemum cinerariaefolium). En bordure de la mer Méditerranée, des hommes dans la Haute Antiquité utilisaient déjà des préparations de ces fleurs pour lutter contre les « nuisances domestiques ». De nos jours encore, au Kenya et en Tanzanie, de vastes champs de chrysanthèmes sont cultivés afin d’en extraire l’insecticide naturel.
4Les pyréthrinoïdes se divisent en deux groupes. Le premier se compose de produits à base d’alcool phénoxybenzyl. Ces pyréthrinoïdes, qui regroupent essentiellement la perméthrine et la bifenthrine, se caractérisent par des toxicités faibles vis-à-vis des mammifères et par une action rapide sur les insectes (effet knock-down = KD). Les chimistes ont par la suite greffé un radical cyano sur la position alpha de l’alcool, donnant ainsi naissance aux pyréthrinoïdes alpha-cyanés, dits de groupe 2. Cette catégorie de produits qui comprend entre autres la deltaméthrine, la lambda-cyhalothrine et l’alpha-cyperméthrine se révèle à la fois plus stable et plus active que les composés du groupe 1. En revanche, les alpha-cyanés se montrent plus nocifs sur les mammifères, mais cette toxicité accrue est compensée par l’utilisation de doses de traitement plus faibles vis-à-vis des moustiques.
5Les pyréthrinoïdes agissent sur le canal sodium (Na+) en augmentant la fréquence des décharges nerveuses (type I) ou le temps d’ouverture des canaux (type II) (SALGADO et al., 1983). Cette action neurotoxique provoque une transmission répétée ou continue de l’influx nerveux, qui aboutit à des convulsions puis à la tétanie de l’insecte (effet KD). L’action de ces insecticides se manifeste également par une perturbation des échanges en ions calcium (Ca++) et magnésium (Mg++) qui, normalement, circulent au travers des membranes cellulaires (encadré 1). L’atteinte de la circulation de ces ions entraîne la libération massive de neurohormones qui déséquilibrent l’organisme tout entier. L’insecte physiologiquement désorienté passe par des phases d’incoordination, de convulsion et de tétanisation. La mort survient plus ou moins rapidement suivant la dose et la puissance de l’insecticide.
6L’effet neurotoxique de la plupart des organochlorés est lié à une action sur le canal sodium qui est maintenu en position ouverte. Toutefois la dieldrine, bien qu’appartenant à cette même famille d’insecticides, possède un mécanisme d’action bien particulier qui affecte le bon fonctionnement des récepteurs de l’acide gammaaminobutyrique (GABA). L’insecticide se fixe sur les sites GABA en inhibant la dynamique du canal chlore qui reste alors en position ouverte. Ce dysfonctionnement entraîne une inactivation de la membrane nerveuse qui, lorsqu’elle se prolonge, se traduit par une paralysie du système nerveux.
Encadré 1
Les pompes échangeuses d’ions des neurones
Alors que le cerveau des animaux supérieurs représente la masse nerveuse centrale de l’organisme, chez les insectes, les fonctions sont réparties sur les nombreux ganglions disséminés le long du corps. De la sorte, le système nerveux de l’insecte s’apparente à une chaîne qui part de la tête pour se terminer à la pointe de l’abdomen. Le système nerveux est constitué de neurones qui se composent d’un corps cellulaire contenant le noyau et de deux types de prolongement : les dendrites et l’axone. Les extrémités neuronales se connectent entre elles par l’intermédiaire des synapses, ou bien avec les muscles et les glandes par le biais des jonctions neuromusculaires et neuroglandulaires. À l’instar des autres cellules, les neurones génèrent des différences de concentrations en ions sodium (Na+) et potassium (K+) à l’intérieur et à l’extérieur de la cellule. La paroi cellulaire de l’axone, composée entre autres de protéines transmembranaires (canaux ioniques), laisse sortir les ions Na+ tout en laissant entrer les ions K+. Les ions Na+ se concentrent à l’extérieur de l’axone alors que les ions K+ se retrouvent à l’intérieur de la cellule. C’est cette différence de potentiel qui génère l’activité électrique du système nerveux. Cette dynamique des ions entraîne aussi la dégradation de l’adénosine triphosphate (ATP) en adénosine diphosphate (ADP), processus biologique dont l’énergie libérée est récupérée pour le fonctionnement de nombreuses autres réactions chimiques. De façon similaire, les ions calcium (Ca++) s’en vont concentrer les fluides à l’extérieur de la cellule. Pour chaque type d’ions, il existe donc un gradient de densité de part et d’autre de la membrane cellulaire, l’une des deux faces de la paroi étant toujours plus concentrée que l’autre.
Le site GABA, lui aussi localisé dans la membrane de l’axone, change légèrement de forme sous l’action de la molécule GABA qui s’y fixe et permet ainsi à certains ions de passer à travers son canal central. Ce dernier laisse surtout entrer dans le neurone les ions chlore (Cl–) qui ont pour effet de diminuer l’excitabilité de la cellule nerveuse. Le GABA joue donc un rôle de neurotransmetteur inhibiteur, contrairement à un neurotransmetteur excitateur comme le glutamate qui augmente l’influx nerveux dans le neurone.
MODE D’ACTION DES INSECTICIDES CARBAMATES ET ORGANOPHOSPHORÉS
7Dans les années 1960 sont apparus des insecticides dérivés de l’acide carbamique. Tous les sels de cet acide sont regroupés dans la famille chimique des carbamates. Ce groupe comprend un grand nombre de produits, parmi lesquels les plus utilisés en santé publique ont été le propoxur et le bendiocarb. Compte tenu de leur coût élevé de fabrication et de leur forte toxicité sur les mammifères, ces composés ne sont plus – ou sont peu – utilisés dans la lutte contre les moustiques.
8Les organophosphorés sont des dérivés de l’acide phosphorique. C’est en 1942 que le chimiste allemand Gérard Shrader crée, avec la synthèse du tétraéthylpyrophosphate ou TEPP, cette famille d’insecticides. Viennent par la suite le parathion, le malathion, le diazinon et le déméthon ; ce dernier est capable de pénétrer à l’intérieur d’une plante pour y être véhiculé par la sève (effet systémique). Ces vingt dernières années, le quart des insecticides homologués en France appartiennent à la famille des organophosphorés.
9Les organophosphorés et les carbamates prennent la place de l’acétylcholine en se fixant sur son site d’interaction avec l’acétylcholinestérase (encadré 2). Il en résulte un blocage des sites d’action, suivi d’un accroissement rapide de l’acétylcholine qui peut s’accumuler jusqu’à 260 % de la normale (CHAMPS, 1985). La propagation de l’influx nerveux est bloquée, et l’insecte meurt de paralysie.
Encadré 2
Le complexe acétylcholine – acétylcholinestérase
L’activité électrochimique du système nerveux est contrôlée par une multitude de neuromédiateurs dont le plus important est l’acétylcholine. L’acétylcholinestérase de son côté est l’enzyme régulatrice de la transmission nerveuse : son rôle est d’interrompre l’action du médiateur acétylcholine en le dissociant en ses deux éléments constitutifs que sont l’acétyl et la choline. La réassociation ultérieure de la choline et du radical acétyl dans l’axone présynaptique permet la réutilisation de l’acétylcholine au niveau des synapses.
LES CAMPAGNES DE LUTTE CONTRE LES LARVES ET LES ADULTES D’ANOPHÈLES
10La lutte antivectorielle consiste en des traitements à grande échelle allant du village à la ville, voire au pays tout entier. Plus les opérations de lutte s’étendent sur de grandes surfaces, meilleur sera l’impact des traitements insecticides sur le moustique vecteur et la maladie qu’il transmet.
11Les campagnes de lutte contre les anophèles peuvent s’exercer sur la larve aussi bien que sur le moustique adulte. Il va de soi que les deux méthodes, radicalement différentes l’une de l’autre, font appel à des insecticides différents, tant au niveau de leur mode d’action que de la façon dont ils seront appliqués sur les surfaces à traiter.
La lutte contre les larves d’anophèles
12La grande difficulté présentée par la lutte contre les larves d’anophèles est qu’il faut traiter la totalité des gîtes avec une efficacité proche de 100 %. Or, l’extrême diversité, la dissémination et la multiplicité des gîtes larvaires à A. gambiae rendent de telles opérations de lutte anti-larvaire difficilement envisageables (encadré 3). Seuls certains contextes bien particuliers, tels que les plans d’eaux marécageux, les étangs, les rizières et les milieux insulaires peuvent faire l’objet de ce genre de traitement. Encore faut-il utiliser des larvicides biodégradables peu ou pas toxiques sur la faune non cible, car les chaînes trophiques plus longues dans les écosystèmes aquatiques entraînent des phénomènes de persistance toujours plus importants que dans les milieux terrestres.
13Durant les années 1950, le Programme mondial d’éradication du paludisme avait, dans beaucoup de pays, orienté ses campagnes de lutte sur le traitement de tous les gîtes larvaires avec du DDT. Plus tard, quand il fut montré que cette méthode n’apportait pas d’amélioration perceptible, les professionnels de la santé en arrivèrent à la conclusion qu’il leur fallait plutôt concentrer leurs efforts sur des traitements effectués à l’intérieur des habitations (aspersions intradomiciliaires).
14De nos jours, les programmes de lutte menés sur les larves d’anophèles se déroulent principalement dans les milieux insulaires. Sur l’île de la Réunion par exemple, les gîtes larvaires à A. arabiensis ont été traités pendant de très nombreuses années avec du téméphos. Or, depuis 2006, cet insecticide n’est plus utilisé dans la lutte contre les larves de moustiques en France et ne pourra l’être que jusqu’en 2009 dans les DOM-TOM (encadré 4).
15L’arsenal des produits disponibles possédant une activité larvicide intéressante ne regroupe que quelques composés seulement, tous de toxicités différentes et dotés de mécanismes d’actions qui ne sont pas toujours adaptés à la biologie des larves d’anophèles. De plus, dans un monde où la sauvegarde de l’environnement revêt une importance accrue, l’efficacité seule d’un larvicide n’est plus un critère suffisant pour décider ou non de la réussite d’une campagne de lutte. Il faut que le composé utilisé ne soit pas toxique sur la faune non cible, que ce soit les insectes entomophages, les poissons, les batraciens, les reptiles, les oiseaux, les mammifères…
Encadré 3
La bioécologie des larves d’anophèles
Larve de Anopheles gambiae
Au cours d’une ponte, une femelle d’anophèle dépose en moyenne 150 œufs. Les œufs ovalaires de 0,5 mm de long à coque gaufrée et pourvus de deux flotteurs latéraux sont déposés séparément à la surface de l’eau. À une température de 25 °C, la croissance de la larve s’échelonne sur 10 à 20 jours selon les espèces et la quantité de nourriture disponible. La larve détritivore se nourrit en surface, sa croissance passe par quatre stades larvaires puis par un stade nymphal au terme duquel émergera le moustique adulte (imago).
En Afrique subsaharienne, de nombreuses espèces d’anophèles sont directement impliquées dans la transmission des paludismes, mais deux grands complexes d’espèces assurent à eux seuls la presque totalité de cette transmission : Anopheles gambiae s.l. Giles, 1902 et Anopheles funestus s.l. Giles, 1900. Les sept espèces du complexe A. gambiae (A. gambiae s.s. = A. gambiae, A. arabiensis, A. melas, A. merus, A. bwambae et A. quadriannulatus espèces A et B) sévissent dans la plupart des zones de savane, de forêt et du littoral africain. Le complexe A. funestus comporte 10 espèces : A. funestus s.s. = A. funestus, la plus importante en tant qu’espèce vectrice, mais aussi A. parensis, A. aruni, A. vaneedini, A. rivolurum, A. bucei, A. confusus, A. fuscivenosus, A. leesoni et enfin A. fluviatilis. L’espèce A. funestus est répandue dans toute l’Afrique au sud du Sahara, à la fois dans les plaines et les montagnes.
Pour A. gambiae et A. arabiensis, les gîtes de prédilection sont des collections d’eau calmes, non polluées, peu profondes et bien ensoleillées telles que les petites mares, les trous de prélèvement de terre, les rizières, les flaques, les empreintes d’hommes et d’animaux. Les larves de A. melas et de A. merus vivent dans les eaux saumâtres du littoral atlantique et de l’océan Indien en Afrique. Les larves de A. bwambae ont été trouvées dans les marécages aux eaux minéralisées d’origine géothermale de la forêt de Semliki à la frontière de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre).
Les larves de A. funestus affectionnent les collections d’eau profondes, claires, permanentes ou semi-permanentes sur lesquelles le couvert végétal assure des zones d’ombre importantes. Ce type de gîtes est essentiellement représenté par les grandes mares, les marécages, les rizières, les bas-fonds inondés et les lacs.
Encadré 4
Grandeur et fin du téméphos
Le téméphos est l’insecticide organophosphoré le moins toxique parmi les composés qui appartiennent à cette famille (DL50 pour le rat par ingestion de 4 204 à 10 000 mg/kg). Du fait de sa faible toxicité pour les poissons, les oiseaux, les mammifères et l’homme, le téméphos représente dans bien des cas l’insecticide de choix pour lutter contre les larves de moustiques. À la concentration de 1 mg/l, ce larvicide ne pose pas de problème dans le traitement des citernes et des jarres de stockage des eaux de boisson. Le téméphos est commercialisé sous la forme de granulés à 1 % qui, une fois qu’ils sont introduits dans les gîtes, libèrent lentement la matière active durant 4 à 6 semaines. Or depuis quelques années, les populations sauvages de A. gambiae et de A. aegypti résistantes aux organophosphorés se font de plus en plus nombreuses. À ce problème de résistance se sont ajoutées des contraintes liées à l’homologation de l’insecticide. L’industriel qui fabrique le téméphos n’ayant pas réitéré sa notification dans le cadre des directives européennes « biocide 98/8 », il ne peut donc plus être utilisé par les services de démoustication en France. En revanche, dans les DOM, le téméphos a obtenu une prolongation d’usage jusqu’en 2009.
16Cette spécificité d’action exclut d’emblée la plupart des larvicides chimiques conventionnels. L’attention des expérimentateurs s’est alors portée vers les biolarvicides (composés d’origine naturelle) et les inhibiteurs du développement des insectes : deux classes de composés qui, outre leurs mécanismes d’action originaux sur les insectes, se caractérisent par des toxicités faibles sur les mammifères. Si, de manière générale, les biolarvicides agissent rapidement sur les larves de moustiques, il n’en est pas de même des inhibiteurs du développement des insectes, dont les effets létaux ne se font sentir que plusieurs jours après le traitement. C’est pourquoi les recherches s’orientent désormais vers des combinaisons de composés possédant des actions différentes. Par exemple, un mélange constitué de spinosad (insecticide de la classe des naturalytes, d’origine bactérienne) et de pyriproxyfen (inhibiteur de développement des insectes) allie l’efficacité du premier sur les larves de moustiques avec celle du deuxième, plus spécifiquement dirigé sur les nymphes et les adultes (Darriet et al., 2006). Une complémentarité des actions qui fait que le mélange agit sur l’ensemble des stades pré imaginaux des moustiques. L’action rapide du spinosad sur les larves fait disparaître les désavantages liés à l’utilisation des inhibiteurs seuls, à savoir la persistance des larves et des nymphes dans les milieux traités. Ce mélange pourrait de surcroît constituer un nouvel outil de lutte contre les moustiques, notamment dans les zones où ces derniers se caractérisent par des niveaux de résistances élevés aux insecticides chimiques.
La lutte contre les adultes d’anophèles
17Les aspersions intradomiciliaires consistent à traiter l’intérieur des maisons à l’aide d’insecticides rémanents afin d’éliminer les anophèles adultes. Les femelles viennent piquer la nuit dans les maisons pour se nourrir du sang des hommes. Elles se posent ensuite sur les murs et les plafonds pour y digérer leur repas sanguin (encadré 5).
18Si l’intérieur de l’habitation a fait l’objet d’un traitement insecticide, la plupart des anophèles seront tués. De la sorte, le vecteur ne pourra plus transmettre la maladie (dans le cas d’un moustique déjà infecté) ni même pondre les œufs que ce repas de sang lui aurait permis de mener à maturation. Si les traitements sont appliqués à l’ensemble d’une ville ou d’un village, la transmission du parasite sera interrompue et la maladie régressera rapidement.
Encadré 5
Le comportement des anophèles adultes
Adulte femelle de Anopheles gambiae prenant son repas de sang sur un homme
Les moustiques mâles et femelles se nourrissent en aspirant diverses substances sucrées d’origine végétale. Cependant, les femelles doivent ingérer du sang (insecte hématophage) pour assurer le développement de leurs œufs (cycle gonotrophique). Les moustiques qui piquent préférentiellement les hommes sont dits anthropophiles et ceux qui piquent les animaux, zoophiles.
Dans le complexe Anopheles gambiae, seul A. quadriannulatus est zoophile, les autres espèces du complexe et A. funestus présentant un comportement anthropophile. Le pic d’agressivité de A. gambiae et de A. funestus s’étend durant toute la deuxième partie de la nuit. Si le repas de sang est pris à l’intérieur de la maison, le moustique est dit endophage ; si, au contraire, l’anophèle pique à l’extérieur des habitations, l’insecte est dit exophage. Aussitôt après le repas de sang, certains anophèles restent à l’intérieur des maisons pour assurer la maturité de leurs oeufs. Ces anophèles ont un comportement endophile. D’autres espèces au contraire préfèrent quitter les habitations et se réfugier dans les abris divers disséminés dans la nature, ceux-ci sont exophiles.
A. gambiae et A. funestus sont des anophèles naturellement endophages et endophiles qui, 48 à 72 heures après le repas de sang, sortent des habitations pour pondre leurs œufs.
19Plusieurs insecticides ont été utilisés pour mener à bien les campagnes de lutte contre les vecteurs du paludisme. Le DDT pulvérisé à la dose de 2 g/m2 est resté pendant longtemps le produit de référence partout où les anophèles n’avaient pas acquis de résistance à son encontre. Son temps d’activité étant de six mois, le DDT était appliqué de une à deux fois par année, selon que les modes de transmission dans les zones traitées étaient pérennes ou saisonniers. Le malathion a également été utilisé à la dose de 2 g/m2 ; or, à dosage égal avec le DDT, son efficacité ne dépassait pas trois mois. En fait, ce composé n’a été utilisé qu’en début de saison des pluies dans les zones à transmission saisonnière afin de protéger les populations humaines durant les trois mois suivants, propices au développement de A. gambiae. D’autres organophosphorés ont été appliqués à l’intérieur des maisons, comme le fénitrothion et le fenthion, tous deux employés à la dose de 2 g/m2. Dans le groupe des carbamates, le propoxur et le bendiocarb ont été épandus dans de nombreux pays, mais leur forte toxicité sur les mammifères exigeait – et demande encore de nos jours – des précautions d’emploi extrêmement rigoureuses.
20Les recommandations issues des expériences menées aux quatre coins du monde ont orienté la lutte antivectorielle vers des actions de lutte chaque fois plus raisonnées. Dans le même temps, dans le courant des années 1970, les pyréthrinoïdes sont apparus sur le marché des pesticides pour devenir très vite les insecticides les plus utilisés en santé publique. Cette famille de composés peu toxiques sur les mammifères se caractérise par des produits qui agissent pendant six mois au moins à des doses de traitement beaucoup plus faibles que la plupart des autres insecticides. De surcroît, leurs propriétés excito-répulsives éloignent les moustiques des maisons traitées, ce qui limite le contact entre l’homme et le vecteur de la maladie (Hervy et al., 1982 ; Darriet, 1991).
21Dans les régions de fortes endémies palustres, les conditions climatiques sont favorables à l’entretien d’une population anophélienne qui explose à chaque saison des pluies. Ces régions riches en eaux de surface sont le siège d’activités agricoles qui favorisent l’installation de villages densément peuplés. Une lutte contre les anophèles par le biais des aspersions intradomiciliaires nécessite une planification rigoureuse générant des coûts de personnels prohibitifs, des déplacements de véhicules, des insecticides et des équipements divers. Il est évident qu’aucune communauté villageoise ne peut se lancer dans de telles opérations sans aides extérieures. De toute façon, rares sont les pays en Afrique qui recourent aux aspersions intradomiciliaires, si ce n’est dans les régions de paludisme instable où la maladie s’exprime sous la forme d’épidémies meurtrières. Avec l’arrivée des moustiquaires imprégnées de pyréthrinoïdes s’est développée une alternative durable aux aspersions intradomiciliaires, à la fois plus simple à mettre en œuvre, plus économique et beaucoup moins astreignante, aussi bien pour les services de santé que pour les populations qui habitent dans les régions impaludées.
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