Introduction
p. 23-25
Texte intégral
1Qu’elles soient bactériennes, parasitaires ou virales, les maladies ont toujours eu un impact négatif sur les activités économiques d’une région. Un homme ou une femme malade ne peut plus cultiver son champ ou se rendre sur son lieu de travail. Cette souffrance humaine se répercute sur le revenu familial, qui lui-même conditionne la ration alimentaire, l’hygiène et la qualité de vie de tous les jours. Cette situation, lorsqu’elle se prolonge, entraîne un affaiblissement de la cellule familiale ou de la communauté villageoise toute entière. C’est pourquoi, sans remèdes, les sociétés affectées s’affaiblissent en devenant toujours plus sensibles au fléau qui les agresse.
2Dans la Haute Antiquité, les Égyptiens avaient remarqué la relation étroite qui existait entre les épidémies de fièvres et la saison pluvieuse, propice à la prolifération des moustiques. En l’an 450 av. J.-C., le médecin grec Hippocrate recommandait aux urbanistes de construire les villes loin des marécages. Mais l’eau a toujours attiré l’homme car, sans eau, il ne peut y avoir de vie organisée. Or, en s’installant près des rives et des rivages, les sociétés humaines se sont rapprochées des moustiques dont les stades larvaires se déroulent dans les milieux aquatiques. Les moustiques ont découvert en l’homme une source de nourriture en même temps que les parasites et les virus y ont trouvé de concert un nouvel hôte. Nous voici donc en présence du trio moustique/agent pathogène/homme, qui cause bien du souci à l’humanité. Un moustique sain se gorge du sang d’un homme porteur de l’agent infectieux. Le parasite ingéré se transforme dans son estomac puis gagne, sous une forme différente, le thorax de l’insecte. Ces parasites, qu’ils soient hématozoaires, virus ou filaires, sont ensuite réinoculés par le moustique à un homme sain. La boucle est bouclée et le cycle se perpétue naturellement.
3De toutes les maladies parasitaires transmises par les moustiques, le paludisme est la plus meurtrière. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), deux milliards de personnes vivent dans des zones de forte endémie. Cette parasitose engendre de 300 à 500 millions de cas cliniques chaque année dont plus de 90 % sont recensés dans les pays situés en Afrique subsaharienne. Plus grave encore, le paludisme provoque tous les ans de un à trois millions de décès, dont les trois quarts touchent des enfants de moins de cinq ans. Le fardeau économique est d’autant plus lourd que les pays victimes de cette maladie comptent parmi les plus pauvres de la planète. De plus, la déforestation, l’urbanisation croissante, les guerres et la dégradation des systèmes de santé rendent la situation encore plus préoccupante. Les moustiques du genre Anopheles sont les seuls à transmettre les espèces de Plasmodium responsables des paludismes humains. En Afrique subsaharienne, deux complexes d’espèces assurent la presque totalité de la transmission : Anopheles gambiae s.l. Giles, 1902 et Anopheles funestus s.l. Giles, 1900.
4Depuis longtemps, les hommes ont mené une lutte acharnée contre les anophèles, la plus spectaculaire ayant été dirigée par le programme mondial d’éradication des paludismes. En 1955, les experts ont proposé un programme en trois phases. La première phase, dite d’attaque, consistait en des traitements de masse au DDT pour interrompre la transmission. Au cours de la deuxième phase, dite de surveillance, les malades étaient soignés et les derniers foyers résiduels traités avec du DDT. Enfin la troisième phase, dite de consolidation, prévenait la réintroduction des vecteurs et des parasites. Il y eut certes, dans certaines régions du monde, des succès remplis de promesses, mais des échecs aussi qui ont enseigné les erreurs à ne plus commettre. La non-sélectivité du DDT, son accumulation dans les milieux naturels ainsi que les graves déséquilibres biologiques découverts au sein des zones traitées ont rapidement mené à son interdiction dans la plupart des pays du monde. De même, les insecticides qui ne présentaient pas de sélectivité vis-à-vis de la faune non cible ont été éliminés des programmes de lutte antivectorielle. Aujourd’hui, et contrairement au passé, le caractère dégradable d’une substance doit être sa propriété essentielle. Cette stratégie fondée sur le respect de l’environnement évite ainsi une trop grande accumulation de toxiques dans les milieux.
5Dans les années 1970, l’arsenal des insecticides utilisables en santé publique s’est enrichi d’une famille chimique nouvelle : les pyréthrinoïdes. Ces composés sont utilisés pour le traitement des maisons mais aussi et surtout pour les imprégnations de moustiquaires. Les politiques de santé publique de nombreux pays africains incluent les moustiquaires imprégnées de pyréthrinoïdes dans les programmes nationaux de lutte contre le paludisme. Dans le même élan, le programme Roll Back Malaria de l’OMS vise, au cours des cinq années à venir, à multiplier par 30 le nombre de personnes possédant une moustiquaire imprégnée. Une analyse détaillée de 65 évaluations menées dans différents pays (Lengeler, 1998) montre que 336 000 décès pourraient être évités annuellement si chaque enfant de moins de cinq ans se trouvait protégé par une moustiquaire imprégnée. Or, la découverte en Afrique de nombreuses populations de A. gambiae s.l. résistantes aux pyréthrinoïdes a remis en cause l’efficacité de cet outil de lutte. Les questions sont nombreuses sur ce sujet et les réponses attendues avec une attention soutenue de la part de la communauté internationale.
6Cet ouvrage expose dans le premier chapitre les progrès réalisés dans la lutte contre les moustiques vecteurs du paludisme depuis l’avènement des insecticides de synthèse jusqu’à nos jours. Les chapitres suivants traitent des moustiquaires imprégnées d’insecticides et de leur impact dans la lutte contre le paludisme. Les diverses actions de recherches décrites dans ce livre, qu’elles aient été menées sur les anophèles sensibles ou bien résistants aux pyréthrinoïdes, sont présentées à la manière d’une enquête scientifique où les questions qui trouvent une réponse appellent sans cesse de nouvelles problématiques. Cette démarche scientifique est génératrice de recherches qu’il est du devoir du chercheur de mettre en avant, afin que les moustiquaires imprégnées demeurent le pivot des actions de lutte de demain.
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