Études cliniques
p. 59-64
Texte intégral
ÉTUDES TRANSVERSALES
1Il s’agit d’enquêtes descriptives destinées à étudier un événement à un instant précis, notamment pour en mesurer la prévalence ou la fréquence.
2Lors de l’enquête, le choix du moment où elle est effectuée, la définition des critères de sélection et la fiabilité, la reproductibilité des mesures et l’exhaustivité ou la représentativité de la population seront les principaux écueils. Un phénomène peut, en effet, être saisonnier, cyclique ou irrégulier ; il apparaîtra davantage dans certains groupes socioéconomiques ou à des âges particuliers. En outre, sa définition est plus ou moins sensible et spécifique. L’analyse doit tenir compte de l’absence de maîtrise des facteurs de confusion possibles ; l’exemple typique est la corrélation qui ne traduit pas un lien de causalité. L’un des biais les plus courants en Afrique est celui du recrutement : moins de la moitié des patients consultent, souvent très tardivement, dans un centre de santé dont les archives sont généralement erratiques ou incomplètes.
3Ces enquêtes sont informatives, mais non analytiques. La méthodologie et les objectifs n’intéressent qu’indirectement les essais cliniques, sauf lors d’études préliminaires destinées à évaluer la fréquence et les caractéristiques d’une affection sur laquelle doit porter un essai clinique ou après celui-ci, pour mesurer les événements indésirables et la tolérance d’un médicament, ou en évaluer les modalités d’utilisation.
ÉTUDES LONGITUDINALES
4Ce sont des enquêtes diachroniques destinées à suivre une population ou à décrire l’évolution dans le temps d’un phénomène ou d’un ensemble de paramètres.
Études rétrospectives
5Elles reposent sur la consultation et l’analyse de registres ou dossiers médicaux concernant des cas survenus antérieurement à l’enquête. Cela suppose l’existence et la disponibilité de tels documents sources dont l’exploitation nécessitera, toutefois, des précautions importantes et définies au préalable en fonction de leur qualité et des objectifs de l’étude.
6Concernant des événements passés (parfois aussi appelés « historiques »), la méthodologie du recueil d’information a été fixée au préalable, indépendamment de l’objet de l’étude et de ses intentions. De plus, elle a été instituée et suivie par d’autres investigateurs que ceux qui mènent l’étude rétrospective, voire par des investigateurs différents au cours du recueil. Cela conduit généralement à une forte hétérogénéité des mesures et des techniques d’enquête, parfois non signalée et peu apparente. Enfin, il peut être observé des lacunes plus ou moins importantes dans les séries d’observations. L’interprétation des résultats est donc particulièrement délicate.
7En revanche, ce type d’étude est rapide et peu coûteux.
Études prospectives
8Elles concernent la description d’événements successifs au moment de leur survenue. La définition de l’objet d’étude ainsi que les méthodes utilisées sont détaillées au préalable, en fonction des objectifs et, éventuellement, du contexte ou des contraintes. Les biais ou limites pourront être anticipés et documentés. Les procédures seront identiques tout au long de l’étude et les mesures effectuées selon les mêmes techniques, ce qui garantit l’homogénéité et la fiabilité des observations. L’interprétation des résultats en sera grandement simplifiée.
9Les deux inconvénients majeurs de ce type d’étude sont la longueur et le coût.
Études de cohorte
10Cas particuliers de l’enquête longitudinale, elles consistent à focaliser la surveillance sur un groupe de sujets présentant une ou plusieurs caractéristiques communes : âge, lieu de résidence, activité, événement, exposition, etc. Elles visent le plus souvent à comparer les membres de la cohorte entre eux ou par rapport à une population témoin en fonction du temps et de facteurs naturels ou expérimentaux. Elles peuvent être rétrospectives ou prospectives et recherchent plus particulièrement un événement fréquent ou précoce dans la population cible ou dans une population faiblement exposée. La population cible et la population témoin, si elles sont distinctes, doivent être aussi semblables que possible sur un maximum de critères. Une fois déterminée, la cohorte est suivie dans sa totalité. Les résultats sont exprimés en risque relatif du groupe cible par rapport au groupe témoin.
11Les études de cohorte rétrospectives ont pour principale limite d’être dépendantes – comme toute étude rétrospective – de la précision et de la qualité du recueil de données sur lesquelles l’investigateur n’a que peu de prises. En outre, la méthode de collecte (recrutement, questionnaires, observations, analyses biologiques, interprétation des examens complémentaires) a pu changer au cours du temps sans que cela apparaisse dans les documents sources. Cela nécessite de multiples précautions lors de l’analyse des données et de la rédaction des conclusions.
12Les étude de cohorte prospectives sont des études descriptives et analytiques performantes mesurant la prévalence, l’incidence, le risque et l’évolution de plusieurs événements. Leur inconvénient majeur est d’être longues et onéreuses. Les études d’observation de cohorte font apparaître un dilemme entre le respect de la méthode, qui interdit toute intervention susceptible de modifier la situation du sujet, et l’éthique, qui recommande l’action pour améliorer un état préjudiciable au patient dès lors qu’il est constaté.
13En outre, elles posent des problèmes de représentativité ainsi que d’interprétation des perdus de vue, d’identification des facteurs de confusion et des biais.
ÉTUDES FINALISÉES
14Il s’agit d’études effectuées en vue d’une application pratique, généralement dans un contexte particulier.
Études cas-témoin
15Elles analysent un événement rare ou retardé chez des sujets présentant une affection ou un caractère particulier que l’on compare à un témoin apparié, c’est-à-dire ne présentant pas la variable d’intérêt mais semblable au cas qui lui correspond par tous les facteurs en relation avec cette variable (âge, sexe, exposition, etc.). Les témoins sont choisis dans la même population d’origine. La réalisation de ce type d’étude est rapide. La sollicitation du patient est minime. Plusieurs facteurs peuvent être étudiés simultanément.
16Les inconvénients ne doivent pas être sous-estimés. Lorsqu’elle est rétrospective, ce qui est le plus fréquent, l’enquête repose sur des dossiers dont la validité doit être soigneusement évaluée, ce qui est une difficulté majeure en Afrique. De multiples biais sont possibles, qui doivent être recherchés au préalable. La définition des critères de sélection doit être rigoureuse, notamment pour les témoins. Enfin, ces études ne permettent pas de mesurer la prévalence ou l’incidence, ce qui en constitue une limite importante.
17Ce type d’études est peu utilisé lors d’essais cliniques, sinon pour mesurer les événements indésirables rares ou tardifs pendant la phase de pharmacovigilance.
Tests diagnostiques ou pronostiques
18Ces études permettent d’évaluer les performances d’une technique diagnostique ou pronostique. Les propriétés du test sont déterminées à partir d’un échantillon représentatif de la population, ce qui nécessite de caractériser celle-ci puis d’effectuer une sélection aléatoire d’un nombre suffisant de sujets pour obtenir une précision convenable.
19La sensibilité et la spécificité renseignent sur les qualités intrinsèques du test. Les valeurs prédictives donnent la probabilité d’observer une situation inverse à celle constatée par le résultat du test. Ces probabilités sont comprises dans un intervalle de confiance qui tient compte des risques d’erreur. On constate que sensibilité et spécificité varient en sens inverse. En outre, le seuil acceptable découle d’une décision arbitraire qui se fonde sur des critères d’efficacité, d’acceptabilité et de coût, en fonction de l’importance quantitative et qualitative du phénomène que l’on mesure. La courbe ROC (Receiver Operator Characteristic) permet de visualiser le compromis entre sensibilité et spécificité. Les points d’inflexion de la courbe permettent de déterminer le seuil entre l’excessive prudence (sensibilité optimale pour réduire le nombre de faux négatifs) et l’extrême économie (spécificité maximale pour limiter le nombre de faux positifs). Bien entendu, chacun de ces choix implique une concession : la faible spécificité augmente les traitements inutiles et la mauvaise sensibilité conduit à négliger des patients considérés à tort comme bien portants.
20Le rôle des tests peut être important, avant ou au début d’un essai clinique, pour l’inclusion des sujets ou pour la décision d’un traitement et, en fin d’essai, comme critère de jugement.
Études économiques
21Les études d’intervention analysent à grande échelle les conséquences d’une intervention. Ces études ont pour but de comparer des stratégies de contrôle en fonction de leur efficacité, de leur coût et de divers critères dont l’importance de l’événement, son impact socioéconomique, l’acceptabilité et la faisabilité des interventions proposées ainsi que leur impact à plus ou moins long terme.
22Les études coût-efficacité ou coût-utilité s’appliquent à des méthodes dont le coût et l’impact sont différents. On cherche ainsi à mesurer le rapport entre le coût d’un traitement et le nombre de cas évités ou le nombre d’années de vie sauvées, éventuellement ajustées sur la qualité de vie ou QALY (Quality Adjusted Life Years). Dans ce cas, on fait intervenir des critères considérés comme modifiant la qualité de vie (douleur, handicap, séquelles). La pondération de la qualité de vie est subjective et sujette à controverse.
23Les études coût-bénéfice comparent le coût d’une stratégie et le bénéfice économique et social que l’on peut en retirer. On considère à la fois le coût direct de l’intervention (frais de dépistage, frais de prise en charge, traitements et logistique) et les coûts indirects, notamment la perte de productivité.
24Le rôle essentiel de ces études réside dans les choix stratégiques qui seront faits à l’issue de l’essai clinique en fonction des résultats propres de l’essai (tolérance, efficacité) et de la rentabilité respective des différentes méthodes envisagées. En Afrique, ces considérations revêtent une importance considérable et doivent être prévues dès le commencement du développement d’un médicament, car elles auront tôt ou tard un impact primordial sur la décision.
ESSAIS THÉRAPEUTIQUES
25Ce sont des études de cohorte expérimentales prospectives. Outre la rigueur du recueil de données, un ou plusieurs paramètres sont fixes, ou « contrôlés », ce qui permet d’en mesurer l’impact. Ces essais ont pour objectif de valider un médicament avant sa mise à disposition pour ses utilisateurs, prescripteurs ou patients, et visent à démontrer :
- son innocuité ;
- sa tolérance ;
- son efficacité ;
- les modalités précises de prescription (indications, posologie, contre-indications, mise en garde, surveillance, confort d’utilisation, etc.).
26L’objectif des essais thérapeutiques est de comparer les propriétés d’un traitement par rapport soit à l’absence de traitement, soit à un traitement existant et reconnu. En Afrique, il faut y ajouter des considérations sur le coût, l’acceptabilité et la faisabilité d’emploi, car la notion de santé publique y est plus importante qu’en Europe.
27Les essais vaccinaux se distinguent des essais thérapeutiques par l’objectif, qui est la prévention et non le traitement d’une maladie, et le sujet, a priori en bonne santé lors de l’inclusion dans l’essai clinique, ce qui se traduit par des précautions éthiques et des mesures techniques particulières.
28On peut y ajouter des études d’efficacité, de faisabilité et d’acceptabilité de méthodes de lutte sans intervention directe sur le sujet (moustiquaires imprégnées par exemple, dans le cadre de la lutte anti-vectorielle) dont la méthodologie, et parfois l’éthique, diffèrent peu.
29Les objectifs méthodologiques de l’essai clinique reposent sur trois considérations essentielles, qui supposent une technique statistique appropriée.
30Il s’agit d’abord d’une comparaison avec un placebo ou un autre médicament. Ensuite, on cherche à établir un lien de causalité entre le résultat observé et l’utilisation du produit. Enfin, il est essentiel de préciser la signification du résultat, c’est-à-dire le risque d’erreur lié au hasard.
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