Chapitre 11. L’importance économique de l’industrie thonière aux Seychelles
p. 217-230
Texte intégral
Rappel historique sur les années 1970
1En 1971, les Seychelles comptaient une population de 52 244 habitants, dont 4 295 étaient employés dans le secteur de l’agriculture et de la forêt, et 586 dans le secteur de la pêche. Le coprah et l’écorce de cannelle représentaient alors 87 % des 7,9 millions de roupies (Rs) des revenus d’exportation et les produits de la pêche seulement 0,6 %. Au cours des trois décennies suivantes, un spectaculaire changement s’est opéré dans la contribution des divers secteurs à l’économie des Seychelles, avec en particulier le rôle croissant joué par les activités halieutiques et touristiques.
2L’ouverture en 1971 de l’aéroport international, dont la piste fut rallongée en 1976 pour accueillir des avions de grande capacité, marqua l’essor du développement économique des Seychelles. Cette ouverture au monde permit le développement de l’industrie touristique, qui devint rapidement le principal pilier de l’économie. En 1971, les Seychelles attirèrent 3 175 visiteurs et ce nombre augmenta progressivement jusqu’en 2000, avec 130 000 entrées enregistrées. Malgré une légère stagnation observée durant la seconde moitié de la décennie, le tourisme a poursuivi sa progression pour finalement dépasser 200 000 entrées en 2012 pour la première fois. Avec l’arrivée des senneurs industriels en 1984, la pêche thonière devint un autre pilier majeur de l’économie nationale.
La situation au cours de la première moitié des années 1980
Le Plan de développement national (1982-1986)
3Au début des années 1980, personne n’imaginait la richesse économique qu’allait rapidement constituer pour les Seychelles l’industrie thonière. Le président F. A. René justifia ainsi le Plan de développement national 1982-1986 :
4« En lançant le plan 1981-1985, la nécessité d’entreprendre une révolution agraire aux Seychelles apparaissait comme un élément central. Ce nouveau plan continue de se concentrer sur l’agriculture. Un certain temps sera sans doute nécessaire pour que les investissements dans l’agriculture amènent à des résultats probants et, par conséquent, nos efforts dans ce secteur devront donc être soutenus sur le long terme. Le secteur traditionnel de l’économie, le tourisme, recevra un soutien considérable de la part du gouvernement. Et nous porterons aussi notre attention sur les autres secteurs de l’économie… »
5Un budget de 170 millions de Rs (soit environ 55,7 millions d’euros) fut alloué en soutien à la pêche artisanale, dont 12 % pour le développement du port de pêche, 36 % pour l’expansion des pêcheries démersales*, 13 % pour la recherche et la formation à l’utilisation d’équipements de pêche, enfin 39 % pour le suivi des pêches. Par ailleurs, une somme de 80 millions (26,2 millions d’euros) devait aussi être investie dans l’entreprise d’État « Fisheries Development Company Ldt » (Fideco), qui devait concentrer son activité sur l’achat et la remise en état de la flottille existante de goélettes à voile, sur la modernisation des apparaux de pêche et sur l’amélioration des techniques. Il était également prévu, à moyen terme, de construire localement deux nouveaux navires et d’acheter deux palangriers, deux senneurs et deux canneurs pour la pêche industrielle au thon. La totalité du budget investi sur la pêche s’élevait à 11 % du budget national.
Production et exportation halieutiques en 1983
6Jusqu’en 1983, les Seychelles ne pratiquaient que la pêche artisanale et la contribution de ce secteur ne représentait que 3 % du PIB même s’il tenait déjà la deuxième place en termes de valeurs exportées. En 2012 la contribution de la pêche dans le PIB national était de 23,7 %, en nette augmentation par rapport à 2007, où cette proportion s’élevait à 18,6 % de l’économie nationale. La pêche à la ligne et aux casiers représentait alors 90 % des débarquements de poissons. La production locale de poissons augmenta de 2 500 tonnes en 1972 jusqu’à un maximum de 5 400 tonnes en 1978, puis diminua par la suite (3 750 tonnes en 1983). Parallèlement, la valeur des exportations des espèces démersales – fraîches ou congelées – s’accrut de façon significative sous l’effet d’un marché de plus en plus demandeur. Ainsi, en 1983, la valeur du poisson exporté tripla par rapport à celle de 1976 en atteignant 9,46 millions de Rs (soit 3,1 millions d’euros).
Tableau 11-1. Débarquements de poissons et exportations durant la période 1977-1983, en poids et en valeurs
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(Source : Résumé des Statistiques 1984, Division des statistiques)
1982-1983 : évaluation des possibilités des pêches aux Seychelles
7Les résultats encourageants des prospections des senneurs français en 1982 et 1983 suscitèrent une confiance grandissante dans les perspectives de la pêche thonière. Le bureau d’étude norvégien Norplan fut mandaté par les Seychelles pour une étude de faisabilité économique. Voici un extrait du rapport de Norplan sur la planification de la future exploitation des ressources halieutiques pélagiques :
8« Les perspectives d’un accroissement à relativement grande échelle de l’industrie reposent sur la pêche thonière, en particulier en ce qui concerne les thons de surface. Une industrie de pêche thonière en expansion, exploitant les listaos et albacores à espérance de vie relativement courte, à croissance rapide et fortement migrateurs, disponibles dans les eaux seychelloises, devrait générer des débarquements de l’ordre de 6-7 000 tonnes en 1990 et de 15-16 000 tonnes en 2000.
9Les meilleures opportunités tenant compte des possibilités de mise en œuvre locale sont celles de la pêche des thons à la canne et par des petits senneurs. Ces opportunités devraient être développées par des sociétés mixtes et éventuellement, lorsque le moment sera opportun, au niveau national.
10La quantité de 17 000 tonnes de thons qui pourrait être capturée et débarquée par une flottille nationale ou de société mixte pendant l’année 2000 pourrait se répartir en 7 000 tonnes d’albacores et 10 000 tonnes de listaos et autres espèces de thon. La plupart des thons de profondeur destinés à la production de sashimi sont exclus de ces chiffres, car ils alimenteront directement le marché japonais, éventuellement après transbordement aux Seychelles. Ne sont donc ici incluses que les prises qui seraient réalisées par des navires seychellois.
11Pour l’année 2000, les quantités de thon qui pourraient être débarquées par type de navire sont estimées comme suit :
8 thoniers canneurs | 4 000 tonnes |
Palangriers thoniers | 2 000 tonnes |
7 thoniers senneurs | 10 500 tonnes |
Flottille démersale (traîne) | 500 tonnes |
Soit un total de | 17 000 tonnes |
12En outre, une flottille étrangère de palangriers pourrait maintenir une prise totale annuelle de 4-5 000 tonnes de grands thons de profondeur destinés au marché du sashimi.
13Comme il sera discuté dans les chapitres suivants, la structure de la future flottille thonière sera fortement dépendante des résultats d’une opération initiale proposée avec des navires opérant dans le cadre d’une société mixte. L’infrastructure nécessaire pour le port et les services accessoires devrait cependant refléter les options structurelles les plus bénéfiques en termes de revenus nationaux, de profit privé et d’opportunités d’emplois. »
14On constate donc, trente années plus tard, que la plupart des prévisions de ce rapport de prospective se sont révélées fausses. Les experts de Norplan étaient très compétents en matière de pêche, mais l’essor qu’allaient prendre les pêches thonières aux Seychelles n’était nullement prévu par ces experts, ni d’ailleurs par les scientifiques qui avaient alors analysé et estimé les potentiels de captures des divers stocks de thons (comme on l’a vu au chapitre 2). Parmi les erreurs les plus patentes des prévisions du rapport Norplan, on notera en particulier, outre le très faible niveau des captures totales, les recommandations de développer aux Seychelles une flotte de petits senneurs et de canneurs. On a vu qu’aucune de ces deux options n’a abouti a des résultats positifs. La tentative de développer des canneurs a rapidement échoué en raison de multiples causes, la plus importante étant l’insuffisance de la ressource en appât vivant (chapitre 3). Celle visant à développer des petits senneurs nationaux n’a pas eu de suite pour diverses raisons, la principale étant que la compétition était perdue d’avance pour ces petits senneurs face aux grands senneurs en activité dans la région, d’une puissance de pêche et d’une capacité de transport de thons bien supérieures. Le match eût été trop inégal !
Les activités au port de pêche de Victoria
15On peut aisément imaginer que l’arrivée massive et inattendue d’une grande flottille de pêche thonière industrielle en 1984 a provoqué des changements immédiats et profonds sur le port de Victoria, aussi bien au niveau de l’activité économique que des infrastructures.
Mouvements des navires
16L’année 1984, comme on l’a vu au chapitre 5, a connu une augmentation remarquable des entrées de navires accostant au port de Victoria.
Tableau 11-2. Accostages de navires au port de Victoria, navires, 1980-1984
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(Source : Résumé des Statistiques 1984, Division des statistiques)
17Le début des opérations commerciales de pêche au thon entraîna également des importations et des ventes croissantes de pétrole brut et de ses produits dérivés (huiles lubrifiantes, graisses mécaniques, huile hydraulique, huile réfrigérante, détergents et dispersants) de l’État aux flottilles de pêche thonière. La quantité de gasoil livrée doubla entre 1983 et 1984. En 2012, l’activité de réexportation et de revente des produits pétroliers a représenté prés de 92 % du total des marchandises réexportées des Seychelles, et 40,1 % du total des exportations nationales totales (contre 50,9 % pour le thon en conserve).
Tableau 11-3. Quantité et valeur des produits pétroliers (kérosène et gasoil) réexportés ou revendus par les Seychelles pour les bateaux et les avions (1), de 1980 à 1984
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Notes1
(Source : Résumé des Statistiques 1984, Division des statistiques)
18Des statistiques détaillées sur les mouvements des navires ont été collectées depuis le début de la pêcherie. Elles sont présentées à titre indicatif pour l’année 1986 (tabl. 11-4).
Tableau. 11-4 Activité au port des navires thoniers industriels en 1986
Nombre d’escales au port de Victoria | Nombre total de jours au port | Nombre moyen de jours au port par escale | |
Senneurs | 285 | 1 841 | 6,5 |
Palangriers asiatiques | 140 | 932 | 6,7 |
Transport frigorifique senneurs | 67 | 1 077 | 16,1 |
Transport frigorifique palangriers | 11 | n.a. | n.a. |
(Source : SFA)
La conserverie des Seychelles
19On a vu au chapitre 9 les multiples développements et les restructurations majeures réalisés au port de Victoria depuis le début des années 1980. Le port de pêche qui existait en 1984, connu alors sous le nom de « Vieux Port », n’a plus grand-chose à voir avec les infrastructures spacieuses et modernes actuellement offertes aux flottilles de pêche, nationales et étrangères (fig. 9-1). C’est sur ce même terre-plein portuaire que fut construite en 1986 la conserverie de thons.
20Les perspectives de construire aux Seychelles une telle conserverie avaient été discutées dès 1983 entre les armements thoniers français, le bureau d’étude français Cofrepêche et le gouvernement des Seychelles. Toutefois, ce projet ne se concrétisera qu’en février 1985. Victoria devenant dès lors le plus important port thonier de l’océan Indien, le gouvernement seychellois et des investisseurs privés furent convaincus de l’intérêt d’avoir sur place une conserverie traitant directement le thon débarqué par les senneurs. Ce projet, évalué alors à 51 millions de FF (soit environ 15 millions d’euros), fut rediscuté avec F. Gloaguen, le directeur de l’Armement coopératif finistérien (ACF), en association avec la coopérative Pêcheurs de France et la Caisse centrale de coopération, qui couvrirent 52 % du budget. L’Espagne contribua également à hauteur de 20 % pour la fourniture d’équipements spécialisés. La création d’une conserverie constituait alors pour les Seychelles un véritable défi, car il est toujours difficile d’être compétitif dans ce genre d’entreprise lorsque l’on opère sur une petite île, avec une main-d’œuvre relativement chère (par comparaison avec celle de Madagascar ou de Thaïlande) et où tous les intrants de la conserverie (boîtes, carton, huile, etc.) doivent être importés. La COI (Conserveries de l’océan Indien Ltd) fut toutefois construite, et inaugurée en juin 1987. Les Seychelles, au travers du Seychelles marketing board (SMB), en détenaient 70 % des parts, les 30 % restants étant répartis de manière égale entre Pêcheurs de France et l’ACF. La COI devint dès son lancement l’entreprise industrielle la plus importante du pays. Dès la première année, les exportations de thon en conserve dépassèrent le niveau de toutes les autres exportations réunies. La production initiale visée était de 8 000 tonnes par an, un objectif qui paraît certes modeste aujourd’hui, mais qui permettait déjà de fournir un emploi régulier à 350-400 personnes, ce qui n’est pas dérisoire à l’échelle des Seychelles.
Tableau 11-5. Exportations locales en valeur indiquée en millions de roupies seychelloises et d’euros, 1987-1992
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(Source : Banque centrale des Seychelles, Rapport annuel 1992)
21En 1996, la participation française passa au gouvernement des Seychelles à la suite d’une réduction des investissements français entraînant une dilution de leur contribution au capital de la société. Cette même année, la société Heinz racheta 60 % des parts et les 40 % restants demeurèrent propriété des Seychelles. La conserverie fut alors rebaptisée Indian Ocean Tuna Ltd (IOT). À l’occasion de ce passage de relais, l’usine fut restructurée en profondeur et largement modernisée, afin d’être hissée à son actuelle capacité de production, proche de 100 000 tonnes de thons par an, en employant plus de 2 500 salariés (seychellois et autres nationalités. En 2007, la proportion de travailleurs étrangers, originaires notamment des Philippines, du Kenya et de Madagascar, représentait la moitié des employés de la conserverie. La production de la conserverie étant essentiellement exportée sur le marché européen, elle constitue pour les Seychelles une source de devises à la fois régulière et importante. Les exportations de thon issues exclusivement de la conserverie représentaient 22,8 % du PIB en 2011 et sont encore maintenant le second poste de devises étrangères pour les Seychelles, derrière le tourisme.
22Les investissements majeurs consentis pour moderniser rapidement la conserverie et pour en accroître la production eurent pour effet un doublement de la valeur des exportations de thon, passée de 88 millions de Rs (16,4 millions d’euros) en 1995 à 169,8 millions (30,7 millions d’euros) en 1996. Cette augmentation de la production et des exportations s’est poursuivie pour atteindre une valeur de 923,2 millions (environ 151 millions d’euros) en 2004.
L’emploi de marins seychellois sur les senneurs
23Dès les débuts de la pêche commerciale des canneurs et des senneurs, des matelots seychellois furent employés sur ces bateaux. En mai 1984 fut signée une convention fixant les conditions et les modalités d’embarquement de ces pêcheurs. Cette convention faisait suite à de longues discussions entre le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, l’Union nationale des travailleurs et le représentant des armements français, José Basurco. À la suite de cet accord, la SFA introduisit rapidement dès 1985 un livret maritime professionnel qui fut délivré à tout marin à la recherche d’emploi sur un thonier senneur.
24En avril 1985, 37 Seychellois étaient embarqués sur les 22 navires français. Vingt ans plus tard, il n’en restait plus que 27 à bord de la flottille européenne. Alors que les navires étaient plus grands, avec des besoins croissants en équipages, cette baisse du nombre de Seychellois employés peut paraître surprenante.
25De fait, l’emploi des marins seychellois sur les thoniers senneurs n’a pas rencontré le succès que laissaient présager des débuts prometteurs. D’après le protocole d’accord signé le 15 octobre 1981 entre le gouvernement seychellois et Cofrepêche, il avait été convenu d’embarquer deux marins seychellois au titre de la formation professionnelle à bord du Yves de Kerguelen pour la durée de la campagne expérimentale, la rémunération de ces marins étant à la charge de l’armateur. Dans la déclaration commune d’intention datée de juillet 1982, les deux parties se déclaraient satisfaites du travail accompli par les marins seychellois, qui avaient démontré leurs capacités à s’adapter à ce type de pêche. Il avait alors été décidé d’amplifier le programme de formation pratique de marins seychellois. Mais le manque de persévérance au cours de ces formations n’a pas encouragé le développement des vocations dans ce domaine. Certes, il existait dès le début de sérieux problèmes dans le recrutement des marins seychellois. Cofrepêche, dans le dossier de faisabilité du « Projet de société mixte d’armement thonier seychello-français » de mars 1984, faisait déjà ressortir un certain nombre de difficultés dans ce secteur, comme le faible nombre de candidats potentiels, les problèmes d’adaptation à de longs séjours en mer, certaines difficultés d’ordre disciplinaire et un manque de ténacité dans l’effort.
26Par ailleurs, l’accord de pêche entre les Seychelles et l’UE conclu pour la période 2005-2011 stipulait que deux Seychellois devaient être employés par senneur et prévoyait en conséquence une compensation financière en cas de non-emploi. Cette compensation a souvent été préférée par les armements.
27Les raisons pour lesquelles peu de marins seychellois ont embarqué sur les senneurs sont diverses. On pourrait invoquer le manque d’incitations, tant du côté des autorités que des armements, pour encourager les Seychellois à faire carrière dans ce métier difficile. Le statut des marins reste imprécis, et il n’existe pas de service officiel au niveau de l’État seychellois pour réglementer leur activité. Les marins seychellois embarqués sur les thoniers senneurs n’étaient pas des salariés de l’armateur, mais seulement des prestataires de service engagés sur des contrats de courte durée, conclus pour une seule marée. La décision de les reconduire ou de les interrompre ne dépendait que de l’armement. Cela n’a pas constitué un facteur encourageant. Il y a donc eu dans le domaine de l’emploi et des retombées sociales de la pêche industrielle un certain manque à gagner pour les Seychelles, mais il reste toujours possible de renverser cette situation, car il est indéniable que le pays dispose d’un large potentiel de marins compétents.
Importance économique de la pêche aux Seychelles
Les exportations
28Une des statistiques les plus impressionnantes dans le domaine des recettes est celle des exportations de conserves de thon, qui représentaient en 2003-2004 92 % des exportations de produits de la pêche et 90 % de l’ensemble des produits exportés par les Seychelles. Le poisson et les produits dérivés constituaient 98 % des exportations locales en 2003-2004, c’est-à-dire plus du double du chiffre de 1983-1984 (44 %). Ces exportations ont été multipliées par 100 entre 1983-1984 (10,3 millions de Rs) et 2003-2004 (1 milliard de Rs).
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Le port de Victoria en 2012 et le grand bâtiment de la conserverie IOT actuelle.
© IRD/F. Marsac
Tableau 11-6. Exportations en valeur indiquée en millions de roupies seychelloises et d’euros, moyennes des périodes 1983-1984 et 2003-2004
1983-1984 | 2003-2004 | ||
Poisson frais et congelé | Rs | 9,7 | 20,6 |
€ | 2,7 | 3,1 | |
Thon en conserve | Rs | 0,0 | 923,2 |
€ | 0,0 | 145,9 | |
Crevettes congelées | Rs | 0,0 | 42,0 |
€ | 0,0 | 6,3 | |
Autre poisson traité | Rs | 0,0 | 17,7 |
€ | 0,0 | 2,7 | |
Nageoires séchées de requins et concombres de mer | Rs | 0,3 | 1,5 |
€ | 0,1 | 0,2 | |
Autres | Rs | 0,3 | 0,2 |
€ | 0,1 | 0,0 | |
Total exportations halieutiques | Rs | 10,3 | 1 055,2 |
€ | 2,9 | 158,2 | |
Total des exportations Seychelles | Rs | 23,3 | 1 075,3 |
€ | 6,6 | 161,1 | |
% des exportations locales de poissons et produits dérivés | Rs | 44,2 | 98,1 |
(Source : SFA)
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Boîte de conserve de thon produite par l’IOT pour le marché italien.
La conserverie exporte sa production dans toute l’Europe.
© IRD/A. Fonteneau
Les dépenses de la flottille thonière industrielle aux Seychelles
29Grâce à une coopération efficace avec les agents navals, la SFA a pu suivre avec précision le volume des dépenses de la flottille thonière industrielle. Dans la zone portuaire, la présence des senneurs a induit de nouvelles activités ou accru des activités existantes : emplois de marins et de dockers seychellois, réparation navale, avitaillement et approvisionnement en carburant, télécommunications, etc. La conséquence directe de ce regain d’activité a été un afflux de devises étrangères dans l’économie du pays.
30Deux sociétés mixtes engagées dans les réparations électroniques marines, Seramaco et Seycmi, furent créées avec des partenaires français, le gouvernement seychellois détenant 51 % des actions. Seramaco n’a duré que quelques années, mais Seycmi fonctionne toujours. L’évolution des dépenses brutes entre le début du développement de la filière et les années récentes de pleine activité (2003 et 2004) met bien en évidence les grands changements qui se sont opérés dans les différents postes budgétaires liés au développement de la pêche aux Seychelles.
Tableau 11-7. Dépenses brutes des navires de pêche étrangers (incluant navires auxiliaires et cargos) aux Seychelles, 1985-1986 et 2003-2004 (millions de Rs)
Moyenne 1985-1986 | Moyenne 2003-2004 | |
Soutages | 82,4 | 251,8 |
Dockers | 20,4 | 44,7 |
Ingénierie | 1,0 | 10,8 |
Fourniture pour bateaux | 10,9 | 8,8 |
Droits de port | 9,7 | 7,4 |
Salaires | 10,7 | 5,4 |
Autres | 11,5 | 13,2 |
Total | 146,5 | 342,1 |
Total (106 euros) | 4,2 | 5,3 |
(Source : SFA et estimations)
31Les changements les plus spectaculaires concernent l’approvisionnement en carburant (soutage) et les activités des dockers (manutention des thons lors des transbordements et des débarquements). Les chiffres en hausse pour les soutages s’expliquent à la fois par le volume acheté et le prix à la pompe, qui ont tous deux considérablement augmenté sur la période considérée. Les dépenses des dockers ont augmenté parallèlement à l’accroissement des prises débarquées et des transits au port de Victoria. En 1984, près de 90 000 tonnes de thons furent transbordées à Victoria ; en 2004, débarquements et transbordements s’élevèrent à 300 937 tonnes. La comparaison se passe de commentaires. Les signes positifs sur le plan socio-économique se firent sentir dès le tout début de la pêcherie.
32En 1985, un consultant de la FAO, David Parker, écrivait : « Ce type d’emploi (dockers) et sa valeur ajoutée représentent une des plus grandes conséquences de l’accroissement de cette industrie. Ceci est bien illustré dans les comptes nationaux qui montrent une augmentation de 40 % des services liés aux transports de 1983 à 1984, représentant la moitié de la croissance de l’économie sur la même période. »
33La chute marquée des salaires et des avances faites aux équipages entre 1985 et 2004 est la conséquence de la réduction des emplois de marins seychellois sur les senneurs, mais également de la moindre fréquentation des palangriers, surtout japonais, au port de Victoria. En effet, les salaires de l’équipage des bateaux de pêche, notamment asiatiques, incluent une avance versée aux marins durant les escales. La diminution du nombre de palangriers relâchant à Port Victoria entraîna ainsi une baisse importante des avances et des salaires versés aux équipages.
34Les droits de port, qui incluent les frais de transbordement, constituent aussi depuis 1984 des entrées importantes de devises étrangères. Les frais de transbordement ont été fixés à six dollars américains par tonne par le protocole d’accord qui régit les modalités d’utilisation du port de Victoria à Mahé par les senneurs français. Ce protocole avait été signé par la SFA et le syndicat national des armateurs des thoniers congélateurs (SNATC).
Les licences de pêche
35Les apports des licences de pêche ont augmenté de 5,8 millions de Rs en 1983 à 18 millions en 1985 (soit environ 1,7 et 5,5 millions d’euros) à la suite de l’arrivée de flottilles de senneurs français et espagnols. Initialement, les Seychelles avaient signé plusieurs accords avec des contributions de différents niveaux. Le montant des licences dans l’accord de la CEE comprenait, d’une part, un taux fixe et, d’autre part, un taux variable qui dépendait des prises faites dans la ZEE. L’accord espagnol était basé sur la valeur des prises dans la ZEE, mais celles-ci étaient supposées constituer une proportion fixe des prises totales de la flottille. Les licences mauriciennes et ivoiriennes étaient basées sur des valeurs fixes pour chacun des navires. L’accord de la CEE était établi en écus (une monnaie alors virtuelle, proche des euros actuels) et les autres accords en dollars américains.
Tableau 11-8. Revenus générés par les licences de pêche aux Seychelles en 1986 (en millions)
Nationalité | $ US | Rs | Euros |
France | 1,22 | 7,87 | 2,03 |
Espagne | 1,00 | 6,27 | 1,62 |
Maurice | 0,02 | 0,14 | 0,04 |
Corée | 0,42 | 2,50 | 0,64 |
Total | 2,75 | 16,79 | 4,33 |
(Source : SFA)
36Les revenus provenant de la concession de licences de pêche thonière ont augmenté considérablement au cours du temps et en 2004 ils s’élevaient à 58,36 millions de Rs, soit environ 9,13 millions d’euros. La majorité des paiements de licences pendant ces années provenait des senneurs français et espagnols.
Tableau 11-9. Montant des licences thonières (2002-2004) en millions de Rs et millions d’euros
![Image](/irdeditions/file/9728/tei/img-7.jpg/download)
Nota : la contribution de l’UE représente les sommes versées au Trésor seychellois ainsi qu’à l’État pour le développement de l’industrie de la pêche au niveau national. Les accords de pêche fixent une somme forfaitaire versée par les armateurs des différents types de bateaux, en échange du droit de pêcher dans les eaux seychelloises. Le grand total correspond à la somme des contributions financières de l’UE et des redevances versées par les amateurs à l’état seychellois
Conclusion
37Le développement de l’industrie des thoniers senneurs a profondément transformé et soutenu l’économie seychelloise, qui dépend désormais pour une grande part de la pêche thonière, en complément du secteur du tourisme toujours très dynamique. L’activité thonière aux Seychelles représentait, en 2011, 22,8 % du PIB, 91,8 % des exportations, et constituait le second contributeur à l’économie locale, derrière le tourisme. La conserverie a été construite à Victoria parce que ce port est devenu en quelques années la principale base de la flottille de thoniers senneurs de l’océan Indien, et aussi grâce aux préférences douanières qui étaient offertes aux Seychelles par la convention de Lomé. Ce port est ainsi devenu rapidement l’employeur industriel le plus important aux Seychelles. Malgré l’érosion récente et sans doute irréversible des aides au commerce international, cette conserverie devrait logiquement rester le plus grand employeur aux Seychelles.
38Le principal défi consiste pour les Seychelles à augmenter la valeur ajoutée du thon par un meilleur usage du poisson capturé, ou encore à développer de nouveaux produits dérivés attractifs sur le marché. L’autre domaine d’importance cruciale sera l’amélioration des services que le port de Victoria peut offrir aux flottilles thonières. Il est clair maintenant que la pêche thonière peut constituer dans la région une ressource pérenne, si ces ressources sont correctement gérées au niveau international.
Notes de fin
1 Valeurs partiellement estimées
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Aires marine protégées ouest-africaines
Défis scientifiques et enjeux sociétaux
Marie Bonnin, Raymond Laë et Mohamed Behnassi (dir.)
2015