Version classiqueVersion mobile

Les ressources minérales profondes en Polynésie française / Deep-sea mineral resources in French Polynesia

 | 
Pierre-Yves Le Meur
, 
Pierre Cochonat
, 
Carine David
, 
et al.

III. Synthèse

1. Phases et enjeux clés d’un projet minier

Texte intégral

1Ce chapitre propose un ensemble de repères relatifs aux projets miniers, et à l’industrie minérale qui les opère, afin de contribuer à la compréhension et à la gestion du développement éventuel du potentiel minéral marin profond de Polynésie française. Le référentiel proposé est donc indexé aux projets miniers et, au-delà, à l’ensemble de l’industrie minérale. Celle-ci inclut l’ensemble des activités extractives (industrie minière stricto sensu), de traitement des minerais (minéralurgie), d’extraction et de raffinage des métaux (métallurgie).

Nature et conditions de réussite d’un projet minier

2Un projet minier est un projet d’investissement dans l’exploration puis, en cas de découverte d’un gisement, dans l’exploitation de ce gisement afin de produire un ou plusieurs produits commercialisables qui peuvent, selon les cas, être un ou plusieurs minéraux, un concentré ou bien un ou plusieurs métaux plus ou moins purs.

3La réussite d’un projet minier dépend d’une gamme large de facteurs, ce qui rend sa mesure délicate, d’autant plus si elle essaie d’intégrer les points de vue des différentes parties prenantes : pour l’entrepreneur, l’indice synthétique final est le profit que dégage l’exploitation du gisement concerné par le projet, mais pour les populations riveraines ce sera le bon compromis entre limitation des dégâts environnementaux et retombées économiques directes, et pour le gouvernement l’adéquation avec des objectifs, eux-mêmes variables, de politique publique. Ces facteurs sont les suivants :

  • l’existence d’un gisement, c’est-à-dire d’une concentration minérale dont il a été démontré qu’elle est exploitable ;
  • la disponibilité des savoir-faire nécessaires pour mettre en œuvre un projet minier. Dans le cas de projets industriels à grande échelle, ces savoir-faire sont très diversifiés. Des compétences dans différentes disciplines des géosciences (géologie, géochimie, géophysique, minéralogie, pétrographie, pétrologie, télédétection, géostatistique, modélisations numériques 3 et 4D), et dans les domaines du forage, de la métrologie (analyses chimiques et imagerie scientifique pour la caractérisation des minéralisations en vue de leur traitement), de traitement des minerais, de la métallurgie, de l’ingénierie et de la gestion sont nécessaires. Il est souvent fait appel à des compétences externes à l’équipe de projet (prestataires de forages, de géophysique, sociétés spécialisées en ingénierie minière, universités), mais cela suppose une forte capacité à planifier et à coordonner l’ensemble de ces intervenants et à évaluer de manière critique et continue les données acquises et les connaissances générées par ces intervenants externes ;
  • la disponibilité des capitaux nécessaires à l’accomplissement de chaque étape du projet minier ;
  • l’adhésion de l’ensemble des parties prenantes concernées par le projet minier. Celles-ci sont nombreuses (figure 3) et leurs attentes sont diverses et souvent contradictoires, voire conflictuelles. Fédérer les acteurs, développer du consensus autour d’un projet minier est une tâche complexe nécessitant des moyens et des talents spécifiques. La consultation des groupes d’acteurs concernés, leur participation au processus tout au long du projet, la transparence dans la mise en œuvre de celui-ci (jusqu’au stade post-exploitation, après l’arrêt des opérations) et une communication claire au cours du projet sont des clés de sa réussite, en particulier du point de vue du territoire qui porte ce projet.

Figure 3. Les parties prenantes du projet minier (les parties dont le nom figure en italique sont spécifiques de projets dans des pays en développement).
© BRGM/CHRISTMANN et al., 2012

4Les principaux facteurs permettant de démontrer l’exploitabilité sont, classiquement, d’ordre économique et technique. Un investisseur attend une rentabilité de son investissement et celle-ci doit être au moins proportionnelle aux risques qu’il a pris en finançant un projet minier. Au-delà de la dimension technico-économique, la montée des préoccupations liées aux enjeux de soutenabilité du développement et aux régulations associées oblige désormais les industriels à prendre en compte les dimensions socio-environnementales et les questions de gouvernance.

  • 12 Le terme « sous-marin profond » est à comprendre par opposition aux ressources minérales marines d (...)

5Les impacts environnementaux des activités minières sous-marines profondes12 (destruction des habitats, nuages de particules, rejet de déchets, bruit…) sont très mal connus, faute d’études à leur sujet. L’expertise collective Ifremer-CNRS relative aux impacts environnementaux de l’exploitation des ressources minérales marines profondes (Dyment et al., 2014 : 11) souligne que « [l’]écologie des écosystèmes associés à ces ressources minérales est encore très mal connue, de même que les liens et interactions avec les sites plus distants. Les conséquences environnementales que pourrait avoir l’exploitation des ressources minérales sont encore aujourd’hui très largement méconnues. Ces sites rendent de nombreux services écologiques, de manière plus ou moins directe, et sont pour certains directement exploités par l’Homme (cas de la pêche, par exemple) ». Il faudra bien sûr situer plus précisément dans l’espace et la colonne d’eau les interférences possibles entre activités minières sous-marines, fonctionnement des écosystèmes et autres usages de la mer.

6Les impacts sociaux de l’exploitation minière sous-marine sont également difficiles à prédire, faute d’exemples de référence. On peut faire l’hypothèse qu’ils seront moins sévères que sur terre, du fait de l’éloignement des populations et de la faiblesse des usages des espaces concernés (voir par exemple Batker et Schmidt, 2015). Autre hypothèse (souvent vérifiée concernant les mines terrestres), ces impacts sont plus forts dans les situations où les populations locales n’ont pas d’expérience antérieure de projets d’exploitation des ressources naturelles. Les situations ainsi générées tendent à combiner incertitude normative (sur les « règles du jeu »), afflux brutal de ressources de tous ordres et (dans le cas des mines terrestres) mouvements de populations (évictions et migrations).

  • 13 Cela peut se traduire par « permis social d’opérer».

7Ces problèmes nécessitent de bien intégrer les dimensions sociales et environnementales au concept de « faisabilité » du projet minier. La notion d’acceptabilité (sociale et environnementale) vient ici compléter celle de faisabilité. Un projet minier ne peut pas, sauf dans des systèmes autoritaires, réaliser ses objectifs économiques sans l’assentiment des populations impactées par ce projet, sans obtenir ce permis social tacite, basé sur la confiance réciproque développée entre les parties prenantes, que la littérature anglo-saxonne désigne sous le nom de « social licence to operate13 » (voir par exemple Owen et Kemp, 2013). Le permis social d’opérer (PSO) relève de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), progressivement développée par les grandes firmes minières vers la fin des années 1990 pour parer aux coûts du risque réputationnel : il s’agit d’une internalisation des risques environnementaux et sociaux autrefois conçus comme des externalités. Au-delà du PSO, la notion de consentement préalable, libre et éclairé (CPLE) apparaît comme une voie prometteuse en matière de reconnaissance des intérêts et points de vue des populations directement concernées par un projet minier, même s’il faut noter que sa mise en pratique est complexe (Szablowski, 2010) et que les institutions internationales rechignent à l’adopter (comme la Banque mondiale qui a voulu remplacer le « consentement » par la notion plus malléable de « consensus » ; Kirsch, 2014).

8Toute notre expérience, toutes nos connaissances concernant l’exploitation minière viennent des mines terrestres (sauf l’exploitation de diamants dans des eaux peu profondes au large de Namibie, voir V). L’absence d’expérience en matière d’exploitation minière des grands fonds marins, la connaissance encore très fragmentaire des écosystèmes océaniques, notamment du domaine profond, leur résilience par rapport à d’éventuelles activités d’exploitation minière ne sont connues que de manière très fragmentaire et locale (Fouquet et Lacroix, 2012 ; Hein et al., 2013 ; Dyment et al., 2014). L’expérience liée à l’extraction d’hydrocarbures offshore est certes large, mais la comparabilité avec l’exploitation de ressources minérales sous-marines est finalement limitée : elle peut concerner quelques aspects technologiques (on retrouve certains acteurs sur les deux marchés, comme Technip). Il est toutefois possible de tirer plusieurs enseignements des dynamiques sociopolitiques et économiques induites par le développement des hydrocarbures (voir par exemple Mitchell, 2011), de la gestion des catastrophes environnementales marines d’origine pétrolière (Adam, 1998) et des questions d’acceptabilité sociale (Mason et al., 2010 : 1374),

9À ce jour, il n’existe pas de référentiel de connaissances acquises lors d’exploitations minières de ressources minérales marines profondes, quel qu’en soit le type. Il n’existe qu’un seul projet proche de la mise en exploitation, le projet d’exploitation de l’amas sulfuré de Solwara-1 par Nautilus Minerals en mer de Bismarck (Papouasie-Nouvelle-Guinée). Si de nombreux rapports techniques ont été rendus publics, il convient d’en souligner le caractère très préliminaire. Il n’existe pas encore d’étude économique de ce projet, seulement quelques premières estimations de la ressource (Golder Associates -Mineral Resource Estimate Solwara-1 Project) (voir V).

10De nombreuses différences existent entre les conditions d’une exploitation de ressources minérales marines profondes et de ressources minérales « à terre » dans toutes les dimensions du développement durable : économiques, environnementales, sociales, technologiques, culturelles et politiques. S’il existe une littérature abondante relative à ces dimensions, le référentiel disponible sur les ressources minérales marines profondes est très limité, beaucoup restant à découvrir.

Aléas affectant les projets miniers et leur financement

11Les projets miniers sont soumis à de nombreux aléas, exposant tous les acteurs à des risques (États, industrie minière, communautés riveraines de projets miniers).

  • 14 Voir la contribution 0-1 pour une présentation des segments de l’industrie minérale.

12Les types de ressources minérales marines profondes susceptibles de présenter un intérêt dans la ZEE de la Polynésie française concernent uniquement l’industrie des mines métallifères14. La suite de ce rapport se réfère donc spécifiquement à ce segment de l’industrie minérale.

13L’industrie des mines métallifères se caractérise, pour la grande majorité de la production mondiale, par des exploitations industrielles de grande échelle. S’il existe des productions de type PME ou artisanales, celles-ci ne pèsent pas grand-chose dans la production minière, à l’exception de la production de quelques métaux rares tels que les terres rares « lourdes » des argiles ioniques du sud de la Chine, le cobalt ou le tantale dans la région des Grands Lacs d’Afrique centrale.

14L’activité de traitement des minerais a généralement lieu à faible distance des exploitations minières, afin de réduire au maximum les coûts du transport sur de longues distances de tonnages importants. En revanche, la métallurgie peut être réalisée à grande distance des sites d’exploitation, le coût du transport étant largement contrebalancé par le moindre coût de production d’usines métallurgiques situées dans des pays à énergie bon marché et/ou infrastructures et expertises développées (par exemple, le Japon ou la Corée du Sud).

15Le financement des projets miniers est progressif. Il correspond à trois grandes tranches successives (figure 4) :

  • l’investissement public (phase 1) dans l’identification du patrimoine minéral du pays ou de l’une de ses régions ;
  • en cas d’identification de zones particulièrement prometteuses, l’investissement dans l’exploration minière (phases 2 à 5), chacune des phases étant séparée de la suivante par une décision de poursuivre ou d’abandonner le projet au vu des résultats et du contexte économique. Cet investissement comprend l’ensemble des dépenses réalisées avant la décision de mise en production du gisement. Cette étape aboutit à l’étude de faisabilité ;
  • en cas de conclusion positive de l’étude de faisabilité, mobilisation de l’investissement en capital nécessaire pour la mise en production (phase 6). Cet investissement doit comprendre une provision pour financer les travaux d’arrêt de l’exploitation lorsque celle-ci arrivera à son terme (phase 8).

16Des investissements additionnels peuvent également s’avérer nécessaires au cours de l’exploitation, par exemple pour renouveler un parc d’engins, moderniser une installation ou accroître la capacité de production.

17En ce qui concerne les investissements réalisés en matière d’exploration de ressources minérales marines profondes, on recense les opérations suivantes :

  • l’exploration de l’amas sulfuré de Solwara-1 (Nautilus Minerals) et, beaucoup plus accessoirement, la reconnaissance de 18 autres amas sulfurés (Solwara-2 et 19) (voir I-2 et I-5). Ce sont environ 309 millions US$ qui ont été investis en exploration, ainsi qu’en recherche et développement entre 2005 et fin 2014 ;
  • l’exploration des zones à nodules polymétalliques. Les activités les plus avancées paraissent être celles de l’Inde, dans le cadre de permis accordés par l’AIFM dans la partie centrale de l’océan Indien. Ces activités mobilisent les navires océanographiques des ministères indiens de la Géologie, des Mines et de l’Institut océanographique national, ainsi que divers instituts effectuant des recherches et des développements relatifs aux moyens d’exploitation et de traitement métallurgique des nodules. Une ressource de 380 millions de tonnes de nodules (24,4 % manganèse, 1,2 % nickel, 1,1 % cuivre, 0,14 % cobalt) est annoncée par le ministère indien de la Science et de la Technologie15 ;
  • l’exploration dans la zone internationale de Clarion-Clipperton (CCZ) par des organismes publics et des entreprises de plusieurs États, qui ont des permis (Allemagne, Angleterre, Belgique, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Japon, Kiribati, Nauru, Russie, Singapour, Tonga…). Selon HEIN et al. (2013), une ressource de 21 100 millions de tonnes de nodules dans la CCZ contient trois fois la ressource terrestre globale de cobalt, deux fois celle du nickel et une quantité similaire de manganèse. Nautilus Minerals a également un permis dans cette zone et a publié en 201316 une estimation de ressources supposées de 440 millions de tonnes à 26,9 % manganèse ; 1,2 % nitrate ; 1,1 % cuivre et 0,24 % cobalt ;
  • l’exploration des boues volcano-sédimentaires minéralisées de la fosse d’Atlantis-II dans la mer Rouge, entre l’Arabie Saoudite et le Soudan. Situé à 115 km à l’ouest du port saoudien de Jeddah, ce gisement actuellement détenu par la société canadienne Diamond Fields International contient une ressource estimée à 89,5 millions de tonnes avec 2,06 % zinc ; 0,45 % cuivre et 38,4 ppm d’argent.

18Les investissements réalisés avant la mise en exploitation sont particulièrement exposés aux divers types d’aléas spécifiques aux projets miniers, dont les plus évidents sont une chute du cours des métaux, affectant les perspectives de rentabilité, ainsi que des changements imprévus du cadre juridique et/ou fiscal applicable au projet, par exemple à la suite d’un changement de gouvernement. Les investissements ne pourront être récupérés et être générateurs de profits que si le gisement est exploité dans les conditions économiques au moins égales à celles prévues dans l’étude de faisabilité.

19À ces investissements d’exploration viendront s’ajouter ceux de mise en production du gisement, appelés « investissement en capital » (« Capital expenditure », acronyme Capex (voir définition dans la contribution glossaire), dans la littérature anglo-saxonne). Le Capex est l’un des principaux indicateurs permettant d’évaluer l’économie d’un projet ou de comparer des projets entre eux.

20Le montant du Capex peut varier entre quelques millions de dollars, pour de petites exploitations très simples situées dans des régions à infrastructures existantes, à plus de dix milliards de dollars pour des exploitations de très grande échelle, par exemple de minerai de fer, produisant des dizaines de millions de tonnes de minerai par an, nécessitant des infrastructures complexes, notamment pour acheminer le produit vers ses marchés. À ce Capex initial vient s’ajouter un Capex d’exploitation, destiné à financer le renouvellement des équipements lors d’exploitations à longue durée de vie.

  • 17 Base de données compilées par snl.com, service d’informations relatives à l’industrie minière mond (...)

21Sur la base des données relatives à près de 3 300 projets miniers17, le Capex initial moyen est légèrement inférieur à 400 millions US$.

Les phases du projet minier

22L’importance des investissements à réaliser pour mettre en production une nouvelle mine, la nature et l’importance des aléas spécifiques à ces projets nécessitent un séquençage précis de ceux-ci afin de cibler et réduire au maximum ces aléas. Ceux-ci sont maximaux au tout début d’un projet minier, le risque principal étant la non-viabilité économique du projet, le risque de ne jamais pouvoir mettre en évidence des réserves minérales économiquement exploitables.

23Eggert (2010) estime que sur environ 500 à 1 000 projets d’exploration partant d’un terrain vierge, un seul aboutira à l’ouverture d’une mine.

24La figure 4 présente l’enchaînement des différentes phases du projet minier et les rôles respectifs des États et des opérateurs industriels (qui peuvent également être publics). Il s’agit évidemment d’une représentation très simplifiée de la réalité et les acteurs impliqués dans ces différentes tâches ont varié dans le temps (voir Jébrak, 2015 : 104). Cette figure laisse par ailleurs entendre que l’État n’intervient qu’en amont et en fin de projet et que l’entreprise est la seule actrice durant la phase opérationnelle, alors que les questions de suivi, de respect des régulations, etc. relèvent des administrations publiques, même si les tâches sont sous-traitées à des privés. Elle présente une arène minière très dualiste État/entreprise, laissant de côté d’autres acteurs et en particulier la « société civile » au sens très large, qui peut/doit jouer un rôle allant au-delà des procédures de consultation et de sa participation au travail minier (Filer et Le Meur, sous presse). Il ne faut pas non plus oublier les actionnariats publics-privés d’entreprises et projets miniers, comme KNS en Nouvelle-Calédonie ou Codelco au Chili.

Figure 4. Les principales phases d’un projet minier.
© BRGM/P. Christmann

25Cette figure représente en fond turquoise les activités qui sont de la responsabilité des États (ou de leurs collectivités territoriales dans le cas de certains États fédéraux) et, en fond gris, celles qui relèvent du rôle des opérateurs industriels. La limite entre les zones turquoise et grise de la phase 2, Exploration des cibles, est volontairement floue : certains États, pour des raisons de politique de développement régional et/ou de stratégie industrielle, choisissent de s’engager plus avant dans l’exploration, pour renforcer l’attractivité des sites qu’elles proposeront aux investisseurs miniers, et ainsi leur position dans la négociation.

26Les éléments constitutifs des huit phases d’un projet minier (en référence aux activités minières terrestres) sont détaillés dans la contribution 0-1 ; la présentation qui suit est très résumée. Nous reviendrons plus loin sur les spécificités du cycle de projet minier sous-marin par rapport à ce canevas.

27Phase 1 – Campagne(s) d’exploration régionale. Objectif : évaluer l’existence, ou non, d’un potentiel géologique et d’un patrimoine minéral associé, susceptible d’attirer des investisseurs intéressés à le développer jusqu’à une éventuelle exploitation.

28Phase 2 – Exploration multi-méthodes des cibles minéralisées. Premiers calculs de la ressource supposée. Il est fréquent que les États se chargent d’une partie des travaux de cette phase, par exemple en réalisant des levers géophysiques aéroportés et/ou terrestres sur des zones d’intérêt géologique particulier, voire des tranchées et des forages. C’est au cours de cette phase que les permis d’exploration sont accordés par l’autorité publique compétente (variable en fonction de l’organisation institutionnelle du pays) aux investisseurs intéressés à prendre les risques pour développer le patrimoine minéral du pays.

29Phase 3 – Étude économique conceptuelle. C’est la première étude technique et économique réalisée en cours d’avancement d’un projet minier. Elle doit déterminer la viabilité du projet en prenant en compte toutes les composantes (techniques, environnementales, sociétales), identifier les problèmes éventuels (et les études complémentaires nécessaires) et décrire/chiffrer les options possibles pour la suite du projet.

30Phase 4 – Étude préliminaire de faisabilité. De contenu voisin à celui de l’étude économique conceptuelle, l’étude de préfaisabilité offre cependant un degré de précision supérieur. Son utilité est à la fois d’informer les actionnaires de l’avancement du projet et de servir de base, au vu des résultats, à la décision de poursuivre ou d’abandonner le projet.

31Phase 5 – Étude de faisabilité. Elle doit démontrer que l’exploitation d’un gisement déterminé est techniquement, économiquement et environnementalement viable, et socialement acceptée. L’étude doit démontrer que les problèmes géotechniques et hydrogéologiques sont traités et que les calculs des coûts d’investissement et d’opération sont réalistes. Sur cette base, l’entreprise peut décider de monter le financement pour la mise en production (phase 6).

32Phase 6 – Montage du financement, ingénierie détaillée, construction. Les informations qui lui sont relatives ne relèvent pas des obligations de publication imposées par nombre d’autorités de marché occidentales (Afrique du Sud, Australie, Canada notamment). Lorsque certaines sont rendues publiques, elles sont à rechercher dans les communiqués de presse, les rapports trimestriels et annuels des sociétés. Sa première étape, parfois entreprise en parallèle avec l’étude de faisabilité, est de finaliser l’obtention de tous les permis nécessaires à la mise en production. Ensuite viennent, plus ou moins en parallèle, le montage financier consistant à réunir les capitaux et les études détaillées d’ingénierie nécessaires à la mise en production. Ce n’est qu’ensuite que les acquisitions de matériels et les travaux pourront commencer.

33Phase 7 – Production. Cette phase commence souvent 10 à 20 ans après la découverte de la minéralisation au cours de la phase 2 d’exploration. Ce n’est qu’au cours de cette septième phase du projet minier que l’investissement réalisé jusqu’ici pourra être récupéré et que des bénéfices seront réalisés, si les conditions identifiées dans l’étude de faisabilité se trouvent satisfaites ou dépassées. Elle commence généralement par une phase de démarrage, qui peut durer entre un et trois ans, pendant laquelle la production réelle ne sera qu’un pourcentage, progressivement croissant, de la capacité de production prévisionnelle identifiée dans l’étude de faisabilité.

34Phase 8 – Fermeture et gestion de l’après-mine. Cette phase n’est pas, de loin, la moins importante du projet minier car, en milieu terrestre, l’exploitation a généralement conduit à la production de volumes importants de déchets. Un autre problème important des anciennes zones minières métallifères est la stabilité des anciens ouvrages souterrains lorsque ceux-ci sont peu profonds (quelques dizaines de mètres), ainsi que celle des remblais et dépôts de résidus de laverie. Un des avantages de l’exploitation des ressources minérales marines profondes est que ces problèmes ne se posent pas dans ces termes en milieu marin (Batker et Schmidt, 2015), les impacts étant limités à la biodiversité marine, dont il faudra imaginer (et financer) des mesures de restauration spécifiques.

35Les éléments à inclure dans les rapports liés aux phases 2, 3, 4 et 5, détaillées dans la contribution 0-1, s’inspirent des préconisations du standard canadien NI 43-101, annexe 43-101A (Autorité des marchés financiers du Québec, 2011), standard offrant le meilleur niveau international de transparence relative aux projets miniers. La description ci-dessous tient compte des expériences récentes acquises dans le domaine des ressources minérales marines profondes (projet Solwara-1 de Nautilus Minerals, projet Wallis-et-Futuna d’Eramet, Ifremer, Technip, ayant associé le BRGM, Areva, l’Agence des aires marines protégées et le ministère de l’Environnement du Développement durable et de l’Aménagement du territoire lors de sa phase initiale ; voir aussi Agarwal et al., 2012 ; Goto et al., 2010).

36La communication autour de la phase d’exploitation ne relève pas des codes édictés par les autorités des marchés financiers, mais d’autres pratiques laissées pour partie à l’initiative des opérateurs miniers, mais également définies par le cadre légal national. Elles concernent deux domaines :

  • les obligations légales de publicité des comptes, variables en fonction de l’État de domiciliation de l’entreprise minière, de son statut juridique, de ses modes de financement (recours ou non à l’actionnariat public) et du lieu de ses activités ;
  • l’engagement volontaire de l’entreprise en matière de responsabilité sociale et environnementale et en matière de rapportage de ses performances.

Notes

12 Le terme « sous-marin profond » est à comprendre par opposition aux ressources minérales marines du plateau continental, beaucoup plus proches de la surface, comme le sont par exemple les gisements de phosphates de Polynésie française (Mataiva, Makatea), de formation intra-lagunaire.

13 Cela peut se traduire par « permis social d’opérer».

14 Voir la contribution 0-1 pour une présentation des segments de l’industrie minérale.

15 Source de ces informations, publiées en août 2015 : http://pib.nic.in/newsite/PrintRelease.aspx?relid=124402

16 Source de la publication : http://www.nautilusminerals.com/IRM/Company/ShowPage. aspx/PDFs/1313-56149080/ClarionClippertonZoneProjectPacificOcean

17 Base de données compilées par snl.com, service d’informations relatives à l’industrie minière mondiale, disponibles uniquement par abonnement payant.

Table des illustrations

Légende Figure 3. Les parties prenantes du projet minier (les parties dont le nom figure en italique sont spécifiques de projets dans des pays en développement).© BRGM/CHRISTMANN et al., 2012
URL http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/irdeditions/docannexe/image/9562/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 227k
Légende Figure 4. Les principales phases d’un projet minier.© BRGM/P. Christmann
URL http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/irdeditions/docannexe/image/9562/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 190k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search