Introduction
p. 15-17
Texte intégral
1Chaque jour dans le monde, plus de 800 femmes meurent des suites de complications survenues pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Parmi ces décès, entre 1 et 10 ont lieu dans les pays industrialisés. La grande majorité des morts maternelles se produisent dans les régions les plus pauvres du monde, notamment en Afrique subsaharienne. Dans ces pays, les femmes les plus à risque de mortalité maternelle sont les plus pauvres, celles qui résident loin des services de santé et les moins instruites.
2Selon la classification internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-9) de l’OMS, la mortalité maternelle est « le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après l’interruption, quelle qu’en soit la durée ou la localisation, pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse ou sa prise en charge, mais ni accidentelle ni fortuite ». La dixième révision de la classification internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-10) a ajouté deux nouvelles catégories à son répertoire : la première catégorie est le décès maternel lié à la grossesse qui se définit comme le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa terminaison quelle que soit la cause de la mort. À la différence de la mortalité maternelle, les morts maternelles liées à la grossesse englobent les décès toutes causes confondues y compris ceux dont les causes sont accidentelles ou fortuites. La seconde catégorie est la mort maternelle tardive qui se définit comme étant le décès d’une femme résultant de causes obstétricales directes ou indirectes, survenu plus de 42 jours, mais moins d’un an, après l’interruption de la grossesse.
3En Afrique subsaharienne, un certain nombre de pays ont réduit de moitié le taux de mortalité maternelle depuis 1990. Toutefois entre 1990 et 2008, le ratio mondial de mortalité maternelle n’a diminué que de 2,3 % par an. On est donc très loin de la baisse annuelle de 5,5 % qui serait nécessaire pour atteindre l’objectif 5 du Millénaire pour le développement, soit de réduire de moitié le ratio mondial de mortalité maternelle entre 1990 et 2015. Mais depuis toujours, les sociétés sous l’éclairage de la communauté scientifique ont eu à cœur de réduire la mortalité maternelle à travers des stratégies et programmes nationaux et internationaux. Parmi ceux-ci nous citerons les interventions visant une meilleure asepsie pendant le travail et l’accouchement, un accès à une césarienne de qualité, la mise en œuvre des Sonu (Soins obstétricaux et néonataux d’urgence), la Gatpa (Gestion active de la troisième période de l’accouchement) et les politiques d’exemption de certains soins obstétricaux.
4Une mort maternelle est une expérience difficile, parfois traumatisante, pour le personnel soignant. Son désarroi sera d’autant plus grand qu’il aura le sentiment de ne pas être en mesure de remédier aux problèmes auxquels il a dû faire face au cours d’un épisode de soins. Le défi consiste à trouver un moyen de fournir le soutien nécessaire aux personnes impliquées dans ces incidents, tout en s’assurant que les leçons sont tirées à la fois par le personnel et par la structure sanitaire. La plupart des décès peuvent être évités même quand les ressources humaines ou matérielles sont limitées, mais il faut disposer pour cela de bonnes informations sur lesquelles baser des interventions efficaces. Les statistiques de la mortalité maternelle, souvent incomplètes dans les pays à faibles ressources, ne sont pas suffisantes pour évaluer les pratiques et identifier les dysfonctionnements du système de santé. Le personnel soignant dans les maternités, les gestionnaires de services et directeurs d’hôpitaux, ainsi que les décideurs au niveau des ministères de la Santé et des directions de programme, ont besoin d’information, en temps réel, qui permettent d’identifier ce qui peut être fait concrètement pour éviter ces morts inutiles.
5Il existe plusieurs formes d’audit des décès maternels : l’une d’entre elles, appelée Enquête confidentielle avec comité d’experts (cf. Royaume-Uni, France et Pays-Bas) se fait à l’échelon national ou à grande échelle, et consiste à analyser les dysfonctionnements apparus au cours du parcours de la femme, afin d’émettre des recommandations générales. Une autre forme est celle prise dans les revues de morbi-mortalité réalisées au niveau des services ou des établissements qui permettent de concevoir des interventions adaptées au niveau où elles se situent et d’adapter leur mise en œuvre à la lumière des leçons que l’on peut tirer de l’analyse systématique des cas de morts maternelles survenues dans les établissements de santé.
6Dans tous les cas, le caractère confidentiel est assuré vis-à-vis des personnes impliquées (patientes et intervenants). L’analyse objective est effectuée en comparant les soins observés à des normes implicites ou explicites. L’analyse est menée par un groupe de spécialistes, ou comité d’experts, extérieurs à l’événement mais concernés par la question (revue par les pairs) afin d’établir un bilan, tirer des leçons, et émettre des avis ou des recommandations qui permettront d’améliorer les soins et qui sont destinés à un large public médical. L’audit de décès maternel repose sur l’hypothèse que le décès maternel était évitable sous certaines conditions et qu’il importe par conséquent d’identifier les facteurs d’évitabilité en se référant à des normes ou pratiques reconnues. Il porte donc un jugement sur la qualité des soins.
7Les auteurs de ce livre ont participé à un vaste programme de recherche entre 2007 et 2011 pour évaluer l’efficacité de cette méthode en termes de réduction de la mortalité maternelle dans 46 hôpitaux au Sénégal et au Mali : essai Quarité. Les effets de cette approche sur la qualité des soins et la santé des patientes sont très variables selon les contextes professionnels. Le succès des audits de décès maternels est en grande partie lié à la mise en œuvre effective des actions d’amélioration des pratiques. Ces changements dépendent de nombreux facteurs dont les plus déterminants sont la façon dont les audits sont mis en œuvre dans les établissements de santé, le niveau d’expertise clinique des acteurs de santé et leur niveau d’implication dans la démarche. Les chapitres qui vont suivre ont été rédigés en fonction des leçons tirées de cette expérience au Sénégal et au Mali, mais aussi dans des pays à ressources élevées comme la France ou le Royaume-Uni.
8Ce livre est le fruit de la collaboration entre chercheurs du Sud et du Nord. Il met à la disposition des agents de santé notre expérience en matière d’audit de décès maternels. Il prend en compte les difficultés auxquelles les agents de santé sont confrontés tous les jours dans les structures de santé pour prendre en charge les complications de la grossesse et de l’accouchement. Il a pour but de guider les pas des équipes qui souhaitent instituer les audits de décès maternels. Il servira aussi, nous l’espérons, de repère aux décideurs pour mieux accompagner les équipes du niveau opérationnel. Dans la première partie de ce livre, après un rappel historique sur l’émergence des politiques d’audits cliniques, nous décrirons les différentes étapes que nous avons définies pour la mise en œuvre des revues de décès maternels par les pairs. Dans la deuxième partie, nous insisterons sur l’analyse des cas de décès maternels selon les critères explicites et l’élaboration des recommandations visant plus spécifiquement les pratiques professionnelles. Dans la troisième partie, nous présenterons quelques résultats concernant l’efficacité et le coût de cette méthode.
Auteur
Mamadou Traoré est professeur de gynécologie obstétrique à l’Université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako. Il est chercheur associé à l’Institut de recherche pour le développement, président de l’Unité de recherche et de formation en santé de la mère et de l’enfant à Bamako, secrétaire général de la Société africaine des gynécologues et obstétriciens et membre d’honneur de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. Il a 17 ans d’expérience de terrain comme médecin-chef de district sanitaire. Il a coordonné la mise en œuvre et la supervision des audits de décès maternels dans 11 structures sanitaires au Mali dans le cadre de l’essai Quarité. Il a aussi participé à la mise en place des audits de décès maternels dans 12 structures sanitaires au Sénégal dans le cadre du même essai Quarité
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