Introduction
p. 7-9
Texte intégral
1L’histoire de l’homme et du moustique est celle d’une guerre très ancienne, où l’une et l’autre des factions ennemies se pourchassent et se battent jusqu’à la mort. Dans l’Antiquité déjà, les hommes avaient remarqué la relation étroite qui existait entre les fièvres et la présence des marais. C’est ainsi qu’en l’an 450 av. J.-C., le médecin grec Hippocrate recommandait d’édifier les villes et les villages loin des contrées marécageuses. Parmi les victimes célèbres, Alexandre le Grand mourut d’une fièvre palustre à Babylone. Les projets de conquête des armées romaines furent souvent annihilés par ce que l’on nommait les « pestilences », nombreuses à cette époque. Plus récemment, sur le continent africain, le paludisme a longtemps dissuadé les militaires et les missionnaires européens de s’aventurer loin des zones littorales, celles-ci étant réputées – à quelques exceptions près – plus salubres que les terres de l’intérieur. De tout temps, les marécages ont été perçus comme des endroits malsains, avec leurs eaux mortes et putrides où prolifèrent les maladies. Le terme « malaria » est issu de l’italien mala aria, « mauvais air ». Le paludisme, synonyme de malaria, est composé à partir de la racine latine paludis, qui signifie « marais ». Ressort ainsi à travers ces deux termes l’idée que les fièvres sont générées puis véhiculées par cet « air mauvais » qui vient des marécages.
2La transmission de maladies par les moustiques ne fut découverte que lorsque les scientifiques furent en mesure d’isoler sur ces vecteurs les agents pathogènes pour l’homme. Ainsi, durant de nombreux millénaires, les sociétés humaines, urbaines et rurales, subirent sans relâche l’agression des moustiques sans même se douter du rôle de ces insectes dans la dissémination des maladies. En 1878, le médecin britannique Patrick Manson, l’un des fondateurs de la médecine tropicale, fut le premier à impliquer un insecte dans la transmission d’un agent pathogène.
3On le sait maintenant, les moustiques transmettent à l’homme de nombreux parasites et virus. Des espèces tropicales envahissent les zones tempérées alors que des maladies qui restaient circonscrites à des régions bien délimitées du globe apparaissent dans des lieux où elles étaient jusque-là inconnues. Le risque de propagation des maladies émergentes et ré-émergentes, certaines étant désormais sous haute surveillance, est un sujet d’actualité ; les journaux et les télévisions nous rappellent régulièrement le rôle meurtrier du moustique. De leur côté, les entomologistes et les médecins mènent des travaux dans le monde entier pour mieux comprendre la bioécologie du moustique et le rôle qu’il joue dans la transmission des pathogènes. Ce long travail de prospection et d’expérimentation doit tenir compte du comportement de chaque espèce dans les milieux naturels et dans ceux, toujours plus nombreux, modifiés par la présence humaine. Car le monde d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier ! Les moustiques se sont adaptés à une multitude de nouveaux environnements, qu’ils soient urbains ou ruraux, et les espaces où ils pullulent sont toujours plus nombreux. L’eutrophisation des environnements aquatiques pourrait aussi, sur le long terme, favoriser leur pullulation. L’ironie de l’histoire est que les facteurs qui conditionnent ce processus de prolifération sont les mêmes que ceux qui déciment une bonne partie de la biodiversité. Certains biologistes parlent aujourd’hui d’une « sixième extinction », tant les espèces animales et végétales sont nombreuses à disparaître. À l’inverse, la résurgence et l’émergence des maladies à transmission vectorielle telles que le paludisme, la dengue, le chikungunya, le West Nile ou la fièvre de la Vallée du Rift – la liste est longue et non exhaustive – laisseraient à penser que les moustiques n’ont jamais été aussi présents dans tous les environnements.
4Ce travail se veut la synthèse de mes trente années de recherche en entomologie médicale, recherches menées en Afrique, mais aussi en France métropolitaine et outre-mer. Pour rendre cet ouvrage à la fois clair et agréable à lire, j’ai choisi la forme d’une chronique qui montre combien les destinées de l’homme et du moustique ont toujours été étroitement mêlées. L’écriture de ce texte a été une aventure et, tout en exploitant ma propre expérience, j’ai aussi cherché mon chemin à travers de nombreux autres livres et publications.
5Le premier chapitre traite de l’évolution des moustiques et des causes de leur rapprochement avec les hommes. Le deuxième chapitre met en lumière l’impact des intrants agricoles sur la biologie des moustiques et les effets inattendus qu’ils génèrent sur le comportement de ponte de ces insectes. Dans le troisième chapitre sont énumérées, de l’Antiquité à nos jours, les nombreuses et différentes stratégies de lutte mises au point par les hommes. Le chapitre quatre tente de dresser le tableau des conséquences d’une pullulation incontrôlée des moustiques.
6En conclusion, le chapitre cinq trace les grandes lignes de ce que pourrait être la lutte au XXIe siècle à travers un système de décisions intégré au niveau de la santé publique et de l’agriculture. Malgré les efforts toujours plus intenses déployés par les hommes pour les éliminer, les moustiques gagnent du terrain. Découvrons sans plus attendre ce petit diptère, qui derrière son masque d’insecte « comme les autres » se révèle l’ennemi public le plus dangereux et le plus pourchassé de la planète.
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