Chapitre 9. Conserver la ressource halieutique ou les privilèges ?
L’exemple du parc national d’El Kala (Algérie)52
p. 169-183
Résumé
Le passage de l’application de conventions internationales à l’engagement des États et à la création d’AMP n’est évidemment pas un processus linéaire. Partout, les projets de création d’AMP viennent se heurter aux intérêts locaux des acteurs et la phase préparatoire doit évidemment bien prendre en compte tous ces aspects. Cette difficulté n’est pas à négliger car faute d’une bonne concertation, des phénomènes d’exclusion peuvent voir le jour sous la pression de lobbies puissants et bien organisés. Ces difficultés sont illustrées par Dahou et al. à partir de l’exemple du parc national d’El Kala en Algérie.
Texte intégral
Introduction
1En Méditerranée, les pressions anthropiques sur le milieu marin sont très prononcées avec une dynamique de littoralisation parmi les plus rapides au monde (Coudert et Larid, 2006), qui en a fait un hot spot de biodiversité, parmi les 35 existants. La Convention sur la diversité biologique, comme la convention de Barcelone sur la Protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, plaident pour une multiplication des aires marines protégées sur les deux rives. Cependant, leur création ne suscite que rarement des inventaires de biodiversité conséquents et encore moins des études de sciences sociales susceptibles d’adapter des plans de gestion aux contextes locaux. Les agendas internationaux s’imposent sans prendre le temps d’une adaptation préalable de ces outils globaux de la conservation (Chakour et Dahou, 2009). Nous examinons ici les enjeux de gouvernance soulevés par un projet d’AMP au niveau du parc national d’El Kala (PNEK), situé à l’extrême Est algérien. Sa façade maritime a été désignée comme future AMP du fait de son caractère exceptionnel en termes de biodiversité et de la dimension amphibie de cette zone humide littorale. Le parc, créé en 1983, s’étend sur une superficie de 76 438 ha, dans la wilaya d’El Tarf et a été reconnu comme réserve de biosphère de l’Unesco en 1990. Sa lagune et ses lacs sont classés au titre de la convention de Ramsar relative aux zones humides d’importance internationale. Le domaine marin comprend une très forte diversité d’espèces et d’habitats : selon les estimations, les deux tiers des espèces représentatives de la biodiversité méditerranéenne y figureraient (Grimes, 2005).
2Comme beaucoup d’espaces littoraux méditerranéens, la wilaya d’El Tarf, où se situe le PNEK, est caractérisée par une forte croissance démographique, de près de 3 % en moyenne par an (Agence nationale d’intermédiation et de régulation foncière, 2011). Le taux d’urbanisation avoisine les 50 %, et la dynamique d’urbanisation est prononcée dans la partie littorale du PNEK (carte 1), sous l’effet de la métropolisation d’Annaba notamment (capitale régionale). Cette forte littoralisation et concentration autour des zones urbaines de la wilaya n’entrave pas la multiplicité d’usages de la nature. Le niveau d’emploi est très faible, et une grande partie de la population subsiste d’activités informelles saisonnières. L’économie locale est très peu diversifiée avec quelque 60 % des emplois concentrés dans les secteurs administratifs, de la construction et du commerce, tandis qu’environ 30 % des personnes occupées travaillent dans le secteur primaire.
3La prédominance des activités primaires est encore plus marquée dans les zones rurales littorales du parc, où la moitié des revenus des ménages provient de l’exploitation des ressources naturelles. La plupart des ménages ruraux de cette partie littorale pratiquent une agriculture peu intensive sur de petites superficies (Dahou, 2010 ; Arfaoui, 2010). Les exploitations sont essentiellement situées sur des terrains autour des lacs, et étant donné l’inondation des terres basses pendant l’hiver, l’agriculture ne se pratique qu’une seule saison. On relève une faible utilisation des produits chimiques dans ces cultures, ce qui limite leur impact négatif sur les espaces aquatiques, mais pèse sur les rendements. Les populations du PNEK pratiquent également un élevage extensif qui ne perturbe pas les espaces aquatiques, dans la mesure où les bêtes se nourrissent surtout des pâturages situés dans les zones forestières. Le nombre de têtes par ménage est assez peu élevé et cette activité est principalement un motif d’épargne.
4Dans un contexte, où les ménages ruraux pratiquent une diversité d’activités (agriculture, pêche, commerce) faiblement rémunérées, limiter la pêche maritime se révèle problématique si les bénéfices de la conservation ne sont pas équitablement répartis. Aussi, la conservation se justifie-t-elle au regard de revenus limités et de la faible pression exercée par les usages sur les écosystèmes ? Nous tenterons de sérier les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre d’une exploitation halieutique durable pour éclairer les objectifs de conservation de l’AMP. Puis nous restituerons les formes de tourisme au niveau local pour analyser leur caractère durable dans la perspective de création de l’AMP, ce qui nous conduira à une critique du zonage envisagé afin d’évaluer la légitimité et le caractère équitable de cet aménagement répartissant les ressources entre secteurs et entre acteurs.
Pêche et conservation de la biodiversité
5Le PNEK est un parc côtier adossé à une ville intimement liée à la pêche. El Kala est un site d’exploitation du corail depuis des siècles et a vu se développer une petite activité industrielle liée à la capture des pélagiques pendant la colonisation. La lagune Mellah est également exploitée pour ses ressources halieutiques depuis cette période. La pêche a donc été au cœur du développement de cette petite agglomération.
6Aujourd’hui encore, malgré l’arrêt des activités industrielles et la concession de l’exploitation de la lagune Mellah et du lac Oubeira à un entrepreneur privé, une partie de la population est toujours engagée dans la pêche. Au niveau du port d’El Kala, la pêche a connu la même dynamique d’expansion que dans les autres zones du pays : la population du secteur, d’un millier de marins en moyenne dans les années 1990, a doublé dans les années 2000, tandis que la production sur la période a connu la même évolution, passant de 1 500 à un peu plus de 3 000 tonnes53. La pêche a profité de la forte expansion démographique des zones côtières, suite à l’exode rural massif de la dernière décennie du siècle passé. Pourtant, dans le plan de gestion de la future AMP (Grimes, 2005), la pêche est présentée comme une activité peu développée par rapport au potentiel halieutique de la zone. La flotte en activité est composée d’une centaine d’unités de pêche artisanale et d’une dizaine de chalutiers. Les services des Pêches tentent actuellement de développer l’activité à hauteur du stock exploitable, estimé à 8 000 tonnes.
7Alors que l’administration affirme que les pêcheurs n’exploitent qu’une faible partie de la ressource exploitable, la communauté des pêcheurs met l’accent sur la raréfaction de la ressource. Ce paradoxe amène à émettre deux hypothèses : soit les stocks sont surestimés, soit les captures des pêcheries potentielles sont mal réparties. Les pêcheurs soulignent que seuls certains sites sont convoités, par méconnaissance des pêcheries et/ou de la cartographie des habitats. Ce comportement pourrait être justifié par la vétusté des équipements et des techniques de pêche. Néanmoins, la répartition spatiale des activités révèle une diversité de sites pour les captures, à l’exception de la pêche chalutière, qui se concentre sur certains fonds du golfe d’El Kala. Les pêcheurs artisanaux (aussi bien les sardiniers que les pratiquants de petits métiers) soulignent une croissance continue de l’effort de pêche, pour une production globale estimée à 4 000 tonnes (tabl. 1).
8Quant au stock de 8 000 tonnes exploitables évalué par les services des Pêches, son estimation est peut-être datée compte tenu des dégradations causées par les méthodes de pêche. L’aménagement des pêches est censé reposer sur l’identification et la caractérisation de la nature des relations entre différents métiers afin de faciliter l’intervention publique en termes de réglementation de l’activité sur les zones protégées. L’enjeu du diagnostic de l’état de la ressource est stratégique pour adapter les mesures de conservation aux dynamiques des écosystèmes. Il est dès lors incontournable de s’interroger sur les chiffres de la production dans un contexte marqué par un déficit de contrôle des débarquements54. Les estimations globales de la direction des Pêches minorent la pression sur certains stocks, notamment les impacts du chalutage. Au-delà des moyens de contrôle, ce problème illustre les velléités de poursuite d’objectifs productivistes55 intégrant peu l’approche écosystémique des pêches, principe figurant pourtant dans le code des pêches56.
Tableau 1 Estimation de l’effort de pêche
Estimation de la production | Nombre d’unités | Production | |
Petit métier | 9 757 | 136 | 1 326 952 |
Sardinier | 12 550 | 46 | 577 300 |
Chalutier | 96 675 | 14 | 1 353 450 |
Autres | 3 500 | 225 | 787 500 |
Total | 4 045 202 |
Source : Chakour, 2011.
9La pression de la pêche sur les ressources est réelle sur certaines zones du territoire maritime du PNEK, mais le projet d’extension du parc sur sa partie marine se justifie sans doute davantage par la conservation de la biodiversité qui la caractérise. Malgré la croissance des unités depuis les années 1990, la plupart demeurent artisanales et la vétusté de la flotte cantonne l’activité au niveau de la frange la plus côtière déjà intensément exploitée, notamment pour les espèces démersales. Même si le niveau de production semble encore en dessous du potentiel de capture, les témoignages des professionnels laissent craindre l’apparition d’une surexploitation des fonds traditionnels de pêche, situés dans les zones de frai. La majorité des professionnels du secteur indiquent un fléchissement progressif de la production, toutes espèces confondues.
10Malgré une hausse des prix du poisson, en partie obérée par l’augmentation de l’effort de pêche, le problème de formation des prix locaux (les mareyeurs profitent de leur position oligopolistique) limite les gains. Les pêcheurs insistent donc sur la baisse de la production lors des dernières années, surtout pour le poisson blanc, pour expliquer la contraction de leurs revenus. Les revenus des simples marins-pêcheurs s’élèvent aux alentours de 400 € par mois en moyenne pour la pêche chalutière et pour les petits métiers, tandis que la rémunération des pêcheurs dans les sardiniers est un peu inférieure à 300 € (fig. 1). En l’absence de filières de transformation des produits de la mer, les revenus de la pêche demeurent faibles et sont tributaires des seuls niveaux de capture.
11Dans le petit métier, avec l’augmentation de l’effort de pêche57, les revenus de la pêche restent relativement faibles, notamment pour les marins pêcheurs. Pour le secteur pélagique, si l’effort de pêche a aussi augmenté, le problème est davantage lié à la formation du prix. La rentabilité halieutique est perçue comme faible par les pêcheurs, comparativement aux activités de services. Les revenus de la location saisonnière atteignent au moins le tiers de ces revenus annuels, et les pêcheurs sont souvent engagés dans la restauration58 en été où les prix de la sardine s’effondrent.
12L’ensemble de la flottille ayant doublé depuis 2000, le recul économique de l’activité par unité ne peut être imputé qu’à deux causes : l’atteinte de la limite des stocks disponibles (l’augmentation des unités de pêches n’a donc pas été suivie d’une augmentation proportionnelle de la production totale) ; l’augmentation de l’effectif des pêcheurs n’a pas été accompagnée d’une augmentation conséquente des revenus totaux. L’évolution des prix à la hausse au cours de cette période n’a pas eu les effets escomptés sur les revenus des marins pêcheurs, à cause, d’une part, d’une hausse des charges d’exploitation et d’autre part, de l’érosion des stocks ciblés.
13Pour ce dernier point, on peut incriminer les impacts des méthodes de pêche sur les habitats et sur la disponibilité des ressources halieutiques démersales. Le chalutage dans le golfe d’El Kala soulève des conflits d’usage. La pêche au chalut se pratique sur des fonds d’à peine 30 m, alors que l’art traînant à cette profondeur est proscrit par la réglementation59. Elle ne respecte pas non plus la période de fermeture du golfe, dédiée au repos biologique. Si les conflits sur l’accès aux espaces apparaissent mineurs, il existe des conflits sur les ressources plus aigus, entre les petits métiers et les chalutiers. Les deux métiers ciblent le poisson blanc, à valeur marchande élevée. Aussi la mauvaise productivité du petit métier, qui en moyenne s’avère assez faible, est-elle imputée aux impacts négatifs du chalutage sur les habitats (tabl. 2).
Tableau 2. Indicateurs de productivité dans l’activité « petit métier »
Kg/heure | Kg/sortie | Kg/heure/ | Kg/sortie/ | |
Moyenne | 4,29 | 44,55 | 1,43 | 14,58 |
Max. | 7,09 | 70,00 | 2,36 | 23,33 |
Min. | 2,00 | 20,00 | 0,83 | 8,33 |
Source : Chakour, 2011.
14Le chalutage, mené toujours dans les mêmes fonds, affecte la biodiversité benthique et limite par conséquent la production de biomasse pélagique, a fortiori lorsque cette pêche se déroule dans la nurserie qu’est le golfe et pendant la période de repos biologique.
15Dans un contexte local marqué par l’absence d’investissement, la pêche artisanale demeure vétuste. Les actions du plan de relance des pêches des années 2000 se sont traduites à El Kala par le financement de chalutiers hauturiers, alors que le nombre d’unités financées à l’échelle nationale privilégie le petit métier. Malgré les discours publics sur la conservation du site (notamment ceux du ministère de l’Agriculture dont dépendent les parcs et du ministère de l’Environnement chargé de la conservation du littoral), l’État (à travers son ministère de la Pêche) encourage des secteurs rentiers plutôt que de réorienter la pêche vers une plus grande durabilité d’exploitation. Les filets traînants érodent la biodiversité des fonds au niveau des zones les plus côtières, pénalisant les petits métiers artisanaux, dont la main‑d’œuvre a basculé vers la très lucrative pêche au corail, suite à la réduction des marges d’exploitation. Ce phénomène touche également la pêche sardinière, même si ses bas revenus sont surtout liés aux faibles prix de vente locale du poisson bleu.
16Auparavant, le corail était exploité par plongée via des concessions octroyées à une dizaine d’exploitants de manière à réguler les prélèvements pour permettre la reproduction de la ressource. En 2001, l’objectif de reconstitution des récifs a mis un terme aux concessions60. Dès lors, un trafic de corail avec des ramifications en Tunisie et en Italie s’est développé dans la zone maritime d’El Kala (Dahou, 2013). L’exploitation s’effectue depuis au moyen de la croix de Saint-André, engin non sélectif et prohibé61, qui dégrade les récifs en raclant les parois rocheuses. Cette technique dévastatrice pour les colonies de corail est menée à partir des bateaux de plaisance et des petites embarcations de pêche. Les habitats de nombreuses espèces sont ainsi affectés, ce qui diminue la productivité de la pêche aux poissons démersaux et langoustes, ciblés par les petits métiers.
17Le chalutage côtier a entraîné une baisse de la productivité des petits métiers, contribuant à l’engagement des marins dans la contrebande du corail. Les activités illégales ont ainsi des effets multiplicateurs en termes d’atteintes aux écosystèmes, et sont liées à une tolérance excessive des corps de contrôle maritime (Dahou, 2013). Les atteintes à la biodiversité sur ce site sont donc plus liées aux méthodes illégales qu’à une trop forte intensité de la pêche, ce qui pose la question du statut de la conservation marine au-delà d’un dispositif de protection (carte 2).
Tourisme et mesures d’aménagement
18Étant donné la limitation de l’agriculture et de l’élevage dans un parc situé au cœur d’une zone humide, la perspective d’un aménagement littoral guidé par des principes redistributifs entre usages demande d’être attentif au secteur touristique.
Un tourisme durable ?
19Dans la plupart des plans de gestion des AMP, la promotion des usages non extractifs est censée se substituer à la pêche, tout en fournissant un revenu local alternatif. La première proposition de zonage dans le cadre du plan de gestion prévoit ainsi une zone dédiée au tourisme conformément au schéma directeur d’aménagement du territoire. Un projet de construction touristique est d’ailleurs prévu au niveau des dunes situées à l’est d’El Kala, à l’embouchure de la Messida (canal reliant anciennement le lac Tonga à la mer). L’infrastructure touristique actuelle est encore peu développée, et l’offre de circuits est inexistante, malgré les sites naturels et historiques exceptionnels de la région. On estime pourtant la fréquentation touristique annuelle entre un et deux millions de visiteurs62 (algériens), attirés principalement par les activités balnéaires pendant la saison estivale. Divers revenus locaux proviennent des activités touristiques : hébergement, restauration, commerce saisonnier.
20Les hôtels sont tournés vers la façade maritime, à proximité des plages. Leur chiffre d’affaires global annuel tourne autour de 65 millions de dinars (environ 650 000 €) (Chebira, 2010). Les seize hôtels d’El Kala disposent d’un total de 14 000 lits, mais la très forte saisonnalité de l’activité touristique (principalement pendant les grandes vacances) induit une pénurie de structures d’accueil. Ce nombre restreint de structures d’hébergement, ajouté à la faible capacité d’accueil des campings (autour de 2 600 personnes en totalité), a stimulé la location d’appartements. Elle est particulièrement adaptée au tourisme familial, car la très grande majorité des touristes qui recourent à cet hébergement dans la ville viennent en famille composée de cinq personnes en moyenne.
21Un marché touristique informel concerne l’ensemble des quartiers de la ville, certains louant même leur propre logement durant la période estivale. Au moins 30 % des habitants louent des appartements aux estivants. Les rentes émanant de cette activité peuvent être conséquentes, deux mois de location équivalant parfois au Smig d’une année. Cette source de revenu alternative est décisive pour beaucoup de ménages. Elle représente entre 30 et 75 % des revenus annuels de chaque loueur, ce qui constitue beaucoup plus qu’un simple apport de ressources pour les ménages d’El Kala.
22Les revenus liés au tourisme (hébergement et restauration) peuvent être estimés à 6 millions d’euros (Chebira, 2010), rente dont une partie est susceptible de bénéficier indirectement aux pêcheurs artisans, étant donné la diversité de leurs sources de revenu. Si l’hébergement chez l’habitant représente la plus grande part des modes de résidence estivale, il a en plus la capacité de promouvoir le tourisme de nature. Les sujets de conversation entre hébergeurs et vacanciers portent essentiellement sur le patrimoine naturel du PNEK (Chebira, 2010). Au-delà de sa capacité de partage de la rente touristique à une large partie de la population, cette forme d’hébergement peut faciliter le développement d’un écotourisme sur les espaces terrestres pour limiter la pression sur l’espace maritime. Ce dynamique marché de la location a évidemment donné un coup de fouet à l’autopromotion, puisque un grand nombre de villas ont été construites pour un investissement locatif. Néanmoins, la dynamique urbanistique d’El Kala, répondant à une demande exogène, entraîne un rythme de croissance des logements dépassant largement la dynamique démographique de la ville, ce qui n’est pas sans poser des problèmes en termes d’aménagement urbain.
23La valorisation touristique du site s’effectue au détriment de la conservation dès lors que l’urbanisme n’intègre pas l’interface terre/mer. Une bonne partie du bâti recourt à une artificialisation considérable du foncier, et se caractérise par une forte densification, diminuant d’autant les espaces naturels et causant des difficultés de rechargement des nappes (Salah Salah, 2010). Surtout, l’évolution des équipements ne peut suivre la dynamique de construction, ce qui pose des problèmes d’assainissement, des eaux usées non traitées se déversant au niveau des espaces maritimes contigus à El Kala. En dépit de la réglementation relative au développement durable du tourisme, des rapports de force entravent son application, dans la mesure où les décisions d’aménagement urbain sont plus favorables à la commune d’El Kala qu’à l’administration du parc – l’urbanisation s’étend sur les zones protégées, dunes et forêts. Le nombre d’estivants, exclusivement tournés vers les activités balnéaires, représente une menace pour le cordon littoral, notamment du fait de la concentration des déchets, malgré une capacité d’accueil des plages estimée à 40 000 baigneurs par jour (Grimes, 2005). La seule commune d’El Kala produit en moyenne douze tonnes de déchets par jour, dont la majorité provient de la fréquentation touristique (Brahamia et Semouk, 2010). Une grande partie de ces déchets ne sont pas collectés, étant donné l’absence de stratégie communale en la matière. Cette situation contribue au déversement de macro déchets au niveau de la zone maritime.
24La promotion d’une valeur touristique profite des paysages remarquables, mais en induisant un rythme de construction et des formes urbaines inadaptées à la vocation de conservation du site (Spiga, 2010), son impact négatif sur la zone marine pourrait bien être supérieur à celui de la pêche. Par ailleurs, aucun dispositif d’orientation des gains issus de cette rente vers les catégories de la pêche artisanale n’est envisagé. Les décisions politiques de court terme s’opposent donc clairement à celles de long terme dans la gestion du site. Cette opposition se retrouve dans le plan de gestion de la future aire marine protégée qui ne propose aucun scénario particulier en termes d’intégration entre secteurs d’activité susceptible d’entretenir un équilibre dans le temps entre usages.
Conservation et développement durable
25Or, ce manque de considération pour le long terme concerne aussi les revenus futurs. Les divers usages non durables des écosystèmes ont des effets en termes d’équité, puisqu’ils hypothèquent les revenus à venir des catégories vulnérables les plus dépendantes de l’exploitation des ressources naturelles. En outre, la restauration d’un écosystème peut avoir des coûts de court terme en restreignant certains usages, sans que les effets distributifs de long terme ne soient toujours correctement appréhendés. Malgré les études menées dans le cadre de la préparation d’un plan de gestion pour la conservation de la zone marine, les données socio-économiques sont particulièrement sommaires. Une importante pauvreté ressort toutefois de nos enquêtes, avec un revenu moyen annuel dans les zones rurales du PNEK de 3 360 € par ménage – environ la moitié du revenu de ces familles provient d’activités liées à l’usage des ressources naturelles (Dahou, 2010). L’articulation entre les enjeux de développement durable et de conservation se révèle cruciale à l’aune de ces constats.
26L’analyse du zonage proposé donne des indications sur la possible incorporation des objectifs d’équité. Dans la perspective de l’extension du PNEK à la zone marine, le zonage issu du plan de gestion repose sur les seuls critères biologiques, puisqu’il ne s’est pas appuyé sur une cartographie des différents usages des ressources marines. À aucun moment, on a tenu compte des territoires de la pêche chalutière, et des territoires de la pêche artisanale (petits métiers ou sardiniers), ni de leur impact respectif sur l’environnement marin. Si le plan de gestion de l’AMP converge avec le zonage terrestre de la partie littorale du PNEK (Cazalet et Alliouch, 2011) en adossant la zone de développement à la ville d’El Kala, il n’est guère attentif aux usages maritimes locaux. Il s’abstient de différencier ces différents usages en fonction de critères socio-économiques d’une part, et de leur impact sur la biodiversité d’autre part, alors que l’objectif affiché est de concilier conservation et développement durable.
27La zone dédiée au développement promeut essentiellement les activités touristiques, puisqu’il s’agit de la zone de la future AMP la plus proche de la ville d’El Kala, commune la plus importante de ce littoral. Cela suppose toutefois l’incorporation d’une politique environnementale au niveau de cette commune, perspective encore lointaine à en juger par ses modalités de développement actuelles. En revanche, la zone de protection intégrale s’étend de la côte à l’isobathe 50 m, du large du cap Rossa jusqu’à proximité d’El Kala, en englobant la lagune Mellah. Elle comprend aussi un petit espace côtier entre le cap Roux et la frontière, jusqu’à l’isobathe 50 m. Les activités de pêche apparaissent exclues de la partie ouest du golfe, alors que cette partie est la plus fréquentée par la pêche artisanale. Si l’on perçoit une certaine convergence avec le code des pêches, qui proscrit la pêche au chalut dans des fonds inférieurs à 50 m, il s’agirait sans doute de davantage discriminer les pratiques de pêche de manière à ne pas trop pénaliser la pêche artisanale tout à fait compatible avec l’AMP. En effet, si la fermeture temporaire du golfe est prévue par le code des pêches, seul le chalutage est soumis à ce règlement, car les autres pêches n’ont pas d’impact sur les habitats.
28Les petits métiers (pêche au filet maillant de type trémail et aux palangres) seraient faiblement affectés par ces mesures, car leurs captures sont réalisées en dehors du golfe, généralement au-delà de l’isobathe des 50 m, même si certains maintiennent quelques activités de pêche au trémail et aux palangres de fond pendant l’hiver dans cette partie du golfe. En revanche, les sardiniers seraient eux les plus affectés par ce zonage, puisqu’ils exercent une partie importante de leur activité dans le golfe, alors que leur pêche n’a aucune incidence sur les habitats. Si la zone tampon, située entre les isobathes 50 et 70 m, comprend des activités de pêche artisanale et de plaisance, une partie de la zone centrale se trouve au cœur du territoire de pêche sardinière, alors que cette dernière n’a aucun effet sur les habitats. La pêche qui a le moins d’impact sur l’écosystème et dont les marins dégagent le moins de revenus serait donc la plus affectée, si ce plan de gestion était au final appliqué.
29En revanche, la zone tampon où sont autorisées des activités de pêche artisanale et de plaisance abrite les plus importants gisements de corail, et on ne voit guère comment ils seraient protégés de la contrebande par ce statut, surtout qu’une bonne partie de cette collecte illicite se fait au moyen des petites embarcations de pêche artisanale ou de canots de plaisance motorisés. Malgré une exploitation outrancière du corail, aux effets déstabilisants sur l’écosystème, le plan de gestion projeté n’offre guère de garantie de limitation d’une exploitation pourtant illégale et à laquelle participent non seulement des pêcheurs, mais aussi des commerçants, et même des membres de l’administration, en armant les petites embarcations destinées à ce trafic.
30Le zonage envisagé dans le cadre du premier plan de gestion élaboré pour la future aire marine protégée est trop sommaire pour répondre aux défis actuels de dégradation de l’écosystème maritime et de conflits d’accès aux ressources. Au‑delà de la définition d’une zone intégrale, il est tout aussi décisif de guider les modalités d’exploitation dans les autres zones, ainsi qu’à la périphérie de la future AMP. On constate donc que ce zonage, résultant d’une approche « topographique » au sens de Scott63, portée par la biologie de la conservation et exclusivement orientée par la cartographie des habitats, n’intègre guère les enjeux d’équité de l’aménagement du domaine maritime. En l’état actuel, le zonage du plan de gestion pénalise essentiellement les pêcheurs – notamment ceux dont le travail est le moins rémunéré, c’est-à-dire les sardiniers –, tandis que les entrepreneurs du tourisme profiteraient le plus des mesures de gestion envisagées. En plus de la logique d’inéquité dont il est ainsi porteur, il semble peu probable que ce plan de gestion parvienne à atteindre les objectifs de conservation des écosystèmes.
Vers une topographie des pouvoirs maritimes ?
31Ce zonage du PNEK simplifie à l’excès le réel en réduisant les espaces marins à des zones caractéristiques d’écosystèmes ou d’espèces. Or, les territoires maritimes sont le résultat du déploiement des usages en fonction d’une distribution des ressources et du pouvoir d’appropriation sur les ressources. À travers une vision unilatérale, le design de l’AMP se soucie peu d’aménagement des pêches et surtout ne considère aucunement les enjeux d’équité de l’aménagement du domaine maritime – les pêcheurs artisanaux (catégorie aux faibles revenus) sont susceptibles d’être plus pénalisés que les entrepreneurs du tourisme. En outre, cette vision se révèle inadaptée aux objectifs de conservation des écosystèmes coralliens. Mais cette approche topographique ne sert-elle pas à masquer les inégalités d’aménagement et les rapports de pouvoir entre acteurs ?
32Ce sont ici d’une part, les pêcheurs artisanaux et le parc qui montrent des velléités de conservation et d’autre part, les pêcheurs industriels, la direction de la Pêche et la commune d’El Kala qui les contrecarrent. Les premiers étant préoccupés par une régulation des activités pour permettre le renouvellement des ressources dans le temps, tandis que les seconds sont plutôt soucieux d’une rentabilisation des ressources naturelles sur le court terme. Ce dernier réseau d’acteurs l’emporte d’autant plus facilement que les impacts des diverses activités sur les écosystèmes maritimes semblent délibérément masqués par les pouvoirs publics. L’oubli du gouvernement maritime (Dahou, 2009) tend ainsi à occulter des processus politiques qui donnent pourtant des trajectoires particulières à la gouvernance des AMP.
33Si Scott voit derrière cette approche « topographique » des politiques publiques le moyen pour l’État de rationaliser son action en contrôlant les stratégies locales des acteurs, encore faut-il identifier comment localement elle préserve des intérêts. Loin d’être un processus technique, la production cartographique se révèle un processus politique dont le but est de présenter un état du monde qui exclut toujours des données sociales des représentations des acteurs, c’est-à-dire des légitimés d’action. Au-delà du renforcement des bureaucraties techniques que suppose la production de la cartographie (Didier, 2007), il est incontournable de cerner comment la représentation biologique des espaces marins privilégie certains acteurs maritimes aux dépens d’autres. La logique topographique traduit des normes censées encadrer les droits d’accès, en l’occurrence une normalisation environnementale, réappropriée localement pour construire de l’inégalité. Il est d’autant plus probable que cette vision topographique s’impose que les cartes de distribution des habitats et de répartition des usages dans l’espace ne font pas l’objet de débat entre les acteurs locaux.
34Cette absence de débats néglige la gestion des interfaces terre/mer et occulte parfaitement la question des bénéfices de la rente de mise en défens. En renforçant les activités touristiques aux dépens de la pêche, nul doute qu’elle profitera surtout aux actuels promoteurs urbains et aux entreprises du tourisme sans compensations pour les pêches artisanales. Il s’agit donc de remettre en question un découpage AMP calqué sur un zonage terrestre de parc pour envisager une approche plus basée sur les usages et moins spatiale que ne le suggère la mise en œuvre actuelle de l’outil AMP. Un aménagement du territoire plus négocié ne serait-il pas plus propice à la considération des interfaces terre/mer (peu prise en compte par les approches naturalistes du parc) et à une discrimination plus fine des usages, dépassant une dichotomie simpliste de type pêche (usage extractif) et tourisme (usage non extractif) ?
Bibliographie
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Notes de bas de page
52 Ces travaux sont issus du programme GouvAMP (IRD, université d’Annaba et université de Jijel).
53 Direction de la Pêche de la wilaya d’El Tarf.
54 L’absence d’un système statistique fiable va à l’encontre d’une gestion durable de la pêche. Si la réglementation existe, elle reste inappliquée : selon l’article 57 de la loi n° 01‑11 du 3 juillet 2001, les produits de la pêche doivent être débarqués dans des ports de pêche algériens en présence d’un agent représentant l’autorité de la pêche et chargé d’inscrire le poids.
55 Entretiens menés avec les responsables de la direction de la Pêche maritime d’El Tarf en 2010 et 2011.
56 Le contrôle des règlements du code des pêches n’est pas réalisé par les agents du service des Pêches et seule une sensibilisation des professionnels est réalisée par l’intermédiaire de la chambre des pêches d’El Kala.
57 L’augmentation de l’effort de pêche par unité laisse présager à terme d’une situation qui se rapproche de la surexploitation du golfe, zone maritime la plus fréquentée.
58 La moitié de notre échantillon tire des revenus à la fois des activités de restauration et de pêche.
59 L’arrêté du 12 juillet 2004 fixe les limitations d’utilisation des chaluts pélagiques, semi-pélagiques et de fonds dans le temps et dans l’espace à 40 ou 50 m de profondeur selon les endroits et une interdiction totale dans d’autres. Il interdit le chalutage du 1er mai au 31 août à l’intérieur des 3 milles à partir des zones de référence.
60 La pêche du corail a été aussitôt suspendue par le décret exécutif n° 01‑56 du 15 février 2001.
61 Le décret exécutif n° 04‑187 du 7 juillet 2004 fixe la nomenclature des engins de pêche dont l’importation, la fabrication, la détention et la vente sont interdites, dont la croix de Saint‑André.
62 Chiffre moyen tiré des différentes estimations officielles.
63 James Scott a parfaitement montré comment la pensée moderne du développement, au-delà des innovations techniques, recourait à la cartographie de la réalité sociale pour la façonner en fonction de ses objectifs. Cette réduction de la diversité du réel est avant tout destinée à le rendre quantifiable et gouvernable (Scott, 1988).
Auteurs
Chercheur en socio‑anthropologie, Institut de recherche pour le développement, UMR 208 Patrimoines locaux Hydropolitique des zones côtières, IRD-MNHN, Paris, France. tarik.dahou@ird.fr
Économiste, chercheur associé à l’UMR 208 Patrimoines locaux- Gestion de l’environnement marin et littoral (Gemalit) IRD‑MNHN, Paris, France. chachakour@gmail.com
Économiste, chercheur associé à l’UMR 208 Patrimoines locaux- Gestion de l’environnement marin et littoral (Gemalit), programme GouvAMP (université de Jijel/ université d’Annaba/IRD-UMR patrimoines locaux IRD/MNHN). boualem.chebira@univ-annaba.org
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