Chapitre 7. Pêche migrante et aires marines protégées en Afrique de l’Ouest
p. 143-156
Résumé
La mise en place et le succès des AMP reposent sur un lourd travail de communication entre acteurs et l’acceptation de contraintes par chacun d’entre eux. Tout le processus repose sur des valeurs de stabilité qu’il est parfois difficile de retrouver dans le contexte particulier à l’Afrique de l’Ouest. En effet, au cours des dernières décennies, cette région a été marquée par un certain nombre de conflits armés ayant jeté les populations dans le désarroi et sur les routes. Par ailleurs, l’augmentation importante de la population largement dépendante pour son alimentation des ressources halieutiques a certainement aggravé le phénomène de surexploitation attribué jusque-là aux pêches industrielles et aux exportations de poisson noble vers les pays du Nord. Tout ceci, auquel s’ajoute maintenant le risque plus récent du changement climatique, a entraîné un certain nombre de mouvements migratoires et de comportements déviants face auxquels les administrations nationales trop faibles se sont trouvées impuissantes à faire respecter les réglementations en cours. Tous ces événements ne font qu’accentuer le phénomène de pêche migrante avec un certain nombre de conséquences analysées dans ce chapitre par Pierre Failler et al. sur la = viabilité des AMP.
Texte intégral
Introduction
1La création d’un nombre de plus en plus important d’aires marines protégées en Afrique de l’Ouest constitue une menace pour les migrations des pêcheurs, tout comme la mise en place, à la fin des années 1970, des zones économiques exclusives (ZEE), a pu entraver leur liberté de mouvement. Les frontières des AMP semblent être aujourd’hui aussi poreuses que celles des ZEE face à la démultiplication des migrations de pêcheurs due à la chute dramatique des ressources halieutiques dans les pays de tradition de pêche comme le Sénégal.
2L’objectif de ce chapitre37 est de montrer comment la migration de pêcheurs, en tant qu’entreprise économique en marge du processus de développement orthodoxe des pêches ouest-africaines, est aujourd’hui l’un des principaux éléments perturbateurs des AMP. Son intérêt est double : il renseigne tout d’abord un aspect méconnu des pêches ouest-africaines et introduit ensuite les migrations dans la problématique de gestion des pêcheries ouest-africaines et de conservation des ressources marines dans le cadre des AMP. La première partie présente l’élément déclencheur de l’occupation des AMP par des pêcheurs, réfugiés politiques, qui établissent des campements de pêche (itinérants puis permanents au fil du temps). La deuxième partie montre à quel point la raréfaction des bancs de poissons en Guinée et au Sénégal, plus qu’ailleurs, forçant les pêcheurs à augmenter l’intensité des migrations, les conduit à pêcher de plus en plus dans les AMP, seuls lieux où les ressources présentent encore une certaine abondance. La troisième partie, sous forme de discussion, suggère que la pêche migrante soulève des contradictions, de plus en plus évidentes sur le plan environnemental, dans un contexte politique sous-informé et un cadre institutionnel inadapté. La conclusion synthétise les éléments présentés et discutés et envisage quelques pistes d’investigation en matière de politique de développement et de mise en place de politiques régionales, notamment en matière de gouvernance des AMP.
Les conflits politiques des années 1990 et l’occupation des AMP
3Les événements politiques entre la Mauritanie et le Sénégal38 en 1989 constituent le premier acte d’une pièce tragique où les guerres civiles au Liberia de 1989 à 1997, en Sierra Leone de 1991 à 2002, en Guinée-Bissau entre 1998 et 2000 forment les trois autres temps forts politiques de la décennie. Le conflit casamançais39 qui s’éternise depuis 198240, s’inscrit en toile de fond du paysage politique mouvementé de cette fin de siècle.
4Pour ce premier acte donc, tous les Sénégalais traversent, au plus pressé, le fleuve Sénégal. Les pêcheurs mauritaniens, enrôlés sur les pirogues saint‑louisiennes, sont obligés de fuir le Sénégal. Face à une telle débâcle41, les pêcheurs originaires du sud de la Mauritanie remplacent au pied levé les Sénégalais desquels ils ont appris les rudiments de la pêche. Ils migrent même progressivement vers le nord du pays. C’est « à cette époque qu’émerge (…) le savoir-faire des pêcheurs de N’diago », village à l’extrême sud du pays (dia, 2001). Le schéma migratoire entre Sénégal et Mauritanie s’en trouve altéré, puisque ce n’est qu’après 1993 que reprennent les migrations sénégalaises à destination des eaux poissonneuses de la Mauritanie. Les va‑et‑vient habituels des pêcheurs sénégalais sont alors accompagnés d’une nouvelle forme de migration, faite de séjours de longue durée de pêcheurs guet n’dariens qui s’installent dans des campements près de Nouakchott et au sud de Mamghar qui marque la frontière du parc national du banc d’Arguin (PNBA) et donc la limite de la zone de pêche autorisée, limite que les pêcheurs s’empressent de franchir à la nuit venue (Failler, 2002). Les usines de conditionnement et d’exportation de la capitale mauritanienne sont ainsi approvisionnées tous les jours en thiofs et dorades pêchés principalement dans les eaux du PNBA. Il faudra attendre la mise en place du programme de surveillance effectif en 2007 pour que les incursions des pêcheurs migrants soient réduites.
5En mars 1991, les premiers accrochages de la guerre civile en Sierra Leone exemplifient, à l’échelle de la région, le conflit libérien commencé deux ans plus tôt. Si les pêcheurs libériens ont fui vers le sud en direction de la Côte d’Ivoire pour la majorité d’entre eux42, les pêcheurs migrants ghanéens et sénégalais, présents dans la péninsule de Freetown et la région du Sherbro principalement, plient bagages (carte 1, cahier couleurs). La plupart des Ghanéens s’en retournent chez eux, remontent jusqu’en Gambie et en Casamance (F1) où une communauté ghanéenne est implantée, d’autres gagnent la Guinée et plus précisément le nord du pays (F4) et notamment l’île de Tristao, en passe de devenir une AMP, où se retrouvent plusieurs milliers de personnes. Les Sénégalais de Guet N’dar et de Gandiole, quant à eux, se repositionnent en Guinée dans les ports des régions maritimes de Kamsar et Boffa, les îles du Loos et Conakry (GD4/G2), tandis que les pêcheurs sédentaires de Sierra Leone fuient, pour bon nombre d’entre eux, en Guinée voisine à Conakry, Kamsar et Boffa principalement (T2, T3). Plus tard en 1998, certains rejoignent la Guinée-Bissau : archipel des Bijagos (surtout sur l’île d’Urok où plus de 3 000 personnes seront recensées en 2005 au moment où l’AMP d’Urok est créée) et Rio Cacine au sud. L’intensification des affrontements au cours de la décennie augmente le flux en partance vers la Guinée et progressivement vers le Rio Cacine au sud de la Guinée-Bissau ou encore les îles Bijagos, notamment vers celles de Urok, de Ourango (qui fait partie du parc national du même nom depuis 2000) et de João Vieira Poilão (intégrée au parc national marin de João Vieira Poilão depuis 2000 également).
6En Guinée-Bissau, le soulèvement militaire intervenu en 1998 plonge le pays dans une guerre civile qui débouchera sur le renversement du président par la junte en mai 1999 et l’élection en février 2000 de Kumba Lalá, leader de l’opposition, à la tête du pays. Cette guerre civile de deux ans pousse les migrants sénégalais et guinéens installés sur la côte le long de Rio Cacheu au nord et Cacine au sud à quitter leurs campements (carte 2, cahier couleurs). Les Sénégalais rejoignent alors la Casamance ou la Petite Côte au sud de Dakar. Les Guinéens retournent dans le nord de la Guinée où ils s’installent. Certains Sénégalais migrent vers la Guinée (GD4/G3), mais les conflits avec les pêcheurs locaux sont nombreux et beaucoup de Sénégalais ne restent pas en Guinée. Les Ghanéens gagnent la Guinée, Kamsar au nord et Conakry (F4). Beaucoup de migrants ne fuient pas le pays : ils gagnent l’archipel des Bijagos, peu affecté par le conflit et viennent ainsi côtoyer les réfugiés léonais.
7Le réveil de l’irrédentisme43 en Casamance en 1982 débouche sur un conflit armé entre le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) et le pouvoir hérité des accords d’indépendance de 1960. Les Saint-Lousiens (de Guet N’dar et de Gandiole), les Nyominkas et les Lébous sont contraints d’abandonner leurs campements, notamment ceux de la Pointe Saint-George, de Kafountine, Boucotte ou Cap-Skirring (carte 1, cahier couleurs). Les premiers et les troisièmes redéployent leur effort de pêche vers d’autres pays comme la Gambie, la Guinée-Bissau (GD3, GD4, G1, G2, Lé2), tandis que les deuxièmes opèrent un retour au pays natal ou s’établissent sur la Petite Côte (Ny2). Malgré le mauvais état des stocks halieutiques, la pêche nyominka s’organise dans le delta du Siné-Saloum à partir de Djifère et tire avantage de la proximité des centres urbains comme Kaolack et Fatick, voire de pirogues mareyeuses qui acheminent les poissons vers Dakar. Les difficultés économiques poussent toutefois certains équipages à migrer à nouveau vers la Gambie (Ny3). L’insécurité en Casamance diminuant considérablement vers la fin des années 1990, les migrations reprennent progressivement. Les pêcheurs saint-louisiens (GD3/G1) et lébous (Lé1, Lé2) reviennent exploiter le requin, fuyant cette fois l’instabilité politique croissante de la Guinée-Bissau (carte 2, cahier couleurs). Les Nyominkas n’y retournent qu’à compte-gouttes (Ny1) préférant leur nouvelle implantation plus au nord (Ny2, Ny3).
8Les migrants ayant fui les guerres civiles développent une nouvelle forme de migration qui se poursuit bien après la fin des conflits. Ils organisent la vie économique et sociale de campements sis dans des zones relativement isolées, notamment sur les îles qui feront, pour la majorité d’entre elles, l’objet d’un projet d’AMP. La fourniture de carburant et de glace se structure non plus, comme auparavant, à partir des foyers de migration du pays d’origine, mais depuis les débarcadères des pays hôtes. Certains postes d’approvisionnement sont même construits avec l’aide des coopérations internationales à des endroits proches des lieux de pêche comme à Canhabaque dans l’archipel des îles Bijagos. Dans la majorité des cas, le pêcheur migrant s’avitaille et écoule son poisson au campement même. Disposant d’unités de transformation du poisson (fumage, séchage) pour les espèces de faible valeur commerciale (petits pélagiques, pour l’essentiel), les campements deviennent très vite de véritables zones économiques reliées au pays d’origine par les va-et-vient continus des pirogues de transport acheminant à chaque trajet jusqu’à 30 tonnes de marchandises : poissons transformés dans un sens et essence, vivres et accastillage dans l’autre.
9Dès la fin des conflits, les pirogues accueillent un flot de passagers à l’aller comme au retour, conférant une certaine normalité aux campements44. À tel point que cette forme de migration continuera de prendre de l’importance au cours des années 2000 malgré la création des AMP dans lesquelles sont situés les campements. La volonté des pêcheurs exilés de rester dans les campements est certainement le facteur explicatif le plus convaincant. Très jeunes pour la plupart, ils sont remplis d’un désir d’autoréalisation et d’accumulation de richesse, suffisamment motivant pour les tenir éloignés de leur village de façon quasi permanente. La migration leur permet aussi de ne plus se plier à la coutume qui consiste à reverser leurs revenus à leur famille proche et élargie. De nombreux campements se trouvent ainsi disséminés le long du littoral ouest-africain et plus précisément en Guinée-Bissau dans l’archipel des Bijagos, au nord de la Guinée, en Casamance, Gambie et en Sierra Leone.
10Au total, les guerres civiles ont pour effet de faire fuir à la fois les pêcheurs migrants installés dans des campements et les pêcheurs sédentaires qui deviennent pêcheurs migrants par obligation. Toutefois, certains événements politiques, socialement déstabilisants, provoquent l’effet inverse. Après la mort du président guinéen Sékou Touré en 1984, Lansana Conté renverse le gouvernement intérimaire et entreprend de faire entrer la Guinée dans l’économie de marché. Les pêcheurs sénégalais se réinstallent graduellement dans le pays qu’ils avaient fui au fur et à mesure que le régime de Touré installait le communisme. Les migrants saisonniers léonais reviennent aussi. Ils rejoignent les armateurs guinéens et embarquent sur des navires de pêche guinéens. Bouju (1992) mentionne à cet égard que les mouvements migratoires mènent à une recomposition à la fois pluriethnique et plurinationale des équipages de pêche en Guinée. En Guinée-Bissau également, pendant la guerre civile entre 1998 et 2000, l’archipel des Bijagos devient le refuge des migrants ayant quitté la côte et les rios Cacheu au nord et Cacine au sud. L’archipel est peu affecté par la guerre et les migrants s’y concentrent à la fin des années 1990 et début des années 2000, occupant les rivages des îles isolées.
Les pêcheurs migrants, réfugiés écologiques des années 1990 et 2000
11La croissance des pêches ouest-africaines est, dès la fin des années 1980, contrainte par la diminution de la taille et du nombre de bancs de poissons. Les captures d’espèces d’intérêt commercial majeur subissent des réductions allant de 20 à près de 40 % entre 1996 et 2007 (tabl. 1). Les chiffres sont encore plus alarmants dans les eaux du Sénégal, puisque les captures des espèces phares comme le thiof (mérou) accusent une chute de l’ordre de 80 % entre 1990 et 2000 laissant penser que le seuil de rupture écologique a été atteint (Dahou et Dème, 2002).
Tableau 1. Évolution des captures et niveaux d’exploitation des principaux groupes d’espèces.
Espèces | Flottes* | Évolution | Niveau |
Espèces démersales | CV, Gui, Ma, Mo, Sen, Sp | -26 % | Modéré |
Céphalopodes (poulpe, | Ma, Mo, Sen, Sp | -31 % | Modéré |
Espèces pélagiques | CV, Mo, PB, Sen, Sp, Ukr | -20 % | Pleinement exploité |
Crustacés (langouste, | Fr, It, Mo, Sen, Sp | -38 % | Pleinement exploité |
Source : Failler et Gascuel, 2008.
12Devant la raréfaction des ressources et afin de soutenir la production, les pêcheurs artisans n’ont d’autres choix que d’aller plus loin afin d’exploiter de nouveaux stocks halieutiques. Cela est rendu possible par :
des prix de vente très élevés pratiqués par les marchés d’exportation qui poussent les pêcheurs à investir davantage et à poursuivre le développement de leur activité de pêche (Dahou et Dème, 2002) ;
des zones de pêches encore peu exploitées, c’est le cas de l’archipel des Bijagos en Guinée-Bissau, des îles Tristao et Alcatraz en Guinée où la pêche pratiquée par les populations autochtones n’en est encore qu’au stade de pêche de subsistance (Kaczynski et Fluharty, 2002) ;
le caractère informel et souvent illégal des activités de pêche migrante, qui leur permet de contourner les conditionnalités d’accès inhérentes à la création des ZEE à la fin des années 1970 et des accords de pêche entre pays de la sous-région pour la pêche artisanale : la faible capacité de contrôle maritime fait que le nombre d’embarcations en pêche dépasse celui autorisé par les protocoles des accords (Hosch et al., 2010).
13Ainsi se développe une nouvelle forme de migration avec les pêcheurs sénégalais comme principaux acteurs. Campée sur les zones de pêche sans jamais mettre pied à terre, elle n’en constitue pas moins la plus importante au plan économique. Elle concourt aujourd’hui à hauteur de 60 % du volume de poisson exporté45 par le Sénégal à destination des pays de l’Union européenne (poisson de forte valeur commerciale, pour l’essentiel). Organisée en marées d’une durée de 10 jours (qui correspond au temps de conservation du poisson sous glace sans détérioration), elle met à contribution deux pirogues armées de manière similaire : mêmes capacité de stockage, vitesse de déplacement et nombre de matelots de manière à s’assurer d’une certaine uniformité des capacités de pêche. Pour la pêche organisée depuis les ports de la Petite Côte (Mbour et Joal) vers l’archipel des Bijagos, le temps de la marée est partagé entre les deux jours nécessaires à se rendre du port au lieu de pêche, les six jours à caler et haler les filets et les deux jours restants à revenir au port de débarquement avec plus de 6 tonnes de thiofs, carpes rouges, dorades grises ou roses dans les cales. Les deux pirogues qui opèrent ensemble se retrouvent donc tous les dix jours sur le lieu de pêche. Le passage de témoin entre la pirogue qui arrive et celle qui part se fait au-dessus du filet calé, qui ne quitte de la sorte jamais la zone de pêche ! Si chaque pirogue est complètement autonome, la remontée de la pirogue pleine de poissons est conditionnée par l’arrivée de la seconde sur le lieu de pêche : une bonne coordination est ici un impératif de réussite. Les visites régulières aux ports sénégalais laissent penser que cette forme de pêche migrante prolonge quelque peu les formes organisationnelles des années 1970. En réalité, il n’en est rien, car la plupart des pêcheurs sont déconnectés de leur village natal et ne font escale que dans les grands sites de débarquement : les ports de Ziguinchor, Joal, Mbour, Hann, Saint-Louis, etc.
14Tout comme dans les années 1970, l’ouverture de nouveaux marchés permet de soutenir les migrations. Par exemple, la pêche du requin, déjà pratiquée de manière traditionnelle, s’intensifie dans les années 1990 sous l’effet de l’attraction exercée par le marché asiatique avec des prix atteignant 350 € le kilo. Localement, ces filières sont intégrées verticalement46 : les mareyeurs (intermédiaires entre les pêcheurs et les exportateurs en gros) financent les campagnes de pêche et encouragent une reconversion des pêcheurs vers cette pêcherie. L’explosion de la pêcherie de requin au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie se heurte très vite aux limites physiologiques des sélaciens dont les cycles de reproduction sont très lents et limitent d’autant le renouvellement des stocks exploitables. Aussi, la stratégie des pêcheurs sénégalais et ghanéens a-t-elle été à nouveau de se tourner vers les ZEE des pays voisins : bissau-guinéenne, guinéenne et sierra-léonaise. La production d’ailerons pouvant être séchée et conservée à bord ne nécessite pas de débarquement régulier et encourage l’extrême mobilité des pêcheurs migrants.
15Sur le plan spatial, les nouvelles formes de migration des pêcheurs qui ont émergé à la fin des années 1980 et sont organisées selon le principe de l’autonomie à bord s’épanouissent au cours de la décennie suivante pour être aujourd’hui omniprésentes dans toute la sous-région (carte 2). Sur le plan économique, les estimations47 les plus récentes de captures par les pêcheurs migrants ouest-africains dans les ZEE des pays voisins font état de captures comprises entre 200 000 et 250 000 tonnes de poisson (pour environ 1,6 million de tonnes débarquées chaque année), soit entre 15 % et 20 % du total des captures de la sous-région (Binet et Failler, 2010).
Les migrations dans une impasse écologique et sociale
16Pendant longtemps, les pêcheurs ont migré afin de suivre les déplacements d’espèces migratrices (petits pélagiques, pour l’essentiel) ou de capturer des espèces qui se retrouvaient en abondance à un moment et un lieu donnés (lors de la période de frai, par exemple). L’adaptation des pêcheurs à la disponibilité en temps et lieu des ressources a montré la forte capacité d’initiative de la pêche artisanale. Les migrations ont opéré un redéploiement de l’effort de pêche des flottilles d’une espèce à une autre en l’orientant à chaque fois vers les stocks momentanément en plus forte abondance. En cela, elles favorisaient une bonne distribution spatiale et temporelle de l’effort de pêche et confirmaient le principe de la migration comme moyen de gestion flexible des pêcheries. Ce principe est toutefois remis en cause depuis une décennie, puisque les pêcheurs ont recours à la migration afin de pallier les insuffisances de poissons dans leurs zones de pêche traditionnelles. Migrer ne signifie plus alors mieux diriger l’effort de pêche d’une espèce à une autre au moment opportun, mais se déplacer faute de mieux. Dans le contexte actuel de raréfaction des ressources halieutiques et de déclin substantiel des principaux stocks de poisson tout au long de la côte ouest-africaine, la migration apparaît ainsi davantage comme un pis-aller qu’un arbitrage optimal entre différents choix de pêche.
17La volonté politique actuelle de gérer les pêches artisanales tant à l’échelle des pays qu’à celle de la sous-région doit encore être confortée. Dans son ensemble, elle pourra amener à porter une considération nouvelle aux phénomènes migratoires. La majorité des captures réalisées par les pêcheurs artisanaux étrangers ne sont pas connues et donc pas comptabilisées dans les statistiques nationales. Lorsque les débarquements se font dans le pays d’origine ou que les débarcadères sont trop éloignés pour être couverts par les enquêtes statistiques, aucune donnée quantitative n’est disponible dans le pays de capture. Lorsqu’ils sont comptabilisés, leur provenance n’est pas mentionnée : tout poisson débarqué est alors assimilé à un poisson capturé dans les eaux nationales. Les statistiques nationales sont dès lors faussées en attribuant à la ZEE nationale le poisson provenant de la ZEE voisine. Le pays qui bénéficie des débarquements de la pêche migratrice aura conséquemment l’impression que ses stocks de poissons sont en meilleur état qu’ils ne le sont réellement ; impression partagée par le pays où sont capturés les poissons du fait de l’absence de déclaration de captures. Difficile dans une telle situation d’émettre des avis scientifiques et de formuler des plans de gestion.
18Depuis la mise en place des ZEE nationales à la fin des années 1970 et au début des années 1980, l’accès des pêcheurs migrants aux eaux des pays tiers est régi par des accords de pêche entre pays. Ils portent pour l’essentiel sur un nombre d’embarcations autorisées à pêcher, mais nullement sur des espèces et des quantités permises. La faible capacité de contrôle maritime et la corruption font que le nombre d’embarcations en pêche dépasse celui autorisé par les protocoles d’accords. À ce phénomène se juxtapose un autre, sensiblement plus dommageable : celui de la pêche illégale dans les aires marines protégées. Que ce soit dans les réserves de biosphère comme l’archipel des îles Bijagos, le parc du banc d’Arguin (à un degré moindre) ou encore dans les aires marines protégées en cours de création, comme celle de Tristao et Alcatraz, les activités de pêche des migrants sont en total désaccord avec l’esprit de protection de l’environnement marin48. Elles causent des dégâts écologiques, économiques et sociaux importants. L’absence totale de considération écologique de la part des pêcheurs migrants porte atteinte à la survie des stocks ciblés et de ceux dont les espèces sont capturées accidentellement. La problématique des migrations s’inscrit donc aujourd’hui dans le double jeu de la régulation de l’accès aux ressources halieutiques et celui de la conservation des écosystèmes marins au sein des AMP.
19Les activités des pêcheurs migrants se situent par ailleurs chaque année davantage dans les zones traditionnellement fréquentées par les pêcheurs autochtones, ce qui entraîne une baisse de leurs captures, voire un retrait pur et simple de ces derniers de ces aires de pêche (Failler et al., 2009). Ainsi, et en dépit de la contribution de la pêche migrante au développement économique des communautés avec lesquelles les pêcheurs migrants cohabitent en participant notamment à la création d’emplois, les échanges entre populations locales et pêcheurs étrangers laissent peu à peu la place à un rejet accru des allochtones, tant la fréquence et l’intensité des conflits entre pêcheurs autochtones et étrangers deviennent fortes. Lorsque les instances locales ou les agences de contrôle des pêches sont mobilisées pour arbitrer les conflits, c’est souvent au détriment des pêcheurs migrants, dépourvus de droits, victimes de sanctions abusives et dans l’obligation de verser des dessous-de-table. Même pour les migrants établis depuis plusieurs décennies dans les campements ou dans les villages, au moindre conflit, leur situation d’étranger est tout de suite pointée du doigt. Selon Dia (2001), le comportement foncièrement non conforme aux normes sociales des communautés autochtones malgré les efforts d’intégration (mariages avec partenaires locaux, adoptions de coutumes, etc.) constitue le principal facteur d’explication. Il convient donc à la pêche migrante de légitimer sa présence dans les eaux des pays ouest-africains afin de pouvoir bénéficier de droits conséquents, notamment celui de pouvoir pêcher dans les AMP.
Conclusion
20Les migrations de pêcheurs renvoient aujourd’hui l’image d’un système qui court à la faillite et dont les déplacements ne sont qu’une fuite en avant. Les quelques tentatives récentes d’intervention publique, notamment la limitation du nombre de licences accordées aux pêcheurs étrangers, sont battues en brèche par les comportements clandestins des pêcheurs migrants, aidés en cela par les trop faibles moyens de surveillance, à l’échelle des ZEE et des AMP.
21La sécheresse des années 1970 a provoqué un exode rural massif, venant gonfler les effectifs de la pêche ouest-africaine et de la pêche migrante sénégalaise, en particulier. Les pêcheurs migrants des régions de la Mauritanie, du Sénégal et de la Gambie, réfugiés climatiques pour bon nombre d’entre eux, ont profité de l’abondance des poissons dans les eaux des régions voisines ou des pays frontaliers, aidés en cela par les programmes de développement initiés par les pouvoirs publics et les organisations internationales, ainsi que de l’ouverture de marchés à l’exportation. Au cours des deux dernières décennies, les phénomènes migratoires se sont amplifiés, tant spatialement, temporellement que numériquement. Les zones de pêche se sont progressivement éloignées des lieux de résidence des pêcheurs. Au caractère saisonnier et épisodique des migrations s’est substituée une présence continue sur les zones de pêche. À grand renfort de réfugiés, les conflits armés ont transformé les campements temporaires en véritables lieux de vie. Face à l’effondrement des stocks de poissons, le nombre de pêcheurs affectés par les phénomènes migratoires est en progression constante et leurs captures occupent une place chaque jour plus importante dans les débarquements de poissons. Les pêcheurs migrants sont ainsi peu à peu devenus des réfugiés écologiques.
22On peut s’interroger dès lors sur ce qu’il adviendra, si rien n’est fait dans les prochaines années pour cadrer et limiter ce phénomène : des migrations plus lointaines encore ? Des pratiques plus intenses sur les zones de pêche ? De nouvelles espèces ciblées ? Davantage de pêche illégale dans les AMP ? Et pour les migrants, une vie à bord des pirogues ? Une apatridie définitive ? Les pouvoirs publics commencent à prendre la mesure de l’ampleur du phénomène migratoire, longtemps ignoré car il n’était pas pris en compte dans les statistiques. La coopération régionale, seule issue possible, tant la distribution spatiale du phénomène dépasse les frontières d’un seul pays, passe par des initiatives coordonnées, notamment au sein de la Commission sous-régionale des pêches (CSRP). À l’échelle des AMP, cette coopération semble s’organiser à partir du réseau des aires marines protégées de l’Afrique de l’Ouest (le Rampao) ; seule entité disposant aujourd’hui de fonds suffisants à même de juguler les intrusions permanentes des pêcheurs migrants dans ces zones de protection.
Bibliographie
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Notes de bas de page
37 Ce chapitre présente certains résultats d’un travail relatif aux migrations de pêcheurs artisans en Afrique de l’Ouest réalisé dans le cadre du projet de « Renforcement des capacités régionales de gestion de la pêche en Afrique de l’Ouest » (Recargao) de l’UICN et de la CSRP (Commission sous-régionale des pêches) ; ce projet fait lui-même partie du Programme régional de conservation de zone côtière et marine en Afrique de l’Ouest (PRCM). Les auteurs ont également bénéficié du soutien financier du programme européen de recherche internationale en coopération Ecost (Ecosystems, Societies, Consilience, Precautionary principle: development of an assessment method of the societal cost for best fishing practices and efficient public policies) pour l’approfondissement de certains éléments d’analyse. Le présent article ne reflète toutefois pas les positions de l’UICN et de la Commission européenne et n’anticipent pas sur leurs politiques futures dans ce domaine.
38 « Il s’agit de rixes mineures qui éclatent le 30 et le 31 mars 1989 entre des pasteurs nomades mauritaniens de l’ethnie peul et des agriculteurs sénégalais de l’ethnie soninké. Le 9 avril de la même année, le phénomène se reproduit et dégénère en de graves et tragiques incidents » (Dia, 2001).
39 Le réveil de l’irrédentisme en Casamance fait des centaines de victimes en plein jour dans la ville de Ziguin-chor. Elle a pris progressivement la forme d’un conflit armé entre le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) et le pouvoir hérité des accords d’indépendance de 1960. 2003 : décès de Sidhi Badji, secrétaire général du MFDC. Des négociations réelles pour la paix continuent. 30 décembre 2004 : signature d’un accord de paix entre le président Abdoulaye Wade et le secrétaire général du MFDC Augustin Diamacoune Senghor.
40 Malgré la signature d’un accord de paix entre le président sénégalais Abdoulaye Wade et le secrétaire général du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) Augustin Diamacoune Senghor le 30 décembre 2004.
41 Plus de 70 000 Sénégalais et 160 000 Mauritaniens retournent dans leur pays respectif.
42 N’étant pas pourvu d’embarcations destinées à la haute mer, ils n’ont pu que longer la côte sur de petites distances. Quelques-uns se sont joints aux pêcheurs de la Sierra Leone entre 1989 et 1991, puis ont migré ensemble vers la Guinée dès les premiers affrontements en mars 1991.
43 Doctrine politique des nationalistes italiens qui, après la formation de l’unité, ont réclamé l’annexion des territoires de langue italienne non encore libérés de la domination étrangère (« Italia irredenta »). Par analogie, tout mouvement national s’inspirant des mêmes principes.
44 En cela que les campements cessent d’être des lieux de rassemblement de réfugiés politiques où le flux migratoire est unilatéral (du pays en guerre vers les campements) pour devenir des lieux de confluence humaine et économique.
45 Environ 80 000 t en fonction des années (BINET et FAILLER, 2010).
46 L’intégration verticale est une stratégie économique par laquelle un même acteur contrôle plusieurs niveaux de la filière pour s’assurer de son approvisionnement ou réduire ses coûts de production. Dans les pêcheries artisanales, des financeurs peuvent ainsi subventionner l’achat d’embarcations et en même temps offrir des débouchés aux pêcheurs ; c’est le cas de la filière des ailerons de requins pour le marché asiatique.
47 L’inventaire des captures (par pays et par type de migration, ainsi que les lieux de débarquements associés) est réalisé pour la première fois en 2010 dans le cadre du programme de l’IUCN-CSRP.
48 Tout comme le fumage de poisson à partir de la coupe de tonnes et de tonnes de bois de mangrove concourt à la fragilisation de la frange littorale.
Auteurs
ORCID : 0000-0002-9225-9399
Économiste, Cemare, université de Portsmouth, United Kingdom. pierre.failler@port.ac.uk
Économiste, Cemare, université de Portsmouth, United Kingdom. thomas.binet@port.ac.uk
Économiste, Cemare, université de Portsmouth, United Kingdom. mame.a@hotmail.fr
ORCID : 0000-0002-8352-9609
Économiste du développement, université de Portsmouth, United Kingdom. sami.benassi@port.ac.uk
Géomaticien, Cemare, université de Portsmouth, United Kingdom. vincent.turmine@gmail.com
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